L'URGENCE Télémédecine bucco-dentaire - N 198/22 - Ordre des chirurgiens dentistes
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ACTU. Un réquisitoire implacable TERRITOIRE. IRCGN : dans le saint N° 198/22 contre le « système Guedj » des saints de la criminalistique J U I N Télémédecine bucco-dentaire L’URGENCE
SOMMAIRE ACTU 4 TERRITOIRE 13 CAHIER SPÉCIAL ÉLECTIONS 22 4. A ssistants Dans le saint des saints I. Scrutins départementaux indépendants : de la criminalistique de l’Ordre : les conseillers un premier signalement élus et réélus de l’Ordre V. Élections des membres 5. U n réquisitoire implacable des chambres disciplinaires contre le « système de première instance – Guedj » Appel à candidatures – 6. L ’engagement exemplaire Renouvellement triennal de trois ex-conseillers VII. Élections nationaux complémentaires – 7. 3 questions à : Marie- Chambres disciplinaires de Anne Baudoui-Maurel 8. Le bureau du Conseil PRATIQUE 16 première instance – Appel à candidatures 30 national à Lyon JURIDIQUE 8. DPC : le contrôle de la 16. P rotection des lanceurs TRIBUNE période 2017-2019 d’alerte : quid des MICHEL LEGENS professionnels de santé ? Président de l’Académie FOCUS 9 19. Lorsque son objet excède 1 500 €, nationale de chirurgie dentaire un contrat ne se prouvera que par l’écrit Télémédecine bucco-dentaire : L’URGENCE #ONCD La Lettre no 198 – juin 2022 Retrouver le journal en ligne Directeur de la publication : Philippe Pommarède. www.ordre-chirurgiens-dentistes.fr Ordre national des chirurgiens-dentistes – 22, rue Émile-Menier – BP 2016 – 75761 Paris Cedex 16 – Tél. : 01 44 34 78 80 – Fax : 01 47 04 36 55 – www.ordre-chirurgiens-dentistes.fr Conception, rédaction et réalisation : Texto Éditions Direction artistique : Ewa Roux-Biejat – Secrétariat de rédaction : Cécile Nielly Illustrations : Dume – Couv. : Ewa Roux-Biejat Restons Photos : Henri Perrot : p. 3. DR : pp. 4, 5, 7, 8, 11, 30. Daniel Mirisch : p. 6. Philippe Delacroix : connectés pp. 2, 13-15. Imprimerie : Graphiprint Management. www.ordre-chirurgiens-dentistes.fr Les articles sont publiés sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Dépôt légal à parution. ISSN n° 2679-134X (imprimé), ISSN n° 2744–0753 (en ligne). 2 J U I N 2 0 2 2 # ONCD LA LETTRE
ÉDITO Le système Guedj On lira dans ce numéro de La Lettre les propos très durs de la procureure sur les agissements de Lionel Guedj, à Marseille, dans une affaire hors normes avec des centaines de patients abusés et mutilés. Le Conseil national avait dans cette affaire porté plainte au pénal avec constitution de partie civile contre les deux praticiens. Précisons à cet égard que Lionel Guedj et son père ne sont pas inconnus des juridictions ordinales, puisque, dès 2011, le conseil départemental saisissait la Chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre, et qu’après le marathon judiciaire qui s’était ouvert à l’époque, les deux individus avaient été lourdement sanctionnés par leurs pairs – radiation pour le fils et interdiction d’exercer pour deux ans ferme pour le père. La procureure a cru utile de préciser que c’était la première fois qu’un praticien en exercice libéral utilisait le système des centres dentaires déviants. Ce propos nous permet ici d’ajouter une chose. C’est au quotidien que l’institution ordinale, via ses juridictions, exerce sa mission consistant à traduire les praticiens en indélicatesse avec la sécurité et la qualité des soins, et ceci afin de pouvoir obtenir leur condamnation. C’est ce travail de fond, réalisé à bas bruit, qui permet de maintenir la confiance des patients envers leur praticien et notre profession médicale. Chaque dossier est évidemment unique, mais l’affaire Guedj, avec plus de 300 patients lésés, apparaît comme dramatique, mettant aux prises un aigrefin jouant au chat et à la souris avec les autorités. Si toutes les affaires ne sont pas identiques, celles liées aux agissements de centres dentaires déviants défraient régulièrement la chronique, avec souvent un certain nombre de patients mutilés. C’est cette mission de contrôle au long cours que veut pouvoir continuer à exercer l’Ordre des chirurgiens-dentistes, et ceci partout où s’exerce notre métier, qu’il soit sous forme libérale ou salariée. Une mission nécessaire pour maintenir la confiance des patients envers notre profession. Hélas, l’Ordre n’a aucune prérogative pour entrer dans les centres dentaires. Comment, dès lors, peut-il maintenir cette confiance du public ? C’est cette question que nous posons depuis des années aux pouvoirs publics. Philippe Pommarède J U I N 2 0 2 2 # ONCD LA LETTRE 3
Assistants indépendants : un ACTU premier signalement de l’Ordre A lerté depuis plusieurs mois par le démarchage d’assis- tants dentaires « indépen- dants », le Conseil national vient de procéder à un premier signalement sistant dans les cabinets dentaires ne s’exerçant pas sous la responsabilité et le contrôle effectif du chirurgien- dentiste et, sur le volet grand public, un exercice illégal de la profession de adressé à une Direction départe- chirurgien-dentiste puisque la préven- mentale de la protection des popu- tion entre dans le champ du monopole lations (DDPP) ainsi qu’à l’ARS de du chirurgien-dentiste. la région concernée. Il s’agit d’un C’est l’occasion de rappeler aux pra- assistant dentaire « indépendant » ticiens la législation en vigueur : diffusant la promotion de son acti- contrairement à ce qui est avancé vité et de ses « qualifications ». sur certains sites Internet, un assis- Un prospectus a été distribué à tant dentaire ne peut exercer sous un des praticiens, comportant un ta- statut d’autoentrepreneur puisque bleau des tarifs et accompagné de la profession, telle que définie par le l’adresse d’un site Internet acces- CSP, s’exerce exclusivement « sous la sible à tous. Ce cas, comme de nom- responsabilité et le contrôle effectif du breux autres en cours d’étude, relève chirurgien-dentiste ». une ambiguïté autour des services Répétons-le, en recourant aux services de « prévention » proposés, qui d’un assistant indépendant, le prati- semblent viser aussi le grand public. cien s’expose à des risques de requali- Si tel était le cas (service aux pra- fication en contrat de travail, de rappel ticiens d’une part, au grand public de cotisations, de délit de dissimula- d’autre part) cela constituerait deux tion d’emploi salarié ou encore de dé- infractions au Code de la santé pu- faut de couverture de sa responsabilité blique (CSP) : une intervention de l’as- médicale. LA DISPARITION DE JEAN-CLAUDE COLIN Ancien président du conseil départemental de l’Oise, Jean- Claude Colin nous a quittés le 16 mars dernier à l’âge de 87 ans. Grand professionnel, doué d’une profonde humanité et d’empathie envers ses patients, il a exercé en libéral à Mouy pendant 41 ans. Très engagé, il a servi la profession pendant 28 ans à l’Ordre, mais aussi à l’UFSBD et via des activités syndicales. Bienveillant, disponible, à l’écoute des confrères, ceux qui l’ont connu gardent de lui l’image d’un homme chaleureux, juste et droit. Il incarnait l’éthique et la déontologie. Il a été et reste un exemple pour tous les conseillers ordinaux qui lui ont succédé. À son épouse, notre consœur, à sa famille, à ses proches, le Conseil national et le conseil départemental de l’Oise adressent leurs plus sincères condoléances. 4 J U I N 2 0 2 2 # ONCD LA LETTRE
ACTU Un réquisitoire implacable contre le « système Guedj » U ne atteinte à l’inté- grité et à la confiance des patients dont toute la profession fait au- jourd’hui les frais. Voilà com- requis une peine de dix ans de prison ferme contre Lionel Guedj assortie d’une interdic- tion définitive d’exercer la pro- fession de chirurgien-dentiste, raires perçus en 2010), il aurait poursuivi des activités lucra- tives illégales pendant l’infor- mation judiciaire. « La répétition est la preuve de ment on peut regarder l’affaire et de 575 000 € d’amendes l’intention coupable » a conclu Guedj. Le 4 avril dernier, la procureure a prononcé un réquisitoire implacable au tri- bunal judiciaire de Marseille contre Lionel Guedj. Le Conseil national s’était constitué par- tie civile dans cette affaire. La procureure a relevé que, à côté de centres dentaires déviants recourant à des tech- niques similaires et ayant eu maille à partir avec la justice, c’était la première fois qu’un praticien en exercice libéral utilisait un tel système. Lionel Guedj et son père, Jean- Claude Guedj, n’étaient pas Capture d’écran d’un reportage de M6 sur l’affaire. Au total, Lionel Guedj inconnus des juridictions de aurait dévitalisé 3 839 dents saines auprès de 327 patients. l’Ordre. Dès 2011, après des plaintes de patients, l’ordre dé- au total pour les deux socié- la procureure, qui a insisté sur partemental des Bouches-du- tés qui géraient son cabinet. le caractère systématique et Rhône portait plainte contre lui. L’ex-chirurgien-dentiste était massif d’actes mutilants volon- L’assurance maladie por- poursuivi pour violences taires et injustifiés. Au total, a tait plainte au pénal la même volontaires ayant entraîné rappelé la procureure, le pra- année. Plusieurs actions judi- des mutilations, commises ticien marseillais aurait dévi- ciaires ont été menées en pa- entre 2012 et 2016, et pour talisé 3 839 dents saines sur rallèle, au pénal, à la section fraude à l’assurance maladie. 327 patients, avec la compli- des assurances sociales (SAS) La procureure a détaillé les cité de son père, Jean-Claude et en disciplinaire. En 2016, le deux piliers du « système Guedj, qui encourt quant à lui père écope d’une interdiction Guedj » : abus de confiance cinq ans de prison. d’exercice de deux ans ferme des patients et exploitation Le Conseil national s’attachera et son fils d’une radiation du des failles du système de à défendre l’intérêt collectif tableau de l’Ordre. santé. Désigné comme le prati- de la profession jusqu’au pro- À l’issue d’une longue ins- cien « le plus riche de France » noncé du jugement, attendu le truction, la procureure a donc (2,9 millions d’euros d’hono- 8 septembre prochain. J U I N 2 0 2 2 # ONCD LA LETTRE 5
ACTU L’engagement exemplaire de trois ex-conseillers nationaux E n marge de din, ex-trésorier du la session Conseil national, a du Conseil quant à lui donné national de mars l’illustration, au dernier, trois ex- travers de son par- conseillers natio- cours amorcé dans naux, Christian les Vosges, de ce Winkelmann, Guy que pouvait être un Naudin et Jean- « militant ordinal », Baptiste Fournier, engagé dans l’ac- se sont vus décer- compagnement des ner la médaille de confrères dans un vermeil du Conseil climat amical et national lors d’une confraternel, mais cérémonie pleine sans état d’âme de chaleur. Le pré- lorsqu’il s’agit de sident du Conseil poursuivre les pra- national, Phillipe ticiens ne respec- Pommarède, n’a pas manqué de relever l’engage- tant pas la déontologie et l’éthique. Jean-Baptiste ment ordinal de ces conseillers. À eux trois, ils Fournier, enfin, a commencé son parcours ordinal affichent en effet plus de 90 ans cumulés d’activité en Corrèze, puis au conseil régional du Limousin ordinale. Christian Winkelmann a retracé son avant de devenir conseiller national, au sein parcours, de la présidence du conseil départemen- duquel il sera trésorier adjoint. Il a insisté sur l’in- tal du Jura jusqu’à ses fonctions de président de la vestissement des conseillers ordinaux exerçant commission Législation et Europe du Conseil leur magistère dans une région sans UFR d’odon- national. Il a insisté sur le fait que l’on ne naissait tologie, et sur le combat mené afin que Limoges pas ordinal, mais que cela s’apprenait. Guy Nau- abrite enfin un jour une faculté. DISTINCTION Le 7 avril dernier, le président du Conseil national, Philippe Pommarède, a remis à Xavier Riaud la médaille de vermeil pour sa contribution essentielle au livre Commémoration des 75 ans de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes, paru en 2021 aux éditions L’Harmattan. L’approche historique de l’Ordre, proposée par Xavier Riaud, pleine d’enseignements, y est remarquable. Xavier Riaud, chirurgien-dentiste, est docteur en épistémologie, histoire des sciences et des techniques, et membre titulaire de l’Académie nationale de chirurgie dentaire. 6 J U I N 2 0 2 2 # ONCD LA LETTRE
ACTU MARIE-ANNE BAUDOUI-MAUREL Présidente de la commission Législation et Europe, 3 QUESTIONS À vice-présidente du Conseil national Formation, cobalt, système d’alerte : trois dossiers européens prioritaires Vice-présidente du Conseil national, S’agissant du cobalt, quel est vous présidez la commission l’impact de son classement CMR Législation et Europe du Conseil pour les praticiens ? national, quels sont vos dossiers Depuis le 26 mai 2022, lorsqu’il prioritaires ? envisage de poser en bouche un La formation initiale en Europe est dispositif médical contenant du aujourd’hui une priorité. À côté de ce cobalt, le praticien a l’obligation dossier, il existe une urgence, d’informer son patient de son le classement en CMR (cancérogène, classement en CMR. Comment mutagène et reprotoxique) du cobalt, l’en informer loyalement tout en ainsi que d’autres questions, apportant des réponses fiables comme le retard de la France et sereines ? Cette question sera s’agissant du système d’alerte l’un des sujets abordés lors d’une européen. Sur la formation en réunion importante, au ministère Europe, nous participons aux travaux de la Santé, dans le cadre de la sur la mise à jour d’un socle commun présidence française de l’Union de la formation, qui n’avait jamais européenne. Les praticiens ont fait l’objet d’une actualisation depuis besoin de réponses. Concrètement, 1978. C’est l’un des deux leviers des études récentes de l’industrie à partir desquels nous pouvons allemande indiquent que les alliages obtenir des résultats quant à un à base de cobalt, dans le domaine enseignement permettant dentaire, constituent un moyen de garantir un haut niveau de thérapeutique irremplaçable, avec qualité et de sécurité. Avec la des quantités larguées très minimes Fedcar (Fédération des autorités et tout à fait acceptables. C’est ce compétentes et régulateurs dentaires type de données dont nous avons européens), dont le Conseil national besoin pour éclairer les praticiens et français est membre fondateur, les patients. et en concertation avec les enseignants et les étudiants Le système d’alerte n’est européens, nous plaidons pour donc toujours pas opérationnel que soit explicitement mentionné en France… dans les textes un volet clinique Non. Il permet pourtant aux de l’enseignement au même titre régulateurs dentaires, dont l’Ordre que figurent les volets théorique et français, de transmettre et de recevoir pratique. L’autre levier, la certification les informations sur les interdictions régulière et indépendante des écoles d’exercice des praticiens de l’Union. dentaires des pays de l’Union, reste Pour une raison qui nous échappe, pour nous un enjeu majeur l’administration française, qui a la main et nous y travaillons. sur cet outil, n’a pas avancé. J U I N 2 0 2 2 # ONCD LA LETTRE 7
ACTU Le bureau du Conseil national à Lyon L es 13 et 14 avril derniers, le bureau du Conseil national était reçu à Lyon par le conseil régional Auvergne Rhône- Alpes, représenté par son président, Jean-Pierre Berger. Dans un climat confraternel et studieux, les grands dossiers ordinaux et d’actualité ont été abordés, notamment lors d’un forum réunissant les membres du bureau du Conseil national, du conseil régional et des 12 départe- ments de la région (Ain, Allier, Ardèche, Cantal, Drôme, Isère, Loire, Haute-Loire, Puy-de-Dôme, de l’enseignement, le numérique en conseillers et secrétaires adminis- Rhône, Savoie et Haute-Savoie). santé. S’agissant du fonctionne- tratives ainsi que sur la gestion des Calendrier électoral oblige, les nou- ment de l’Ordre, un point a été fait tableaux départementaux. Le veaux président(e)s des départe- sur les nouvelles obligations de Conseil national entend maintenir ments, issus du scrutin de mars l’institution en matière de marchés, ces rendez-vous très importants qui dernier, ont pu se présenter mais sur les projets du nouveau règle- permettent une circulation de l’in- aussi, via les échanges qui ont eu ment de trésorerie ordinale per- formation entre les différents éche- lieu, entrer de plain-pied dans les mettant d’assurer la bonne marche lons de l’Ordre. Prochaine étape : dossiers en cours, intraordinaux et des « petits » départements, ou Amiens pour la région Hauts-de- professionnels. Philippe Pomma- encore sur la formation interne des France. rède, président du Conseil national, a fait un point d’étape sur les chan- tiers qu’il a lancés depuis son élec- DPC : LE CONTRÔLE DE LA PÉRIODE 2017-2019 tion en juin 2021, avant de laisser les Les praticiens ont, pour la plupart, reçu un courrier de leur conseil membres du bureau du Conseil départemental les informant de leur situation au regard du DPC. Ceux qui national présenter leurs dossiers. ont rempli leur obligation sur la période 2017-2019 reçoivent une simple Plusieurs sujets d’actualité ont sus- confirmation de réception des données. Les praticiens inscrits au cours de la période 2017-2019 sont invités à créer un document de traçabilité en cité des débats et des échanges vue des prochaines périodes triennales. Enfin, ceux qui n’ont pas rempli approfondis. Citons ainsi les centres leur obligation sont invités à communiquer un justificatif attestant avoir de santé dentaires, avec des ques- suivi, au cours de la période 2017-2019, une action de formation, une action tions très concrètes comme celles d’analyse, d’évaluation et d’amélioration des pratiques ou une action de des structures installées dans des gestion des risques, que celle-ci soit agréée ou non par l’ANDPC. Pour rappel, ce n’est qu’en 2020 que l’ANDPC a permis aux chirurgiens-dentistes centres commerciaux n’ayant pas, de déposer leurs justificatifs sur le document de traçabilité, hébergé sur comme c’est obligatoire pour les le site www.agencedpc.fr/professionnel. Il s’agit de la seule procédure pharmacies, d’accès autonome per- valable pour justifier la régularité de sa situation. Le Conseil national sait mettant d’assurer les gardes et la les difficultés administratives et techniques auxquelles ont fait face les permanence des soins le dimanche praticiens jusqu’en 2021, mais il se doit d’exercer sa mission de contrôle. La prochaine période triennale (2020-2022) sera déterminante pour les et les jours fériés. Tous les sujets de praticiens, car la souplesse relative dont l’Ordre fait preuve pour la période fond ont été abordés : le deuxième 2017-2019 n’aura plus cours. collaborateur, l’Europe et la qualité 8 J U I N 2 0 2 2 # ONCD LA LETTRE
FOCUS FOCUS Télémédecine bucco-dentaire L’URGENCE P résentée comme l’un des outils de tion ont fait depuis longtemps la démonstra- la lutte contre les déserts médi- tion de leur efficience. caux par le président Emmanuel Ce développement de la télémédecine a Macron, la télémédecine bucco- pour toile de fond le contexte plus général dentaire va-t-elle connaître une mise en d’une montée en puissance du numérique place décisive au cours du quinquennat qui en santé. Cette mesure a été voulue par s’ouvre ? C’est ce que souhaite le Conseil na- l’État lors du précédent quinquennat. La tional. La télémédecine et la téléconsulta- télémédecine s’inscrit donc logique- J U I N 2 0 2 2 # ONCD LA LETTRE 9
FOCUS ment dans ce mouvement de déve- Déjà, en 2018, faute loppement de l’outil numérique. de réponse des Mais va-t-on passer de la parole pouvoirs publics, le Conseil national aux actes, d’une promesse de can- alertait dans La didat à une réelle action du pré- Lettre sur l’urgence sident et de son gouvernement ? La d’une réponse quant télémédecine bucco-dentaire sera- aux enjeux de la t-elle inscrite à l’agenda du minis- télémédecine bucco- dentaire, concernant tère de la Santé et à celui de l’assu- la santé publique. rance maladie ? Ces démarches du Pour le Conseil national, c’est un Conseil national rendez-vous décisif qu’il convient n’ont jamais cessé, de ne pas manquer. Il y a urgence, il y compris lors du faut prendre date. L’objectif ordinal premier confinement, au printemps 2020, consiste à solliciter les autorités afin dans le cadre que cesse l’inertie observée depuis duquel les actes de trop longtemps dans le développe- téléconsultation des ment de la télémédecine bucco- chirurgiens-dentistes, dentaire. C’est dans cette optique malgré les demandes de mesures qu’il vient de transmettre au minis- dérogatoires – mises tère de la Santé une synthèse des en place pour enjeux permettant l’accès aux soins d’autres professions bucco-dentaires d’une partie de la de santé – auront population (les résidents en Ehpad, exercé de manière entre autres). bénévole. Un avant et un après faite de sa grande utilité. interlocuteurs institutionnels. Covid-19 Citons Tel-e-dent, dans la Creuse, En pratique, une infirmière munie On le sait, l’un des freins majeurs à dispositif de télé-expertise bucco- d’un endoscope ORL enregistre la ce développement est l’absence de dentaire mis en place en 2018 au vidéo de la cavité buccale des rési- prise en charge des actes de télémé- centre hospitalier de Guéret, qui dents en Ehpad, et l’équipe hospita- decine bucco-dentaire par l’assu- donne une réponse aux carences lière interprète les images puis, rance maladie. L’Ordre n’est évi- en soins bucco-dentaires des per- lorsque cela est nécessaire, fait demment pas partie aux arbitrages sonnes vivant en Ehpad, dans un entrer le patient dans un parcours conventionnels qui s’inscrivent département très sous-doté (36 de soins. Ce dispositif, lorsqu’il était dans le cadre des discussions entre praticiens pour 100 000 habitants en phase de test, a fait l’objet d’une les syndicats et l’assurance maladie. en Creuse contre une moyenne publication parue en 2017 dans le Mais le Conseil national, garant de nationale de 66/100 000 habi- Journal of the American Medical la santé publique dentaire et engagé tants). On touche ici au cœur de la Directors Association (1). Il s’agissait depuis de nombreuses années sur la proposition du président Emma- de comparer la qualité de l’examen question de l’accès aux soins bucco- nuel Macron. visuel en présentiel versus celle de dentaires pour tous, ne peut qu’aler- Il est important de dire quelques l’examen sur écran : les résultats ter la puissance publique : il faut mots rapides sur la publication étaient significatifs. Pour la petite avancer sur cette question et lever scientifique qui a permis le lance- histoire, cette publication a été ce frein au développement de cet ment officiel de Tel-e-dent. Cela est déterminante dans le financement outil de diagnostic moderne. d’autant plus nécessaire que l’idée du dispositif par l’ARS. Partout où les dispositifs de télé- d’une consultation à distance, dans Il existe, bien sûr, d’autres disposi- médecine bucco-dentaire notre discipline, ne va pas toujours tifs de télémédecine bucco-dentaire existent, la démonstration est de soi auprès de certains de nos en France et, de son côté, l’UFSBD 10 J U I N 2 0 2 2 # ONCD LA LETTRE
FOCUS a développé un outil de télésurveil- niveau d’urgence, soit vers les cabi- On relèvera d’ailleurs que l’une lance bucco-dentaire, Oralien, nets dentaires d’urgence, soit vers des conséquences de cette auprès des établissements médico- les pharmacies soit, plus simple- absence de prise en charge aura sociaux, outil placé au centre d’un ment, en leur donnant des conseils été (et demeure aujourd’hui) une système d’accompagnement plus de prévention en attendant la absence quasi complète de toutes global. reprise des soins courants. données sur le nombre d’actes de Dernier point ayant son impor- La profession dentaire n’a certes pas télémédecine bucco-dentaires tance : concernant la santé publique, été la seule à assurer ces consulta- qui ont été délivrés pendant cette il y a eu dans la pratique quoti- tions à distance. Ce sont toutes les crise. Autrement dit, et cela n’est dienne des chirurgiens-dentistes professions médicales et de santé pas le moindre des paradoxes, un avant et un après Covid-19. Rap- qui ont modifié leur pratique pour notre profession médicale de pre- pelons que, lors du premier confine- répondre aux besoins de la popula- mier recours, qui a spontanément ment, de mars à mai 2020, le tion. On sait par exemple que pour et massivement participé à la Conseil national a sollicité l’en- les médecins, le nombre d’actes de mobilisation via des actes de télé- semble des praticiens afin qu’ils télémédecine s’est élevé à près d’un consultation, ne figure sur aucun assurent la permanence des soins million par semaine pendant le pic des écrans radars statistiques de l’assurance maladie et des ser- vices de l’État, parce que cette mobilisation des chirurgiens- dentistes a été bénévole ! Pourtant, aussi bien dans les textes que dans les travaux de la Haute Autorité de santé (HAS) et ceux de l’Agence du numérique en santé (ANS), notre profession est clairement inscrite dans le pro- cessus. Ainsi, le Code de la santé publique (CSP) offre au chirur- gien-dentiste, professionnel médi- cal, la possibilité d’effectuer des actes de télémédecine (2). Le guide de bonne pratique « rela- tif à la téléconsultation et à la télé- expertise », de la HAS, paru en Le dispositif Tel-e-dent, en Creuse, a fait l’objet d’une publication scientifique en 2019, pose le cadre de la réalisa- 2017 dans le Journal of the American Medical Directors Association, qui concluait à l’efficience du télédiagnostic en comparant la qualité de l’examen visuel en présentiel tion de ces actes par tous les pro- versus celle de l’examen sur écran. fessionnels concernés, y compris par les chirurgiens-dentistes. auprès de leurs patients. Sans leur épidémique du printemps 2020. participation massive, l’édifice créé Dans le cadre défini par l’état d’ur- (1) A. Queyroux et al., « Accuracy of par le Conseil national, assis (entre gence sanitaire, certaines profes- Teledentistry for Diagnosing Dental autres !) sur la régulation et l’aiguil- sions ont d’ailleurs accédé à une Pathology Using Direct Examination lage des urgences vers les cabinets prise en charge exceptionnelle par as a Gold Standard : Results of the dentaires de garde, aurait tout sim- l’assurance maladie de leurs actes Tel-e-dent Study of Older Adults plement explosé. Les patients ont de télémédecine. Notre profession Living in Nursing Homes », Journal sollicité leurs praticiens par télé- aura été la seule à ne pas bénéficier of the American Medical Directors phone et par mail, lesquels ont de cette mesure d’exception malgré Association (2017). assuré des consultations à distance les demandes répétées du Conseil (2) Articles L. 6316- 1 et R. 6316- 1 du afin d’orienter les patients selon le national. CSP. J U I N 2 0 2 2 # ONCD LA LETTRE 11
FOCUS La note de synthèse au ministère de la Santé D ans sa note de synthèse tion qui pourra soulager le patient. adressée à la Direction La télémédecine bucco-dentaire est générale de l’offre de soins également un moyen de surveillance (DGOS), au ministère de la post-chirurgicale. Santé, le Conseil national rappelle que Enfin, la télémédecine bucco-dentaire l’un des grands objectifs de la télémé- peut se révéler indispensable dans des decine bucco-dentaire est de définir un situations sanitaires exceptionnelles parcours de soins adapté en fonction de comme celles liées à la Covid-19 (confi- l’état général, cognitif et bucco-den- nement), période pendant laquelle elle taire du patient, particulièrement pour a prouvé toute son utilité. les résidents en Ehpad ou les personnes Pour tous ces motifs, une reconnaissance en situation de handicap. pratique et financière de l’existence de la Pour cette patientèle, un professionnel télémédecine dans le domaine bucco- de santé (infirmier dûment formé, par dentaire est urgente. exemple) réalise une prise d’images intra-buccales. Ces images sont adres- sées de manière sécurisée à un chirur- gien-dentiste, qui après analyse des CONVENTION : QUID DES AUTRES images, peut proposer un plan de trai- tement adapté dans les cas qui l’exigent. PROFESSIONS ? Il s’agit d’identifier les dents à soigner Le Comité national télésanté (CNT) faisait le point, et surtout, d’assainir la bouche, de sup- en janvier dernier, sur les dernières négociations primer les foyers infectieux, inflam- impliquant les professions de santé. matoires et/ou douloureux, avérés ou potentiels et, in fine, d’orienter le - Pour les médecins, les modalités de prise en charge patient. de la téléconsultation ont été assouplies, et un seuil La télémédecine bucco-dentaire maximum de 20 % d’activité annuelle en télémédecine constitue l’une des réponses au renon- a été établi. À noter que les parties à la convention cement aux soins. Elle a également ont élaboré avec l’Ordre des médecins, une charte révélé tout son intérêt dans la prise en des bonnes pratiques de la téléconsultation visant charge des personnes maintenues en à « accompagner le développement de la pratique » détention. auprès des médecins. Mais, au-delà des résidents en Ehpad, - Pour les sages-femmes, de nouvelles conditions de des personnes en situation de handicap réalisation et de facturation des actes de télémédecine et de celles maintenues en détention, s’appliqueront en juillet. un échange avec le patient par vidéo ou par téléphone, éventuellement com- - Pour les infirmiers en soins généraux, l’engagement plété par la prise sécurisée d’images, a été pris d’ouvrir des négociations sur la télésanté. peut permettre de réaliser à distance - Pour les pharmaciens, les négociations se sont un premier diagnostic bucco-dentaire ouvertes en novembre dernier. et d’aboutir rapidement à une prescrip- 12 J U I N 2 0 2 2 # ONCD LA LETTRE
ÎLE-DE-FRANCE Dans le saint des saints TERRITOIRE de la criminalistique Des locaux flambant neuf, des équipements de pointe, toutes les disciplines de la criminalistique, dont l’odontologie médico-légale, réunies dans un seul site : l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), à Cergy-Pontoise, connaît peu d’équivalents dans le monde. N ous voici au cœur de l’Ins- ponsable du service d’odontologie titut de recherche crimi- médico-légale de l’IRCGN, son nelle de la gendarmerie adjointe chirurgien-dentiste, Lise nationale (IRCGN), dans la salle Malfroy-Camine, leur techni- d’autopsie, considérée comme cienne de salle d’autopsie, Laura l’une des mieux équipées de Marest ainsi que Charles Georget, France. Deux tables d’autopsie, chirurgien-dentiste, membre du des caméras, un immense écran Service de santé des armées déta- plat au mur et, dans une salle ché à l’IRCGN, sont tous les contiguë, un impressionnant quatre très détendus. Mais der- scanner post-mortem : on devine rière leur bonne humeur, on qu’ici, les choses peuvent en une pressent qu’ils savent parfaite- seconde basculer dans un branle- ment quand c’est le moment de la bas de combat où chaque acteur détente et quand on doit passer sait précisément ce qu’il a à faire. aux choses sérieuses. C’est un peu la même chose avec Ensemble, ils affichent au compteur nos hôtes. Aimé Conigliaro, res- des milliers d’heures d’exper- J U I N 2 0 2 2 # ONCD LA LETTRE 13
ÎLE-DE-FRANCE Dans la salle d’autopsie de l’IRCGN désignée comme l’une des mieux équipées en France, de gauche à droite : Charles Georget, Lise Malfroy-Camine, Aimé Conigliaro, et Laura Marest. Est reliée à cette salle une salle « propre » avec écrans et outils numériques permettant aux magistrats et enquêteurs d’interagir en direct avec l’équipe d’autopsie. tise médico-légale et des dizaines L’histoire de sa création en 1987 est pour- d’affaires pénales (Colonna, Dupont de Li- tant liée à un terrible échec qui a hanté et gonnès) ou d’identification suite à des ca- hante encore la gendarmerie et la société tastrophes (Concorde, tsunami, tunnel du française : l’affaire Grégory. L’IRCGN, Mont-Blanc, Germanwings, crash au c’est la leçon que la gendarmerie a tirée Mali, attentat de Nice, etc.). Au fur et à me- de la faillite de la criminalistique et, plus sure que nos hôtes nous conduisent à tra- largement, de la faillite de l’investigation vers les couloirs de l’IRCGN (petite visite criminelle lors de cette affaire. Et c’est chez les collègues de la balistique, incur- une autre catastrophe, celle du crash de sion dans les salles de reconstitution de l’Airbus au mont Sainte-Odile, en 1992, scènes de crime) quelque chose d’autre transparaît dans leur attitude : leur fierté d’appartenir à cette maison. On comprend pourquoi. Installé depuis 2015 à Cergy-Pontoise, l’IRCGN réunit en un seul lieu toutes les disciplines de Une scène la criminalistique (physique et chimie, de crime reconstituée, ingénierie et numérique, identification dans le cadre humaine, biologie et génétique, entre de la formation autres). Avec ses locaux flambant neuf des techniciens et ses équipements de pointe, cette ins- en identification titution pluridisciplinaire a peu d’équi- criminelle. valents dans le monde. C’est la crème de la crème. 250 personnes y travaillent qui, chaque année, traitent en moyenne un total de 200 000 dossiers. 14 J U I N 2 0 2 2 # ONCD LA LETTRE
ÎLE-DE-FRANCE qui va conduire l’IRCGN à intégrer offi- ciellement en son sein l’odontologie mé- dico-légale. Le mont Sainte-Odile, c’est en effet l’intervention d’une équipe d’identi- fication peu formée, sans protocole, sans règles d’opération entre leur mission et celle de l’investigation judiciaire. Place au professionnalisme ! Et c’est Aimé Conigliaro, ingénieur en crimina- listique, expert agréé près la Cour de cassation, qui est à l’époque sollicité. Travaux de Bonne pioche. C’est lui qui va monter de recherche en toutes pièces le service et donner, au sein identification. de l’IRCGN, ses lettres de noblesse à l’odontologie médico-légale. Au- jourd’hui, le service est mobilisé dans plusieurs champs. Militaire, d’abord, avec la recherche des causes de décès de soldats. Judiciaire, ensuite, notamment dans le cadre d’instructions pénales. « Nous travaillons, par exemple, sur le vieillissement facial de personnes recher- chées, ce qui permet de donner des orien- tations d’enquête. Nous sommes aussi sol- part que s’est trouvée le service, avec les licités pour établir vers quels types de travaux d’Aimé Conigliaro et de Charles transformation peut aller une personne Georget sur les morsures humaines, re- recherchée », explique Aimé Conigliaro. connus au niveau international. La pré- Il se souvient de l’autopsie de la jeune sentation de leur méthodologie standar- Maëlys, avec des « traumas faciaux qui disée, qui mobilise des techniques de contredisaient les affirmations de Nor- CFAO, leur a valu une standing ovation dahl Lelandais », ou encore l’affaire Flac- à Orlando lors d’un congrès de l’Ameri- tif, au cours de laquelle, avec l’équipe dé- can Academy of Forensic Sciences. pêchée sur les lieux, des éclats de dents sont découverts entre des lames du par- quet, dans le chalet du meurtre pourtant « nettoyé » par l’assassin. Enfin, le service est missionné, en France et à l’étranger, dans le cadre de l’identification des victimes de catas- On trouve tout au trophe, avec une capacité de projection service balistique et un matériel lui permettant d’être rapi- de l’IRCGN (15 000 dement opérationnel. « Avec son équipe armes), y compris ce de cinq permanents, explique Charles piège artisanal, trouvé Georget, le service dispose d’une grande sur un site d’orpaillage en Guyane. plasticité. Il peut mobiliser le nombre d’experts requis, soit via la réserve de l’ar- mée, soit via l’Unité d’identification odon- tologique du Conseil national de l’Ordre. » On n’oubliera pas pour finir la place à J U I N 2 0 2 2 # ONCD LA LETTRE 15
PRATIQUE JURIDIQUE : LIBERTÉ D’EXPRESSION Protection des lanceurs d’alerte : quid des professionnels de santé ? RÉSUMÉ. La personne dénonciatrice de certains faits bénéficie d’un régime de protection. Deux hypothèses sont ici développées. La première concerne un salarié, de bonne foi, qui avertit un ordre professionnel que son employeur méconnaît, selon lui, des règles déontologiques. Ce salarié est protégé sur le fondement de la liberté d’expression. Il a été licencié par un employeur qui conteste la dénonciation, soutenant notamment ne pas avoir commis de manquement déontologique, le licenciement a été déclaré nul par les juges. En cette situation, le salarié n’est pas à proprement parler un lanceur d’alerte. Car l’article L. 1132-3-3 du Code du travail ne vise pas le manquement déontologique au titre des cas relevant du dispositif du lanceur d’alerte. La seconde concerne la loi du 21 mars 2022 qui modifie les textes antérieurs afin d’assurer une meilleure protection du lanceur d’alerte. Elle en élargit la définition, assouplit la procédure d’alerte et étend l’irresponsabilité du lanceur d’alerte. 16 J U I N 2 0 2 2 # ONCD LA LETTRE
PRATIQUE LE CONTEXTE. Deux données sont à l’origine de cette chro- nique. Tout d’abord, la Cour de cassation (1) a été saisie d’un différend où un salarié a informé un ordre professionnel d’une violation par son employeur d’une règle déontologique. Mal lui en a pris car il a été licencié en raison de cette dénonciation. Cependant, le licenciement a été annulé par les juges : « En raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser […] des manquements à des obligations déontologiques prévues par la loi ou le règlement, est frappé de nullité ». Cet arrêt livre deux enseignements : d’une part, le salarié – à la condition d’être de bonne foi – qui dénonce à l’ordre une faute déontologique, même non prouvée, commise par son employeur est protégé par la liberté d’expres- sion ; ce faisant, le juge prononce la nullité de la sanction (ici, le licenciement). D’autre part, la protection n’est pas accordée en qualité de lan- ceur d’alerte, mais au visa de la liberté d’expres- sion. En effet, l’article L. 1132-3-3 du Code du travail ne vise pas la méconnaissance du code de déontologie au titre des cas relevant du dis- positif sur le lanceur d’alerte. Dépassant le cadre de cet arrêt, qu’en serait-il si le lanceur d’alerte – de bonne foi, qui relate des faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonc- tions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser un manquement aux devoirs déontologiques – était collaborateur libéral, et non salarié ? La liberté d’expression ne protège pas sim- plement le salarié, mais tout individu en général, selon l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), ce qui invite à croire que ce texte pourrait être invoqué par le collaborateur libéral. Gageons que le conseil départemental, qui sera destina- taire de la dénonciation, saura traiter ce type de dossier. J U I N 2 0 2 2 # ONCD LA LETTRE 17
PRATIQUE Ensuite, la loi du 21 mars 2022 (2) a été pro- seront concernés. La divulgation publique n’est mulguée afin d’améliorer la protection des lan- pas privilégiée, et n’est prévue que dans cer- ceurs d’alerte. Elle modifie le dispositif ins- taines situations, notamment en l’absence de tauré par la loi dite « (Michel) Sapin II » du traitement du signalement externe dans un 9 décembre 2016, dont un rapport de juillet 2021 certain délai. Soulignons que le Défenseur des montrait les insuffisances. Présentons son droits (4) est chargé d’orienter les lanceurs contenu dans les grandes lignes. d’alerte, et de réorienter les alertes lorsque l’au- torité externe ne s’estimera pas compétente. ANALYSE. Enfin, la loi de 2022 étend l’irresponsabilité L’apport de la nouvelle loi est triple. Tout du lanceur d’alerte. Ce dernier, s’il est de d’abord, elle élargit la définition du lanceur bonne foi, ne sera pas inquiété civilement : il d’alerte. Est un lanceur d’alerte la « personne est protégé contre une action en responsabilité physique qui signale ou divulgue, sans contre- civile ayant pour objet de lui demander des partie financière directe (3) et de bonne foi, des dommages-intérêts motif pris de l’existence de informations portant sur un crime, un délit, une préjudices subis du fait du signalement. Le lan- menace ou un préjudice pour l’intérêt général, ceur d’alerte ne le sera pas non plus pénale- une violation ou une tentative de dissimulation ment : on ne pourra pas lui reprocher, lorsqu’il d’une violation d’un engagement international aura eu connaissance d’informations, d’avoir régulièrement ratifié ou approuvé par la France récupéré et diffusé des documents, y compris […], du droit de l’Union européenne, de la loi ou confidentiels, liés à son alerte. En pratique, a du règlement ». Avant 2022, sous l’ère de la loi été constatée la mise en œuvre de « procédure(s) « Sapin II », le lanceur d’alerte devait avoir bâillon » ; sont ainsi dénommées des mesures de « personnellement connaissance des faits qu’il rétorsion intentées par ceux qui sont dénoncés, signalait », cette condition a disparu dans le par exemple, l’action en diffamation. De telles contexte professionnel, mais uniquement procédures obligent le lanceur d’alerte à se dans ce contexte. Il lui est donc possible de défendre en justice, donc à engager des frais. dénoncer des faits qui lui ont été rapportés. Pour limiter leurs effets coûteux, une provision En outre, alors que précédemment la loi pour frais de justice pourra être accordée en « Sapin II » exigeait une menace « grave », ce début de procès. L’auteur de la « procédure bâil- critère de gravité a dorénavant disparu. L’in- lon » encourt une amende civile portée à formation dont la révélation est interdite par 60 000 €. La loi de 2022 complète, par ailleurs, les dispositions relatives au secret médical est la liste des représailles interdites : intimidation, exclue du régime de l’alerte. atteinte à la réputation notamment sur les Ensuite, la loi de 2022 assouplit la procédure réseaux sociaux, inscription sur une liste noire… d’alerte. Pour être protégé, le lanceur d’alerte, La loi nouvelle a prévu un mécanisme de sou- sous la loi de 2016, devait d’abord procéder à un tien psychologique et financier du lanceur signalement interne (auprès de l’auteur de l’acte d’alerte, lequel pourra être mobilisé via le répréhensible), puis, en l’absence de traitement, Défenseur des droits. réaliser un signalement externe (auprès de la Pr David Jacotot justice, de l’autorité publique…), enfin, en der- (1) Cass. soc., 19 janv. 2022, n° 20-10.057. nier recours s’adresser au public. Cette hiérar- (2) N° 2022-401, Journal officiel de la République chisation a été critiquée, surtout le signalement française, 22 mars 2022, p. 114. interne, qui pouvait conduire l’intéressé à inti- mider, voire menacer le lanceur d’alerte. Avec (3) Expression qui remplace celle antérieurement la loi de 2022, ce dernier peut directement opter retenue, jugée plus ambiguë : le lanceur d’alerte devait pour un signalement externe. Sur ce dernier agir de « manière désintéressée ». point, un décret précisera la liste des autorités (4) Auprès duquel est institué nouvel adjoint, dont compétentes pour recueillir et traiter les alertes les missions sont précisées par la loi organique du externes, sachant que les ordres professionnels 21 mars 2022. 18 J U I N 2 0 2 2 # ONCD LA LETTRE
PRATIQUE JURIDIQUE : CONTRATS DE SOINS Lorsque son objet excède 1 500 €, un contrat ne se prouvera que par l’écrit RÉSUMÉ. Nous avions employé, dans le précédent numéro de La Lettre, l’expression « preuve du contrat de soins ». Cette chronique a pour objet de présenter, de manière simplifiée, les règles de droit relatives à la preuve d’un contrat. Il existe un principe, qui puise sa source dans la loi, assorti d’exceptions, elles aussi légales. Le principe est que le contrat portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret (1 500 €) doit être prouvé par écrit ; bref, par principe, le contrat écrit. LE CONTEXTE. Dans une précédente chronique de La règles, souvent découpées de la sorte : un Lettre, intitulée « Pas de devis, pas d’hono- principe assorti de tempéraments. Com- raires, pas si simple », nous écrivions que la mençons par le principe selon lequel la solution (honoraires en partie dus au pra- rédaction d’un écrit n’est pas une condition ticien) dépendait d’une vérification à opé- de validité d’un contrat (1). Mais la question rer, celle de la preuve du contrat de soins. Il de la validité ne se confond pas avec celle de nous est apparu utile d’évoquer de manière la preuve, en ce sens qu’avant même d’exa- générale ce sujet, celui de la preuve d’un miner si l’acte est valable, encore faut-il contrat. L’enjeu est simple : si son existence constater, juridiquement, sa naissance, son n’est pas établie, il ne peut en être demandé existence. C’est là qu’un autre principe est l’exécution, la réalisation de la prestation à mobiliser : un contrat se prouve par écrit prétendument promise, que ce soit une lorsque son objet excède 1 500 € (2). Si une per- somme d’argent, ou toute autre prestation. sonne vient réparer ou entretenir votre Le droit applicable est, en la matière comme matériel, et que le coût des travaux est de ailleurs, divisé en notions dites fondamen- 1 600 €, alors un écrit est exigé pour prou- tales, lesquelles sont divisées en plusieurs ver le contrat. Pour en revenir au J U I N 2 0 2 2 # ONCD LA LETTRE 19
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