La démocratie guinéenne est-elle piégée? - Afrobarometer
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Dépêche No. 392| 15 septembre 2020 La démocratie guinéenne est-elle piégée? Dépêche No. 392 d’Afrobarometer | Aliou Barry Résumé La Guinée vient d’adopter une nouvelle Constitution suite au référendum controversé du 22 mars 2020, qui a été couplé avec des élections législatives ayant conduit à la mise en place d’une nouvelle Assemblée Nationale. Ce double scrutin a été boycotté par bon nombre de Guinéens. La nouvelle Constitution stipule que le Président de la République est élu pour un mandat de six ans, renouvelable une fois. Le 18 octobre 2020 est la date fixée pour la prochaine élection présidentielle dans un contexte marquée par un bras de fer entre le Front National de la Défense de la Constitution de 2010 (FNDC) et le pouvoir en place, qui se présente pour un troisième mandat. Le FNDC, un regroupement civique qui a initié une série de manifestations depuis octobre 2019 contre une réforme constitutionnelle qui conduirait le Président Alpha Condé à un troisième tour, a été rejoint par les principaux partis politiques de l’opposition. Bien que sur le plan social la Guinée soit considérée comme un pays stable dans la sous- région, elle est souvent traversée par des troubles civiles importants et reste politiquement fragile. La faiblesse de la gouvernance et la sous-utilisation des ressources naturelles, pourtant nombreuses et diversifiées, ont abouti à faire de sa population une des plus pauvres du monde. Sur l'Indice de Développement Humain du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) (2019), la Guinée occupe la 174ième place sur 189. La fragilité du pays n’est pas liée à la cohabitation à la base, mais à l’utilisation politique du phénomène ethnique en Guinée. L’autorité de l’État est suffisamment ébranlée, et les citoyens ne font pas confiance à la justice. Les forces de l’ordre sont régulièrement accusées d’utiliser des balles réelles, sans qu’il n’y ait d’enquête et de sanction (PNUD/Stat View International, 2018). Tous les régimes successifs ont utilisé l’ethnie pour asseoir leur autorité et pour atteindre leurs objectifs politiques. L’ethnicisation de la vie politique touche même les fondements de la démocratie et le fonctionnement des institutions de la nation, qui sont affaiblies par des interférences de tous genres (UNECA/Stat View, 2013). Il faut noter que de 1958 à 2008, la Guinée n’a connu que deux présidents. Aucun d’entre eux n’a permis l’alternance démocratique à la tête de l’Etat. Tous les deux s’étaient maintenus au pouvoir jusqu’à leur mort par des astuces allant d’élections non ouvertes ou non transparentes à la modification de la Constitution (UNECA/Stat View, 2013). Face à l’élection présidentielle du 18 octobre, une analyse des données de la récente enquête d’Afrobarometer, en fin 2019, montre des préoccupations significatives de la part des Guinéens par rapport à leur démocratie. Peu d’entre eux se déclarent satisfaits de son fonctionnement, et beaucoup craignent des conflits violents engendré par la compétition entre partis politiques. La majorité des Guinéens ne font pas confiance à la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) et aux cours et tribunaux. Or les instances en charge de la gestion du processus électoral, y compris le décompte des voix, la proclamation des résultats provisoires et ceux définitifs, sont la CENI et la Cour Constitutionnelle. Un déficit de confiance des citoyens envers ces institutions pourrait faire naitre des doutes sur la sincérité des résultats du scrutin. Copyright ©Afrobarometer 2020 1
Partant de tous ces éléments, il faut donc craindre des violences pendant et après le scrutin, surtout en cas d’absence d’observateurs électoraux dépêchés par les organisations sous- régionales et internationales habilitées à cet effet. L’enquête Afrobarometer Afrobarometer est un réseau panafricain et non-partisan de recherche par sondage qui produit des données fiables sur les expériences et appréciations des Africains relatifs à la démocratie, à la gouvernance, et à la qualité de vie. Sept rounds d’enquêtes ont été réalisés dans un maximum de 38 pays entre 1999 et 2018. Les enquêtes du Round 8 en 2019/2021 sont prévues pour au moins 35 pays. Afrobarometer réalise des entretiens face-à- face dans la langue du répondant avec des échantillons représentatifs à l'échelle nationale. L’équipe d’Afrobarometer en Guinée, conduite par Stat View International, s’est entretenue avec 1.200 adultes guinéens en novembre-décembre 2019. Un échantillon de cette taille produit des résultats nationaux avec des marges d'erreur de +/-3 points de pourcentage à un niveau de confiance de 95%. Des enquêtes précédentes ont été menées en Guinée en 2013, 2015, et 2017. Résultats clés ▪ Moins d’un tiers (29%) des Guinéens se déclarent satisfaits de la manière dont la démocratie fonctionne dans leur pays. L’appréciation du fonctionnement de la démocratie est très variable selon la région du répondant, évidence du prisme ethnique qui colore la politique en Guinée. ▪ Pour quatre Guinéens sur 10 (39%), les communautés qui ne votent pas pour le parti au pouvoir souffrent au moins « quelques fois » de conséquences négatives telles que le manque de soutien de la part du gouvernement pour les services locaux ou les projets de développement. Ce point de vue est partagé par la majorité des répondants vivant dans les régions de Labé (74%) et de Boké (57%). ▪ La plupart des Guinéens soutiennent la limitation des mandats pour les députés à l’Assemblée Nationale (84%) ainsi que pour le Président de la République (76%). ▪ Huit Guinéens sur 10 (80%) pensent que la compétition entre les partis politiques conduit « souvent » ou « toujours » à des conflits violents. ▪ Plus de trois quarts des Guinéens (78%) estiment que les gens devraient « souvent » ou « toujours » faire attention à ce qu’ils disent en politique. ▪ Quant au niveau de la démocratie dans leur pays, seulement deux Guinéens sur cinq (40%) estiment que le pays est « une pleine démocratie » ou « une démocratie avec des problèmes mineurs ». ▪ Moins de la moitié des Guinéens affirment qu’ils font « partiellement confiance » ou « beaucoup confiance » envers la CENI (43%) et les cours et tribunaux (33%). Satisfaction du fonctionnement de la démocratie La grande majorité (70%) des Guinéens ne sont pas satisfaits de la manière dont la démocratie fonctionne dans leur pays. Seulement trois répondants sur 10 (29%) se déclarent en être « assez » ou « très » satisfaits (Figure 1). Cependant, au sein de certaines catégories Copyright ©Afrobarometer 2020 2
socio-démographiques, au moins la moitié d’entre eux expriment leur satisfaction, y compris les mieux nantis1 (50%) (Figure 2). Etant donné l’ethnicisation de la vie politique en Guinée, nous désagrégions ces données par trois facteurs pertinents: 1) la perception ou non d’un traitement injuste sur la base de l’ethnie, 2) la langue la plus utilisée dans le ménage, et 3) la région de résidence. A la question, « Au cours de l’année dernière, à quelle fréquence, le cas échéant, avez-vous personnellement été injustement traités par d'autres Guinéens sur la base de votre ethnie? », un Guinéen sur 10 (10%) a répondu « une ou deux fois, » « quelques fois », ou « plusieurs fois », contre 90% qui affirment que cela ne s’est « jamais » passé. Les répondants qui disent que leur groupe ethnique n’a jamais été traité injustement sont plus satisfaits de la démocratie que ceux qui croient que leur groupe ethnique est traité injustement (31% vs. 11%). Pour ce qui est de la langue la plus utilisée dans le ménage, les répondants parlant Maninka sont les plus satisfaits de la démocratie (55%, contre 13%, 11%, et 26%, respectivement, pour ceux qui parlent principalement Soussou, Poular, ou d’autres langues). L’une des raisons pourrait être le fait que le Président de la République soit de la communauté qui parle Maninka. Quant à la région de résidence, les répondants habitant dans celles de Kankan (54%), N’Zérékoré (49%), et Faranah (43%) sont les plus satisfaits de la démocratie guinéenne. Figure 1: Degré de satisfaction du fonctionnement de la démocratie par les Guinéens | Guinée | 2019 100% 80% 70% 60% 40% 29% 20% 0% Assez satisfaits/Très satisfait Pas très satisfait/Pas du tout satisfaits/La Guinée n’est pas une démocratie Question posée aux répondants: Dans l’ensemble, quel est votre degré de satisfaction de la manière dont la démocratie fonctionne en Guinée? 1 L'Indice de la Pauvreté Vécue d'Afrobarometer mesure les niveaux de privation matérielle des répondants en demandant à quelle fréquence eux-mêmes ou leurs familles ont dû vivre sans les nécessités de base (assez de nourriture pour manger à sa faim, assez d'eau pour les besoins domestiques, les soins médicaux, assez de combustible pour la cuisson des repas, et un revenu en espèces) au cours de l'année précédente. Voir Mattes (2020) pour plus d'informations sur la pauvreté vécue. Copyright ©Afrobarometer 2020 3
Figure 2: Degré de satisfaction du fonctionnement de la démocratie par les Guinéens | par groupe socio-démographique | Guinée | 2019 Injustice ethnique/Jamais 31% Injustice ethnique/Au moins une fois 11% Rural 33% Urbain 21% Pauvreté vécue basse/nulle 50% Pauvreté vécue modérée 28% Pauvreté vécue élevée 23% Maninka 55% Soussou 13% Poular 11% Autres 26% Kankan 54% N'Zérékoré 49% Faranah 43% Kindia 19% Boké 15% Conakry 12% Labé 12% Mamou 11% Guinée 29% 0% 20% 40% 60% 80% 100% Question posée aux répondants: Dans l’ensemble, quel est votre degré de satisfaction de la manière dont la démocratie fonctionne en Guinée? (% qui disent « très satisfait » ou « assez satisfait »). Représentativité de l’Assemblée Nationale En pensant à la manière dont les élections se déroulent en pratique dans leur pays, moins de la moitié (40%) des Guinéens estiment qu’elles assurent bien que les représentants à l'Assemblée Nationale reflètent les vues des électeurs. Par contre, la majorité parmi ceux habitant la région de Kankan (70%), ceux parlant Maninka (66%), et les nantis (56%) affirment que les élections garantissent la représentativité de l’Assemblée Nationale. Cette évaluation positive du fonctionnement des élections est moins fréquente parmi ceux qui voient un traitement injuste de leur groupe ethnique (25%) et ceux qui habitent en milieu urbain (33%) (Figure 3). Copyright ©Afrobarometer 2020 4
Figure 3: Reflet des opinions des électeurs par les élections | par groupe socio- démographique | Guinée | 2019 Injustice ethnique/Jamais 42% Injustice ethnique/Au moins une fois 25% Rural 44% Urbain 33% Pauvreté vécue basse/nulle 56% Pauvreté vécue modérée 40% Pauvreté vécue élevée 34% Maninka 66% Soussou 29% Poular 23% Autres 27% Kankan 70% N'Zérékoré 46% Faranah 44% Mamou 31% Conakry 30% Boké 29% Kindia 27% Labé 24% Guinée 40% 0% 20% 40% 60% 80% 100% Question posée aux répondants: Pensez à la manière dont les élections se déroulent en pratique dans ce pays. A quel point les élections assurent-elles que les représentants à l'Assemblée Nationale reflètent les vues des électeurs? (% qui disent « très bien » ou « bien ») Favoritisme pour les zones favorables au gouvernement Pour quatre Guinéens sur 10 (39%), les communautés qui ne votent pas pour le parti au pouvoir souffrent « quelques fois », « souvent », ou « toujours » de conséquences négatives telles que le manque de soutien du gouvernement pour les services locaux ou les projets de développement. Ce point de vue est partagé par la majorité des répondants vivant dans les régions de Labé (74%) et de Boké (57%) (Figure 4). Copyright ©Afrobarometer 2020 5
Figure 4: Représailles subies par les communautés qui ne votent pas pour le parti au pouvoir | par groupe socio-démographique | Guinée | 2019 100% 86% 84% 78% 80% 74% 69% 68% 61% 59% 60% 57% 55% 54% 48% 45% 45% 44% 45% 42% 39% 38% 36% 40% 31% 25% 27% 22% 20% 13% 15% 0% Toujours/Souvent/Quelques fois Jamais/Rarement Question posée aux répondants: A votre avis, à quel point les communautés qui ne votent pas pour le parti au pouvoir souffrent-elles de conséquences négatives telles que le manque de soutien du gouvernement pour les services locaux ou les projets de développement? Limitation des mandats En ce qui concerne plusieurs propositions de modifications des dispositions de la Constitution, plus de quatre Guinéens sur cinq (84%) sont d’accord avec celle instaurant la limitation de mandats pour les députés à l’Assemblée Nationale. Cette opinion est partagée par plus de trois quarts des citoyens vivant dans chacune des régions, toutefois les pourcentages les plus élevés sont Pour sonder vous-même ces données, veuillez enregistrés au niveau des régions de Labé (91%), Conakry (87%), Kankan visiter notre outil d’analyse en ligne au (86%), et N’Zérékoré (84%) (Figure 5). www.afrobarometer.org/online-data-analysis. De même, plus de trois quarts (76%) des Guinéens sont pour la limitation des mandats présidentiels à deux. Cette proportion dépasse 85% dans les régions de Mamou (86%), Kindia (89%), Conakry (91%), Boké (96%), et Labé (98%). Par contre, à Kankan seulement 44% des citoyens sont favorables à une limitation des mandats du Président de la République. Copyright ©Afrobarometer 2020 6
Figure 5: Instauration de la limitation de mandats pour les députés et le président | par région administrative | Guinée |2019 100% 96% 91% 98% 91% 89% 87% 86% 84% 86% 84% 81% 81% 80% 77% 77% 76% 67% 60% 56% 44% 40% 20% 0% D'accord/Tout à fait d'accord: limitation de mandats pour les députés D'accord/Tout à fait d'accord: limitation de mandats du président à deux Questions posées aux répondants: Il y a eu plusieurs propositions de modifications des dispositions de la Constitution de la Guinée Conakry. Pour chacune des propositions suivantes, dites-moi si vous êtes d’accord ou pas: Instaurer la limitation de mandats pour les députés? Laquelle des affirmations suivantes est la plus proche de votre opinion? Affirmation 1: La Constitution devrait limiter l’exercice de la fonction présidentielle à un maximum de deux mandats. Affirmation 2: Il ne devrait pas y avoir de limite constitutionnelle au nombre de mandats présidentiels. En Guinée, les élections sont souvent associées à la violence Quatre Guinéens sur cinq (80%) pensent que la compétition entre les partis politiques conduit « souvent » ou « toujours » à des conflits violents. Quelle que soit la catégorie socio- démographique considérée, plus de la moitié des répondants partagent cet avis. Ce constat reste valable même dans les régions de Kankan et de Faranah, qui sont les fiefs du parti au pouvoir, bien évidemment avec des pourcentages nettement en dessous de la moyenne, soit respectivement 62% et 58% (Figure 6). Copyright ©Afrobarometer 2020 7
Figure 6: Fréquence des conflits engendrés par la compétition entre les partis | par groupe socio-démographique | Guinée | 2019 Urbain 87% Rural 76% Pauvreté vécue élevée 83% Pauvreté vécue modérée 79% Pauvreté vécue basse/nulle 73% Soussou 95% Poular 84% Maninka 65% Autres 83% 66 ans ou plus 86% 56-65 ans 72% 46-55 ans 78% 36-45 ans 79% 26-35 ans 81% 18-25 ans 83% Kindia 92% Conakry 92% Boké 91% Labé 86% Mamou 83% N'Zérékoré 78% Kankan 62% Faranah 58% Guinée 80% 0% 20% 40% 60% 80% 100% Question posée aux répondants: Selon vous, à quelle fréquence, dans ce pays, est-ce que la compétition entre partis politiques conduit-elle à des conflits violents? (% qui disent « toujours » ou « souvent ») Faiblesse des institutions Il a été demandé aux Guinéens de se prononcer sur la fréquence à laquelle le Président de la République ignore certaines institutions de leur pays. Plus de la moitié (54%) des citoyens pensent que le président ignore « souvent » ou « toujours » les tribunaux et lois du pays. Cette opinion est plus soutenue par ceux s’estimant avoir subi l’injustice ethnique (77%), ceux vivant en milieu urbain (65%), et les très pauvres (63%). Il en est de même des Guinéens Copyright ©Afrobarometer 2020 8
parlant Soussou (78%) et Poular (78%). S’agissant des régions, les pourcentages les plus élevés sont enregistrés à Conakry (80%) et Labé (78%) (Figure 7). En outre, presque la moitié (49%) des Guinéens estiment que le président ignore « souvent » ou « toujours » l’Assemblée Nationale et fait ce qu’il veut. Ce point de vue est plus soutenu par les citoyens s’estimant avoir subi l’injustice ethnique (72%). Il en est de même des Guinéens parlant Poular (74%) et/ou habitant dans les régions de Labé (78%), Conakry (72%), et Mamou (71%) (Figure 8). Figure 7: Ignorance des tribunaux et lois par le Président de la République | par groupe socio-démographique | Guinée |2019 Injustice ethnique/Au moins une fois 77% Injustice ethnique/Jamais 52% Urbain 65% Rural 48% Pauvreté vécue élevée 63% Pauvreté vécue modérée 50% Pauvreté vécue basse/nulle 41% Soussou 78% Poular 78% Maninka 20% Autres 57% Conakry 80% Labé 78% Boké 74% Kindia 74% Mamou 73% Faranah 37% N'Zérékoré 30% Kankan 16% Guinée 54% 0% 20% 40% 60% 80% 100% Question posée aux répondants: Selon vous, à quelle fréquence, dans ce pays, est-ce que le Président de la République ignore-t-il les tribunaux et lois de ce pays? (% qui disent « toujours » ou « souvent ») Copyright ©Afrobarometer 2020 9
Figure 8: Ignorance de l’Assemblée Nationale par le Président de la République | par groupe socio-démographique | Guinée | 2019 Injustice ethnique/Au moins une fois 72% Injustice ethnique/Jamais 46% Urbain 60% Rural 43% Pauvreté vécue élevée 58% Pauvreté vécue modérée 43% Pauvreté vécue basse/nulle 37% Poular 74% Soussou 68% Maninka 17% Autres 48% Labé 78% Conakry 72% Mamou 71% Kindia 66% Boké 65% Faranah 31% N'Zérékoré 22% Kankan 15% Guinée 49% 0% 20% 40% 60% 80% 100% Question posée aux répondants: Selon vous, à quelle fréquence, dans ce pays, est-ce que le Président de la République ignore-t-il l’Assemblée Nationale et fait ce qu’il veut? (% qui disent « toujours » ou « souvent ») En politique, la liberté d’expression n’est pas encore totale Plus de trois quarts (78%) des Guinéens estiment que les gens devraient « souvent » ou « toujours » faire attention à ce qu’ils disent en politique. Le pourcentage des Guinéens partageant cet avis est très élevé quelle que soit la catégorie socio-démographique considérée. Devant la loi, les citoyens sont traités inégalement A la question de connaitre la fréquence à laquelle les gens sont traités inégalement devant la loi, plus de trois Guinéens sur cinq (63%) déclarent que cela se passe « souvent » ou « toujours ». Cette opinion est plus soutenue en milieu urbain (74%) et au niveau des très pauvres (68%). En outre, au moins deux tiers des Guinéens vivant dans les régions de Conakry (88%), Labé (79%), Mamou (74%), et Boké (67%) sont de cet avis (Figure 9). La majorité (58%) de Guinéens déclarent également que les officiels qui commettent des crimes restent « souvent » ou « toujours » impunis. Les pourcentages des Guinéens partageant cette opinion sont plus élevés dans les régions de Conakry (85%) et Labé (73%). Deux tiers Copyright ©Afrobarometer 2020 10
des répondants vivant en milieu urbain (68%) et ceux s’estimant avoir subi l’injustice ethnique (68%) sont d’accord que cela se fait souvent ou toujours (Figure 10). Figure 9: Inégalité des populations devant la loi | par groupe socio-démographique | Guinée | 2019 100% 88% 79% 80% 74% 74% 67% 64% 68% 62% 63% 58% 60% 52% 54% 45% 44% 40% 20% 0% Question posée aux répondants: Selon vous, à quelle fréquence, dans ce pays, est-ce que les gens sont traités inégalement devant la loi? (% qui disent « toujours » ou « souvent ») Figure 10: Impunité envers les officiels qui commettent des crimes | par groupe socio-démographique | Guinée | 2019 100% 85% 80% 73% 68% 68% 62% 58% 56% 53% 53% 57% 60% 46% 46% 40% 40% 20% 0% Question posée aux répondants: Selon vous, à quelle fréquence, dans ce pays, est-ce que les officiels qui commettent des crimes restent-ils impunis? (% disent « toujours » ou « souvent ») Copyright ©Afrobarometer 2020 11
Bien que source de divisions, la démocratie reste préférable à toute autre forme de gouvernement Quant au niveau de la démocratie dans leur pays, seulement deux Guinéens sur cinq (40%) estiment que c’est « une pleine démocratie » ou « une démocratie avec des problèmes mineurs ». Ce jugement est soutenu par la majorité des Guinéens parlant Maninka (69%) et ceux vivant dans les régions de Kankan (69%), Faranah (66%), et N’Zérékoré (62%), ainsi que des mieux nantis (63%) (Figure 11). Figure 11: Niveau de la démocratie en Guinée | par groupe socio-démographique | Guinée | 2019 Pauvreté vécue basse/nulle 63% Pauvreté vécue modére 40% Pauvreté vécue élevée 32% Maninka 69% Soussou 23% Poular 20% Autres 35% Kankan 69% Faranah 66% N'Zérékoré 62% Kindia 31% Mamou 20% Boké 18% Conakry 17% Labé 15% Guinée 40% 0% 20% 40% 60% 80% 100% Question posée aux répondants: A votre avis, quel est le niveau de la démocratie en Guinée aujourd’hui? (% qui disent « une pleine démocratie » ou « une démocratie avec des problèmes mineurs ») Pour plus de trois quarts (77%) des Guinéens, la démocratie est préférable à toute autre forme de gouvernement. Cette affirmation est soutenue par la grande majorité des Guinéens quelle que soit la catégorie socio-démographique considérée (Figure 12). Par ailleurs, un cinquième (20%) des Guinéens sont d’accord pour que la Guinée soit gouvernée par les forces armées. Un tiers de ceux vivant dans la région de N’Zérékoré (33%) partagent cet avis (Figure 13). En effet, leur attachement à l’idée que la Guinée soit gouvernée par les forces armées pourrait s’expliquer par le fait que l’ancien président du Conseil National de la Démocratie et de Développement (CNDD), ou la junte militaire qui a dirigé la Guinée de 2008 à 2009, soit de cette région. Copyright ©Afrobarometer 2020 12
Figure 12: Soutien à la démocratie | par groupe socio-démographique | Guinée | 2019 Urbain 83% Rural 74% Poular 83% Soussou 82% Maninka 70% Autres 74% 66 ans ou plus 85% 56-65 ans 77% 46-55 ans 78% 36-45 ans 75% 26-35 ans 80% 18-25 ans 72% Conakry 93% Labé 88% Kindia 80% Mamou 75% Faranah 71% Boké 71% N'Zérékoré 69% Kankan 68% Guinée 77% 0% 20% 40% 60% 80% 100% Question posée aux répondants: Laquelle de ces trois affirmations est la plus proche de votre opinion? Affirmation 1: La démocratie est préférable à toute autre forme de gouvernement. Affirmation 2: Dans certaines circonstances, un gouvernement non démocratique peut être préférable. Affirmation 3: Pour quelqu’un comme moi, peu importe le type de gouvernement que nous avons. (% qui choisissent l’Affirmation 1) Figure 13: Soutien à un gouvernement militaire | par groupe socio-démographique | Guinée | 2019 100% 80% 60% 40% 33% 27% 30% 22% 19% 19% 15% 12% 16% 16% 23% 20% 20% 7% 0% Question posée aux répondants: Il y a plusieurs façons de diriger un pays. Seriez-vous en désaccord ou d’accord avec l’alternative suivante: L’armée intervient pour diriger le pays? (% qui disent « tout à fait d’accord » ou « d’accord ») Copyright ©Afrobarometer 2020 13
Les Guinéens votent, mais ont peu confiance envers la CENI La grande majorité (83%) des Guinéens déclarent avoir voté lors des élections présidentielles de 2015. Néanmoins, seulement deux sur cinq (40%) pensent que les résultats proclamés par la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) étaient « entièrement fidèles » aux résultats sortis des urnes. En plus, deux sur 10 (19%) pensent qu’ils étaient « plutôt fidèles, mais avec des divergences mineures ». Néanmoins, une proportion importante de la population croient que les résultats proclamés par la CENI n’étaient « pas fidèles du tout » ou « pas très fidèles, avec des divergences majeures ». Les régions où la majorité des citoyens affirment la fidélité « entière » des résultats proclamés sont Kankan (84%), N’Zérékoré (55%), et Faranah (54%). Ce point de vue est largement partagé par les Guinéens parlant Maninka (76%) et les nantis (60%) (Figure 14). Figure 14: Crédibilité des résultats des toutes dernières élections | par groupe socio- démographique | Guinée | 2019 Injustice ethnique/Jamais 43% 19% 36% Injustice ethnique/Au moins une fois 15% 16% 68% Rural 46% 17% 35% Urbain 30% 22% 47% Pauvreté vécue basse/nulle 60% 16% 23% Pauvreté vécue modérée 39% 23% 36% Pauvreté vécue élevée 34% 16% 48% Maninka 76% 15% 6% Soussou 22% 22% 55% Poular 14% 16% 68% Autres 31% 29% 40% Kankan 84% 11%3% N'Zérékoré 55% 27% 18% Faranah 54% 20% 21% Kindia 24% 24% 49% Labé 21% 6% 72% Boké 20% 15% 64% Conakry 20% 23% 57% Mamou 13% 22% 61% Guinée 40% 19% 39% 0% 20% 40% 60% 80% 100% Entièrement fidèles Plutôt fidèles, mais avec des divergences mineures Pas fidèles du tout/Pas très fidèles, avec des divergences majeures Question posée aux répondants: Concernant les dernières élections présidentielles de 2015, à quel point pensez-vous que les résultats proclamés par la Commission Électorale Nationale Indépendante, ou CENI, reflétaient fidèlement les résultats sortis des urnes? Copyright ©Afrobarometer 2020 14
Plus généralement, moins de la moitié des Guinéens affirment qu’ils font « partiellement confiance » ou « beaucoup confiance » envers la CENI (43%) et les cours et tribunaux (33%) (Figure 15). Les Guinéens font plus confiance aux leaders traditionnels (71%) et religieux (79%). Figure 15: Confiance envers la CENI, les cours et tribunaux, et les leaders informels | Guinée | 2019 Leaders religieux 79% 21% Chefs traditionnels 71% 29% Commission Electorale Nationale 43% 56% Indépendante (CENI) Cours et tribunaux 33% 66% 0% 20% 40% 60% 80% 100% Partiellement/Beaucoup confiance Juste un peu/Pas du tout confiance Questions posées aux répondants: A quel point faites-vous confiance à chacune des institutions suivantes, ou n’en avez-vous pas suffisamment entendu parler pour vous prononcer? Conclusion L’enquête la plus récente menée par Afrobarometer indique que beaucoup de Guinéens sont très préoccupés par le fonctionnement de la démocratie dans leur pays. En plus, les données reflètent des perceptions assez divergentes selon la région, la langue, et le traitement perçu du groupe ethnique du répondant. Or, le premier tour de la prochaine élection présidentielle est prévu pour le 18 octobre. A ce stade, la préoccupation majeure de nombreux Guinéens est la violence qui pourrait survenir pendant et après l’élection présidentielle avec l’entrée en compétition du président sortant, qui est à la fin de son second et dernier mandat, selon la Constitution de 2010. Le référendum du 22 mars, boycotté par les principaux partis politiques de l’opposition, permet au président sortant de briguer un troisième mandat. D’ailleurs, le 2 septembre 2020, le président a officiellement annoncé sa candidature. En général, les périodes électorales sont souvent redoutées par les populations à cause des violences qui y sont associées. Les autorités politiques et administratives ainsi que les leaders religieux et communautaires devraient d’ores et déjà œuvrer à maintenir la quiétude sociale et à prévenir les violences avant, pendant, et après la période électorale tout en préservant l’unité nationale et la cohésion sociale. Copyright ©Afrobarometer 2020 15
Références Mattes, R. (2020). Pauvreté vécue à la hausse en Afrique: Fin d'une décennie d’amélioration du niveau de vie. Document de Politique No. 62 d’Afrobarometer. PNUD/Stat View International. (2018). Enquête de perception du climat politique en Guinée. Programme des Nations Unies pour le Développement. (2019). L'Indice de Développement Humain. UNECA/Stat View International (2013). Étude sur l’état de la gouvernance en Guinée: « Élection et gestion de la diversité ». Aliou Barry est le directeur général de Stat View International, le partenaire national d’Afrobarometer en Guinée. Email: Aliou.newton@gmail.com. Afrobarometer, une organisation à but non-lucratif dont le siège se trouve au Ghana, est un réseau panafricain et indépendant de recherche. La coordination régionale de plus de 35 partenaires nationaux est assurée par le Ghana Center for Democratic Development (CDD- Ghana), l’Institute for Justice and Reconciliation (IJR) en Afrique du Sud, et l’Institute for Development Studies (IDS) (University of Nairobi au Kenya). Michigan State University (MSU) et University of Cape Town (UCT) apportent un appui technique au réseau. Le 8ème round d’Afrobarometer bénéficie du soutien financier de la Suède à travers l’Agence Suédoise de Coopération pour le Développement International, de la Fondation Mo Ibrahim, de Open Society Foundations, de la Fondation William et Flora Hewlett, et de l’Agence Américaine pour le Développement International (USAID) à travers l’Institut Américain de la Paix. Les dons permettent à Afrobarometer de donner une voix aux citoyens Africains. Veuillez penser à faire une contribution (à www.afrobarometer.org) ou contacter Bruno van Dyk (bruno.v.dyk@afrobarometer.org) pour discuter d’un éventuel financement institutionnel. Pour plus d’informations, veuillez visiter le www.afrobarometer.org. /Afrobarometer @Afrobarometer Dépêche No. 392 d’Afrobarometer | 15 septembre 2020 Copyright ©Afrobarometer 2020 16
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