L'Eygues folle et tranquille - Géographie d'une rivière. Phénomènes de crues - Parc naturel régional des ...
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P 5 1 - L’Eygues, une rivière méditerranéenne 1.1 Un peu de géographie… 6 1.2 Un contexte climatique méditerranéen. 6 1.3 Une rivière aux profils multiples. 7 1.3.1 La zone de réception : entre Oule et Armalause. 11 1.3.2 La zone de transfert : de Rémuzat à Tulette. 13 1.3.3 La zone de dépôt : de Tulette au Rhône. 15 2. « Crue et inondation » : présentation et caractéristiques 2.1 Généralités. 17 2.2 Quelques enjeux et les impacts possibles d’une crue. 18 2.3 L ’évolution du risque crue et inondation : les facteurs aggravants. 23 2.4 L ’évolution du risque crue et inondation : les facteurs d’atténuation. 24 2.5 C hangement climatique : quels effets sur les pluies et les risques de crue ? 27 3. « Quand gronde l’Eygues » : les crues historiques 34 4. Zoom sur les communes 4.1 La Motte-Chalancon - 4.2 Rémuzat - 4.3 Sainte-Jalle 4.4 Verclause - 4.5 Sahune - 4.6 Curnier - 4.7 les Pilles 4.8 Aubres - 4.9 Nyons - 4.10 Vinsobres 4.11 Saint-Maurice-sur-Eygues. 45 5. Vivre avec le risque 5.1 La gestion du risque, les dispositifs existants. 47 5.2 Quelques sites « ressources ». 48 5.3 La sécurité des habitants : information et comportements à tenir. 49 5.4 Une initiative citoyenne exemplaire : les riverains de la Sauve à Nyons. 50 6. Sources documentaires - Remerciements - Crédits photos
3 Regards croisés Les crues et leurs conséquences, parfois drama- Le territoire des Baronnies Provençales est un petit tiques, alimentent l’actualité de manière récurrente. paradis. Pourtant, il n’en est pas moins exposé L’analyse des événements montre que, fréquemment, ponctuellement à certains risques naturels importants. l’ampleur des dégâts aurait pu être atténuée par une Chacun a en mémoire des évènements marquants prise en compte collective des connaissances dispo- liés à des inondations imprévisibles, des éboulements nibles sur les inondations. Trop souvent, la mémoire spectaculaires et autres glissements de terrain... DIDIER LAUGA HERVÉ RASCLARD des événements passés est oblitérée ou évoquée uni- Le futur Parc naturel régional des Baronnies quement pour relativiser les études récentes, lorsqu’elles décrivent comme Provençales est investi depuis plusieurs années dans des campagnes de inondables des secteurs où « l’on a jamais vu d’eau ». sensibilisation des populations et des élus ; pour que ces risques soient Le manque d’anticipation des événements, qui découle de cette attitude mieux pris en compte localement, pour que les habitants n’oublient pas passive face aux informations disponibles, trouve certainement son origine les évènements passés et puissent réagir le cas échéant, voire prévenir dans l’absence, en France, d’une culture commune de la prévention des d’éventuelles catastrophes. risques, basée sur la connaissance du fonctionnement des cours d’eau et la Avec le soutien financier du programme européen interrégional CIMA-POIA conscience de la vulnérabilité aux crues des personnes et des biens. concernant l’arc alpin, et au travers de l’opération « Site pilote de Gestion Ainsi, en affirmant que « la gestion des risques d’inondation est l’affaire de Intégrée des Risques Naturels », nous avons souhaité travailler autour des tous » la Stratégie Nationale de Gestion des Risques d’Inondation, publiée risques d’inondation liés à l’Eygues et ses affluents. par le Ministère de l’Ecologie du Développement durable et de l’Energie en Cet ouvrage est une mine d’informations concernant les risques naturels, octobre 2014, place le développement de la « culture du risque » au cœur de les phénomènes de crue et les spécificités de nos rivières. Vous y trouverez la politique de prévention. Cette ambition ne pourra se concrétiser que si les également une présentation des risques de crue commune par commune citoyens ont un accès facile à l’information. C’est déjà le cas dans la Drôme et enfin des pistes pour s’informer sur les risques naturels auxquels votre et le Vaucluse, où les sites Internet des services de l’Etat 1 présentent toutes village peut être exposé. les informations permettant de satisfaire aux obligations d’information des Cette prise de conscience citoyenne est importante. L’exemple de l’action acquéreurs et locataires (IAL). collective menée par des riverains de la Sauve en est un parfait exemple : Mais, l’Etat ne peut et ne doit pas porter seul la politique de prévention chacun à son niveau peut jouer un rôle pour une meilleure gestion du ou des risques. En ce sens, la publication par le Syndicat Mixte des Baronnies des risques auxquels il est exposé ! Provençales, d’une monographie des crues de l’E(A)ygues constitue une En souhaitant que vous ayez plaisir à parcourir cet ouvrage et que chacun se initiative exemplaire que je tiens à saluer. Les informations contenues dans souvienne que « Là où la mémoire s’efface, la catastrophe survient ». ce document permettront, à chaque habitant de mieux appréhender les crues et de se préparer plus efficacement à y faire face. Ainsi, ce travail répond au Hervé RASCLARD - Président du Syndicat Mixte des Baronnies Provençales souhait de la Ministre de l’Ecologie de ne plus subir les inondations, mais de se préparer à leur survenue en anticipant leurs conséquences 2. 1 - www.drome.gouv.fr et www.vaucluse.gouv.fr 2 - Présentation de la Stratégie nationale de gestion des risques d’inondation, le 10 juillet 2014, Didier LAUGA - Préfet de la Drôme par Madame Ségolène Royal, Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie
5 - 1 - L ’ E y g u e s , u n e r i v i e r e m e- d i t e r r a n e- e n n e 1.1 U n peu de géographie… L’Eygues est une rivière méditerranéenne qui prend sa source dans les Préalpes au cœur des Baronnies Provençales, sur le versant de la montagne de Vue générale du bassin versant de l’Eygues et de son enveloppe de crue** centennale. Peylan (commune de Chauvac-Laux-Montaux). (Source documentaire : IGN - SMBP) Après un parcours d’environ 100 km, elle se jette dans le Rhône à hauteur de la ville d’Orange. Cette rivière, avec le concours de ses principaux affluents que sont l’Armalause, l’Oule, l’Ennuye, le Bentrix, la Sauve, le Rieu et le Béal forme un vaste bassin versant de presque 1 100 km2. Bassin versant de l’Ennuye * Bassin versant : aire délimitée par une ligne de partage Exemple de bassin versant (Source documentaire : des eaux, à l’intérieur de laquelle toutes les eaux tombées IGN BdORTHO & BdALTI - SMBP) alimentent un même exutoire. * * Enveloppe de crue : représentation du niveau maximal atteint par les eaux lors d’une crue.
6 Selon les deux grandes unités géographiques que Cependant, certains affluents situés sur les L’Eygues peut subir des périodes d’étiage très l’Eygues traverse on distingue : premières pentes des Préalpes, en aval immédiat sévères en été avec des débits de quelques mètres de Nyons, conservent un caractère torrentiel. cubes à Nyons et des assecs fréquents aux environs Le Bassin amont Sur cette zone géographique, seulement deux du village de Cairanne. À l’opposé, les périodes • Il couvre 700 km2 de moyennes montagnes affluents sont relativement significatifs en période de l’année les plus pluvieuses sont le printemps Préalpines (max 1757 m, Le Duffre), caractérisé de crue : la Sauve et le Rieu Sec. et l’automne, avec des possibilités de pluies très par des vallées étroites et des versants pentus qui Ce qui explique que le débit donné (étude SOGREAH violentes de type « Cévenoles », sur cette dernière donnent aux cours d’eau un caractère torrentiel. 1996) pour la crue centennale soit très peu différent saison. L’Eygues peut connaitre ainsi, en période Cette zone géographique, située en amont du verrou que l’on se trouve à Nyons (900 m3/sec) ou à de crue, des débits très importants qui vont jusqu’à de Nyons, compte avec l’Armalause, l’Oule, l’Ennuye Orange (950 m3/sec). 100 fois son débit moyen à Nyons et bien davantage et le Bentrix, les affluents les plus significatifs comme lors de la crue historique de 1868. du bassin puisque l’essentiel des écoulements alimentant l’exutoire d’Orange sont collectés sur ce bassin amont. Le Bassin aval • Il couvre 400 km2 en vallée du Rhône caractérisé 1.2 U n contexte climatique 1.3 Une rivière aux profils multiples par de petits massifs (max 552 m), plus ou moins méditerranéen incisés, bordant une plaine alluviale très large qui favorise des écoulements moins violents et où les Le bassin versant de l’Eygues connait un climat Malgré le grand nombre de sous-bassins très lits mineur, moyen et majeur* de la rivière sont bien méso à supra-méditerranéen de l’aval vers l’amont, différents qui composent le Bassin de l’Eygues, on marqués par la présence de talus. avec des tendances montagnardes dans certains peut décrire son fonctionnement et sa dynamique secteurs d’altitude. Les cumuls de précipitations selon le schéma suivant qui présente 3 grandes augmentent vers l’amont avec des valeurs zones aux fonctions différentes. moyennes sur la période 1971-2010 suivantes : 725 mm à Orange, 832 mm à Nyons et 918 mm * Lit mineur d’un cours d’eau : espace occupé en à Rémuzat. permanence par un cours d’eau. Lit majeur : aussi appelé « lit d’inondation », c’est l’espace voisin du chenal d’écoulement qui n’est inondé qu’en cas de crue. Lit moyen : espace intermédiaire entre les lits mineurs et majeurs.
7 1.3.1 La zone de réception : entre Oule et Armalause Le grand bassin de réception et de production concentre les pluies les plus intenses. Il se caractérise par un paysage de moyenne montagne, délimité par des lignes de crêtes bien marquées. L’érosion y est très forte. Les matériaux arrachés et mis en mouvement par le ruissellement et la gravité seront usés et transportés sur de très longues distances en fonction de la pente et du débit du cours d’eau. Géographiquement, on retrouve globalement ces caractéristiques en amont de la zone où l’Oule rejoint l’Eygues, c’est-à-dire en amont de la confluence de ces deux rivières située à Rémuzat. Ces caractéristiques se retrouvent également, mais de façon moins marquée, sur le sous-bassin de l’Ennuye. Fonctionnement du bassin versant de l’Eygues. (© SMBP)
8 ZONE DE RÉCEPTION ❶ C’est sur cette zone de 550 km2 qu’est collecté l’essentiel des pluies nécessaires à la forma- tion des crues torren- tielles du bassin. Des crues qui pos- sèdent, sur les berges de la rivière, un pouvoir érosif important lié à la Érosion de berge d’une terrasse alluviale au premier vitesse et la violence plan - au second plan : versant à très forte pente dont des écoulements. les couches de calcaire sont incisées par une forte La photographie ❶ en érosion (rive droite de l’Eygues, Verclause). (© SMBP) est l’illustration. Fonctionnement des petits bassins versants à forte pente : les bassins torrentiels Sur ce type de bassin à fortes pentes, on trouve les torrents qui coulent dans des vallées très courtes en morcellant les montagnes en contreforts ou ravins. Paysages de moyenne montagne constitués Contreforts du bassin de réception du torrent de la de calcaires marneux fortement marqués par Merderie.(commune de Montréal-les-Sources). l’érosion dûe aux ruissellements. (© SMBP) (© SMBP)
9 Lors d’orages ou de pluies violentes, les torrents peuvent connaître des crues très brutales (rapides dans le temps) et très importantes (en volume) qui s’accom- pagnent d’un transport important de maté- riaux solides suivi de leurs dépôts. Dépôt de gros blocs de roche transportés par les crues du torrent de Merderie (Montréal-les-Sources) - Le lit du torrent est constitué par la roche mère suite au décapage réalisé par le courant - seul demeurent les gros blocs, qui attendent les eaux chargées de la Principe de fonctionnent du torrent On retrouve sur ces bassins torrentiels les trois prochaine crue majeure, aptes à les remobiliser. (© SMBP) zones fonctionnelles décrites précédemment qui (© SMBP) se relaient de l’amont vers l’aval : le bassin de réception et d’alimentation, le chenal de transfert (ou d’écoulement) et une zone de dépôt qui prend la forme d’un cône de déjection.
10 ZONE DE RÉCEPTION Un cône de déjection Caractéristiques de certains bassins versants de taille réduite mais ayant qui, selon son épaisseur des écoulements de type torrentiel (source documentaire : PPRi Eygues) et son avancée dans la rivière, peut perturber les Cours Lieu Crue Surface Linéaire Pente(2) Crue Temps de écoulements de celle-ci d’eau décen- Bassin rivière(1) du centen- concentra- en lui faisant barrage, no- Versant nale (km) linéaire nale tion(5) tamment lorsqu’elle est (km2) (%) Q10(3) Q100(4) (heure, min) en crue. (m3/sec) (m3/sec) Cône de déjection (de taille très modeste) (3) du Un cône dont les zones La Sauve Nyons 22 11.4 7.8 35 147 1h51 ravin de Laranie (Verclause), en partie remobilisé par situées en contrebas du lit perché de son torrent Le Rieu Sec Mirabel-aux- 11.6 7.2 8.2 25 102 1h16 l’Eygues, avec en arrière-plan, de l’aval vers l’amont, le Baronnies chenal d’écoulement (2) et le bassin de réception (1). peuvent être inondées en (© SMBP) cas de débordement de Le Coriançon Vinsobres 7.2 5.4 5.1 17 68 1h10 celui-ci. La Combe St-Maurice- 3 4.2 4.9 16 48 53 min Très souvent ce cône de Boutin sur-Eygues déjection reste une pro- La Moye Vinsobres 2.6 3.5 5.1 9 32 45 min blématique dans la ges- Ravin Nyons 1 1.7 9.7 5 15 21 min tion du risque inondation. du Ruinas Draye Nyons 0.9 2.8 20.6 6 18 21 min des Antignans Remarque : on a l’habitude Draye Nyons 0.7 2.2 25.7 5 19 15 min de classer et nommer les des Ruines cours d’eau en fonction de Draye Nyons 0.4 1.6 27.2 3 10 12 min Matériaux charriés et déposés par un petit torrent leur pente et dynamique de Meyne sorti de son lit (bassin amont de la Sauve, Venterol) liée à celle-ci. Ainsi, pour - Ce transport s’apparente au phénomène de lave (1) : Longueur du cheminement de la rivière. une pente : torrentielle, comme on peut en retrouver dans les (2) : 1% de pente correspond à 1 mètre de dénivelé en moins pour 100 mètres parcourus. Alpes, provoqué par la mise en mouvement d’une > à 6 % il s’agit de torrent, (3) : L e temps de concentration est le temps écoulé entre le début d’une précipitation et l’atteinte du débit maximal à l’exutoire du bassin versant. Il correspond au temps nécessaire pour permettre à l’eau de ruisseler du point le plus nappe de blocs de pierre de tailles variées en < à 6 % de rivière torrentielle, reculé du bassin versant jusqu’à l’exutoire. présence d’une certaine quantité d’eau et de boue. (4) : Une crue décennale est une crue dont la probabilité de réalisation (survenue) est de 1/10 chaque année. (Source photographique : Ph. COMBES) < à 1.5 % de rivière. (5) : Une crue centennale est une crue dont la probabilité de réalisation (survenue) est de 1/100 chaque année.
11 1.3.2 La zone de transfert : de Rémuzat Cet espace présente une unité hydrologique. Les Rémuzat et Sahune, l’Eygues est contrainte dans à Tulette paysages sont toutefois très différents de part et d’étroites gorges de calcaire massif (datant du ZONE DE TRANSFERT d’autre du « verrou » de Nyons. En amont, entre tithonique) qu’elle a creusées au cours du temps. Zone de divagation de l’Eygues (amont de Les Pilles). Versant fortement incisé du torrent de la Merderie (© SMBP) (Montréal-les-Sources). (© SMBP) Gorges creusées par l’Eygues dans le calcaire massif datant du tithonique (Sahune - Villeperdrix). (© SMBP) À partir de Sahune, la vallée s’élargit et l’Eygues On peut y découvrir de nombreux ravins qui drainent trouve par endroit, avec l’élargissement de son lit, les versants des vallées des différents sous-bassins des espaces « de divagation », comme peut l’être en provoquant leur érosion et en contribuant à le secteur en amont du village des Pilles, à la l’apport de matériaux solides dans les différents confluence du Bentrix et de l’Eygues : cours d’eau. Cette partie de la zone de transfert comporte des Ces matériaux sont ensuite charriés selon l’intensité affluents de type « torrentiels », issus de petits des crues vers le cours d’eau principal « l’Eygues » bassins versants dont la superficie s’exprime en qui pourra alors les remobiliser pour un long transit dizaine de km² (Merderie, Bentrix, etc.). vers le Rhône. * Verrou : rétrécissement, étranglement ponctuel du lit majeur d’un cours d’eau.
12 ZONE DE TRANSFERT Comparaison du lit de l’Eygues entre mai et Mai 2013 Octobre 2013 octobre 2013 : Ces 2 photographies prises au même endroit à 2 dates différentes illustrent la capacité de transport de la rivière et le rôle des crues dans ce phénomène. • Le cliché pris au mois de mai montre un dépôt ou atterrissement de gravier résultant de 2 crues moyennes. • Le cliché pris en octobre, après une crue importante de l’Eygues (80 mm de précipitations à Nyons, Exemple de transport ou charriage de matériaux par l’Eygues. (© SMBP) 74 à Bésignan et 67 à Rémuzat pour la journée du 20 octobre) met en évidence l’enlèvement d’une très grande quantité de graviers par la rivière (15 m de large, sur une épaisseur allant jusqu’à 1,5 m). Ce gravier se sera ensuite déposé plus en aval profitant d’un ralentissement du courant. En Aval de Nyons, une fois le verrou franchit, le paysage de vallée disparaît pour se trans- former en une plaine Transition paysagère, amont / alluviale plus ou moins aval du verrou de Nyons. resserrée. (© SMBP)
13 Une rivière « vivante » : exemple d’évolution du lit de l’Eygues là où elle commence à se « tresser ». (© SMBP) Ci-dessous : Schéma de la plaine alluviale En direction de Tulette, passé le village de Vinsobres, et des différents lits de la rivière. (© SMBP) la transition est encore plus marquée. Les reliefs encaissés diminuent pendant que la plaine et le lit de la rivière gagnent progressivement en largeur. Avec cet espace gagné, la rivière peut divaguer au sein de son lit mineur et donner les premières images d’une rivière « en tresse ». Cependant, l’élargissement du lit majeur de l’Eygues n’est pas suffisant pour dissiper l’énergie des crues qui conservent leur pouvoir érosif sur les berges et leur capacité de charriage de matériaux 1.3.3 La zone de dépôt : de Tulette au Rhône solides provenant de l’amont. Cette zone est un tronçon de l’Eygues, à très faible délimitent des terrasses (anciennes et alluviales), pente, situé entre Tulette et sa confluence avec le ils résultent de la dynamique des différentes crues «18 avril 1868, l’Eygues en crue en aval de Nyons». Rhône. Le paysage se caractérise par une très large morphogènes (« qui ont façonné ces berges »). Fonds Laurens, BM Carpentras plaine alluviale bordée par de petits massifs incisés Ainsi, on associe le lit majeur aux limites maximales et de très faibles altitudes. de débordement de la rivière que l’on appelle Les différents lits sont marqués par des talus qui également zone d’expansion des crues.
14 Éléments de comparaison : caractéristiques des principaux bassins et affluents de l’Eygues (source : Étude SOGREAH-SIEE 1996) Cours Lieu Crue Surface Linéaire Pente(2) Crue Crue Temps de d’eau décen- Bassin rivière(1) du centen- historique concentra- Versant nale (km) linéaire nale (m3/sec) tion (km2) (%) Q10(3) Q100(4) (heure, min) (m3/sec) (m /sec) 3 L’Eygues Rémuzat 202 29 3.36 140 400 500 11h St-May 473 39 2.68 263 700 1000 17h Plaine alluviale de l’Eygues Nyons 750 60 1.95 350 900 1400 23h en amont d’Orange. (Source : IGN BdORTHO & BdALTI - SMBP) Orange 1100 107 1.31 370 950 1400 30h L’Oule Rémuzat 247 33 3.03 170 460 500 12h C’est sur cette zone, où les crues sont amorties, que L’Ennuye Curnier 100 20 4.35 85 250 375 7h les principaux matériaux arrachés plus en amont Le Bentrix St-Ferréol- 70 45 140 200 se déposent sous la forme de gravier, sable et Trente-Pas limon. Un dépôt permis par le ralentissement des écoulements, consécutif à la diminution de la pente (1) : Longueur du cheminement de la rivière. et à l’élargissement du lit. Matériaux, qu’un Rhône (2) : 1 % de pente correspond à 1 mètre de dénivelé en moins pour 100 mètres parcourus. (3) : Le temps de concentration est le temps écoulé entre le début d’une précipitation et l’atteinte du débit maximal à l’exutoire du sauvage, non domestiqué par l’homme, pourrait bassin versant. Il correspond au temps nécessaire pour permettre à l’eau de ruisseler du point le plus reculé du bassin versant remobiliser et conduire à la mer. jusqu’à l’exutoire. (4) : Une crue décennale est une crue dont probabilité de réalisation (survenue) est de 1/10 chaque année. Les crues sont ici beaucoup moins violentes que sur (5) : Une crue centennale est une crue dont probabilité de réalisation (survenue) est de 1/100 chaque année. l’amont. En contrepartie, de par leur étalement, elles Remarques : affectent une plus grande surface. Les valeurs de débits et de temps données dans ce tableau sont des estimations réalisées à partir de formules empiriques, de modélisation et de déductions. Les valeurs de la crue historique ou extrême sont sujettes à caution car la situation géomorphologiques de l’Eygues à l’époque considérée était certainement différente de l’actuelle. Il est ainsi difficile, à partir des hauteurs d’eau connues,de calculer des débits avec des indices de confiance très satisfaisants.
15 2 - crue et inondation : ^ ^ ^ ^ Ca r a c t e- r is t i ques g e- nera - l e s d u risqu e. 2.1 Généralités La crue est la résultante de précipitations À ces principes de formation plus ou moins abondantes qui vont être recueillies par l’ensemble aléatoire des crues, il faut ajouter quelques notions d’un bassin versant et concentrées à son exutoire. sur les écoulements de la crue qui donnent toute la Ces précipitations peuvent prendre différentes dangerosité de ce phénomène. formes comme celle de pluies courtes et intenses Lorsque les débits de crue à évacuer dépassent (de quelques heures à une journée) ou encore la capacité d’écoulement du lit mineur, les eaux de pluies dites « habituelles » mais qui durent envahissent alors le lit majeur ou débordent sur plusieurs jours. les terrains environnants. Alors, tout obstacle à Ces précipitations ne tombent pas uniformément sur l’écoulement situé dans les lits mineur ou majeur l’ensemble du bassin versant, lui-même constitué aura des répercussions négatives sur la crue de nombreux sous-bassins dont les « temps de comme : réponse » sont différents. Le temps de concentration • l’augmentation des hauteurs d’eau à l’amont ; des eaux d’un bassin varie en fonction de la forme, • l’accroissement de la durée de submersion ; la pente, la géologie des terrains, l’humidité du sol • la création de remous et courants induits qui et le couvert végétal. intensifient les phénomènes d’érosion ; Ainsi, à pluviométries identiques, pourront • l’écoulement brutal et violent dans le cas de la correspondre des comportements différents des formation d’un barrage et de sa rupture (embâcle/ cours d’eau, selon que le plus fort de la pluie débâcle) ; soit tombé sur tel ou tel sous-bassin, ou selon que les sous-bassins auront répondu de façon • etc. concomitante (simultanément) ou décalée. Ces divers éléments mettent en évidence la Il est ainsi difficile de prévoir des scénarii de crue complexité que l’on peut rencontrer dans la d’autant plus que la rivière « vit » et remodèle définition d’un déroulement de crue type, ou son lit fréquemment et que les phénomènes dans les prévisions de l’évolution d’une crue en météorologiques peuvent évoluer avec le temps cours ; des conditions climatiques identiques et sont parfois imprévisibles ou difficilement pouvant engendrer des phénomènes hydrauliques imaginables. différents.
16 Les critères de dangerosité d’une crue • La durée de submersion : elle représente le accompagnée d’un débordement sont : temps pendant lequel un secteur reste inondé (évacuation gravitaire de l’eau). Elle est donc • La hauteur de submersion : elle est représentative significative de la durée d’isolement de personnes des risques pour les personnes (isolement, ou de dysfonctionnements d’une activité. noyades) et pour les biens (endommagement) par action directe (dégradation par l’eau) ou • Le lieu de la submersion avec la présence ou non indirecte (mise en pression, pollution, court- d’enjeux plus ou moins vulnérables. circuit, etc.). Le risque résultant du croisement, sur une zone La formule du risque crue • L a vitesse d’écoulement : elle peut varier géographique, entre un aléa et un enjeu est et inondation. fortement en un même site selon le moment de (© SMBP) représenté avec la formule suivante : la crue. Elle caractérise le risque de transport des objets légers ou non arrimés, ou de risque RISQUE = *ALEA X **ENJEU (+ ou - vulnérable) de ravinement de berges ou remblais. Elle a une influence considérable sur la sécurité des personnes. * On entend par Aléa la manifestation d’un phénomène naturel comme une crue consécutive à un phénomène météorologique marquant. Cet aléa est caractérisé par sa probabilité d’occurrence ou de réalisation (décennale, centennale, etc.) et l’intensité de sa manifestation (durée, hauteur et vitesse de l’eau). ** Les Enjeux (+ ou - vulnérables) ce sont les vies humaines, les habitations, les différents réseaux (routiers, communication, eau, énergies), les entreprises, les équipements collectifs, les terrains agricoles et les récoltes ou troupeaux, susceptibles d’être impactés par une crue ainsi que les conséquences économiques et sociales (perte ou réduction : d’activité, de services marchands et non marchands, etc.).
17 2.2 Q uelques enjeux et les impacts possibles d’une crue : Le risque de crue et d’inondation (comme tous les risques) peut évoluer à la hausse ou à la baisse. Ceci en fonction des variations de l’intensité de l’aléa, et du niveau d’exposition et de vulnérabilité des enjeux. Vergers en partie détruit par la crue de la Sauve en Route détruite par la crue de la Sauve en 1993 Tentative de désobstruction du gué Aubery lors de la 1993 (Venterol). (Source photographique : Ph. COMBES) (Venterol). (Source photographique : Ph. COMBES) crue de 2003 sur l’Oule (La Charce). Restauration du gué. (Source photographique : SIDRESO) Pont sur la Sauve en Déchaussement par la 1993, érosion de la crue de 1993 d’un puits berge en rive gauche au situé initialement dans niveau de la culée du un verger au bord de la pont (Nyons). Sauve (Venterol). (Source photographique : (Source photographique : Ph. COMBES) Ph. COMBES) Dégâts matériels dans une habitation de Ste-Jalle, crue du 22 sept. 92. Photo X, collection Guy Teste, fonds Mémoire de la Drôme (29 MD TESTE 7)
18 2.3 L ’évolution du risque crue et inondation : les facteurs aggravants Parmi les causes qui font croître le risque Comment s’exhausse le lit de la rivière ? cours d’eau ou aux aménagements réalisés sur inondation, le phénomène d’exhaussement du L’exhaussement du lit de la rivière est lié à la celui-ci comme par exemple : lit du cours d’eau est un facteur important qui formation d’atterrissements qui résultent de dépôt • Dans la courbe interne d’un méandre, où la aggrave le niveau de l’aléa. Il s’agit dans les faits de matériaux solides charriés par la rivière lors vitesse du courant décroit ; d’une élévation plus ou moins complète du lit de des crues. Ces dépôts se font de façon continue • Dans les secteurs ou la pente s’affaiblit ; la rivière qui se répercute sur la hauteur de la ligne sur un secteur ou localement en fonction du • Dans les élargissements du lit mineur, l’eau en d’eau et favorise alors les débordements en cas de ralentissement des écoulements de la rivière. s’étalant perd de la vitesse ; crue. Ainsi, les zones d’atterrissements sont directement • En amont ou en aval des piles d’un pont, où Au fil du temps, il arrive très souvent que les exhaus- liées aux caractéristiques morphologiques du généralement le lit s’élargit. sements situés hors de l’eau se boisent et se fixent. Ils peuvent nuire alors au bon écoulement des eaux et peuvent également être la source d’embâcles potentiels (dans le cas ou leur végétation serait ar- rachée lors d’une crue importante et contribuerait à la création d’un barrage plus en aval). Atterrissement de graviers sur la partie gauche du lit de l’Oule. L’espace entre le lit et le tablier du pont s’est réduit : la hauteur de débordement est moindre et des embâcles de grandes tailles peuvent être retenus au niveau du pont. (© SMBP)
19 Une autre cause qui peut fait croître le risque est Comment se réduit l’espace de liberté des cours Exemple de réduction de la réduction de l’espace de liberté des cours d’eau, d’eau ? l’espace de liberté de l’Eygues. (Source photographique : IGN) c’est-à-dire le rétrécissement du lit majeur. En effet, La réduction de l’espace de liberté des cours d’eau ce phénomène limite la possibilité d’étalement est due le plus souvent à l’action de l’homme, Comparaison de la largeur du lit des hautes eaux qui prennent alors de la vitesse qui, au cours des derniers siècles, a cherché à de l’Eygues entre 1947 et 2001 : et vont impacter les zones situées plus en aval. bénéficier des services rendus par la rivière tout en En comparant la même vue L’énergie gagnée ainsi par l’eau, pourra se traduire aérienne prise en 1947 et s’en protégeant par l’édification de digues de plus par des débordements plus violents, des érosions 2001 on peut observer que en plus hautes et larges. l’implantation d’une zone plus intenses sur les berges et un creusement (ou d’activité en rive droite de l’Eygues incision) prononcée du lit. et sa protection (en jaune) contre les crues ont diminué la largeur moyenne du lit majeur et réduit ainsi l’espace de liberté ou de divagation de la rivière (aval du pont de Cairanne). 1947 2001
20 1947 Autre exemple de réduction de l’espace de liberté de l’Eygues. (Source photographique : IGN) L’homme n’est pas le seul responsable de la Comparaison de la largeur réduction de l’espace de liberté de la rivière. Souvent, du lit de l’Eygues entre ce phénomène se réalise naturellement par le 1947 et 2002 : développement de la végétation, dans le lit ou le long En comparant la même vue aérienne prise en des berges du cours d’eau. 1947 et 2002, au pont de Une végétation qui, en l’absence de crue suffisam- St-Roman-de-Mallegarde, 2002 ment morphogène pour nettoyer le lit, s’installe on peut observer une durablement. Ce phénomène de végétalisation du très forte réduction de la lit majeur s’observe quel que soit la morphologie et largeur du lit de l’Eygues la dynamique du cours d’eau, aussi bien en partie liée au boisement des amont qu’en aval de l’Eygues. bords de son lit moyen. Comme on peut le deviner Il est favorisé par l’incision des cours d’eau qui réduit en examinant la rive droite l’étalement et l’action « auto-nettoyante » des crues de l’Eygues en aval du dans le lit majeur. pont sur la photo de 1947, le lit devait être beaucoup plus large avant cette date. Un autre phénomène peut faire croître le risque et les digues. Le courant peut alors affouiller les inondation sans influer cette fois sur l’aléa mais ouvrages au niveau de leurs bases et provoquer leur sur le niveau de vulnérabilité ou de protection des déstabilisation voire leur effondrement ou rupture et enjeux. En ce sens, l’incision du lit du cours d’eau, les rendre inopérants. Dans le cas d’une digue, les c’est dire le creusement du lit de la rivière peut enjeux se retrouvent alors directement exposés à conduire à une mise à nu du pied des différents l’aléa et redeviennent vulnérables. ouvrages construits sur la rivière tels que les ponts
21 Comment se creuse le lit de la rivière ? Comment se forment les embâcles ? La réduction de la largeur du cours d’eau n’est Un autre phénomène, qui peut faire croître le Les embâcles résultent de l’accumulation d’objets pas le seul élément responsable de l’enfoncement risque, est celui de la formation d’embâcles, très divers (voitures, cuves, arbres, balles de foin, du lit de la rivière, car le facteur principal est c’est-à-dire la formation d’un « barrage », plus ou etc.) et de débris plus ou moins flottants, retenus l’extraction de gravier destiné à l’industrie du moins filtrant, sur le cours de la rivière en crue. sur un obstacle situé dans le lit ou coincés au bâtiment et à l’activité des travaux publics. Ces embâcles peuvent provoquer l’élévation du niveau d’un rétrécissement de la rivière (pont, L’extraction de granulats est de nos jours effectuée niveau de la ligne d’eau et une inondation en goulet, etc.). dans un cadre réglementaire particulier de lutte amont du point de « barrage ». En cas de rupture À la Motte-Chalancon, exemple d’embâcle bien contre les inondations. S’ajoute un autre facteur de l’embâcle ou débâcle, des écoulements particulier résultant d’un couplage de deux qui a amplifié l’effet de ces extractions, celui de très violents peuvent être induits en aval. Les phénomènes naturels : des pluies très abondantes la reconquête des versants des montagnes par la embâcles présentent également une menace et un glissement de terrain. forêt, qui, en réduisant le ruissellement, a réduit pour la stabilité des ouvrages sur lesquels ils les apports de matériaux solides à la rivière. C’est prennent forme. En 1829, à la suite d’un automne très pluvieux, ainsi que la rivière peut se creuser, le charriage de un glissement de terrain se produisit en amont du matériaux étant supérieur aux apports des versants village de la Motte-Chalancon, sur le flanc de la et des érosions de berges. montagne en rive gauche de l’Oule. Une masse de terrain de 500 m de large sur 1 200 à 1 500 m de hauteur commença à glisser dans la nuit du Sur l’Eygues, la semelle de cet enrochement de protection, normalement enfouie sous le lit, a été mise à jour du fait de l’enfoncement du lit. (© SMBP) Incision du lit le l’Eygues au niveau du pont Embâcles sous une des arches constitués roman de Nyons (- 2 m) qui met à jour les par des végétaux de grandes tailles et bases de cet ouvrage et les expose à un affouillement du seuil au pont de Cornillon. affouillement par la rivière. (© SMBP) (Source photographique : SIDRESO)
22 Exemple d’urbanisation (Nyons) se développant dans le lit majeur de l’Eygues. (Source photographique : IGN) 31 octobre au 1er novembre, et sa progression Une autre manière de faire croître le risque, sans Comparaison de l’occupation d’une zone à risque dura plusieurs jours. Au 4 novembre, une grosse que l’aléa augmente, est l’exposition des enjeux à en 1947 et 2001 : partie du terrain s’arrêta dans le lit de l’Oule en la menace ou à l’aléa d’une façon plus ou moins La limite approximative du lit majeur de l’Eygues l’obstruant sur 150 m de son linéaire et sur toute directe. est matérialisée par la ligne jaune qui correspond sa largeur. Les eaux ainsi interceptées formèrent En effet, pour que le risque crue et inondation au tracé du canal de la grande Prairie qui daterait rapidement un lac qui atteignit des dimensions existe il faut qu’existe également un ou des enjeux au moins du XIV e siècle (les aménageurs de l’époque installaient les canaux d’irrigation respectables : 1 000 m de longueur, 100 à 200 m exposés, sinon il ne s’agit que d’un phénomène en limites supérieures du lit majeur des rivières afin de large et 10 à 12 m de profondeur maximale. Il naturel qui ne menace rien et personne (tout au d’éviter leur engravement par les crues majeures). n’y eu aucune rupture brutale de cet épais barrage moins au regard du jugement humain). • E n 1947 l’aléa crue et inondation ne concerne constitué de rochers, de tronc d’arbres et de Au cours de l’urbanisation des villages et des villes, que des terrains et bâtiments agricoles, boues, qui aurait pu avoir des conséquences plus l’homme a placé progressivement ses enjeux dans et quelques habitations. que fâcheuses sur les zones situées en aval. Le lac des zones inondables. L’homme en créant ainsi le • En 2001, une cinquantaine d’année plus tard, se résorba rapidement en quelques mois grâce au risque, a dû, pour vivre avec, le rendre acceptable l’urbanisation galopante a exposé de très nombreuses habitations à la menace travail d’infiltration, de délavement et d’érosion de en s’en protégeant à grands renforts d’ouvrages de l’inondation. l’eau de la rivière passant au travers du barrage. de protection et de travaux d’aménagement. Même si une digue imposante existe entre la rivière (D’après le rapport de M. Josserand, ingénieur des ponts et Une situation parfois difficile à gérer au cours du et les habitations, même si l’on pense maîtriser chaussées, du 21 novembre 1829, à destination du Préfet temps… (entretien et réalisation des ouvrages, l’aléa, le risque néanmoins demeure… de la Drôme). aléa fluctuant à la hausse, coût, etc.). 1947 - Nyons 2001- Nyons
23 2.4 L ’évolution du risque crue et inondation : les facteurs d’atténuation Le risque peut également évoluer favorablement, Comment / pourquoi s’est développé le couvert par une diminution du niveau de l’aléa. Ainsi, une forestier ? couverture du sol qui favorise l’infiltration et la fixa- Cette reforestation est attribuée à la déprise ru- tion de l’eau au détriment du ruissellement réduit rale conduisant à l’abandon de terres, et à la po- l’aléa. En ce sens, la reconquête forestière et ar- litique de reboisement des versants montagnards bustive des versants, observée depuis une centaine conduite depuis le XIXe siècle par les services de d’années, contribue fortement à protéger les sols l’ONF (Office National des Forêts) dans le cadre de 1900 de l’érosion hydrique. Cette couverture végétale a la Restauration des Terrains de Montagne (RTM). Photo X, collection Gilles Mourre, fonds Mémoire de la Drôme (29 MD MOURRE 5) fait régresser les ruissellements en direction des Cette politique « RTM » fait suite à une surexploita- rivières et réduire ainsi le niveau des crues. C’est tion de la forêt par l’homme à une époque où le ainsi que l’on parle fréquemment du rôle protec- bois était très utilisé à des fins industrielles, d’œuvre teur de la forêt et de son rôle tampon au regard des et de chauffage. écoulements hydriques. À l’inverse et d’une façon générale, tout ce qui concourt à augmenter le ruissellement, participe- Exemple de reconquête des versants par ra à la formation de la crue. Citons ainsi le défri- la forêt. (Rocher de Bramard et bord de chement, la suppression de haies, l’abandon de l’Eygues en 1900 et 2013, Sahune). la culture en terrasse,un sol saturé en eau ou au (Sources photographiques : Mémoires de la Drôme contraire trop sec, l’imperméabilisation des sols liée et SMBP) à l’urbanisation et son étalement, etc. 2013 Comparaison du couvert végétal en 1900 et 2013 : En une centaine d’années le paysage a évolué pour tendre vers une couverture et fermeture des différents milieux. Au premier plan des photographies, on peut noter une réduction du lit majeur de l’Eygues sous l’effet de la mise en place de remblais et de digues sur lesquels la végétation s’est fixée en marquant les berges. Au second plan, les terrains agricoles ont gardé leur usage de culture alors que les marnes noires à l’effleurement ont été colonisées par des conifères, principalement du Pin noir. Sur les coteaux les chênes épars en 1906 constituent une chênaie basse en 2013. Dans des zones naturelles éloignées des villages, la reconquête des versants par la végétation s’est réalisée de façon plus marquée et a permis ainsi une réduction des écoulements en direction de la rivière et une diminution du niveau de l’aléa « crue ».
24 2.5 Changement climatique : quels effets sur les pluies et les risques de crue ? On parle beaucoup du changement climatique Effet du changement climatique sur la tempora- et de ses effets avérés ou potentiels. En matière lité des pluies. de risque « crue et d’inondation », qui reste un Il est intéressant de suivre l’indicateur « cumul des risque très lié aux événements climatiques, c’est précipitations saisonnières » pour cerner quelle sur les caractéristiques de l’aléa pluviométrique saison pourrait présenter l’aléa de crue le plus im- (fréquence, intensité, temporalité et lieu) que le portant et de quelle façon cet aléa a pu évoluer sur changement climatique peut avoir un effet. la période 1972-2012. Les résultats présentés ci-contre résultent d’une En observant le graphe ci-dessous qui présente étude sur la caractérisation du changement clima- les précipitations saisonnières pour la station de tique du territoire des Baronnies Provençales portant Rémuzat, on peut noter une augmentation impor- sur la période 1971-2010 et réalisée dans le cadre tante des précipitations automnales à partir du du projet de Parc naturel régional des Baronnies début des années 1990. Provençales. Variations interannuelles (1971-2010) du cumul des précipitations saisonnières lissé (sur 5 ans), à REMUZAT Hiver Qu’appelle-t-on changement 500 Printemps climatique ? 450 Été 400 Automne Précipitations (mm) Un changement climatique est carac- 350 térisé par une rupture climatique sur 300 une période considérée, c’est-à-dire 250 par une variation du climat qui soit 200 suffisamment significative pour ne pas 150 appartenir à sa fluctuation normale. 100 Pour le territoire des Baronnies Proven- 50 çales, comme pour d’autres territoires 0 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 01 03 05 07 09 11 71 des Alpes du Sud,la rupture climatique 19 19 19 19 19 19 19 19 19 19 19 19 19 19 20 20 20 20 20 20 est datée ainsi : 19 Variations interannuelles du cumul • 1988 pour les températures, des précipitations saisonnières. • 1992 pour les précipitations. (© SMBP)
25 Ce sont les mois de septembre et novembre, répartit en fonction des saisons et selon la période avec des tendances significatives à la hausse de qui précède ou succède à la rupture climatique de leur cumul de précipitations, qui contribuent à 1992, pour la station de Nyons. ce phénomène d’augmentation automnale des Alors que pour la période précédant la rupture pluies. climatique (1978-1991), l’événement extrême « le jour le plus pluvieux de l’année » est présent pour Effet du changement climatique sur la tempora- l’ensemble des saisons et de façon relativement lité des pluies extrêmes. homogène, la période qui suit la rupture (1992- L’indicateur climatique « le jour le plus pluvieux 2010) montre une diminution de cet événement de l’année » peut être relié à l’aléa « crue et sur l’hiver, le printemps et l’été avec un report inondation » au regard de l’aspect extrême de important sur l’automne. Cette information l’événement considéré. Les histogrammes qui est confirmée par les dates des arrêtés de suivent, montrent de quelle façon cet indicateur se catastrophes naturelles liés aux pluies extrêmes. Comparaison de la répartition saisonnière en % du jour le plus pluvieux de l’année avant (1978-1991) et après (1992-2010) la rupture climatique de 1992, à NYONS 70 Répartition saisonnière du jour le plus pluvieux 60 Jour le plus pluvieux de l’année avant et après 50 de l’année avant 1992 la rupture climatique. 40 (© SMBP) 30 Jour le plus pluvieux de l’année après 1992 20 10 0 Hiver Printemps Été Automne
26 Effet du changement climatique sur l’intensité pitations sauf pour les mois de juillet, septembre Réchauffement ? Changement ? Dérèglement ? des pluies. et novembre. En effet, pour le mois de septembre, Plutôt que de changement climatique, ne vaudrait-il L’association des indicateurs « cumul des pré- on note une augmentation importante du volume mieux pas parler de « dérèglement climatique », cipitations (P) » et « nombre de jours de pluie », d’eau précipitée pour un nombre de jours qui tellement les phénomènes météorologiques de donnent une bonne indication sur l’intensité des n’augmente pas dans la même proportion. Cela ces deux dernières décennies, au niveau national, pluies propices aux crues. se traduit par des pluies beaucoup plus intenses sont surprenants à plusieurs titres. Surprenants par ou violentes. leur intensité, leur localisation, leur temporalité et Le diagramme diachronique qui suit montre l’évolution de ces 2 indicateurs, avant et après Le même phénomène se produit mais de façon leur fréquence… Face à de tels évènements rare- la rupture climatique de 1992 (pour la station de moins marquée et non significative pour le mois ment vus et souvent inimaginables, la vigilance et Nyons). de novembre. A l’inverse et également de manière la prudence sont recommandées dans nos com- non significative, on peut observer pour le mois de portements de la vie quotidienne. L’intégration de De la période 1971-1991 à la période 1992-2010, juillet une diminution de la quantité d’eau appor- la dimension des effets du « changement clima- et d’une manière générale, l’évolution du nombre tée par les pluies estivales ou les orages. tique » sur le risque est préconisée dans différents de jours de pluie est corrélée au cumul des préci- projets de développement ou d’aménagement du territoire. Comparaison des cumuls de précipitations et de nombres de jours de pluie mensuels avant (1971-1991) et après (1992-2010) la rupture climatique de 1992, à Nyons. 140 14 Précipitations avant 1992 120 12 100 10 Jours de pluie Précipitations après 1992 Précipitations (mm) 80 8 Nombre de jours de pluie 60 6 avant 1992 40 4 Nombre de jours de pluie 20 2 après1992 0 0 . rs nv v. pt. ût t. in il. l c. v. i ri Ma Ma No Oc Ao Ju Ju Ja Fé Av Dé Se Intensité des pluies avant et après la rupture climatique. (© SMBP)
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