La fiction pour interroger le réel - THÈME 3 - Magnard

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THÈME 3

La fiction
pour interroger le réel
Que ce soit au cycle 3 ou en 5e, la fiction est avant tout considérée sous l’angle de l’imaginaire, on pourrait presque dire de
l’évasion du réel. Qu’il s’agisse des récits mythologiques, fondateurs, merveilleux, créateurs d’utopies, la littérature révèle aux
jeunes lecteurs des mondes inconnus, insoupçonnés dans la réalité habituelle ; elle assure sa fonction principale pour donner
le goût de lire : permettre l’évasion du réel. Pourtant, étroits sont les liens entre la réalité qui constitue le tissu du quotidien et
la création d’un univers littéraire. Nous avons voulu montrer, dans la manière d’aborder ce thème, que la dichotomie souvent
opérée entre réalisme et fantastique donnait aux élèves l’impression que le réalisme s’attachait à reproduire la réalité, et que le
fantastique plongeait dans un univers étrange éloigné du quotidien. D’une part, ces deux interprétations sont inexactes, d’autre
part, elles ne permettent pas de comprendre que ces deux directions littéraires, si elles semblent diamétralement opposées,
partent en fait toutes deux du réel mais en le traitant différemment.

▶▶ Le réalisme se veut un miroir de la réalité, mais c’est en donnant l’impression du vrai, non en le reproduisant comme
une copie qu’il y parvient. Tout récit réaliste s’ancre dans une histoire, nous fait partager le destin des personnages qui, quelles
que soient les sources puisées dans la réalité, doivent exister de leur vie propre au cœur de la fiction. Si la nouvelle « Deux amis »
de Maupassant nous touche autant, c’est que les deux compagnons de pêche existent devant nous, ont une histoire que l’auteur
leur a donnée, et qui les font échapper au seul témoignage d’un écrivain sur la barbarie de la guerre. Lorsque Flaubert dresse le
portrait de Félicité dans « Un cœur simple », il décrit sans doute le sort de milliers de servantes anonymes mais son personnage
acquiert une dimension unique qui la transfigure à la fin.

▶▶ Dans sa fresque des Rougon-Macquart, Zola ne cherche pas seulement à faire exister une famille, il construit une
réalité qui va au-delà de ce qui est visible dans la société. Il cherche à puiser dans les racines de l’être pour comprendre les
mécanismes de la nature humaine. D’une observation acharnée du réel – comme en témoignent ses carnets – Zola arrive à une
œuvre romanesque où certaines scènes marquantes, au lyrisme parfois tragique, dépassent largement le simple constat. Le
réalisme ou le naturalisme en littérature sont avant tout une re-construction du réel, dans laquelle prennent vie des personnages
faits de multiples éléments de la vie réelle, mais qui gagnent leur autonomie par le pouvoir de l’écriture. Les descriptions
d’empoisonnement consignées dans les archives médicales ne suffisent pas à faire exister Emma Bovary. C’est encore le pouvoir
visionnaire de l’auteur qui donne à son œuvre le souffle suffisant pour que le cinéma s’en empare. La Bête humaine est avant tout
une immense métaphore, aussi puissante que la machine qu’elle décrit.

▶▶ Or, si même un regard « réaliste » ne reproduit pas le réel mais l’adapte, le recrée pour en donner une construction fictive
vraisemblable, encore plus révélatrice que si elle cherchait à être une pâle copie, le fantastique, lui, procède différemment
tout en partant aussi du réel. Il le prend au départ dans sa banalité rassurante et, peu à peu, opère des glissements vers des
perceptions inquiétantes, semant le doute chez le lecteur, effaçant les repères qui pourraient le raccrocher à ce qu’il connait.
Autant le réalisme prend de la distance pour mieux faire voir le réel, autant le fantastique s’éloigne subrepticement pour
emmener dans un univers qui brouille les pistes et fait perdre tout repère. Et c’est bien cet effacement des lignes entre raison et
folie, entre familier et étrange, qui donne prise au fantastique et fait frissonner le lecteur. À cet égard, il importe de dire que tout
univers qui, d’emblée, plonge, tel un film d’horreur, dans un univers effrayant peuplé de créatures horribles, ne relève pas du
fantastique mais plus du roman noir. C’est l’incertitude, le doute, l’impossibilité de trancher qui donnent au fantastique sa saveur.

Entre une fiction qui « fait comme si c’était vrai » et qui donne l’impression d’être encore plus vraie que la vie réelle, et une autre
qui fait s’éloigner la réalité aux confins de l’irrationnel, le réel ne cesse d’être mis en question, afin, sans doute, de mieux livrer
une part de sa vérité.

                                        © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources                                   71
Le récit réaliste,
 PARCOURS UN GENRE

miroir de la réalité                                                                                                 p. 118 à 139

                        Objectifs               et démarches du parcours
Problématique : Comment le récit réaliste, en posant un regard neuf sur la société et les individus de son temps, atteint-il une
forme de poésie ?
▶▶ Ce parcours propose un aperçu des principales intentions réalistes : démythifier des topoï romantiques, retranscrire la violence
et l’injustice d’une société contemporaine de l’écriture, évoquer la vie des plus humbles. C’est que le récit réaliste se veut « miroir
de la réalité » en proposant un regard sans concession sur son temps. Or – et c’est l’objet de la préface de Pierre et Jean en 1887 –,
écrire la réalité, c’est faire des choix d’écriture relevant d’une vision personnelle : plus qu’un miroir, le récit réaliste serait donc
avant tout un prisme. Ce parcours a ainsi pour objectif de sensibiliser les élèves aux dimensions sociale, mais aussi poétique, d’un
mouvement dont on ne peut comprendre les subtilités que si on le relie au contexte historique et économique de la seconde
moitié du xixe siècle.
▶▶ En ce sens, il nous a semblé important de donner à lire un corpus varié. À travers la double page d’accueil ayant pour thème
l’enfance, les élèves pourront se familiariser avec la dimension à la fois humaine et sociale du mouvement. Dire la réalité nue pour
en espérer le changement est, en effet, au cœur des quatre nouvelles de Guy de Maupassant proposées à la lecture. Enfin, des
extraits de Madame Bovary ou encore d’« Un cœur simple » choisis, aussi bien pour leur accessibilité que pour leur représentativité,
permettront à la classe de ressentir, puis d’étudier, la beauté de cette écriture réaliste, jugée parfois, à tort, trop sèche.
▶▶ Ce parcours, adapté à des élèves de 4e, vise à permettre de :
– comprendre les origines littéraires et sociales du mouvement réaliste ;
– cerner les principales caractéristiques des récits qui lui sont associés ;
– donner à lire, mais aussi à voir et entendre, par une iconographie riche et des lectures audio nombreuses, quelques aspects de
la société française du xixe siècle ;
– étudier, à partir des questionnaires proposés, comment l’écriture réaliste diffracte à la fois fidèlement et poétiquement la réalité.

 Organisation                      du parcours et choix des axes de lecture

1. Le réalisme et l’enfance                                             2. Aux origines, le refus du romantisme p. 120-121

G. Courbet,                                                             G. de Maupassant, Une vie
Pierre-Joseph Proudhon et ses enfants en 1853                           F.-R. de Chateaubriand,
C. Nègre, Les Ramoneurs en marche                                       Mémoires d’outre-tombe                             p. 120-121
E. et J. Goncourt, Germinie Lacerteux        p. 118-119
                                                                        ●● Pistes didactiques
●● Pistes didactiques                                                   En comparant un texte de Guy de Maupassant et un texte de
Cette double page ouvre le parcours à travers une théma-                François-René de Chateaubriand sur un même sujet – la vie
tique traditionnellement peu associée au mouvement réa-                 des marins –, les élèves saisissent la distance prise par le réa-
liste, celle de l’enfance. Les élèves sont invités à mesurer com-       lisme vis-à-vis de la vision du monde romantique. Ce travail
bien les réalistes s’intéressaient au sort des plus faibles – ceux      est prolongé par la comparaison de deux toiles, l’une réaliste
qui n’avaient pas la parole –, ici, les enfants.                        (G. Courbet, La Vague), l’autre romantique (J. M. W. Turner,
                                                                        Pêcheurs en mer) sur le même sujet, permettant aux élèves de
●● Proposition d’hypothèse de lecture                                   réinvestir leur découverte et de continuer leurs hypothèses
Comment chaque genre (peinture, photographie, roman)                    de définition du réalisme.
représente-t-il l’enfant pour mieux défendre son droit à l’ins-
truction et au bonheur ?                                                ●● Proposition d’hypothèse de lecture
                                                                        Comment la représentation fidèle de la réalité s’oppose-t-elle
                                                                        à sa représentation idéalisée ?

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3. L’amour, victime de la réalité sociale                               d’évènements historiques relativement contemporains, ici, la
                                                                        guerre franco-prussienne de 1870.
G. de Maupassant, « La rempailleuse »                p. 122-125
                                                                        ●● Proposition d’hypothèse de lecture
●● Pistes didactiques                                                   Comment ce récit témoigne-t-il de la violente réalité de la
Cette nouvelle de G. de Maupassant prolonge la réflexion ini-           guerre ?
tiée par l’extrait d’Une vie de la double page précédente. Le
narrateur s’y applique à démythifier l’amour idéal et élitiste          7. Dire la réalité des humbles
véhiculé par le romantisme pour privilégier une vision réaliste
de l’amour miné par l’argent, nouvelle valeur-phare d’une               G. de Maupassant,
société en plein essor du fait de la révolution industrielle.           « Le donneur d’eau bénite »                           p. 132-135
●● Proposition d’hypothèse de lecture
                                                                        ●● Pistes didactiques
Comment ce récit, témoignant des inégalités sociales de son
temps, met-il en scène le contraste entre la cupidité des fortu-        Cette nouvelle de G. de Maupassant, accompagnée de la
nés et la générosité de celle qui n’a rien ?                            nouvelle « Aux champs » proposée en ressource numérique,
                                                                        permet aux élèves de cerner l’intérêt que portaient les écri-
                                                                        vains réalistes aux franges les plus défavorisées de la société
4-5. Le mariage dans le viseur des réalistes -                          du xixe siècle en évoquant leur misère sociale et affective. Si
L’objet révélateur                                                      les derniers mots de la célèbre nouvelle « Aux champs » sont
                                                                        très noirs, « Le donneur d’eau bénite » offre, au contraire, une
P. A. J. Dagnan-Bouveret,                                               fin digne des contes de fée. Cette différence majeure peut
Une noce chez le photographe                                            faire l’objet d’une réflexion en classe.
G. Flaubert, Madame Bovary                                              ●● Proposition d’hypothèse de lecture
G. de Maupassant, « Première neige »                 p. 126-127        Lire le récit de cette vingtaine d’années de labeur déses-
                                                                        péré comme une sorte de conte de fée réaliste qui, s’il se
●● Pistes didactiques
                                                                        termine bien, ne dresse pas moins le tableau d’une société
Cette double page a pour thème le mariage vu par un peintre             où l’argent décide de tout, aussi bien du malheur que de la
et des écrivains réalistes tels que Gustave Flaubert et Guy de          réussite.
Maupassant (« Première neige », nouvelle proposée en res-
source numérique). Là encore, l’idéal amoureux est dépassé
par une vision sans concession dévoilant la vanité de la                8. Le réalisme poétique d’« Un cœur simple »
société mais aussi l’hypocrisie des sentiments.
                                                                        G. Flaubert,
●● Proposition d’hypothèse de lecture
                                                                        « Un cœur simple »                                    p. 136-137
Comment tableau et roman dévoilent-ils l’envers du décor
par l’intermédiaire des objets que le réalisme est toujours très        ●● Pistes didactiques
soucieux de représenter avec fidélité ?                                 Ces quatre extraits (dont un audio) du célèbre « conte » de
                                                                        G. Flaubert permettent d’apprécier l’écriture à la fois réaliste
6. Le réalisme, témoin de la réalité de la guerre                       et poétique de cet écrivain, considéré, malgré lui, comme le
                                                                        chef de file du réalisme en littérature.
G. de Maupassant, « Deux amis »                      p. 128-131
                                                                        ●● Proposition d’hypothèse de lecture
●● Pistes didactiques                                                   Comment, au fil d’une écriture réaliste de plus en plus
Cette nouvelle de G. de Maupassant permet d’aborder une                 lyrique, le personnage de Félicité acquiert-il une nouvelle
autre caractéristique du réalisme, sa capacité à témoigner              dimension ?

                Corrigé             des questionnaires et des exercices

Dans l’ensemble du parcours, les éléments surlignés visent à gui-       d’apprendre l’alphabet, la plus jeune, en train de jouer. Belle
der les élèves en facilitant le repérage des passages dont ils ont      représentation de l’otium, ce temps de loisir où activité rime
besoin pour répondre aux questions.                                     avec enrichissement de l’esprit.
                                                                        2. Loin de son cabinet de travail, l’homme politique est repré-
1. Le réalisme et l’enfance                                             senté dans son intimité. C’est le père et le penseur qui sont
                                                                        célébrés ; principe très novateur pour l’époque, l’individu est
Gustave Courbet,                                                        considéré dans sa globalité.
Pierre-Joseph Proudhon et ses enfants en 1853             p. 118       3. Les vêtements et les souliers modestes de Proudhon rap-
                                                                        pellent ses origines populaires. La couleur bleue du pantalon,
Peindre un penseur et défendre l’instruction                            au centre de la toile, évoque le bleu de travail des ouvriers.
des enfants                                                             4. Le feuillage des arbustes, le petit pan de ciel bleu à l’arrière-
1. Proudhon est dans son jardin. Pensif, face au spectateur,            plan évoquent une scène printanière pouvant symboliser un
il est entouré de livres et de ses deux filles, l’ainée, en train       renouveau, celui d’une société où les filles sont en droit d’ap-

                                         © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources                                     73
prendre et de jouer avec sérénité. Notons que Victor Hugo                 (« C’est terrible et beau », l. 23-24). La réalité des pêcheurs est
écrit « Melancholia » (p. 92) en 1856... La gravité du regard de          embellie, plus abstraite.
Proudhon semble refléter ce combat social.                                3. Le texte réaliste est beaucoup plus documenté : précisions
                                                                          sur le vêtement des pêcheurs et de leurs femmes (bottes, laine,
Charles Nègre,                                                            robes minces), sur leurs instruments de travail et leurs affaires
Les Ramoneurs en marche                                      p. 119      (filets, bouées, aliments, bouteilles d’alcool). Tout semble évo-
                                                                          quer la violence de leur réalité quotidienne (« si misérables
Photographier le travail des enfants au xixe siècle                       cependant qu’ils ne mangeaient jamais de viande », l. 21-22).
1. Un ramoneur est un ouvrier chargé de nettoyer le conduit               Le registre familier dit leur pauvreté : « carcasses », l. 15, « pour
des cheminées.                                                            ne point crever de faim », l. 21 et contraste avec les propos du
2. Il s’agit d’un enfant d’une dizaine d’années à peine.                  baron. Or, si le texte romantique évoque des métiers de marin
Aujourd’hui, l'instruction est obligatoire jusqu’à 16 ans.                (pilotes, charpentiers, cordiers, mousses), c’est parce qu’il sont
3. G. Courbet peint l’enfance instruite, heureuse, dont l’ave-            propices à la rêverie : « mon imagination se jouait dans ces
nir, représenté par la figure paternelle, est celui de la culture ;       espaces », l. 3-4.
C. Nègre photographie un enfant sur le chemin du travail suivi            Bilan 4. a. Un témoignage de la réalité brute ➝ texte réaliste
de deux ramoneurs, dont l’un a les mains dans les poches, les             (comparaison des barques à de « vastes poissons morts », l. 4).
yeux rivés vers le sol, l’autre, un sac lourd sur le dos. L’élan de       b. Une vision idéalisée de la vie en mer ➝ texte romantique
l’enfant contraste avec l’attitude résignée des adultes, ce qui           (oxymore « saine odeur du goudron », l. 10).
laisse présager un futur bien triste pour le jeune garçon. En ce
sens, C. Nègre et G. Courbet défendent la même cause : l’ins-             Gustave Courbet, La Vague
truction est gage de bonheur, la place de l’enfant est à l’école.         William Turner, Pêcheurs en mer                             p. 121
Edmond et Jules Goncourt,                                                 Comparer deux tableaux sur un même sujet : la mer
Germinie Lacerteux                                     p. 118-119        houleuse
                                                                          1. Les barques sont sur le perret, nous ne voyons aucune trace
Le bonheur de petites écolières                                           des pêcheurs, si ce n’est un voilier au loin, très certainement
1. Les écolières sont assimilées, par métaphore ou par compa-             car une tempête se prépare.
raison, à des abeilles (« un essaim », l. 2, « un bourdonnement »,        2. La toile de G. Courbet offre la représentation de la réalité la
l. 3) puis à des oiseaux (« une envolée », l. 3, « gazouiller », l. 4,    plus vraisemblable, même s’il arrivait que malheureusement
« comme d’une cage ouverte », l. 5). Ce qui permet l’analogie             des pêcheurs soient victimes de tempêtes. La toile du peintre
est le nombre, la vivacité de ces petites filles (énumération de          romantique J. M. W. Turner, à travers le clair-obscur, théâtralise
verbes d’action, l. 5 à 7). Les auteurs font ainsi le tableau d’éco-      ce danger.
lières heureuses, libres (« en musardant », l. 12, « s’amusaient »,
l. 15, « riait », l. 18), ce qui rejoint le propos des deux autres        ▶▶À l’oral : Exprimer un avis
documents de la double page.                                              Ce travail oral peut faire l’objet d’un travail préparatoire au
2. Cette vitalité contraste avec le deuil de Germinie qui                 brouillon. Les élèves notent les éléments qu’ils apprécient
semble regarder le groupe avec envie : verbe de perception                dans le tableau de leur choix (atmosphère, jeu des couleurs...).
« regardait » (l. 19), expressions « elle ne pouvait quitter des
yeux » (l. 20-21), « il y avait pour elle comme un jour divin »           3. L’amour, victime de la réalité sociale
(l. 23). Le narrateur ne fait pas une description objective mais,
en retranscrivant la sensation du personnage à la vue des éco-
lières grâce au point de vue interne, il est fidèle à la réalité          Guy de Maupassant,
subjective de cette mère ayant perdu sa fille. Ceci est une pre-          « La rempailleuse »                                    p. 122-125
mière approche de ce que peut être la représentation réaliste.
                                                                          Une remise en cause de l’amour idéal
2. Aux origines, le refus du romantisme                                   1. Les convives débattent du grand amour (l. 6-9). Les
                                                                          hommes pensent que l’on peut aimer plusieurs fois (l. 12-15),
                                                                          les femmes, plus idéalistes, affirment qu’un vrai amour est
Guy de Maupassant, Une vie                                                unique et éternel (l. 17-21).
François-René de Chateaubriand,                                           2. L. 74-77 : les femmes sont déçues, la rempailleuse ne cor-
Mémoires d’outre-tombe                                 p. 120-121        respond pas à l’héroïne romantique à laquelle elles s’atten-
                                                                          daient. L’interjection « Pouah ! » (l. 75) traduit leur mépris.
La vie des marins                                                         3. Il s’agit d’un commentaire ironique puisque la petite rem-
1. Au xixe siècle, la vie des marins est dure : d’après le texte 1,       pailleuse est en proie à la colère d’un père qui l’appelle « cra-
les pêcheurs pêchent la nuit et risquent leur vie (l. 19-22) ;            pule » (l. 101-102).
dans le texte écho, les autres métiers rattachés à la navigation           Bilan 4. La rempailleuse est rudoyée par son propre père,
sont évoqués à travers une fervente activité (énumérations                qui aurait dû la protéger, et méprisée par les aristocrates qui,
donnant un effet de profusion, l. 5-10).                                  amatrices d’histoire d’amour sincère, auraient dû l’admirer.
2. Le père de Jeanne est baron, il appartient à la petite
noblesse de province. Sa remarque empreinte de romantisme                 ▶▶À l’oral : Exprimer un avis
correspond dans le texte écho à la phrase lyrique : « il n’y avait        Les élèves peuvent être invités à relire le passage de leur
plus rien qu’un océan sans bornes et des mondes inconnus »                rencontre. La rempailleuse est tombée amoureuse du petit
(l. 2-3). Le baron semble se rendre compte du danger (« sur qui           Chouquet pour deux raisons : elle a pour idée reçue que
tant d’existences sont en péril », l. 25) mais c’est pour l’exalter       les enfants bourgeois sont toujours heureux (l. 115-117) et

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l’enfant se laisse embrasser, ce qui est, pour elle qui n’en a          5. L’objet révélateur
pas l’habitude, une véritable marque d’affection (l. 122-123).
Mais, en réalité, si l’enfant se laisse faire, c’est qu’il regarde      Gustave Flaubert, Madame Bovary                            p. 127
l’argent...
                                                                        Comprendre la valeur symbolique d’un objet
L’amour miné par l’argent                                               1. C’est le bouquet d’Emma (texte 4) qui est principalement
1. Les élèves peuvent noter dans deux colonnes différentes              évoqué à travers les matériaux qui le composent. On voit bien
les traits physiques et moraux : maigreur, pauvreté, saleté             le souci d’effet de réel. Pour le premier, seuls les rubans de
pour la rempailleuse, propreté, beauté, prestance pour le               satin blanc sont mentionnés (l. 8).
petit Chouquet ; générosité pour la première, cupidité pour             2. Remontant au Moyen Âge, composé jusqu’au xixe siècle de
le second. Les deux personnages s’opposent.                             fleurs d’oranger, il symbolise la pureté de la jeune mariée.
2. C’est l’argent qui est à l’origine de leur rencontre et qui sera     3. C’est dans le texte 3 qu’on apprend ce qu’Emma ressent :
le fil de leur histoire. On peut parler de « monde à l’envers » :       tout d’abord, de l’étonnement à travers l’exclamative au style
c’est la rempailleuse qui constitue, en se sacrifiant toute sa          indirect libre (l. 8-9), puis, une certaine mélancolie (« son-
vie, un héritage qu’elle lègue au bourgeois.                            geait », l. 12, « se demandait », l. 14) puisqu’avant même d’avoir
                                                                        commencé sa vie conjugale, elle pense à sa mort.
3. Les Chouquet ont la même réaction de mépris et de
                                                                        4. Le bouquet réapparait au moment du départ de Tostes où
dégout que les femmes aristocrates au début de la nou-
                                                                        elle s’ennuie à mourir (texte 4). Les mots liés au passage du
velle. Par trois fois, la rempailleuse est traitée de « gueuse »
                                                                        temps sont dépréciatifs : « jaunes de poussière » (l. 5), « s’effi-
(l. 230).
                                                                        loquaient » (l. 6).
4. Le pharmacien donne l’image d’une bourgeoisie de pro-                 Bilan 5. Emma s’y pique le doigt et le jette au feu. Il devient
vince mesquine et cupide – il revient pour prendre la voiture           le symbole d’un mariage malheureux, d’une réalité qui a rat-
mais laisse les animaux (l. 266-281). Le médecin, beaucoup              trapé les rêves de bonheur de la jeune femme.
plus humain et sensible durant toute la nouvelle, lui serre
tout de même la main car ils ont une clientèle, des intérêts
communs (l. 281-283).                                                   ▶▶À l’oral : Lire une nouvelle intégrale

Bilan 5. Loin du « Pouah ! » initial, la marquise est émue ;            Guy de Maupassant,
pour autant, en généralisant le cas – sublime – de la rem-              « Première neige »                                         p. 127
pailleuse, elle semble ne pas avoir compris l’injustice sociale
violente dont celle-ci a toujours été victime. À travers la voix
du médecin humaniste et l’évocation d’une bourgeoisie et                  Ressources numériques                                   ACTIVITÉ

d’une aristocratie insensibles, le narrateur prend parti pour
                                                                          Texte intégral de « Première neige »                    AUDIO
cette pauvre rempailleuse dont on ne connait même pas le
nom.                                                                      lu et à télécharger
                                                                          « Première neige » est une nouvelle réaliste de G. de
                                                                          Maupassant facile d’accès dont le sujet, le mariage
                                                                          ­
4. Le mariage dans le viseur des réalistes                                malheureux d’une jeune fille normande, correspond au
                                                                          thème de la double page. Le calorifère tant souhaité
P. A. J. Dagnan-Bouveret,                                                 par l’héroïne représente le besoin de chaleur humaine
Une noce chez le photographe                              p. 126         de la jeune femme qui s’ennuie, se refroidit auprès de
                                                                          son mari.
Montrer l’envers du décor d’une photographie                              Les élèves peuvent lire ou écouter cette nouvelle à
officielle                                                                la maison et répondre à la question en relevant les
1. Cette toile propose deux plans distincts, celui des mariés             passages où il est question du calorifère. La mise
posant pour la photo, celui du photographe derrière l’objectif.           en commun des réponses permettra d’évaluer la
Le complément circonstanciel du titre suggère que le lieu est             compréhension du texte et pourra être l’objet d’une
le vecteur de dévoilement de la réalité.                                  discussion à partir des propositions des élèves.
2. Les mariés, de par leurs vêtements et ceux de leurs invités,
semblent appartenir à une petite bourgeoisie cherchant à se
mettre en valeur le jour du mariage.                                    6. Le réalisme, témoin de la réalité de la guerre
3. D’un côté, le rideau et le tapis ou encore, sur la photogra-
phie, les bouquets de fleurs ; de l’autre, le parquet élimé et la       Guy de Maupassant,
vitre cassée. En laissant voir au spectateur l’envers du décor, le      « Deux amis »                                        p. 128-131
peintre réaliste démythifie la photographie officielle et l’ap-
parat qu’elle cherche à dégager.                                        ▶▶À l’oral : Repérer la structure d’une nouvelle
                                                                        On veillera à sensibiliser les élèves au traitement du temps
                                                                        (analepse, l. 12 à 48), à l’alternance de moments calmes et de
▶▶À l’oral : Comprendre une mise en scène                               moments plus inquiétants.
de la réalité
Avant de faire élaborer un titre aux élèves, il est souhaitable         Une guerre que l’on refuse de voir
de leur demander de formuler à l’écrit les intentions réalistes         1. Informations données au lecteur : une capitale en souf-
du peintre.                                                             france pour cadre de l’intrigue, l’amitié de Morissot et Sau-

                                         © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources                                      75
vage, des souvenirs heureux du passé « avant la guerre ». Le                7. Dire la réalité des humbles
retour en arrière que permet le point de vue omniscient crée
                                                                            Guy de Maupassant,
un contraste avec le présent malheureux.
2. L. 116 à 122, le point de vue interne donne un aperçu de
                                                                            « Le donneur d’eau bénite »                          p. 132-135
la réalité vue par les deux personnages : « Il n’entendit rien. Ils
étaient bien seuls, tous seuls. […] La petite maison du restau-               Ressource numérique                                     AUDIO
rant […] semblait délaissée depuis des années ». Or, la suite
de la narration va les détromper : derrière cette maison se                   Lecture de la nouvelle « Le donneur d’eau
cachent leurs futurs bourreaux.                                               bénite » (texte intégral)
3. Dès les premières lignes est mentionné un Paris envahi et                  La lecture audio de l’intégralité de cette nouvelle de
en souffrance. Une première mention de la guerre se trouve                    G. de Maupassant est disponible à l’écoute en saisissant
ligne 12, mais Sauvage ne fait état que d’« événements » (l. 53).             le lienmini proposé.
La demande du laisser-passer (l. 86-88), l’évocation fugace
des Prussiens tournée en boutade (l. 96-106) renvoient à une
                                                                            Résumer une vie humble
réalité que les deux amis refusent de voir. Or, pour le lec-
teur, c’est avant tout l’aspect désertique du paysage qui est               1. Jean a environ vingt-cinq ans, trente ans tout au plus.
inquiétant. Le front n’est véritablement évoqué qu’à partir de              2. Plusieurs années sont évoquées en huit lignes. On appelle
la ligne 133 ; la violence de la guerre est aussi retranscrite plus         cela un sommaire. Pour la scène de reconnaissance qui dure
loin (l. 173-180) mais les personnages, d’après leur conver-                tout au plus quelques minutes, trente lignes. La scène capitale
sation au style direct, ne s’en inquiètent pas (« haussa les                est donc évoquée plus longuement. Le sommaire permet, au
épaules », l. 153, « tranquillement », l. 169, « en riant », l. 183),       contraire, d’évoquer le temps figé du manque.
semblent aveugles tant qu’ils ne sont pas véritablement                     3. Ils vivent d’abord de l’argent de la vente de leur maison, de
confrontés aux Prussiens (l. 197). Ce contraste est saisissant.             menus travaux à leur passage dans les villes (d’où l’expression
                                                                            « se louer »), puis de l’aumône (l. 62). Le charron finit donneur
 Bilan 4. La syllabe [so] qui fait penser à « sot ». Le narrateur
                                                                            d’eau bénite. Il s’agit du résumé d’une vie très pauvre.
accentue ainsi leur naïveté, leur bêtise.
                                                                            Un conte de fée réaliste
Les pouvoirs de dévoilement du réalisme
                                                                            1. C’est à travers les propos de la mère que le lecteur com-
1. La bataille est évoquée à travers des personnifications
                                                                            prend que le jeune homme est leur fils. C’est émouvant d’au-
inquiétantes : « grande silhouette du Mont Valérien, qui por-
                                                                            tant qu’elle le reconnait grâce à sa ressemblance avec le père.
tait au front une aigrette blanche [...] » (avec ambiguïté du
                                                                            2. La taille, la prestance et surtout le style de vêtement ont
mot « front »), l. 142-144 ; « la montagne jetait son haleine de
                                                                            été un frein : ils recherchaient un saltimbanque. L’habit est un
mort », l. 149.
                                                                            grand marqueur social à l’époque, d’où l’attention très grande
2. « Mais ils tressaillirent effarés, sentant bien qu’on venait de          des réalistes à son endroit.
marcher derrière eux », l. 184-185. Conscients, cette fois, de la           3. Le fait que le jeune homme se rappelle ses parents à travers
mort qui les attend, ils ne livrent pas pour autant le colonel              l’expression de son enfance « Papa Pierre, maman Jeanne ! »
qui leur a délivré le laisser-passer. Ils deviennent des héros.             est émouvant. Le registre pathétique est aussi souligné par
3. L’officier allemand donne l’image d’un homme fourbe (il                  les larmes du personnage et des deux dames qui l’accom-
les incite à trahir, « Donnez-moi ce mot d’ordre et je vous fais            pagnent (l. 130 et 132) accompagnées d’une effusion de sen-
grâce », l. 215-216), cruel (il leur rappelle leur famille, l. 229), d’un   timents (« suffoquaient d’une joie démesurée », l. 131).
calme monstrueux (« toujours calme », l. 226, « toujours serein »,          4. Jean, après trois ans passés avec les saltimbanques, a été
l. 279, « Puis il se remit à fumer », derniers mots du récit).              vendu à une vieille dame aristocrate qui s’est prise de pitié
4. Par le registre épique, le narrateur donne, au contraire,                pour lui. Il a reçu une bonne instruction et un héritage, ce qui
une vision monstrueuse de la guerre (personnifications déjà                 l’a sauvé.
citées, énumération de verbes d’action l. 169-180, allitérations             Bilan 5. Ce récit réaliste raconte une vie de malheur et de
en [r]).                                                                    misère qui finit étonnamment bien. La vieille dame aristo-
                                                                            crate peut être considérée comme une fée-marraine.
 Bilan 5. Sauvage et Morissot sont finalement des « héros » car
ils ne trahissent pas leur pays, même au prix de leur vie, « ordi-          ▶▶À l’écrit : Expliquer un caractère et un
naires » car, tout au long de la nouvelle, on les voit débon-               comportement
naires, refusant de voir la réalité en face.
                                                                            « Ténacité » : persistance de ce dont on ne peut se défaire mais
                                                                            aussi ce qui persiste dans le temps. Les parents, en ne renon-
 Ressource numérique                                           AUDIO        çant pas à la recherche de leur fils, ont été plus tenaces que
                                                                            le malheur.
 Lecture de la nouvelle « Deux amis »                                       Dans un souci de pédagogie différenciée, l’explication pour-
 (texte intégral)                                                           rait d’abord se faire à l’oral. Par la suite, les élèves pourraient
 La comédienne fait une lecture sans accent prussien                        être invités à reformuler à l’écrit la réponse élaborée collecti-
 des paroles au style direct de l’officier ; pourtant, bien                 vement. Une structure de réponse pourrait leur être propo-
 que le narrateur mentionne son « excellent français »                      sée : quelques phrases pour les sens du mot trouvés dans le
 (l. 201), on pourrait, dans la perspective d’un récit                      dictionnaire, puis, quelques phrases qui expliqueraient le sens
 réaliste soucieux de l’effet de réel, lire ces passages                    du mot dans le contexte et enfin, une conclusion qui pourrait
 avec un léger accent.                                                      contenir une opinion personnelle sur la ténacité de ces parents
                                                                            et proposer une autre morale pour ce « conte de fée réaliste ».

76                                           © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources
▶▶Graine de savoir                                                        8. Le réalisme poétique d’« Un cœur simple »
Entre autres, notons : Morissot, Sauvage avec jeu sur le mot
« sot », Bovary avec jeu sur « bovin », Félicité, prénom qui signi-       Gustave Flaubert,
fie « la joie », alors que cette servante sacrifie sa vie au travail,     « Un cœur simple » (texte 7 et texte écho)                 p. 136
mais aussi la rempailleuse qui n’en a pas car elle n’est pas
considérée par la société.                                                Un portrait révélateur de la simplicité de la servante
                                                                          1. Le portrait commence par :
Guy de Maupassant,
                                                                          – l’évocation du programme de la journée de travail de Féli-
« Aux champs »                                               p. 135      cité ;
                                                                          – la description de ses vêtements ;
 Ressource numérique                                        ACTIVITÉ
                                                                          – l’évocation d’un visage qui semble gommer son âge. Elle est
 Guy de Maupassant, « Aux champs »                                        servante avant d’être Félicité.
                                                                          2. Félicité est présentée comme pieuse, travailleuse, sou-
 I. Une nouvelle opposant deux mondes
                                                                          cieuse de la propreté et économe, les qualités de la servante
 1. La fermière s’exprime en avalant des syllabes, des                    idéale.
 articles, et en faisant des erreurs de conjugaison.
                                                                          3. Félicité a connu une vie difficile faite de sacrifices : « misère
 Le narrateur, de manière très réaliste, rend compte
                                                                          de son enfance » (l. 4-5), « déception du premier amour » (l. 5),
 du parler paysan. M. d’Hubières emploie, lui, un                         perte des êtres chers.
 vocabulaire juridique (« héritier », « rente ») et développe
                                                                           Bilan 4. Félicité a un comportement d’automate faisant les
 une argumentation. La différence entre les classes
                                                                          mêmes gestes, à la même heure, toute l’année (imparfait
 sociales s’entend.                                                       d’habitude, indications temporelles : « dès l’aube […] jusqu’au
 2. L’argument est celui de l’argent d’où la réaction                     soir, sans interruption », l. 1-2, « en toute saison », l. 12). La
 scandalisée de la mère : « Vous voulez que j’vous                        phrase composée d’un groupement ternaire au participe
 vendions Charlot ? »                                                     passé avec auxiliaire exprimé une fois en dénominateur com-
 II. Un tableau du monde paysan                                           mun, « puis le dîner étant fini, la vaisselle en ordre, et la porte
 1. Le narrateur focalise l’attention du lecteur sur                      bien close, […] elle enfouissait la bûche sous les cendres et
                                                                          s’endormait devant l’âtre » (l. 3-4), fait d’elle une véritable Cen-
 l’alimentation très simple de cette famille pauvre.
                                                                          drillon qu’aucune fée n’est jamais venue visiter.
 2. « Tout cela » pour parler d’individus, « moutard »,
 « mioches » relèvent du registre familier qui laisse
                                                                          Gustave Flaubert,
 entendre le milieu défavorisé de cette famille.
                                                                          « Un cœur simple », texte 8 (extrait lu)
 III. Des inégalités sociales cruelles                                    Émile Adan,
 1. Charlot est jaloux de l’aisance sociale de son
                                                                          illustration pour « Un cœur simple »                       p. 137
 camarade d’enfance car il aurait pu être à sa place. Sa
 misère est si grande qu’il reproche à ses parents de ne
 pas l’avoir vendu et s’en va en les insultant.                             Ressources numériques                                    AUDIO
 2. Les morales que proposeront les élèves pourront
 être variées, tout dépend de leur sensibilité à tel ou                     Lecture d’un extrait d’« Un cœur simple »
 tel aspect du texte : « La misère emporte tout, même                       + texte de l’extrait à télécharger
 l’amour », « Aimer son enfant, c’est savoir s’en détacher                  Cet extrait, disponible à l’écoute en saisissant le lienmini
 pour son bien », « La société française du xixe siècle était               proposé, est lu par la comédienne Marie-Christine
 trop injuste »...                                                          Barrault. Il s’agit de la scène d’« Un cœur simple » au
                                                                            cours de laquelle Félicité fait courageusement face au
 IV. Vidéo d’Olivier Schatzky
                                                                            taureau.
 1. Points communs : le ton de Charlot (« rudement »,
 l. 1), un bon nombre de ses paroles, son départ et
 la rumeur de la fête donnée en l’honneur de Vallin.                      Illustrer un épisode narratif
 Différences : dans l’adaptation, la mère cherche à se
                                                                          1. Au centre, au second plan derrière Madame Aubain et ses
 justifier au près de son fils puis accable le père au cours
                                                                          enfants apeurés, Félicité est seule face au taureau, ce qui ne
 d’une dispute violente, elle se suicide ensuite.                         l’empêche pas d’agir.
 2. La violence de Charlot envers ses parents (insulte)
                                                                          2. On trouve les deux figures féminines adultes aux robes si
 mais aussi le verbe « disparaître » dont le sujet est                    différentes puisqu’elles appartiennent à deux milieux sociaux
 Charlot mais que le réalisateur a déplacé sur la mère                    opposés : la paysannerie et la bourgeoisie aisée de province.
 ont pu suggérer ce suicide.                                              L’une agit au péril de sa vie, l’autre fuit.
 3. Cela provoque un choc. Fidèle à l’intention                            Bilan 3. Avant de lancer les élèves dans cette activité, il serait
 dénonciatrice de G. de Maupassant, O. Schatzky montre                    bon de leur demander comment une illustration peut mettre
 la violence des conséquences de l’injustice sociale sur                  en avant la bravoure d’un personnage (au centre, au premier
 une vie de famille.                                                      plan, jeu de couleurs... ?).

                                           © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources                                     77
Gustave Flaubert,                                                         Félicité, humble, sacrifiée, représentative des paysannes nor-
« Un cœur simple », texte 9                                 p. 137       mandes, mais aussi Félicité généreuse, transfigurée, capable
                                                                          de voir la poésie des choses simples.
Un cœur pur face à la cupidité des bourgeois
1. Le mot « héritiers » (l. 1) appartient au champ lexical juri-          Activités d’expression                              p. 138-139
dique.
                                                                          ▶▶Sujet 1 : Écrire la suite d’un dialogue réaliste
2. Les verbes « accourir » (l. 1), « survinrent » (l. 2), le groupe-
ment ternaire sans conjonction de coordination « fouilla [...],           L’enseignant peut faire chercher quels pourront être les argu-
choisit [...], regagnèrent » (l. 1-3), l’énumération des objets           ments de Lheureux : qualité et finesse des matières, élégance
emportés (l. 4-8) montrent bien l’empressement cupide de                  de la jeune femme, vente à crédit, prix dérisoire. On peut
Paul et sa femme d’autant qu’ils n’ont pas oublié de mettre               également faire imaginer quelles pourront être les questions
en vente la maison sans prévenir Félicité qui y habite depuis             d’Emma, ses marques d’hésitation, l’expression de son envie.
tant d’années.                                                            ▶▶Sujet 2 : Décrire un objet à travers le regard d’un
3. « Ivre de tristesse » est une métaphore montrant l’immense             personnage
chagrin que Félicité connait. Elle est si triste qu’elle semble ne
                                                                          Le professeur peut faire repérer le passage où il est question
plus savoir que faire, ni où aller, comme le ferait une personne
                                                                          des écharpes et faire relever les éléments de description à
ivre.
                                                                          développer. À travers quels verbes de perception le point de
4. Elle trouve du réconfort dans la prière, devant son perro-             vue d’Emma sera-t-il évoqué ? Quelles émotions ressentira-t-
quet empaillé (l. 14-15).                                                 elle ?
5. Le reflet de la lumière dans l’œil de verre de son perroquet
l’exalte (l. 16-17).                                                      ▶▶Dégager les caractéristiques réalistes d’un tableau
 Bilan 6. La poésie de ce passage tient dans son lyrisme :                Les élèves, en s’aidant des consignes de travail proposées,
registre soutenu (« vapeur d’azur », l. 19, « humant », l. 20,            peuvent être laissés en autonomie pour ce travail final.
« sensualité mystique », l. 20, « exhala », l. 23, « cieux », l. 24),
                                                                          ▶▶Exprimer son avis personnel sur un genre
groupements binaires avec rimes internes (« plus [...], plus »,
« comme […] comme », l. 22-23), personnification (« Ses lèvres            Cette activité consiste en l’expression d’un avis personnel et
souriaient », l. 21). On est loin d’une vision objective de la            argumenté qui nécessite une relecture permettant de faire un
réalité, Félicité est transfigurée pour rendre compte, de la              bilan sur le mouvement réaliste.
manière la plus fidèle possible, du moment de grâce qu’elle               Afin d’aider les élèves à apprendre à justifier une préférence,
connait au moment de mourir.                                              l’enseignant pourra revoir le vocabulaire de la prise de posi-
                                                                          tion, de la modalisation : « à mon sens », « selon moi », « en ce
▶▶À l’oral : Justifier un choix                                           qui me concerne », « il me semble que ». Les raisons du choix
Ce débat va permettre aux élèves de faire le point sur ce qui a           peuvent être balisées : sensibilité à la beauté du texte, à une
fait la souffrance de la vie de Félicité mais aussi son bonheur :         injustice sociale, lecture qui provoque de l’émotion...

       Les métiers vus par les peintres
 DOSSIER

du xixe siècle                    p. 140 à 143

                            Objectifs                et démarches du dossier
▶▶ Nous avons voulu dans ce dossier, qui s’inscrit dans le thème 3 « La fiction pour interroger le réel », proposer des œuvres
picturales donnant à voir des hommes et des femmes au travail. Les élèves découvriront sans doute des métiers disparus dont ils
ignoraient l’existence et des œuvres d’artistes parmi les plus célèbres de la seconde moitié du xixe siècle. Intégré entre le parcours
« Le récit réaliste, miroir de la réalité » et le parcours « Une vie, une œuvre » consacré à Émile Zola, ce dossier permet aux élèves
de réinvestir ou de découvrir par une autre approche des réalités étudiées dans ce thème, en établissant des liens étroits entre
la littérature et la peinture.
▶▶ Nous n’avons volontairement pas présenté les œuvres dans un ordre chronologique (Gustave Courbet, considéré comme le
chef de file du mouvement réaliste, serait alors apparu en premier, et Claude Monet, maitre incontesté de l’impressionnisme, en
dernier) mais dans un ordre thématique : la première double page montre ainsi des travailleurs du monde industriel, la seconde
des ouvriers des villes et des campagnes.
▶▶ Ce dossier peut être exploité dans le cadre du Parcours d’Éducation Artistique et Culturelle puisqu’il contribue à s’approprier
des repères, à porter un jugement construit et étayé en matière d’art, en décrivant, contextualisant et analysant une œuvre. Pour
cela, des questionnaires guideront les élèves et l’activité interactive numérique leur permettra d’aller plus loin dans l’analyse du
tableau de Gustave Caillebotte.
▶▶ Suggestion de problématique : quelle réalité du monde du travail les peintres de la seconde moitié du xixe siècle donnent-ils
à voir ?

78                                         © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources
Corrigé               des questionnaires
James Nasmyth,                                                           du pont, des mâts des péniches, des cheminées des usines au
Le Marteau-pilon                                           p. 140       fond mais aussi des coltineurs du premier plan.
                                                                         • Les personnages qui rejoignent la péniche se tiennent droit
Prendre la mesure de l’homme face à la machine                           et ont retourné la corbeille vide de charbon sur leur tête ; ceux
• Le marteau-pilon occupe le centre de la toile, la moitié de            qui la quittent marchent courbés sur les planches étroites et
sa largeur et presque toute sa hauteur. Les hommes qui l’en-             tiennent d’un bras leur lourd chargement sur l’épaule.
tourent apparaissent bien petits face à elle (on peut deman-             • On comprend donc que les personnages placés au premier
der aux élèves d’estimer sa hauteur à partir de celle des sil-           plan retournent à la péniche pour un nouveau chargement.
houettes des ouvriers).                                                  • L’ensemble des lignes donne l’impression que les charbon-
• Les couleurs dominantes sont le rouge, pour la chaleur                 niers sont prisonniers de leur tâche. Il peut faire penser à un
dégagée par la machine, et le noir et les nuances de gris de la          réseau de fils enfermant les personnages, à une fourmilière.
vapeur qui s’échappe du marteau-pilon et des usines que l’on
                                                                         ▶▶À vous d’interpréter
distingue au fond.
• Ces différents éléments laissent deviner un travail pénible,           Il n’y a pas de réponse type. Le visage n’est pas le propos du
éreintant, harassant, qui exige force, précision et attention.           tableau et les personnages sont réduits à des silhouettes ;
                                                                         c’est la représentation de l’activité qui intéresse le peintre.
 Suggestion d’activité complémentaire                                    Edgar Degas,
 Proposer aux élèves :                                                   Les Repasseuses                                            p. 142
 – d’observer la fiche détaillée du marteau-pilon à
 vapeur de James Nasmyth conservé au musée des Arts                      ▶▶À vous d’écrire
 et Métiers de Paris :                                                   Cet exercice peut être préparé par l’analyse des groupes
 http://www.arts-et-metiers.net/musee/marteau-pilon-                     nominaux ou le repérage des adjectifs qualificatifs selon le
 vapeur-par-nasmyth                                                      niveau des élèves. À l’issue de l’activité, les élèves liront leur
                                                                         phrase à leurs camarades et demanderont « Qui suis-je ? », afin
 – de faire ensuite une recherche plus approfondie sur
                                                                         de vérifier quel personnage ils ont choisi.
 son fonctionnement.
                                                                         Recréez l’atmosphère de l’atelier de repassage
                                                                         Cette activité d’oral permettra de valider la capacité de l’élève
Écho littéraire                                                          à « adapter sa lecture et la moduler en fonction de la nature
• Émile Zola compare la machine à un monstre vivant. On fera             et de la difficulté du texte » (Socle commun de connaissances,
relever les mots « respiration », « sueur », « organes », « effort »     de compétences et de culture). Le professeur pourra séparer
pour justifier la réponse.                                               la classe en deux groupes et demander aux élèves n’ayant pas
L’ouïe est particulièrement mise en valeur, comme le montrent            lu de déterminer si la compétence est acquise par ceux qui
les noms « battements », « chocs », « trépidation », « coups » et        ont effectué la lecture.
la comparaison « résonnant comme des cloches ».
• À l’oral. On attend un groupe nominal enrichi par au moins             Gustave Caillebotte,
une expansion.                                                           Les Raboteurs de parquet                                   p. 143
                                                                         • L’appartement se situe en hauteur : la fenêtre au fond, d’où
 Suggestion d’activité complémentaire                                    provient la lumière, laisse apparaitre des toits parisiens au-
 Écho sonore                                                             delà du balcon en fer forgé.
 Écoutez sur le site de l’Ircam un extrait des Fonderies                 • Les outils sont dispersés dans la pièce. Au tout premier plan,
 d’acier, du compositeur russe Mossolov, interprété par                  une lime est dirigée vers le personnage central et semble
                                                                         guider le regard du spectateur. Une seconde est saisie par
 l’Orchestre Philarmonique de Radio France sous la
                                                                         l’ouvrier de gauche qui tient un racloir dans sa main droite.
 direction de Sylvain Cambreling :
                                                                         À droite, un marteau sépare les deux raboteurs qui utilisent
 http://medias.ircam.fr/x3a9975_zavod-les-fonderies-                     chacun un rabot et un racloir.
 dacier-op-19-alexandre                                                  • La lumière se reflète sur les corps des raboteurs qui tournent
 • Quels mots de l’extrait d’Émile Zola pouvez-vous                      le dos à la fenêtre, sur les outils et sur les parties encore mouil-
 associer à cette œuvre ?                                                lées du parquet.
 • Qu’ajoute pour vous le son à vos impressions visuelles ?              • Le personnage du centre se dirige vers le fond de la pièce tan-
                                                                         dis que celui de droite avance vers le spectateur. La position
Claude Monet,                                                            de leurs mains et la couleur du parquet travaillé le prouvent.
Les Déchargeurs de charbon                                 p. 141       • Gustave Caillebotte parvient en une image à recréer l’atmos-
                                                                         phère du chantier et donne au spectateur l’impression d’assis-
Entrez dans la composition du tableau                                    ter à une scène en mouvement.
• Cette première question oblige à observer précisément le               Tous ces éléments pourront être précisés grâce à la ressource
tableau pour en saisir le cadre : les lignes verticales sont celles      numérique.

                                          © Magnard, 2016 – Jardin des Lettres 4e – Livre Ressources                                     79
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