La maternité aujourd'hui - Ce que les femmes en disent - Axelle Magazine

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La maternité aujourd'hui - Ce que les femmes en disent - Axelle Magazine
mai 2018 / n°209

                                                                                           chroniques d’une grève
                                                                                           QUAND LES ESPAGNOLES
                                                                                           ONT ARRÊTÉ LE MONDE

                                                                                           reportage
                                                                                           Un village
                                                                                           de femmes au
                                                                                           Kurdistan syrien
Mensuel. Bureau de dépôt : Bruxelles . Vie Féminine, 111 rue de la Poste, 1030 Bruxelles

                                                                                                          La maternité
                                                                                                           aujourd’hui
                                                                                             Ce que les femmes en disent
La maternité aujourd'hui - Ce que les femmes en disent - Axelle Magazine
sommaire
           actualités                                                                                                    En couverture
      4    Et puis quoi encore ?                                                                                         La grève des femmes
      6    Dans l’œil d’axelle                                                                                           Mai 2018 : on va en entendre
      8    Brèves d’ici et d’ailleurs                                                                                    parler, des cinquante ans de
     11    À Vie Féminine, on dit quoi ?                                                                                 Mai 68 ! En attendant qu’on
                                                                                                                         nous démontre que les femmes
                                                                                                                         ont réellement bénéficié de
           dossier                                                                                                       cette révolte, nous préférons
12   		 La maternité aujourd’hui : ce que les femmes en disent
                                                                                                                         mettre en couverture et au
                                                                                                                         cœur de ce numéro la grève
                                                                                                                         des femmes espagnoles, qui
                                                                                                                         s’est tenue le 8 mars. Bien
           magazine                                                                                                      sûr, nous n’avons pas de
     18 Féminismes | Chroniques d’une grève.                                                                            distance historique vis-à-vis
                      Quand les Espagnoles ont arrêté le monde                                                           d’un événement aussi récent,
                                                                                                                         mais il nous semble que cette
     22 Société | Voix de femmes sans papiers
                                                                                                                         journée, qui fut assurément
     24 Femmes face à la Justice | Victimes de violences conjugales,                                                    extraordinaire, marque une
                                    elles ont tué leur agresseur                                                         étape sur le chemin vers
     27 Vues de Flandre | « Rire avec » et pas « rire de »                                                               l’égalité. Rendez-vous en page
        Reportage | Un village de femmes au Kurdistan syrien
     28	                                                                                                                18 pour vivre de l’intérieur une
                                                                                                                         grève où l’imagination a pris le
        L a chronique benoîte de Benoîte Bennett
     31	
                                                                                                                         pouvoir…
     32 Le mot ne fait pas la femme | Femme multitâche : le superpouvoir

           culture
     34    Musique | Juicy
     35    Agenda
     36    Cinéma | Foxtrot
     37    Bouquins  

           en pratique
     40    Elles sont partout | La plateforme féministe contre les violences faites aux femmes
     43    Nos droits | Chauffe-eau en panne : la locataire peut-elle arrêter de payer son loyer ?
     43    Bricolage | Comment faire de la peinture suédoise ?
     45    Brèves
     46    Jeu-concours
     47    L’histoire avec un grand elles | Les Penn Sardin

                                             Rédactrice en chef : Sabine Panet.      Ont collaboré à ce numéro :                                   axelle magazine est édité
                                             Secrétaire de rédaction :               Queralt Castillo, Stéphanie Dambroise,                        par Vie Féminine,
                                             Stéphanie Dambroise.                    Diane Delafontaine, Cécile De Wandeler,                       Mouvement féministe
     111, rue de la Poste – 1030 Bruxelles
                                                                                     Vanessa D’Hooghe, Constanza Escriche,                         d’action interculturelle
     Tél : 02/227 13 19                      Éditrice responsable : Anne Boulvin.
                                                                                     Patricia Horrillo, Julie Joseph, Irène Kaufer,                et sociale.
                                             Crédits photographiques :
     contact@axellemag.be                                                            La bricoleuse, Véronique Laurent, Manon                       www.viefeminine.be
                                             lorsqu’elle est indiquée, la mention
     www.axellemag.be                                                                Legrand, Marie Lhoir, Vanessa Lhuillier,         Il est réalisé par une rédaction spécifique
                                             « CC » fait référence aux licences
                                                                                     Florence Lonnoy, Natacha Mangez, Aurélie         au sein du mouvement, ainsi que par des
     www.facebook.com/axellemagazine         « Creative Commons » dont les détails
                                                                                     Moreau, Sabine Panet, Aline Rolis, Méri T.       journalistes indépendant·es.
                                             sont disponibles ici :
                                                                                     Silanes, Joana Vicente, Camille Wernaers.
                                             https://creativecommons.org/choose
                                                                                     Photographie de couverture :
                                                                                     © Cordonpress / Eduardo Parra

     2                                                                                                                                                     n° 209 / Mai 2018
La maternité aujourd'hui - Ce que les femmes en disent - Axelle Magazine
¥ édito

                       Ce qu’on ne peut pas

L                      vous raconter
                      Le façonnage de ce numéro de mai a été d’une
                      grande complexité. Je ne sous-entends pas que
                      d’habitude, axelle se « boucle » comme sur
                      des roulettes mais ce mois-ci, jusqu’au der-
                      nier moment, certains articles ont été remis
en question, déplacés, annulés, réédités… Je pense à un sujet en
particulier. Mais je ne peux pas vous dire lequel. Et je ne peux pas
vous expliquer pourquoi. C’est le cœur de cet édito : comme je ne
peux pas écrire en toutes lettres ce qui vous mettrait sur la voie,
je vais essayer de vous le faire deviner. Si vous ne trouvez pas, ce
n’est pas grave. Ce qui est grave, c’est que cet article, nous n’avons
                                                                                           À Herstal, fin mars, deux femmes ont été assassinées par l’ex-
                                                                                           compagnon de l’une d’entre elles alors que récemment, elle avait
                                                                                           plusieurs fois porté plainte à l’encontre de celui-ci pour menaces
                                                                                           de mort. Le temps de l’instruction et le manque de protection de
                                                                                           cette femme et de son entourage par nos institutions ont rendu
                                                                                           service au tueur.
                                                                                           Ce n’est pas une histoire isolée : Vie Féminine vient de publier une
                                                                                           étude – à découvrir sur notre site internet – basée sur des témoi-
                                                                                           gnages de femmes résidant dans toute la Wallonie et à Bruxelles.
                                                                                           Partout, la police banalise les violences qu’elles vivent et leur en
                                                                                           attribue la responsabilité ; l’accueil des victimes laisse cruelle-
pas pu l’écrire comme nous l’aurions voulu.                                                ment à désirer. Les quelques expériences positives que soulignent
Il s’agit d’un sujet tabou, terrible. Il y a une femme au centre, que                      les femmes sont de l’ordre individuel ; les mauvaises, elles, sont
la journaliste a rencontrée et qui s’est confiée longuement, heu-                          institutionnelles, systémiques, massives. L’État n’assure pas ses
reuse de pouvoir livrer une parole jusqu’alors peu entendue, et de                         missions ; les conséquences sont dramatiques.
le faire « pour toutes les femmes ». Aujourd’hui, cette femme est                          Quand écoutera-t-on vraiment la parole des femmes ? Quand les
dans l’attente : elle ne connaît pas encore le sort que lui réserve                        prendra-t-on au sérieux et les protégera-t-on au plus vite, avec
l’institution qui aurait dû la protéger, il y a longtemps, et qui va                       leurs enfants et leurs proches, afin qu’elles n’aient pas à mourir
maintenant la punir. Mais nous ne pouvons pas vous raconter                                sous les coups ou à se défendre par elles-mêmes ?
tout ce qu’elle nous a dit, tout ce que ses amies nous ont confié.
                                                                                           Sabine Panet
Parce que cela pourrait se retourner contre elle. Elle est coupable,
certes. Mais elle est aussi victime, dans une société où la police et
la Justice ferment les yeux sur les violences envers les femmes et                                                                     AXELLE Sur le web
attendent le dernier acte des tragédies quotidiennes pour « agir ».                                                                    Exclu web : une fois par mois,
Et encore, pour faire quoi ?                                                                                                           axelle prend une personnalité belge
                                                                                                                                       par la main, pour la connaître…
                                                                                                                                       sur le bout des doigts.
                                                                                          © Laetizia Bazzoni

                                                                                                                                       Ce mois-ci :
                                                                                                                                       l’athlète Cynthia Bolingo.
                                                                                                                                       Rendez-vous sur axellemag.be

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       n° 209 / Mai 2018                                                                                                                                                              3
La maternité aujourd'hui - Ce que les femmes en disent - Axelle Magazine
Et p u
                                                                                  Corps des femmes
       Le prix du silence                                                         et deniers publics
islamologue et conférencier à      femme vivant en Belgique ?             À seraing, certaines personnes ont le sens du timing. C’est
succès, tariq ramadan est          Cette dernière avait                   début mars, peu avant la Journée internationale des droits des
accusé par différentes             entretenu une relation avec            femmes, qu’a été lancé par l’intercommunale L’immobilière
femmes de viol et de               l’islamologue et détiendrait           Publique l’appel d’offres pour la construction d’un « eros
violences sexuelles. Celles qui    des preuves au sujet de son            center » : en gros, il s’agit d’une maison close financée par la
ont porté plainte contre lui       comportement envers les                commune. À cette occasion, le bourgmestre alain mathot (Ps)
sont actuellement menacées         femmes. Contre finances, elle          vante dans les médias le design du bâtiment prévu
de mort, ainsi que leur            aurait fait disparaître ces            (www.rtbf.be, 1er mars 2018) : « C’est un bâtiment assez
famille, par des « fans » de       preuves. L’avocate belge inès          moderne, de forme ovale, avec des salons qui permettent
tariq ramadan, et l’une            Wouters, qui défend tariq              aux clients de faire un choix. » Quelle délicate attention ! Un
d’entre elles a été passée à       ramadan dans cette affaire-ci          bâtiment moderne, limite chic : on espère que les femmes le
tabac en bas de chez elle. s’il    (chacun·e son métier…),                seront aussi, pour que les clients soient encore plus contents.
y a d’autres victimes, voilà de    explique au Vif et à                   Y aura-t-il un contrôle qualité ? Des enquêtes de satisfaction ?
quoi les dissuader de dire         Mediapart, qui ont révélé              en tous les cas, les bénéfices issus de la prostitution devront
« me too »… mais comme             ensemble l’information le              permettre de rembourser les sommes faramineuses que la
l’affirme la page Facebook         4 avril dernier : « Un accord          commune a investies dans ce projet à la limite de la légalité, à
« Contre la calomnie. en           transactionnel peut avoir              commencer par les sept millions d’euros de l’appel d’offres...
soutien à tariq ramadan »          beaucoup de raisons,                   oui, sept millions. À seraing, on n’est pas radins. attention,
(12.000 « j’aime », quand          notamment éviter un litige qui         houla, rien à voir avec du proxénétisme puisque l’affaire
même, et 17.000 pour la            est très coûteux. Il n’est pas         sera gérée par une asbl. À but non lucratif, donc. ou juste
page « Comité de soutien à         nécessairement une                     un tantinet lucratif, car il faut rentrer dans ses frais. À ce
tariq ramadan »), les              reconnaissance de quoi que ce          propos, avant même l’ouverture du centre, l’asbl rémunérerait
plaignantes sont « fragiles,       soit. » C’est ça, la Justice ?         généreusement son administratrice déléguée, l’équivalent
manipulatrices » et « atteintes    ouf alors : « Même si Tariq            de 48.000 euros par an pour environ 10 heures de travail
de mythomanie aiguë ».             Ramadan est condamné, sa               par semaine (Le Soir, 3 juillet 2017) : l’abnégation, ça va un
est-ce donc pour éviter            pensée reste intacte »,                moment. Bref : allez les femmes, au boulot ! À seraing, les
d’avoir affaire à une              déclarait le 31 mars amar              finances publiques comptent sur vous. et si un doute féministe
« mythomane » que dès              Lasfar, président de                   vous assaille, sachez que la commune ne vous veut que du
2015, tariq ramadan a              l’organisation musulmans de            bien : fin mars, son conseil a voté une charte en faveur de
négocié un accord financier        France. Plus intacte que ses           l’égalité entre les femmes et les hommes. non mais sans
de 27.000 euros avec une           victimes, probablement.                blague !

       Un seul homme condamné
       et le patriarcat n’est pas dépeuplé
La fameuse loi belge contre le sexisme          faisons, n’est-ce pas ? Bon, il faut dire que   menaces. « C’était un bon cas pour tester
dans l’espace public, souvent évoquée           les circonstances n’ont pas joué en faveur      cette loi : un cas concret et très clair, avec
dans axelle, est entrée en vigueur en 2014.     du condamné : en juin 2016, lors d’une          de nombreux témoins », explique au Soir
sortez les confettis : un homme a enfin         interpellation pour une infraction au code      (6 mars 2018) Gilles Blondeau, porte-pa-
été condamné sur base de cette loi ! on         de la route, l’homme s’en était pris à…         role du parquet du procureur du roi de
pensait pourtant qu’elle était très difficile   une policière. Début mars 2018, il a donc       Halle Vilvorde. allez, on parie : le prochain
à appliquer pour l’immense majorité des         été reconnu coupable d’atteinte grave à         condamné, ce sera avant 2022 !
femmes victimes de sexisme dans l’espace        la dignité de la personne en raison de son
public… Quelles mauvaises langues nous          sexe, mais aussi d’outrage à agent·e et de

4                                                                                                                            n° 209 / Mai 2018
La maternité aujourd'hui - Ce que les femmes en disent - Axelle Magazine
s
u i quoi encore ?                                                                                                    révolte
                                                                          ’ac tualité                       qui nous
                                                                         L
                                                                                             expertes
                                                                                             portées
                                                                                             disparues
                Permis de violer                                                      « sudpresse se dote                    qu’à Verviers, les femmes

                les femmes                                                            d’experts », annonce
                                                                                      fièrement le titre de
                                                                                                                             qui s’y connaissent un
                                                                                                                             tant soit peu en quelque

                prostituées                                                           l’article de laprovince.be
                                                                                      (2 mars). Voici donc, à
                                                                                      titre d’exemple, les onze
                                                                                                                             chose ont toutes été
                                                                                                                             enlevées par des
                                                                                                                             extraterrestres. Une
        Les femmes qui se prostituent sont-elles des êtres humains ? À en             talents dénichés par                   question avant de lancer
        croire quelques juges, on en doute. Deux Liégeoises ont porté                 La Meuse Verviers : un                 l’avis de recherche :
        plainte pour viol contre un client, la première pour des faits                expert en enseignement,                puisqu’il n’y a
        remontant à 2015 et la seconde, à 2017. L’homme les aurait                    un expert en musique, un               apparemment pas
        menacées avec un couteau pour leur imposer un acte sexuel qui                 expert en gastronomie,                 d’expert « femmes » à la
        n’avait pas été prévu dans leur accord initial. mais voilà : « Après          un expert en nature, un                Meuse, qui va analyser
        analyse du dossier, le tribunal n’a relevé aucun élément permettant           expert en justice, un                  sérieusement le fait que
        d’établir des faits de viol ou des relations imposées sous la menace          autre en tourisme, un                  le centre hospitalier
        d’une arme. Les juges ont souligné qu’en raison de la nature de la            septième en histoire et                régional de Verviers ne
        profession exercée par les dames, leur absence de consentement                patrimoine, un huitième                prend plus en charge les
        était délicate à démontrer », explique l’agence Belga, relayée par            en économie et                         victimes de viol qui
        sudinfo.be (28 mars 2018). Le consentement d’une femme ne                     commerce et puis un                    auraient besoin de
        vaut déjà pas grand-chose face à la machine judiciaire. Pensez,               autre en cinéma et puis                recueillir les traces de
        celui d’une femme qui se prostitue…                                           un autre en diversité et               leur agression pour les
                                                                                      enfin un dernier en                    rendre valables devant un
                                                                                      agriculture. onze                      tribunal (La Libre, 6 mars
                                                                                      hommes, donc. Parce                    2018) ?

         Un médecin violeur
         et récidiviste     Et vous,
                            qu'est-ce qui vous révolte ?
  C’est une affaire révélée par La Libre (26 mars 2018). Un médecin urgen-
                                                                                      Vous voulez faire savoir aux autres lectrices d’axelle
  tiste, qui avait été licencié pour viol, a récidivé dans un autre hôpital…
                                                                                      ce qui vous indigne dans notre monde sexiste, raciste
  en septembre 2017, il avait commis un viol sur une patiente. Quelques
                                                                                      et capitaliste ?
  jours auparavant, il avait déjà été accusé d’attouchements sur une jeune
  femme souffrant de problèmes psychiatriques, qu’il avait accusée d’affabuler.       Écrivez-nous à axelle magazine,
  rapidement après la seconde agression, dénoncée par la jeune femme sous             Et puis quoi encore ?
  le choc, l’homme est emmené par des policiers au parquet et placé en garde          111 rue de la Poste – 1030 Bruxelles
  à vue. il est licencié le lendemain midi pour faute grave. L’instruction est        ou à axelle@skynet.be
  toujours en cours et il a été libéré sous conditions : il n’a par exemple plus le
  droit de prendre des patientes en charge autrement qu’en présence d’un·e
  autre prestataire de soins. mais dans l’hôpital de la province du Luxembourg
  où il a trouvé un nouveau travail, on n’en a rien su. et voilà qu’une autre
  patiente vient de déposer plainte contre lui pour « attitude inappropriée ».
  Comme le pointe La Libre, le dispositif de suspension d’urgence d’un médecin
  ne fonctionne pas… et les femmes en payent le prix.

                                                                                                                                ntaine
                                                                                                                        e Delafo
                                                                                                                on: Dian                             5
       n° 209 / Mai 2018                                                                              illustrati
La maternité aujourd'hui - Ce que les femmes en disent - Axelle Magazine
és
           act ualit
                            Dans l’œil d’axelle
© Belgaimage

               6                             n° 209 / Mai 2018
La maternité aujourd'hui - Ce que les femmes en disent - Axelle Magazine
Abreu vée
                                     d’images,
                          axelle ch
                                     oisit d e
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                                   n regard
                    sélection                 et
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                      un ins tan          e mois
                                 tané oub
                         d e l’act u        lié
                                     alité.

                                    L              e 2 février dernier, en autriche, des
                                                   manifestantes au profil inhabituel ont
                                                   défilé dans les rues de Vienne. La tête
                                      recouverte d’un « pussyhat » – en référence à la
                                      marche des femmes américaines contre Donald
                                      trump –, environ 200 « grands-mères contre la
                                      droite » ont exprimé publiquement leur opposition
                                      à la politique d’asile et de migration menée par
                                      leur gouvernement. elles ont notamment chanté
                                      les paroles suivantes, rapportées par le quotidien
                                      autrichien Der Standard (5 février) : « Nous sommes
                                      inquiètes que la vie soit si infecte récemment, parce
                                      qu’on entend la progéniture des nazis grogner de
                                      plus en plus ouvertement ! Le pays est divisé et nous
                                      disons clairement : ça suffit ! Ces messieurs ont trahi
                                      l’Autriche ! »
                                      Le groupe, créé au départ par monika salzer,
                                      psychothérapeute et pasteure protestante à la
                                      retraite, comptait huit femmes. elles ont d’abord
                                      pris part à différentes manifestations (comme
                                      le 13 janvier, voir photo) avant de rassembler de
                                      nouvelles membres et d’initier elles-mêmes la
                                      marche du 2 février qui avait pour but premier
                                      de commémorer la mémoire de Ute Bock, une
                                      militante engagée auprès des réfugié·es décédée
                                      le 18 janvier dernier. Ute Bock fut notamment la
                                      fondatrice d’un centre qui accueille des centaines de
                                      personnes demandeuses d’asile.
                                      Les manifestantes ont rappelé l’importance de
                                      l’expérience de leur génération : après la seconde
                                      Guerre mondiale et ses horreurs, elles ont essayé
                                      de reconstruire une meilleure société, basée sur
                                      la solidarité. actuellement, devant les mesures
                                      prises par la coalition au pouvoir pour restreindre
                                      drastiquement le droit d’asile (nombre de personnes
                                      acceptées plafonné, obligation d’avoir déjà des
                                      proches dans le pays et de fournir des preuves
                                      de persécution…), elles s’exclament : « Il ne faut
                                      jamais oublier le passé ! Méduse [sous-entendu : le
                                      nazisme] peut facilement prendre un autre visage… »
                                      et, toujours en chantant, elles citent sophie scholl,
                                      grande résistante allemande au nazisme, exécutée
                                      à munich en 1943 : « Si on a peur, on se laisse plus
                                      facilement manipuler. »

n° 209 / Mai 2018                                                                          7
La maternité aujourd'hui - Ce que les femmes en disent - Axelle Magazine
és
act ualit
                                          D’ici et d’ailleurs

                 	Une manifestation                                                                             	Vatican :
                  féministe réprimée                                                                               des sœurs
                  dans la capitale                                                                                 dénoncent
            Belgique. Le 31 mars dernier à Bruxelles, la manifestation féministe, pacifique et                     leur
            nocturne « Reclaim the Night » (« reprendre la nuit ») a été brutalement stoppée
            par les forces de l’ordre. Il y a un peu plus d’un an, une précédente marche « Reclaim                 exploitation
            the Night » fut également réprimée (voir notre article « Violences policières lors
            d’une marche féministe à Bruxelles », à lire sur axellemag.be). Mais les souvenirs de                  économique
            ces violences n’ont pas empêché les organisatrices de prendre à nouveau la rue, un
            samedi soir de pleine lune. « Après avoir subi une violence policière décomplexée lors          Italie. Peu avant le 8 mars, Journée
            de la précédente Reclaim the Night le 11 février 2017, nous avons choisi de marcher             internationale des droits des femmes, trois
            à nouveau ensemble hier soir, sans se résigner au bon vouloir d’un État autoritaire et          sœurs employées au service d’hommes
            patriarcal qui nous opprime quotidiennement », expliquent les organisatrices sur                d’Église ont témoigné anonymement dans
            leur site internet, au lendemain de la manifestation.                                           le mensuel Femmes Église Monde, distribué
            L’objectif de la marche était de dénoncer les violences sexistes et policières qui              par la publication officielle du Vatican.
            visent les femmes et les personnes trans dans l’espace public. C’est d’ailleurs parce           Elles dénoncent des conditions de travail
            qu’elles poussent jusqu’au bout leur raisonnement que les organisatrices n’ont                  ahurissantes et le mépris dont elles font
            pas demandé d’autorisation officielle pour manifester : « Nous estimons que nous                l’objet de la part de leurs drôles de patrons.
            devrions avoir le droit de nous approprier la rue sans avoir à négocier. […] Nous trou-         « Sœur Cécile » explique dans l’article : « Les
            vons extrêmement paradoxal de demander une autorisation à un État patriarcal pour               sœurs sont perçues comme des volontaires
            pouvoir manifester contre lui. » Par ailleurs, prenant l’exemple de diverses marches            dont on peut disposer comme on veut,
            récemment interdites ou réprimées, elles pensent que leur manifestation n’aurait                ce qui donne lieu à de véritables abus de
            probablement pas été autorisée. Quant au porte-parole de la police de Bruxelles                 pouvoir ». « Sœur Marie », qui vient d’Afrique
            Capitale-Ixelles, Olivier Slosse, interrogé par BX1 (2 avril 2018), voici comment il            subsaharienne, raconte en effet : « Certaines
            justifie l’intervention : « Étant donné qu’il y avait eu des incidents l’an dernier, il a été   sœurs, employées au service d’hommes
            décidé de bloquer la manifestation et d’interpeller administrativement les personnes            d’Église, se lèvent à l’aube pour préparer le
            présentes. »                                                                                    petit-déjeuner et vont dormir une fois que le
            Le 31 mars, une centaine de manifestant·es se sont donc rassemblé·es place Sainte-              dîner a été servi, la maison mise en ordre, le
            Catherine, dans le centre de Bruxelles. Mais dix minutes plus tard, un important dis-           linge lavé et repassé... » Dans le monde de
            positif policier les encercle : les personnes ont été attrapées brutalement, « plaquées         l’Église, ce sont toujours des femmes qui
            au sol, tirées par les cheveux, fouillées » et menottées avec des colsons, racontent            servent les dignitaires masculins, même
            les organisatrices. Cela s’est passé derrière des barrières opaques dressées, selon             lorsqu’elles pourraient leur en remontrer
            la police, « pour protéger les manifestantes et éviter un éventuel malaise parmi les            question connaissances théoriques. « Sœur
            badauds » ou, selon les manifestantes, « pour nous rendre invisibles à la foule amassée         Paule » évoque le sort d’une religieuse,
                                                                aux alentours et aux soutiens ». Puis       docteure en théologie, envoyée « nettoyer des
Une partie du dispositif policier
                                                                les militant·es ont été entassé·es          plats ». Ainsi que le rappelle malicieusement
qui a réprimé la manifestation                                  dans des bus et des camionnettes            Le Vif (2 mars 2018), le pape François avait
féministe du 31 mars 2018.                                      de la police et emmené·es aux caser-        justement conseillé en mai 2016 à l’Union
                                                                nes d’Etterbeek pour être fiché·es          internationale des supérieures générales :
                                                                et relâché·es dans divers endroits          « Quand on vous demande une chose qui relève
                                                                de Bruxelles afin d’éviter un nou-          davantage de la servitude que du service, ayez
                                                                veau rassemblement. Une dizaine             le courage de dire non. » Au cours de cette
                                                           © Collectif Féminisme Libertaire

                                                                de témoignages rendus publics sur           même rencontre, il avait malgré tout précisé
                                                                les réseaux sociaux font état de            qu’il ne fallait pas non plus « sombrer dans le
                                                                violences physiques et verbales. Et         féminisme ».
                                                                racontent aussi la résistance et la
                                                                solidarité des militant·es.

           8                                                                                                                               n° 209 / Mai 2018
La maternité aujourd'hui - Ce que les femmes en disent - Axelle Magazine
12                                                  	Harcèlement dans les
                                                                   transports : une résolution
             millions                                              du Parlement wallon
                                                            Belgique. Selon diverses études citées             thème et invite à l’action : publication de
                                                            dans le texte du Parlement wallon, 98 à            données genrées, travail sur la préven-
	Le chiffre                                                100 % des femmes ont déjà été victimes             tion, sécurisation des arrêts, rapidité de la
                                                            de harcèlement de la part d’hommes                 réaction à la suite d’une agression, mais
  du mois                                                   dans les transports en commun. Le                  aussi travail au sein de l’entreprise de
                                                            28 février dernier, le Parlement a donc            transports en commun, féminisation des
             C’est le nombre de filles mineures             approuvé à l’unanimité une résolution              professions de chauffeurs et contrôleurs,
             mariées de force chaque année depuis           réclamant la fin du harcèlement sexiste            lutte contre les images sexistes dans les
             dix ans, selon les calculs de l’Unicef         dans les transports en commun. Cette               publicités, planification urbaine, etc. La
             rendus publics en mars. Ce chiffre est en      résolution, à lire sur le site du Parlement,       résolution intègre ces recommandations
             léger recul (moins 15 %) en comparaison        fait suite à de nombreuses mobilisations           et appelle, entre autres, à mener des
             avec la décennie précédente, notamment         d’associations féministes (notamment               campagnes de sensibilisation dans les
             grâce à l’augmentation du taux d’éduca-        Garance, mentionnée dans le texte), à              transports publics, à installer des boutons
             tion des filles, au travail des associations   de multiples témoignages de femmes                 d’arrêt automatique en cas de harcèle-
             et à des politiques gouvernementales           victimes, à différents projets de représen-        ment ou encore à former les travailleurs/
             favorables. En Inde en particulier, il a       tant·es politiques ainsi qu’à des études           euses à détecter et mieux réagir quand
             quasiment été divisé par deux.                 réalisées par l’organisation JUMP, par             elles/ils sont témoins d’une agression.
                                                            Vie Féminine ou par l’Université libre de          Comme l’indique la résolution, 59 %
                                                            Bruxelles. Coordonné par les chercheuses           des femmes utilisent quotidiennement
                                                            Patricia Mélotte et Laurence Rosier, le            les transports en commun : l’accès à la
                                                            rapport de l’ULB propose un état des               mobilité est un vecteur d’autonomie fon-
                                                            lieux de 139 études déjà réalisées sur ce          damental pour les citoyennes..

                      La femme
                       du mois
                                                                 	Cancer du sein dans
                  Epsy Campbell Barr.
                Le Costa Rica vient de se choisir                  les maisons de repos :
               la première vice-présidente noire
               d’Amérique latine : Epsy Campbell                   l’inquiétude d’un médecin
                 Barr. Économiste et féministe
                de gauche, écrivaine et cofonda-            Belgique. Dans notre pays, un tiers des femmes touchées par le cancer du sein ont plus
                trice du parti politique « Action           de 70 ans. Celles qui résident en maison de repos sont-elles détectées trop tardivement ?
                citoyenne », elle a 55 ans et elle          Interviewé par la RTBF (19 mars 2018), le médecin liégeois Pino Cusumano tire la sonnette
                  est actuellement députée.                 d’alarme. En effet, dans son cabinet, il voit arriver des patientes âgées, vivant dans une mai-
                                                            son de repos ou une structure similaire, à un stade avancé de la maladie. Pino Cusumano
                                                            incrimine tout d’abord une maltraitance créée par le système de prise en charge de ces
                                                            personnes : « On a mis tellement de normes et de restrictions budgétaires que, notamment,
                                                            un des postes qui a été le plus réduit, c’est le poste des soignants. Un soignant qui doit faire 30
                                                            toilettes sur une matinée, il ne peut pas tout voir. Tout le monde sait qu’en Belgique, il y a une
                                                            pénurie croissante de médecins généralistes. Elle est également croissante dans les maisons
                                                            de repos. » Il déplore aussi le manque de vision globale concernant le vieillissement de la
                                                            population. Par ailleurs, le contexte politique ne le rassure certainement pas : la ministre de
                                                            la Santé Maggie De Block (Open Vld) souhaite supprimer le remboursement du dépistage
                                                            du cancer du sein pour les femmes de moins de 45 ans et de plus de 74 ans. Elle vient de
                                                            suspendre son projet, simplement parce que l’annonce publique de cette mesure a sus-
CC MadriCR

                                                            cité un vif émoi et qu’un « débat serein est impossible dans une telle atmosphère », a-t-elle
                                                            indiqué dans un communiqué (RTBF, 12 mars 2018).

                                                                                                                                                             9
La maternité aujourd'hui - Ce que les femmes en disent - Axelle Magazine
Enfin une statue
                                                               pour une héroïne noire
                                                    Danemark. au Danemark                           d’inauguration que le but de la statue est d’interpeller
                                                    – comme en Belgique –, la plu-                  l’histoire coloniale et esclavagiste danoise. Les deux scu-
                                                    part des statues représentent                   lptrices veulent remettre en question la façon dont cette
                                                    des héros masculins et blancs.                  histoire est racontée et rendre hommage aux victimes
                                                    C’est donc une petite révolution                de l’esclavage et du colonialisme. La sculpture, haute de
                                                    que l’inauguration, le 31 mars                  sept mètres, s’appelle I am Queen Mary, « je suis la reine
                                                    dernier, de la statue de mary                   mary ». La femme représentée est en réalité la fusion en
                                                    thomas, la « reine des rebelles »,              3D du corps des deux artistes. La « reine des rebelles » est
                                                    dans la capitale danoise, dans                  assise sur un trône dans une pose qui renvoie à une pho-
                                                    un endroit très symbolique :                    tographie iconique de Huey Percy newton, cofondateur
                           Devant la statue de      devant d’anciens entrepôts de la                des Black Panthers. Queen mary tient dans la main droite
© David Berg

                       la « reine des rebelles »,   Compagnie danoise des indes,                    une torche enflammée, au creux de la paume gauche, une
                    Jeannette Ehlers (à gauche)     où étaient stockés sucre, rhum                  canne à sucre, en référence aux résistances des esclaves et
                             et La Vaughn Belle.
                                                    et autres marchandises prove-                   des personnes colonisées. Une femme royale.
                                                    nant des colonies.
                         en 1878, mary thomas a mené une révolte d’esclaves
                         de très grande ampleur dans les Îles Vierges (qui étaient                                           Erratum
                         sous domination danoise avant d’être vendues aux États-                                             Merci à la lectrice qui nous a signalé une erreur
                                                                                                                             en page 9 du magazine de mars. C’est bien au
                         Unis en 1917). Les artistes La Vaughn Belle, native des Îles
                                                                                                                             mois d’octobre 2018 qu’auront lieu les élections
                         Vierges, et Jeannette ehlers, danoise d’origine caribéenne,                                         communales ! Ce sera d’ailleurs le thème du
                         qui ont réalisé ce projet, expliquent dans leur vidéo                                               prochain dossier.

                                                                        Infos abonnement
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                         Abonnement d’un an Belgique : 29€                                                                               Solidarités de femmes
                                                                                                                          Le racisme divise les femmes entre elles, de la même
                         Abonnement d’un an Étranger : Europe 64€, hors Europe 78€
                                                                                                                           façon qu’il hiérarchise l’humanité. Et il n’épargne
                         (la différence de prix avec la Belgique est due aux frais postaux).
                                                                                                                         pas la société belge. Ce numéro spécial ouvre ses pages
                         Je verse ……..€ sur le compte BE13 7755 9620 2639 de Vie Féminine                                       à cette réalité complexe et met en lumière
                         (BIC : GKCCBEBB) avec la mention « Abonnement axelle ».                                              des femmes qui s’entraident et qui fabriquent
                         Je souhaite recevoir le document nécessaire pour effectuer le paiement                                          de la solidarité politique.
                         par ordre permanent.
                    L’abonnement prend cours dès réception du paiement.
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                    Date et signature

               10                                                                                                                                              n° 209 / Mai 2018
À Vie Féminine,
                                on dit quoi ?
                                                                                                                         Le mouvement féministe

                 Un congé de maternité égal                                                                               d’action interculturelle
                                                                                                                             et sociale s’exprime

                       pour toutes !                                                                                           sur un sujet lié à
                                                                                                                          l’actualité des femmes.

                Saviez-vous que dans notre pays, votre congé de maternité peut
                être réduit si vous êtes malade dans les six semaines précédant                                 développement cognitif de l’enfant.
                                                                                                                Le congé de maternité en Belgique est l’un
                 l’accouchement ? Vie Féminine soutient une mère révoltée par                                   des plus courts au sein de l’Union euro-
                       cette injustice et demande un changement de la loi.                                      péenne, avec 15 semaines. Raboter encore
                                                                                                                le congé postnatal impacte négativement
                                                                                                                les premiers mois du bébé et la vie des
                                                                                                                parents. Rappelons-le également, les indé-
                                                                                                                pendantes ont aussi un congé de maternité
                                                                                                                très court, 12 semaines, et qui devrait faire
                                                                                                                l’objet d’une réforme à part entière.
                                                                                                                De plus, cette législation est en contradic-
                                                                                                                tion avec le droit européen. Selon la Cour
                                                                                                                de justice européenne, de tels jours d’in-
                                                                                                                terruption ne semblent pas pouvoir être
                                                                                                                pris en compte dans la période du congé
                                                                                                                de maternité.
CC Joe Green

                                                                                                                 Des justifications inacceptables
                                                                                                                Les principaux arguments entendus jusqu’à
                                                                                                                présent pour ne pas toucher à cette mesure
               En Belgique, le congé de maternité est de      Maggie De Block. Nous y demandons pure-           nous semblent inacceptables. Ce n’est
               15 semaines, dont une semaine prénatale        ment et simplement un changement de               peut-être pas dans l’accord de gouverne-
               obligatoire. La plupart des futures mères      la loi.                                           ment, mais par ailleurs ce gouvernement
               essaient d’atteindre cette limite pour                                                           ne cesse d’augmenter la pression sur les
               conserver un « congé » de maternité suffi-           Un congé à deux vitesses                    travailleuses et travailleurs, ce qui a des
               samment long. Malheureusement, il arrive       Cette mesure va à l’encontre de la finalité       conséquences. La question des coûts est
               que des complications surgissent, imposant     première du congé de maternité : accueillir       importante mais il faut voir qu’aujourd’hui,
               à la future mère un repos forcé. Une mala-     au mieux un·e nouveau-né·e. Cela crée un          les coûts sont supportés par les femmes,
               die n’ayant rien à voir avec la grossesse      congé de maternité à deux vitesses, récom-        les parents, confronté·es à ce problème et
               peut également survenir. Mais dans les         pensant les femmes ayant eu la possibilité        qui doivent soit mettre le bébé plus tôt à
               6 semaines avant la date présumée de l’ac-     de travailler jusqu’à sept jours avant leur       la crèche, soit prendre des congés paren-
               couchement, ce qui devrait être un simple      date d’accouchement présumée et punis-            taux assez peu rémunérés, sans parler des
               « congé maladie » se transforme automa-        sant celles qui n’ont pas eu cette possibilité.   coûts cachés en termes de santé pour le
               tiquement en congé de maternité, rédui-        Sans parler de la lourdeur des démarches          bébé et la mère. Enfin, évoquer le risque
               sant d’autant les semaines postnatales.        administratives qui retombent sur ces der-        de « fraude » (certificat de complaisance)
               Confrontée à cette expérience et révoltée      nières (remboursement du salaire garanti          jette le discrédit sur toutes les mères et les
               par cette injustice, Valérie Loreaux lançait   pour toucher l’indemnisation mutuelle             professionnel·les de la santé périnatale qui
               une pétition en 2016 qui a recueilli plus de   équivalente au congé de maternité) à un           sont mis·es à mal aujourd’hui par différen-
               40.000 signatures. Mais rien n’a bougé.        moment où elles ont d’autres choses à faire.      tes mesures (notamment la réduction du
               Autour du 8 mars, plusieurs organisations,     Par ailleurs, une réduction du congé post-        séjour en maternité). La manière dont la
               dont la Ligue des familles, Vie Féminine…      natal entraîne une entrée plus précoce dans       société organise l’accueil et les soins aux
               ont soutenu cette initiative en adressant      les milieux d’accueil de la petite enfance,       mères et aux nouveau-né·es dit beaucoup
               une lettre ouverte à la ministre de la Santé   ce qui peut avoir un impact négatif sur le        de cette société, et ce n’est pas joli à voir !

                    n° 209 / Mai 2018                                                                                                                       11
dossier

    12    n° 209 / Mai 2018
La maternité
   aujourd’hui
                    Ce que les femmes en disent

                    V
                             ie Féminine a entamé l’an dernier une
                             recherche-action qui n’est pas encore
                             clôturée mais dont certains extraits
                    suscitent déjà une réflexion riche et actuelle
                    au sujet de la maternité. L’expérience et les
                    préoccupations des femmes consultées apportent
                    de nombreux éléments pour analyser la façon dont
                    le vécu de la maternité (et de la non-maternité) a
                    évolué à la lumière du fameux slogan des années
                    1970, « Un enfant si je veux, quand je veux ! »
                    Pour nourrir ce dossier, focus sur deux initiatives :
                    le service Aquarelle, qui répond aux besoins des
                    mères les plus précarisées, et un collectif d’Arlon
                    qui informe et renforce les femmes au sujet
                    de la maternité.
                    — Cécile De Wandeler et Vanessa D’Hooghe, Vie Féminine (textes), Julie Joseph (illustrations)

n° 209 / Mai 2018                                                                                                   13
dossier

          « Un enfant
             si je veux,
             quand je veux ! »
             Et depuis ?
                      En 2017, Vie Féminine entamait une recherche sur la maternité1 : quelles sont les préoccupations des
                      femmes et les conditions de la maternité au 21e siècle ? Soixante-sept femmes, mères ou prêtes à
                      le devenir, ont échangé sur ces questions, en groupe pour la plupart. En parallèle, sept femmes ont
                      parlé de ce que représente aujourd’hui le fait d’être une femme sans enfant (de façon volontaire ou
                      non), au cours d’entretiens individuels. Cette recherche, toujours en cours, esquisse déjà une vision
                      renouvelée de la maternité, au départ des femmes. Elle permet de réfléchir à une suite au fameux
                      slogan des années 1970 : « Un enfant si je veux, quand je veux ! » Aujourd’hui, où en est-on ?
                      Vanessa D’Hooghe

                          Un enfant si je veux, quand je           Un droit fondamental                  la possibilité d’en vouloir ou non. La
                          veux ! » : ce slogan, porté par           qui change la donne                  contraception et, plus tard, l’avortement
                          les plannings familiaux, une      Lorsque l’interdiction est levée en 1973,    ont changé la sexualité des femmes, qui
                          partie du monde médical et        l’accès à la contraception sûre – dont la    se départit de la grande peur de tomber
                          les mouvements féministes,        toute jeune pilule – se répand plus large-   enceinte mais aussi de la maternité, désor-
          visait la légalisation de la contraception        ment, permettant aux femmes le contrôle      mais « choisie ». Avec ce droit fondamen-
          (dont la publicité était interdite en Belgique    de leur capacité de procréation, le choix    tal (qui reste tous les jours à défendre)
          depuis 1923) et de l’avortement.                  du moment de faire un enfant mais aussi      s’est aussi opérée une transformation
                                                                                                         de la maternité, fortement réduite à une
                                                                                                         question de « désir » qui masque les nom-
                                                                                                         breuses réalités vécues par les femmes
                                                                                                         ayant participé à la recherche entamée par
                                                                                                         Vie Féminine l’an dernier.
                                           En quelques mots
                                                                                                                    Au-delà du choix
                La recherche-action entamée par Vie Féminine a mobilisé 74 femmes en                    Toutes les femmes n’emploient pas le
                 Wallonie et à Bruxelles.                                                                registre du « choix » pour expliquer leur
                                                                                                         rapport à la maternité : pour plusieurs
                Leur expérience montre que la maternité est bien loin d’être uniquement
                                                                                                         d’entre elles, vouloir un enfant relève de
                 une question de « désir »…
                                                                                                         l’évidence. Cette évidence est aussi par-
                À Bruxelles et à Arlon, deux projets répondent chacun à des besoins                     fois présente parmi les femmes qui ne sou-
                 spécifiques des femmes au moment de la maternité.                                       haitent pas en avoir : c’est quelque chose
                                                                                                         d’ancré, décrit l’une. Pour d’autres, vouloir

          14                                                                                                                         n° 209 / Mai 2018
« Choisir le moment pour faire
                                                       un enfant parce qu’il pourra jouir
                                                       d’un environnement idéal pour
ne suffit pas. Lorsqu’elles vivent l’infertilité,      son développement… Oui,
elles ont à faire le « deuil de la nature »,
souvent sans en parler, sous les questions
embarrassées ou insistantes de l’entou-
                                                       c’est bien, mais comment on fait,
rage. L’infertilité, les avortements, les
fausses couches ou encore les grossesses
                                                       de nos jours, pour y arriver ? »
non désirées… sont des expériences sou-                  (extrait d’entretien individuel)
vent entourées de tabous, de silences, de
questionnements. est-ce parce qu’elles
sont considérées comme des accidents ou             Ces conditions deviennent de plus en plus        femmes l’ont dit : tout le monde se sent
des cas particuliers, au regard du contrôle         compliquées à réunir, dans une société iné-      autorisé à donner son avis. Cependant, les
de la capacité de procréation ? Pourtant,           galitaire qui met à mal les droits socioéco-     mères sont encore considérées comme les
ces « exceptions » sont répandues parmi les         nomiques et rend la stabilité très difficile à   principales, voire les seules responsables
femmes, et parfois vécues par une même              atteindre. Le moment idéal pour une gros-        du développement optimal de leur enfant,
femme, qu’elle veuille ou non des enfants.          sesse, tel qu’elles le projettent mais aussi     et témoignent d’un grand isolement dans
                                                    tel que la société continue de le préconi-       le couple (quand il existe), la famille et la
   La contraception en question                     ser, devient inaccessible. Pour certaines,       société au moment de la maternité. La
Le droit à la contraception existe depuis           cela les pousse à dissimuler leur choix de       réduction de la maternité à un « désir »
45 ans maintenant mais la question n’est            faire un enfant en le faisant passer pour        individuel a-t-elle accentué l’absence de
pas résolue pour autant, si on écoute les           un accident aux yeux de leur entourage,          partage égalitaire des responsabilités du
conditions dans lesquelles les femmes la            afin d’éviter les jugements. La culpabilité      soin et de l’éducation des enfants et le
vivent. Lorsqu’elles ont abordé le sujet,           des mères, dont les femmes ont beaucoup          désengagement de la société à cet égard ?
certaines ont fait part du ras-le-bol de la         parlé, peut en réalité commencer avant           injonctions contradictoires, culpabilité,
contraception hormonale, du poids de sa             même la conception.                              discriminations, contrôle social, inégali-
gestion quotidienne insuffisamment par-                                                              tés femmes-hommes, isolement, violen-
tagée dans le couple, mais aussi du fait                         « Si je veux »                      ces, manque d’information, insuffisance
qu’elle n’est jamais complètement laissée                face à la force de la norme                 et inadaptation des droits et institutions
aux mains des femmes. Être obligée d’aller          L’injonction à la maternité reste extrê-         aux besoins réels et diversifiés des mères :
voir un·e médecin pour lui demander un              mement forte. C’est encore un défi pour          les participantes ont ciblé de nombreux
contraceptif, c’est aussi se soumettre à un         les femmes qui ne souhaitent pas devenir         domaines de mécontentement. Ces dif-
regard extérieur régulier sur sa capacité de        mères de faire respecter ce choix, face aux      ficultés n’ont pas le droit de se dire car la
procréation, un questionnement sur son              attentes de la société et aux réactions,         maternité doit forcément être heureuse,
désir d’enfant : une forme de contrôle que          parfois violentes, de leur entourage. Dès        constatent plusieurs d’entre elles.
jamais les hommes n’ont à subir.                    qu’elles réunissent une partie des condi-        or, concernant les conditions dans les-
Qu’elles soient mères ou non, le rapport            tions idéales pour faire un enfant (celles-là    quelles est vécue la maternité aujourd’hui,
entre les femmes et la médecine autour              mêmes que les mères ont à réunir : tra-          on est encore loin de ce que les femmes
de leur (potentielle) maternité montre              vail et/ou compagnon…), la pression se           désirent. non seulement le « si je veux,
que le droit à disposer de son corps est            renouvelle.                                      quand je veux ! » n’est pas réalisé, mais
incomplet, toujours à négocier. Les témoi-          Quant à celles qui souhaitent devenir            les femmes aspirent également à sortir du
gnages de violences verbales ou physiques,          mères et ne peuvent pas, il leur est doulou-     « comme je peux ». Lorsqu’elles se réunis-
de non-respect des choix, de non-écoute             reux de vivre dans une société qui impose        sent, elles construisent une autre vision
ou encore d’absence d’information sont              la maternité comme une norme et qui              de la maternité, au-delà du désir indivi-
nombreux.                                           leur rappelle de manière incessante leur         duel. Une vision qui interpelle la société
                                                    absence d’enfant. Les mères ne sont pas          (médias, politiques publiques, institutions,
  Le bon moment : inaccessible ?                    épargnées : après le premier enfant, vient       médecine…) sur ses responsabilités et qui
Les femmes ont beaucoup parlé de l’« envi-          la pression sociale d’en avoir un deuxième.      demande des changements.
ronnement propice » pour devenir mères.
il ne leur a pas suffi de vouloir : pèse                         Loin de ce que
également sur elles la responsabilité de                     les femmes désirent
réunir les « bonnes conditions » pour pou-          Les injonctions à faire un enfant et le
                                                                                                     1. avec le soutien de la région wallonne et de
voir faire un enfant. Équilibre personnel,          contrôle social sur la façon de s’en occu-          l’assemblée alter Égales de la Fédération
couple, diplôme, emploi et logement...              per sont pesants. À plusieurs reprises, les         Wallonie-Bruxelles.

      n° 209 / Mai 2018                                                                                                                               15
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