À la gloire des héros - Daniel Drouin Continuité - Érudit

 
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À la gloire des héros - Daniel Drouin Continuité - Érudit
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Continuité

Dossier

À la gloire des héros
Daniel Drouin

Number 82, Fall 1999
Dans l’intimité de l’art public

URI: https://id.erudit.org/iderudit/16775ac

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Publisher(s)
Éditions Continuité

ISSN
0714-9476 (print)
1923-2543 (digital)

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Drouin, D. (1999). À la gloire des héros. Continuité, (82), 19–23.

Tous droits réservés © Éditions Continuité, 1999                     This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit
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À la gloire des héros - Daniel Drouin Continuité - Érudit
Entre 1880 et 1930, la commémoration des héros a connu au Québec un âge d'or. Partout dans

le paysage urbain, des monuments jettent des ponts vers le souvenir. Véritable corpus d'art

public, ces œuvres sont autant de maillons qui nous rattachent à l'histoire.

            par Daniel Drouin                   « sculpteut national », Louis-Philippe
                                                H é b e r t . A c e t t e é p o q u e , la ville de
                 u milieu du XIX e siècle,

A
                                                Québec possède déjà ses premiers monu-
                 presque tous les éléments      ments. La colonne Wolfe (1790) et l'obé-
                 sont en place pour permet-     lisque Wolfe-Montcalm (1828) ont été
                 tre l'émergence de la sculp-   érigés dans la plus pure tradition britan-
                 ture commemorative au          nique. En 185.5, la Société Saint-Jean-
                 Québec. La grande bour-        Baptiste de Montréal fait élever le grand
                                                                                                        En 1914, au cœur du nouveau secteur
geoisie anglo-saxonne célèbre les vertus de     obélisque à la mémoire de Ludger                        d'affaires de la ville de Montréal, une
l'impérialisme britannique tandis que           Duvernay dans le nouveau cimetière                      trentaine d'érables centenaires sont
l'élite cultivée canadienne-française, qui a    N o t r e - D a m e - d e s - N e i g e s . Trois ans   abattus p o u r faire place au p e t i t square
vivement réagi à la publication du rapport      plus tard, l'Institut canadien honore au                Phillips où est érigé le monument à
Durham, entreprend l'écriture de son his-       même endroit la mémoire des Patriotes                   Edouard VII, une œuvre de
toire à grands coups de manifestations          de 1837-1838. Entre 1880 et 1930,                       L.-P. Hébert. L'architecte français
patriotiques. L'année 1850 voit naître celui    le Québec se révèle un vaste chantier                   Gustave Umbdenstock réalise le piédestal.
qui deviendra au tournant du siècle notre       commémoratif.                                           Photo : Robert Etchevery

                                                                D o s s i e r                                                           numéro quotrt-vingf-deux ï
À la gloire des héros - Daniel Drouin Continuité - Érudit
LE SOUVENIR MATÉRIALISÉ                  biais du ministère des Travaux publics,
                                              L'une des principales fonctions du monu-        a octroyé à Louis-Philippe Hébert, en
                                              ment est de commémorer les héros du             1913, le contrat pour la réalisation
                                              passé. Les batailles glorieuses de toutes       du plus grand bronze érigé au Québec, le
                                              les époques ont fait l'objet de commémo-        monument à Madeleine de Verchères,
                                              ration. La plupart des villes du Québec         à Verchères.
                                              possèdent un monument à la gloire des           Dans le domaine des monuments, la
                                              soldats disparus durant les grands conflits     palme revient toutefois au gouvernement
                                              mondiaux. Les monuments servent égale-          provincial qui, avec le programme
                                              ment à souligner des dates historiques          d ' e m b e l l i s s e m e n t de l'Hôtel du
                                              importantes. La plupart des héros laïcs et      Parlement, a favorisé l'essor de la commé-
                                              religieux de la Nouvelle-France ont été         moration au Québec. Dans sa conception
                                              coulés dans le btonze, comme le                 du Palais législatif, l'architecte Eugène-
                                              Champlain (1898) du sculpteur français          Etienne Taché avait prévu un programme
                                              Paul Chevré ou le Louis Hébert (1918)           iconographique complexe comprenant
                                              d'Alfred Laliberté, tous deux érigés à          des représentations en bronze des héros
                                              Québec. Il est aussi coutume de rendre          nationaux. Une première série de com-
                                              hommage, de façon posthume, aux                 mandes a été confiée à Louis-Philippe
                                              contemporains qui ont apporté une               Hébert, qui a livré 10 statues et groupes
                                              contribution significative à la collectivité.   allégoriques entre 1890 et 1895. Une
                                              La monarchie anglaise a été statufiée à         deuxième série de commandes a été effec-
                                              quelques reprises. Pensons au monument          tuée entre 1916 et 1928, permettant à
                                              à la reine Victoria (Marshall Wood, 1872)       Alfred Laliberté de réaliser six statues.
                                              au square du même nom à Montréal, qui           Henri Hébert, Elzéar Soucy, Marc-Aurèle
                                              est le premier bronze érigé dans la             de Foy, Suzor-Côté et Jean Bailleul ont
                                              province. Plusieurs hommes politiques           chacun conçu une sculpture. Durant les
                                              ont leur statue bien en vue à des endroits      années 1960, le programme a été complété
                                              stratégiques de la ville, en particulier        avec quatre statues d'Emile Brunet, une
                                              d'anciens premiers ministres du Canada          de Sylvia Daoust, de C l é m e n t Paré
                                              et du Québec. La société du temps a             et de Raoul Hunter. Les instances muni-
                                              aussi rendu hommage à des membres               cipales ont joué un rôle similaire, mais à
                                              du clergé, à des hommes d'affaires et à         une plus petite échelle, comme en fait foi
                                              quelques grands auteurs. Elzéar Soucy           le monument aux Héros de la Grande
                                              a sculpté la statue de M" Louis-François        Guerre (1923) de Lachute, commandé par
                                              Laflèche (1927) pour l'évêché de Trois-         un regroupement de municipalités de cette
                                              Rivières. Le premier président du               région au sculpteur George William Hill.
                                              Canadien Pacifique, Lord Mount                  Parallèlement aux initiatives des gouver-
                                              Stephen, a son monument (Frederick              nements, le clergé a contribué à l'érection
                                              Lessore, 1913) à la gare Windsor de             d'au moins une trentaine de monuments.
                                              Montréal. L'auteur de la première Histoire      En 1909, à Montréal, les religieuses de
                                              du Canada, François-Xavier Garneau, a le        l'Hôtel-Dieu inauguraient le monument à
                                              sien à Q u é b e c (Paul Chevré, 1912).         Jeanne Mance, commandé à Louis-
        Fondu à la fonderie montréalaise
                                              Certains événements tragiques ont égale-        Philippe Hébert par MBr Paul Bruchési
        L.-J. Hérard, le monument à
                                              ment été soulignés. Par exemple, le             pour marquer le 250 e anniversaire de
        Michel de Salaberry, à Chambly,       monument Short-Wallick (Louis-Philippe          l'arrivée de la fondatrice. Q u e l q u e s
        est le premier monument à être        Hébert, 1891) installé devant le Manège         grandes sociétés, et patticulièrement la
        entièrement conçu et réalisé par un   militaire à Québec rappelle le grand            Société Saint-Jean-Baptiste, ont de même
        Québécois (1.-P.Hébert, 1881).        incendie du quartier Saint-Sauveur,             été à la source d'un grand nombre de pro-
        Photo: Ville de Chambly               survenu en 1889.                                jets. Plusieurs initiatives privées sont éga-
                                                                                              lement à souligner, notamment celle de
                                               DES INITIATIVES PUBLIQUES ET PRIVÉES           Norbert Brouillet, un mécène originaire
                                              Le mode de financement le plus répandu          de Chambly qui a assumé les coûts du
                                              pour les monuments était la souscription        m o n u m e n t à l'abbé Pierre-Marie
                                              populaire. Dans certains cas, des campa-        Mignault (Louis-Philippe Hébert, 1909).
                                              gnes de levées de fonds se sont échelon-        La communauté italienne de Montréal a
                                              nées sur plusieurs années. Au chapitre de       donné le monument à Dante (Balboni,
                                              la commandite, les diverses instances           1922) à la métropole canadienne tandis
                                              gouvernementales ont également joué un          que la Marianne (Paul Chevré, 1913) du
                                              rôle de premier plan. Par exemple, c'est        square Viger a été offerte aux Montréalais
                                              le gouvernement du Canada qui, par le           par la République française.

C numéro qutirrr-vingr-deux                                 D o s s      e r
À la gloire des héros - Daniel Drouin Continuité - Érudit
LE CHOIX DU CANDIDAT
                 ET LA COMMANDE
Par le biais des journaux et d e circulaires,
un appel aux sculpteurs québécois, cana-
diens et étrangers était lancé, selon qu'il
s'agissait d ' u n c o n c o u r s local, n a t i o n a l
ou international. Des quelque 150 monu-
ments commémoratifs réalisés entre 1880
e t 1930, p l u s d ' u n e c e n t a i n e o n t é t é
commandés à des sculpteurs d'ici. Louis-
Philippe Hébert en a réalisé 25 à lui seul.
V i e n n e n t e n s u i t e Alfred L a l i b e r t é avec
u n e vingtaine, George William Hill, u n e
quinzaine, Henri Hébert, une dizaine et,
plus près de nous, Emile Brunet avec une
quinzaine également. Les artistes étrangers
ayant obtenu des commandes étaient prin-
cipalement de nationalité française, belge
ou anglaise.
Les concours étaient alléchants pour les
artistes r é p u t é s c o m m e p o u r les m o i n s
connus. Décrocher un contrat assurait en
effet une aisance financière et la renom-
mée à ceux qui ne la possédaient pas déjà.
À titre indicatif, L o u i s - P h i l i p p e H é b e r t
a obtenu l'importante somme de 25 000$
p o u r la r é a l i s a t i o n d u m o n u m e n t à
Madeleine de Verchères. Certains
concours ont attire plus d ' u n e vingtaine
d'artistes. Selon qu'il s'agissait d'une com-
m a n d e p u b l i q u e ou privée, le jury était
composé de politiciens, de fonctionnaires,                       et Hill. Le comité arrêta son choix sur la                           En 1908, lors du dévoilement du monument
d'ingénieurs, d'architectes, d'hommes                            p r o p o s i t i o n du d e r n i e r . C e t t e d é c i s i o n   à M»' de Laval (L.-P. Hébert, 1908) face à
d'affaires, d e m e m b r e s du clergé et d e                   déclencha toute une polémique avec pour                              l'évêché de Québec, une foule considérable
gens de professions libérales. Va sans dire                      toile de fond les origines ethniques des fina-                       s'était massée pour assister à /'événement.
q u e ces p e r s o n n e s n ' a v a i e n t pas forcé-         listes. Laliberté, en conférence de presse,                          Photo : J.-E. Livernois, Fonds Livernois,
m e n t u n e g r a n d e c o n n a i s s a n c e d a n s le     alla jusqu'à accuser publiquement le pré-                            ANQQ
d o m a i n e d e l'art. À l'occasion, le comité                 sident du comité de pratique déloyale.
d e m a n d a i t la c o l l a b o r a t i o n d ' u n artiste   Les diverses étapes de création du monu-
accompli, la plupart du temps un peintre.                        ment étaient soumises à l'approbation du
Napoléon Bourassa, Charles Huot et                               comité et, dans certains cas, cautionnées
Charles Gill ont joué ce rôle. La présélec-                      par des s c u l p t e u r s étrangers r e n o m m é s .
tion et le choix du gagnant trouvaient un                        Ainsi, Louis-Philippe Hébert dut présen-
écho dans les journaux.                                          ter au comité du m o n u m e n t à M" de Laval
À quelques reprises, le choix final du jury                      (1908), à Québec, des lettres d'approbation
a suscité chez des participants des réac-                        des s c u l p t e u r s français Horace Daillion,
tions très vives et fait les choux gras de la                    L é o n Fagel et Victor Ségoffin. P o u r le
presse. En s e p t e m b r e 1912, le concours                   m o n u m e n t à Paul C h o m e d e y                         de
p o u r le p l u s i m p o r t a n t m o n u m e n t d e         Maisonneuve de Montréal, H é b e r t dut
M o n t r é a l , c e l u i d é d i é à Sir G e o r g e s -      m o d i f i e r sa m a q u e t t e à au m o i n s trois
E t i e n n e C a r t i e r , t o u r n a au v i n a i g r e .   reprises. Ces opérations transformèrent de
Louis-Philippe Hébert, Alfred Laliberté,                         façon appréciable le projet initial qui lui
G e o r g e William Hill, C œ u r - d e - L i o n                avait permis d'obtenir la commande.
MacCarthy, Olindo Gratton, Emile                                 L'étape suivante consistait à reproduire la
B r u n e t , O n é s i m e L é g e t et un c e r t a i n        composition de l'artiste dans le bronze, le
Kilton ont p r é s e n t é des m a q u e t t e s . L e s         marbre ou le granit, les principaux maté-
quatre premiers furent retenus en présé-                         riaux de l'époque. La plupart des bronzes
lection. Ensuite, les m a q u e t t e s d ' H é b e r t          de la période 1880-1930 ont été fondus en
et d e MacCarthy ayant été éliminées, le                         France et en Belgique où se trouvaient les
choix final devait se faire entre Laliberté                      plus importantes fonderies                              d'art.

                                                                                     D o s s            e r                                                          numéro qu(itrr-vin0-(lfu\ 2
À la gloire des héros - Daniel Drouin Continuité - Érudit
L ' A m é r i q u e du Nord c o m p t a i t peu                  C e r t a i n e s statues s u t m o n t e n t des cons-
                                                       d'entreprises de ce genre. Louis-Philippe                        tructions architecturales servant de fon-
                                                       Hébert fit affaire avec la maison parisienne                     taines, c o m m e le m o n u m e n t à J a c q u e s
                                                       Thiébault Frères pour le monument Mai-                           Cartier (Arthur Vincent, 1893) du quartiet
                                                       s o n n e u v e . Alfred L a l i b e r t é c o m m a n d a       Saint-Henri à Montréal. D'autres monu-
                                                       pour sa part la fonte de son m o n u m e n t à                   m e n t s sont tout s i m p l e m e n t des copies
                                                       Dollard des Ormeaux (1920) à la Roman                            d'œuvres célèbres, comme la fontaine de
                                                       Bronze Works de N e w York. La fonderie                          la S u n L i f e ( H i l l , 1897) du s q u a r e
                                                       m o n t r é a l a i s e d e L.-J. H é r a r d réalisa le         Dominion à Montréal qui reprend le Lion
                                                       tout premier bronze coulé au Q u é b e c , soit                  de Belfort du grand s c u l p t e u r français
                                                       la statue du m o n u m e n t à l'abbé Antoine                    Frédéric-Auguste Bartholdi. D a n s q u e l -
                                                       Girouard (François Van L u p p e n , 1878)                       q u e s cas, u n e r é p l i q u e d ' u n m o n u m e n t
                                                       i n s t a l l é e d e v a n t le c o l l è g e d e S a i n t -   situé dans une ville e u r o p é e n n e ornera un
                                                       Hyacinthe. L e premier m o n u m e n t com-                      lieu p u b l i c d e la p r o v i n c e . L e J a c q u e s
                                                       mémoratif e n t i è r e m e n t conçu et réalisé                 C a r t i e r ( G e o r g e s B a r e a u , 1926) d e
                                                       par un Q u é b é c o i s e s t le m o n u m e n t à              Q u é b e c est i d e n t i q u e à celui de Saint-
                                                       Michel de Salaberry (Louis-Philippe                              Malo, tandis q u e le Montcalm (Leopold
                                                       H é b e r t , 1881) de C h a m b l y , é g a l e m e n t         M o r i c e , 1911) s i t u é p t è s d e s P l a i n e s
                                                       fondu par Hérard. Pour tailler dans le gta-                      d'Abraham est une copie de la statue éri-
                                                       nit son m o n u m e n t Mignault, Hébert opta                    gée à Vauvert en France.
                                                       pour un artisan de la St. Lawrence Marble                        L e p i é d e s t a l , un é l é m e n t i m p o r t a n t du
                                                       and Granite Works de Montréal, propriété                         m o n u m e n t , p r é s e n t e parfois t o u t e s les
                                                       de Joseph-Georges Picher, un de ses col-                         qualités d'une véritable œuvre d'art. Fait
                                                       laborateurs réguliers. La statue du monu-                        d e g r a n i t , d e m a r b r e ou d e c i m e n t , il
                                                       m e n t à l ' a b b é J o s e p h - M a t h u r i n Bourg        adopte une grande variété de formes.
                                                       (1922) à Carleton a été sculptée dans du                         D a n s plusieurs cas, il a é t é d e s s i n é par
                                                       marbre de Carrare à l'atelier italien de la                      des architectes qui ont travaillé en étroite
                                                       compagnie Daprato de Montréal.                                   collaboration avec les sculpteurs. En plus
                                                                                                                        du piédestal, la commande prévoyait par-
                                                                    L'UNIVERS DES FORMES                                fois la conception et l ' a m é n a g e m e n t du
                                                       Les monuments empruntaient à un registre                         s i t e d e v a n t t e c e v o i r le m o n u m e n t .
                                                       de formes s o m m e t o u t e assez restreint.                   L ' a r c h i t e c t e français G u s t a v e U m b d e n -
                                                       N o m b r e u x étaient les bustes installés sur                 stock a dessiné pour Louis-Philippe
                                                       des piédestaux. U n e statue, très souvent                       H é b e r t les p i é d e s t a u x d e s m o n u m e n t s
                                                       plus gtande que nature et montée sur un                          M " de Laval et E d o u a r d VII (1914) du
                                                       piédestal, d e m e u r a i t toutefois la norme.                 square Philips à Montréal, en plus d'amé-
                                                       On trouve ce genre de compositions dans                          nager leur e n v i r o n n e m e n t immédiat. L e
                                                       p r e s q u e t o u t e s les régions du Q u é b e c .           Montréalais William Sutherland Maxwell
                                                       Selon les désirs du commanditaire, l'artiste                     a créé, toujours pour Hébert, le piédestal
                                                       pouvait complexifier son œuvre en y ajou-                        et la fontaine du m o n u m e n t à John Young
                                                       tant des reliefs et, dans quelques cas, des                      (1911) du Vieux-Port de Monttéal. Pour
                                                       groupes allégoriques. À Montréal, le monu-                       son compatriote André Vermare, l'archi-
        Le marquis de Montcalm, héros t o m b é lors   ment à M" Ignace Bourget (Louis-Philippe                         tecte français Maxime Roisin a conçu le
        de la bataille des plaines d'Abraham,          Hébert, 1903) compte, en plus de la statue,                      socle du m o n u m e n t au cardinal Elzéar-
        est immortalisé sur la façade du Parlement     deux groupes allégoriques représentant la                        Alexandre Taschereau (1923) de Q u é b e c .
        par Louis-Philippe Hébert.                     Charité et la Religion ainsi que deux bas-                       Les p i é d e s t a u x q u e l'on retrouve sur le
        Photo: Michel Élie, CCQ                        reliefs illustrant des moments significatifs                     territoire québécois ont p r a t i q u e m e n t
                                                       de la vie du prélat.                                             tous été taillés ici par des artisans spéciali-
                                                       Les statues équestres sont des sculptures                        sés en sculpture funétaire. Les matériaux
                                                       impressionnantes à cause principalement                          provenaient, dans la plupart des cas, de
                                                       des proportions de l'animal qui y est repré-                     carrières s i t u é e s d a n s les C a n t o n s -
                                                       senté. L e Q u é b e c en c o m p t e q u e l q u e s -          de-l'Est.
                                                       unes, dont deux représentations de sainte                        La grande majorité des monuments conçus
                                                       J e a n n e d'Arc situées à Sillery (Jules                       e n t r e 1880 et 1930 e m p r u n t e n t au style
                                                       Dechin, 1931) et dans la Capitale (Anna                          académique à l'européenne très en vogue
                                                       H y a t t H u n t i n g t o n , 1938). La p r e m i è r e        tout au long du XIX e siècle. Entourés de
                                                       s t a t u e é q u e s t r e d e la p r o v i n c e e s t le      leurs attributs de gloire, les personnages
                                                       m o n u m e n t aux H é r o s de la g u e r r e des              posent habituellement en héros, adoptant
                                                       Boers, u n e œ u v r e d e Hill i n a u g u r é e à              des attitudes solennelles. Hébert, Laliberté
                                                       Montréal en 1907.                                                et Hill ont étudié à Paris, l'Olympe de tous

2 numéro quatre-vtn^r-rtrux                                               D o s s i e r
les grands courants artistiques. Au début         sont redevenues favorables, la conception
du XXe siècle, les artistes européens             de l'art commémoratif avait changé. À par-
embrassent de nouvelles tendances, mais           tir des années 1940, des artistes comme
ici le renouvellement s'effectue timide-          Emile Brunet, Sylvia Daoust et Raoul
ment. Un Henri Hébert, pourtant sensible          H u n t e t recherchent une plus gtande
aux styles en vogue - son monument aux            authenticité et adoptent des formes sim-
Morts (1925) d'Outremont est du plus pur          plifiées, empreintes de modernisme. La
Art déco - , exécutera une statue tout ce         sculpture contemporaine prend la relève
qu'il y a de plus académique pour le mo-          du monument traditionnel avec l'intégra-
nument à Sir Louis-Hippolyte Lafontaine           tion de l'art à l'architecture.
(19.^0) situé dans le parc du même nom à          En parallèle, un long calvaire commence                                     >ri-
Monttéal.                                         pour tout ce qui rappelle le passé religieux
                                                  et patriotique. Certains monuments dispa-
            LE MONUMENT                           raissent, tel le Laviolette (1885) d'Hébett
       DANS SON ENVIRONNEMENT                     qui avait échappé en 1908 au grand incen-
La destination du monument faisait l'ob-          die de Trois-Rivières, mais qui sera tout
jet d'une attention particulière. Compte          de même démoli en 1919. Quelques-uns
tenu de leur position stratégique dans            sont remplacés en raison de la fragilité de
la ville, les parcs urbains et les places         leur matériau. Le Pierre Le Moyne d'Iber-
publiques se sont avérés des lieux de pré-        ville du square du même nom à Montréal
dilection pour rendre hommage aux héros.          est une copie récente (1983) de celui
Maintes esplanades d'édifices publics             (1898) d'Atthur Vincent qui, gravement
à vocation institutionnelle ou religieuse         détérioré, a été retiré au cours des années
ont reçu des statues. Le lieu de naissance        1950. D'autres connaissent les affres du
ou de résidence d'un grand personnage             vandalisme comme le monument à
est un autre endroit des plus appropriés          Victoria (1897) dans le parc du même nom
pour l'érection d'un monument. Un buste           à Québec. De cette œuvre du sculpteur
de Sir Georges-Etienne Cattier (Hill, 1919)       anglais Marshall Wood ne subsiste plus
se dresse à Saint-Antoine-sur-Richelieu,          aujourd'hui que q u e l q u e s fragments
son lieu de naissance ; celui de Pierre de        exposés au Musée de la civilisation à
Saint-Ours (Elzéar Soucy, 1922) orne la           Québec. La douteuse transformation qu'a        Le monument en hommage à Frontenac,
devanture du manoir seigneurial dans              subie le monument à Jacques de Lesseps         une oeuvre de Louis-Philippe Hébert,
le village de Saint-Ours. Des monuments           (1932) d'Henri Hébert laisse perplexes les     est l'un des 22 bronzes qui ornent la façade
ont aussi été érigés sur les lieux d'une          spécialistes de la question. Et que dire       du Parlement de Québec.
bataille, tel celui installé à Carillon, site     du déplacement, durant les années 1970,        Photo : Michel Élie, CCQ
présumé de l'affrontement, en 1660, entre         du monument à Octave Crémazie (1906)
Dollard et les Iroquois.                          de Louis-Philippe Hébert. Autrefois situé
Les grandes fêtes nationales comme la             au carré Saint-Louis à Montréal, il a été,     puisque le Musée des beaux-arts de
Saint-Jean-Baptiste, la Fête du Canada ou         pour des raisons obscures, déménagé sur        Montréal a présenté, en 1990, une exposi-
la Fête des travailleurs, offraient le contexte   un tetre-plein au carrefour de la rue          tion sur Alfred Laliberté. En association
idéal pour les inaugurations. Dans des            Crémazie et du boulevard Saint-Laurent         avec cette même institution, le Musée du
mises en scène souvent grandioses                 avec comme arrière-scène le boulevard          Québec est à préparer une grande rétros-
et devant d'importants rassemblements             Métropolitain. D'auttes ont connu le pur-      pective de l'œuvre de Louis-Philippe
- 100 000 personnes au dévoilement du             gatoire pour des raisons politiques. Citons    Hébert. L'exposition, qui sera présentée
monument à M" de Laval -, les dirigeants          le cas de la statue de Maurice Duplessis       en 2001, soulignera l'apport exceptionnel
politiques et ecclésiastiques prononçaient        réalisée au début des années 1960 pat le       du sculpteur à l'art commémoratif au
force discours célébrant les vertus des           sculpteut Emile Brunet, mais installée         Québec. A l'automne de l'an 2000, le
héros immortalisés. En 1895, en l'espace          seulement à la fin des années 1970 sur la      musée national aura offert aux Québécois
d ' u n e semaine, trois monuments de             colline Parlementaire à Québec.                une exposition sur Henri Hébert, le fils
Louis-Philippe Hébert ont été inaugurés           Au début des années 1980, les différentes      de Louis-Philippe.
dans autant de villes: le 24 juin, la statue      administrations gouvernementales, les
de Lévis à l'Hôtel du Patlement de                villes de Montréal et de Québec mesu-          Daniel Drouin est historien de l'art et chargé
Québec et, le 1" juillet, les monuments           raient l'importance de sauvegarder le          de projet pour l'exposition Louis-Philippe
Maisonneuve à Montréal et John A.                 patrimoine sculpté. D'autres organismes        Hébert au Musée du Québec.
Macdonald à Ottawa.                               ont aussi voulu poursuivre une certaine
                                                  tradition commemorative en l'actualisant.
       JE ME SOUVIENS... ENCORE                   La Commission de la capitale nationale,
                                                  notamment, inaugurait récemment la sta-
La Crise de 1929 a mis un sérieux frein au
                                                  tue de René L é v e s q u e . Les grands
processus de commémoration au Québec.
                                                  musées québécois ne sont pas en reste
Aussi, lorsque les conditions économiques

                                                               D o s s      e r                                                numéro quatre-vingt-deux w
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