La Covid-19 et l'organisation des études universitaires : injonctions et adaptations
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La Covid-19 et l’organisation des études universitaires : injonctions et adaptations Covid-19 and the organization of university studies: Injunctions and Adaptations Gilles ROUET Larequoi, Université Paris-Saclay Stela RAYTCHEVA Larequoi, Université Paris-Saclay Thierry CÔME Larequoi, Université Paris-Saclay RÉSUMÉ d’enseignement supérieur par voie de circulaires, avec les décisions et adaptations mise en œuvre au Dans le contexte de la crise sanitaire, les institu- sein d’une université, à partir d’une prise en compte tions d’enseignement ont globalement, en France, des ressentis et avis des étudiants. fait preuve d’adaptation, de manière séquentielle et parfois erratique. Les universités ont rapidement pu s’organiser et proposer des protocoles limitant le Mots-clés présentiel tout en tentant de garantir l’essentiel des Circulaires ministérielles ; Adaptation organisa- apprentissages grâce notamment au digital. Cette tionnelle ; Allocutions présidentielles ; Injonctions contribution propose une mise en en perspective paradoxales ; Communication gouvernementale des décisions officielles, annoncées par le Président de la République et appliquées aux établissements ABSTRACT of the Republic and applied to the higher education institutions by way of ministerial circulars, with the In the context of the health crisis, educational ins- decisions and adaptations implemented within a titutions in France have generally adapted in a se- university, from a consideration of the feelings and quential and sometimes erratic manner. Universities opinions of the students. were quickly able to organize themselves and propose protocols that limited the number of face-to-face sessions while attempting to guarantee the essential Key-words elements of learning, thanks in particular to digital Ministerial circulars; Organizational adaptation; technology. This contribution proposes a analysis Presidential speeches; Paradoxical injunctions; of the official decisions, announced by the President Government communications Revue Gestion & Management public | 2021 | numéro spécial 81
La Covid-19 et l’organisation des études universitaires : injonctions et adaptations INTRODUCTION crise sanitaire par les autorités comme sur les modes de communication (Mariette, Pitti, 2021), beaucoup de La communication gouvernementale pendant la pé- citoyens, des parents d’élèves1 et des étudiants recon- riode du Covid-19 focalise essentiellement sur la néces- naissent que dans le domaine de l’éducation, que ce saire protection des citoyens et notamment les plus fra- soit dans le primaire, le secondaire ou le supérieur, le giles. De nouveaux dispositifs (par exemple le « conseil discours est resté globalement cohérent, et l’action sur scientifique Covid-19 ») ont été mis en place pour aider le terrain, induite par les instructions officielles, a été le gouvernement à prendre des décisions (Bergeron et relativement conforme à ce qui était annoncé par les al., 2020). Des controverses, hésitations et contradic- membres du gouvernement, malgré des épisodes discu- tions ont été largement médiatisées et les Français ont tables, comme la décision de rouvrir les écoles à partir pris l’habitude de l’annonce morbide et journalière des du 11 mai 2020 qui a été une surprise pour beaucoup nombres de décès, d’hospitalisés et de nouveaux indi- d’acteurs, non préparés à cette annonce. cateurs : « tensions des réanimations », « R effectif », « taux d’incidence », cf. l’application TousAntiCovid Ainsi, dans la réalité opérationnelle et dans les constats (Marsico, 2020). Cette quantification finalement assez des acteurs relayés par les syndicats ou institutions re- peu critiquée fournit bien un fondement scientifique présentatives, de nombreux dysfonctionnements sont (voire scientiste) à l’information, sans pour autant ren- apparus, des interprétations de circulaires de diverses forcer le discours politique marqué par les hésitations, origines ont pu induire des messages et la dénoncia- les changements de position (sur les masques, les vac- tion d’injonctions contradictoires. Pour autant, peut-on cins, etc.) et d’atermoiements sur les mesures sanitaires réellement parler d’incohérence, au niveau politique (couvre-feu ou confinement, général ou localisé, date comme communicationnel ? Il faut bien évidemment d’application, etc.). Bien sûr, il est toujours possible faire la distinction entre la communication visant le pu- d’envisager de fonder une décision politique sur des blic et les circulaires et instructions aux établissements éléments scientifiques qui semblent s’imposer à tous, ou les discours destinés aux collectivités compétentes : mais, d’une part, au risque d’une délégitimation par les la mise en perspectives des différents types de commu- citoyens eux-mêmes et, d’autre part, en s’opposant aux nication a pu provoquer des incompréhensions, des dé- scientifiques eux-mêmes qui n’ont pas à porter une telle calages, des erreurs d’interprétation et potentiellement responsabilité et dénoncent souvent une instrumentali- des situations de mise en danger, en particulier pour les sation de la science (Crevoisier, Matet, Poupet, 2020). personnels et les étudiants. Cependant, dans une telle situation, chacun est en at- Il apparaît que les protocoles sanitaires qui ont été mis tente d’une stratégie sanitaire précise, pas seulement en place, dans une pratique très top-down, visaient à fondée sur un objectif de protection, mais aussi de co- rassurer et à protéger le public. Cependant, l’objectif hésion et de responsabilisation. Les indicateurs sont était (est) bien de communiquer et non de réduire les er- mobilisés comme justification de décisions politiques, reurs commises et les incohérences. Pour autant, selon ce qui peut aboutir à diviser les citoyens, mais aussi le degré d’autonomie des établissements et la capacité à leur faire prendre position, par leurs actes, par rap- managériale des responsables, les dysfonctionnements port aux libertés publiques, en se soumettant ou bien n’ont pas présenté le même degré d’incohérence, parti- en s’opposant (Fallon, Thiry, Brunet, 2020). La com- cipant du coup à la performativité du discours officiel. munication politique est alors culpabilisante plus que responsabilisante. La confiance disparaît et la légitimité Les universités ont pu (su) rapidement s’organiser et n’est plus assurée, les fake news prospèrent (Mercier, proposer des protocoles limitant le présentiel, mais ga- 2004 ; Monnier, 2020). rantissant l’essentiel des apprentissages grâce notam- ment au numérique. Les lycées, en priorisant les classes Pourtant, même si les critiques sont nombreuses, au terminales, et malgré les multiples interprétations, par sein de la population française, sur la gestion de la exemple sur les pratiques en EPS, ont également tenté 1 Ainsi la PEEP, fédération de parents d’élèves de l’enseignement public, a eu pendant la période des réunions hebdomadaires d’échange d’informations avec le ministre Jean-Michel Blanquer (Source : sur le site de la PEEP, [URL : http://peep.asso.fr/peep/assets/File/covid19crisesanitairecom PEEP080420.pdf]). 82
Gilles Rouet, Stela Raytcheva & Thierry Côme de préserver les apprentissages. Il en est relativement mettant en place un enseignement à distance, dans l’ur- de même au niveau des collèges. En revanche, en ce qui gence et sans avoir pu s’y préparer. Depuis mars 2020, concerne les écoles primaires, les incohérences se sont les périodes de fermetures, plus ou moins longues selon multipliées, les informations contradictoires ont abon- les pays, ont alterné avec des périodes d’ouverture res- dé, des interprétations erronées ont circulé pour le plus treinte, et il a fallu aux équipes trouver les modalités grand désagrément des parents et de grands oubliés de d’organiser de manière discontinue l’année universi- la crise sanitaire : les enseignants du premier degré. La taire tout en respectant les cycles du LMD. Bien enten- situation au sein des différents niveaux d’enseignement du, cette situation a été particulièrement difficile pour est difficilement comparable, même si, finalement, le les cours pratiques, en laboratoire ou en atelier, qui né- niveau de résilience et la solidité de l’identification pro- cessitent l’utilisation d’équipements, l’apprentissage de fessionnelle des enseignants sont assez comparables gestes, un accompagnement spécifique difficile à repro- (Rouet, Attarça, Chomienne, Côme, 2021). duire à distance. Le projet de cette contribution est de mettre en pers- Les établissements ont ainsi transféré en ligne de façon pective les décisions officielles, annoncées en parti- massive leurs activités d’enseignement, d’évaluations culier par le Président de la République lors de ses des étudiants et de recherche, souvent dans une dé- « adresses » aux Français, rendez-vous clés de l’exécutif marche finalement assez expérimentale, avec des essais dans le contexte d’état d’urgence prolongé ensuite par et l’analyse d’erreurs, dans un contexte d’incertitudes des déclarations de différents membres du gouverne- pour toutes les parties prenantes lié à la fois à un envi- ment, et les circulaires adressées aux établissements ronnement anxiogène et à la communication politique par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la « protectrice » infantilisante et n’encourageant pas la Recherche et de l’Innovation (MESRI) avec les choix responsabilisation des acteurs. Les équipes de direction organisationnels opérés par les établissements (1re par- des établissements ont parfois élaboré des scénarios, et tie) et les réactions et positions des étudiants (2e par- envisagé leur mise en place, anticipant en particulier, tie). Les développements s’appuient en particulier sur quand cela était possible et que des stocks étaient dispo- les décisions d’adaptations prises au sein de l’Univer- nibles dans le commerce, des achats de matériels (équi- sité de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), pement informatique, en particulier pour les agents ad- et en particulier de deux de ses composantes : l’Institut ministratifs, mais aussi pour les étudiants ayant besoin Supérieur de Management, Institut d’Administration d’aide). Dès le début de la crise sanitaire, l’importance des Entreprises (ISM-IAE) et de l’Institut Universitaire de la réactivité et de la cohérence de la communication, de Technologie de Mantes (IUTM)2. la situation, la nécessité de mesurer et de prendre en compte de manière régulière les conséquences des dis- positions prises et la vigilance sur l’accroissement pos- sible des inégalités ont été au centre des préoccupations 1. DISCOURS, DÉCISIONS ET des dirigeants des universités, dans un contexte d’incer- INSTRUCTIONS OFFICIELLES titude relativement à la durée de la crise (d’Albis, 2021). La pandémie du Covid-19 a eu un effet d’une ampleur Dans certains pays, les pouvoirs publics ont opté pour inédite sur les systèmes éducatifs du monde entier. des dispositions qui permettaient aux établissements D’après l’UNESCO3, en avril 2020, plus de 1,6 milliard d’envisager de manière claire les semestres ou les an- d’étudiants dans le monde ont vu leurs études pertur- nées universitaires, même si l’imprévisibilité de la si- bées, en particulier avec des fermetures complètes des tuation durant les mois suivant mars puis septembre campus. Dans la plupart des cas, les établissements d’en- 2020 aurait pu permettre de changer ces dispositions. seignement supérieur ont été incapables de proposer Par exemple, en Slovaquie, les universités sont restées un accueil des étudiants dans leurs locaux et ont tenté fermées pendant toute l’année universitaire 2020- d’assurer une continuité académique, en particulier en 2021. Il s’agit clairement d’un choix politique : celui de 2 La situation pour ces deux composantes étant significatives de celles des autres IAE et IUT de France, d’après les débats au sein de l’ADIUT et de IAE France auxquels ont participé les directeurs de ces composantes, auteurs de cette contribution. 3 Cf. [URL : https://fr.unesco.org/news/deducation-perturbee-covid-19-ou-sommes-nous]. Revue Gestion & Management public | 2021 | numéro spécial 83
La Covid-19 et l’organisation des études universitaires : injonctions et adaptations Figures 1 et 2 – Nuages de points, discours, adresses et allocutions d’Emmanuel Macron, 12 mars 2020 au 31 mars 2021 et circulaires du MESRI du 27 mars 2020 au 3 avril 2021 Source : Sphinx IQ2, sites elysee.fr et du MESRI fournir aux établissements d’enseignement supérieur Le Président de la République, le jeudi 12 mars 2020, un cadre de réponse susceptible de se transformer en informe solennellement les Français de la situation, cadre d’action qui va au-delà de l’urgence et qui permet « dans l’immense majorité des cas, le Covid-19 est sans aussi de préparer l’avenir des établissements après la danger », mais il s’agit de protéger les personnes âgées crise sanitaire. ou fragiles. Il annonce donc une fermeture complète de tous les établissements scolaires et universitaires, à par- Une analyse des circulaires destinées aux établissements tir du lundi suivant, « pour […] protéger et pour réduire d’enseignement supérieur ne peut pas être conduite de la dissémination du virus », et appelle en particulier à la manière isolée. En effet, la communication politique mobilisation des étudiants en santé et des chercheurs. s’appuie en premier lieu sur les discours du Président de Le lendemain, une première circulaire du ministère de la République, soit dans des rendez-vous annoncés et at- l’Éducation nationale et de la Jeunesse prévoit la mise tendus, les « adresses aux Français » (12 mars, 16 mars, en œuvre de la « continuité des apprentissages », pour 13 avril, 14 juin, 24 novembre 2020), ses « allocutions » les élèves du primaire et du secondaire. (28 octobre 2020, 31 mars 2021), mais aussi son mes- sage solennel pour la rentrée scolaire (2 novembre Le 16 mars au soir, après une coordination euro- 2020), ou encore ses vœux du 31 décembre 2021. Ces péenne le matin, Emmanuel Macron réitère l’exercice de discours sont complétés par les interventions, en parti- l’adresse aux Français et utilise 7 fois le mot « guerre » culier, du Premier ministre et du ministre de la Santé et dans son discours, un terme qu’il n’emploiera plus des Solidarités, mais aussi par d’autres déclarations ou qu’une seule fois par la suite, dans l’adresse du 13 avril. interviews. Les Français ont ainsi pris l’habitude d’une Cette rhétorique, très commentée, est en cohérence avec communication solennelle, régulière, comme d’éléments l’appel à la mobilisation, l’annonce de sacrifices, la prio- à interpréter au détour des phrases. rité à la protection, au maintien du dispositif de santé, débordé, et à la volonté affichée de faire face, en particu- Les figures 1 et 2 proposent une analyse globale des lier par la recherche. Un premier confinement est alors deux corpus, sous forme de nuages de mots-clés de l’en- décidé pendant près de 2 mois (jusqu’au 11 mai), soit, semble des discours et des circulaires, ce qui permet de pour les universités, pendant une période cruciale du mettre en évidence les proximités et les contextes sé- deuxième semestre avec la majorité des enseignements. mantiques (Boughzala, Moscarola & Hervé, 2014) et, fi- Le terme « confinement » est pour la première fois utili- nalement, le ton général des deux corpus : protecteur et sé par le ministre de l’Intérieur le 16 mars, alors qu’il dé- attentif à l’évolution de la situation dans le premier cas, taille les consignes applicables le lendemain, et intègre technique dans le second cas. le vocabulaire présidentiel à partir du 13 avril4. Pour 4 Il l’utilisera 25 fois dans les 9 discours analysés. 84
Gilles Rouet, Stela Raytcheva & Thierry Côme certaines universités, les cours deviennent impossibles est technique : il s’agit du report des élections univer- à organiser, même à distance, et des aménagements sitaires et de la prolongation des mandats des exécutifs des maquettes d’enseignement sont envisagés. Pour et des élus, un sujet alors très sensible au sein des es- d’autres, après une semaine de surprise, des modalités paces publics et médiatiques. particulières sont proposées rapidement, le régime des examens terminaux est abandonné pour la généralisa- Le 3 mai, alors que le confinement a été une deu- tion du contrôle continu et, surtout, les équipes tentent xième fois prolongé, et après la troisième adresse aux de s’adapter à cette situation inédite, testent des dispo- Français du Président, une circulaire apporte des pré- sitifs et multiplient les contacts avec les étudiants. La cisions sur le déconfinement progressif prévu 10 jours ministre de tutelle, le 13 et le 20 mars, se veut comme plus tard. En effet, Emmanuel Macron fait état de « ré- il se doit rassurante, en particulier sur la question des sultats » et d’un « espoir » qui renaît. « Étions-nous pré- stages, la continuité pédagogique en « e-learning » et parés à cette crise ? », se demande-t-il, « à l’évidence, les conditions de vie des étudiants5. Pour autant, la pre- pas assez, mais nous avons fait face ». C’est bien le cas mière circulaire du MESRI durant cette période date des universités… Le Président reconnaît des « failles, du 27 mars, soit plus de deux semaines après le début des insuffisances » : la question des masques, du gel du confinement, le jour même de l’annonce de la pre- hydroalcoolique est alors très sensible et les universités mière prolongation de ce dernier. La question traitée ne savent pas comment rouvrir sans ces matériels, mais Date Titre de la circulaire Thématiques liées Président de la République Organisation et suivi de la mise Adresse aux Français 13 mars 2020 en œuvre de la continuité des 12 mars 2020 apprentissages (MEN) Adresse aux Français 16 mars 2020 Prolongation des Modalité de report des mandats des chefs 27 mars 2020 élections universitaires d’établissement et des administrateurs Préparation du déconfinement Adresse aux Français 3 mai 2020 dans les établissements relevant 13 avril 2020 du MESRI Orientations pour les opérateurs du 11 juin 2020 MESRI, préparation de la rentrée universitaire 2020 Prolongation des contrats Adresse aux Français 26 juin 2020 doctoraux, ATER et de recherche 14 juin 2020 Accueil des Délivrance des visas, 7 juillet 2020 étudiants internationaux accès au territoire Orientations pour les opérateurs du 6 août 2020 MESRI, préparation de la rentrée universitaire 2020 Restrictions de Accueil des déplacement, visas, 17 août 2020 étudiants internationaux quarantaine, règles sanitaires aux frontières Orientations pour les opérateurs du Interview 7 septembre 2020 MESRI, préparation de la rentrée 14 octobre 2020 universitaire 2020 5 Cf. [URL : https://www.vousnousils.fr/2020/03/20/coronavirus-frederique-vidal-annonce-ensemble-mesures-etudiants-630254]. Revue Gestion & Management public | 2021 | numéro spécial 85
La Covid-19 et l’organisation des études universitaires : injonctions et adaptations Date Titre de la circulaire Thématiques liées Président de la République Mise en œuvre du confinement Allocution 30 octobre 2020 adapté dans l’enseignement 28 octobre 2020 supérieur et la recherche Message de rentrée 2 novembre 2020 Reprise progressive des Mise en œuvre Adresse aux Français 19 décembre 2020 enseignements à partir de janvier du couvre-feu 24 novembre 2020 Vœux du Président 31 décembre 2020 Déclinaison de la stratégie Tester Alerter Protéger au Rencontre à Saclay 21 janvier 2021 sein des établissements 21 janvier 2020 d’enseignement supérieur Actualisation des consignes concernant la reprise progressive 22 janvier 2021 des enseignements à partir du 25 janvier Nouvelles règles pour la mobilité 15 février 2021 étudiante et scientifique 15 février 2021 Stages étudiants Mesures pour lutter 1er mars 2021 Actualisation des contre la propagation consignes sanitaires des variantes du virus, restauration universitaire Consignes applicables Adresse aux Français 3 avril 2021 aux établissements Reprise progressive 31 mars 2021 d’enseignement supérieur Tableau 1 – Circulaires ministérielles et discours du Président de la République Source : MESRI, elysée.fr et www.youtube.com/watch?v=GUuHkujY1uI (Saclay) la réouverture annoncée sera « progressive », avec des de poursuivre l’organisation mise en place pendant « règles […] adaptées en fonction [… des] résultats ». Ce le confinement). discours laisse perplexe la communauté universitaire… qui attendra l’adresse du 14 juin pour le Président men- La question des consignes sanitaires va cependant tionne nommément les universités. occasionner beaucoup de débats au sein des universités en vue d’une réouverture aux enseignements, en parti- La circulaire du 3 mai prévoit donc une reprise pro- culier. En effet, la circulaire fait référence à une note du gressive « en présentiel », sous condition de la situation Conseil scientifique Covid-19 qui prévoit une « règle de sanitaire, mais pas pour les enseignements qui restent distanciation sociale » avec 1 mètre de chaque côté. En à distance jusqu’à la « rentrée universitaire 2020 », particulier pour les équipes administratives en charge sauf mesure dérogatoire en formation continue. Il s’agit des locaux, ces indications sont insuffisantes : comment donc des autres activités, mais tout en privilégiant le considérer cette règle dans la pratique dans les locaux et travail à distance. La neutralisation du semestre alors avec le mobilier ? En particulier, au sein de l’UVSQ, plu- en cours est à éviter ainsi que l’organisation d’épreuves sieurs dispositions seront ainsi étudiées, avant qu’une en présentiel, « si possible ». Finalement, cette circu- simplification permette de trouver un consensus sur les laire est à la fois angoissante (toute disposition est sou- jauges des salles. Le 11 juin, une nouvelle circulaire ap- mise aux aléas de l’appréciation officielle de la situation porte des précisions et énonce des « recommandations sanitaire, donc finalement de la tension hospitalière), qui permettront aux établissements de se projeter dans et rassurante (les dispositions permettent aux équipes une rentrée particulière », ainsi que l’explique dans 86
Gilles Rouet, Stela Raytcheva & Thierry Côme un courrier introductif la ministre de tutelle. Agents et dresse une liste de pays « rouges » et « très rouges » étudiants sont ainsi bien attendus sur les sites en sep- dont les ressortissants admis au sein des universités tembre, avec un respect des consignes sanitaires, dont le sont tenus à présenter un test négatif ou à se mettre en port du masque, et des capacités d’accueil particulières quarantaine. Il est demandé aux établissements « d’en- en respectant « la distanciation physique ». Les horaires courager » les étudiants admis à commencer les dé- devront ainsi être adaptés pour éviter les « brassages », marches pour l’obtention de leur visa très vite. Il s’agit les rencontres scientifiques restent à distance, les stages bien de tenter de trouver des issues dérogatoires pour des étudiants, si possible, sont en télétravail. que les établissements puissent continuer d’accueillir des étudiants étrangers. Néanmoins, en parallèle, et fort Le 14 juin, dans une nouvelle adresse aux Français, de leur première expérience du tout distanciel pour les le Président Macron annonce, pour le lendemain, le pas- enseignements, de nombreux établissements proposent sage en « zone verte » de toute la France (sauf Mayotte d’emblée une organisation à distance et une initiative de et la Guyane), avec reprise « plus forte » du travail, « ré- Campus France permet de mettre en place un répertoire ouverture des cafés et restaurants » en Île-de-France, de ces formations ouvertes donc aux étudiants étran- et l’organisation en présentiel du second tour des élec- gers sans déplacement à prévoir. tions municipales, le 28 juin. En juillet, une circulaire annonce la reprise des délivrances de visas et des règles Le 7 septembre, une circulaire dont l’essentiel avait pour le franchissement des frontières selon les pays déjà été diffusé en août dernier, liste les consignes sani- d’origine, ce qui ne rassure pas les établissements qui taires de rigueur au sein des établissements de manière accueillent régulièrement un nombre considérable détaillée et précise, et indique très rigoureusement tous d’étudiants étrangers. les aspects sanitaires de la logique « Alerter/Tracer/ Prévenir & Protéger » alors en vigueur. Cette fois, la dis- Mais il s’agit aussi, pour les établissements d’ensei- tanciation physique retenue est latérale, d’un mètre ou gnement supérieur, de suivre non seulement les instruc- d’un siège entre deux personnes, ce qui est bien évidem- tions du ministère de tutelle, mais aussi des organismes ment plus pragmatique. Les établissements peuvent de santé qui définissent le cadre sanitaire, des autorités alors établir les « jauges » salle par salle pour la rentrée. de défense et de protection du territoire, en particu- Masque, campagne de dépistage, ventilation, nettoyage, lier dans le cadre du plan Vigipirate qui est resté actif gestion des flux de personnes dans les locaux, aména- pendant la pandémie. Les établissements, au niveau de gement des horaires : autant d’instructions (il ne s’agit leur Présidence, ont dû mettre en place une équipe de pas, cette fois de « recommandations ») qui mobilisent suivi de cet ensemble d’instructions et de dispositions les équipes pour qu’une rentrée soit réalisée, avec des pour pouvoir être en mesure d’envisager les décisions tailles restreintes de groupe, donc une complication très à prendre. Les occasions de feedback sont rares avec importante. En effet, la limitation de l’accueil possible l’exécutif, comme si la situation, l’état d’urgence sani- dans les salles entraîne une impossibilité d’organiser taire, ne pouvait pas s’accommoder d’un retour des ac- les enseignements avec des groupes d’étudiants, en teurs sur le terrain. général, au-delà d’une vingtaine d’étudiants (les salles des universités étant souvent d’une capacité entre 30 En août, deux autres circulaires et un projet diffusé et 40 étudiants), voire moins pour certains établisse- apportent encore des précisions sur les « recommanda- ments, selon leur configuration. De plus, la mobilisa- tions » aux établissements, en particulier en prenant en tion d’un nombre plus important de salles qu’habituel- compte les avis du Haut Conseil de Santé publique et lement a donc amené les universités à faire des choix. les décrets de juillet prescrivant des mesures générales. Par exemple, trois composantes de l’UVSQ ont choisi de Des « consignes sanitaires plus souples » pourraient privilégier les primo-arrivants pour des enseignements être envisagées, « sous réserve d’évolution » (6 août), en présence physique, mais en mobilisant la totalité des car il ne faut pas écarter une « reprise de l’épidémie ». amphithéâtres disponibles pour les TD, ce qui ne per- La distanciation physique à mettre en place est mieux mettait donc pas de proposer des cours magistraux. explicitée : un mètre entre individus « côte à côte ou face à face, ou d’un siège entre individus assis dans des La rentrée a donc été, partout, difficile à organiser. espaces clos » et un nettoyage « de routine » au moins L’enseignement en présentiel, revendiqué par les ensei- une fois par jour est nécessaire. Le 17 août, le ministère gnants comme par les étudiants, n’a été possible qu’avec Revue Gestion & Management public | 2021 | numéro spécial 87
La Covid-19 et l’organisation des études universitaires : injonctions et adaptations des groupes restreints selon les jauges et les disponibili- des périodes d’enseignement du premier semestre. Forts tés des salles de cours. Les enseignants ont découvert et de l’expérience et du bilan du premier confinement, et de expérimenté alors des modalités « hybrides » : une par- son prolongement jusqu’à la fin du second semestre pré- tie des étudiants à distance et une autre en salle, ce qui a cédent, les établissements améliorent leurs dispositifs et très vite posé des problèmes techniques (les flux n’étant surtout la prise en compte des situations des étudiants. pas suffisants, en particulier pour les vidéos), mais aussi cognitifs. Au sein de l’équipe de l’ISM-IAE, ce mode a L’UVSQ, comme beaucoup d’universités, continue vite été abandonné, car les enseignants, très vite, ont ré- et améliore les dispositifs d’aides aux étudiants (pour alisé qu’ils ne pouvaient aisément gérer en même temps l’achat d’un ordinateur, mais aussi pour l’attribution des étudiants en salle, qui avaient donc des interactions de clés 4G pour les connexions), et propose une licence entre eux et d’autres à distance, isolés chez eux en géné- Zoom à chaque membre de la communauté (ensei- ral. De plus, la captation vidéo impose, dans la plupart gnants, étudiants, agents administratifs), après évalua- des situations, à l’enseignant une position statique. Les tion des différentes plateformes utilisées pendant le pre- enseignants doivent donc en même temps faire cours mier confinement. L’organisation des cours semble alors avec un groupe et suivre les questions et interventions plus fluide, mieux adaptée, mieux acceptée (cf. partie 3). en ligne, organiser les prises de paroles, ce qui n’est aisé ni pour eux, ni pour les étudiants. Finalement, les La crise sanitaire a mis en évidence les enjeux ma- expérimentations ont montré que souvent les étudiants jeurs de l’accès au numérique, qui était au centre des à distance étaient « oubliés » au détriment de ceux en préoccupations du gouvernement en ce qui concerne présence physique, d’autant plus les cours s’appuyaient l’e-administration. Dans ce contexte, les étudiants, aussi sur des interactions entre ces derniers. Beaucoup comme tous les citoyens, ont besoin d’équipements, de d’enseignants ont donc, après quelques semaines d’ac- connexions, mais aussi de formation, car la « fracture cueil et de prise de connaissance des étudiants, migré numérique » n’est pas complètement une affaire de gé- en distanciel, quand il n’était pas possible d’accueillir nération (Rouet, 2019). La crise sanitaire a certainement les groupes d’étudiants dans leur totalité. Il n’a pas non contribué à l’augmentation à la fois de l’installation de plus été possible d’envisager de dédoubler ces groupes la fibre optique en milieu urbain essentiellement et à et de multiplier les séances, par manque de ressources l’équipement en informatique. En 2019, une étude de budgétaires, mais aussi, dans beaucoup de compo- l’INSEE montrait « qu’une personne sur six n’utilise pas santes, par manque d’enseignants disponibles, et de Internet, plus d’un usager sur trois manque de compé- locaux dans la configuration de crise. tences numériques de base »8, alors qu’en 2018, 82,3 % de l’ensemble des ménages était en possession d’un mi- La situation sanitaire se dégrade rapidement. cro-ordinateur, 95,4 % d’un téléphone portable et 84,9 % Emmanuel Macron, dans une interview du 14 octobre, d’une connexion à l’Internet9. Néanmoins, les étudiants annonce un couvre-feu dans certaines zones « d’urgence ne sont, en 2019, que 2,4 % à ne pas utiliser Internet et sanitaire », une limitation des regroupements à six per- 2,1 % à ne pas avoir d’équipement. La problématique de sonnes, le port du masque recommandé partout et la gé- l’enseignement à distance était donc bien plus liée à la néralisation, si possible, du télétravail6. Le 28 octobre, il qualité des connexions et à la disponibilité du matériel prend acte de la dégradation très importante, sa « res- informatique, les deux étant parfois partagées dans les ponsabilité est de protéger tous les Français » et il an- familles ou les lieux d’habitation des étudiants. nonce un nouveau confinement, adapté pour les écoles qui restent ouvertes7, ce qui permet aux parents d’élèves Au niveau de l’UVSQ, comme de beaucoup d’autres de continuer à travailler. Les universités retrouvent une établissements, les systèmes informatiques n’ont pas situation de fermeture pour les étudiants, entre le 30 oc- suivi, n’étant pas calibrés, avec Renater, de manière tobre et le 15 décembre, soit l’essentiel, pour la plupart, suffisante pour assurer de nombreux flux vidéo en 6 Cf. [URL : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/10/14/covid-19-interview]. 7 Le 2 novembre, le Président adresse un message solennel de rentrée, motivé par le meurtre d’un professeur de collège par un intégriste islamique et par la situation sanitaire. Il engage les élèves à porter le masque et à utiliser l’application TousAntiCovid sur leur smartphone. 8 Cf. [URL : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4241397]. 9 Cf. [URL : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277714?sommaire=4318291]. 88
Gilles Rouet, Stela Raytcheva & Thierry Côme simultanée et, finalement, les cours à distance ont beau- l’IUTM et dans la plupart des composantes de l’UVSQ, coup mieux fonctionné avec Zoom, Team ou Meet10 de mais en cas d’impossibilité de trouver un stage en télé- chez eux, enseignants comme étudiants, que depuis les travail, un travail alternatif a été proposé (dossier sur locaux de l’université. Ce constat devrait amener les au- une question à traiter, mini-mémoire, etc.). torités à s’interroger sur la pertinence, finalement, des investissements lourds effectués depuis des années, qui La circulaire du 30 octobre précise les annonces du ont peut-être privilégié la capacité de calcul au détri- Président, « la règle est le distanciel : l’ensemble des ment de l’intensité des flux. enseignements est délivré à distance, sauf exceptions, et le télétravail est la règle », mais les établissements Les universités ont tenté de trouver des solutions, d’enseignement supérieur restent ouverts, ce qui in- rapidement, et souvent en ayant recours à des opéra- duit donc une présence physique d’agents. Par déroga- teurs privés, pour éviter qu’une inégalité d’accès au nu- tion accordée par le Recteur, certains enseignements mérique ait des conséquences sur le suivi des études à peuvent alors avoir lieu en présence, dans le respect des distance11, ce qui n’a été possible qu’à partir de leur rela- normes établies précédemment. Les CROUS proposent tive autonomie de gestion et d’action et aux dérogations une vente à emporter des repas, mais sans grand suc- possibles dans l’été d’urgence sanitaire. cès étant donné la très faible fréquentation des bâti- ments universitaires. Le 28 octobre, le chef de l’État s’adresse à nouveau aux Français et dresse un tableau de la situation épi- Il faut attendre le 4 décembre pour que le gouverne- démiologique et du système de santé. Une « nouvelle ment, sur l’ordre du Président, mette en place des nou- étape » est annoncée pour le 28 novembre, avec un velles modalités de reprise progressive des enseigne- confinement adapté et il est alors prévu de rouvrir les ments, formalisées dans la circulaire du 19 décembre, universités et de « reprendre les cours avec […] une à quelques jours des congés de Noël. Est alors prévu un présence physique de tous les élèves », si « le nombre accueil en petits groupes de 10 étudiants maximum, sur de contaminations demeure en dessous de 5 000 cas convocation, en particulier pour « les étudiants les plus par jour », ce qui ne se produira pas. Une allocation de fragiles », primo arrivants, en situation de handicap, 150 euros est également annoncée pour les étudiants de décrochage, de « précarité numérique » ou encore boursiers, ainsi que la prise en compte des « jeunes les étudiants internationaux. Selon « l’évolution de la qui n’arrivent à trouver ni emploi étudiant, ni premier situation sanitaire », des travaux dirigés en présentiel emploi ». pour les « étudiants de première année post-baccalau- réat » sont possibles, « dans la limite de 50 % de la ca- Certains étudiants, en effet, ont connu (et connaissent pacité d’accueil des salles d’enseignement ». Comme les encore) des situations difficiles d’un point de vue éco- déplacements sont réglementés et qu’un couvre-feu est nomique, les amenant d’ailleurs, pour une proportion en vigueur, les établissements seront finalement assez variable d’entre eux selon les situations, à abandonner peu incités à tenter d’accueillir des étudiants dans ces leur logement étudiant pour réintégrer le domicile fami- conditions et ce d’autant plus que les matières concer- lial, souvent éloigné de l’université. Pour ces derniers, nées devaient, au préalable, être validées par les ser- un retour dans les locaux universitaires était difficile à vices du Rectorat12. De plus, il s’agit désormais de tenir envisager. Les stages prévus, généralement, au cours compte des avis des étudiants et des enseignants, ce qui du deuxième semestre, ont été très difficiles à trouver, a comme conséquence d’interdire à un établissement, en particulier pour les étudiants de premier cycle et finalement, de convoquer des étudiants pour des ensei- certaines universités ont choisi de les « geler » et de ne gnements, voire pour des épreuves en contrôle continu, pas les prendre en compte pour la validation de l’année d’une part, et d’accepter qu’un enseignant, par principe ou du diplôme. Ce n’est pas le choix fait à l’ISM-IAE, à 10 Les enseignants de l’ISM-IAE ont abandonné assez vite l’usage de la plateforme BlackBoard Collaborate qui ne permet pas d’afficher en vignette plus de quelques étudiants, à l’inverse des autres dispositifs indiqués. 11 Cf. sur ce point la synthèse proposée par Jean-François Lucas sur [URL : https://www.sciencespo.fr/public/chaire-numerique/2020/10/26/ covid19-et-fractures-numeriques-jf-lucas/]. 12 Entre la remontée des matières concernées (essentiellement des TP en atelier) et leur validation par le rectorat, il s’est écoulé plus de trois semaines. Il a fallu l’insistance du président de l’UVSQ pour que le Rectorat valide les demandes des deux IUT de l’UVSQ. Revue Gestion & Management public | 2021 | numéro spécial 89
La Covid-19 et l’organisation des études universitaires : injonctions et adaptations de précaution pour lui et pour les autres, ne souhaite tertiaires privilégiant largement le distanciel) et ont pu pas venir enseigner physiquement. organiser la quasi-totalité des TP prévus dans les réfé- rentiels de formation. Lors de ses vœux aux Français, Emmanuel Macron évoque les « étudiants qui ont souffert et souffrent en- D’autres circulaires préciseront les règles pour la core davantage que les autres » et les assure du soutien mobilité étudiante et scientifique, pour les stages étu- du gouvernement. Le 21 janvier 2021, lors d’une ren- diants (15 février), le ministère, inquiet du « gel » des contre à Saclay, il répond au ras-le-bol exprimé par stages dans certaines universités, affirme comme une quelques étudiants d’être « 6 heures par jour face à un priorité la tenue des stages étudiants qui peuvent être écran », et annonce une accélération de la reprise « en effectués en distanciel, car leur réalisation « est absolu- présentiel », malgré une situation sanitaire toujours très ment nécessaire à l’obtention du diplôme et à l’insertion inquiétante. « Un étudiant doit avoir les mêmes droits professionnelle des étudiants ». Beaucoup d’universités qu’un salarié », qui peut revenir au travail, et donc « s’il n’avaient évidemment pas attendu cette circulaire et, en a besoin », l’étudiant « doit pouvoir revenir à l’uni- près d’un an auparavant, avaient déjà mis en place de versité un jour par semaine »13. Le lendemain, le MESRI telles dispositions pour les stages étudiants du second diffuse une circulaire qui actualise les instructions et semestre de l’année précédente. recommandations précédentes. Ainsi, « la reprise des enseignements du second semestre se fera pour tous D’autres dispositions ont pu permettre aux étudiants les cycles en autorisant le présentiel, en mode hybride d’effectuer la totalité des cursus prévus. Par exemple, notamment pour les cours magistraux, de manière pro- la réalisation de la dernière année de master en deux gressive et limitée ». « Au plus tard le 8 février, tous les ans, avec un stage long réalisé en dehors des périodes établissements accueilleront des étudiants en présentiel de confinement et au cours de l’année universitaire sui- dans la limite de 20 % de leur capacité d’accueil globale vante, a été envisagée par certains étudiants qui y ont vu et dans le respect des consignes sanitaires en vigueur », une manière de préparer leur insertion professionnelle ce qui correspond pour les étudiants à « l’équivalent dans de meilleures conditions. Dans le même ordre d’une journée de présence par semaine ». De plus, les d’idée, l’année universitaire 2019-2020 a été prolongée, Recteurs des régions académiques devront être infor- par dérogation, jusqu’à fin décembre 2020, ce qui a per- més de ces « modalités d’organisation de la reprise ». mis à des étudiants de réaliser un stage avec une partie au moins en présentiel. Cette disposition devrait être Cette mise en forme de la phrase du Président, qui reconduite pour l’année universitaire 2020-2021. transforme la journée par semaine en 20 % (une journée sur cinq, une proportion de l’effectif…), est intéressante Au sein des composantes des universités, les équipes en ce qu’elle ne prend pas en compte, finalement, les de direction ont tenté d’organiser des activités en pré- souhaits des étudiants eux-mêmes. Alors qu’à la même sentiel, dans le respect des normes édictées par le mi- époque, les médias ont très largement diffusé des infor- nistère. En premier cycle surtout, des travaux dirigés mations sur la précarité et la souffrance des étudiants, ont ainsi été organisés en groupes restreints. Ailleurs, il est alors difficile d’évaluer la proportion d’étudiants les enseignements ont continué à distance, notam- souhaitant réellement revenir, dans les conditions ment suite à la prise en compte des avis des étudiants données, dans les locaux universitaires, et pour quels eux-mêmes, mais certaines activités ont pu être pro- types d’activités. posées dans les locaux (travaux en groupe des étu- diants notamment). Finalement, les effets de cette circulaire seront assez limités et les enseignements se poursuivront, dans la Le 1er mars 2021, de nouvelles consignes et recom- plupart des cas, à distance, sauf, notamment, dans les mandations, surtout sur le plan sanitaire, sont précisées IUT où les enseignants des départements industriels pour lutter contre la propagation des variantes du virus ont tenu à profiter de cette possibilité, calculée sur l’en- (test, prise en charge des personnes contacts à risque, semble des effectifs (et donc incluant les départements renforcement des mesures relatives aux gestes barrières 13 Cf. [URL : https://actu.fr/societe/coronavirus/universites-les-etudiants-pourront-revenir-un-jour-par-semaine-a-partir-de-fevrier_38899585. html#:~:text=Face%20%C3%A0%20ce%20ras%2Dle,qu’un%20salari%C3%A9%20(%E2%80%A6]. 90
Gilles Rouet, Stela Raytcheva & Thierry Côme et à l’aération, changement de catégorie de masque). au début de la crise), ou bien sont prolongés aussitôt On peut remarquer aisément l’évolution des circulaires par une circulaire qui tente de traduire en termes opé- tout au long de la période, avec des éléments de plus en rationnels la parole présidentielle. En octobre 2020, les plus précis sur le plan sanitaire. universités, sur une grande partie du territoire, ne pou- vaient plus accueillir que 50 % des capacités d’accueil, Le 31 mars 2021, dans la dernière allocution du ensuite cette « jauge » a été réduite à 20 % et la mi- Président de la République pour notre étude, les « trois nistre de tutelle annonce le 29 avril 2021, dans un quoti- principes » qui guident l’action publique sont rappelés : dien gratuit de la capitale, que « les étudiants pourront la sécurité et la protection des Français ; l’équilibre avec être en présentiel à 50 %, à partir de la mi-mai ou de la la prise en compte des conséquences pour tous et la fin mai »14, ce qui a peu d’impact, globalement, car la responsabilité, le « faire confiance » au civisme de cha- grande majorité des cours sont alors terminés. Le site cun. Les mesures sont adaptées, mais rien ne change du gouvernement précise qu’à compter du 19 mai, pour pour les universités, sauf qu’elles auront à adapter leur l’enseignement supérieur, la restriction est « allégée » fonctionnement à l’uniformisation des vacances sco- à « 50 % de l’effectif »15. Les établissements attendent laires de printemps, décrétées identiques pour les trois une éventuelle circulaire avant cette date… sans savoir zones, en avril. La stratégie de vaccination est longue- si le principe du volontariat est maintenu ou non : c’est ment décrite, avec le choix séquentiel fait par l’exécutif, en effet l’instruction/injonction la plus difficile à mettre par tranche d’âges. Pour la première fois, alors que le en place : organiser un enseignement en présentiel avec débat sur les vaccins est omniprésent dans les espaces une jauge limitée tout en tenant compte du volontariat publics, le Président évoque une « stratégie de vaccina- des étudiants ! tion spécifique » pour les enseignants parmi les « pro- fessions les plus exposées », ce qui ne sera finalement possible qu’en même temps que pour tous les Français, 2. LES ÉTUDIANTS en mai 2021. ET L’ENSEIGNEMENT Le 3 avril, comme les universités s’y sont habituées, À DISTANCE une circulaire reprend les annonces présidentielles en indiquant qu’aucun changement n’aura lieu pour Après la partie consacrée aux injonctions et recom- les enseignements, les bibliothèques, la restauration. mandations « top-down » et aux réponses apportées, il Les examens en présentiel sont interdits, sauf déroga- s’agit dans cette partie de rendre compte des ressentis tion et contrairement aux concours. Cette circulaire, et perceptions des usagers, les étudiants, ce qui est d’au- comme celle éditée après la rencontre d’Emmanuel tant plus nécessaire que ce principe du volontariat ca- Macron à Saclay, mérite une mention spéciale par sa ractérise très clairement les choix politiques français en relative inutilité. Mais après une campagne dénonçant matière d’enseignement supérieur. Certes, les aspects l’absence de la ministre de l’Enseignement supérieur, sanitaires et organisationnels ont été importants pour de la Recherche et de l’Innovation de la scène média- les étudiants qui ont été préoccupés non seulement par tique, en janvier-février, il était évidemment important l’obtention de leur diplôme, mais aussi par la qualité des de prolonger chaque allocution présidentielle par une apprentissages. Or, cette qualité n’est pas indépendante circulaire, quitte à n’avoir pas grand-chose à ajouter aux de la manière dont on conçoit l’enseignement supérieur propos du Président… et les rôles des étudiants et des enseignants. La crise sanitaire n’est évidemment pas terminée, et Il est nécessaire de rappeler les que les étudiants les annonces présidentielles, ou d’autres membres du ne forment pas une population homogène, mais un gouvernement, selon les périodes pouvant être mises en ensemble de situations contrastées sont à prendre en évidence dans la gestion de la crise, restent sans concré- compte : des étudiants étrangers ou bien locaux, des étu- tisation pratique pour les établissements qui attendent diants en apprentissage ou en condition « classique » (ou non) des instructions et recommandations (comme d’études, etc. Si, dans les médias, les étudiants ont été 14 Cf. [URL : https://www.letudiant.fr/etudes/enseignement-superieur-les-cours-reprendront-a-50-en-presentiel-en-mai.html]. 15 Cf. [URL : https://www.gouvernement.fr/covid-19-ce-qui-change-au-19-mai-2021]. Revue Gestion & Management public | 2021 | numéro spécial 91
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