LA COHABITATION HOMME/ANIMAL EN MILIEU URBAIN : L'EXEMPLE DU CHIEN
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Université Lumière Lyon2 Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006-2007 MEMOIRE Sous la direction de Maître Arnaud Pélissier LA COHABITATION HOMME/ANIMAL EN MILIEU URBAIN : L’EXEMPLE DU CHIEN Soutenu le 7 septembre 2007 par Béatrice SAVARY Master Management du Service Public : Collectivités et Partenaires Jury : Anne Blanc-Boge, Maître Arnaud Pelissier, Francis Roch
Table des matières Remerciements . . 5 Citations . . 6 Introduction . . 7 ère 1 partie : Un écueil à éviter, le monde animal en opposition à celui de l’Homme . . 10 Chapitre 1: Un peu d’Histoire . . 10 I. La conquête de l’animal ou la survie de l’Homme . . 10 II. Les particularités inhérentes à la domestication du loup . . 11 III. Le chien comme grand gagnant d’un apprivoisement mutuel . . 11 IV. La naissance d’un statut juridique répondant à une conception patrimoniale de l’animal . . 12 Chapitre 2 : L’utilité de l’animal en ville aujourd’hui . . 13 I. Les rôles utilitaires du chien . . 13 II. Les aides aux personnes handicapées . . 15 III. Auprès des personnes malades : la zoothérapie . . 18 IV. Une présence pour les personnes âgées ou isolées . . 19 V. Un élément du développement de l’enfant . . 20 VI. Les effets sur le bien-être et la santé . . 21 VII. Le besoin de « nature » en opposition à une ville aseptisée . . 22 ème 2 partie : L’animal dans la ville, une tolérance plutôt qu’une intégration . . 24 Chapitre 1 : Des politiques en aval plutôt qu’en amont . . 24 I. Les actions des collectivités locales en matière de propreté et d’hygiène . . 24 II. Les problèmes de comportements dangereux : la stigmatisation comme fausse solution . . 25 III. La question du bien-être des animaux en ville : n’importe quel animal, n’importe où ? . . 27 IV. La négligence du problème des abandons par les pouvoirs publics . . 28 V. La maltraitance, une préoccupation essentiellement associative . . 29 Chapitre 2 :Un statut juridique qui se cherche, encore nettement déficient pour une protection efficace . . 30 I. L’animal domestique: encore un meuble… . . 30 II. … Mais qui fait preuve de certaines spécificités . . 31 III. Les apports du droit international et européen . . 32 ème 3 partie : L’animal dans la ville, un avenir à construire . . 34 Chapitre 1 : Le besoin d’une politique à la fois nationale et locale : être un maître responsable ou ne pas être . . 34 I. Une proposition : le P.D.C (Permis de Détention de Chien) pour les chiens d’attaque, de garde et de défense . . 34 II. Une formation allégée proposée lors de l’acquisition de certaines autres races : l’A.F.E.C . . 35 III. La création indispensable d’un réseau de professionnels adapté . . 36 IV. Obligation d’identification des chiens et taxation symbolique des maîtres au travers d’une taxe nationale . . 36
V. Une politique locale d’éducation canine : pourquoi pas ? . . 38 VI. La mise en place primordiale d’un statut juridique spécifique à l’animal . . 38 VII. Une nouvelle orientation positive des Ministères en matière de protection et de bien-être de l’animal . . 39 Chapitre 2 :La question de la propreté ou comment concilier l’aménagement urbain et la répression . . 40 I. La complémentarité « canisites », « caniparcours » et « caniparcs » . . 40 II. Une indispensable information envers les maîtres . . 42 III. Le principe du « pollueur payeur » . . 42 Conclusion . . 45 Abréviations . . 47 Bibliographie . . 48 Ouvrages : . . 48 Documentation A.F.I.R.A.C : . . 48 Rapports/études : . . 48 Annexes . . 50 Annexe 1 : Les différents genres au sein du groupe des canidés . . 50 Annexe 2 : Les différentes espèces au sein du genre canis . . 50 Annexe 3 : La classification des biens en droit romain . . 50 Annexe 4 : La classification des biens en ancien droit français . . 51 Annexe 5 : Obligations et interdictions pour les propriétaires de chiens de première et deuxième catégorie (loi du 6 janvier 1999) . . 52 Annexe 6 : Loi n°99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux (publiée au J.O du 7 janvier 1999) . . 52 Annexe 7 : Arrêté du 27 avril 1999 publié au J.O du 30 avril 1999 . . 67 Annexe 8: article 521-1 du Code Pénal (partie législative) . . 70 Annexe 9: Compte-rendu des débats de la séance du 26 novembre 1998 au Sénat .. 71 er Annexe 10: Proposition de loi n° 2209 à l’Assemblée Nationale, enregistrée le 1 mars 2000 . . 73 Annexe 11: Article concernant la taxe sur les chiens, tiré du Grand dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse . . 75 Annexe 12 : Entretiens . . 76
Remerciements Remerciements A l’ensemble du personnel enseignant du Master pour son apport théorique, A Madame Anne Blanc-Boge pour son apport méthodologique, A Maître Pélissier pour m’avoir accordé sa confiance en acceptant d’être mon directeur de mémoire pour ce sujet un peu particulier, A la Direction de l’Ecologie Urbaine de la Ville de Lyon pour m’avoir offert l’opportunité de découvrir son fonctionnement lors d’un stage, A Monsieur Robert Blaise, Maire de Dombasle, pour m’avoir permis d’effectuer ce stage très instructif à la Ville de Lyon A Monsieur Francis Roch, mon maître de stage, pour m’avoir si bien intégrée au sein de la Mairie de Dombasle, A Catherine Roblin de l’A.F.I.R.A.C pour son aide précieuse, Charles Adam, Marie-José Valiani et André Arnould, pour avoir eu la patience de m’accorder des entretiens passionnants, A David pour sa patience, son soutien et ses nombreux conseils, A As de Carreau du Jardin d’Anagathe, dit Apache (Papache, pour les intimes), pour m’avoir fait découvrir le bonheur, mais aussi le poids des responsabilités qu’engendre sa présence à nos côtés depuis bientôt deux ans. Savary Béatrice - 2007 5
LA COHABITATION HOMME/ANIMAL EN MILIEU URBAIN : L’EXEMPLE DU CHIEN Citations On peut juger de la grandeur d'une nation par la façon dont les animaux y sont traités. Gandhi L'homme est une corde tendue entre l'animal et le Surhomme, une corde au-dessus d'un abîme. Friedrich Nietzsche. Extrait d'Ainsi parlait Zarathoustra 6 Savary Béatrice - 2007
Introduction Introduction 1 Soixante cinq millions . C’est le nombre d’animaux de compagnie aujourd’hui en France, chiffre qui nous place en première position des pays européens. Et c’est sans compter les dizaines d’espèces d’animaux commensaux et sauvages qui s’installent durablement en ville, y compris dans les plus importantes agglomérations. Comparé aux soixante trois millions d’habitants que compte notre Etat au dernier recensement de l’INSEE, la question de la cohabitation Homme/animal prend toute son ampleur. Mais encore faut-il se poser les bonnes questions. Ainsi, nous pouvons balayer d’emblée quelques idées reçues, selon lesquelles ce phénomène serait limité à certaines catégories de la population. En effet, 54% des Français possèdent un animal de compagnie 2 à ce jour et ce, sans qu’aucun critère d’âge, de sexe, ou de revenus ne soit déterminant . La seule caractéristique marquant une grande différence de pourcentage est la catégorie de communes d’habitation : plus on habite une grande ville, moins on possède d’animal (70% en communes rurales contre 23% dans l’agglomération parisienne). De fait, le pourcentage de personnes regrettant de ne pouvoir posséder un animal est, à l’inverse, croissant avec la taille de l’agglomération de résidence. La population est donc bien consciente des difficultés spécifiques à la détention d’un animal en ville. Nous le voyons, la question est vaste. Rien de commun, du moins a priori, entre les problèmes de l’invasion d’étourneaux, de la multiplication des chats errants, de la dératisation ou des aboiements intempestifs. C’est pourquoi, dans le souci que notre travail soit suffisamment approfondi, il est apparu indispensable de le limiter à l’étude d’un seul de ces animaux présents en ville. Il nous est alors paru incontournable de centrer notre étude sur l’exemple du chien, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il est clair que le chien reste l’animal préféré 3 des Français pour plus de 78% des foyers interrogés . D’autre part, c’est l’animal qui vient communément à l’esprit dès que l’on évoque le problème de la présence animale en ville : propreté, aboiements, agressivité, les reproches ne manquent pas. Enfin, son coût : il faut l’avouer, la présence du chien en agglomération coûte cher aux collectivités. Un seul chiffre : 11 millions d’euros pour la ville de Paris, uniquement pour le nettoiement des déjections. Mais il n’en reste pas moins qu’au final, et vous le découvrirez au fil de ce mémoire, certaines problématiques se retrouvent quelque soit l’animal « accusé ». Nous les réduirons, l’espace d’un instant, de façon volontairement assez provocatrice, à une seule question que nous devrons ensemble nous poser un jour : voulons-nous, pour l’avenir, d’une ville complètement aseptisée, au sein de laquelle toute trace du vivant « animal » aura été méticuleusement éliminée ? En effet, malgré un désir croissant de contrôle, de propreté et donc de « bétonisation » ème de l’espace urbain dès le XIX , entraînant peu à peu la diminution des animaux présents 1 Enquête FACCO/TNS Sofres de 2005 ; chiffre incluant chats, chiens, petits rongeurs, oiseaux et poissons 2 Sondage Ipsos réalisé en septembre 2004 pour la Fondation 30 Millions d’Amis 3 Enquête FACCO/TNS Sofres de 2006 Savary Béatrice - 2007 7
LA COHABITATION HOMME/ANIMAL EN MILIEU URBAIN : L’EXEMPLE DU CHIEN depuis toujours, il faut bien avouer que de plus en plus d’espèces s’accommodent de la ville, en adaptant leur alimentation, leur habitat, mais aussi leur comportement. Nous pouvons ainsi citer, rien que pour les oiseaux, les pigeons, bien sûr, mais également d’autres espèces plus sauvages, allant des moineaux aux étourneaux, en passant par les cigognes et même des rapaces. Une dernière précision : vouloir éliminer entièrement les animaux de l’espace urbain est, du point de vue scientifique, entièrement illusoire, et ce, même avec l’aide des technologies les plus modernes. C’est ce que nous avons découvert au cours de la semaine passée auprès du Docteur Gilbert Gault, vétérinaire et responsable de service à la Direction de 4 l’Ecologie Urbaine de la Ville de Lyon . En effet, il est aujourd’hui clairement établi qu’au sein du biotope, tout est question d’équilibre : les espèces animales étendent ou réduisent leur population en fonction de l’habitat et de l’alimentation disponibles. Ainsi, faites la guerre aux pigeons, par des captures trop massives, et vous obtiendrez, outre un taux de reproduction plus rapide de ces volatiles (le stress étant pour l’animal un facteur stimulant en la matière dans un objectif de survie de l’espèce), une augmentation de la population de rats, puisque ces derniers viendront occuper l’espace et les ressources abandonnés par leurs concurrents. Comme nous allons le voir, il serait donc une erreur de s’imaginer un monde humain, la ville, en opposition à celui de l’animal, la campagne. En effet, il est clair que la disparition des animaux en ville n’est ni possible techniquement et biologiquement, ni souhaitable humainement. Pour le chien par exemple, nous verrons que son histoire est entièrement liée à celle 5 de l’Humanité. Et bien que, comme l’affirme André Arnould , « en l’espace de cent ans, toutes les races se sont retrouvées avec une seule utilité : la banquette », des missions importantes sont encore aujourd’hui confiées à certain nombre d’entre eux, comme dans le domaine de la sécurité civile ou auprès des personnes handicapées. Nous distinguerons par ailleurs divers autres rôles plus officieux qu’endossent aujourd’hui les animaux de compagnie, et tout particulièrement le chien. Il s’agit concrètement d’une utilité sociale, au travers de leur présence auprès des personnes âgées ou isolées, de leur impact sur le développement de l’enfant, ou encore en apportant un début de réponse à notre besoin croissant de rapprochement du monde végétal et animal. Enfin, plus surprenant, nous nous pencherons sur des effets positifs scientifiquement prouvés des animaux sur notre santé et notre bien-être, ce qui explique leur utilisation croissante (mais néanmoins encore très insuffisante) en ce qu’on a fini par appeler la zoothérapie. Par la suite, nous démontrerons que la présence de cet animal en ville n’est pas, à ce jour, réellement intégrée dans le monde urbain. Nous tenterons ainsi de faire un état des lieux critique des actions menées par les collectivités locales en matière de propreté et d’hygiène. Dans un second temps, nous expliquerons pourquoi la question des animaux dangereux n’a pas, malgré deux lois en l’espace de huit ans, été réglée de façon satisfaisante. Ce problème récurrent nous mènera naturellement vers une autre interrogation plus large, qui a très peu intéressé le législateur jusqu’à présent : la liberté 4 Stage d’une semaine, du 6 au 10 août 2007, à la Direction de l’Ecologie Urbaine, Service Communal d’Hygiène et Santé, Ville de Lyon 5 Président du CCS (Club Canin de Sommerviller, 54), voir l’entretien en annexe 12 8 Savary Béatrice - 2007
Introduction individuelle justifie-t-elle de pouvoir détenir n’importe quelle race (outre le critère de « dangerosité »), dans n’importe quelles conditions ? Nous basculerons donc ici vers une autre vision des choses, c’est-à-dire vers la question du bien-être de l’animal lui-même, qui appellera bien entendu la dénonciation de l’intérêt limité que porte les pouvoirs publics au fléau des abandons et de la maltraitance. Mais nous passerons également par un point qui semble être à la base de nombreuses erreurs et carences : celui du statut juridique de l’animal qui, ayant certes évolué subrepticement depuis quelques années, n’en reste pas moins fondamentalement inadapté pour une protection efficace de l’animal. Enfin, nous nous tournerons vers l’avenir au travers d’une réflexion ayant pour ambition d’offrir une base de travail à l’ensemble des acteurs qui, détenant un mandat du Peuple, souhaiterait donner naissance à une législation ou à des actions efficaces et globales, mais également lourdes et contraignantes, étant persuadés que nous ne pourrons trouver la place du chien en ville que le jour où nous aurons achevé la responsabilisation des maîtres. Savary Béatrice - 2007 9
LA COHABITATION HOMME/ANIMAL EN MILIEU URBAIN : L’EXEMPLE DU CHIEN ère 1 partie : Un écueil à éviter, le monde animal en opposition à celui de l’Homme Chapitre 1: Un peu d’Histoire I. La conquête de l’animal ou la survie de l’Homme Il existe concrètement une seule raison impérieuse pour l’Homme de consommer des produits d’origine animale : c’est l’absence de vitamine B12 dans les produits végétaux, qui est, notamment, à l’origine du développement neurologique. Les protéines animales sont par ailleurs mieux équilibrées en acides aminés indispensables que les protéines végétales. Les protéines animales sont également plus facilement digestibles que les protéines végétales, puisqu’il n’y a pas de paroi cellulaire cellulosique solide qui limite l’attaque des enzymes digestives. De plus, les produits carnés apportent du fer. Non seulement le fer est présent en quantité plus grande dans les produits animaux (c’est le métal le plus efficace pour transporter l’oxygène dans le corps), mais il est nettement mieux absorbé. La domestication des animaux constitue donc bien une étape cruciale dans l’évolution de l’Homme. Par ce biais, les animaux vont fournir à la civilisation humaine l’occasion de se développer, lui offrant la possibilité de manger de la viande régulièrement, sans dépendre du sort incertain de chasses souvent dangereuses, ni de la quantité aléatoire d’animaux sauvages comestibles disponibles sur place. Nous sommes de ce fait en droit de nous demander si l’issue de la période préhistorique aurait été la même (à savoir la supériorité de l’Homme sur l’ensemble des espèces et sa domination jusqu’à nos jours) sans l’exploitation habile de la ressource animale, en compensation de la faiblesse et de la fragilité physique de l’homo sapiens par rapport au reste des prédateurs. Ainsi, bien que la maîtrise du feu soit couramment admise par les préhistoriens comme la découverte ayant permis le développement de l’Humanité, nous pensons pour notre part que c’est en tout premier lieu la domestication, ayant elle- même poussé à la naissance de l’agriculture (permettant de nourrir le bétail sans avoir à se déplacer pour trouver sans cesse de nouveaux pâturages), qui a réellement servi de catalyseur à l’élévation de l’Homme au dessus de toute autre être vivant. Cette domestication a par ailleurs bouleversé l’évolution de nombreuses espèces animales. En effet, les animaux domestiques d’aujourd’hui ne ressemblent plus guère à leurs ancêtres préhistoriques, l’Homme ayant procédé à une sélection reposant sur des critères de taille, de « production », mais aussi de comportement. L’Homme, curieux et avide d’expériences, a d’ailleurs tenté des domestications très insolites et de nombreuses tentatives ont été abandonnées. Mais il n’en reste pas moins que peu à peu, les produits de l’élevage ont été multiples : viande, lait, laines et fourrures, c'est-à-dire tout simplement les éléments indispensables à sa survie à cette époque. Par ailleurs, comme nous allons le voir, la domestication de certaines espèces comme le loup apportait bien d’autres avantages. 10 Savary Béatrice - 2007
1ère partie : Un écueil à éviter, le monde animal en opposition à celui de l’Homme II. Les particularités inhérentes à la domestication du loup La première relation démontrable entre l’Homme et l’ancêtre du chien remonte à une période d’il y a environ 10.000 à 15.000 ans. En comparaison, le cheval sera domestiqué, comme nous l’avons dit plus haut, par des groupes nomades entre 4000 et 3000 avant J.-C. Mais géographiquement, cette proximité est encore plus ancienne, puisque des ossements de loups ont été retrouvés sur des sites humains en Europe, datés de – 700 000 ans. Loups et hommes partagent alors le même territoire. La découverte en Ukraine, sur un site de – 20 000 ans, d’une quantité importante d’ossements de loups, laisse penser que la fourrure était utilisée pour la confection de vêtements. 6 Le loup est donc apprivoisé par l'Homme de la fin du paléolithique . La domestication s'est faite par étapes avec l'apprivoisement de louveteaux, et la reproduction d'animaux fidélisés parmi les humains. Il est d’ailleurs aujourd’hui admis que les femmes ont très probablement allaité des louveteaux en même temps que leur bébé, cette pratique existant par ailleurs jusqu’au siècle dernier au sein de civilisations dites alors « primitives », comme les Malgaches. Le contact physique est en effet un moyen efficace de domestication. Il est toujours suivi de l’attachement de l’animal pour l’Homme. Le phénomène s'est étalé sur plusieurs milliers d'années et a gagné les cinq continents. Avec le temps, nos ancêtres ont opéré une sélection sur les individus domestiqués. De reproduction en reproduction, le loup a peu à peu perdu certaines de ses facultés sauvages pour évoluer vers le chien. Ce dernier a appris à manger en présence de l’Homme, ce que les animaux sauvages ne font pas du tout naturellement. C’est son adaptabilité qui a été la cause de son succès. Aujourd’hui, il y a environ 400 millions de chiens de par le monde, soit cent fois plus que de loups. L’Homme a créé et perfectionné 355 races de chiens. Mais proportionnellement, leur tête, leurs dents et leur cerveau sont plus petits que ceux du loup, leur peau est plus épaisse et leur activité sexuelle est continue, au lieu d’être saisonnière. Ils sont passés en un temps record de compagnons utilitaires à compagnons d’agrément. III. Le chien comme grand gagnant d’un apprivoisement mutuel Aujourd’hui, le chien urbain est le plus souvent un chien de compagnie, il est même très souvent considéré comme un membre à part entière de la famille occidentale. Il n’en a pas toujours été ainsi, car ce fut longtemps un luxe d’aristocrate que de posséder et d’entretenir un animal ayant pour seule utilité la compagnie. Si les clubs d’amateurs se créent au cours du XIXe siècle (notamment pour guider l’évolution des races), le chien de compagnie ne se popularise véritablement qu’à partir des années 1950, à la faveur de la prospérité d’après-guerre et de l’émergence du modèle familial américain. Dès lors, le « chien des villes » devient l’objet de toutes les attentions (contrairement au « chien des champs » utilitaire, qui suscite moins de sentiments), motivant durant les années 1960-1970 le développement des cliniques vétérinaires et de spécialités médicales adaptées à la physiologie canine, ainsi que l’essor du « Petfood », l’alimentation industrielle des animaux de compagnie. Si nous parlons d’apprivoisement mutuel entre l’Homme et l’animal, c’est parce qu’il est désormais clair que ce dernier sait très bien s’adapter afin de pouvoir tirer partie de sa 6 Le paléolithique s’étend d’une période allant de - 650 000 à - 10 000 ans avant JC Savary Béatrice - 2007 11
LA COHABITATION HOMME/ANIMAL EN MILIEU URBAIN : L’EXEMPLE DU CHIEN relation avec l’homo sapiens. Les exemples commencent à abonder. Certains éthologues ont ainsi constaté que les animaux qu’ils observaient apprenaient à « faire » avec eux, voire à utiliser leur présence pour, notamment, se protéger dans les conflits, se procurer de la nourriture, ou encore modifier les relations avec les congénères. Les primates se sont avérés spécialistes de ce genre de stratégies. Les exemples de ce type de transformation de l’animal en fonction des habitudes, des histoires et des manières de s’adresser à lui traduisent ce qu’on pourrait considérer comme des « qualités d’adaptation ». C’est d’ailleurs ce qui explique que, loin de se conformer à la théorie classique de domestication du chien dans un but de dressage, le Professeur Ray Coppinger ne croit pas du tout que l’animal sauvage ait été apprivoisé par les hommes en quête de compagnie : « Leur vie ne leur laissait pas le loisir d’effectuer ce travail. Il s’agissait d’isoler les animaux les plus dociles et de les faire se reproduire entre eux pour obtenir au bout de quelques générations des sujets proches et câlins. La vérité, c’est que le scénario a sans doute été différent. Ce sont les chiens eux-mêmes qui, par opportunisme, se sont approchés des hommes, afin de profiter des déchets de nourriture facile qu’ils produisaient. Plus besoin de courir, de chasser ou de tuer ; il fallait seulement être là au bon moment, attendre et se servir.» Nous ne nous attarderons pas sur ces raisonnements qui, bien que très intéressants, peuvent apparaître comme des débats de spécialistes scientifiques bien trop éloignés de la réalité citadine et de ses problèmes causés par la présence animale. Mais ils ont néanmoins l’avantage de nous permettre de percevoir autrement, du moins l’espace d’un instant, la vraie nature de la relation Homme/animal : après tout, qui du chien ou de l’Homme a apprivoisé l’autre ? La vérité est sans aucun doute complexe, et révèle en tout cas une interaction constante entre ces deux êtres vivants. Elle démontre ainsi de façon certaine que le monde de l’Homme ne devrait jamais être perçu comme étant en opposition à celui de l’animal. IV. La naissance d’un statut juridique répondant à une conception patrimoniale de l’animal La domestication des animaux et l’agriculture ont, au fil des temps, posé un problème de propriété à l’Homme, et ce d’autant plus qu’apparaissent les échanges entre les tribus. Le chef du groupe, qui a su s’imposer par la force (physique, mais aussi par la suite spirituelle), a longtemps été l’arbitre en la matière, sachant que la survie de la tribu passait en général avant tout. Sous l’Antiquité, en même temps que la naissance des premières réflexions sur la démocratie, la légitimité du chef n’allait plus de soi et il s’est donc avéré nécessaire de règlementer les rapports entre les hommes autrement que par un arbitrage despotique, et ce, à grands renforts de principes religieux : c’est le début de l’histoire du droit, la notion de propriété est née. Ainsi, une des distinctions possibles de classification des biens en droit romain est de qualifier la chose en fonction des relations d’appropriation, selon qu’elle est ou non dans 7 le commerce juridique . C’est ainsi que le droit romain distingue les res extra commercium 8 9 des res in commercio . Parmi cette première catégorie, il est possible de distinguer 7 Pour plus de détails, voir le schéma en annexe 3 8 Choses qui sont hors commerce 9 Choses que l’on peut vendre 12 Savary Béatrice - 2007
1ère partie : Un écueil à éviter, le monde animal en opposition à celui de l’Homme trois types de biens : les res nullius divini juris (choses de droit divin n’appartenant à personne) ; les res publicae (choses publiques) ; les res communes (choses communes). Mais c’est surtout sur la seconde catégorie que nous nous attarderons, pour laquelle deux types de biens sont différenciés : les res extra patrimonium (les choses en dehors de notre patrimoine); les res in patrimonio (les choses dans le patrimoine). Les res in patrimoniosont celles qui sont sous la propriété privée d'une personne ou tout au moins qui sont susceptibles de s'y trouver ; à contrario, les res extra patrimonium sont celles que leur nature même rend insusceptibles d'appropriation individuelle, ou celles qui, bien que susceptibles de cette appropriation, ne peuvent, par des raisons d'ordre religieux ou d'ordre public, appartenir à un particulier. Les res in patrimonio sont elles-mêmes susceptibles de plusieurs divisions importantes que nous ne détaillerons pas toutes ici. Mais deux d’entre elles méritent d’être mentionnées en rapport avec notre sujet. Ainsi, les res corporales s’opposent aux res incorporales. Les choses corporelles sont celles qui ont une existence matérielle, que l'on peut voir ou toucher (comme un animal, un esclave, un fonds de terre). Les choses incorporelles sont, au contraire, celles qui n'ont pas d'existence ; ce sont des abstractions (créances ou obligations, etc.). Enfin, les meubles (res mobiles) sont les choses qui se meuvent par elles- mêmes, comme les esclaves et les animaux ou celles qui sont susceptibles d'être déplacées sous l'action d'une force extérieure, comme un livre ou une table. Les immeubles (res soli) sont les choses non susceptibles d'être déplacées, comme le sol et tout ce qui fait corps avec lui, c'est-à-dire les maisons, les plantations. Nous pouvons ainsi constater que les animaux domestiques se retrouvent bien évidemment classés parmi les res in patrimonio, corporales, et mobiles. C’est ainsi que les animaux se sont vus qualifiés de « choses », qui, de surcroît, peuvent faire l’objet de droits privatifs. Par la suite, une certaine confusion est apparue au Moyen Age jusqu’au XVIe siècle et ce n’est que lentement que s’est reconstituée la distinction romaine des res extra 10 commercium et des res in commercio . A cette division s’est superposée une seconde, 11 exprimée clairement par l’article 88 de la nouvelle coutume de Paris de 1580 : « Il y a deux sortes et espèces de biens seulement : c’est à savoir, meubles et immeubles », consacrés 12 aujourd’hui par l’article 516 du Code Civil . Ainsi, domestiqué par l’Homme, l’animal en a été réduit, par une logique juridique claire et implacable, à un bien meuble, subissant ainsi tous les attributs de la propriété que cette situation confère à son maître. Nous verrons par la suite comment le statut juridique de l’animal a évolué au fil des siècles, et en quoi cette question est à la source de carences et de malentendus en rapport avec notre sujet. Chapitre 2 : L’utilité de l’animal en ville aujourd’hui I. Les rôles utilitaires du chien 10 Pour plus de détail, voir le schéma en annexe 4 11 Loi coutumière des prévôté et vicomté de Paris, rédigée en 1510 et révisée en 1580. Elle tenait lieu de Code Civil « local » avant la naissance de ce dernier en 1804. 12 Article 516 du Code Civil : « Tous les biens sont meubles ou immeubles ». Savary Béatrice - 2007 13
LA COHABITATION HOMME/ANIMAL EN MILIEU URBAIN : L’EXEMPLE DU CHIEN Depuis sa domestication, le chien a tenu tous les rôles imaginables : chien de chasse, chien de berger, chien de traction, chien de garde, chien de guerre… Son utilisation a parfois été déplorable : les dobermans et les bergers allemands portent encore l’image des chiens d’attaque dressés pendant la seconde guerre mondiale par les nazis. Mais orientée à bon escient, elle s’est avérée être très précieuse. Les résultats obtenus montrent ainsi toute la portée des capacités cognitives de cet animal. Aujourd’hui, son utilisation s’est surtout développée au sein de différentes administrations et de l’armée, afin d’accomplir une mission assez large de sécurité civile. Quelque soit l’administration concernée, il faut avant toute chose avoir réussi à l’intégrer (par recrutement direct ou concours). Les fonctionnaires volontaires font par la suite l’objet d’une sélection (motivation, âge, capacité physique, aptitude au contact avec les animaux) puis d’une formation spécifique. C’est ainsi que la Police Nationale dispose de chiens de pistage (recherche de personnes), de chiens de recherche en stupéfiants, de chiens d’avalanche, de chiens de recherche en explosifs et de chiens de patrouille. La Gendarmerie aussi rassemble ce type de chiens utilitaires, mais la spécificité de ses missions l’a amené à instruire également des chiens d’interventions, des chiens de recherches de cadavres, des chiens de recherches d'armes ainsi que des chiens d'assaut du G.I.G.N. C’est en effet en 1943 que la Gendarmerie prend la décision de se doter de chiens policiers. En 1946, cette dernière fait l'acquisition du centre du Ségala, à Gramat (46), et y forme depuis cette date une soixantaine d'équipes cynophiles par an, pour ses unités, certaines administrations françaises et certains pays étrangers. L'école prend l'appellation en 1997 de "Centre National d'Instruction Cynophile de la Gendarmerie". D’autres types de dressage plus particuliers varient selon les administrations concernées, parmi lesquelles l’armée de terre, qui s’est fait une spécialité des chiens ème d’éclairage (il s’agit ici du 132 Bataillon Cynophile de l'armée de Terre de Suippes, crée en 1977), ou encore de chiens de décombres (recherche de personnes ensevelies) ou d’équipes de sauvetage en mer, formés par les services d’incendie et de secours. Mais nous allons plutôt nous attarder sur les douanes, dont le travail est en grande partie basé sur les capacités de chiens de recherche en stupéfiants et de chiens de recherche en explosifs. L’utilisation des chiens dans l’administration des douanes n’est pas une nouveauté : jusqu’en 1950, environ 200 chiens étaient répartis le long des frontières terrestres. Ils servaient aux missions traditionnelles de surveillance : patrouilles, embuscades, gardes de points fixes, etc. Cependant, les moyens modernes de surveillance et la motorisation des brigades ont entraîné la disparition progressive des chiens. Ces auxiliaires ne tardent pourtant pas à réapparaître dans les services. Dans les années 70, les douanes américaines et allemandes mettent au point des méthodes de dressage très efficaces permettant la détection de stupéfiants. Devant les résultats obtenus, l’administration des douanes décide la création d’équipes françaises de maître-chien. Les premières ont ainsi été formées en Allemagne puis, par la suite, à l’école de la Gendarmerie de Gramat. Ces deux filières ont permis la constitution d’une dizaine d’équipes. Ceci restait toutefois insuffisant, compte tenu des excellents résultats obtenus sur le terrain. Aussi, en 1982, la Douane décide-t-elle d’organiser elle- même la formation de ses équipes, avec pour objectif de porter leur nombre à 50 le plus rapidement possible. L’Ecole Nationale des Brigades des Douanes de la Rochelle (ENBD) est retenue pour abriter les installations nécessaires et le centre est inauguré le 9 décembre 1983. Actuellement, un peu moins de 200 équipes anti-stupéfiantes sont en activité. 14 Savary Béatrice - 2007
1ère partie : Un écueil à éviter, le monde animal en opposition à celui de l’Homme Les premières équipes de maîtres-chiens des Douanes anti-explosifs ont, pour leur part, été formées à Cannes Ecluse par la police nationale en 1985. Mais là encore, les douanes forment par la suite leurs propres équipes cynophiles à l’E.N.B.D. On compte aujourd'hui un peu plus de 70 équipes réparties sur le territoire français. II. Les aides aux personnes handicapées -A. Les chiens-guides d’aveugles Sur ce sujet, nous souhaitons avant tout vous conseiller la lecture de l’entretien du 14 juillet 2007, situé en annexe, avec Monsieur Charles Adam, kinésithérapeute non-voyant et maître d’un chien guide. A la fois drôle et poignant, ce témoignage reflète la place que prend l’animal dans son existence, et qui lui permet tout bonnement de répondre à son appétit débordant de vivre pleinement. C'est en Allemagne que naît durant la première guerre mondiale le premier centre de chiens-guides pour les aveugles de guerre. En France, au début des années 50, Paul CORTEVILLE, prépare pour un ami le premier chien-guide d'aveugle. Il crée en 1958 la première école de chiens-guides. En 1972 naît officiellement la Fédération Nationale des chiens-guides d'aveugles (F.N.E.C.G.A), qui devient par la suite la Fédération Française des Associations de Chiens Guides d'Aveugle (F.F.A.C.). D'autres écoles voient le jour (constituées en association loi 1901, leur personnel est donc principalement constitué de bénévoles). En 1996, on assiste à la création d'un Centre d'Etudes de Sélection et d'Elevage de Chiens-Guides pour Aveugles et Handicapés (C.E.S.E.C.A.H), sous l'égide de la F.N.E.C.G.A. Ainsi, les E.C.G.A ( Ecole de Chiens-Guides d’Aveugles) sont fondées dans les années 70-80 et deviennent rapidement des associations reconnues d’utilité publique. Ces dernières ont pour mission de former et d’offrir des chiens-guides à des personnes atteintes de cécité, l’enjeu consistant pour celles-ci à gagner plus d’autonomie et à s’insérer davantage dans la société. Autrement plus fiable que la traditionnelle canne blanche, le chien-guide est, en effet, non seulement un moyen technique de déplacement efficace, sécurisant, mais il améliore aussi la condition de son maître qui trouve dans cette présence animale un relais affectif et social primordial (les voyants allant plus facilement à la rencontre des non-voyants accompagnés d’un chien). Au cœur de la mission de l’E.C.G.A, l’éducation canine, spécifique et rigoureuse, est dispensée par des professionnels qui savent anticiper les problèmes que posent les déplacements en extérieur pour un non-voyant. Après avoir été placé un an dans une famille d’accueil chargée de le pré-éduquer (acquisition de la propreté et des bases de l’obéissance, familiarisation avec l’homme, la ville, etc.), le chien, s’il est exempt de tares physiques et comportementales, entre pour six mois à l’Ecole, où il est conditionné à des tâches précises (marcher à gauche de son maître ; s’arrêter et s’asseoir au bout d’un trottoir ; attendre l’ordre de son maître pour traverser une rue ; contourner les obstacles) et stimulé pour prendre des initiatives (décider, par exemple, de la manière d’éviter un obstacle). L’E.C.G.A pose deux conditions essentielles quant à la personnalité du non-voyant qui souhaite obtenir un chien-guide : d’une part, aimer les chiens et en désirer un réellement, et, d’autre part, avoir un degré certain d’autonomie (être physiquement et psychiquement apte à s’occuper d’un animal, avoir un bon sens de l’orientation). L’acquisition du chien se fait à l’issue d’un stage de formation de quinze jours durant lesquels la personne aveugle apprend à maîtriser son animal en milieu urbain et dans son environnement quotidien. Mais Savary Béatrice - 2007 15
LA COHABITATION HOMME/ANIMAL EN MILIEU URBAIN : L’EXEMPLE DU CHIEN le fonctionnement du binôme homme/chien a néanmoins besoin d’une année environ pour se mettre en place. Il y a en France 225 000 non-voyants. Sur les 55 000 personnes atteintes de cécité totale, 5000 ont les capacités requises pour l’utilisation d’un chien-guide et 1500 en possèdent un. Le temps d’attente pour obtenir un chien-guide est compris entre un et deux ans. Actuellement, il se forme 150 chiens-guides par an sur dix écoles spécialisées 13 affiliées à la Fédération nationale . De la sélection du chiot au stage de formation de la personne aveugle qui demande un chien, l’éducation d’un chien-guide représente un coût de 15.000 euros. L’E.C.G.A, qui remet gratuitement les chiens qu’elle forme, fonctionne essentiellement grâce à la générosité du public (dons, legs et libéralités) qui assure plus de 80 % de son financement. -B. Les chiens d’assistance pour les personnes à mobilité réduite Il existe un certain nombre d’autres organismes pour d’autres types de handicaps, par exemple pour les personnes à mobilité réduite. On trouve l'origine du chien d'assistance aux personnes handicapées aux Etats-Unis en 1975 où est créé la C.C.I (Canine Companions for Independence). S'inspirant de ce qui est fait outre atlantique, est créé en 1989 en France, sous l'impulsion de Marie Claude LEBRET, l'équivalence Française de la CCI : l'A.N.E.C.A.H (Association Nationale pour l'Education des Chiens d'Assistance pour Handicapés). Sa mission est d’éduquer et d’offrir des chiens d’assistance à des personnes atteintes d’un handicap moteur. Ses éducateurs canins apprennent aux chiens à exécuter les ordres qui peuvent aider un handicapé en fauteuil roulant dans sa vie quotidienne. Là encore, cette assistance permet concrètement aux personnes handicapées de gagner en autonomie. Mais surtout, tout comme pour les chiens-guides, elle ouvre des perspectives d’intégration sociale certaines : on dit que le « chien masque le fauteuil », en ce qu’il favorise les échanges entre la personne handicapée et les valides. Le principe de l’éducation des chiots et de l’entrée en formation reste le même. Mais leur métier de chiens d’assistance est par contre fondé sur des déplacements et mouvements particuliers (marche à hauteur du fauteuil, marche à reculons devant le fauteuil, maintien d’une position donnée) et une série de 53 tâches précises, adaptées à l’univers quotidien, intérieur et extérieur, d’un handicapé (ramasser et rapporter tout objet hors de portée de la personne ; ouvrir et fermer les portes d’entrée et de placards ; effectuer une transaction avec un commerçant ; aboyer sur commande pour alarmer l’entourage ; aller chercher un téléphone sans fil, etc.). La remise d’un chien d’assistance ne se fait, là encore, qu’à la suite d’un stage de formation de deux semaines où la personne handicapée apprend à faire travailler son animal et à en être responsable en toutes circonstances. C’est précisément ce pourquoi les candidatures retenues sont limitées aux personnes réellement motivées par la présence d’un chien à leur côté et capables de le prendre en charge et de le conduire de manière autonome (il leur faut un bras semi valide et un minimum d’élocution). Cependant, l’A.N.E.C.A.H remet aussi des chiens dits non plus « d’assistance » mais « sociaux » à des personnes plus dépendantes, touchées par un handicap moteur très lourd, accompagnées d’un tiers (membre de la famille ou éducateur) à qui revient l’obligation de suivre le stage de passation. En France, 1 million et demi de personnes souffrent d’un handicap moteur nécessitant l’utilisation d’un fauteuil roulant ; 500 d’entre elles possèdent un chien d’assistance. 13 Fédération Française des Associations de Chiens-guides d’Aveugles 16 Savary Béatrice - 2007
1ère partie : Un écueil à éviter, le monde animal en opposition à celui de l’Homme Actuellement, l’A.N.E.C.A.H remet, au niveau national, plus de 50 chiens par an formés sur trois centres. D’une manière générale, les personnes qui en font la demande doivent patienter deux ans pour obtenir un chien d’assistance. L’éducation de chaque animal représente un coût de 11.500 euros environ ; l’A.N.E.C.A.H, qui ne vend pas ses chiens mais les remet gratuitement aux personnes handicapées, fonctionne également grâce à la générosité du public (dons et legs) et au concours de nombreux partenaires. Corrélativement à la complexification de la ville, les chiens sont désormais formés à anticiper toutes sortes d’embûches et à affronter des espaces extrêmement codifiés et très stressants (avec ascenseurs, escalators, tapis roulants, portes automatiques, etc.). Le « travail de nuit » a aussi été introduit dans la formation des chiens-guides, afin de les préparer aux trajets de nuit avec leurs odeurs et leurs bruits particuliers, leurs zones d’ombres, etc. Mais cette évolution est liée aussi à la polyvalence des personnes handicapées qui travaillent, ont des loisirs, voyagent… et ont donc besoin de chiens plus performants. De fait, les éducateurs canins insistent davantage sur l’obéissance du chien qui doit pouvoir accompagner son maître partout. Enfin, l’évolution de l’éducation du chien d’assistance a, elle aussi, bénéficié des apports des comportementalistes qui ont incité à développer l’esprit d’initiativechez le chien, plutôt que de l’enfermer dans un conditionnement dur, ou encore à communiquer avec lui, plutôt que de fonctionner uniquement sur l’interdit. -C. Les chiens d’assistance aux personnes sourdes : un espoir qui se fait attendre La performance des chiens d’assistance et des chiens-guides a poussé les éducateurs canins à rechercher de nouveaux modes d’aides envers d’autres types de handicaps. Ainsi, certains pays anglo-saxons ont donné naissance aux premiers chiens d’assistance aux personnes sourdes et malentendantes. Cette éducation est basée sur la reconnaissance de divers sons et bruits (sonnette, alarme incendie, sonnerie du téléphone, minuterie du four, etc.) auxquels vont être associés des positions et des gestes bien précis que le chien effectuera devant son maître, afin de lui faire comprendre la nature de « l’alerte ». A l'origine, l’idée du chien d'assistance aux personnes sourdes nous vient d’outre atlantique et il faut attendre la venue en Europe à Londres en 1979, du docteur BUSTAD, qui, lors d'une conférence, provoque l'intérêt d'un vétérinaire Britannique pour le sujet. En 1982, avec l'aide du Royal National Institute for the Deaf, est lancé en Grande- Bretagne le programme de création d'un centre de formation de chiens d'assistance aux personnes sourdes. En France, il n'existe pas encore de centre de formation, ni de système similaire à celui des Britanniques, car les timides tentatives ne parviennent pas, faute d'argent et de donateurs, à créer son équivalent français. Mais depuis 1992, l'Association " Le chien écouteur " forme tant bien que mal, malgré le manque d’installations adaptées, des chiens destinés à assister les sourds et malentendants. Comme nous pouvons le voir, les possibilités d’utilisation du chien en compensation d’un handicap sont multiples, et s’élargissent aujourd’hui encore. Mais deux difficultés principales se posent à chaque candidat à l’acquisition d’un chien d’assistance : d’une part le délai d’attente, les associations de formation des chiens ne tirant leur ressources majoritairement que de dons et legs, leur fonctionnement est fortement limité en quantité ; d’autre part les difficultés inhérentes à la vie avec un chien en ville (propreté, transports, absence d’aires d’ébats pour les animaux). Sur ce dernier sujet, nous vous conseillons encore une fois la lecture de l’entretien avec Charles Adam, situé en annexe. Savary Béatrice - 2007 17
LA COHABITATION HOMME/ANIMAL EN MILIEU URBAIN : L’EXEMPLE DU CHIEN III. Auprès des personnes malades : la zoothérapie Au début des années 1970, des chercheurs anglo-saxons d'horizons différents entreprennent des travaux sur l'influence du chien sur l'Homme, dans l'indifférence de la communauté scientifique. Dans les années 80, le ministère Américain de la Santé reconnaît officiellement l'influence bénéfique de la présence de l'animal aux côtés de l'Homme, encourageant ainsi la recherche. C’est la naissance de la pet-therapy (zoothérapie). Depuis 1992, sous l'égide de l'I.A.H.A.I.O (International Association of Human Animal Interaction Organizations), les travaux des chercheurs sur ce sujet sont centralisées et commentées tous les trois ans lors de la conférence internationale sur les relations entre ème l'homme et l'animal. La 11 édition aura lieu du 5 au 8 octobre 2007 à Tokyo. L’Association Française d’Information et de Recherche sur l’Animal de Compagnie (AFIRAC) est membre de cette structure qui regroupe les associations qui travaillent dans le monde entier à une meilleure connaissance et compréhension de cette relation privilégiée qui existe entre l’Homme et l’Animal. Le thème de la prochaine conférence sera « Hommes et animaux : une association harmonieuse ». Seront ainsi présentées des interventions sur « le développement de l’empathie chez l’enfant grâce à l’interaction avec l’animal », « l’animal 14 et la santé psychologique des personnes âgées », etc . En France, l'initiative nommée " Thérapie assistée par l'animal" est à porter au crédit du professeur Hubert MONTAGNER, et à son équipe de l'I.N.S.E.R.M (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale). D'autres initiatives vont permettre de développer des programmes relatifs à l'étude de la thérapie assistée par l'animal, grâce à l'A.F.I.R.A.C (Association Francaise de Recherche et d'Information sur l'Animal de Compagnie) et à l'A.N.E.C.A.H qui fournit les chiens. Nous pouvons ainsi citer les exemples du C.H.U de Nantes, ainsi que du C.H.U de Caen (où un chien est employé par le professeur DUHAMEL, en kinésithérapie, et intégré dans les séances de motricité). De plus en plus, les I.M.E (Instituts Médico-Educatifs) et les maisons de retraite intègrent souvent le chien qui, bien que ne guérissant rien, offre par sa présence un réconfort, une écoute et dans certains cas une amélioration d'un état médical. L’un des objectifs de l’association C.H.A (Compagnie Homme Animal) est justement de développer le concept de l’animal visiteur en France, c’est-à-dire la visite d’un animal accompagné de son conducteur à un enfant coupé de son milieu pour des raisons de santé. L’animal doit, d’une part, être équilibré et sociable, d’autre part, être préparé et entraîné. Les responsables du lieu de visite valident et préparent la rencontre. Des critères d’hygiène sont établis. Plusieurs « sas » peuvent être utilisés : salles d’attente, salles de jeux hospitalières, lieux de rencontre mère/enfant… Les visites concernent les enfants hospitalisés en pédiatrie, les enfants en longue maladie, les enfants placés et/ou en classes spécialisées. Mais il peut s’agir également d’enfants en difficulté d’apprentissage, hyperactifs ou ayant développé des phobies scolaires. Ils sont pris en charge dans des classes à petits effectifs et bénéficient des apports de plusieurs professionnels médicaux et paramédicaux. Enfin, les visites peuvent se faire également en hôpital de jour avec des enfants de moins de cinq ans, non scolarisés, qui présentent des troubles liés à l’autisme. Une vingtaine de visites du binôme conducteur/ animaux visiteurs sont programmées sur l’année scolaire, en accord avec l’équipe médicale et pédagogique. 14 Pour plus de détails, voir le site de l’IAHAIO : http://www2.convention.co.jp/iahaio.tokyo/ 18 Savary Béatrice - 2007
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