LA COHABITATION HOMME/ANIMAL EN MILIEU URBAIN : L'EXEMPLE DU CHIEN

 
CONTINUER À LIRE
Université Lumière Lyon2
                                Institut d'Etudes Politiques de Lyon
                                           2006-2007
                                            MEMOIRE
                        Sous la direction de Maître Arnaud Pélissier

LA COHABITATION HOMME/ANIMAL EN
MILIEU URBAIN : L’EXEMPLE DU CHIEN

                              Soutenu le 7 septembre 2007 par
                                     Béatrice SAVARY
                 Master Management du Service Public : Collectivités et Partenaires

Jury : Anne Blanc-Boge, Maître Arnaud Pelissier, Francis Roch
Table des matières
Remerciements . .                                                                                       5
Citations . .                                                                                           6
Introduction . .                                                                                        7
 ère
1    partie : Un écueil à éviter, le monde animal en opposition à celui de l’Homme . .                  10
       Chapitre 1: Un peu d’Histoire . .                                                                10
                I. La conquête de l’animal ou la survie de l’Homme . .                                  10
                II. Les particularités inhérentes à la domestication du loup . .                        11
                III. Le chien comme grand gagnant d’un apprivoisement mutuel . .                        11
                IV. La naissance d’un statut juridique répondant à une conception patrimoniale de
                l’animal . .                                                                            12
       Chapitre 2 : L’utilité de l’animal en ville aujourd’hui . .                                      13
                I. Les rôles utilitaires du chien . .                                                   13
                II. Les aides aux personnes handicapées . .                                             15
                III. Auprès des personnes malades : la zoothérapie . .                                  18
                IV. Une présence pour les personnes âgées ou isolées . .                                19
                V. Un élément du développement de l’enfant . .                                          20
                VI. Les effets sur le bien-être et la santé . .                                         21
                VII. Le besoin de « nature » en opposition à une ville aseptisée . .                    22
 ème
2    partie : L’animal dans la ville, une tolérance plutôt qu’une intégration . .                       24
       Chapitre 1 : Des politiques en aval plutôt qu’en amont . .                                       24
                I. Les actions des collectivités locales en matière de propreté et d’hygiène . .        24
                II. Les problèmes de comportements dangereux : la stigmatisation comme fausse
                solution . .                                                                            25
                III. La question du bien-être des animaux en ville : n’importe quel animal, n’importe
                où ? . .                                                                                27
                IV. La négligence du problème des abandons par les pouvoirs publics . .                 28
                V. La maltraitance, une préoccupation essentiellement associative . .                   29
       Chapitre 2 :Un statut juridique qui se cherche, encore nettement déficient pour une
       protection efficace . .                                                                          30
                I. L’animal domestique: encore un meuble… . .                                           30
                II. … Mais qui fait preuve de certaines spécificités . .                                31
                III. Les apports du droit international et européen . .                                 32
 ème
3    partie : L’animal dans la ville, un avenir à construire . .                                        34
       Chapitre 1 : Le besoin d’une politique à la fois nationale et locale : être un maître
       responsable ou ne pas être . .                                                                   34
                I. Une proposition : le P.D.C (Permis de Détention de Chien) pour les chiens
                d’attaque, de garde et de défense . .                                                   34
                II. Une formation allégée proposée lors de l’acquisition de certaines autres races :
                l’A.F.E.C . .                                                                           35
                III. La création indispensable d’un réseau de professionnels adapté . .                 36
                IV. Obligation d’identification des chiens et taxation symbolique des maîtres au
                travers d’une taxe nationale . .                                                        36
V. Une politique locale d’éducation canine : pourquoi pas ? . .                         38
              VI. La mise en place primordiale d’un statut juridique spécifique à l’animal . .        38
              VII. Une nouvelle orientation positive des Ministères en matière de protection et de
              bien-être de l’animal . .                                                               39
      Chapitre 2 :La question de la propreté ou comment concilier l’aménagement urbain et la
      répression . .                                                                                  40
              I. La complémentarité « canisites », « caniparcours » et « caniparcs » . .              40
              II. Une indispensable information envers les maîtres . .                                42
              III. Le principe du « pollueur payeur » . .                                             42
Conclusion . .                                                                                        45
Abréviations . .                                                                                      47
Bibliographie . .                                                                                     48
      Ouvrages : . .                                                                                  48
      Documentation A.F.I.R.A.C : . .                                                                 48
      Rapports/études : . .                                                                           48
Annexes . .                                                                                           50
      Annexe 1 : Les différents genres au sein du groupe des canidés . .                              50
      Annexe 2 : Les différentes espèces au sein du genre canis . .                                   50
      Annexe 3 : La classification des biens en droit romain . .                                      50
      Annexe 4 : La classification des biens en ancien droit français . .                             51
      Annexe 5 : Obligations et interdictions pour les propriétaires de chiens de première
      et deuxième catégorie (loi du 6 janvier 1999) . .                                               52
      Annexe 6 : Loi n°99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et
      à la protection des animaux (publiée au J.O du 7 janvier 1999) . .                              52
      Annexe 7 : Arrêté du 27 avril 1999 publié au J.O du 30 avril 1999 . .                           67
      Annexe 8: article 521-1 du Code Pénal (partie législative) . .                                  70
      Annexe 9: Compte-rendu des débats de la séance du 26 novembre 1998 au Sénat
      ..                                                                                              71
                                                                                                 er
      Annexe 10: Proposition de loi n° 2209 à l’Assemblée Nationale, enregistrée le 1
      mars 2000 . .                                                                                   73
      Annexe 11: Article concernant la taxe sur les chiens, tiré du Grand dictionnaire
      universel du XIXe siècle de Pierre Larousse . .                                                 75
      Annexe 12 : Entretiens . .                                                                      76
Remerciements

Remerciements
A l’ensemble du personnel enseignant du Master pour son apport théorique,
    A Madame Anne Blanc-Boge pour son apport méthodologique,
   A Maître Pélissier pour m’avoir accordé sa confiance en acceptant d’être mon directeur de
mémoire pour ce sujet un peu particulier,
    A la Direction de l’Ecologie Urbaine de la Ville de Lyon pour m’avoir offert l’opportunité de
découvrir son fonctionnement lors d’un stage,
     A Monsieur Robert Blaise, Maire de Dombasle, pour m’avoir permis d’effectuer ce stage très
instructif à la Ville de Lyon
    A Monsieur Francis Roch, mon maître de stage, pour m’avoir si bien intégrée au sein de la
Mairie de Dombasle,
    A Catherine Roblin de l’A.F.I.R.A.C pour son aide précieuse,
    Charles Adam, Marie-José Valiani et André Arnould, pour avoir eu la patience de m’accorder
des entretiens passionnants,
    A David pour sa patience, son soutien et ses nombreux conseils,
     A As de Carreau du Jardin d’Anagathe, dit Apache (Papache, pour les intimes), pour m’avoir
fait découvrir le bonheur, mais aussi le poids des responsabilités qu’engendre sa présence à nos
côtés depuis bientôt deux ans.

                                Savary Béatrice - 2007                                         5
LA COHABITATION HOMME/ANIMAL EN MILIEU URBAIN : L’EXEMPLE DU CHIEN

Citations
On peut juger de la grandeur d'une nation par la façon dont les animaux y sont
traités. Gandhi L'homme est une corde tendue entre l'animal et le Surhomme,
une corde au-dessus d'un abîme. Friedrich Nietzsche. Extrait d'Ainsi parlait
Zarathoustra

6                                   Savary Béatrice - 2007
Introduction

Introduction

                                       1
           Soixante cinq millions . C’est le nombre d’animaux de compagnie aujourd’hui en France,
           chiffre qui nous place en première position des pays européens. Et c’est sans compter
           les dizaines d’espèces d’animaux commensaux et sauvages qui s’installent durablement
           en ville, y compris dans les plus importantes agglomérations. Comparé aux soixante trois
           millions d’habitants que compte notre Etat au dernier recensement de l’INSEE, la question
           de la cohabitation Homme/animal prend toute son ampleur.
               Mais encore faut-il se poser les bonnes questions. Ainsi, nous pouvons balayer
           d’emblée quelques idées reçues, selon lesquelles ce phénomène serait limité à certaines
           catégories de la population. En effet, 54% des Français possèdent un animal de compagnie
                                                                                                   2
           à ce jour et ce, sans qu’aucun critère d’âge, de sexe, ou de revenus ne soit déterminant .
                 La seule caractéristique marquant une grande différence de pourcentage est la
           catégorie de communes d’habitation : plus on habite une grande ville, moins on possède
           d’animal (70% en communes rurales contre 23% dans l’agglomération parisienne). De
           fait, le pourcentage de personnes regrettant de ne pouvoir posséder un animal est, à
           l’inverse, croissant avec la taille de l’agglomération de résidence. La population est donc
           bien consciente des difficultés spécifiques à la détention d’un animal en ville.
                Nous le voyons, la question est vaste. Rien de commun, du moins a priori, entre
           les problèmes de l’invasion d’étourneaux, de la multiplication des chats errants, de la
           dératisation ou des aboiements intempestifs. C’est pourquoi, dans le souci que notre travail
           soit suffisamment approfondi, il est apparu indispensable de le limiter à l’étude d’un seul de
           ces animaux présents en ville.
                Il nous est alors paru incontournable de centrer notre étude sur l’exemple du chien,
           et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il est clair que le chien reste l’animal préféré
                                                                  3
           des Français pour plus de 78% des foyers interrogés . D’autre part, c’est l’animal qui vient
           communément à l’esprit dès que l’on évoque le problème de la présence animale en ville :
           propreté, aboiements, agressivité, les reproches ne manquent pas. Enfin, son coût : il faut
           l’avouer, la présence du chien en agglomération coûte cher aux collectivités. Un seul chiffre :
           11 millions d’euros pour la ville de Paris, uniquement pour le nettoiement des déjections.
                Mais il n’en reste pas moins qu’au final, et vous le découvrirez au fil de ce mémoire,
           certaines problématiques se retrouvent quelque soit l’animal « accusé ». Nous les réduirons,
           l’espace d’un instant, de façon volontairement assez provocatrice, à une seule question
           que nous devrons ensemble nous poser un jour : voulons-nous, pour l’avenir, d’une ville
           complètement aseptisée, au sein de laquelle toute trace du vivant « animal » aura été
           méticuleusement éliminée ?
                En effet, malgré un désir croissant de contrôle, de propreté et donc de « bétonisation »
                                         ème
           de l’espace urbain dès le XIX      , entraînant peu à peu la diminution des animaux présents
1
    Enquête FACCO/TNS Sofres de 2005 ; chiffre incluant chats, chiens, petits rongeurs, oiseaux et poissons
       2
           Sondage Ipsos réalisé en septembre 2004 pour la Fondation 30 Millions d’Amis
       3
           Enquête FACCO/TNS Sofres de 2006

                                            Savary Béatrice - 2007                                                      7
LA COHABITATION HOMME/ANIMAL EN MILIEU URBAIN : L’EXEMPLE DU CHIEN

          depuis toujours, il faut bien avouer que de plus en plus d’espèces s’accommodent de la ville,
          en adaptant leur alimentation, leur habitat, mais aussi leur comportement. Nous pouvons
          ainsi citer, rien que pour les oiseaux, les pigeons, bien sûr, mais également d’autres espèces
          plus sauvages, allant des moineaux aux étourneaux, en passant par les cigognes et même
          des rapaces.
               Une dernière précision : vouloir éliminer entièrement les animaux de l’espace urbain est,
          du point de vue scientifique, entièrement illusoire, et ce, même avec l’aide des technologies
          les plus modernes. C’est ce que nous avons découvert au cours de la semaine passée
          auprès du Docteur Gilbert Gault, vétérinaire et responsable de service à la Direction de
                                                   4
          l’Ecologie Urbaine de la Ville de Lyon . En effet, il est aujourd’hui clairement établi qu’au
          sein du biotope, tout est question d’équilibre : les espèces animales étendent ou réduisent
          leur population en fonction de l’habitat et de l’alimentation disponibles. Ainsi, faites la
          guerre aux pigeons, par des captures trop massives, et vous obtiendrez, outre un taux de
          reproduction plus rapide de ces volatiles (le stress étant pour l’animal un facteur stimulant
          en la matière dans un objectif de survie de l’espèce), une augmentation de la population
          de rats, puisque ces derniers viendront occuper l’espace et les ressources abandonnés par
          leurs concurrents.
                Comme nous allons le voir, il serait donc une erreur de s’imaginer un monde humain,
          la ville, en opposition à celui de l’animal, la campagne. En effet, il est clair que la disparition
          des animaux en ville n’est ni possible techniquement et biologiquement, ni souhaitable
          humainement.
               Pour le chien par exemple, nous verrons que son histoire est entièrement liée à celle
                                                                       5
          de l’Humanité. Et bien que, comme l’affirme André Arnould , « en l’espace de cent ans,
          toutes les races se sont retrouvées avec une seule utilité : la banquette », des missions
          importantes sont encore aujourd’hui confiées à certain nombre d’entre eux, comme dans le
          domaine de la sécurité civile ou auprès des personnes handicapées.
              Nous distinguerons par ailleurs divers autres rôles plus officieux qu’endossent
          aujourd’hui les animaux de compagnie, et tout particulièrement le chien. Il s’agit
          concrètement d’une utilité sociale, au travers de leur présence auprès des personnes âgées
          ou isolées, de leur impact sur le développement de l’enfant, ou encore en apportant un
          début de réponse à notre besoin croissant de rapprochement du monde végétal et animal.
               Enfin, plus surprenant, nous nous pencherons sur des effets positifs scientifiquement
          prouvés des animaux sur notre santé et notre bien-être, ce qui explique leur utilisation
          croissante (mais néanmoins encore très insuffisante) en ce qu’on a fini par appeler la
          zoothérapie.
               Par la suite, nous démontrerons que la présence de cet animal en ville n’est pas, à
          ce jour, réellement intégrée dans le monde urbain. Nous tenterons ainsi de faire un état
          des lieux critique des actions menées par les collectivités locales en matière de propreté
          et d’hygiène.
               Dans un second temps, nous expliquerons pourquoi la question des animaux
          dangereux n’a pas, malgré deux lois en l’espace de huit ans, été réglée de façon
          satisfaisante. Ce problème récurrent nous mènera naturellement vers une autre
          interrogation plus large, qui a très peu intéressé le législateur jusqu’à présent : la liberté
      4
          Stage d’une semaine, du 6 au 10 août 2007, à la Direction de l’Ecologie Urbaine, Service Communal d’Hygiène et Santé,
Ville de Lyon
      5
          Président du CCS (Club Canin de Sommerviller, 54), voir l’entretien en annexe 12

8                                                           Savary Béatrice - 2007
Introduction

individuelle justifie-t-elle de pouvoir détenir n’importe quelle race (outre le critère de
« dangerosité »), dans n’importe quelles conditions ?
      Nous basculerons donc ici vers une autre vision des choses, c’est-à-dire vers la
question du bien-être de l’animal lui-même, qui appellera bien entendu la dénonciation de
l’intérêt limité que porte les pouvoirs publics au fléau des abandons et de la maltraitance.
    Mais nous passerons également par un point qui semble être à la base de nombreuses
erreurs et carences : celui du statut juridique de l’animal qui, ayant certes évolué
subrepticement depuis quelques années, n’en reste pas moins fondamentalement inadapté
pour une protection efficace de l’animal.
     Enfin, nous nous tournerons vers l’avenir au travers d’une réflexion ayant pour ambition
d’offrir une base de travail à l’ensemble des acteurs qui, détenant un mandat du Peuple,
souhaiterait donner naissance à une législation ou à des actions efficaces et globales, mais
également lourdes et contraignantes, étant persuadés que nous ne pourrons trouver la place
du chien en ville que le jour où nous aurons achevé la responsabilisation des maîtres.

                          Savary Béatrice - 2007                                           9
LA COHABITATION HOMME/ANIMAL EN MILIEU URBAIN : L’EXEMPLE DU CHIEN

 ère
1    partie : Un écueil à éviter, le monde
animal en opposition à celui de l’Homme

Chapitre 1: Un peu d’Histoire

I. La conquête de l’animal ou la survie de l’Homme
     Il existe concrètement une seule raison impérieuse pour l’Homme de consommer des
     produits d’origine animale : c’est l’absence de vitamine B12 dans les produits végétaux,
     qui est, notamment, à l’origine du développement neurologique. Les protéines animales
     sont par ailleurs mieux équilibrées en acides aminés indispensables que les protéines
     végétales. Les protéines animales sont également plus facilement digestibles que les
     protéines végétales, puisqu’il n’y a pas de paroi cellulaire cellulosique solide qui limite
     l’attaque des enzymes digestives. De plus, les produits carnés apportent du fer. Non
     seulement le fer est présent en quantité plus grande dans les produits animaux (c’est le
     métal le plus efficace pour transporter l’oxygène dans le corps), mais il est nettement mieux
     absorbé.
          La domestication des animaux constitue donc bien une étape cruciale dans l’évolution
     de l’Homme. Par ce biais, les animaux vont fournir à la civilisation humaine l’occasion de se
     développer, lui offrant la possibilité de manger de la viande régulièrement, sans dépendre
     du sort incertain de chasses souvent dangereuses, ni de la quantité aléatoire d’animaux
     sauvages comestibles disponibles sur place.
         Nous sommes de ce fait en droit de nous demander si l’issue de la période préhistorique
     aurait été la même (à savoir la supériorité de l’Homme sur l’ensemble des espèces et
     sa domination jusqu’à nos jours) sans l’exploitation habile de la ressource animale, en
     compensation de la faiblesse et de la fragilité physique de l’homo sapiens par rapport
     au reste des prédateurs. Ainsi, bien que la maîtrise du feu soit couramment admise par
     les préhistoriens comme la découverte ayant permis le développement de l’Humanité,
     nous pensons pour notre part que c’est en tout premier lieu la domestication, ayant elle-
     même poussé à la naissance de l’agriculture (permettant de nourrir le bétail sans avoir à
     se déplacer pour trouver sans cesse de nouveaux pâturages), qui a réellement servi de
     catalyseur à l’élévation de l’Homme au dessus de toute autre être vivant.
          Cette domestication a par ailleurs bouleversé l’évolution de nombreuses espèces
     animales. En effet, les animaux domestiques d’aujourd’hui ne ressemblent plus guère à
     leurs ancêtres préhistoriques, l’Homme ayant procédé à une sélection reposant sur des
     critères de taille, de « production », mais aussi de comportement. L’Homme, curieux et
     avide d’expériences, a d’ailleurs tenté des domestications très insolites et de nombreuses
     tentatives ont été abandonnées. Mais il n’en reste pas moins que peu à peu, les produits de
     l’élevage ont été multiples : viande, lait, laines et fourrures, c'est-à-dire tout simplement les
     éléments indispensables à sa survie à cette époque. Par ailleurs, comme nous allons le voir,
     la domestication de certaines espèces comme le loup apportait bien d’autres avantages.

10                                           Savary Béatrice - 2007
1ère partie : Un écueil à éviter, le monde animal en opposition à celui de l’Homme

II. Les particularités inhérentes à la domestication du loup
       La première relation démontrable entre l’Homme et l’ancêtre du chien remonte à une période
       d’il y a environ 10.000 à 15.000 ans. En comparaison, le cheval sera domestiqué, comme
       nous l’avons dit plus haut, par des groupes nomades entre 4000 et 3000 avant J.-C. Mais
       géographiquement, cette proximité est encore plus ancienne, puisque des ossements de
       loups ont été retrouvés sur des sites humains en Europe, datés de – 700 000 ans. Loups
       et hommes partagent alors le même territoire. La découverte en Ukraine, sur un site de –
       20 000 ans, d’une quantité importante d’ossements de loups, laisse penser que la fourrure
       était utilisée pour la confection de vêtements.
                                                                                            6
             Le loup est donc apprivoisé par l'Homme de la fin du paléolithique . La domestication
       s'est faite par étapes avec l'apprivoisement de louveteaux, et la reproduction d'animaux
       fidélisés parmi les humains. Il est d’ailleurs aujourd’hui admis que les femmes ont très
       probablement allaité des louveteaux en même temps que leur bébé, cette pratique existant
       par ailleurs jusqu’au siècle dernier au sein de civilisations dites alors « primitives », comme
       les Malgaches. Le contact physique est en effet un moyen efficace de domestication. Il est
       toujours suivi de l’attachement de l’animal pour l’Homme.
           Le phénomène s'est étalé sur plusieurs milliers d'années et a gagné les cinq continents.
       Avec le temps, nos ancêtres ont opéré une sélection sur les individus domestiqués. De
       reproduction en reproduction, le loup a peu à peu perdu certaines de ses facultés sauvages
       pour évoluer vers le chien.
            Ce dernier a appris à manger en présence de l’Homme, ce que les animaux sauvages
       ne font pas du tout naturellement. C’est son adaptabilité qui a été la cause de son succès.
       Aujourd’hui, il y a environ 400 millions de chiens de par le monde, soit cent fois plus que
       de loups. L’Homme a créé et perfectionné 355 races de chiens. Mais proportionnellement,
       leur tête, leurs dents et leur cerveau sont plus petits que ceux du loup, leur peau est plus
       épaisse et leur activité sexuelle est continue, au lieu d’être saisonnière. Ils sont passés en
       un temps record de compagnons utilitaires à compagnons d’agrément.

III. Le chien comme grand gagnant d’un apprivoisement mutuel
       Aujourd’hui, le chien urbain est le plus souvent un chien de compagnie, il est même très
       souvent considéré comme un membre à part entière de la famille occidentale. Il n’en a pas
       toujours été ainsi, car ce fut longtemps un luxe d’aristocrate que de posséder et d’entretenir
       un animal ayant pour seule utilité la compagnie.
            Si les clubs d’amateurs se créent au cours du XIXe siècle (notamment pour guider
       l’évolution des races), le chien de compagnie ne se popularise véritablement qu’à partir
       des années 1950, à la faveur de la prospérité d’après-guerre et de l’émergence du modèle
       familial américain.
           Dès lors, le « chien des villes » devient l’objet de toutes les attentions (contrairement
       au « chien des champs » utilitaire, qui suscite moins de sentiments), motivant durant les
       années 1960-1970 le développement des cliniques vétérinaires et de spécialités médicales
       adaptées à la physiologie canine, ainsi que l’essor du « Petfood », l’alimentation industrielle
       des animaux de compagnie.
            Si nous parlons d’apprivoisement mutuel entre l’Homme et l’animal, c’est parce qu’il
       est désormais clair que ce dernier sait très bien s’adapter afin de pouvoir tirer partie de sa
   6
       Le paléolithique s’étend d’une période allant de - 650 000 à - 10 000 ans avant JC

                                          Savary Béatrice - 2007                                    11
LA COHABITATION HOMME/ANIMAL EN MILIEU URBAIN : L’EXEMPLE DU CHIEN

         relation avec l’homo sapiens. Les exemples commencent à abonder. Certains éthologues
         ont ainsi constaté que les animaux qu’ils observaient apprenaient à « faire » avec eux,
         voire à utiliser leur présence pour, notamment, se protéger dans les conflits, se procurer de
         la nourriture, ou encore modifier les relations avec les congénères. Les primates se sont
         avérés spécialistes de ce genre de stratégies. Les exemples de ce type de transformation
         de l’animal en fonction des habitudes, des histoires et des manières de s’adresser à lui
         traduisent ce qu’on pourrait considérer comme des « qualités d’adaptation ».
              C’est d’ailleurs ce qui explique que, loin de se conformer à la théorie classique de
         domestication du chien dans un but de dressage, le Professeur Ray Coppinger ne croit pas
         du tout que l’animal sauvage ait été apprivoisé par les hommes en quête de compagnie :
         « Leur vie ne leur laissait pas le loisir d’effectuer ce travail. Il s’agissait d’isoler les animaux
         les plus dociles et de les faire se reproduire entre eux pour obtenir au bout de quelques
         générations des sujets proches et câlins. La vérité, c’est que le scénario a sans doute été
         différent. Ce sont les chiens eux-mêmes qui, par opportunisme, se sont approchés des
         hommes, afin de profiter des déchets de nourriture facile qu’ils produisaient. Plus besoin
         de courir, de chasser ou de tuer ; il fallait seulement être là au bon moment, attendre et
         se servir.»
              Nous ne nous attarderons pas sur ces raisonnements qui, bien que très intéressants,
         peuvent apparaître comme des débats de spécialistes scientifiques bien trop éloignés de la
         réalité citadine et de ses problèmes causés par la présence animale. Mais ils ont néanmoins
         l’avantage de nous permettre de percevoir autrement, du moins l’espace d’un instant, la
         vraie nature de la relation Homme/animal : après tout, qui du chien ou de l’Homme a
         apprivoisé l’autre ? La vérité est sans aucun doute complexe, et révèle en tout cas une
         interaction constante entre ces deux êtres vivants. Elle démontre ainsi de façon certaine
         que le monde de l’Homme ne devrait jamais être perçu comme étant en opposition à celui
         de l’animal.

IV. La naissance d’un statut juridique répondant à une conception
patrimoniale de l’animal
         La domestication des animaux et l’agriculture ont, au fil des temps, posé un problème de
         propriété à l’Homme, et ce d’autant plus qu’apparaissent les échanges entre les tribus. Le
         chef du groupe, qui a su s’imposer par la force (physique, mais aussi par la suite spirituelle),
         a longtemps été l’arbitre en la matière, sachant que la survie de la tribu passait en général
         avant tout. Sous l’Antiquité, en même temps que la naissance des premières réflexions sur
         la démocratie, la légitimité du chef n’allait plus de soi et il s’est donc avéré nécessaire de
         règlementer les rapports entre les hommes autrement que par un arbitrage despotique, et
         ce, à grands renforts de principes religieux : c’est le début de l’histoire du droit, la notion
         de propriété est née.
              Ainsi, une des distinctions possibles de classification des biens en droit romain est de
         qualifier la chose en fonction des relations d’appropriation, selon qu’elle est ou non dans
                                7
         le commerce juridique . C’est ainsi que le droit romain distingue les res extra commercium
         8                                 9
             des res in commercio              . Parmi cette première catégorie, il est possible de distinguer
     7
         Pour plus de détails, voir le schéma en annexe 3
     8
         Choses qui sont hors commerce
     9
         Choses que l’on peut vendre

12                                                          Savary Béatrice - 2007
1ère partie : Un écueil à éviter, le monde animal en opposition à celui de l’Homme

       trois types de biens : les res nullius divini juris (choses de droit divin n’appartenant à
       personne) ; les res publicae (choses publiques) ; les res communes (choses communes).
       Mais c’est surtout sur la seconde catégorie que nous nous attarderons, pour laquelle deux
       types de biens sont différenciés : les res extra patrimonium (les choses en dehors de notre
       patrimoine); les res in patrimonio (les choses dans le patrimoine).
            Les res in patrimoniosont celles qui sont sous la propriété privée d'une personne ou tout
       au moins qui sont susceptibles de s'y trouver ; à contrario, les res extra patrimonium sont
       celles que leur nature même rend insusceptibles d'appropriation individuelle, ou celles qui,
       bien que susceptibles de cette appropriation, ne peuvent, par des raisons d'ordre religieux
       ou d'ordre public, appartenir à un particulier.
            Les res in patrimonio sont elles-mêmes susceptibles de plusieurs divisions importantes
       que nous ne détaillerons pas toutes ici. Mais deux d’entre elles méritent d’être mentionnées
       en rapport avec notre sujet. Ainsi, les res corporales s’opposent aux res incorporales.
       Les choses corporelles sont celles qui ont une existence matérielle, que l'on peut voir
       ou toucher (comme un animal, un esclave, un fonds de terre). Les choses incorporelles
       sont, au contraire, celles qui n'ont pas d'existence ; ce sont des abstractions (créances ou
       obligations, etc.). Enfin, les meubles (res mobiles) sont les choses qui se meuvent par elles-
       mêmes, comme les esclaves et les animaux ou celles qui sont susceptibles d'être déplacées
       sous l'action d'une force extérieure, comme un livre ou une table. Les immeubles (res soli)
       sont les choses non susceptibles d'être déplacées, comme le sol et tout ce qui fait corps
       avec lui, c'est-à-dire les maisons, les plantations.
            Nous pouvons ainsi constater que les animaux domestiques se retrouvent bien
       évidemment classés parmi les res in patrimonio, corporales, et mobiles. C’est ainsi que les
       animaux se sont vus qualifiés de « choses », qui, de surcroît, peuvent faire l’objet de droits
       privatifs. Par la suite, une certaine confusion est apparue au Moyen Age jusqu’au XVIe
       siècle et ce n’est que lentement que s’est reconstituée la distinction romaine des res extra
                                                              10
       commercium et des res in commercio          . A cette division s’est superposée une seconde,
                                                                                      11
       exprimée clairement par l’article 88 de la nouvelle coutume de Paris de 1580 : « Il y a deux
       sortes et espèces de biens seulement : c’est à savoir, meubles et immeubles », consacrés
                                                  12
       aujourd’hui par l’article 516 du Code Civil .
            Ainsi, domestiqué par l’Homme, l’animal en a été réduit, par une logique juridique claire
       et implacable, à un bien meuble, subissant ainsi tous les attributs de la propriété que cette
       situation confère à son maître. Nous verrons par la suite comment le statut juridique de
       l’animal a évolué au fil des siècles, et en quoi cette question est à la source de carences et
       de malentendus en rapport avec notre sujet.

Chapitre 2 : L’utilité de l’animal en ville aujourd’hui

I. Les rôles utilitaires du chien
     10
          Pour plus de détail, voir le schéma en annexe 4
     11
          Loi coutumière des prévôté et vicomté de Paris, rédigée en 1510 et révisée en 1580. Elle tenait lieu de Code Civil « local »
avant la naissance de ce dernier en 1804.
     12
          Article 516 du Code Civil : « Tous les biens sont meubles ou immeubles ».

                                            Savary Béatrice - 2007                                                                13
LA COHABITATION HOMME/ANIMAL EN MILIEU URBAIN : L’EXEMPLE DU CHIEN

     Depuis sa domestication, le chien a tenu tous les rôles imaginables : chien de chasse, chien
     de berger, chien de traction, chien de garde, chien de guerre… Son utilisation a parfois
     été déplorable : les dobermans et les bergers allemands portent encore l’image des chiens
     d’attaque dressés pendant la seconde guerre mondiale par les nazis. Mais orientée à bon
     escient, elle s’est avérée être très précieuse. Les résultats obtenus montrent ainsi toute la
     portée des capacités cognitives de cet animal.
          Aujourd’hui, son utilisation s’est surtout développée au sein de différentes
     administrations et de l’armée, afin d’accomplir une mission assez large de sécurité civile.
     Quelque soit l’administration concernée, il faut avant toute chose avoir réussi à l’intégrer
     (par recrutement direct ou concours). Les fonctionnaires volontaires font par la suite l’objet
     d’une sélection (motivation, âge, capacité physique, aptitude au contact avec les animaux)
     puis d’une formation spécifique.
         C’est ainsi que la Police Nationale dispose de chiens de pistage (recherche de
     personnes), de chiens de recherche en stupéfiants, de chiens d’avalanche, de chiens de
     recherche en explosifs et de chiens de patrouille.
          La Gendarmerie aussi rassemble ce type de chiens utilitaires, mais la spécificité de
     ses missions l’a amené à instruire également des chiens d’interventions, des chiens de
     recherches de cadavres, des chiens de recherches d'armes ainsi que des chiens d'assaut
     du G.I.G.N. C’est en effet en 1943 que la Gendarmerie prend la décision de se doter de
     chiens policiers. En 1946, cette dernière fait l'acquisition du centre du Ségala, à Gramat (46),
     et y forme depuis cette date une soixantaine d'équipes cynophiles par an, pour ses unités,
     certaines administrations françaises et certains pays étrangers. L'école prend l'appellation
     en 1997 de "Centre National d'Instruction Cynophile de la Gendarmerie".
          D’autres types de dressage plus particuliers varient selon les administrations
     concernées, parmi lesquelles l’armée de terre, qui s’est fait une spécialité des chiens
                                       ème
     d’éclairage (il s’agit ici du 132     Bataillon Cynophile de l'armée de Terre de Suippes,
     crée en 1977), ou encore de chiens de décombres (recherche de personnes ensevelies) ou
     d’équipes de sauvetage en mer, formés par les services d’incendie et de secours.
          Mais nous allons plutôt nous attarder sur les douanes, dont le travail est en grande
     partie basé sur les capacités de chiens de recherche en stupéfiants et de chiens de
     recherche en explosifs. L’utilisation des chiens dans l’administration des douanes n’est
     pas une nouveauté : jusqu’en 1950, environ 200 chiens étaient répartis le long des
     frontières terrestres. Ils servaient aux missions traditionnelles de surveillance : patrouilles,
     embuscades, gardes de points fixes, etc. Cependant, les moyens modernes de surveillance
     et la motorisation des brigades ont entraîné la disparition progressive des chiens. Ces
     auxiliaires ne tardent pourtant pas à réapparaître dans les services. Dans les années 70,
     les douanes américaines et allemandes mettent au point des méthodes de dressage très
     efficaces permettant la détection de stupéfiants.
          Devant les résultats obtenus, l’administration des douanes décide la création d’équipes
     françaises de maître-chien. Les premières ont ainsi été formées en Allemagne puis, par la
     suite, à l’école de la Gendarmerie de Gramat. Ces deux filières ont permis la constitution
     d’une dizaine d’équipes. Ceci restait toutefois insuffisant, compte tenu des excellents
     résultats obtenus sur le terrain. Aussi, en 1982, la Douane décide-t-elle d’organiser elle-
     même la formation de ses équipes, avec pour objectif de porter leur nombre à 50 le plus
     rapidement possible. L’Ecole Nationale des Brigades des Douanes de la Rochelle (ENBD)
     est retenue pour abriter les installations nécessaires et le centre est inauguré le 9 décembre
     1983. Actuellement, un peu moins de 200 équipes anti-stupéfiantes sont en activité.
14                                          Savary Béatrice - 2007
1ère partie : Un écueil à éviter, le monde animal en opposition à celui de l’Homme

         Les premières équipes de maîtres-chiens des Douanes anti-explosifs ont, pour leur
    part, été formées à Cannes Ecluse par la police nationale en 1985. Mais là encore, les
    douanes forment par la suite leurs propres équipes cynophiles à l’E.N.B.D. On compte
    aujourd'hui un peu plus de 70 équipes réparties sur le territoire français.

II. Les aides aux personnes handicapées
    -A. Les chiens-guides d’aveugles
    Sur ce sujet, nous souhaitons avant tout vous conseiller la lecture de l’entretien du 14 juillet
    2007, situé en annexe, avec Monsieur Charles Adam, kinésithérapeute non-voyant et maître
    d’un chien guide. A la fois drôle et poignant, ce témoignage reflète la place que prend
    l’animal dans son existence, et qui lui permet tout bonnement de répondre à son appétit
    débordant de vivre pleinement.
         C'est en Allemagne que naît durant la première guerre mondiale le premier centre
    de chiens-guides pour les aveugles de guerre. En France, au début des années 50, Paul
    CORTEVILLE, prépare pour un ami le premier chien-guide d'aveugle. Il crée en 1958 la
    première école de chiens-guides. En 1972 naît officiellement la Fédération Nationale des
    chiens-guides d'aveugles (F.N.E.C.G.A), qui devient par la suite la Fédération Française
    des Associations de Chiens Guides d'Aveugle (F.F.A.C.). D'autres écoles voient le jour
    (constituées en association loi 1901, leur personnel est donc principalement constitué
    de bénévoles). En 1996, on assiste à la création d'un Centre d'Etudes de Sélection et
    d'Elevage de Chiens-Guides pour Aveugles et Handicapés (C.E.S.E.C.A.H), sous l'égide
    de la F.N.E.C.G.A.
         Ainsi, les E.C.G.A ( Ecole de Chiens-Guides d’Aveugles) sont fondées dans
    les années 70-80 et deviennent rapidement des associations reconnues d’utilité
    publique. Ces dernières ont pour mission de former et d’offrir des chiens-guides à des
    personnes atteintes de cécité, l’enjeu consistant pour celles-ci à gagner plus d’autonomie
    et à s’insérer davantage dans la société. Autrement plus fiable que la traditionnelle canne
    blanche, le chien-guide est, en effet, non seulement un moyen technique de déplacement
    efficace, sécurisant, mais il améliore aussi la condition de son maître qui trouve dans cette
    présence animale un relais affectif et social primordial (les voyants allant plus facilement à
    la rencontre des non-voyants accompagnés d’un chien).
          Au cœur de la mission de l’E.C.G.A, l’éducation canine, spécifique et rigoureuse,
    est dispensée par des professionnels qui savent anticiper les problèmes que posent les
    déplacements en extérieur pour un non-voyant. Après avoir été placé un an dans une famille
    d’accueil chargée de le pré-éduquer (acquisition de la propreté et des bases de l’obéissance,
    familiarisation avec l’homme, la ville, etc.), le chien, s’il est exempt de tares physiques et
    comportementales, entre pour six mois à l’Ecole, où il est conditionné à des tâches précises
    (marcher à gauche de son maître ; s’arrêter et s’asseoir au bout d’un trottoir ; attendre l’ordre
    de son maître pour traverser une rue ; contourner les obstacles) et stimulé pour prendre des
    initiatives (décider, par exemple, de la manière d’éviter un obstacle).
          L’E.C.G.A pose deux conditions essentielles quant à la personnalité du non-voyant qui
    souhaite obtenir un chien-guide : d’une part, aimer les chiens et en désirer un réellement,
    et, d’autre part, avoir un degré certain d’autonomie (être physiquement et psychiquement
    apte à s’occuper d’un animal, avoir un bon sens de l’orientation). L’acquisition du chien se
    fait à l’issue d’un stage de formation de quinze jours durant lesquels la personne aveugle
    apprend à maîtriser son animal en milieu urbain et dans son environnement quotidien. Mais
                               Savary Béatrice - 2007                                             15
LA COHABITATION HOMME/ANIMAL EN MILIEU URBAIN : L’EXEMPLE DU CHIEN

      le fonctionnement du binôme homme/chien a néanmoins besoin d’une année environ pour
      se mettre en place.
            Il y a en France 225 000 non-voyants. Sur les 55 000 personnes atteintes de cécité
      totale, 5000 ont les capacités requises pour l’utilisation d’un chien-guide et 1500 en
      possèdent un. Le temps d’attente pour obtenir un chien-guide est compris entre un et
      deux ans. Actuellement, il se forme 150 chiens-guides par an sur dix écoles spécialisées
                                         13
      affiliées à la Fédération nationale . De la sélection du chiot au stage de formation de la
      personne aveugle qui demande un chien, l’éducation d’un chien-guide représente un coût
      de 15.000 euros. L’E.C.G.A, qui remet gratuitement les chiens qu’elle forme, fonctionne
      essentiellement grâce à la générosité du public (dons, legs et libéralités) qui assure plus
      de 80 % de son financement.

      -B. Les chiens d’assistance pour les personnes à mobilité réduite
      Il existe un certain nombre d’autres organismes pour d’autres types de handicaps, par
      exemple pour les personnes à mobilité réduite. On trouve l'origine du chien d'assistance aux
      personnes handicapées aux Etats-Unis en 1975 où est créé la C.C.I (Canine Companions
      for Independence). S'inspirant de ce qui est fait outre atlantique, est créé en 1989 en France,
      sous l'impulsion de Marie Claude LEBRET, l'équivalence Française de la CCI : l'A.N.E.C.A.H
      (Association Nationale pour l'Education des Chiens d'Assistance pour Handicapés). Sa
      mission est d’éduquer et d’offrir des chiens d’assistance à des personnes atteintes d’un
      handicap moteur. Ses éducateurs canins apprennent aux chiens à exécuter les ordres qui
      peuvent aider un handicapé en fauteuil roulant dans sa vie quotidienne. Là encore, cette
      assistance permet concrètement aux personnes handicapées de gagner en autonomie.
      Mais surtout, tout comme pour les chiens-guides, elle ouvre des perspectives d’intégration
      sociale certaines : on dit que le « chien masque le fauteuil », en ce qu’il favorise les échanges
      entre la personne handicapée et les valides.
           Le principe de l’éducation des chiots et de l’entrée en formation reste le même. Mais leur
      métier de chiens d’assistance est par contre fondé sur des déplacements et mouvements
      particuliers (marche à hauteur du fauteuil, marche à reculons devant le fauteuil, maintien
      d’une position donnée) et une série de 53 tâches précises, adaptées à l’univers quotidien,
      intérieur et extérieur, d’un handicapé (ramasser et rapporter tout objet hors de portée de
      la personne ; ouvrir et fermer les portes d’entrée et de placards ; effectuer une transaction
      avec un commerçant ; aboyer sur commande pour alarmer l’entourage ; aller chercher un
      téléphone sans fil, etc.).
           La remise d’un chien d’assistance ne se fait, là encore, qu’à la suite d’un stage
      de formation de deux semaines où la personne handicapée apprend à faire travailler
      son animal et à en être responsable en toutes circonstances. C’est précisément ce
      pourquoi les candidatures retenues sont limitées aux personnes réellement motivées par la
      présence d’un chien à leur côté et capables de le prendre en charge et de le conduire de
      manière autonome (il leur faut un bras semi valide et un minimum d’élocution). Cependant,
      l’A.N.E.C.A.H remet aussi des chiens dits non plus « d’assistance » mais « sociaux » à des
      personnes plus dépendantes, touchées par un handicap moteur très lourd, accompagnées
      d’un tiers (membre de la famille ou éducateur) à qui revient l’obligation de suivre le stage
      de passation.
             En France, 1 million et demi de personnes souffrent d’un handicap moteur nécessitant
      l’utilisation d’un fauteuil roulant ; 500 d’entre elles possèdent un chien d’assistance.
     13
          Fédération Française des Associations de Chiens-guides d’Aveugles

16                                                       Savary Béatrice - 2007
1ère partie : Un écueil à éviter, le monde animal en opposition à celui de l’Homme

Actuellement, l’A.N.E.C.A.H remet, au niveau national, plus de 50 chiens par an formés
sur trois centres. D’une manière générale, les personnes qui en font la demande doivent
patienter deux ans pour obtenir un chien d’assistance. L’éducation de chaque animal
représente un coût de 11.500 euros environ ; l’A.N.E.C.A.H, qui ne vend pas ses chiens
mais les remet gratuitement aux personnes handicapées, fonctionne également grâce à la
générosité du public (dons et legs) et au concours de nombreux partenaires.
      Corrélativement à la complexification de la ville, les chiens sont désormais formés à
anticiper toutes sortes d’embûches et à affronter des espaces extrêmement codifiés et très
stressants (avec ascenseurs, escalators, tapis roulants, portes automatiques, etc.). Le «
travail de nuit » a aussi été introduit dans la formation des chiens-guides, afin de les préparer
aux trajets de nuit avec leurs odeurs et leurs bruits particuliers, leurs zones d’ombres,
etc. Mais cette évolution est liée aussi à la polyvalence des personnes handicapées qui
travaillent, ont des loisirs, voyagent… et ont donc besoin de chiens plus performants. De
fait, les éducateurs canins insistent davantage sur l’obéissance du chien qui doit pouvoir
accompagner son maître partout. Enfin, l’évolution de l’éducation du chien d’assistance a,
elle aussi, bénéficié des apports des comportementalistes qui ont incité à développer l’esprit
d’initiativechez le chien, plutôt que de l’enfermer dans un conditionnement dur, ou encore à
communiquer avec lui, plutôt que de fonctionner uniquement sur l’interdit.

-C. Les chiens d’assistance aux personnes sourdes : un espoir qui se fait
attendre
La performance des chiens d’assistance et des chiens-guides a poussé les éducateurs
canins à rechercher de nouveaux modes d’aides envers d’autres types de handicaps. Ainsi,
certains pays anglo-saxons ont donné naissance aux premiers chiens d’assistance aux
personnes sourdes et malentendantes. Cette éducation est basée sur la reconnaissance
de divers sons et bruits (sonnette, alarme incendie, sonnerie du téléphone, minuterie du
four, etc.) auxquels vont être associés des positions et des gestes bien précis que le chien
effectuera devant son maître, afin de lui faire comprendre la nature de « l’alerte ».
     A l'origine, l’idée du chien d'assistance aux personnes sourdes nous vient d’outre
atlantique et il faut attendre la venue en Europe à Londres en 1979, du docteur BUSTAD,
qui, lors d'une conférence, provoque l'intérêt d'un vétérinaire Britannique pour le sujet.
     En 1982, avec l'aide du Royal National Institute for the Deaf, est lancé en Grande-
Bretagne le programme de création d'un centre de formation de chiens d'assistance aux
personnes sourdes. En France, il n'existe pas encore de centre de formation, ni de système
similaire à celui des Britanniques, car les timides tentatives ne parviennent pas, faute
d'argent et de donateurs, à créer son équivalent français. Mais depuis 1992, l'Association
" Le chien écouteur " forme tant bien que mal, malgré le manque d’installations adaptées,
des chiens destinés à assister les sourds et malentendants.
     Comme nous pouvons le voir, les possibilités d’utilisation du chien en compensation
d’un handicap sont multiples, et s’élargissent aujourd’hui encore. Mais deux difficultés
principales se posent à chaque candidat à l’acquisition d’un chien d’assistance : d’une
part le délai d’attente, les associations de formation des chiens ne tirant leur ressources
majoritairement que de dons et legs, leur fonctionnement est fortement limité en quantité ;
d’autre part les difficultés inhérentes à la vie avec un chien en ville (propreté, transports,
absence d’aires d’ébats pour les animaux). Sur ce dernier sujet, nous vous conseillons
encore une fois la lecture de l’entretien avec Charles Adam, situé en annexe.

                           Savary Béatrice - 2007                                             17
LA COHABITATION HOMME/ANIMAL EN MILIEU URBAIN : L’EXEMPLE DU CHIEN

III. Auprès des personnes malades : la zoothérapie
          Au début des années 1970, des chercheurs anglo-saxons d'horizons différents
      entreprennent des travaux sur l'influence du chien sur l'Homme, dans l'indifférence de la
      communauté scientifique. Dans les années 80, le ministère Américain de la Santé reconnaît
      officiellement l'influence bénéfique de la présence de l'animal aux côtés de l'Homme,
      encourageant ainsi la recherche. C’est la naissance de la pet-therapy (zoothérapie).
           Depuis 1992, sous l'égide de l'I.A.H.A.I.O (International Association of Human Animal
      Interaction Organizations), les travaux des chercheurs sur ce sujet sont centralisées et
      commentées tous les trois ans lors de la conférence internationale sur les relations entre
                                 ème
      l'homme et l'animal. La 11     édition aura lieu du 5 au 8 octobre 2007 à Tokyo. L’Association
      Française d’Information et de Recherche sur l’Animal de Compagnie (AFIRAC) est membre
      de cette structure qui regroupe les associations qui travaillent dans le monde entier à
      une meilleure connaissance et compréhension de cette relation privilégiée qui existe
      entre l’Homme et l’Animal. Le thème de la prochaine conférence sera « Hommes et
      animaux : une association harmonieuse ». Seront ainsi présentées des interventions sur «
      le développement de l’empathie chez l’enfant grâce à l’interaction avec l’animal », « l’animal
                                                               14
      et la santé psychologique des personnes âgées », etc .
           En France, l'initiative nommée " Thérapie assistée par l'animal" est à porter au crédit
      du professeur Hubert MONTAGNER, et à son équipe de l'I.N.S.E.R.M (Institut National de
      la Santé et de la Recherche Médicale). D'autres initiatives vont permettre de développer
      des programmes relatifs à l'étude de la thérapie assistée par l'animal, grâce à l'A.F.I.R.A.C
      (Association Francaise de Recherche et d'Information sur l'Animal de Compagnie) et à
      l'A.N.E.C.A.H qui fournit les chiens. Nous pouvons ainsi citer les exemples du C.H.U de
      Nantes, ainsi que du C.H.U de Caen (où un chien est employé par le professeur DUHAMEL,
      en kinésithérapie, et intégré dans les séances de motricité). De plus en plus, les I.M.E
      (Instituts Médico-Educatifs) et les maisons de retraite intègrent souvent le chien qui, bien
      que ne guérissant rien, offre par sa présence un réconfort, une écoute et dans certains cas
      une amélioration d'un état médical.
           L’un des objectifs de l’association C.H.A (Compagnie Homme Animal) est justement
      de développer le concept de l’animal visiteur en France, c’est-à-dire la visite d’un animal
      accompagné de son conducteur à un enfant coupé de son milieu pour des raisons de santé.
      L’animal doit, d’une part, être équilibré et sociable, d’autre part, être préparé et entraîné. Les
      responsables du lieu de visite valident et préparent la rencontre. Des critères d’hygiène sont
      établis. Plusieurs « sas » peuvent être utilisés : salles d’attente, salles de jeux hospitalières,
      lieux de rencontre mère/enfant…
           Les visites concernent les enfants hospitalisés en pédiatrie, les enfants en longue
      maladie, les enfants placés et/ou en classes spécialisées. Mais il peut s’agir également
      d’enfants en difficulté d’apprentissage, hyperactifs ou ayant développé des phobies
      scolaires. Ils sont pris en charge dans des classes à petits effectifs et bénéficient des apports
      de plusieurs professionnels médicaux et paramédicaux. Enfin, les visites peuvent se faire
      également en hôpital de jour avec des enfants de moins de cinq ans, non scolarisés, qui
      présentent des troubles liés à l’autisme. Une vingtaine de visites du binôme conducteur/
      animaux visiteurs sont programmées sur l’année scolaire, en accord avec l’équipe médicale
      et pédagogique.

     14
          Pour plus de détails, voir le site de l’IAHAIO : http://www2.convention.co.jp/iahaio.tokyo/

18                                                           Savary Béatrice - 2007
Vous pouvez aussi lire