La justice réparatrice: Évaluation du Programme de solutions réparatrices
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La justice réparatrice: Évaluation du Programme de solutions réparatrices James Bonta Suzanne Wallace-Capretta Jennifer Rooney Ministère du Solliciteur général du Canada Octobre 1998 Ce rapport trouve également sur le site Internet de Solliciteur général Canada http://www.sgc.gc.ca 1
Travaux publics et Services gouvernementaux Canada 1998 Nº de cat. : JS42-84/1998F ISBN: 0-662-83302-3 2
Remerciements Il y a eu deux évaluations d’étape du Programme de solutions réparatrices (SR) à Winnipeg. La première a été faite par Gord Richardson et Burt Galaway de l’Université du Manitoba, qui ont collaboré avec le personnel du programme, dirigé par Michelle Joubert, et ils ont élaboré le cadre de collecte des données. Leurs travaux nous ont permis de poursuivre les évaluations subséquentes, dont le présent rapport est l’aboutissement. Nous leur sommes redevables de leurs efforts. Nous tenons à remercier Yvonne Lesage, Michael Gray et Debbie Carriere qui ont aidé à la collecte de certains des renseignements employés pour constituer les bases de données, Kevin McAnoy, qui a réuni et codé les études de la méta-analyse, Janice Martens qui a fourni l’information sur les dédommagements versés par les délinquants. Nous remercions également Vic Bergen et Ron Parkinson d’avoir facilité la collecte des données aux établissements Headingly et Milner et d’avoir fourni des renseignements sur la récidive. Il va sans dire que notre reconnaissance est aussi acquise au personnel du Programme de solutions réparatrices pour leur collaboration et leur dévouement dans la tenue des bases de données utilisées dans la présente évaluation. Les opinions exprimées ici sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement la position officielle du ministère du Solliciteur général du Canada. i
Table des matières Remerciements ..............................................................................................................................i Table des matières ...................................................................................................................... ii Introduction..................................................................................................................................1 Justice réparatrice ......................................................................................................................1 Évaluations de la justice réparatrice ..........................................................................................4 Programme de solutions réparatrices .........................................................................................7 Évaluations provisoires..............................................................................................................8 Évaluation présente..................................................................................................................10 Analyse des résultats..................................................................................................................10 1. Sélection de la clientèle cible..............................................................................................11 Figure 1. Processus de solutions réparatrices................................................... 13 Délinquants aiguillés vers le Programme de SR ...............................................................13 Tableau 1. Caractéristiques des délinquants proposés....................................... 15 Tableau 2. Caractéristiques des délinquants selon l’origine ............................. 16 Admission au programme ..................................................................................................15 Tableau 3. Caractéristiques des délinquants et admission au SR ...................... 17 Tableau 4. Caractéristiques des délinquants par période d’évaluation ............. 20 2. Application de la justice réparatrice ...................................................................................21 3. Solution de rechange à l’incarcération?..............................................................................24 Tableau 5. Participation directe au Programme de SR et incarcération en......... plus de la participation au Programme de SR .................................................... 26 4. Réduction du taux de récidive .............................................................................................27 Stratégie d’évaluation ........................................................................................................25 Récidive : SR et détenus ..................................................................................................28 Tableau 6. Comparaison entre les clients SR et les détenus............................... 30 Tableau 7. Récidive chez les délinquants du programme SR.............................. 31 Récidive : SR et probationnaires.......................................................................................33 ii
Table des matières (suite) Tableau 8. Comparaison entre les délinquants SR et ........................................ 34 les groupes témoins de probationnaires.............................................................. 34 Résumé et conclusions ...............................................................................................................35 Bibliographie ..............................................................................................................................38 Annexe A.................................................................................................................................... 41 iii
Justice réparatrice : Évaluation du Programme de solutions réparatrices Le programme évalué dans le présent rapport repose sur les principes de la justice réparatrice et s’inspire du souci de garder les délinquants dans leur milieu sans risque pour la collectivité. Il existe de nombreux programmes de cette nature au Canada (Conseil des Églises pour la justice et la criminologie, 1996). Le Programme de solutions réparatrices est toutefois l’un des seuls à comporter depuis le début une composante d’évaluation. La présente évaluation, qui vise la période d’application du programme allant du 1er octobre 1993 au 9 mai 1997, constitue, par conséquent, une importante contribution à nos connaissances de la justice réparatrice dans la collectivité. L’évaluation vise non seulement à éclairer la suite de l’évolution du Programme de solutions réparatrices, mais aussi d’autres programmes de déjudiciarisation dans un contexte de justice réparatrice. Justice réparatrice La justice réparatrice est une approche du traitement des délinquants qui s’écarte des méthodes traditionnelles de justice pénale. En Amérique du Nord, le comportement criminel est avant tout considéré comme un acte dirigé contre l’État et qui doit être puni. Toute infraction à la loi est punissable, et les conséquences qu’elle entraîne reflètent dans quelle mesure l’acte est réprouvé par la société et témoignent de l’application de la justice. En outre, l’application de sanctions a une visée dissuasive pour le délinquant et d’autres personnes qui pourraient être tentées de transgresser les normes de la société. Depuis une dizaine d’années, cependant, les observations empiriques s’accumulent : les sanctions pénales n’ont guère d’effets sur le taux de récidive (Andrews et Bonta, 1998; Andrews, Zinger, Hoge, Bonta, Gendreau et Cullen, 1990; Gendreau et Goggin, 1996). Qui plus est, l’accent qui est mis sur le délinquant a été dénoncé par des groupes de victimes, qui se sentent abandonnées et trahies par le système de justice pénale. Ces deux nouveaux courants ont favorisé les approches de la justice réparatrice (Messmer et Otto, 1992). 1
La justice réparatrice est une manière nouvelle de « régler les différends » (Hudson et Galaway, 1996). Les victimes, leurs familles et leurs amis ainsi que la collectivité sont considérés comme ceux qui ont été lésés par le délinquant. La justice réparatrice vise justement à réparer ce tort par un contact direct entre la victime et le délinquant plutôt que par la seule intervention de l’État. Le processus de réparation consiste à réunir le délinquant, la victime et la collectivité pour trouver des solutions qui doivent dans toute la mesure du possible donner satisfaction à toutes les parties. Grâce à cette médiation, les réparations sont négociées, et le processus de pardon et de guérison est amorcé. Au niveau opérationnel, les méthodes de la justice réparatrice ressortent avec le plus d’acuité dans les rencontres de réconciliation entre victime et délinquant (Hudson et Galaway, 1996; Umbreit, 1994). Il est cependant possible d’englober dans la même catégorie les programmes de dédommagement et de services communautaires (Hudson, 1992; Walgrave, 1992)1. Récemment, des approches qui trouvent leur source dans les collectivités autochtones, comme les conseils de détermination de la peine et les conférences familiales, se sont étendues au système de justice pénale général en Amérique du Nord. Ces programmes ont de nombreux traits communs avec la justice réparatrice (p. ex. la médiation, la participation de la collectivité), bien qu’il y ait eu un certain débat sur leurs avantages (LaPrairie, 1998; Umbreit et Zehr, 1996). On peut faire remonter l’origine de la justice réparatrice aux programmes de réconciliation victime - délinquant (PRVD) conçus au début des années 70. Le premier programme a vu le jour à Kitchener (Ontario), en 1974. Le programme, sous l’égide de l’Église mennonite de l’endroit, faisait appel à des techniques de médiation structurées dans le cadre de rencontres du délinquant et de la victime. Ces rencontres avaient pour but de répondre au besoin qu’éprouvaient les deux parties d’être mieux renseignées sur le processus de justice pénale, et d’atténuer les troubles émotifs que pouvait vivre la victime. Le PRVD diffère des rencontres délinquant - victime des programmes de dédommagement en ce sens qu’on insiste plus sur la réconciliation que sur la réparation financière. 1 Cela n’est pas sans poser de problèmes, car nombre de programmes de dédommagement et de services communautaires sont appliqués par l’État et même prévus par la loi. Il y a donc affaiblissement de l’aspect médiation entre victime et délinquant. 2
Après le programme de Kitchener, un PRVD a été instauré à Elkhart (Indiana) en 1978 (là encore par l’Église mennonite de l’endroit). Depuis, les PRVD ont proliféré. La recension que Umbreit (1994) a faite des programmes existant aux États-Unis a permis de constater que, alors qu’il y avait 50 PRVD en 1986, on en dénombrait 123 en 1994. Cette croissance ne s’est pas limitée aux États-Unis. Au Canada, pays d’origine des PRVD, on estimait qu’il y en avait 26 tandis qu’il y en avait plus de 500 en Europe (Conseil des Églises pour la justice et la criminologie, 1996; Umbreit, 1994). La justice réparatrice a deux caractéristiques importantes : 1) la victime et la collectivité participent à l’administration de la justice et 2) le délinquant reste dans la collectivité. La place accordée à la victime est un élément particulièrement important. Les promoteurs de la justice réparatrice ont vivement reproché au système de justice pénale de négliger les victimes du crime et de faire porter l’essentiel de son attention sur la punition et la réadaptation des délinquants. Le fait de rencontrer le délinquant répond à certains besoins de la victime (p. ex. satisfaction sur le plan émotif et guérison personnelle) et incorpore le point de vue de la victime dans l’adminis- tration de la justice. C’est ainsi que la justice réparatrice donne à la victime le sentiment qu’elle peut faire quelque chose. Si la victime joue un rôle central, selon les principes de la justice réparatrice, il existe aussi un autre objectif, celui de gérer le délinquant hors du milieu carcéral. La plupart des programmes de justice réparatrice se présentent comme une solution de rechange à l’incarcé- ration et aux méthodes traditionnelles de poursuite judiciaire (Nuffield, 1997). Les programmes s’appliquent aux délinquants soit avant leur condamnation (le plus souvent dans le cas des jeunes contrevenants) ou avant la détermination de la peine (habituellement dans le cas des adultes) L’objectif est d’éviter l’incarcération et de garder le délinquant dans son milieu. Il importe aussi de signaler que les principes de la justice réparatrice peuvent s’appliquer tout au long du processus de justice pénale. Ainsi, la victime et le délinquant peuvent se rencontrer au moment où celui-ci est incarcéré et prépare sa libération conditionnelle. Il est toutefois relativement rare que cela se fasse à cette étape. 3
Évaluations de la justice réparatrice Les recherches visant à évaluer les programmes de justice réparatrice vont de descriptions générales des modalités des programmes jusqu’à des études plus poussées avec groupes témoins en passant par des comptes rendus non scientifiques qui illustrent la valeur des programmes. Sur le plan de la méthodologie, les observations isolées sont la forme de preuve la moins solide. La majorité des évaluations de la meilleure qualité portent avant tout sur le succès des programmes dans la poursuite des objectifs de la justice réparatrice. Il s’agit en somme de voir s’ils réussissent à réunir la victime et le délinquant, s’ils aboutissent à des ententes de dédomma-gement et de services communautaires, s’ils atténuent les troubles émotifs vécus par la victime, etc. Évaluer les programmes en fonction de ces objectifs cadre parfaitement avec l’optique de la justice réparatrice. Dans quelle mesure les programmes atteignent-ils les objectifs de la justice réparatrice? Les résultats des études sont très favorables. Les victimes et les délinquants se disent satisfaits des rencontres de conciliation, des accords de dédommagement (s’il y a lieu) et des ententes de services communautaires. À l’évidence, ces constatations sont importantes pour le maintien de ces programmes. Après tout, si le personnel et les clients ne voyaient aucun intérêt au service, les doutes planeraient sur l’avenir du programme. L’importance générale de la « satisfaction du client » est toutefois atténuée par les difficultés qu’on éprouve dans beaucoup de programmes à réunir la victime et le délinquant. Ainsi, Gehm (1990) a constaté que 53 % des victimes, dans six PRVD refusaient de rencontrer le délinquant. Par conséquent, les conclusions sur la satisfaction à l’égard du programme reposent souvent sur des échantillons très sélectifs. Il y a d’autres problèmes dans l’interprétation de cotes de satisfaction élevées, notamment l’influence des divers types de délinquants et de victimes. La majorité des PRVD visent des jeunes contrevenants qui ont commis des infractions relativement peu graves. Le plus souvent, les victimes adultes sont plus indulgentes envers des jeunes ou des délinquants qui ont commis des crimes de peu de gravité (Gehm, 1990). Cela fait donc monter le degré de satisfaction. En ce qui concerne les victimes, Umbreit (1990) en a décrit trois types qui peuvent réagir différemment face aux délinquants. Il y a le « guérisseur », le « réparateur » et le « vengeur ». Le premier se soucie de la réadaptation, le « réparateur » cherche à obtenir réparation du préjudice et le 4
« vengeur » peut ne pas être porté, de toute évidence, à rencontrer le délinquant ni à donner une évaluation favorable des méthodes de justice réparatrice. La médiation victime - délinquant et la satisfaction de la victime ne sont pas les seuls objectifs de la justice réparatrice. Il ne faut pas oublier la sécurité de la collectivité (Bazemore, 1996). Il y a peu d’études raisonnablement bien conçues sur les effets des programmes de justice réparatrice sur la récidive. Ainsi, la bibliographie de McCold (1997), qui recense 552 rapports sur la justice réparatrice, n’en relève que deux qui ont utilisé un groupe témoin et livrent des données sur la récidive. Pour étudier plus à fond l’effet des programmes de justice réparatrice sur la récidive, nous avons entrepris une brève étude méta-analytique de la littérature. La méta-analyse est une méthode quantitative employée pour résumer la littérature, et elle a en grande partie remplacé l’examen narratif plus courant. Prenant comme point de départ la bibliographie de McCold (1997), nous avons mené notre propre recherche dans la littérature et avons relevé 14 évaluations de programmes de justice réparatrice donnant 20 estimations de l’importance de l’effet (coefficients phi). Pour qu’une étude soit retenue, il fallait qu’il y ait un groupe témoin et que la récidive soit indiquée de façon à permettre le calcul du coefficient phi. Celui-ci est une mesure de l’association utilisée pour évaluer la relation entre deux variables dichotomiques. Dans notre cas, nous avons évalué l’association entre la présence ou l’absence de justice réparatrice et de récidive (oui/non). Nous avons suivi les procédures de codage employées par Andrews, Zinger et leurs collaborateurs (1990) dans leur méta-analyse de la littérature sur la réadaptation des délinquants. De plus, lorsqu’il y avait plus d’un résultat sur les effets dans une seule étude, la moyenne a été établie selon la méthode décrite par Bonta, Law et Hanson (1998) de façon à obtenir un seul résultat par étude. On trouvera à l’annexe A les résultats détaillés de la méta-analyse. Le coefficient phi moyen, après rajustements pour tenir compte de la taille de l’échan- tillon et des taux de base, était de 0,08, valeur qui correspond à une diminution d’environ 8 %, en gros, de la récidive, diminution associée à des programmes ayant des caractéristiques propres à la justice réparatrice. Ces résultats sont prometteurs, certes, mais on observe des fluctuations 5
considérables d’une étude à l’autre. Certaines font état d’une très importante diminution de la récidive (p. ex. Heinz et coll., 1976) tandis que d’autres ont constaté une augmentation du taux de récidive (p. ex. Bonta et coll., 1983). Pis encore, toutes les études passées en revue avaient des lacunes sur le plan de la méthodologie. Aucune n’a employé l’assignation aléatoire de sujets dans le groupe d’étude ou le groupe témoin et rares sont celles qui ont utilisé un groupe témoin comparable. Pour illustrer certaines des difficultés éprouvées dans l’évaluation des programmes de justice réparatrice, prenons l’une des études de résultats les plus perfectionnées, l’évaluation quasi expérimentale que Umbreit (1994) a consacrée à quatre PRVD. Les programmes visaient des jeunes contrevenants (âge moyen de 15 ans), pour la plupart à leur première infraction (73 %). L’un des groupes témoins était composé de victimes et de délinquants, de même âge, de même sexe, de même race et ayant commis le même type d’infraction, mais qui n’ont pas été soumis au processus de médiation. Comme dans la plupart des évaluations de PRVD, Umbreit a relevé un haut degré de satisfaction (plus de 90 %) à l’égard des rencontres de réconciliation victimes - délinquants. Il y avait cependant un taux d’attrition de 64 % (p. 62) et 95 % des médiations ont mené à des ententes de dédommagement. Le degré de satisfaction a donc été ainsi mesuré d’après un échantillon de victimes qui avaient reçu une indemnisation. Fait important, on a néanmoins constaté que les victimes qui ont participé au PRVD étaient moins perturbées par le crime et disaient moins craindre d’être de nouveau victimes. Un suivi effectué un an après le programme a permis de constater que le groupe témoin avait un taux de récidive de 27 % tandis qu’il était de 18 % pour les jeunes qui avaient participé au PRVD. Cette différence n’est toutefois pas statistiquement significative. Umbreit (1994, p. 117) explique en ces termes l’absence de différences statistiquement significatives : « Il est naïf de croire qu’une intervention limitée dans le temps, comme la médiation seule (peut-être de quatre à huit heures par cas) puisse modifier radicalement le comportement criminel et délinquant ». Au sujet des principes de la justice réparatrice, Umbreit signale que ce haut niveau de satisfaction chez les victimes est un résultat que les procédés traditionnels de la justice pénale n’ont jamais pu obtenir. 6
Pour résumer, les études sur la justice réparatrice font clairement ressortir à quel point il est complexe d’appliquer et d’évaluer une approche qui est relativement nouvelle en Amérique du Nord. La participation de la victime et de la collectivité au processus de justice pénale exige que l’on prenne en en considération des facteurs normalement négligés par le système traditionnel de justice pénale. Les recherches effectuées jusqu’à maintenant montrent que les approches de la justice réparatrice peuvent avoir un effet appréciable sur l’attitude des victimes à l’égard des délinquants et du système de justice pénale. Quant à la récidive, l’efficacité des programmes est faible, mais ils ont un effet positif. La plupart des études portent toutefois sur des échantillons de jeunes contrevenants, et elles comportent toutes de graves lacunes méthodologiques. Programme de solutions réparatrices De nombreux programmes de justice réparatrice ont comme perspective la défense de la victime. Mais le Programme de solutions réparatrices (SR) est assez unique à cet égard. En effet, il est appliqué par l’entremise de la Société John Howard du Manitoba, organisme bénévole qui s’occupe de délinquants. Malgré cela, le programme tente d’appliquer les principes de la justice réparatrice, soit réparer le préjudice causé aux victimes, encourager la participation de la collectivité au processus de justice pénale et gérer le délinquant dans la collectivité. L’une des plus importantes caractéristiques du programme SR est la recherche de solutions de rechange à l’incarcération, dans un contexte de justice réparatrice, et c’est là une des raisons qui justifient l’évaluation du programme. Le Programme de SR a vu le jour en octobre 1993 comme projet pilote. Les services correctionnels communautaires, les services correctionnels pour les jeunes, les procureurs de la Couronne, les avocats de la défense, les juges, les organismes communautaires, les membres des familles et les prévenus eux-mêmes ont été invités à proposer des candidatures. Le principal but du programme était d’offrir une solution de rechange à l’incarcération. Des règles ont donc été adoptées pour s’assurer que les délinquants acceptés dans le programme seraient vraisembla- blement condamnés à une peine de prison s’ils ne participaient pas au programme. 7
Les délinquants proposés devaient satisfaire aux conditions de base suivantes : 1) La Couronne recommandait une peine de détention d’au moins dix mois. Cependant, comme il n’y a pas eu beaucoup de candidatures au début du programme, cette exigence a été ramenée à neuf mois le 1er janvier 1995, puis, progressivement, jusqu’à un minimum de six mois. 2) Le délinquant devait plaider coupable. 3) Le délinquant devait avoir la motivation voulue pour participer à un programme communautaire qui comprenait une rencontre avec la victime (si celle-ci acceptait) et pour participer aux programmes prescrits par le personnel du SR. Outre ces critères, d’autres précautions ont été prises pour éviter de ratisser trop large. Des efforts ont été faits pour accepter dans le programme des délinquants qui avaient déjà été incarcérés ou qui avaient déjà enfreint les conditions d’une ordonnance de probation. Par contre, les délinquants coupables d’agressions sexuelles, de crimes liés au gangstérisme ou aux drogues ou bien qui avaient commis des actes de violence en milieu familial ont été écartés. Malgré ces considérations secondaires, la recommandation d’une peine d’incarcération par la Couronne demeurait le principal critère de sélection. Ainsi, même des délinquants qui en étaient à leur première infraction étaient admissibles, à la condition que la Couronne ait recommandé une peine de prison d’au moins six mois. Une fois le délinquant accepté, le personnel du programme mettait au point un plan personnalisé de justice réparatrice. On essayait, entre autres, d’obtenir à ce sujet la collaboration de la victime et des membres de la collectivité. Au besoin, le plan portait également sur les besoins en traitement du délinquant. Une fois accepté par le juge, le plan était appliqué et le personnel du programme fournissait ou obtenait les services qui y étaient décrits. Évaluations provisoires Il y a déjà eu deux évaluations du Programme SR. La première a été celle de Richardson et Galaway (1995). Le programme était alors à mi-parcours des trois années prévues par les mesures de financement. En général, les résultats ont confirmé que le programme visait des délinquants susceptibles de se voir imposer une peine d’incarcération. Mais les candidats ont été 8
bien moins nombreux que prévu. Par conséquent, après la sélection des délinquants en fonction des critères du programme, l’élaboration des plans et l’acceptation par le tribunal, seulement 32 délinquants ont participé. Ce faible nombre a été attribué au fait que le programme en était encore au stade expérimental. À l’étape initiale du programme, il a fallu consacrer beaucoup de temps à faire connaître le programme et à susciter d’aiguillage de cas. Richardson et Galaway (1995) ont également fait état des observations recueillies auprès de victimes et d’un sondage de l’opinion publique. Beaucoup de victimes ont hésité à participer au programme et à l’évaluation. Elles voulaient oublier l’incident et avaient trop à faire pour participer. Seules deux victimes ont accepté d’être interviewées par le personnel du programme. Chose curieuse, la moitié des 16 délinquants interviewés par les évaluateurs estimaient que la plupart des délinquants ne veulent pas rencontrer leurs victimes. Dans le cadre du sondage mené dans la région de Winnipeg, un certain nombre de questions ont été posées à 814 personnes au sujet de leur opinion sur les principes de la justice réparatrice. On a constaté un soutien considérable pour ces principes. Près des trois quarts des répondants (72 %) ont dit qu’ils seraient disposés à participer à une médiation entre victime et délinquant, ce qui est loin de correspondre à l’expérience du personnel du programme. De plus, les deux tiers préféraient recevoir un dédommagement plutôt que de voir le délinquant condamné à la prison. La deuxième évaluation a été menée de façon à porter sur une période plus longue et donc sur un échantillon plus important. Bonta et Gray (1996) ont ajouté 14 mois à l’évaluation précédente (jusqu’en avril 1996). Le taux d’acceptation des délinquants dans le programme est resté inchangé d’une évaluation à l’autre, malgré le fait que le critère de recommandation d’emprisonnement ait été ramené à une peine de neuf mois. Au cours des 31 premiers mois, 54 clients ont été acceptés (sur 190 cas aiguillés vers le programme). Le programme semblait toujours viser les délinquants destinés à la prison. Dans tous les cas, le procureur avait recommandé une peine de neuf mois ou plus. Si on compare les résultats des deux évaluations, on constate qu’il y a également eu une augmentation du recours aux méthodes de justice réparatrice. La première évaluation avait indiqué que le tiers des plans comportaient un dédommagement et 37 %, des travaux communautaires. À la deuxième 9
évaluation, les proportions étaient d’un peu plus de la moitié pour le dédommagement, et de 96,6 % (la quasi-totalité) pour les travaux communautaires. Le personnel du programme a communiqué avec 122 victimes, mais la majorité (79,5 %) ne souhaitaient pas rencontrer le délinquant. Il n’y a eu que 11 rencontres victime - délinquant. Bonta et Gray (1996) ont fait une évaluation préliminaire des résultats. Il n’a pas été possible de faire l’évaluation après programme, car beaucoup de délinquants du Programme de SR étaient soumis à de longues périodes de probation. Ils ont donc fait une évaluation d’un an en cours de programme. Sur 35 délinquants soumis au programme pendant au moins un an, 80 % ont réussi. Deux des sept échecs ont été dus à une nouvelle infraction. Ce taux de succès se compare favorablement à ceux d’un groupe de délinquants en probation ayant des profils de risques et de besoins similaires. Évaluation présente L’évaluation que voici s’ajoute aux rapports antérieurs et prolonge la période visée jusqu’au 9 mai 1997. De plus, un effort concerté a été fait pour vérifier toutes les données disponibles en puisant à des sources multiples et pour réduire au minimum les données manquantes. Les rapports antérieurs ont fait appel à des banques d’information dont les données comportaient des lacunes pour de nombreux cas. Les dossiers officiels ont été consultés et les lacunes de l’information ont été comblées. Par la même occasion, nous avons vérifié les incohérences au moyen des dossiers correctionnels et corrigé les erreurs. En conséquence, certaines données figurant dans le présent rapport peuvent ne pas correspondre tout à fait à celles dont il a déjà été fait état. Pourtant, malgré ces efforts, certaines données manquent toujours. Analyse des résultats Les programmes de justice réparatrice ont des objectifs multiples. Le succès peut se mesurer de plusieurs façons : bon ciblage des clients, réalisation des objectifs de la justice réparatrice comme la tenue de rencontres entre les victimes et les délinquants, et réduction de la récidive. Comme il s’agit d’une solution de rechange à l’incarcération, il doit être établi aussi 10
que le programme ne s’étend pas à des personnes qui ne tomberaient pas autrement sous le contrôle des services correctionnels. Tous ces objectifs ont leur intérêt, et la valeur globale du programme dépend du nombre d’objectifs atteints et de la mesure dans laquelle ils sont atteints. Dans la présente évaluation, nous indiquons dans quelle mesure le programme réussit à atteindre ces objectifs. Pour être plus précis, nous présentons les résultats au sujet de ce qui suit : 1) sélection de la clientèle cible; 2) réalisation des objectifs de la justice réparatrice; 3) application d’une solution de rechange à l’emprisonnement; 4) réduction de la récidive. Avant d’aller plus loin, voici quelques observations sur la vérification de la signification statistique. Tout au long du rapport, de nombreuses comparaisons et prévisions sont faites au sujet des délinquants encadrés par le Programme de SR et ceux qui n’ont pas pris part au programme. Lorsque des différences ou des relations sont décelées, il faut se demander si les résultats ne sont pas le fait du hasard. Il est pratique courante en sciences, lorsque la probabilité que les résultats soient dus au hasard est inférieure à 5 %, de considérer ces résultats comme « statistiquement significatifs ». De tels résultats sont normalement exprimés au moyen de la valeur de probabilité, p < 0,05. Il arrive parfois que nous fassions état de valeurs de p < 0,01 (lorsque qu’il y a moins d’une chance sur cent que les résultats soient dus au hasard) et de p < 0,001 (une chance sur mille). Enfin, il faut signaler que, lorsque la taille de l’échantillon est faible, il devient plus difficile de déceler des relations statistiquement significatives. Lorsque cela se produit, nous essayons de le signaler au lecteur. 1. Sélection de la clientèle cible Il y a un certain nombre d’étapes à franchir avant qu’un délinquant ne devienne un client du Programme de SR. Les délinquants doivent être aiguillés vers le programme et satisfaire aux critères de sélection, et il faut que les plans soient élaborés et acceptés par le tribunal. Et, dans ce cheminement, il y a de nombreux points où les délinquants peuvent être écartés du programme. La figure 1 illustre l’attrition considérable qui se produit depuis l’aiguillage jusqu’au moment où le délinquant est condamné à suivre le programme. Au cours de la période visée par la présente évaluation (du 1er octobre 1993 au 9 mai 1997), 297 délinquants ont été proposés. Cependant, seulement 99 plans ont été acceptés par les tribunaux. 11
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Figure 1. Processus des solutions réparatrices Cas proposés 94 délinquants ne répondaient pas aux critères 297 5 attendaient l’acceptation - 99 Cas admissibles (critères 24 délinquants ont été refusés par le respectés) Programme 198 - 24 24 n’avaient pas de plan Cas acceptés 20 avaient des plans en attente 174 1 a récidivé avant que le plan ne soit préparé - 45 9 délinquants avaient un plan préparé qui Préparation de plan de SR n’a pas été soumis 129 -9 3 délinquants rejetés, mais SR a surveillé leur Plan soumis à la défense, à la probation après la détention Couronne et au juge 15 délinquants – rejet du plan par le juge 3 délinquants, plan préparé – en attente de 120 décision du tribunal - 21 Acceptation de plans par le juge 1 délinquant en prison, surveillance du SR en 99 attendant libération 1 plan accepté par le juge, mais la Couronne interjette appel 1 délinquant sous surveillance, mais non confié au Programme SR -5 2 délinquants non à risque pendant un an 94 délinquants de SR à risque pendant un an 13
Délinquants aiguillés vers le Programme de SR. Un peu plus des trois quarts des délinquants dirigés vers le Programme étaient des hommes, et un peu plus de la moitié étaient célibataires. L’âge moyen était de 27,8 ans (écart-type = 9,7). Un jeune contrevenant a été proposé, mais n’a pas été accepté. Étant donné que le programme était destiné aux délinquants qui allaient vraisemblablement se voir imposer une peine d’emprisonnement, il n’est pas étonnant que 65 % des cas aient déjà eu par le passé des contacts avec le système de justice pénale. Le tableau 1 donne de l’information sur la source des aiguillages et les caractéristiques des délinquants proposés. Comme il a été signalé dans les évaluations antérieures du Programme de SR, ce sont les avocats de la défense qui ont présenté le plus de candidats. Il y a eu des différences appréciables quant au type de délinquant proposé par des sources différentes. Les cas aiguillés par la Couronne traduisaient une plus grande prudence (voir tableau 2). En moyenne, ces délinquants avaient à leur bilan moins de manquements aux conditions de probation et moins de peines d’emprisonnement (0,4 et 1,4 respectivement). De plus, seulement 16,2 % étaient inculpés d’un crime avec violence. Les candidats qui se sont présentés d’eux-mêmes avaient, ce qui n’est guère étonnant, la plus haute moyenne de manquements aux conditions de probation (2,0) et d’incarcérations antérieures (6,6). 14
Tableau 1. Caractéristiques des délinquants proposés Variable % Hommes 78,6 Célibataires 58,8 Source des aiguillages: Défense 57,2 Probation 14,8 Délinquant lui-même 13,1 Couronne 12,5 Autre 2,3 Race: Blancs 62,8 Autochtones 17,4 Métis 10,3 Autres 9,6 Source de revenu: Emploi 36,0 Assistance sociale 46,4 Famille/autre 17,6 Inculpation la plus grave: Personne 32,7 Biens 59,2 Alcool/conduite en état d’ébriété/drogues 5,7 Autre 2,4 Première infraction 35,0 Moyenne Âge (années) 27,8 Niveau de scolarité 10,6 15
Tableau 2. Caractéristiques des délinquants selon l’origine Source de l’aiguillage Caractéristiques Couronne Probation Défense Délinquant Manquements aux conditions de probation 0,4 1,0 0,7 2,0 Incarcérations antérieures 1,4 3,5 2,1 6,6 Accusations en cours 5,0 2,6 4,1 6,1 % actes violents 16,2 31,8 34,5 39,5 Admission au programme. Des 297 cas proposés, 174 ont satisfait aux critères de sélection du Programme et ont ensuite été acceptés par le personnel chargé du programme. Le critère le plus important était la recommandation, par la Couronne, d’une peine de prison de plus de six mois. Dans 91,4 % des cas acceptés par le personnel, la Couronne recommandait effectivement au moins six mois d’emprisonnement. On n’a pu obtenir une information précise sur la peine recommandée par la Couronne que pour 61 cas, candidatures acceptées et rejetées confondues2. Pour les délinquants admis au programme, la peine recommandée était plus longue (18,0 mois, écart-type = 9,5, n = 45) que pour les 16 délinquants rejetés par le personnel du SR (9,7 mois, écart-type = 6,0; t = 3,3, p < 0,01). Ces constatations confirment tout à fait la conclusion selon laquelle le personnel du programme a ciblé les délinquants qui feraient vraisemblablement l’objet d’une peine d’emprisonnement, et à qui il s’agissait d’offrir une solution de rechange. 2 Les recommandations ont été consignées pour tous les cas acceptés, mais souvent seulement par catégorie (p. ex., plus de 10 mois). Dans les cas refusés, les recommandations n’ont pas été consignées systématiquement. 16
Au-delà des différences concernant les cas proposés par la Couronne, il y avait peu de différences entre les délinquants considérés comme répondant aux critères du programme et ceux qui n’ont pas été acceptés (tableau 3). Les délinquants qui en étaient à leur première infraction étaient surreprésentés, 43,7 % d’entre eux étant acceptés, contre un taux de rejet de seulement 14,8 % (χ2 = 21,77, nu = 1, p < 0,001). Les délinquants inculpés de crimes contre la personne et les délinquants métis ou autochtones étaient moins susceptibles d’être acceptés (χ2 = 5,21, p < 0,05 et χ2 = 7.36, p < 0,01 respectivement). Tableau 3. Caractéristiques des délinquants et admission au SR (n) Variables Acceptés (174) Refusés (118) p Antécédents criminels : % première infr. 43,7 (76) 14,8 (13) 0,001 Nbr. infr. antérieures 0,9 (93) 0,8 (51) ns Nbr. détentions ant. 3,0 (93) 2,3 (52) ns Nbr. infr. actuelle 4,4 (174) 4,1 (116) ns Infraction la plus grave (%) : (174) (117) Personne 28,2 41,0 0,05 Biens 66,7 44,4 Alcool/drogues 2,3 10,3 Autres 2,8 4,4 Âge (années) 27,8 (173) 28,0 (105) ns % hommes 77,5 (173) 81,2 (117) ns % jamais mariés 57,4 (169) 63,4 (71) ns % aide sociale 42,9 (168) 55,9 (68) ns Race (%): (172) (105) 0,01 Non-autoch. (n=200) 77,9 62,9 Autochtones (n=77) 22,1 37,1 Nota: p = probabilité; ns = non significatif Les chiffres peuvent varier à cause de lacunes dans les données. Cinq cas non tranchés sont classés dans le groupe des cas refusés. 17
D’autres analyses des données disponibles au sujet des Autochtones dirigés vers le programme n’ont permis de relever aucune différence entre les délinquants acceptés et ceux qui ont été refusés. Il n’y avait pas de différence quant à l’âge et au sexe entre les deux groupes, et les antécédents criminels (p. ex., nombre d’inculpations ou d’incarcérations antérieures) étaient semblables. La seule différence qui ait été relevée est qu’une proportion nettement plus forte des délinquants autochtones retenus pour participer au programme par le personnel étaient inculpés de crime contre la personne que cela n’était le cas chez les non-autochtones (42,1 % contre 23,9 %; χ2 = 4,89, p < 0,01). Un important facteur non lié au délinquant qui a pu influer sur l’acceptation des cas a été la source de l’aiguillage. La Couronne en a présenté relativement peu, mais la plupart ont été acceptés (83,8 %). Viennent au deuxième rang les cas proposés par les avocats de la défense, qui ont été acceptés à 69,3 %. Les chances de succès étaient moins bonnes lorsque les délinquants étaient proposés par un agent de probation ou lorsque le délinquant se proposait lui-même (34,9 % et 20,5 % respectivement). Pour résumer, la recommandation d’incarcération ainsi que l’aiguillage vers le programme présentés par la Couronne étaient associés à l’acceptation dans le programme. La première constatation cadre bien avec le critère d’acceptation qu’est la recommandation de peine d’emprisonnement. Cette recommandation garantit que le programme constitue une vraie solu- tion de rechange à l’incarcération. La forte probabilité d’acceptation lorsque le cas est aiguillé par la Couronne laisse soupçonner l’existence d’un certain nombre de facteurs médiateurs. Tout d’abord, les efforts concertés du personnel du programme pour sensibiliser les procureurs de la Couronne au programme ont permis à ces avocats de mieux connaître les critères du programme. Ils étaient donc mieux placés pour proposer des cas convenant bien au programme. Deuxième- ment, lorsqu’un cas est proposé par la Couronne cela signifie, pour le personnel du programme, qu’il y a de bonnes chances pour que le tribunal accepte le plan proposé, hypothèse que confirment les constatations dont il est fait état plus loin. Un autre facteur critique, pour être accepté dans le programme, est la motivation du délinquant. Le personnel écartait les délinquants qu’il ne jugeait pas prêts à assumer la 18
responsabilité de leur comportement ou à rencontrer la victime. Malheureusement, il n’y a pas de données disponibles sur le nombre de cas refusés parce qu’ils n’étaient pas suffisamment motivés. Une fois les délinquants acceptés, des plans personnalisés étaient élaborés. En général, 85,6 % des 174 délinquants acceptés avaient un plan préparé ou le plan était à l’étude. L’élaboration d’un plan de gestion du délinquant en milieu communautaire demande beaucoup de temps au personnel. En moyenne, il a fallu 25,5 heures par cas. Cependant, seulement 120 plans ont été présentés officiellement au tribunal, et il s’est écoulé en moyenne 112 jours (écart-type = 68,0) entre l’acceptation par le personnel du programme et l’approbation par le juge. Il n’y a pas eu de plans élaborés dans le cas de 25 délinquants, et 20 autres étaient à l’étude. Neuf plans ont été préparés, mais n’ont jamais été présentés. Des 120 plans présentés au tribunal, le juge en a rejeté 18 et trois étaient en attente de décision. En fin de compte, le tribunal a accepté les plans de 99 délinquants, soit 82,5 % des cas soumis. Selon les données disponibles sur 97 délinquants, la période de probation imposée a été en moyenne de 28,5 mois (écart-type = 6,8). La plupart des plans ont été acceptés sans modification (73,2 %). Dans 22,7 % des cas, le tribunal a ajouté des conditions au plan et, dans seulement 4,1 %, il a supprimé des éléments. Les délinquants dont le plan a été accepté par le tribunal ne différaient pas, par la race, l’emploi, l’état civil et le sexe, de ceux qui ont essuyé un refus. Les chances d’être accepté étaient moins bonnes pour les auteurs de crimes contre la personne. Sur les 18 refus, 11 délinquants (61,1 %; χ2 = 7,04, p < 0,01) avaient commis un crime contre la personne. Là encore, l’influence de la Couronne était perceptible. Le tribunal n’a refusé qu’un seul des 57 délinquants proposés par les procureurs de la Couronne. Seulement 21,1 % des délinquants qui avaient commis un crime contre la personne ont été appuyés par la Couronne. Compte tenu de la forte attrition entre l’acceptation par le personnel du programme et la décision du tribunal (de 174 à 99), nous avons fait une analyse des cas rejetés. Les évaluations d’après le test de classification risques-besoins du Manitoba n’ont mis en lumière aucune différence quant aux risques et aux besoins. Le score moyen des délinquants retenus était de 19
10,3 et celui des personnes écartées de 10,2 (t = -0,09). Il n’y avait pas de différence non plus en ce qui concerne les antécédents criminels, l’âge, le sexe et la source des revenus. Comme on le mentionne plus haut, le critère de sélection qu’était la recommandation d’incarcération par la Couronne a changé avec le temps. Cela nous a amenés à nous demander si le type de délinquant accepté dans le programme avait, lui aussi, évolué au cours des trois ans et demi du programme. Le tableau 4 illustre les caractéristiques des délinquants aux trois étapes du programme. Bien qu’une légère tendance à accepter des délinquants à plus faible risque semble se dessiner, la plupart des changements ne sont pas statistiquement significatifs. Ainsi, le score des risques et des besoins établi au moyen du test de classification du Manitoba a diminué depuis le début du programme. Les seuls changements statistiquement significatifs concernaient le type d’infraction et la race. Par rapport au début, le programme a accepté moins de délinquants qui avaient commis des crimes contre la personne (χ2 = 3,91, p < 0,05) et de délinquants autochtones ou métis (χ2 = 5,69, p < 0,05). Tableau 4. Caractéristiques des délinquants par période d’évaluation (n) Période Résultats T1 (70) T2 (49) T3 (55) Première infraction (%) 40,0 49,0 43,6 Nbr. accusations en cours 2,9 3,9 6,6 Nbr. manquements probation 1,3 0,1 0,9 Nbr. détentions antérieures 3,9 2,6 2,3 Infraction violente (%) 36,2 24,5 20,0 Infr. contre biens (%) 59,4 71,4 72,7 Score risques-besoins 11,3 10,2 9,8 Autochtones/Métis (%) 30,4 22,9 11,0 Aide sociale (%) 50,0 37,0 38,9 Source de l’aiguillage (%) : 20
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