L'Eygues folle et tranquille - Géographie d'une rivière. Phénomènes de crues - Parc naturel régional des ...

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L'Eygues folle et tranquille - Géographie d'une rivière. Phénomènes de crues - Parc naturel régional des ...
L’Eygues   folle et tranquille

           Géographie
           d’une rivière.
           Phénomènes
           de crues.
L'Eygues folle et tranquille - Géographie d'une rivière. Phénomènes de crues - Parc naturel régional des ...
P
5    1 - L’Eygues, une rivière méditerranéenne
            1.1 Un peu de géographie…
6           1.2 Un contexte climatique méditerranéen.
6           1.3 Une rivière aux profils multiples.
7              1.3.1 La zone de réception : entre Oule et Armalause.
11             1.3.2 La zone de transfert : de Rémuzat à Tulette.
13             1.3.3 La zone de dépôt : de Tulette au Rhône.
15   2. « Crue et inondation » : présentation et caractéristiques
            2.1 Généralités.
17          2.2 Quelques enjeux et les impacts possibles d’une crue.
18          2.3 L ’évolution du risque crue et inondation :
                 les facteurs aggravants.
23          2.4 L ’évolution du risque crue et inondation :
                 les facteurs d’atténuation.
24          2.5 C hangement climatique : quels effets sur les pluies
                 et les risques de crue ?
27   3. « Quand gronde l’Eygues » : les crues historiques
34   4. Zoom sur les communes
           4.1 La Motte-Chalancon - 4.2 Rémuzat - 4.3 Sainte-Jalle
           4.4 Verclause - 4.5 Sahune - 4.6 Curnier - 4.7 les Pilles
           4.8 Aubres - 4.9 Nyons - 4.10 Vinsobres
           4.11 Saint-Maurice-sur-Eygues.
45   5. Vivre avec le risque
            5.1 La gestion du risque, les dispositifs existants.
47          5.2 Quelques sites « ressources ».
48          5.3 La sécurité des habitants : information
                 et comportements à tenir.
49          5.4 Une initiative citoyenne exemplaire :
                les riverains de la Sauve à Nyons.
50   6. Sources documentaires -
         Remerciements - Crédits photos
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Regards croisés
                        Les crues et leurs conséquences, parfois drama-                                    Le territoire des Baronnies Provençales est un petit
                        tiques, alimentent l’actualité de manière récurrente.                              paradis. Pourtant, il n’en est pas moins exposé
                        L’analyse des événements montre que, fréquemment,                                  ponctuellement à certains risques naturels importants.
                        l’ampleur des dégâts aurait pu être atténuée par une                               Chacun a en mémoire des évènements marquants
                        prise en compte collective des connaissances dispo-                                liés à des inondations imprévisibles, des éboulements
                        nibles sur les inondations. Trop souvent, la mémoire                               spectaculaires et autres glissements de terrain...
 DIDIER LAUGA                                                                       HERVÉ RASCLARD
                        des événements passés est oblitérée ou évoquée uni-                                Le futur Parc naturel régional des Baronnies
quement pour relativiser les études récentes, lorsqu’elles décrivent comme         Provençales est investi depuis plusieurs années dans des campagnes de
inondables des secteurs où « l’on a jamais vu d’eau ».                             sensibilisation des populations et des élus ; pour que ces risques soient
Le manque d’anticipation des événements, qui découle de cette attitude             mieux pris en compte localement, pour que les habitants n’oublient pas
passive face aux informations disponibles, trouve certainement son origine         les évènements passés et puissent réagir le cas échéant, voire prévenir
dans l’absence, en France, d’une culture commune de la prévention des              d’éventuelles catastrophes.
risques, basée sur la connaissance du fonctionnement des cours d’eau et la         Avec le soutien financier du programme européen interrégional CIMA-POIA
conscience de la vulnérabilité aux crues des personnes et des biens.               concernant l’arc alpin, et au travers de l’opération « Site pilote de Gestion
Ainsi, en affirmant que « la gestion des risques d’inondation est l’affaire de     Intégrée des Risques Naturels », nous avons souhaité travailler autour des
tous » la Stratégie Nationale de Gestion des Risques d’Inondation, publiée         risques d’inondation liés à l’Eygues et ses affluents.
par le Ministère de l’Ecologie du Développement durable et de l’Energie en         Cet ouvrage est une mine d’informations concernant les risques naturels,
octobre 2014, place le développement de la « culture du risque » au cœur de        les phénomènes de crue et les spécificités de nos rivières. Vous y trouverez
la politique de prévention. Cette ambition ne pourra se concrétiser que si les     également une présentation des risques de crue commune par commune
citoyens ont un accès facile à l’information. C’est déjà le cas dans la Drôme      et enfin des pistes pour s’informer sur les risques naturels auxquels votre
et le Vaucluse, où les sites Internet des services de l’Etat 1 présentent toutes   village peut être exposé.
les informations permettant de satisfaire aux obligations d’information des        Cette prise de conscience citoyenne est importante. L’exemple de l’action
acquéreurs et locataires (IAL).                                                    collective menée par des riverains de la Sauve en est un parfait exemple :
Mais, l’Etat ne peut et ne doit pas porter seul la politique de prévention         chacun à son niveau peut jouer un rôle pour une meilleure gestion du ou
des risques. En ce sens, la publication par le Syndicat Mixte des Baronnies        des risques auxquels il est exposé !
Provençales, d’une monographie des crues de l’E(A)ygues constitue une              En souhaitant que vous ayez plaisir à parcourir cet ouvrage et que chacun se
initiative exemplaire que je tiens à saluer. Les informations contenues dans       souvienne que « Là où la mémoire s’efface, la catastrophe survient ».
ce document permettront, à chaque habitant de mieux appréhender les crues
et de se préparer plus efficacement à y faire face. Ainsi, ce travail répond au    Hervé RASCLARD - Président du Syndicat Mixte des Baronnies Provençales
souhait de la Ministre de l’Ecologie de ne plus subir les inondations, mais de
se préparer à leur survenue en anticipant leurs conséquences 2.                    1 - www.drome.gouv.fr et www.vaucluse.gouv.fr
                                                                                   2 - Présentation de la Stratégie nationale de gestion des risques d’inondation, le 10 juillet 2014,
Didier LAUGA - Préfet de la Drôme                                                       par Madame Ségolène Royal, Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie
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                                    « De l’Eygues a l’Aygues >>
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                                     -
 1 - L ’ E y g u e s , u n e r i v i e r e m e- d i t e r r a n e- e n n e

1.1 U
     n peu de géographie…

L’Eygues est une rivière méditerranéenne qui prend
sa source dans les Préalpes au cœur des Baronnies
Provençales, sur le versant de la montagne de                                Vue générale du bassin versant de l’Eygues
                                                                             et de son enveloppe de crue** centennale.
Peylan (commune de Chauvac-Laux-Montaux).
                                                                             (Source documentaire : IGN - SMBP)
Après un parcours d’environ 100 km, elle se jette
dans le Rhône à hauteur de la ville d’Orange. Cette
rivière, avec le concours de ses principaux affluents
que sont l’Armalause, l’Oule, l’Ennuye, le Bentrix,
la Sauve, le Rieu et le Béal forme un vaste bassin
versant de presque 1 100 km2.

Bassin versant de l’Ennuye                                                                                 * Bassin versant : aire délimitée par une ligne de partage
Exemple de bassin versant
(Source documentaire :
                                                                                                           des eaux, à l’intérieur de laquelle toutes les eaux tombées
IGN BdORTHO & BdALTI - SMBP)                                                                               alimentent un même exutoire.
                                                                                                           * * Enveloppe de crue : représentation du niveau maximal
                                                                                                           atteint par les eaux lors d’une crue.
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Selon les deux grandes unités géographiques que                  Cependant, certains affluents situés sur les            L’Eygues peut subir des périodes d’étiage très
l’Eygues traverse on distingue :                                 premières pentes des Préalpes, en aval immédiat         sévères en été avec des débits de quelques mètres
                                                                 de Nyons, conservent un caractère torrentiel.           cubes à Nyons et des assecs fréquents aux environs
Le Bassin amont
                                                                 Sur cette zone géographique, seulement deux             du village de Cairanne. À l’opposé, les périodes
• Il couvre 700 km2 de moyennes montagnes
                                                                 affluents sont relativement significatifs en période    de l’année les plus pluvieuses sont le printemps
Préalpines (max 1757 m, Le Duffre), caractérisé
                                                                 de crue : la Sauve et le Rieu Sec.                      et l’automne, avec des possibilités de pluies très
par des vallées étroites et des versants pentus qui
                                                                 Ce qui explique que le débit donné (étude SOGREAH       violentes de type « Cévenoles », sur cette dernière
donnent aux cours d’eau un caractère torrentiel.
                                                                 1996) pour la crue centennale soit très peu différent   saison. L’Eygues peut connaitre ainsi, en période
Cette zone géographique, située en amont du verrou
                                                                 que l’on se trouve à Nyons (900 m3/sec) ou à            de crue, des débits très importants qui vont jusqu’à
de Nyons, compte avec l’Armalause, l’Oule, l’Ennuye
                                                                 Orange (950 m3/sec).                                    100 fois son débit moyen à Nyons et bien davantage
et le Bentrix, les affluents les plus significatifs
                                                                                                                         comme lors de la crue historique de 1868.
du bassin puisque l’essentiel des écoulements
alimentant l’exutoire d’Orange sont collectés sur ce
bassin amont.
Le Bassin aval
• Il couvre 400 km2 en vallée du Rhône caractérisé               1.2 U
                                                                      n contexte climatique                             1.3 Une rivière aux profils multiples
par de petits massifs (max 552 m), plus ou moins                     méditerranéen
incisés, bordant une plaine alluviale très large qui
favorise des écoulements moins violents et où les                Le bassin versant de l’Eygues connait un climat         Malgré le grand nombre de sous-bassins très
lits mineur, moyen et majeur* de la rivière sont bien            méso à supra-méditerranéen de l’aval vers l’amont,      différents qui composent le Bassin de l’Eygues, on
marqués par la présence de talus.                                avec des tendances montagnardes dans certains           peut décrire son fonctionnement et sa dynamique
                                                                 secteurs d’altitude. Les cumuls de précipitations       selon le schéma suivant qui présente 3 grandes
                                                                 augmentent vers l’amont avec des valeurs                zones aux fonctions différentes.
                                                                 moyennes sur la période 1971-2010 suivantes :
                                                                 725 mm à Orange, 832 mm à Nyons et 918 mm
* Lit mineur d’un cours d’eau : espace occupé en                 à Rémuzat.
permanence par un cours d’eau.
Lit majeur : aussi appelé « lit d’inondation », c’est l’espace
voisin du chenal d’écoulement qui n’est inondé qu’en cas
de crue.
Lit moyen : espace intermédiaire entre les lits mineurs et
majeurs.
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1.3.1 La zone de réception : entre Oule et Armalause

                                             Le grand bassin de réception et de production
                                             concentre les pluies les plus intenses. Il se caractérise
                                             par un paysage de moyenne montagne, délimité par
                                             des lignes de crêtes bien marquées.
                                             L’érosion y est très forte. Les matériaux arrachés et
                                             mis en mouvement par le ruissellement et la gravité
                                             seront usés et transportés sur de très longues
                                             distances en fonction de la pente et du débit du cours
                                             d’eau.
                                             Géographiquement, on retrouve globalement ces
                                             caractéristiques en amont de la zone où l’Oule rejoint
                                             l’Eygues, c’est-à-dire en amont de la confluence
                                             de ces deux rivières située à Rémuzat. Ces
                                             caractéristiques se retrouvent également, mais de
                                             façon moins marquée, sur le sous-bassin de l’Ennuye.
        Fonctionnement du bassin versant
               de l’Eygues. (© SMBP)
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    ZONE DE RÉCEPTION
                                                                                                      ❶
                                             C’est sur cette zone de
                                             550 km2 qu’est collecté
                                             l’essentiel des pluies
                                             nécessaires à la forma-
                                             tion des crues torren-
                                             tielles du bassin.
                                             Des crues qui pos-
                                             sèdent, sur les berges
                                             de la rivière, un pouvoir
                                             érosif important lié à la                               Érosion de berge d’une terrasse alluviale au premier
                                             vitesse et la violence                                  plan - au second plan : versant à très forte pente dont
                                             des écoulements.                                        les couches de calcaire sont incisées par une forte
                                             La photographie ❶ en                                    érosion (rive droite de l’Eygues, Verclause). (© SMBP)
                                             est l’illustration.
                                                                         Fonctionnement des
                                                                         petits bassins versants à
                                                                         forte pente : les bassins
                                                                         torrentiels
                                                                         Sur ce type de bassin à
                                                                         fortes pentes, on trouve
                                                                         les torrents qui coulent
                                                                         dans des vallées très
                                                                         courtes en morcellant
                                                                         les montagnes en
                                                                         contreforts ou ravins.
Paysages de moyenne montagne constitués                                                              Contreforts du bassin de réception du torrent de la
de calcaires marneux fortement marqués par                                                           Merderie.(commune de Montréal-les-Sources).
l’érosion dûe aux ruissellements. (© SMBP)                                                           (© SMBP)
L'Eygues folle et tranquille - Géographie d'une rivière. Phénomènes de crues - Parc naturel régional des ...
9

                                                          Lors d’orages ou
                                                          de pluies violentes,
                                                          les torrents peuvent
                                                          connaître des crues
                                                          très brutales (rapides
                                                          dans le temps) et
                                                          très importantes (en
                                                          volume) qui s’accom-
                                                          pagnent d’un transport
                                                          important de maté-
                                                          riaux solides suivi de
                                                          leurs dépôts.

Dépôt de gros blocs de roche transportés par les
crues du torrent de Merderie (Montréal-les-Sources) -
Le lit du torrent est constitué par la roche mère suite
au décapage réalisé par le courant - seul demeurent
les gros blocs, qui attendent les eaux chargées de la                    Principe de fonctionnent du torrent   On retrouve sur ces bassins torrentiels les trois
prochaine crue majeure, aptes à les remobiliser.                                      (© SMBP)
                                                                                                               zones fonctionnelles décrites précédemment qui
(© SMBP)
                                                                                                               se relaient de l’amont vers l’aval : le bassin de
                                                                                                               réception et d’alimentation, le chenal de transfert
                                                                                                               (ou d’écoulement) et une zone de dépôt qui prend
                                                                                                               la forme d’un cône de déjection.
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     ZONE DE RÉCEPTION

                                                             Un cône de déjection               Caractéristiques de certains bassins versants de taille réduite mais ayant
                                                             qui, selon son épaisseur           des écoulements de type torrentiel (source documentaire : PPRi Eygues)
                                                             et son avancée dans la
                                                             rivière, peut perturber les        Cours   Lieu
                                                                                                       Crue  Surface Linéaire   Pente(2)                                                          Crue    Temps de
                                                             écoulements de celle-ci            d’eau
                                                                                                      décen- Bassin  rivière(1)    du                                                            centen- concentra-
                                                             en lui faisant barrage, no-        		 Versant
                                                                                                       nale            (km)     linéaire                                                          nale      tion(5)
                                                             tamment lorsqu’elle est            		(km2)		 (%)
                                                                                                      Q10(3)                                                                                     Q100(4) (heure, min)
                                                             en crue.

                                                                                                     (m3/sec)                                                                                   (m3/sec)

Cône de déjection (de taille très modeste) (3) du
                                                             Un cône dont les zones
                                                                                                La Sauve              Nyons             22            11.4            7.8            35            147           1h51
ravin de Laranie (Verclause), en partie remobilisé par       situées en contrebas du
                                                             lit perché de son torrent          Le Rieu Sec        Mirabel-aux-        11.6            7.2            8.2            25            102           1h16
l’Eygues, avec en arrière-plan, de l’aval vers l’amont, le                                                          Baronnies
chenal d’écoulement (2) et le bassin de réception (1).       peuvent être inondées en
(© SMBP)                                                     cas de débordement de              Le Coriançon        Vinsobres           7.2            5.4            5.1            17             68           1h10
                                                             celui-ci.                          La Combe           St-Maurice-           3             4.2            4.9            16             48          53 min
                                                             Très souvent ce cône de            Boutin             sur-Eygues
                                                             déjection reste une pro-           La Moye             Vinsobres           2.6            3.5            5.1             9             32          45 min
                                                             blématique dans la ges-            Ravin                 Nyons              1             1.7            9.7             5             15          21 min
                                                             tion du risque inondation.         du Ruinas
                                                                                                Draye                 Nyons             0.9            2.8           20.6             6             18          21 min
                                                                                                des Antignans
                                                             Remarque : on a l’habitude         Draye                 Nyons             0.7            2.2           25.7             5             19          15 min
                                                             de classer et nommer les           des Ruines
                                                             cours d’eau en fonction de         Draye                 Nyons             0.4            1.6           27.2             3             10          12 min
Matériaux charriés et déposés par un petit torrent           leur pente et dynamique            de Meyne
sorti de son lit (bassin amont de la Sauve, Venterol)
                                                             liée à celle-ci. Ainsi, pour
- Ce transport s’apparente au phénomène de lave                                                 (1) : Longueur du cheminement de la rivière.
                                                             une pente :
torrentielle, comme on peut en retrouver dans les                                               (2) : 1% de pente correspond à 1 mètre de dénivelé en moins pour 100 mètres parcourus.
Alpes, provoqué par la mise en mouvement d’une               > à 6 % il s’agit de torrent,      (3) : L e temps de concentration est le temps écoulé entre le début d’une précipitation et l’atteinte du débit maximal à
                                                                                                      l’exutoire du bassin versant. Il correspond au temps nécessaire pour permettre à l’eau de ruisseler du point le plus
nappe de blocs de pierre de tailles variées en               < à 6 % de rivière torrentielle,         reculé du bassin versant jusqu’à l’exutoire.
présence d’une certaine quantité d’eau et de boue.                                              (4) : Une crue décennale est une crue dont la probabilité de réalisation (survenue) est de 1/10 chaque année.
(Source photographique : Ph. COMBES)
                                                             < à 1.5 % de rivière.              (5) : Une crue centennale est une crue dont la probabilité de réalisation (survenue) est de 1/100 chaque année.
11

1.3.2 La zone de transfert : de Rémuzat                  Cet espace présente une unité hydrologique. Les         Rémuzat et Sahune, l’Eygues est contrainte dans
       à Tulette                                          paysages sont toutefois très différents de part et      d’étroites gorges de calcaire massif (datant du
    ZONE DE TRANSFERT
                                                          d’autre du « verrou » de Nyons. En amont, entre         tithonique) qu’elle a creusées au cours du temps.

                                                          Zone de divagation de l’Eygues (amont de Les Pilles).   Versant fortement incisé du torrent de la Merderie
                                                          (© SMBP)                                                (Montréal-les-Sources). (© SMBP)

 Gorges creusées par l’Eygues dans le calcaire massif
 datant du tithonique (Sahune - Villeperdrix). (© SMBP)

                                                          À partir de Sahune, la vallée s’élargit et l’Eygues     On peut y découvrir de nombreux ravins qui drainent
                                                          trouve par endroit, avec l’élargissement de son lit,    les versants des vallées des différents sous-bassins
                                                          des espaces « de divagation », comme peut l’être        en provoquant leur érosion et en contribuant à
                                                          le secteur en amont du village des Pilles, à la         l’apport de matériaux solides dans les différents
                                                          confluence du Bentrix et de l’Eygues :                  cours d’eau.
                                                          Cette partie de la zone de transfert comporte des       Ces matériaux sont ensuite charriés selon l’intensité
                                                          affluents de type « torrentiels », issus de petits      des crues vers le cours d’eau principal « l’Eygues »
                                                          bassins versants dont la superficie s’exprime en        qui pourra alors les remobiliser pour un long transit
                                                          dizaine de km² (Merderie, Bentrix, etc.).               vers le Rhône.

                                                                                                                  * Verrou : rétrécissement, étranglement ponctuel du lit
                                                                                                                  majeur d’un cours d’eau.
12

     ZONE DE TRANSFERT

Comparaison du lit de l’Eygues entre mai et
                                                                                                     Mai 2013                            Octobre 2013
octobre 2013 :
Ces 2 photographies prises au même endroit à
2 dates différentes illustrent la capacité de
transport de la rivière et le rôle des crues dans
ce phénomène.
• Le cliché pris au mois de mai montre un
dépôt ou atterrissement de gravier résultant de
2 crues moyennes.
         •
          Le cliché pris en octobre, après
          une crue importante de l’Eygues
          (80 mm de précipitations à Nyons,         Exemple de transport ou charriage de matériaux par l’Eygues. (© SMBP)
          74 à Bésignan et 67 à Rémuzat
          pour la journée du 20 octobre) met
          en évidence l’enlèvement d’une
          très grande quantité de graviers par
          la rivière (15 m de large, sur une
          épaisseur allant jusqu’à 1,5 m).
Ce gravier se sera ensuite déposé plus en aval
profitant d’un ralentissement du courant.                                                                                   En Aval de Nyons, une
                                                                                                                            fois le verrou franchit,
                                                                                                                            le paysage de vallée
                                                                                                                            disparaît pour se trans-
                                                                                                                            former en une plaine
                                                    Transition paysagère, amont /                                           alluviale plus ou moins
                                                       aval du verrou de Nyons.                                             resserrée.
                                                               (© SMBP)
13
                                     Une rivière « vivante » :
                                  exemple d’évolution du lit
                          de l’Eygues là où elle commence
                                    à se « tresser ». (© SMBP)

                                                                                                                               Ci-dessous : Schéma de la plaine alluviale
En direction de Tulette, passé le village de Vinsobres,                                                                         et des différents lits de la rivière. (© SMBP)
la transition est encore plus marquée. Les reliefs
encaissés diminuent pendant que la plaine et le lit
de la rivière gagnent progressivement en largeur.
Avec cet espace gagné, la rivière peut divaguer
au sein de son lit mineur et donner les premières
images d’une rivière « en tresse ».
Cependant, l’élargissement du lit majeur de
l’Eygues n’est pas suffisant pour dissiper l’énergie
des crues qui conservent leur pouvoir érosif sur les
berges et leur capacité de charriage de matériaux                1.3.3 La zone de dépôt : de Tulette au Rhône
solides provenant de l’amont.
                                                                 Cette zone est un tronçon de l’Eygues, à très faible    délimitent des terrasses (anciennes et alluviales),
                                                                 pente, situé entre Tulette et sa confluence avec le     ils résultent de la dynamique des différentes crues
  «18 avril 1868, l’Eygues en crue en aval de Nyons».            Rhône. Le paysage se caractérise par une très large     morphogènes (« qui ont façonné ces berges »).
                Fonds Laurens, BM Carpentras                     plaine alluviale bordée par de petits massifs incisés   Ainsi, on associe le lit majeur aux limites maximales
                                                                 et de très faibles altitudes.                           de débordement de la rivière que l’on appelle
                                                                 Les différents lits sont marqués par des talus qui      également zone d’expansion des crues.
14

                                                         Éléments de comparaison : caractéristiques des principaux bassins et affluents de
                                                         l’Eygues (source : Étude SOGREAH-SIEE 1996)

                                                         Cours   Lieu
                                                                Crue  Surface Linéaire   Pente(2)                                                        Crue      Crue     Temps de
                                                         d’eau
                                                               décen- Bassin  rivière(1)    du                                                          centen- historique concentra-
                                                         		 Versant
                                                                nale            (km)     linéaire                                                        nale    (m3/sec)      tion
                                                         		(km2)		 (%)
                                                               Q10(3)                                                                                   Q100(4) 		         (heure, min)

                                                              (m3/sec)                                                                                 (m /sec)
                                                                                                                                                          3

                                                         L’Eygues            Rémuzat           202             29           3.36           140           400             500            11h
                                                                             St-May            473             39           2.68           263           700            1000            17h
  Plaine alluviale de l’Eygues                                               Nyons             750             60           1.95           350           900            1400            23h
      en amont d’Orange.
(Source : IGN BdORTHO & BdALTI - SMBP)                                       Orange           1100            107           1.31           370           950            1400            30h
                                                         L’Oule              Rémuzat           247             33           3.03           170           460             500            12h
C’est sur cette zone, où les crues sont amorties, que    L’Ennuye            Curnier           100             20           4.35            85           250             375            7h
les principaux matériaux arrachés plus en amont          Le Bentrix          St-Ferréol-        70			45                                                  140             200
se déposent sous la forme de gravier, sable et                               Trente-Pas
limon. Un dépôt permis par le ralentissement des
écoulements, consécutif à la diminution de la pente      (1) : Longueur du cheminement de la rivière.
et à l’élargissement du lit. Matériaux, qu’un Rhône      (2) : 1 % de pente correspond à 1 mètre de dénivelé en moins pour 100 mètres parcourus.
                                                         (3) : Le temps de concentration est le temps écoulé entre le début d’une précipitation et l’atteinte du débit maximal à l’exutoire du
sauvage, non domestiqué par l’homme, pourrait                  bassin versant. Il correspond au temps nécessaire pour permettre à l’eau de ruisseler du point le plus reculé du bassin versant
remobiliser et conduire à la mer.                              jusqu’à l’exutoire.
                                                         (4) : Une crue décennale est une crue dont probabilité de réalisation (survenue) est de 1/10 chaque année.
Les crues sont ici beaucoup moins violentes que sur      (5) : Une crue centennale est une crue dont probabilité de réalisation (survenue) est de 1/100 chaque année.
l’amont. En contrepartie, de par leur étalement, elles
                                                         Remarques :
affectent une plus grande surface.
                                                         Les valeurs de débits et de temps données dans ce tableau sont des estimations réalisées à partir de formules empiriques, de
                                                         modélisation et de déductions.
                                                         Les valeurs de la crue historique ou extrême sont sujettes à caution car la situation géomorphologiques de l’Eygues à l’époque
                                                         considérée était certainement différente de l’actuelle. Il est ainsi difficile, à partir des hauteurs d’eau connues,de calculer des débits
                                                         avec des indices de confiance très satisfaisants.
15
2 - crue et inondation :
   ^
   ^

                               ^
                               ^
 Ca r a c t e- r is t i ques g e- nera
                                   - l e s d u risqu e.

                                     2.1 Généralités

                                     La crue est la résultante de précipitations              À ces principes de formation plus ou moins
                                     abondantes qui vont être recueillies par l’ensemble      aléatoire des crues, il faut ajouter quelques notions
                                     d’un bassin versant et concentrées à son exutoire.       sur les écoulements de la crue qui donnent toute la
                                     Ces précipitations peuvent prendre différentes           dangerosité de ce phénomène.
                                     formes comme celle de pluies courtes et intenses         Lorsque les débits de crue à évacuer dépassent
                                     (de quelques heures à une journée) ou encore             la capacité d’écoulement du lit mineur, les eaux
                                     de pluies dites « habituelles » mais qui durent          envahissent alors le lit majeur ou débordent sur
                                     plusieurs jours.                                         les terrains environnants. Alors, tout obstacle à
                                     Ces précipitations ne tombent pas uniformément sur
                                                                                              l’écoulement situé dans les lits mineur ou majeur
                                     l’ensemble du bassin versant, lui-même constitué
                                                                                              aura des répercussions négatives sur la crue
                                     de nombreux sous-bassins dont les « temps de
                                                                                              comme :
                                     réponse » sont différents. Le temps de concentration
                                                                                              • l’augmentation des hauteurs d’eau à l’amont ;
                                     des eaux d’un bassin varie en fonction de la forme,
                                                                                              • l’accroissement de la durée de submersion ;
                                     la pente, la géologie des terrains, l’humidité du sol
                                                                                              • la création de remous et courants induits qui
                                     et le couvert végétal.
                                                                                                 intensifient les phénomènes d’érosion ;
                                     Ainsi, à pluviométries identiques, pourront
                                                                                              • l’écoulement brutal et violent dans le cas de la
                                     correspondre des comportements différents des
                                                                                                 formation d’un barrage et de sa rupture (embâcle/
                                     cours d’eau, selon que le plus fort de la pluie
                                                                                                 débâcle) ;
                                     soit tombé sur tel ou tel sous-bassin, ou selon
                                     que les sous-bassins auront répondu de façon             • etc.
                                     concomitante (simultanément) ou décalée.                 Ces divers éléments mettent en évidence la
                                     Il est ainsi difficile de prévoir des scénarii de crue   complexité que l’on peut rencontrer dans la
                                     d’autant plus que la rivière « vit » et remodèle         définition d’un déroulement de crue type, ou
                                     son lit fréquemment et que les phénomènes                dans les prévisions de l’évolution d’une crue en
                                     météorologiques peuvent évoluer avec le temps            cours ; des conditions climatiques identiques
                                     et sont parfois imprévisibles ou difficilement           pouvant engendrer des phénomènes hydrauliques
                                     imaginables.                                             différents.
16

Les critères de dangerosité d’une crue                       •
                                                              La durée de submersion : elle représente le
accompagnée d’un débordement sont :                           temps pendant lequel un secteur reste inondé
                                                              (évacuation gravitaire de l’eau). Elle est donc
• La hauteur de submersion : elle est représentative
                                                              significative de la durée d’isolement de personnes
   des risques pour les personnes (isolement,
                                                              ou de dysfonctionnements d’une activité.
   noyades) et pour les biens (endommagement)
   par action directe (dégradation par l’eau) ou             • Le lieu de la submersion avec la présence ou non
   indirecte (mise en pression, pollution, court-               d’enjeux plus ou moins vulnérables.
   circuit, etc.).
                                                             Le risque résultant du croisement, sur une zone            La formule du risque crue
•
 L a vitesse d’écoulement : elle peut varier
                                                             géographique, entre un aléa et un enjeu est                      et inondation.
 fortement en un même site selon le moment de                                                                                   (© SMBP)
                                                             représenté avec la formule suivante :
 la crue. Elle caractérise le risque de transport
 des objets légers ou non arrimés, ou de risque              RISQUE = *ALEA X **ENJEU (+ ou - vulnérable)
 de ravinement de berges ou remblais. Elle a
 une influence considérable sur la sécurité des
 personnes.

* On entend par Aléa la manifestation d’un phénomène naturel comme une crue consécutive à un phénomène
météorologique marquant. Cet aléa est caractérisé par sa probabilité d’occurrence ou de réalisation (décennale,
centennale, etc.) et l’intensité de sa manifestation (durée, hauteur et vitesse de l’eau).
** Les Enjeux (+ ou - vulnérables) ce sont les vies humaines, les habitations, les différents réseaux (routiers,
communication, eau, énergies), les entreprises, les équipements collectifs, les terrains agricoles et les récoltes ou
troupeaux, susceptibles d’être impactés par une crue ainsi que les conséquences économiques et sociales (perte ou
réduction : d’activité, de services marchands et non marchands, etc.).
17

2.2 Q
     uelques enjeux et les impacts possibles d’une crue :                                            Le risque de crue et d’inondation (comme tous les risques) peut évoluer à la
                                                                                                      hausse ou à la baisse. Ceci en fonction des variations de l’intensité de l’aléa, et
                                                                                                      du niveau d’exposition et de vulnérabilité des enjeux.

Vergers en partie détruit par la crue de la Sauve en    Route détruite par la crue de la Sauve en 1993                             Tentative de désobstruction du gué Aubery lors de la
1993 (Venterol). (Source photographique : Ph. COMBES)   (Venterol). (Source photographique : Ph. COMBES)                           crue de 2003 sur l’Oule (La Charce). Restauration du
                                                                                                                                   gué. (Source photographique : SIDRESO)

Pont sur la Sauve en                                                                                                               Déchaussement par la
1993, érosion de la                                                                                                                crue de 1993 d’un puits
berge en rive gauche au                                                                                                            situé initialement dans
niveau de la culée du                                                                                                              un verger au bord de la
pont (Nyons).                                                                                                                      Sauve (Venterol).
(Source photographique :                                                                                                           (Source photographique :
Ph. COMBES)                                                                                                                        Ph. COMBES)
                                                        Dégâts matériels dans une habitation de Ste-Jalle, crue
                                                        du 22 sept. 92.
                                                        Photo X, collection Guy Teste, fonds Mémoire de la Drôme (29 MD TESTE 7)
18

2.3 L ’évolution du risque crue et inondation : les facteurs aggravants

Parmi les causes qui font croître le risque                        Comment s’exhausse le lit de la rivière ?             cours d’eau ou aux aménagements réalisés sur
inondation, le phénomène d’exhaussement du                         L’exhaussement du lit de la rivière est lié à la      celui-ci comme par exemple :
lit du cours d’eau est un facteur important qui                    formation d’atterrissements qui résultent de dépôt    • Dans la courbe interne d’un méandre, où la
aggrave le niveau de l’aléa. Il s’agit dans les faits              de matériaux solides charriés par la rivière lors        vitesse du courant décroit ;
d’une élévation plus ou moins complète du lit de                   des crues. Ces dépôts se font de façon continue       • Dans les secteurs ou la pente s’affaiblit ;
la rivière qui se répercute sur la hauteur de la ligne             sur un secteur ou localement en fonction du           • Dans les élargissements du lit mineur, l’eau en
d’eau et favorise alors les débordements en cas de                 ralentissement des écoulements de la rivière.            s’étalant perd de la vitesse ;
crue.
                                                                   Ainsi, les zones d’atterrissements sont directement   • En amont ou en aval des piles d’un pont, où
Au fil du temps, il arrive très souvent que les exhaus-            liées aux caractéristiques morphologiques du             généralement le lit s’élargit.
sements situés hors de l’eau se boisent et se fixent.
Ils peuvent nuire alors au bon écoulement des eaux
et peuvent également être la source d’embâcles
potentiels (dans le cas ou leur végétation serait ar-
rachée lors d’une crue importante et contribuerait
à la création d’un barrage plus en aval).

                      Atterrissement de graviers sur la partie
                                        gauche du lit de l’Oule.
                     L’espace entre le lit et le tablier du pont
                 s’est réduit : la hauteur de débordement est
                 moindre et des embâcles de grandes tailles
                                peuvent être retenus au niveau
                                               du pont. (© SMBP)
19

Une autre cause qui peut fait croître le risque est       Comment se réduit l’espace de liberté des cours              Exemple de réduction de
la réduction de l’espace de liberté des cours d’eau,      d’eau ?                                                  l’espace de liberté de l’Eygues.
                                                                                                                       (Source photographique : IGN)
c’est-à-dire le rétrécissement du lit majeur. En effet,   La réduction de l’espace de liberté des cours d’eau
ce phénomène limite la possibilité d’étalement            est due le plus souvent à l’action de l’homme,          Comparaison de la largeur du lit
des hautes eaux qui prennent alors de la vitesse          qui, au cours des derniers siècles, a cherché à         de l’Eygues entre 1947 et 2001 :
et vont impacter les zones situées plus en aval.          bénéficier des services rendus par la rivière tout en   En comparant la même vue
L’énergie gagnée ainsi par l’eau, pourra se traduire                                                              aérienne prise en 1947 et
                                                          s’en protégeant par l’édification de digues de plus
par des débordements plus violents, des érosions                                                                  2001 on peut observer que
                                                          en plus hautes et larges.                               l’implantation d’une zone
plus intenses sur les berges et un creusement (ou
                                                                                                                  d’activité en rive droite de l’Eygues
incision) prononcée du lit.
                                                                                                                  et sa protection (en jaune) contre
                                                                                                                  les crues ont diminué la largeur
                                                                                                                  moyenne du lit majeur et réduit
                                                                                                                  ainsi l’espace de liberté ou de
                                                                                                                  divagation de la rivière (aval du
                                                                                                                  pont de Cairanne).

   1947                                                                                   2001
20

                                                               1947
                                                                                                                                                    Autre exemple de
                                                                                                                                                  réduction de l’espace
                                                                                                                                                  de liberté de l’Eygues.
                                                                                                                                                 (Source photographique : IGN)

L’homme n’est pas le seul responsable de la                                                                                                     Comparaison de la largeur
réduction de l’espace de liberté de la rivière. Souvent,                                                                                        du lit de l’Eygues entre
ce phénomène se réalise naturellement par le                                                                                                    1947 et 2002 :
développement de la végétation, dans le lit ou le long                                                                                          En comparant la même
                                                                                                                                                vue aérienne prise en
des berges du cours d’eau.
                                                                                                                                                1947 et 2002, au pont de
Une végétation qui, en l’absence de crue suffisam-                                                                                              St-Roman-de-Mallegarde,
                                                               2002
ment morphogène pour nettoyer le lit, s’installe                                                                                                on peut observer une
durablement. Ce phénomène de végétalisation du                                                                                                  très forte réduction de la
lit majeur s’observe quel que soit la morphologie et                                                                                            largeur du lit de l’Eygues
la dynamique du cours d’eau, aussi bien en partie                                                                                               liée au boisement des
amont qu’en aval de l’Eygues.                                                                                                                   bords de son lit moyen.
                                                                                                                                                Comme on peut le deviner
Il est favorisé par l’incision des cours d’eau qui réduit                                                                                       en examinant la rive droite
l’étalement et l’action « auto-nettoyante » des crues                                                                                           de l’Eygues en aval du
dans le lit majeur.                                                                                                                             pont sur la photo de 1947,
                                                                                                                                                le lit devait être beaucoup
                                                                                                                                                plus large avant cette date.

                                                            Un autre phénomène peut faire croître le risque         et les digues. Le courant peut alors affouiller les
                                                            inondation sans influer cette fois sur l’aléa mais      ouvrages au niveau de leurs bases et provoquer leur
                                                            sur le niveau de vulnérabilité ou de protection des     déstabilisation voire leur effondrement ou rupture et
                                                            enjeux. En ce sens, l’incision du lit du cours d’eau,   les rendre inopérants. Dans le cas d’une digue, les
                                                            c’est dire le creusement du lit de la rivière peut      enjeux se retrouvent alors directement exposés à
                                                            conduire à une mise à nu du pied des différents         l’aléa et redeviennent vulnérables.
                                                            ouvrages construits sur la rivière tels que les ponts
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Comment se creuse le lit de la rivière ?                                                                        Comment se forment les embâcles ?
La réduction de la largeur du cours d’eau n’est           Un autre phénomène, qui peut faire croître le         Les embâcles résultent de l’accumulation d’objets
pas le seul élément responsable de l’enfoncement          risque, est celui de la formation d’embâcles,         très divers (voitures, cuves, arbres, balles de foin,
du lit de la rivière, car le facteur principal est        c’est-à-dire la formation d’un « barrage », plus ou   etc.) et de débris plus ou moins flottants, retenus
l’extraction de gravier destiné à l’industrie du          moins filtrant, sur le cours de la rivière en crue.   sur un obstacle situé dans le lit ou coincés au
bâtiment et à l’activité des travaux publics.             Ces embâcles peuvent provoquer l’élévation du         niveau d’un rétrécissement de la rivière (pont,
L’extraction de granulats est de nos jours effectuée      niveau de la ligne d’eau et une inondation en         goulet, etc.).
dans un cadre réglementaire particulier de lutte          amont du point de « barrage ». En cas de rupture      À la Motte-Chalancon, exemple d’embâcle bien
contre les inondations. S’ajoute un autre facteur         de l’embâcle ou débâcle, des écoulements              particulier résultant d’un couplage de deux
qui a amplifié l’effet de ces extractions, celui de       très violents peuvent être induits en aval. Les       phénomènes naturels : des pluies très abondantes
la reconquête des versants des montagnes par la           embâcles présentent également une menace              et un glissement de terrain.
forêt, qui, en réduisant le ruissellement, a réduit       pour la stabilité des ouvrages sur lesquels ils
les apports de matériaux solides à la rivière. C’est      prennent forme.                                       En 1829, à la suite d’un automne très pluvieux,
ainsi que la rivière peut se creuser, le charriage de                                                           un glissement de terrain se produisit en amont du
matériaux étant supérieur aux apports des versants                                                              village de la Motte-Chalancon, sur le flanc de la
et des érosions de berges.                                                                                      montagne en rive gauche de l’Oule. Une masse
                                                                                                                de terrain de 500 m de large sur 1 200 à 1 500 m
                                                                                                                de hauteur commença à glisser dans la nuit du
Sur l’Eygues, la semelle de cet enrochement de
protection, normalement enfouie sous le lit, a été mise
à jour du fait de l’enfoncement du lit. (© SMBP)

                                                                Incision du lit le l’Eygues au niveau du pont         Embâcles sous une des arches constitués
                                                                roman de Nyons (- 2 m) qui met à jour les             par des végétaux de grandes tailles et
                                                                bases de cet ouvrage et les expose à un               affouillement du seuil au pont de Cornillon.
                                                                affouillement par la rivière. (© SMBP)                (Source photographique : SIDRESO)
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                                                                                                                             Exemple d’urbanisation (Nyons) se
                                                                                                                          développant dans le lit majeur de l’Eygues.
                                                                                                                                    (Source photographique : IGN)
31 octobre au 1er novembre, et sa progression                 Une autre manière de faire croître le risque, sans
                                                                                                                       Comparaison de l’occupation d’une zone à risque
dura plusieurs jours. Au 4 novembre, une grosse               que l’aléa augmente, est l’exposition des enjeux à       en 1947 et 2001 :
partie du terrain s’arrêta dans le lit de l’Oule en           la menace ou à l’aléa d’une façon plus ou moins          La limite approximative du lit majeur de l’Eygues
l’obstruant sur 150 m de son linéaire et sur toute            directe.                                                 est matérialisée par la ligne jaune qui correspond
sa largeur. Les eaux ainsi interceptées formèrent             En effet, pour que le risque crue et inondation          au tracé du canal de la grande Prairie qui daterait
rapidement un lac qui atteignit des dimensions                existe il faut qu’existe également un ou des enjeux      au moins du XIV e siècle (les aménageurs de
                                                                                                                       l’époque installaient les canaux d’irrigation
respectables : 1 000 m de longueur, 100 à 200 m               exposés, sinon il ne s’agit que d’un phénomène
                                                                                                                       en limites supérieures du lit majeur des rivières afin
de large et 10 à 12 m de profondeur maximale. Il              naturel qui ne menace rien et personne (tout au          d’éviter leur engravement par les crues majeures).
n’y eu aucune rupture brutale de cet épais barrage            moins au regard du jugement humain).                     • E n 1947 l’aléa crue et inondation ne concerne
constitué de rochers, de tronc d’arbres et de                 Au cours de l’urbanisation des villages et des villes,      que des terrains et bâtiments agricoles,
boues, qui aurait pu avoir des conséquences plus              l’homme a placé progressivement ses enjeux dans             et quelques habitations.
que fâcheuses sur les zones situées en aval. Le lac           des zones inondables. L’homme en créant ainsi le         • En 2001, une cinquantaine d’année plus tard,
se résorba rapidement en quelques mois grâce au               risque, a dû, pour vivre avec, le rendre acceptable         l’urbanisation galopante a exposé de très
                                                                                                                          nombreuses habitations à la menace
travail d’infiltration, de délavement et d’érosion de         en s’en protégeant à grands renforts d’ouvrages
                                                                                                                          de l’inondation.
l’eau de la rivière passant au travers du barrage.            de protection et de travaux d’aménagement.               Même si une digue imposante existe entre la rivière
(D’après le rapport de M. Josserand, ingénieur des ponts et   Une situation parfois difficile à gérer au cours du      et les habitations, même si l’on pense maîtriser
chaussées, du 21 novembre 1829, à destination du Préfet       temps… (entretien et réalisation des ouvrages,           l’aléa, le risque néanmoins demeure…
de la Drôme).                                                 aléa fluctuant à la hausse, coût, etc.).

 1947 - Nyons                                                                              2001- Nyons
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2.4 L ’évolution du risque crue et inondation : les facteurs d’atténuation

Le risque peut également évoluer favorablement,             Comment / pourquoi s’est développé le couvert
par une diminution du niveau de l’aléa. Ainsi, une          forestier ?
couverture du sol qui favorise l’infiltration et la fixa-   Cette reforestation est attribuée à la déprise ru-
tion de l’eau au détriment du ruissellement réduit          rale conduisant à l’abandon de terres, et à la po-
l’aléa. En ce sens, la reconquête forestière et ar-         litique de reboisement des versants montagnards
bustive des versants, observée depuis une centaine          conduite depuis le XIXe siècle par les services de
d’années, contribue fortement à protéger les sols           l’ONF (Office National des Forêts) dans le cadre de               1900
de l’érosion hydrique. Cette couverture végétale a          la Restauration des Terrains de Montagne (RTM).                Photo X, collection Gilles Mourre, fonds Mémoire de la Drôme (29 MD MOURRE 5)
fait régresser les ruissellements en direction des          Cette politique « RTM » fait suite à une surexploita-
rivières et réduire ainsi le niveau des crues. C’est        tion de la forêt par l’homme à une époque où le
ainsi que l’on parle fréquemment du rôle protec-            bois était très utilisé à des fins industrielles, d’œuvre
teur de la forêt et de son rôle tampon au regard des        et de chauffage.
écoulements hydriques.
À l’inverse et d’une façon générale, tout ce qui
concourt à augmenter le ruissellement, participe-               Exemple de reconquête des versants par
ra à la formation de la crue. Citons ainsi le défri-             la forêt. (Rocher de Bramard et bord de
chement, la suppression de haies, l’abandon de                     l’Eygues en 1900 et 2013, Sahune).
la culture en terrasse,un sol saturé en eau ou au                (Sources photographiques : Mémoires de la Drôme
contraire trop sec, l’imperméabilisation des sols liée                              et SMBP)
à l’urbanisation et son étalement, etc.                                                                                         2013
                                                            Comparaison du couvert végétal en 1900 et 2013 :
                                                            En une centaine d’années le paysage a évolué pour tendre vers une couverture et fermeture des différents milieux.
                                                            Au premier plan des photographies, on peut noter une réduction du lit majeur de l’Eygues sous l’effet de la mise
                                                            en place de remblais et de digues sur lesquels la végétation s’est fixée en marquant les berges.
                                                            Au second plan, les terrains agricoles ont gardé leur usage de culture alors que les marnes noires à l’effleurement
                                                            ont été colonisées par des conifères, principalement du Pin noir. Sur les coteaux les chênes épars en 1906 constituent
                                                            une chênaie basse en 2013.
                                                            Dans des zones naturelles éloignées des villages, la reconquête des versants par la végétation s’est réalisée
                                                            de façon plus marquée et a permis ainsi une réduction des écoulements en direction de la rivière
                                                            et une diminution du niveau de l’aléa « crue ».
24

     2.5 Changement climatique : quels effets sur les pluies et les risques de crue ?

     On parle beaucoup du changement climatique                                     Effet du changement climatique sur la tempora-
     et de ses effets avérés ou potentiels. En matière                              lité des pluies.
     de risque « crue et d’inondation », qui reste un                               Il est intéressant de suivre l’indicateur « cumul des
     risque très lié aux événements climatiques, c’est                              précipitations saisonnières » pour cerner quelle
     sur les caractéristiques de l’aléa pluviométrique                              saison pourrait présenter l’aléa de crue le plus im-
     (fréquence, intensité, temporalité et lieu) que le                             portant et de quelle façon cet aléa a pu évoluer sur
     changement climatique peut avoir un effet.                                     la période 1972-2012.
     Les résultats présentés ci-contre résultent d’une                              En observant le graphe ci-dessous qui présente
     étude sur la caractérisation du changement clima-                              les précipitations saisonnières pour la station de
     tique du territoire des Baronnies Provençales portant                          Rémuzat, on peut noter une augmentation impor-
     sur la période 1971-2010 et réalisée dans le cadre                             tante des précipitations automnales à partir du
     du projet de Parc naturel régional des Baronnies                               début des années 1990.
     Provençales.
                                                                    Variations interannuelles (1971-2010) du cumul des précipitations saisonnières lissé (sur 5 ans), à REMUZAT
                                                                                                                                                                        Hiver
     Qu’appelle-t-on changement                                         500
                                                                                                                                                                      Printemps
     climatique ?                                                       450                                                                                           Été
                                                                        400                                                                                           Automne

                                                  Précipitations (mm)
     Un changement climatique est carac-                                350
     térisé par une rupture climatique sur                              300
     une période considérée, c’est-à-dire                               250

     par une variation du climat qui soit                               200

     suffisamment significative pour ne pas                             150

     appartenir à sa fluctuation normale.                               100

     Pour le territoire des Baronnies Proven-                            50

     çales, comme pour d’autres territoires                               0

                                                                           73

                                                                           75

                                                                           77

                                                                           79

                                                                           81

                                                                           83

                                                                           85

                                                                           87

                                                                           89

                                                                           91

                                                                           93

                                                                                                                                   95

                                                                                                                                   97

                                                                                                                                   99

                                                                                                                                   01

                                                                                                                                   03

                                                                                                                                   05

                                                                                                                                   07

                                                                                                                                   09

                                                                                                                                   11
                                                                          71
     des Alpes du Sud,la rupture climatique

                                                                        19

                                                                        19

                                                                        19

                                                                        19

                                                                        19

                                                                        19

                                                                        19

                                                                        19

                                                                        19

                                                                        19

                                                                        19

                                                                                                                                 19

                                                                                                                                 19

                                                                                                                                 19

                                                                                                                                 20

                                                                                                                                 20

                                                                                                                                 20

                                                                                                                                 20

                                                                                                                                 20

                                                                                                                                 20
     est datée ainsi :                                                  19           Variations interannuelles du cumul
     • 1988 pour les températures,                                                   des précipitations saisonnières.
     • 1992 pour les précipitations.                                                 (© SMBP)
25

Ce sont les mois de septembre et novembre,                                                 répartit en fonction des saisons et selon la période
avec des tendances significatives à la hausse de                                           qui précède ou succède à la rupture climatique de
leur cumul de précipitations, qui contribuent à                                            1992, pour la station de Nyons.
ce phénomène d’augmentation automnale des                                                  Alors que pour la période précédant la rupture
pluies.                                                                                    climatique (1978-1991), l’événement extrême « le
                                                                                           jour le plus pluvieux de l’année » est présent pour
Effet du changement climatique sur la tempora-                                             l’ensemble des saisons et de façon relativement
lité des pluies extrêmes.                                                                  homogène, la période qui suit la rupture (1992-
L’indicateur climatique « le jour le plus pluvieux                                         2010) montre une diminution de cet événement
de l’année » peut être relié à l’aléa « crue et                                            sur l’hiver, le printemps et l’été avec un report
inondation » au regard de l’aspect extrême de                                              important sur l’automne. Cette information
l’événement considéré. Les histogrammes qui                                                est confirmée par les dates des arrêtés de
suivent, montrent de quelle façon cet indicateur se                                        catastrophes naturelles liés aux pluies extrêmes.

      Comparaison de la répartition saisonnière en % du jour le plus pluvieux de l’année
      avant (1978-1991) et après (1992-2010) la rupture climatique de 1992, à NYONS

 70
                                                                                               Répartition saisonnière
                                                                                               du jour le plus pluvieux
 60
                                                                    Jour le plus pluvieux
                                                                                               de l’année avant et après
 50
                                                                    de l’année avant 1992      la rupture climatique.
 40                                                                                            (© SMBP)
 30                                                                 Jour le plus pluvieux
                                                                    de l’année après 1992
 20

 10

  0
      Hiver        Printemps           Été         Automne
26

Effet du changement climatique sur l’intensité                                                pitations sauf pour les mois de juillet, septembre           Réchauffement ? Changement ? Dérèglement ?
des pluies.                                                                                   et novembre. En effet, pour le mois de septembre,            Plutôt que de changement climatique, ne vaudrait-il
L’association des indicateurs « cumul des pré-                                                on note une augmentation importante du volume                mieux pas parler de « dérèglement climatique »,
cipitations (P) » et « nombre de jours de pluie »,                                            d’eau précipitée pour un nombre de jours qui                 tellement les phénomènes météorologiques de
donnent une bonne indication sur l’intensité des                                              n’augmente pas dans la même proportion. Cela                 ces deux dernières décennies, au niveau national,
pluies propices aux crues.                                                                    se traduit par des pluies beaucoup plus intenses             sont surprenants à plusieurs titres. Surprenants par
                                                                                              ou violentes.                                                leur intensité, leur localisation, leur temporalité et
Le diagramme diachronique qui suit montre
l’évolution de ces 2 indicateurs, avant et après                                              Le même phénomène se produit mais de façon                   leur fréquence… Face à de tels évènements rare-
la rupture climatique de 1992 (pour la station de                                             moins marquée et non significative pour le mois              ment vus et souvent inimaginables, la vigilance et
Nyons).                                                                                       de novembre. A l’inverse et également de manière             la prudence sont recommandées dans nos com-
                                                                                              non significative, on peut observer pour le mois de          portements de la vie quotidienne. L’intégration de
De la période 1971-1991 à la période 1992-2010,
                                                                                              juillet une diminution de la quantité d’eau appor-           la dimension des effets du « changement clima-
et d’une manière générale, l’évolution du nombre
                                                                                              tée par les pluies estivales ou les orages.                  tique » sur le risque est préconisée dans différents
de jours de pluie est corrélée au cumul des préci-
                                                                                                                                                           projets de développement ou d’aménagement du
                                                                                                                                                           territoire.
               Comparaison des cumuls de précipitations et de nombres de jours de pluie mensuels avant (1971-1991) et après (1992-2010)
                                                         la rupture climatique de 1992, à Nyons.

                      140                                                                                14
                                                                                                                               Précipitations avant 1992
                      120                                                                                12

                      100                                                                                10
                                                                                                              Jours de pluie

                                                                                                                               Précipitations après 1992
Précipitations (mm)

                       80                                                                                 8
                                                                                                                               Nombre de jours de pluie
                       60                                                                                 6                    avant 1992

                       40                                                                                 4
                                                                                                                               Nombre de jours de pluie
                       20                                                                                 2                    après1992

                        0                                                                                 0
                              .

                                         rs
                            nv

                                                                                             v.
                                                                               pt.
                                                                       ût

                                                                                     t.
                                                           in

                                                                il.
                                                l

                                                                                                    c.
                                    v.

                                                      i
                                                 ri
                                         Ma

                                                      Ma

                                                                                           No
                                                                                     Oc
                                                                      Ao
                                                           Ju

                                                                Ju
                            Ja

                                  Fé

                                              Av

                                                                                                  Dé
                                                                             Se

                                   Intensité des pluies avant et après la rupture climatique.
                                   (© SMBP)
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