À la découverte des lieux sacrés du Québec - Le Devoir
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patrimoine religieux i CAHIER SPÉCIAL f i Les samedi 4 et dimanche 5 septembre 2021 À la découverte des lieux sacrés du Québec Par sa richesse, sa variété et sa quantité, le patrimoine religieux contribue à struc- turer et à forger l’identité des villes et des communautés du Québec, les mil- liers d’édifices sacrés qui façonnent au- jourd’hui encore la province s’érigeant comme autant de témoins des origines diverses des immigrants qui ont peuplé la colonie depuis ses débuts. Pour la Église Saint-Francois quatrième édition des Journées du pa- Vincent Girard trimoine religieux, qui auront lieu les 11 et 12 septembre prochains, près de trois cents d’entre eux ouvriront leurs portes au grand public, qui sera invité à entrer dans ces lieux qui font partie du quoti- dien de tous, mais dans lesquels peu de gens osent véritablement mettre les pieds. À une semaine de l’événement, ce cahier met en avant toute la diversité de ce patrimoine et rappelle le rôle crucial joué par les paroisses dans le dévelop- pement urbanistique des villes, dans la conservation du patrimoine et dans sa mise en valeur. Ce cahier est présenté en collaboration avec le Musée des Hospitalières de l’Hôtel- Dieu de Montréal, le Conseil du Patrimoine religieux du Québec, la ville de Laval et l’Archidiocèse de Montréal
f2 LE DEVOIR / LES SAMEDI 4 ET DIMANCHE 5 septembre 2021 / patrimoine religieux 4 Journées du patrimoine religieux es Plusieurs La réappropriation portes de lieux de culte seront ouvertes, tranquille de Gaspé à Gatineau, de Baie- Comeau à Amos en passant par Pour survivre, les lieux de culte doivent ouvrir leurs portes tant aux Montréal citoyens qu’aux fidèles et Québec. André Lavoie dans ces Journées « la pointe de l’ice- Collaboration spéciale berg ». « Il y a beaucoup de sites que l’on connaît et que l’on aurait aimé inclure », déplore Johanne Picard. eurs portes sont souvent Mais ces limites s’expliquent aisé- L closes, par manque de fidè- les autant que par manque de moyens. Mais cela sera tout le contraire les 11 et 12 septem- ment. « Tout cela repose sur une ba- se volontaire, grâce aux bénévoles, et ce ne sont pas des musées : ils n’ont pas développé des structures d’ac- bre lors des 4es Journées du patrimoi- cueil comme ces lieux-là. » ne religieux, un événement de décou- Une chose est sûre : plusieurs por- vertes architecturales et culturelles tes seront ouvertes, de Gaspé à Gati- d’abord montréalais en 2018, et qui neau, de Baie-Comeau à Amos en s’est vite étendu à tout le Québec. passant par Montréal et Québec. Il suffit de se promener dans les « On veut rapprocher les gens de rues des villes ou de sillonner les vil- leurs bâtiments patrimoniaux, souli- lages pour apercevoir le clocher d’une gne la chargée de projet du CPRQ. Si église. Ces lieux font partie du paysa- on est de confession catholique, c’est ge depuis quelques siècles, et ce n’est agréable de voir la décoration d’une Église unie de Russeltown, à Saint-Chrysostome pas pour rien que le Québec était au- église presbytérienne ou méthodiste. JOURNÉEs DU PATRIMOINE RELIGIEUX trefois surnommé « the priest-ridden Combien de personnes passent de- province ». Les choses ont changé vant des églises rurales sans jamais avec la Révolution tranquille, mais s’arrêter, alors qu’elles sont parfois l’Église catholique a marqué partout ouvertes quelques jours pendant l’an- son empreinte, sans compter les lieux née. Je pense à l’église unie Russel- de culte appartenant à des commu- town [construite en 1826 à Saint- nautés anglicanes, méthodistes ou Chrysostome], tout en bois, sans protestantes. Et que dire des synago- électricité à l’intérieur : c’est une oc- gues, qui ont façonné l’identité de casion unique de la visiter. » certains quartiers montréalais. En 2003, le Conseil du patrimoine Visites et concerts religieux du Québec (CPRQ) avait ré- D’autres, qui ont délaissé la pratique pertorié 2751 lieux de culte au Qué- religieuse, voudront peut-être renouer bec, un bilan impressionnant, mais avec une certaine modernité. Car un qui cachait des réalités moins glorieu- vent de renouveau a soufflé sur ses : paroisses fusionnées, édifices en l’Église catholique dans les années décrépitude, démolitions rapides, etc. 1950 et 1960, permettant à des archi- Si on a l’habitude de dire que les égli- tectes comme Roger D’Astous et Vic- ses sont au cœur de l’histoire du tor Prus d’élaborer des bâtiments sin- Québec, ce cœur paraît fragile. guliers. Le premier, associé au Village C’est justement pour qu’il se re- olympique et au château Champlain, mette à battre, et soit ramené à la a conçu des églises à Laval (Saint- conscience citoyenne, que le CPRQ Maurice-de-Duvernay), à Repentigny organise cet événement destiné à cé- (Notre-Dame-des-Champs) et à Mon- lébrer aussi le patrimoine immatériel, tréal (Saint-René-Goupil), tandis que comme la musique, ou encore les ar- le second, dont l’une des œuvres em- chives. Une façon de montrer les blématiques demeure le Grand Théâ- multiples facettes d’institutions long- tre de Québec, a réalisé en 1967 temps très puissantes, et depuis dans l’église St. Augustine of Canterbury, à l’incertitude. Saint-Bruno-de-Montarville, assortie de créations de son fidèle complice Des occasions uniques de l’époque, le sculpteur Jordi Bonet. Malgré les contraintes entourant les Au fil des décennies, plusieurs égli- mesures sanitaires et la menace du ses à l’acoustique exceptionnelle sont variant Delta, 276 lieux seront à dé- devenues des endroits propices aux couvrir, alors que l’on en comptait enregistrements musicaux et aux 138 l’an dernier, dans un contexte concerts. C’est pourquoi les Journées également pandémique. Un bond très sont agrémentées de visites libres ou appréciable pour Johanne Picard, guidées, et aussi de près d’une cin- chargée de projet au CPRQ et très quantaine de concerts. « L’effet que impliquée dans l’organisation de peut produire la sonorité d’un orgue l’événement, « même si on sait que représente pour plusieurs une décou- la COVID-19 a forcément refroidi les verte », souligne Johanne Picard, sa- ardeurs ». chant bien que les non-pratiquants Elle qui avait participé à l’inventai- sont rarement exposés à cet instru- re de 2003 et visité plus d’un lieu de ment de musique imposant. culte, en a encore à découvrir, et voit Même chose pour les cloches, qui
LE DEVOIR / LES SAMEDI 4 ET DIMANCHE 5 septembre 2021 / patrimoine religieux f3 Église Saint-Maurice-de-Duvernay, à Laval Sophie Poliquin Église Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, à Verdun Saul Rosales Chapelle de Tadoussac, Tadoussac Nelson Boisvert ont longtemps ponctué le quotidien ver. On lui doit d’ailleurs la première Malgré les des Québécois. Après des travaux ma- école à l’épreuve du feu, l’école Sala- contraintes jeurs, celles de l’église Sacré-Cœur- berry à l’angle des rues Robin et entourant de-Jésus, rue Ontario à Montréal, sont Beaudry à Montréal, après une tragé- les mesures désormais installées dans la nef, une die survenue en 1907. sanitaires, initiative originale du chef de chœur Celui que Soraya Bassil qualifie de 276 lieux André Pappathomas, qui profitera « pionnier » a fait partie de ces archi- seront à des Journées pour proposer toute tectes dits victoriens, « période mal- une série d’activités (concert d’or- aimée », mais qui retrouve peu à peu découvrir gue, concert de pièces chorales, visi- ses lettres de noblesse. Quelques égli- cette année tes guidées, etc.) dans ce lieu signé ses de Venne seront d’ailleurs acces- lors des Joseph Venne. sibles pendant les Journées (Sainte- Journées du Anne-des-Plaines, Notre-Dame-des- patrimoine Un architecte pieux et Sept-Douleurs à Verdun) et, bien sûr, religieux, audacieux le Sacré-Cœur-de-Jésus. alors que Né en 1858 rue Montcalm, enfant de « Ce premier projet sera aussi son l’on en la paroisse, Joseph Venne y laissera dernier », souligne la consultante. comptait son empreinte artistique. L’église « La structure était en bois, et un in- 138 l’an Sacré-Cœur-de-Jésus de la rue On- cendie va lui donner l’espace qu’il dernier tario marque ses grands débuts n’avait pas au départ, permettant de d’architecte. plus grandes fenêtres — la lumière in- Pas nécessairement le plus connu térieure est fantastique. C’est une des architectes québécois, Venne est église de style néogothique, une des pourtant une figure importante, par le rares, parce qu’à l’époque, Mgr Ignace nombre d’édifices portant sa griffe Bourget [évêque de Montréal entre (une centaine d’églises et d’écoles, de 1840 et 1876] n’aimait pas ce style et même que des institutions prestigieu- voulait se distancier des protestants. ses, comme le Monument-National), Venne finira ce projet sur son lit de l’utilisation de nouveaux matériaux mort [en 1925]. » pour l’époque (le béton, l’acier) et un Depuis la tenue de l’exposition, Jo- farouche désir de transmission. seph Venne est plus reconnu, y com- « Il a participé à la professionnalisa- pris dans la toponymie montréalaise, tion du métier d’architecte », affirme avec une place à son nom devant le Soraya Bassil, consultante en patri- Centre Gédéon-Ouimet, rue Ontario. moine culturel et muséologie, colla- Et tout comme Johanne Picard, So- boratrice d’une exposition consacrée raya Bassil croit profondément à à l’œuvre de Joseph Venne il y a près l’éducation pour préserver le patri- de 20 ans à l’Écomusée du fier mon- moine religieux, parfois méconnu de. Car cet homme « très pieux et même des architectes. « Certains ne très religieux » va contribuer à la se gênent pas pour toucher au travail fondation en 1890 de l’Association de leurs prédécesseurs, n’ayant pas la des architectes de la province de sensibilité de se dire : il y avait quel- Québec (aujourd’hui l’Ordre des ar- qu’un avant nous. C’est aussi à cause chitectes) et élaborer le premier cours de cela que l’on démolit : parce que d’histoire de l’architecture. Pour celui l’on ne connaît pas notre passé. » qui avait commencé comme apprenti à l’âge de 15 ans, admettant qu’il Pour tous les détails et la avait « des manquements scolaires », programmation des Journées Église Sainte-Anne-des-Plaines, à Sainte-Anne-des-Plaines l’architecte n’aura jamais cessé d’ap- du patrimoine religieux : JOURNÉEs DU PATRIMOINE RELIGIEUX prendre, de communiquer, et d’inno- journeesdupatrimoinereligieux.ca
f4 LE DEVOIR / LES SAMEDI 4 ET DIMANCHE 5 septembre 2021 / patrimoine religieux La ville aux deux cents clochers La formule est connue : Mark Twain aurait qualifié Montréal de « ville aux cent clochers » lors d’une soirée à l’hôtel Windsor vers 1880. Un my- the, d’après les historiens, pour qui la phrase de l’Américain était plutôt celle-ci : « C’est bien la première fois que je m’arrête dans une ville où l’on ne peut lancer une pierre sans risquer de briser un carreau d’égli- se. » Quoi qu’il en soit, la réalité dépasse aujourd’hui la légende. Avec ses 214 églises, l’archidiocèse de Montréal — qui fête ses 185 ans cette année — dispose d’un patrimoine riche de trésors auxquels les Montréa- lais sont attachés. Isabelle Delorme époques de construction, aux formes Collaboration spéciale et aux matériaux variés. Parmi les 214 églises de l’archidiocèse de Montréal, 5 d’entre elles ont le statut de lieu oratoire Saint-Joseph et ses historique du Canada et 15 sont pro- L’ centaines de marches, les statues de la cathédrale Marie-Reine-du-Monde, la splendeur néogothique de la basilique tégées en vertu de la Loi sur le patri- moine culturel du Québec. « Les festivités du 375e anniversaire de Montréal ont rappelé les inten- Notre-Dame ou encore le clocher de la tions religieuses de Paul Chomedey chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours. de Maisonneuve et de Jeanne Mance, Ces trésors parmi les plus connus lorsqu’ils ont fondé Montréal », ob- s’inscrivent dans un patrimoine aux serve Caroline Tanguay. Selon la res- Intérieur de l’église de la Visitation, la plus vieille de l’île de Montréal Photo fournie ponsable de l’art sacré et du patri- utilisés par des organismes so- moine religieux à l’archidiocèse de ciaux », dit Caroline Tanguay, qui Montréal, nos églises portent donc les souligne également l’importance de traces de la fondation de la ville, ces bâtiments religieux dans le pay- mais aussi de la vie artistique, écono- sage urbain. « Les quartiers de Mon- Mobilisons-nous ensemble pour sauver notre mique et technique du passé. tréal s’étant souvent construits au- tour des églises, ces dernières sont patrimoine religieux Des Montréalais attachés à devenues indissociables de leur mi- leurs églises lieu de vie et, croyants ou non, les Pour faire un don : Ces dernières années, il se murmu- Montréalais y sont très attachés. » rait à Montréal que les églises étaient diocesemontreal.org/ressources/patrimoine-religieux transformées en immeubles de loge- Un enjeu patrimonial majeur ments. Une légende urbaine, selon « Si nous n’entretenons pas notre pa- Caroline Tanguay qui reconnaît que trimoine religieux, plus personne ne la première décennie du XXIe siècle pourra l’admirer dans deux cents a été marquée par la vente de plu- ans », alerte Caroline Tanguay qui sieurs églises. Mais à l’exception évoque pas moins d’une quinzaine de d’un projet de condos qui a généré gros chantiers de rénovation en cours des remous et peu de sous, elles ont dans les églises de Montréal. Le défi généralement été acquises par d’au- est colossal et le temps presse. « No- tres communautés. tre patrimoine a été construit princi- palement à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, puis dans les années « Les quartiers de Montréal 1945 et 1975. Les plus anciennes doi- s’étant souvent construits vent être restaurées avec une main- autour des églises, ces d’œuvre et des matériaux coûteux. dernières sont devenues Pour d’autres, construites dans les indissociables de leur milieu années 1950, on a expérimenté le bé- de vie et, croyants ou non, ton armé qui s’est révélé souvent peu adapté à notre climat. C’est pourquoi les Montréalais y sont de nombreuses églises ont besoin très attachés » d’être restaurées aujourd’hui », ex- plique celle qui invite les Montréalais Le rôle social de l’église n’échappe à redécouvrir les pépites de leur ville, d’ailleurs pas aux Montréalais. anciennes et modernes, sans oublier « Beaucoup de locaux d’églises sont l’église au cœur de leur quartier.
LE DEVOIR / LES SAMEDI 4 ET DIMANCHE 5 septembre 2021 / patrimoine religieux f 5 À la découverte de notre patrimoine Zoom sur trois des 214 églises de l’archidiocèse de Montréal à découvrir Isabelle Delorme Concert de l’Orchestre Métropolitain donné en 2015 à l’église Notre-Dame-des-Sept- Collaboration spéciale Douleurs Photos fournies L’église, centre de vie à Verdun élevée de Montréal et les vitraux res- la Ville de Montréal qui occupe Plus qu’un lieu de culte, Notre-Dame- taurés de Guido Nincheri. « Sa fa- M. Lavoie. « Nous n’avions plus le des-Sept-Douleurs est également au mille lui a souvent servi de modèle, choix, car il menaçait de s’effondrer. centre de la vie du quartier. Chaque comme son épouse dans le tableau re- C’était devenu une question de sécu- été, du début juin à la fin août, des présentant sainte Madeleine qui a été rité urgente », révèle-t-il. Les ouvri- bénévoles se relaient pour assurer conservé. » Quant au Judas figurant ers ont retiré le parement de pierres une permanence quatre jours par se- sur le vitrail représentant La Cène, du clocher pour réparer la structure maine. « Grâce à ces portes ouvertes, l’artiste lui a donné ses propres traits. en béton armé qui s’était effritée nous accueillons chaque année des avec le temps. « C’est impression- milliers de personnes », se réjouit le Un vaste chantier Art déco à nant à voir, car c’est dans un état dé- curé de la paroisse, Laurent Ravenda, Rosemont sastreux », confie le marguillier qui qui incite ainsi les visiteurs à pénétrer Depuis le mois de février 2021, des explique cette dégradation par un dans ce bâtiment patrimonial. ouvriers s’activent sur la rue Masson manque d’entretien, la rigueur du cli- L’église de la rue Wellington, qui a pour restaurer la seule église Arts mat et un défaut de conception. fait l’objet d’importants travaux de déco de Montréal : Saint-Esprit-de- En attendant la fin des travaux, restauration depuis 2009, propose ré- Rosemont. Construite en deux phases prévue pour le printemps, l’église res- gulièrement des activités culturelles dans les années 1920 et 1930, l’église te accessible par l’entrée située sur la gratuites : concerts, expositions esti- était ornée d’une grande flèche qui a 5e Avenue. Les aides reçues s’étant vales ou au moment de Noël. L’an- dû être retirée en 1949 en raison de révélées généreuses mais insuffisan- née dernière, les visiteurs ont décou- son poids. Mais cela n’a pas affecté la tes, Olivier Lavoie s’apprête à sollici- vert une exposition consacrée à Tin- beauté du bâtiment, bien au contrai- ter un soutien fédéral. « Nous avons tin et cet été, trois expositions de re. « En retirant la flèche, je crois que cogné à la porte de la Ville de Mon- photographies, dont l’une sur le tra- le style Arts déco est davantage res- tréal, que je crois sensible à notre vail de la photographe Stephanie Col- pecté, avec ces grandes lignes droites cause, mais bloquée par la Charte de vey, qui a documenté l’accueil de ré- et carrées », souligne Olivier Lavoie, Montréal », explique celui qui reste fugiés syriens à L’Île-des-Sœurs. marguillier pour la fabrique de la pa- serein malgré tout. « Nous nous ap- « Nous sommes au centre de Ver- roisse Saint-Esprit-de-Rosemont. pelons le Saint-Esprit, donc ça va se dun. Presque toutes les animations Aujourd’hui, c’est le clocher de réaliser ! Nous viendrons à bout de ce publiques du quartier se déroulent l’église classée Cité patrimoniale par chantier et ce sera magnifique. » devant notre église », constate le pè- re Ravenda, qui voit des gens entrer à La dernière Cène, un des vitraux de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs pour l’église Sainte-Madeleine d’Outremont SONNENT LES SIÈCLES se recueillir, prier, allumer un lam- pion, ou simplement s’asseoir pour prendre un moment de répit dans le vitraux fabriqués dans son studio. brouhaha de la journée. « Cette égli- Hélas, à la suite du concile Vatican II, se est un point de référence, car elle tous les tableaux ont été recouverts est devenue un pôle culturel et est en de peinture blanche au cours des an- à l’église du Sacré-Cœur symbiose avec le quartier, se réjouit nées 1960, sauf celui représentant le curé de la paroisse. Et cela ne se sainte Madeleine au pied de la croix. fait pas au détriment de la qualité de Les tableaux concernés ont été notre communauté chrétienne. » peints à l’huile sur toile avant d’être marouflés (collés aux murs dans l’es- Dévoiler des trésors cachés à pace qui leur est réservé), puis recou- Outremont verts lors du grand ménage des an- À Sainte-Madeleine d’Outremont, pa- nées 1960. « Deux marouflés repré- roissiens et visiteurs peuvent admirer sentant Jésus chez Marthe et Marie et une belle peinture de l’artiste Guido la résurrection de Lazare vont être Vernissage le 9 octobre 2021 Nincheri derrière l’autel. Deux autres restaurés, ainsi que deux saints mar- tableaux cachés du maître italo-cana- tyrs canadiens que nous essayons Exposition - Visites guidées - Causeries dien s’apprêtent à renaître. « Nous d’identifier », précise M. Bouthillier. Consultez le programme : ecomusee.qc.ca avons donné le feu vert à l’architecte Des experts en restauration ont con- Louis Brillant pour commencer les firmé que les œuvres semblent être Église Sacré-Cœur-de-Jésus travaux de restauration », se réjouit en excellent état sous les couches de 1471 rue Ontario Est Paul Bouthiller, président de l’Assem- peinture. ecomusee.qc.ca blée de la fabrique de Sainte-Made- En attendant cette restauration, les leine d’Outremont. De 1931 à 1960, visiteurs peuvent admirer d’autres tré- l’église a été décorée par 26 murales sors de Sainte-Madeleine d’Outre- et tableaux de Guido Nincheri et 32 mont, notamment la flèche la plus
LE DEVOIR / LES SAMEDI 4 ET DIMANCHE 5 septembre 2021 L’église Saint-Maurice- de-Duvernay Sophie Poliquin Musée des Hospitalières museedeshospitalieres.qc.ca EXPOSITION ET CIRCUITS Victor Bourgeau La croix Paquette, située à Laval Architecte montréalais Vincent Girard découvrez l’histoire de laval autrement Téléchargez gratuitement l’application mobile Parcourir Laval sur histoire.laval.ca. Entente de développement culturel L’église de Sainte-Rose-de-Lima Photo fournie
LE DEVOIR / LES SAMEDI 4 ET DIMANCHE 5 septembre 2021 / patrimoine religieux f7 L’église Saint-François- Patrimoine religieux de Laval de-Sales En équilibre entre Vincent Girard l’histoire et la modernité Les Journées du patrimoine religieux offrent l’occasion de parfaire nos Crucifix retrouvé lors de l’inventaire connaissances de l’histoire religieuse de la ville de Laval, qui navigue entre archéologique fait à côté de l’église le riche historique de son patrimoine bâti et la modernité de celui-ci. Coup Sainte-Rose-de-Lima Charles Briand d’œil sur un territoire encore trop méconnu. Yves Casgrain le. À l’intérieur de cette église classée Une conférence durant les Journées Collaboration spéciale immeuble patrimonial en 2012, le du patrimoine religieux, animée par mobilier liturgique et le décor inté- Pierre D’Amico et Anne-Julie d’Ami- rieur sont d’une grande beauté. co, portera sur les résultats des elon le Conseil du patri- Depuis deux ans, ce grand vaisseau fouilles archéologiques et sur l’histoi- S moine religieux (2003), l’île de Laval compte 42 établis- sements religieux (églises et chapelles), dont 31 ont été cons- érigé près de la rivière des Mille Îles connaît une effervescence inhabituel- le. Dans le cadre du réaménagement de la berge des Baigneurs, dont une re du lieu de culte. L’île Jésus À l’autre bout du spectre, Laval per- truits après 1945. Sur tous ces lieux partie jouxte le terrain de l’église de met aussi d’apprécier le patrimoine de culte, 28 sont catholiques, 3 sont Sainte-Rose-de-Lima, des fouilles ar- religieux moderne, étant donné que des synagogues et 11 des églises chré- chéologiques ont été réalisées afin de plusieurs villages y avaient été érigés tiennes. Lors des Journées du patri- mieux connaître l’ensemble parois- avant d’intégrer la nouvelle ville de moine religieux de cette année, le sial. En 2015, la firme Archéos a été Laval, fondée en 1965. Ce fut le cas public aura l’occasion de visiter huit mandatée afin de réaliser une « étu- de la municipalité de Duvernay. églises catholiques ainsi que le Musée de de potentiel archéologique ». Cet- Avant de devenir une partie de Laval, Délia-Tétreault de la communauté te dernière a démontré qu’il y avait Duvernay s’est développée vers la fin des Sœurs missionnaires de l’Imma- un fort potentiel à ce chapitre, dont des années 1950. Le besoin de cons- culée-Conception. « Un nouveau cir- les visiteurs pourront avoir un aperçu truire une nouvelle église s’est mani- cuit permettra aux citoyens de visiter lors des Journées du patrimoine festé. C’est ainsi que Duvernay s’est toutes les églises participantes, expli- Par exemple, en 2019, des travaux dotée, en 1962, de l’une des premiè- que Ana Manescu, urbaniste et coor- d’excavation à l’école Villemaire (an- res églises dites modernes : l’église donnatrice à la régie patrimoine de la cien établissement scolaire des Frères Saint-Maurice-de-Duvernay, qui fait Division art et culture de la Ville de de Saint-Gabriel construit sur le ter- partie des églises qui accueilleront le Laval. Grâce à une application mobi- rain de l’ancien cimetière paroissial) public lors des Journées du patrimoine le, ils pourront obtenir la liste des ac- ont fait remonter à la surface des os- religieux. tivités proposées. Les visiteurs pour- sements humains. Cette découverte a Les plans de l’église Saint-Maurice- ront également prendre connaissance ouvert la voie à des fouilles archéolo- de-Duvernay ont été dessinés par des éléments patrimoniaux intéres- giques d’une grande ampleur. En 2020 l’architecte Roger D’Astous. « C’est sants qui se trouvent dans l’environ- et 2021, les archéologues ont dégagé l’un des plus grands architectes qué- nement immédiat. » une partie du mur de la deuxième bécois du XXe siècle ! » lance Franci- On trouve aussi à Laval un temple église de Sainte-Rose ainsi que l’an- ne Vanlaethem, professeure émérite bouddhiste et une dizaine de mos- cien cimetière. « Nous savons qu’il y à l’École de design de l’UQAM. quées. Avec ses 442 648 habitants, la avait 8000 sépultures inhumées en « C’est le seul architecte québécois à ville accueille un fort pourcentage 100 ans, et 60 % des tombes con- avoir travaillé un an dans l’atelier de d’immigrants, soit 28,5 % de sa popu- tiennent le reste de bébés et d’enfants l’architecte américain Frank Lloyd lation totale (2016). Attachés à leurs de moins 5 ans », raconte l’archéolo- Wright, auteur de plus de 400 œuvres. traditions, ils jouent un rôle impor- gue Justine Tétreault. Une partie de ses œuvres figurent sur tant dans le dynamisme des lieux de Outre le cimetière, les archéolo- la Liste du patrimoine mondial de culte lavallois. La participation aux gues ont dégagé un intrigant puits l’UNESCO. » Journées du patrimoine religieux dans l’enceinte du cimetière. « Un aî- Dès qu’on observe la façade de ce étant volontaire et ouverte à tous, né nous a expliqué que, lorsqu’il était lieu de culte exceptionnel, on remar- Ana Manescu souhaite que davantage enfant, des paroissiens venaient à la que la forme non traditionnelle du de lieux de culte autres que catholi- messe à cheval. Il y avait au côté de clocher. Celui-ci repose sur une im- ques s’intègrent dans les futures Jour- l’église un endroit où les gens pou- mense poutre qui traverse toute nées du patrimoine religieux des pro- vaient laisser leurs chevaux. C’est l’église. La poutre intègre un vitrail chaines années. justement là où se situait l’abreuvoir. créé par l’artiste Jean-Paul Mousseau. Plus tard, nous avons saisi que le puits Vestiges du passé avait été construit après la fermeture Un des joyaux du patrimoine reli- du cimetière », relate l’archéologue. Pour plus d’information, télécharger gieux de Laval ouvert au public cette Des centaines d’artefacts, comme l’application mobile Parcourir Laval. année est sans nul doute l’église des « bouts de chapelets, des croix, Sainte-Rose-de-Lima, dessinée par le des boutons de linge, des attaches de célèbre architecte Victor Bourgeau bretelles », ont aussi été déterrés. (1809-1888). Érigée en 1856, elle est « Ces objets nous donnent une idée la troisième église de l’ancien village des gens qui fréquentaient cet endroit Sainte-Rose. De style néoclassique, et de ce qui était important pour eux », elle possède une façade monumenta- précise-t-elle.
f8 LE DEVOIR / LES SAMEDI 4 ET DIMANCHE 5 septembre 2021 / patrimoine religieux Chapelle des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu, avant 1928, dont la clôture Victor Bourgeau provient de l’ancien palais épiscopal de Mgr Bourget, incendié en 1852. Archives des Religieuses hospitalières de Saint-Joseph Sur les traces d’un Découvrir architecte l’oeuvre de Victor Bourgeau qui a L’exposition temporaire Victor Bourgeau. Un évêque et son architecte est présentée au Musée façonné des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Montréal jusqu’au 2 janvier 2022. Trois différents circuits commentés in situ portant sur Montréal l’œuvre de Victor Bourgeau et la tradition des grands décors peints sont organisés jusqu’à la fin octobre. Les circuits se font à pied ou en autobus et durent en moyenne 4 heures. Il est possible de consulter leur horaire sur le Au milieu du XIX siècle, les communautés religieuses structurent les services publics et le tissu urbain de Montréal e site du musée. L’exposition et les sous la houlette de M Bourget et de son architecte attitré, Victor Bourgeau. À travers l’œuvre de ce dernier, le gr circuits ont été créés par Paul Labonne, Ginette Laroche et Musée des Hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Montréal propose d’explorer cette période charnière de l’histoire de Raymonde Gauthier. la ville. Miriane Demers-Lemay circuits guidés et une exposition, le tant comme contexte. Henri Bourassa à l’Université du Québec à Montréal, Collaboration spéciale Musée des Hospitalières propose de baigne dans les arts grâce à son père, et l’église Saint-Pierre-Apôtre au cœur découvrir l’héritage de ces deux qui est peintre et décorateur d’égli- du quartier gai. Si les plans de la ca- hommes pour aborder ce pan de se ! » précise-t-il. thédrale de Rimouski ont été conçus rès du mont Royal, l’iconi- l’histoire — rarement mis en valeur, par Bourgeau, ce sont des entrepre- P que dôme vert de l’Hôtel- Dieu marque le paysage montréalais depuis 1860. Au sein de la coupole, un décor peint selon M. Labonne. En ce milieu du XIXe siècle, Mon- tréal se transforme rapidement. La ville est à l’aube de la révolution in- Un patrimoine qui résiste au temps La plupart des bâtiments religieux, qui se multiplient, sont conçus par neurs locaux qui se sont chargés de la construction, révèle Mme Gauthier pour expliquer les travaux de rénova- tion nécessaires sur cette dernière. représente des membres de la sainte dustrielle. La population urbaine s’ac- Victor Bourgeau. Son œuvre, c’est Si le patrimoine de Bourgeau résiste Famille. Les sœurs cloîtrées logeaient croît rapidement, avec l’exode rural aussi une vitrine sur l’architecture de au temps, Ginette Laroche se désole autrefois dans l’aile ouest, tandis que et l’arrivée d’immigrants anglophones l’époque, explique Ginette Laroche, toutefois de voir l’effritement de la l’aile est hébergeait un hôpital. La protestants. L’évêque de Montréal spécialiste de l’art religieux québécois mémoire collective en ce qui a trait à chapelle, au centre, rassemblait les s’associe avec des communautés reli- et des grands décors peints. « Il faut l’histoire de Montréal. « Bourgeau a sœurs, les villageois du coin et les gieuses pour construire couvents, se rappeler que les écoles d’architec- contribué à construire le tissu urbain malades. églises et œuvres caritatives, tout tures sont relativement récentes. Bour- de Montréal, » dit-elle. Ils [Mgr Bour- À travers ses lignes architecturales, comme des écoles, des refuges, des geau, c’était un artisan, un menuisier- get et son architecte] ont contribué à l’Hôtel-Dieu raconte comment la orphelinats, ou des hôpitaux, tel celui charpentier ; il a appris au contact construire une identité. C’est impor- « ville aux 100 clochers » s’est trans- de l’Hôtel-Dieu. d’autres architectes », indique-t-elle. tant de connaître qui on est pour sa- formée au XIXe siècle pour acquérir « Les gens qui commencent à Bourgeau s’inspire d’approches néo- voir où on va ! » le visage qu’elle a aujourd’hui, no- s’établir sur le Plateau-Mont-Royal classiques, néorenaissances et néogo- tamment grâce au rôle clé des com- viennent à l’église des Hospitaliè- thiques venant d’Europe et des États- Église Saint- munautés religieuses, l’établissement res », explique M. Labonne, en ajou- Unis, poursuit l’experte. L’architecte Jacques de services publics, la structuration tant que les religieuses vont alors lo- s’inspire par exemple de modèles Photo fournie de la ville et l’épanouissement des tir les terrains qui leur appartiennent. dans des manuels anglo-américains arts. « Les communautés religieuses ou- pour créer les carrelages épurés des vrent des bâtiments où elles vont pro- plafonds. Premier réseau diguer des soins de santé, mais elles « Bourgeau assurait la solidité. Ses d’assistance publique structurent aussi l’espace montréalais bâtiments ne s’écrasent jamais ! » « C’est le Montréal préindustriel des par la bande. » renchérit Raymonde Gauthier, histo- années 1840-1850, lorsque l’évêque Pour réaliser des décors peints et rienne de l’architecture et experte de Mgr Bourget met en place le réseau décorer les églises, on fait d’abord l’œuvre de Bourgeau. « Il y a très peu d’assistance publique qui va rester venir des artistes de l’étranger, puis d’églises de Bourgeau qui ont dispa- jusqu’à la Révolution tranquille on commence à former des artistes ru. Pour celles qui ont été incendiées, en 1960 », explique Paul Labonne, locaux, comme le peintre Meloche tout ce qui était structurel est encore historien et directeur du Musée des et le sculpteur Louis-Philippe Hébert. là. C’est solide, c’est bien fait. » Le Hospitalières. « Son architecte a été Ces ateliers-écoles sont l’initiative de prolifique architecte a conçu plus Bourgeau ; les deux hommes sont in- Napoléon Bourassa, le père d’Henri de 300 bâtiments, dont l’Hôtel-Dieu timement liés. C’est ça qu’on voulait Bourassa, fondateur du Devoir, indi- de Montréal, l’ancienne église Saint- que le public découvre. » Avec trois que M. Labonne. « C’est très impor- Jacques, dont le clocher a été intégré
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