La marque Girl Effect : utiliser la démocratie des marques pour renforcer leur affinité

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La marque Girl Effect : utiliser la démocratie des marques pour renforcer leur affinité
La marque Girl Effect :
utiliser la démocratie des marques
pour renforcer leur affinité
Nathalie Kylander

Décembre 2011

Rédigé aux fins de débat à la Conférence du 8 décembre 2011 sur le rôle des marques dans le secteur à but non lucratif, avec l’appui
de la fondation Rockefeller. Ce projet a été rendu possible grâce à la vision et au soutien généreux de la Fondation Rockefeller.
La marque Girl Effect : utiliser la démocratie des marques pour renforcer leur affinité
La marque Girl Effect : utiliser la démocratie
des marques pour renforcer leur affinité
                « Nous pensons beaucoup à appréhender de                     démontrer à tous la raison logique de l’investissement dans
                nouveaux territoires », déclare Emily Brew,                  les filles. Girl Effect a été le moyen élaboré pour réaliser ces
                directrice créative de la marque de la fondation             deux objectifs
                Nike et moteur de l’initiative « Girl Effect ».
                « L’initiative Girl Effect vient surtout de Nike et          Nike, pourquoi ?
de notre culture d’entreprise. Pour nous, notre métier consiste à
                                                                             En réponse à la question de savoir ce qui a motivé la fondation
mettre sur pied un mouvement et nous voulons véritablement
                                                                             Nike à appuyer les filles et développer Girl Effect, Emily Brew
voir comment appuyer les filles. Nous ne cherchons pas des
                                                                             avance qu’il s’agissait davantage de faire jouer à fond les
solutions de facilité, mais nous savons que nous ne pouvons
                                                                             capacités et les points forts de Nike et non pas faire de la
pas non plus réussir seuls ».
                                                                             publicité pour Nike. « Les noms du monde à but non lucratif se
                                                                             servent d’ordinaire de leur marque pour les mobilisations de
Antécédents et contexte                                                      fonds et les fondations d’entreprise s’intéressent, elles, à l’image
La fondation Nike a été créée en 2004 par Maria Eitel, l’ancienne            de marque de leurs société », déclare-t-elle. Selon Mme Brew, la
(et première) vice-présidente de la Responsabilité d’entreprise,             fondation Nike a abordé les choses différemment car elle s’est
en vue de mettre fin à la pauvreté intergénérationnelle dans le              attachée à appliquer la démarche originale d’innovation de Nike
monde. « Au départ, les filles n’étaient pas pour nous la réponse            à un thème extérieur aux intérêts commerciaux de la société. La
manifeste », explique-t-elle. « Nous avons beaucoup étudié la                fondation Nike n’avait pas uniquement pour but de distribuer
question, mais en bref nous avons réalisé que les femmes étaient             des chèques ; il s’est agi de trouver un moyen pour utiliser les
touchées de façon disproportionnée par la pauvreté, ce qui avait             compétences acquises de Nike, la société, pour avoir un impact
une énorme incidence également sur leurs enfants. Nous avons                 bien supérieur à celui d’une petite fondation. « Nous avons
compris que le carrefour essentiel dans la vie d’une femme                   voulu être le catalyseur qui pilote la création de la demande »,
pauvre se situe au passage de l’adolescence à l’âge adulte.                  ajoute Emily Brew, « nous avons voulu convaincre un grand
L’adolescence des filles est le point où l’effet de levier est le plus       nombre de personnes et créer cette demande chez nous ».
fort : en investissant dans les adolescentes, on peut arrêter la
pauvreté avant qu’elle ne commence »1. Cette réalisation est au              Création et évolution d’une marque
cœur de ce qui allait devenir, quatre ans plus tard, Girl Effect
(l’effet fille).                                                             En mai 2008, la fondation Nike, appuyée par un investissement
                                                                             important de la fondation NoVo, lance simultanément le site
Selon Maria Eitel, les adolescentes avaient été en grande                    Web « girleffect » (http://www.girlleffect.org), la chaîne Girl Effect
partie ignorées par la communauté du développement, et leur                  sur You Tube, la première vidéo GirlEffect et, sur globalgiving.
potentiel, sous-évalué et sous-estimé. Pour de nombreuses filles             com, le fonds Girl Effect. En mai 2008, la page Girl Effect ouvre
qui vivent dans la pauvreté dans les pays en développement, les              sur Facebook, mais ne sera totalement intégrée qu’en août 2009.
opportunités commencent à disparaître dès l’âge de 12 ans. Les               En septembre 2010, une deuxième vidéo sort (intitulée « The
filles sont retirées de l’école, et font alors face aux mariages et          Clock is Ticking ») pendant la conférence de l’Initiative Clinton,
aux grossesses précoces et aux risques d’infection par le VIH.               et le site est en même temps remanié et Girl Effect est lancé sur
Selon quelques programmes novateurs, si les filles pouvaient                 Twitter. Il est intéressant de noter que le compte Twitter de Girl
finir l’école, retarder le mariage et la procréation, les avantages          Effect a été lancé en 2009 par une militante farouche des filles :
obtenus engloberaient leurs enfants, leurs proches et leur                   Keely Solimene, mère d’adolescentes, habitant en Illinois. Inspirée
communauté. Mme Eitel en a conclu que la première étape                      par la première vidéo Girl Effect, Mme Solimene a ouvert un
devrait être d’inscrire les filles à l’ordre du jour mondial pour            compte Twitter de sa propre initiative, qui a été transféré par
                                                                             la suite à la fondation Nike au moment de l’intégration des
                                                                             stratégies des médias sociaux dans le cadre de Girl Effect.
1
    Entretien de Rahim Kanani, Huffington Post, 2011

                                                                         2
Le site Web a été spécifiquement conçu à titre de plateforme de            relativement facile de communiquer au public initial ce que Girl
source ouverte, incluant des matériels à disposition de tous, aux          Effect souhaitait qu’il fasse (investir dans les filles et les inclure
fins de téléchargement et d’utilisation publique : vidéos, logos,          dans ses programmes), il s’est révélé plus difficile de décider
photos et rapport. « Nous voulions un site que n’importe qui               comment procéder avec les centaines de milliers de personnes
pourrait adopter et façonner », explique Mme Eitel, « le monde             qui veulent « se joindre » au mouvement. « Là, la difficulté »,
avait besoin d’un point de ralliement et le mouvement Girl                 explique Emily Brew, « consistait à convertir cet intérêt dans
Effect appartenait à tout le monde », conclut-elle. Andrea Perez,          l’Hémisphère Nord en un impact RÉEL sur la vie des filles de
directrice de la marque mondiale Girl Effect depuis janvier 2011,          l’Hémisphère Sud. C’est une chose de produire des actions
et anciennement directrice de marque chez Nike Inc., décrit                appréciées des gens », ajoute-t-elle, « mais dans l’univers
ainsi la création de la marque Girl Effect : « Nous avons créé             complexe de l’aide internationale, il est beaucoup plus difficile
Girl Effect pour élever la problématique des filles aux yeux des           de produire des actions qui améliorent la vie de toutes les filles,
grands noms du développement et pour décrire une situation                 ce qui était la raison d’être même du mouvement ». Selon elle,
complexe de façon simple et tranchée. La marque a en fait été              une prise de conscience et un appui publics, véritables, sur ce
développée sous forme de marque B2B, interentreprises, avec                thème allaient avoir une incidence sur les grands décideurs de
une plateforme composée d’outils à la disposition de tous et un            l’aide internationale. « C’est pourquoi, notre premier appel à
mouvement que les gens pouvaient épauler ». (Cf. pièce jointe              l’action collective a été : faites passer le message », souligne
A, exemplaire de l’affiche de la Révolution en espagnol).                  Emily Brew. « Plus on est nombreux à connaître Girl Effect, plus
                                                                           il sera facile d’augmenter l’attention et les fonds qui arriveront
Matthew De Galan, chercheur principal à la Fondation Nike y est            jusqu’aux filles en provenance des gouvernements et des
entré en 2008, fort de son expérience professionnelle antérieure           organisations multilatérales. »
chez Mercy Corps, CARE et Heifer International. Il se retourne sur
le lancement de la marque Girl Effect et le décrit ainsi : « Girl          Pour mieux répondre aux besoins de nouveaux publics,
Effect était tout d’abord une idée et une théorie du changement            le site web Girl Effect et YouTube incluent des hyperliens
», explique-t-il. « En fait, ”, ajoute-t-il, « nous demandions à nos       (Globalgiving), un marché en ligne pour mettre les donateurs
partenaires d’inclure les filles dans leurs programmes. Nous ne            en relation avec des projets communautaires dans le monde
voulions pas qu’ils modifient leurs stratégies », souligne-t-il,           en développement, des suggestions pour produire une fête
« mais simplement qu’ils s’assurent que leurs programmes                   ou une manifestation Girl Effect et toutes sortes d’outils de
englobent les adolescentes. La première vidéo et le contenu au             communication, logos, affiches et rapports téléchargeables.
départ du site Web visaient les créateurs d’idées et les hommes            À l’époque, Julia Parsely, directrice de la communication de
politiques », poursuit-il, « mais le tout a décollé et est devenu          marque, venait de mener à bien une consultation téléphonique
viral, et s’est vite transformé en une marque et un mouvement              avec 500 blogueurs qui avaient décidé de lancer une campagne
menés par un public ». Ce qui avait au départ été créé sous                de blogs pour appuyer Girl Effect. Selon elle, son rôle a consisté
forme de marque au message de source ouverte, visant les                   à orienter les adeptes et à appuyer une gamme d’initiatives
organisations au sein de la communauté du développement,                   visant à promouvoir la mission de Girl Effect.
pour promouvoir la sensibilisation aux filles et l’appui à leur
apporter, s’est rapidement transformé en une marque-                       Le mouvement Girl Effect n’a pas manqué de détracteurs :
mouvement, attirant l’intérêt et l’appui des membres du public.            des particuliers et des organisations pour lesquels la fondation
                                                                           Nike schématisait trop un problème complexe et enlevait des
                                                                           ressources à d’autres approches ; et d’autres, rebutés par la société
Publics
                                                                           Nike par ses pratiques antérieures de main-d’œuvre réprouvées.
En décembre 2009, Oprah Winfrey projette les vidéos Girl Effect            En janvier 2011, un débat sur Girl Effect provoque des remous
et The Clock is Ticking dans son émission, et provoque une                 dans la blogosphère du développement, déclenché en partie
recrudescence du nombre de fans sur Facebook et de demandes                par une critique incendiaire d’Aid Watch. Selon Anna Carella,
de visionnement sur You Tube. En octobre 2011, Girl Effect                 bloggeuse invitée, Girl Effect faisait le jeu des stéréotypes des
comptait 267.000 mentions J’aime sur Facebook, plus de 3                   femmes, dispensatrices de soins naturelles, renforçant la
millions de visites sur la chaîne You Tube et près de 20.000 fans          perception d’une différence entre le « travail des femmes »
sur Twitter. En mars 2011, la vidéo The Clock is Ticking remporte           et le « travail des hommes », méconnaissant des questions
le prix TED Ads Worth Watching, provoquant un regain des                   macroéconomiques essentielles et donnant la priorité à la bonne
visionnements qui passent de 30.000 par mois à plus de                     marche de l’économie et non pas au bien-être vital des femmes2.
400.000 dans le mois qui suit la remise du prix. S’il avait été

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Pour Andrea Perez, à l’avenir, la marque Girl Effect devrait                   Innovation : “La vidéo Girl Effect3 a été une véritable
récupérer cinq grands publics pour « déchaîner » le potentiel                  découverte dans l’industrie du développement. À la différence
de Girl Effect :                                                               des vidéos plus classiques dont se sert le pôle à but non lucratif
                                                                               dans le développement, elle ne relatait pas des cas individuels,
Perez, believed that going forward, the Girl Effect brand had                  mais associant de façon créative des mots, des graphismes et
five major audiences that could help “unleash” the potential                   de la musique, elle présentait une idée forte adressée à l’affect.
of the Girl Effect:                                                            Selon Cam Hayduk et Kat Kelly de Turtlebox Productions,
1. Les grandes ONG, les gouvernements et la communauté                         la première vidéo Girl Effect a « fait foisonner des calques
   de l’aide internationale ; où l’objectif restait d’influer sur la           (y compris Starbucks) parce qu’elle était unique en son genre
   façon dont ces organisations et ces institutions voyaient et                et couronnée de succès ». En mars 2011, la vidéo The Clock
   réfléchissaient aux filles dans le développement, en espérant               is Ticking est l’une des lauréates du prix TED Ads Worth
   que la plupart viendraient à considérer Girl Effect comme                   Sharing4. Le style novateur et original des vidéos et le choix
   faisant partie de leurs propres organisations.                              de leurs vocabulaire donnait à la marque une image mode et
                                                                               relationnelle qui a trouvé un véritable écho chez les publics
2. Les employés de Nike ; représentant une source d’aptitudes                  de jeunes. « Le ton de Girl Effect est celui d’une attitude très
   et de capacités que la Fondation pourrait emprunter.                        active, battante », déclare Michelle Carter, directrice nationale
3. Les consommateurs de l’Hémisphère Nord où, selon Andrea                     de Care International au Burundi.
   Perez, le pouvoir se situait « au-delà du dollar », dans la
   capacité de ce public à produire un appui général pour les                  Source ouverte : La réussite est également venue en grande
   filles, dans le monde entier, ainsi qu’une demande pour des                 partie de l’accès ouvert pour tous les médias et supports postés
   programmes qui investiraient dans les filles.                               sur le site Web. Andrea Perez reconnaît qu’une marque aussi
                                                                               ouverte comporte des risques et des avantages, mais selon
4. Une classe moyenne émergente dans le monde en dével-                        elle, les avantages ont surpassé les risques encourus. L’une des
   oppement, où la progression de la prise de conscience et de                 principales raisons de la réussite de cette approche de source
   l’appui en faveur de Girl Effect serait calquée sur la réussite             ouverte est la décision délibérée de ne pas inclure le « Swoosh »
   de Girl Effect dans l’Hémisphère Nord.                                      de Nike et de mettre en sourdine la relation avec la marque
5. Les filles disposant de moins de 2 dollars É.-U. par jour pour              Nike. « L’abandon, par Nike, du Swoosh a représenté pour
   vivre ; les efforts futurs porteraient sur l’établissement de               nous un changement de paradigme », explique Emily Brew, «
   réseaux de filles, en contact les unes avec les autres et pilot-            d’ailleurs, le succès retentissant du bracelet jaune d’Armstrong
   ant leur propre mouvement.                                                  nous a appris qu’il fallait ériger un chapiteau bien plus grand ».
                                                                               Si la fondation Nike avait manifesté plus ostensiblement la
                                                                               relation entre Girl Effect et les marques de Nike, la stratégie de
Facteur essentiel de la réussite
                                                                               source ouverte n’aurait peut-être pas été aussi bien reçue.
Pour bon nombre, Girl Effect a atteint son objectif d’origine :
inscrire les filles à l’ordre du jour mondial et démontrer au monde            Médias sociaux : Si pour Emily Brew, Girl Effect n’a rien fait de
la rationalité de l’investissement dans les filles. Maria Eitel                très novateur par rapport aux médias sociaux, sa réussite est
souligne tout de suite que cette réussite a été l’aboutissement                venue en grande partie de la diffusion virale des vidéos et des
d’un travail acharné d’un grand nombre de personnes et                         messages par les réseaux sociaux. L’équipe s’est attachée à
d’organisations. « En termes d’impact, on comprend mieux «                     reproduire ce qui, selon elle, était des exemples d’utilisation
pourquoi les filles ? » qu’il y a trois ans », déclare-t-elle, « mais il       réussie des médias sociaux pour leur effet de décuplement,
serait ridicule d’affirmer que c’est uniquement grâce à girleffect.            comme par exemple la campagne électorale du président
org ». Plusieurs facteurs expliqueraient la réussite de la marque :            Obama et TEDx. Pour Mme Brew, par rapport aux médias
le style novateur de messagerie ; l’utilisation d’une plateforme en            sociaux, la réussite était à double tranchant. « Lorsque la vidéo
source ouverte ; et la production de messages et de produits                   « The Clock is Ticking » a remporté le prix TED » précise-t-elle, «
adaptés aux médias sociaux.                                                    elle a touché un public encore plus vaste sur You Tube, mais

                                                                               3
                                                                                Consulté à partir de http://www.nten.org/blog/2011/10/10/nonprofit-video,
                                                                               10/11/11. .
2
    http://seepcommunity.com/profiles/blogs/gender-economics-and-women         4
                                                                                   http://www.ted.com/aws

                                                                           4
il y a aussi eu un retour de manivelle de la part du public qui          Pour Maria Eitel, l’avenir de Girl Effect consiste à se détacher du
découvrait le thème. En réponse, nous avons demandé à la                 « pourquoi » et trouver le moyen de faire davantage pour les
communauté de Facebook de s’exprimer en faveur de cette                  filles. « Ce qui signifie que les filles elles-mêmes vont devoir
question », poursuit-elle, « dans un débat qui a progressivement         s’investir à toutes les étapes », explique-t-elle. « À nos yeux,
déjanté sur You Tube. Nous avons alors découvert », ajoute-t-            les filles ne sont pas simplement des utilisatrices finales. Elles
elle, « que la communauté de Facebook avait sa propre idée sur           savent mieux que quiconque quels sont les obstacles et quelles
la façon de répondre, ce qui nous a appris la chose suivante :           sont les ressources dont elles ont besoin pour les surmonter.
nous n’étions pas obligés de trouver toutes les solutions. Elles         Lorsque les filles sont les actrices principales du processus de
pouvaient être de source collective ».                                   formulation, cela leur donne l’opportunité de nouer des
                                                                         relations entre elles, de partager et de collaborer, pour résoudre
Selon Emily Brew, à l’avenir le rôle de la fondation Nike                elles-mêmes les problèmes6 ». Pour Maria Eitel, l’étape suivante
serait de réaligner le message Girl Effect, de le rehausser, de          du déploiement à l’échelle des programmes pour les filles
l’amplifier, et d’avoir recours à une plateforme centralisée pour        passera par des partenariats avec les gouvernements, les
« renvoyer l’image du mouvement au mouvement » et ce, en                 institutions et des acteurs dans tous les secteurs. Andrea Perez
relatant les réussites des champions de la cause des filles et           en convient : « Nous ne pouvons réussir seuls, nous avons
leurs actions. « Nous nous intéressons aux limites » dit-elle,           besoins d’alliés, dotés de superpouvoirs », plaisante-t-elle.
« et à la manière de partager avec les autres une véritable
expérience en leur donnant les outils et les supports appropriés         Jaimie Popp, directrice des médias sociaux de Girl Effect,
pour leur apporter une meilleure image et une plus grande                envisage un avenir où le mouvement Girl Effect se transformera
participation. Nous garderons les fonctions de mise en forme             en plateforme où les militantes pour les filles seront en
et d’administration pour la marque », ajoute-t-telle, « tout en          contact direct entre elles, sans avoir à passer par le site web.
assurant la gestion des grandes tensions autour d’elle ».                « Potentiellement, nous pouvons créer un nouveau modèle de
                                                                         développement d’un mouvement et devenir un mouvement
Étapes suivantes                                                         social véritablement durable, piloté par les filles », ajoute Julia
                                                                         Parsely. Selon Stoyer, pour assurer la pérennité du mouvement,
En septembre 2011, la fondation Nike a traversé une évolution
                                                                         Girl Effect doit « amener les gens à s’investir dans la marque et
organisationnelle, avec l’ajout de nouveaux bureaux et le
                                                                         lui conserver sa vivacité ». « Les choses ont tellement évolué ces
recrutement de nouveaux effectifs. La stratégie de recrutement,
                                                                         dernières années » rappelle Jaimie Popp, « nous ne sommes plus
semble-t-il, visait à associer des vétérans de Nike Inc. et des
                                                                         simplement un site web ; il y a toutes sortes de reportages dans
experts du secteur du développement. Maria Eitel, Andrea Brew,
                                                                         les médias, des blogues, la prise de conscience s’est vraiment
Dean Stoyer (récemment entré à la fondation Nike comme
                                                                         accélérée. Il ne s’agit plus d’inscrire la thématique des filles à
directeur de la communication stratégique, à la suite d’une
                                                                         l’ordre du jour », ajoute-t-elle, « il s’agit de la mettre à l’échelle
solide carrière chez Nike et chez d’autres grands équipementiers
                                                                         et de repositionner Girl Effect à titre de grande cause ».
de sport) et Andrea Perez, sont tous d’anciens employés de Nike
Inc., alors que De Galan et Adam Day (directeur de portefeuille          En définitive, pour Ben Gallagher, directeur du marketing de Girl
de la fondation Nike) sont issus du monde du développement.              Hub (projet en coentreprise du DFID et de la fondation Nike),
En septembre 2011, Howard Taylor a été nommé directeur                   l’avenir de Girl Effect sera de faire passer le renforcement de la, ou
d’exploitation et vice-président de la fondation Nike. Armé              des marques, à l’Hémisphère Sud, où se trouvent les filles vivant
plus de 15 ans d’expérience professionnelle chez DFID, Taylor            dans la pauvreté. « Ce serait vraiment une percée », explique-t-il,
a été un leader d’opinion et un expert avéré domaine du                  « car il y a très peu de marques connues qui sont authentiquement
développement5. « Ce que nous faisons chez Nike » explique               au contact des filles dans ces régions ». Cela sera possible, selon
Stoyer, « consiste à créer, à accueillir et à encourager des             lui, en présentant l’approche de source ouverte à un nouveau
marques solides et incontournables ». Nous ne devons pas                 public dont le potentiel n’a pas encore été exploité.
forcément être des experts dans tous les domaines pour cela”
ajoutait-il, « il suffit de trouver le meilleur talent qui possède
les connaissances sectorielles dont nous avons besoin ».

5
 http://www.nikebiz.com/media/pr/2011/09/15_nike_foundation_new_
managing_dir.html                                                        6
                                                                             Entretien de Rahim Kanani, Huffington Post, 2011

                                                                     5
La marque Girl Effect et la marque « IDEA »                               intrinsèque. Par exemple, », poursuit-il, « que se passerait-il
                                                                          si une société cooptait la marque Girl Effect pour vendre ses
Girl Effect associe étroitement en soi les notions de démocratie
                                                                          produits aux adolescentes ? ». Selon Parsley, gérer ce risque et
et d’affinité avec des marques. Le concept d’une approche
                                                                          conserver l’équilibre entre l’uniformité et l’ouverture doit passer
démocratique dans la gestion d’une marque dépasse nettement
                                                                          par « l’élagage soigneux et uniforme des incohérences et par
les frontières organisationnelles, et la réussite de la marque est
                                                                          l’amplification de la cohésion et du fonctionnel ».
liée à la participation active de ses différents publics dans le
domaine du développement, de l’assemblage et de l’utilisation             De nombreux partenaires ont joué un rôle important dans le
de la marque. L’affinité pour la marque est également essentielle         développement de la théorie du changement et la marque Girl
à sa réussite. Comme l’explique Emily Brew : « Nous voulons               Effect. Les organisations comme BRAC et CARE ont été parmi
intégrer tous les participants dans une idée de mouvement,                les premiers bénéficiaires de la fondation Nike en raison de
simple et inclusive ». La marque Girl Effect est l’étendard sous          leurs antécédents et de leur expérience pratique. Selon Emily
lequel différents militants de Girl Effect pourront se réunir.            Brew, ces organisations sont « des partenaires sur le terrain et
Toujours selon elle, différents partenaires du mouvement,                 des co-bâtisseurs du mouvement ». « Elles sont la source de
possédant des antécédents et des connaissances divers,                    faits authentiques et des contributrices intellectuelles de
pourraient jouer différents rôles. À titre de militante pour les          premier plan de nos travaux », explique-t-elle, « leur expérience
filles, la fondation Nike pourrait apporter une contribution              a joué un rôle essentiel dans le développement de la marque
exclusive : l’élaboration d’une plateforme et d’outils que d’autres       Girl Effect ». Pour Emily Brew, le partenariat avec BRAC, CARE et
militants pour les filles pourraient utiliser, permettant ainsi à         d’autres, notamment le Population Council, a façonné la théorie
ces organisations d’infléchir certaines politiques grâce à leurs          sous-jacente du changement, dégagé l’authenticité de la
ressources ou de mettre en œuvre des programmes novateurs.                marque et l’élaboration de messages pointus, pour permettre
                                                                          d’appuyer les militantes pour les filles, où qu’elles soient.
Comme le décrit Day, l’expérience de la gestion de la marque Girl
Effect a établi l’équilibre entre la maîtrise de son uniformité et        Michelle Chaplin, directrice de programme chez BRAC USA,
son ouverture permanente. « Nous détenons la marque », dit-il,            s’accorde pour dire avec Emily Brew que le partenariat avec BRAC
« et nous continuons à la perfectionner, mais la difficulté est de        a façonné Girl Effect, tant par les données de programme que par
s’assurer de la rectitude de son utilisation ». Stoyer toutefois          les anecdotes personnelles. Lorsque Girl Effect a été lancé, BRAC
décrit cette gestion de façon légèrement différente : « Nous              était déjà un important exécutant de programmes focalisés sur les
sommes les délégués du mouvement et les gardiens de la marque             filles. « Au départ, », rappelle-t-elle, « il n’y avait pas de référence,
Girl Effect », dit-il. « Nous n’en sommes pas propriétaires, nous         ni d’accent mis sur la marque BRAC, ce qui était un problème pour
voulons que d’autres s’en servent, mais nous ne voulons pas aller         nous. Aujourd’hui, le partenariat a évolué », ajoute-t-elle. « Quand
jusqu’à nous en dissocier ». Selon lui, quelqu’un doit continuer          nous leur envoyons une anecdote, ils mettent un lien sur leur
à suivre l’évolution de la marque. « Si nous avions simplement            page Facebook qui renvoie à notre site. » Michelle Chaplin note
exhorté les gens à inclure les filles dans leurs programmes, sans         également que ce partenariat a amené BRAC à réfléchir à sa
emprunter pour véhicule la marque Girl Effect », explique-t-il,           propre marque et est à l’origine de son récent remaniement. Si le
« nous n’aurions pas connu ce succès. La marque articule ce que           public de la marque BRAC se compose surtout de ses employés et
nous représentons. La façon de le dire est importante et plus             de ses clients, la croissance internationale donne de l’importance
nous disons tous la même chose, avec les mêmes termes, plus               depuis peu à la question de mobilisation de fonds.
grand sera l’impact collectif de la marque ».
                                                                          « Girl Effect est un outil qui a donné à notre marque un meilleure
Pour De Galan, la marque a recentré l’ensemble du mouvement               articulation, mieux que ce que nous aurions obtenu par nos seuls
Girl Effect, qui fait acte de porte-étendard. Selon lui, Girl             moyens », déclare Adam Hicks, vice-président du marketing et
Effect est une nouvelle catégorie de marque, celle qui « octroie          de la communication de CARE. Selon Hicks, la fondation Nike
une source ouverte » offrant à ses utilisateurs crédibilité et            a développé ses outils de source ouverte mis à la disposition
légitimité, gratuitement. « Les gens sont étonnés de pouvoir              de tous parce qu’il s’agissait de créer une cause. « Girl Effect
se servir des éléments proposés sur la plateforme Web sans                s’adresse vraiment aux jeunes femmes », dit-il, « et amène leur
avoir à payer », explique-t-il. « Nous ne voulons pas gardienner          participation comme ne le fait aucune autre cause, par exemple
la marque Girl Effect comme nous le faisons pour la marque                celle de mettre un terme à la pauvreté ». Pour Hicks et ses
Nike, mais l’approche d’un accès gratuit comporte un risque               collègues chez CARE, tout au long du partenariat, la fondation

                                                                      6
Nike et CARE se sont influencées mutuellement, profondément,                   dépeint une fille armée d’un livre et d’un crayon, victorieuse
aboutissant à un alignement et à une convergence de haut                       d’un monstre nommé « pauvreté », a été reproduite sur une
niveau. Il existe toutefois une certaine appréhension quant à                  énorme affiche murale, suspendue à l’extérieur du bâtiment
l’avenir de Girl Effect. « Il semblerait qu’il y ait un creux de la            de la Banque mondiale à Washington D.C. (cf. pièce jointe B).
vague », explique Rosa Singer, directrice des partenariats et
alliances stratégiques de CARE, « et une insuffisance de dialogue              Le nombre et le type de partenaires de Girl Effect, que l’on
au sein du mouvement sur la coordination et la voie d’avenir ».                appelle souvent les Militants pour les filles, se multiplient
Pour elle, il manque à Girl Effect un nouvel élément pour                      en permanence. La page Facebook de Girl Effect comprend
l’impulser, élargir sa portée et amplifier ses publics.                        une liste de plus de 80 organisations partenaires, avec
                                                                               des hyperliens renvoyant à leurs sites web. La gestion de
Le DFID et Girl Effect ont récemment établi une co-entreprise                  partenariats multiples n’a pas toujours été chose facile. « Il faut
baptisée « Girl Hub », ayant pour mission déclarée de déployer                 parfois retrouver les partenaires là où ils se situent », explique
à grande échelle Girl Effect par :                                             Emily Brew, « et pour certaines organisations, surtout les plus
                                                                               grandes et très connues, l’approche de collaboration ouverte
1. Une transformation de la politique générale en vue de faire
                                                                               de Girl Effect ne les branche pas et elles sont plus prudentes,
   davantage pour les filles ; et
                                                                               soucieuses de ne pas abandonner leur marque, ni de devenir
2. Passer par la communication pour inspirer les filles et ampli-              une co-marque ». Pour d’autres, il leur a semblé que le poids
   fier leurs voix.7 « Ce que nous essayons de faire », explique               de la marque du mouvement comportait un intérêt certain
   Gallagher, « est de piloter le changement en appuyant un                    et parfois même Girl Effect confère légitimité et une forme
   mouvement piloté par les filles elles-mêmes et accepté par                  de validation. « Les grandes marques font office d’aimant »,
   ceux qui les entourent ». Le « mouvement de source ouverte »                déclare Hicks, « elles trouvent un écho et vous attirent ».
   a inspiré Gallagher et envisagé la création et la gestion par
   des filles, de marques médiatiques locales Girl Effect, par                 Défis pour l’affinité avec les marques
   exemple des stations de radio et des magazines dirigés par
   des filles. « Ces petites marques locales pourraient même                   Selon Day, Girl Effect et d’autres campagnes de causes sociales,
   être reliées entre elles », dit-il, « par les mêmes principes               par exemple celle de sensibilisation pour le Cancer du sein,
   directeurs, une même langue ou des mêmes graphismes.                        se sont fait concurrence pour prendre une place dans l’esprit
   Sait-on jamais, », ajoute-t-il, « l’une de ces marques locales              du public. De plus, un certain nombre de partenaires de Girl
   pourrait même atteindre une échelle mondiale ». Pour                        Effect étaient des marques très connues et les tensions sur
   Gallagher, la co-entreprise de Girl Hub, a été novatrice et                 l’appropriation de la marque ont entraîné l’émergence d’autres
   différente. « Faire des vagues dans le monde du développe-                  campagnes pour les filles, par exemple Girl Up de l’ONU
   ment est l’une de nos ambitions », conclut-il, « nous ne                    (http://www.girlup.org). Selon Day, c’est là le résultat d’un
   sommes pas des exécutants, nous sommes des catalyseurs ».                   manque de coopération, d’où un effet dilutif sur Girl Effect. Sa
                                                                               recommandation : « Il faudrait avoir une approche plus unie, cela
Plus récemment, la fondation Nike a établi un partenariat avec                 sème le trouble pour ceux qui essaient de comprendre qui fait
la Banque mondiale pour développer une note d’information                      quoi et, par exemple, ce que Girl Effect et Girl Up ont en commun
à l’appui de la diffusion, en août 2011, d’un nouveau rapport                  ». Pour Day, l’équilibrage entre une approche unie et les réalités
important : « Measuring the economic gain of investing in girls :              de la concurrence reste une interrogation. Pour Stoyer aussi,
the girl effect dividend » (Mesurer le gain économique d’un                    novice pourtant du secteur à but non lucratif, la concurrence
investissement dans les filles : le dividende de Girl Effect) de Jad           pour les fonds et l’attention est farouche dans l’espace du
Chaaban et Wendy Cunningham.8 Dans le cadre du lancement,                      développement. « Les ONG sont partout et la concurrence est
notamment médiatique, de la campagne « L’Égalité » de la                       omniprésente », affirme-t-il. « Comment évoluer différemment
Banque mondiale, la fondation Nike a organisé un concours                      dans cet espace ? », demande-t-il. « Girl Effect a davantage de
des jeunes artistes du monde en développement sur les thèmes                   liberté car le mouvement n’est pas obligé de mobiliser des fonds »,
de Girl Effect. L’œuvre lauréate, d’une jeune artiste kenyane,                 explique Hicks. Selon lui, la marque CARE n’a pas hésité et laissé
                                                                               le mouvement Girl Care piloter la sensibilisation et la demande.
                                                                               Selon ses prévisions, en ressortira « une poignée d’ONG, y compris
7
    http://girlhub.org/about-us/
                                                                               CARE, qui possèdent une légitimité dans cet espace ainsi qu’une
8
 http://www-wds.worldbank.org/external/default/WDSContentServer/WDSP/IB/
                                                                               capacité de programmation et des capacités programmatiques ».
2011/08/08/000158349_20110808092702/Rendered/PDF/WPS5753.pdf

                                                                           7
Pièce A

          8
Pièce B

          9
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