La prévention de la transmission sexuelle des VIH/MST dans les pays en développement

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La prévention de la transmission sexuelle des VIH/MST dans les pays en développement
Projet Sectoriel: Prevención et control
du SIDA dans les pays en développement    No.2

Doris D’Cruz-Grote

La prévention de
la transmission sexuelle
des VIH/MST
dans les pays
en développement
Expériences et conceptions

Deutsche Gesellschaft für
Technische Zusammenarbeit (GTZ) GmbH
La prévention de la transmission sexuelle des VIH/MST dans les pays en développement
Remerciements
L’auteur adresse ses sincères remerciements aux
personnes qui ont apporté leurs suggestions et
critiques lors de l’élaboration de ce document :
Dr Ulrich Vogel, Dr Barbara Kloss-Quiroga,
Madame Jacqueline Bouwmans, Dr Olaf Müller,
Madame Bettina Schneider et Dr Christian Grote.
Le document final a été soumis à la GTZ
en septembre 1996.

L’auteur
Madame Doris D’Cruz Grote est née en Inde et a
étudié les sciences de l’éducation et de la commu-
nication à Singapour et aux Etats-Unis. Elle a tra-
vaillé en tant qu’enseignante, directrice-productrice
pour une chaîne de télévision et comme assistante
en journalisme. A partir de 1986, elle a travaillé à la
prévention des SIDA/MST et à la promotion de la
santé sexuelle dans plusieurs pays en Afrique et en
Asie en tant que consultante indépendante pour
différentes organisations comme l’OMS,
l’Administration pour le Développement d’Outre-
Mer (ADO), la GTZ, la Fondation Allemande pour
le Développement International (DSE) et l’Alliance
Internationale VIH/SIDA.

Depuis novembre 1996, Madame D’Cruz Grote est
basée à New Delhi, Inde, en tant que conseillère
pour la communication et la promotion de la santé à
l’ONUSIDA. Elle a publié, au cours de la seconde
partie de l’année 1996, dans la série consacrée au VIH
et au SIDA de la revue The Lancet, un article intitulé
« Prévention de l’infection à VIH dans les pays en
développement » (Vol. 348, Octobre 19, 1996,              Publié par :
p. 1071ff)                                                Deutsche Gesellschaft
                                                          für Technische Zusammenarbeit (GTZ) GmbH
                                                          Division 4300, Santé, Education, Nutrition, Aide d’emergence
                                                          Dag-Hammarskjöld-Weg 1–5
                                                          65760 Eschborn, Allemagne
                                                          Texte :
                                                          Doris D’Cruz Grote
                                                          Traduit de :
                                                          Programme Régional SIDA/GTZ
                                                          en Afrique occidentale et centrale, Accra (Ghana)
                                                          Photos :
                                                          Titel: PSI/Courtesy of Population Services International;
                                                          p. 8: UNICEF/Ref. 97-172/Larson; p. 13: GTZ/Montage;
                                                          p. 25: Peter Charlesworth/avec la gracieuse autorisation de IPPF
                                                          Mise en forme :
                                                          Stefan Mümpfer, 60316 Frankfurt
                                                          Impression :
                                                          Hoffmann GmbH, 55129 Mainz
                                                          Mai 1999
La prévention de la transmission sexuelle des VIH/MST dans les pays en développement
Preface

Preface

« En l’absence d’un vaccin ou d’un remède, la pré-        d’environ 40% en moins qu’il ne l’aurait été si le
vention est la seule stratégie de lutte contre l’épidé-   taux d’infection du milieu des années 80 avait per-
mie du VIH ». Telle a été la bonne parole prodiguée       duré.)
par la santé publique durant les 10 à 12 dernières           Bien qu’on ne connaisse pas précisément l’im-
années. Après la découverte du VIH comme agent            pact des efforts de prévention sur la propagation
causal du SIDA et l’établissement des trois modes         du VIH en général, le défi demeure. En l’absence
de transmission (sanguin, mère à enfant, sexuel) au       d’un vaccin, les interventions relatives à la préven-
début des années 80, il y eut un courant d’optimis-       tion demeureront la clé du contrôle du VIH. Si on
me parmi plusieurs directions des stratèges interna-      fait un examen rétrospectif des stratégies de pré-
tionaux, disant que le nouveau combat pouvait être        vention appliquées au niveau international, et en
gagné. Pour maîtriser la propagation rapide du virus      particulier dans les pays en développement
et remporter la victoire sur le SIDA, ces stratèges       – et ici encore ce qui est communément appelé
de première ligne, dont plusieurs venaient de la          approches IEC – on voit que le thème dominant est
campagne d’éradication de la variole qui eût du           le « changement de comportement ». On s’adresse à
succès dans les années 70, ont cru que la réponse         l’individu en lui demandant d’adapter son propre
aux modèles de transmission relativement simple           comportement sexuel afin de réduire le risque de
du nouveau virus serait également facile. La pré-         l’infection. L’intervention qui consiste à briser la
vention ferait l’affaire.                                 chaîne de transmission est en fait une technique de
    En presque 15 ans de pandémie, les nombres            base qui utilise des barrières – qui peuvent être
cumulatifs évalués de l’infection à VIH dans le monde     physiques, par exemple une capote, ou comporte-
entier ont passé de 5 millions en 1987 à 30 millions      mentales, par exemple en recommandant l’absti-
en 1996. On pense qu’à peu près 80 à 90 % des infec-      nence ou la réduction des partenaires – pour stopper
tions sont transmises sexuellement. On croit que          le passage des millions de virions d’une personne à
plus de 1.500.000 personnes sont mortes du SIDA           une autre. On a donc identifié des individus en tant
en 1996 et que ce nombre continuera à augmenter           que cibles des efforts et des campagnes d’informa-
dans les années à venir.                                  tion et d’éducation. Empêcher ces personnes d’avoir
    Qu’en est-il de l’optimisme qui prévalait au          une mauvaise conduite sexuelle comme elles ont
début ? Est-ce que la prévention a eu du succès ?         pu l’avoir dans le passé fut la tâche fondamentale
    La multiplication par 6 du nombre de cas d’in-        de toute la prévention de transmission sexuelle. S’il
fection entre 1987 et 1996 à travers le monde,            est vrai qu’en fin de compte tout individu est res-
semble indiquer une grande défaite face à la répon-       ponsable de son comportement, il est néanmoins
se internationale. Cependant, comme personne ne           évident que le comportement sexuel et les modèles
connaît la vraie virulence « naturelle » du VIH, et ce    de consommation sont fortement influencés par
qui aurait pu se passer s’il n’y avait pas eu d’inter-    des facteurs d’inégalités entre les sexes, ainsi que
ventions planifiées de prévention, le score demeu-        sociaux, culturels et économiques. Ce qu’une
re ouvert. En effet, peut-être que tous les efforts       société donnée considère comme sexuellement
d’information, d’éducation et de communication            vrai ou faux, ou tabou, déviant ou normal, n’est pas
(IEC) et tous les examens sanguins et conseils ont        décidé par un acteur individuel, mais par un certain
empêché une explosion dévastatrice à l’échelon            nombre de normes et de valeurs auxquelles se rat-
international ou dans certaines régions. (La Thaï-        tachent différentes gratifications et sanctions.
lande estime le nombre des infections à VIH préve-           Cette concentration sur l’individu ainsi que
nues à 1.600.000, grâce aux efforts conjugués de          sur des modèles discutables liant la connaissance
contrôle et de prévention. En Allemagne, on estime        au comportement a réduit à néant ce que la com-
que le nombre réel des personnes infectées est            munauté internationale « d’éducation de la santé »

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La prévention de la transmission sexuelle des VIH/MST dans les pays en développement
Preface

et de « prévention » avait reconnu comme une percée        biotechniques par les ministères nationaux de santé,
majeure de la pensée conceptuelle : la progression         ainsi que par les organisations internationales de
de l’éducation à la santé vers la promotion de la santé.   santé; et le dernier, mais pas le moindre, le compar-
Dans la même année (1986), il s’est avéré évident          timentage bureaucratique du monde qui fragmente
que le SIDA n’était pas un virus isolé de type Ebola       en questions techniques une réalité sociale com-
ni un étrange virus inconnu (plusieurs programmes          plexe, et de ce fait, réduit dans une large mesure la
internationaux tels que OMS/PGS et le programme            coopération et la coordination multisectorielles et
bilatéral allemand ont démarré cette année-là), et les     interdisciplinaires, à des déclarations de bonne
experts internationaux qui traitent des questions          intention et des discussions inefficaces.
d’éducation et d’information en matière de santé               Mais ces contraintes structurelles ne sont pas
se sont réunis à Ottawa et ont adopté la fameuse           l’objet du document rédigé par Doris D’Cruz Grote.
« Charte d’Ottawa » sur la promotion de la santé.              Ce que le document recommande comme future
Ceci a rendu possible un changement de paradig-            orientation est aussi convaincant du point de vue
me en matière d’éducation à la santé aussi impor-          conceptuel que complexe du point de vue de la
tant que la Déclaration de Alma Ata de 1978, qui,          programmation. Néanmoins si la communauté
en général, avait modifié la façon de penser des           internationale croit aux progrès de la santé préven-
planificateurs.                                            tive, il est grand temps de reconsidérer dans les
    Quand nous jetons un regard sur la première            SIDA/MST – tout comme dans n’importe quel pro-
décennie d’efforts de prévention du VIH au plan            gramme de santé publique – les défauts de l’approche
international, il est difficile de croire que cette        conceptuelle d’orientation de type IEC ainsi que les
orientation innovatrice n’a joué qu’un rôle mineur         modèles des croyances en matière de santé. La
dans l’arsenal stratégique de la communauté inter-         santé – mauvaise comme bonne – est par ses mul-
nationale. Pourquoi l’unique plus importante ques-         tiples expressions, avec de rares exceptions, un
tion de santé publique (SIDA), au niveau internatio-       état socialement produit. En dépit de succès indé-
nal, de ces années est-elle concentrée sur une             niables dans la lutte contre la pandémie du VIH,
orientation de prévention qui, en partie, ou com-          on doit mettre l’accent sur le changement du com-
plètement, a ignoré la « meilleure pratique interna-       portement individuel en s’adressant à la structure
tionale » dans ce domaine ? Pourquoi les idées             sociale et culturelle des relations sexuelles, et à l’in-
d’une approche globale de la promotion de la santé         dividu en tant que partie intégrante d’une commu-
ont-elles largement négligé un terrain d’études            nauté et d’un réseau. Comme les SSP, la promotion
aussi socialement et culturellement complexe que           de la santé, dans le cadre conceptuel de la Charte
la sexualité humaine ?                                     d’Ottawa fournit une orientation – non un schéma
    S’il y avait une leçon à apprendre des efforts         directeur – pour contribuer à l’amélioration de la
publics pour traiter d’autres questions du compor-         santé dans les pays développés et en voie de déve-
tement humain telles que le tabagisme, l’alcoolisme        loppement. Ce n’est pas un concept très moderne
et la violence, ce serait que les stratégies basées sur    (si le modernisme est vu essentiellement en tant
le changement relatif à la connaissance du compor-         que technologie de pointe pour les super auto-
tement individuel n’aboutissent pas à une réduc-           routes de l’information), mais il revient à la simple
tion majeure des risques et des dangers.                   et fondamentale compréhension que les êtres
    Cependant la négligence de la promotion de la          humains sont des « animaux sociaux ». Il est temps
santé n’est certainement pas la seule cause limitant       de donner à la promotion de la santé la chance
l’impact des approches de prévention sociale et            qu’elle mérite pour montrer ses capacités.
éducative Les aspects institutionnels et structuraux           Un mot sur le comment et le pourquoi de ce
jouent un rôle : le rôle ennuyeux de la promotion          document dans le contexte du projet bilatéral alle-
de la santé comme discipline dans les programmes           mand de Contrôle et Prévention du SIDA : la santé
d’études en santé publique; le manque de person-           publique, dans sa dimension politique et sociale n’a
nel expérimenté et bien formé au niveau internatio-        jamais eu plus de succès en Allemagne que dans les
nal; et même plus, au niveau national, le rôle, au         autres pays malgré l’héritage de Rudolf Virchow.
mieux, secondaire assigné aux interventions non            Cependant, dans les instituts tropicaux et les agences

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de coopération, il y a un grand nombre de cher-                        ments évidents et raisonnables (approche multi-
cheurs biomédicaux, d’épidémiologistes, de                             sectorielle), mais ne pouvait pas servir de base (si
contrôleurs de maladies et d’experts en laboratoire,                   controversée soit-elle) pour la discussion d’une
expérimentés et hautement qualifiés. En consé-                         future orientation. En 1994, avec la première intro-
quence, on comprend donc que la coopération                            duction de personnel expérimenté en IEC parmi
bilatérale concernant le SIDA se soit concentrée                       l’équipe SIDA de la GTZ et avec plus d’expérience
dans une large mesure, sur ce que la compétence                        acquise sur le terrain, on s’est rendu compte qu’un
allemande avait à offrir : la formation en laboratoire                 autre effort était nécessaire pour clarifier toutes ces
et les recherches épidémiologiques. Quand la pré-                      questions. Un premier important avant-projet a été
vention a fait son apparition en 1991 et même par                      fait par Mme Jacqueline Bouwmans, responsable
la suite, la GTZ manquait d’un réseau et d’expérien-                   IEC du Programme Régional SIDA/GTZ en Afrique
ce dans les efforts de promotion et d’éducation                        occidentale et centrale, en collaboration avec Mme
dans le domaine de la santé internationale. En                         Martha Osei de nationalité ghanéenne. Après de
conséquence, il n’est pas étonnant que les inter-                      nombreux discussions et commentaires entre colla-
ventions de prévention supportées par la GTZ dans                      borateurs de la GTZ sur le terrain et au siège, il a
le cadre de la coopération relative au SIDA soient                     été décidé que parvenu à ce point il serait proba-
moins importantes. Cependant, il y eût des efforts                     blement plus approprié de produire une sorte de
continus pour développer et focaliser l’attention                      document conceptuel de base qu’un examen cri-
sur la prévention. Ainsi, depuis le début il y eût                     tique du propre soutien de la GTZ à l’IEC et aux
souvent des questions sceptiques de la part des                        efforts pour l’éducation, ou tout autre document
contrôleurs traditionnels de maladies : « Est-ce que                   sur le « comment faire ».
votre prévention marche ? ».
    Un premier document sur l’IEC a été rédigé en                      U. Vogel
1993 1. Ce document a fait le résumé des types                         – Groupe SIDA/ GTZ –
d’interventions existantes et appelait à des change-                   Eschborn, le 6 mars 1997

1   R.Görgen et al, 1993, Controlling AIDS in Developing Countries: Information, Education and Communication, Principles and Strategies.

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Resume

Resume

Quand les premiers rapports sur le SIDA furent publiés       contrôle des maladies sexuellement transmissibles
en 1981, la maladie n’était qu’un concept abstrait pour      parmi les populations à risque – ont mis l’accent essen-
tout le monde, sauf pour le petit nombre de personnes        tiellement sur l’influence du comportement individuel.
qui avait déjà fait l’expérience de la mort et de la         Les activités des programmes ont été concentrées sur
maladie. Depuis lors, la cause et le mode de transmis-       l’information, les techniques d’enseignement en vue du
sion du SIDA sont connus, et les données épidémiolo-         changement du comportement et, si possible, sur la
giques se sont accumulées, montrant la propagation           garantie de services médicaux relatifs aux MST, ainsi
de l’épidémie. Une stratégie en vue de la prévention a       que des conseils et l’approvisionnement en préservatifs.
été mise en action par l’Organisation Mondiale de la         Le principe théorique de base de ces stratégies est
Santé (OMS). Les gouvernements, les organisations, et        que lorsque quelqu’un reçoit une information, il se
les groupes indépendants au niveau international,            sent motivé, et prend, après s’être rendu compte des
national, régional et communautaire, tous ont entre-         conséquences à long terme de l’infection, les déci-
pris de faire face à la pandémie.                            sions qu’il faut pour s’en préserver.
    Cependant, au même moment, les statistiques                  Les limites de ces stratégies et autres approches
révèlent que la pandémie continue à se répandre sur-         actuelles s’expliquent du fait que ce ne sont pas unique-
tout par la transmission hétérosexuelle. On estime qu’il     ment les facteurs personnels de risque, tels que la pré-
y a actuellement 21 millions d’adultes vivant avec le        sence d’une autre MST et les variables de comporte-
VIH/SIDA et que 90 % d’entre eux sont dans les pays          ment, qui déterminent la probabilité pour un individu
en développement. La proportion des femmes et des            d’être exposé à un partenaire séropositif; les variables
jeunes ayant le VIH et le SIDA a augmenté dramatique-        épidémiologiques et socio-économiques jouent égale-
ment. Les taux des autres MST restent également élevés       ment un rôle important dans la transmission rapide du
: 333 millions de nouvelles infections MST curables          virus. La vulnérabilité aux SIDA/MST est par conséquent
surviennent chaque année. Plus de 90 % de ces infec-         déterminée, non pas seulement par des facteurs phy-
tions se trouvent dans les pays en développement.            siologiques mais par des conditions socio-économiques
Des études récentes ont confirmé que la présence             au sens large, autant que par les inégalités entre les
d’une MST, en particulier une MST ulcérative, est un         sexes, toutes choses sur lesquelles les femmes, les tra-
facteur de risque pour l’accroissement de la prédispo-       vailleurs migrants et d’autres secteurs marginalisés de
sition à l’infection à VIH.                                  la société n’ont aucun contrôle.
    Malgré cette réponse internationale, nationale et            La base de données croissante et l’expérience
communautaire à la pandémie, les taux de croissance          acquise dans la prévention des SIDA/MST et dans
de l’infection montrent l’inadaptation de cette répon-       d’autres domaines de la santé et du développement
se pour la réduction de la propagation générale de           indiquent que dans le choix des approches, il est
l’épidémie. Toutefois, cela ne veut pas dire que les         important de savoir d’abord que le SIDA n’apparaît
programmes soient sans valeur. Des programmes indi-          pas dans le vide, mais dans un contexte donné et,
viduels ont eu un impact sur leurs groupes cibles.           ensuite, que le comportement individuel n’est pas uni-
Dans certains pays, on a constaté qu’un engagement           quement le résultat d’une prédisposition individuelle,
de grande envergure a favorisé l’adoption de compor-         mais dépend aussi de l’interaction avec les autres, des
tements sexuels à moindre risque. Cependant, ces             circonstances, des milieux sociaux et des rapports de
efforts semblent toujours trop limités pour prévenir la      force parmi et entre les hommes et les femmes.
rapide propagation générale du VIH dans les pays en              Cela implique que les stratégies de prévention
développement.                                               actuelles, qui se divisent en deux sphères de pro-
    Les trois stratégies actuelles de prévention contre la   grammes d’activités – programmes d’information,
transmission sexuelle – réduction du nombre de par-          éducation, communication et interventions intégrées
tenaires, promotion de l’utilisation des préservatifs et     ciblées – doivent être complétées par des approches

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multidimensionnelles dans la mesure où elles s’adres-       santé à travers le renforcement de l’action commu-
sent non seulement aux facteurs comportementaux             nautaire. Ces approches qui consistent à maintenir les
mais aussi aux facteurs contextuels qui contribuent à       principes d’ensemble de la promotion de la santé sont
la transmission du VIH. Ces approches doivent avoir         communs à d’autres secteurs de la santé publique et,
pour objectif la suppression des contraintes liées à        présentement, ils se développent graduellement pour
l’action protectrice ou, alternativement, la création de    répondre à la pandémie de SIDA/MST.
barrières contre la prise de risques, créant ainsi un           Dans ce contexte, la participation des ONG et des
environnement qui permettra aux hommes et aux               groupes communautaires et autonomes dans la promo-
femmes de se protéger soi-même et mutuellement,             tion de la santé sexuelle doit être encouragée et facilitée,
avec un changement des normes sociales qui main-            puisque les stratégies qui supportent le développement
tiennent les femmes dans un rang social inférieur,          communautaire s’adresseront aux quelques facteurs
ainsi que des changements structuraux pour donner           socio-économiques les plus importants influençant la
aux femmes un accès égal à l’éducation, à la forma-         conduite sexuelle. La force même de la promotion de
tion et à des emplois rémunérateurs en combattant           la santé repose sur la nature interdisciplinaire et sa
la discrimination.                                          large approche des problèmes de santé engageant
    Ceci peut se faire en abordant le problème SIDA/        tous les secteurs. En conséquence, l’interaction de
MST dans un contexte général de promotion de la             soutien mutuel et la collaboration entre les ONG, les
santé, ce qui permet aux gens d’avoir plus de contrôle      prestataires du secteur privé, le gouvernement et les
sur leur santé et de l’améliorer. Cette procédure met       institutions académiques doivent être encouragées. La
l’accent sur la participation personnelle, les environ-     force de cette interaction de soutien mutuel consiste
nements de soutien et la responsabilité partagée de         en ce qu’elle réduit la dépendance envers l’expertise
tous les secteurs en vue de l’amélioration de la santé      extérieure en tirant profit de toutes les ressources
individuelle et collective.                                 appropriées disponibles localement et contribue ainsi
    La promotion de la santé, en tant que problème          au renforcement de la capacité locale en vue de la
concernant toute la communauté, se distingue claire-        promotion de la santé.
ment de la prévention de la maladie. Le déplacement,            Les défis de la pandémie du SIDA ont une fois de
aux plans international et national, de la prévention       plus amené au premier rang les problèmes de déve-
verticale du SIDA et des MST vers la promotion de           loppement causés par la distribution inégalitaire des
la santé sexuelle, signifie plus qu’éviter des maladies     ressources et du pouvoir. Les systèmes sociaux ne sont
telles que le SIDA et autres MST, des grossesses indé-      pas immuables et peuvent changer – mais uniquement
sirées et des douleurs causées par les rapports sexuels.    avec une forte volonté politique. Dans le domaine de
Cela signifie qu’on s’assure non seulement que les          la prévention du SIDA, on peut déjà noter un progrès
individus aient accès à l’information, à l’éducation et     pour étendre la portée de la programmation à la pro-
aux meilleurs services possible mais aussi que les          motion de la santé sexuelle. Des modifications ana-
facteurs sociaux, culturels et légaux qui entravent le      logues dans les approches de développement, avec le
succès du bien-être sexuel de l’individu soient pris        respect universel des droits de l’homme et la promo-
également en considération. Par-dessus tout, c’est          tion de l’égalité des sexes, doivent être mises en place
que ce cadre de santé sexuelle admette explicitement        pour permettre aux approches novatrices dans la pro-
le « chaînon manquant » entre la sexualité et l’apparte-    motion de la santé sexuelle d’avoir un impact global
nance sexuelle.                                             sur la santé et le bien-être des gens.
    La promotion de la santé sexuelle exigerait : une           Ce article donne une vue d’ensemble de la situa-
véritable politique publique apte à influencer les déter-   tion actuelle des VIH/SIDA/MST et examine la préven-
minants de risques sociaux et écologiques; la création      tion du VIH/SIDA, en se concentrant sur les efforts
d’environnements de soutien; le développement du            pour empêcher la transmission sexuelle dans les pays
savoir-faire personnel pour permettre aux gens de           en développement. La seconde partie du document
contrôler leur santé et leur environnement; une réorien-    démontre comment des théories sur la promotion
tation des services de santé tournés vers ceux qui sont     ‘de la santé sont appliquées actuellement pour élargir
sensibles aux besoins généraux de l’individu; et une        le champ des interventions et promouvoir la santé
nouvelle délégation de la responsabilité des soins de       sexuelle.

                                                                                                                      5
Sommaire

TABLE DES MATIERES

Chapitre 1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

       1.     La réponse à la pandémie du SIDA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
       2.     La situation globale Actuelle de la pandémie des MST/SIDA. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
       3.     Les facteurs qui contribuent à la propagation de l’épidémie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
       4.     L’impact de la pandémie du VIH/SIDA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
       5.     Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Chapitre 2 La Prévention des SIDA/MST : Expérience acquise jusqu’à ce jour . . . . . . . 14

       1.     Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
       2.     Revue des stratégies pour la prévention sexuelle des MST/SIDA . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
              2.1. Réduction du nombre de partenaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
              2.2. Promotion de l’usage des préservatifs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
              2.3. Contrôle des Maladies Sexuellement Transmissibles (MST). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
       3.     Examen critique des activités du programme
              de prévention des SIDA/MST. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
              3.1. Information, Education et Communication (IEC). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
              3.2. Revue des interventions ciblées intégrées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
       4.     Contraintes majeures et obstacles concernant
              la prévention de la transmission sexuelle des SIDA/MST. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
              4.1. Contraintes liées à des modèles théoriques inappropriés.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
              4.2. Contraintes liées aux recherches.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
              4.3. Contraintes liées à l’évaluation et au monitoring. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
              4.4. Obstacles causés par l’insuffisance de la formation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
              4.5. Obstacles causés par le manque de collaboration multisectorielle. . . . . . . . . . . . . . . . 24
              4.6. Obstacles liés à l’insuffisance de soutien et d’engagement politiques. . . . . . . . . . . . . . 26
              4.7. Contraintes liées au soutien financier. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
       5.     Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

Chapitre 3 Directions futures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .28

       1.     Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
       2.     Le rôle de la promotion de la santé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
              2.1. Mise en place d’une politique solide. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
              2.2. Création d’un environnement de soutien.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
              2.3. Développement des compétences personnelles.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
              2.4. Renforcement de l’action communautaire.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
              2.5. Réorientation des services de santé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
       3.     Conclusion. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

6
Liste des schemas et tables

   Schéma 1 : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Dynamique de la transmission hétérosexuelle du VIH
   Schéma 2 : . . . . . . . . . . . Coût proportionnel retardant le démarrage d’un programme VIH efficace
   Schéma 3:. . . . . . . . . . . . . . . . Domaines sociaux représentant les déterminants du comportement
   Schéma 4 : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Modèle de la promotion de la santé sexuelle de l’IPPF
   Tableau 1 : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Effet du renforcement des capacités d’action des femmes.
          . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Banque de Grameen, Bangladesh, 1992

Liste des encadrés

   Encadré 1: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Définition de la santé sexuelle
   Encadré 2: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Créer une culture de soutien – la clé
   Encadré 3:. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Réseau africain sur l’éthique, le droit et le VIH.
         . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Déclaration de Dakar sur les droits de l’homme
   Encadré 4: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les droits de l’homme et le paradoxe du VIH
   Encadré 5: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le renforcement des capacités d’action des femmes
   Encadré 6: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Une approche élargie
   Encadré 7: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Projet de Santé Sexuelle

Abreviations

   ADO . . . . . . . . . . . . . Administration pour le Développement d’Outre-mer
   APF . . . . . . . . . . . . . . Association du Planning Familial
   CACP . . . . . . . . . . . . Connaissances, Attitudes, Comportements et Pratiques
   IEC . . . . . . . . . . . . . . Information Education et Communication
   IPPF . . . . . . . . . . . . . Fédération Internationale pour la Planification Familiale
   ISR . . . . . . . . . . . . . . Infection du Système Reproducteur
   IST . . . . . . . . . . . . . . Infection Sexuellement Transmissible
   MCS . . . . . . . . . . . . . Modèle de Croyance Sanitaire
   MST . . . . . . . . . . . . . Maladies Sexuellement Transmissibles
   OMS . . . . . . . . . . . . . Organisation Mondiale de la Santé
   ONG . . . . . . . . . . . . . Organisation Non Gouvernementale
   ONUSIDA . . . . . . . . . Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA
   PF . . . . . . . . . . . . . . . Planning Familial
   PGS . . . . . . . . . . . . . Programme Global sur le SIDA
   PNB . . . . . . . . . . . . . Produit National Brut
   PNLS . . . . . . . . . . . . Programme National de Lutte contre le SIDA
   SIDA . . . . . . . . . . . . . Syndrome d’Immuno-Déficience Acquise
   SMI . . . . . . . . . . . . . . Santé Maternelle et Infantile
   SSP . . . . . . . . . . . . . . Soins de Santé Primaires
   TASO . . . . . . . . . . . . The AIDS Support Organisation
    . . . . . . . . . . . . . . . . . (organisation ougandaise d’aide aux sidéens)
   TB . . . . . . . . . . . . . . . Tuberculose
   UNESCO . . . . . . . . . . Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture
   VIH . . . . . . . . . . . . . . Virus de l’Immuno-déficience Humaine

                                                                                                                                        7
Chapitre 1

Chapitre 1
Introduction

                                                           droits de l’homme légalement sanctionnés dans
                                                           certains pays. La prévention du SIDA, à travers l’édu-
                                                           cation et la promotion des préservatifs était perçue
                                                           comme inutile et inacceptable dans la plupart des
                                                           sociétés, une discussion ouverte sur la sexualité et
                                                           les relations sexuelles étant taboue et difficile.
                                                               L’attitude envers l’épidémie change lentement
                                                           mais sûrement au fur et à mesure que la connais-
                                                           sance et l’expérience augmentent. Bien que la dis-
                                                           crimination et la stigmatisation soient encore exis-
                                                           tantes, les politiques de prévention basées sur la
                                                           science et la pensée rationnelle ont été développées.
                                                           Des pays comme l’Ethiopie, l’Ouganda et la Thaï-
                                                           lande ont montré un engagement remarquable.
                                                           Le gouvernement thaïlandais a fait preuve d’un
                                                           engagement judicieux concernant la prévention du
                                                           SIDA tant dans sa politique que dans la mise à dis-
                                                           position des ressources pour l’appliquer. L’allocation
                                                           budgetaire pour le SIDA s’éleva de 184.000 US$ en
1. LA REPONSE                                              1988 à 7,3 millions US$ en 1991 et à 44,9 millions
   A LA PANDEMIE DU SIDA                                   US$ en 1993.(1) Cet important engagement des lea-
Depuis le commencement de l’épidémie dans les              ders politiques et des communautés vis-à-vis de la
années 80, il y a eu une mobilisation internationale       prévention se traduit par des relations sexuelles à
des systèmes de santé et de science sociale. En            moindre risque ainsi que par un usage considérable
1987, l’OMS a mis au point le Programme Global sur         de préservatifs. En Thaïlande, les niveaux des infec-
le SIDA (PGS) et a établi la stratégie globale pour la     tions à VIH parmi les recrues militaires ont diminué
prévention et le contrôle du Syndrome d’Immuno-            de 3,6 % en 1993 à 2,5 % en 1995. Des études entre-
Déficience Acquise (SIDA). A cette période, à cause        prises en Ouganda montrent qu’entre 1990–1993
de l’apparition rapide de l’épidémie, du fait qu’elle      et 1994–1995, la prévalence totale du VIH chez les
était mal comprise et suscitait la peur, on a recom-       femmes enceintes dans les sites sentinelles a dimi-
mandé une approche verticale basée sur le modèle           nué de 29 % chez les 15 à 19 ans et de 39 % chez les
réussi de l’éradication de la variole. Des programmes      20 à 24 ans.(2)
nationaux de lutte contre le SIDA ont été mis sur              Les groupes autonomes, les organisations des
pied depuis lors dans un grand nombre de pays à            communautés de base et les ONG locales et inter-
travers le monde entier.                                   nationales ont réagi de façon impressionnante et
    La réaction et l’efficacité des programmes appli-      continuent à jouer un rôle essentiel et souvent
qués varient de pays en pays, dépendant des con-           unique. Dans plusieurs pays comme l’Inde, la Thaï-
traintes politiques, des ressources disponibles, des       lande, le Nigeria, le Mexique et le Zimbabwe, les
traditions culturelles et des normes sociales entou-       ONG sont les organisations qui, les premières, ont
rant la sexualité. Au début de l’épidémie, le premier      travaillé avec les prostituées, les homosexuels, et
réflexe était souvent la dénégation, la peur, la stigma-   d’autres groupes marginalisés à haut risque de VIH.
tisation et la discrimination de ceux qui en furent        Au Mexique, le gouvernement a souvent cédé à la
victimes, suivi d’actes flagrants de violations des        pression des lobbies politiques de droite et religieux

8
qui s’opposent à la promotion des préservatifs, lais-                  2.          LA SITUATION GLOBALE
sant les ONG comme principaux partisans de cette                                   ACTUELLE DE LA
importante activité.(3) D’autres ONG, comme Kaba-                                  PANDEMIE DES MST/SIDA
likat aux Philippines ou la Fondation Duang Prateep                    Les taux d’infection à VIH augmentent. L’ONUSIDA
en Thaïlande ont intégré la prévention et les soins                    estime qu’actuellement 21 millions d’adultes vivent
du VIH/SIDA dans leurs programmes de développe-                        avec le VIH/SIDA alors qu’il y a quelques années
ment communautaire.                                                    seulement, en 1993, le chiffre était de 14 millions.
    Il y a eu de remarquables initiatives comme pour                   Environ les trois quarts de presque 7500 nouvelles
example « WAMATA », une organisation de base qui                       infections quotidiennes sont dues à la transmission
travaille actuellement dans plusieurs districts de                     hétérosexuelle. Au niveau mondial, les taux d’in-
Tanzanie en soutenant les gens atteints du SIDA par                    fection parmi les jeunes et les femmes s’accrois-
des conseils et des soins à domicile.(4) Des groupes                   sent. Approximativement, 50 % de toutes les infec-
d’entraide ont été formés par des gens atteints du                     tions à VIH se produisent parmi les jeunes de 10 à
SIDA : la « Know AIDS Society of Kenya » offre des                     24 ans et 42 % des personnes qui vivent avec le
services de conseils, de soins à domicile, de soutien                  SIDA sont des femmes.
aux orphelins atteints du SIDA ainsi qu’une éduca-                          Plus de 90 % d’adultes atteints du VIH/ SIDA
tion publique sur le SIDA. Le groupe « Espoir » à                      vivent dans les pays en développement. Le plus
Abidjan en Côte d’Ivoire offre un appui aux gens                       grand nombre de ces infections demeure toujours
atteints du SIDA.                                                      en Afrique sub-saharienne, mais les croissances les
    La révélation de l’épidémie et l’expérience                        plus rapides se trouvent en Asie du sud et du sud-est,
acquise durant les 15 dernières années ont activé le                   où l’on croit que le VIH se propage aussi vite que
changement d’une approche verticale vers une plus                      ce fut le cas en Afrique il y a 10 ans. Cette situation
large approche sociale et multisectorielle. Ceci a                     est critique du fait que cette région compte plus de
abouti à la mise au point du Programme Commun                          60 % de la population mondiale. Les populations
des Nations Unies pour le VIH/SIDA (ONUSIDA)                           d’Afrique du Nord, du Moyen Orient, d’Amérique
en janvier 1996, qui est maintenant responsable,                       latine et des Caraïbes font aussi l’expérience d’un
conjointement avec les efforts nationaux en cours,                     taux de croissance de l’infection. En Europe de
de la coordination d’une réponse multisectorielle                      l’est et centrale, la situation du VIH est fluctuante,
étendue à la pandémie du VIH/SIDA.                                     alimentée par des crises économiques, des conflits
    Cependant, dans le même temps, plusieurs                           ethniques et le déplacement des populations.
organisations travaillant pour la prévention des                            En même temps, d’autres MST curables conti-
MST/SIDA signalent l’accroissement de l’autosatis-                     nuent d’être endémiques dans plusieurs pays en
faction publique et le déclin de l’engagement de la                    voie de développement tout comme dans les quar-
société pour combattre le VIH/SIDA. Selon elles, la                    tiers pauvres des villes des pays industrialisés.
réponse actuelle provenant de plusieurs pays demeu-                    Chaque année, environ 333 millions de nouveaux
re inadéquate. La dénégation de l’existence de cette                   cas de MST guérissables se produisent, dont, une
pandémie et un manque d’engagement politique                           fois de plus, 90 % se trouvent dans les pays en déve-
demeurent des problèmes persistants.(5, 6,7) En plus                   loppement. Des données provenant de la plupart
de cela, pour la plupart de ces pays, la malaria, les                  des pays en voie de développement indiquent des
infections du système respiratoire et gastro-intesti-                  taux élevés de MST, non seulement chez les adultes
nales demeurent les problèmes majeurs de santé.                        mais aussi de plus en plus chez les adolescents
Ces problèmes de santé sont plus urgents et mena-                      actifs sexuellement.
çants que les conséquences futures de l’infection à
VIH et/ou les souffrances dues au SIDA.
    Dans quelle mesure cette réponse a eu un
impact sur la propagation de l’infection à VIH et
sur les conséquences de la pandémie du SIDA ?

2   Sauf indication contraire tous les chiffres sont extraits de rapports de l’OMS/PGS et de l’ONUSIDA

                                                                                                                             9
Chapitre 1

                                                                                        Nombre
                                                                                 de partenaires sexuels

                                                                                           MST
                                    Variables                                 Manque                Etape                    Variables
                                    épidémiologiques                             de               avancée                    socio-économiques
                                                                            circoncision        de la maladie
                                    Temps depuis                                                                             Urbanisation
                                    l’introduction du virus               Relations                                          Modèles partagés
                                    Structure                            sexuelles                   Manque                  Statuts des femmes
                                    démographique                         pendant                    d’usage                 Engagement politique
                                                                           les                     de condoms
                                    Mobilité de la population                                                                Education / Information
                                                                            menstrues
                                    Durée de l’infection                                                                     Infrastructure sanitaire
 Schéma 1 : Dynamique                                                              Relations      Sexe                       Ressources économiques
de la transmission hété-
                                                                                   sexuelles     féminin                     Structure de la pauvreté
                                                                                    anales
        rosexuelle du VIH
  Source : Fontanet et Piot, 1994
                                                                                      Sélection des
                                                                                       partenaires

                                    3. LES FACTEURS QUI                                            missibles (MST) et le VIH.(9,10) On a trouvé que les
                                       CONTRIBUENT                                                 MST classiques facilitent l’acquisition et la transmis-
                                       A LA PROPAGATION                                            sion du VIH. Il a été signalé que dans le cas d’une
                                       DE L’EPIDEMIE                                               MST qui cause une ulcération génitale telle que le
                                    Il existe un grand nombre de facteurs déterminant              chancre, la syphilis ou l’herpès génital le risque de
                                    la probabilité d’un individu à être infecté. Fontanet          transmission du VIH est multiplié par 4 à 10, de même
                                    et Piot illustrent sur le schéma 1, la dynamique de la         qu’une MST caractérisée par des pertes blanches
                                    transmission hétérosexuelle du VIH pour les popu-              telle que la blennorragie et les infections à Chlamydia
                                    lations sexuellement actives.(8) La probabilité de             le multiplie par 2 à 4.(10) Ainsi, l’incidence élevée et
                                    l’infection dépend de la facilité de la transmission           la prévalence des MST contribuent à une incidence
                                    hétérosexuelle du VIH, du comportement sexuel                  et à une prévalence de l’infection à VIH plus élevées.
                                    individuel et de la prévalence du VIH dans l’envi-             Des études faites en Afrique sub-saharienne mon-
                                    ronnement. Ce dernier facteur sera déterminé par               trent que la proportion des infections à VIH liées
                                    des variables épidémiologiques et socio-écono-                 aux ulcères génitaux est très élevée. On estime cette
                                    miques qui sont au-delà du contrôle individuel. Ces            proportion à 90 % chez les hommes et à 30 % chez
                                    variables sont listées à l’extérieur de l’anneau du            les femmes.(11)
                                    schéma 1. Dans l’anneau périphérique, on trouve les                Etre femme peut aussi être considéré comme
                                    variables du comportement, lesquelles déterminent              un facteur de risque pour être infecté. Diverses
                                    la probabilité d’un individu à être exposé à un par-           recherches ont confirmé une plus grande transmis-
                                    tenaire sexuel séropositif. L’anneau central indique           sibilité du VIH de l’homme à la femme.(12) Les cher-
                                    certains facteurs de risque de transmission connus             cheurs estiment que le risque d’infection à VIH
                                    qui pourraient faciliter la transmission du virus entre        chez les femmes provenant des relations sexuelles
                                    deux partenaires sexuels aux statuts sérologiques              sans protection est au moins deux fois supérieur à
                                    différents. Il a été suggéré que la facilité de la trans-      celui de l’homme pour des raisons physiologiques
                                    mission du VIH peut être plus élevée dans certains             telles que l’étendue de la muqueuse par laquelle le
                                    pays en développement par une combinaison des                  virus passe dans le vagin et sur le col de l’utérus.
                                    facteurs de risque de la transmission.                         Les plus jeunes femmes, surtout les adolescentes
                                                                                                   sont même exposées à un plus grand risque. On
                                    Les facteurs de risque de la transmission                      pense que l’immaturité du col de l’utérus des
                                    personnelle.                                                   adolescentes et la relative faible production de
                                    De récentes études ont confirmé qu’il y a un lien              mucus vaginal ne constituent pas une barrière au
                                    synergique entre les Maladies Sexuellement Trans-              VIH.(13) Dans certains pays, les filles de 12 ans

                                    10
peuvent être mariées avec des hommes qui ont                  Les facteurs environnementaux
trois fois leur âge. Ces hommes peuvent avoir été             Les déterminants épidémiologiques.
sexuellement actifs plus longtemps et sont donc               Bien que la prévalence totale du VIH dans la com-
plus sujets à être infectés. Aussi, on suppose que les        munauté soit le résultat des comportements indivi-
MST telles que la blennorragie et la syphilis tendent         duels, il y a des facteurs extérieurs aux individus
à devenir asymptomatiques ou faiblement sympto-               qui contribuent au taux de prévalence du VIH.
matiques plus souvent chez les femmes que chez                Par exemple, certains réseaux sexuels sont connus
les hommes, ce qui cause plus fréquemment des                 pour être associés à une propagation plus rapide
infections chroniques et d’autres effets secondaires          de l’épidémie. La formation de ces réseaux sexuels
liés à la santé.(14) Non seulement l’état précaire de la      dans la communauté dépasse le contrôle de l’indi-
santé reproductive des femmes, mais également la              vidu. Cependant, la prévalence du VIH affecte for-
carence chronique en vitamines, la malaria, les               tement la probabilité de l’infection individuelle.
grossesses compliquées, rendent celles-ci vulné-              Un jeune homme activement sexuel sera plus
rables et le non accès à l’avortement sans risque et          exposé au risque du VIH dans un milieu où la pré-
légal, les prédisposent au besoin de transfusion san-         valence du VIH dans sa tranche d’âge est de 30 %
guine, ce qui constitue une voie d’accès à l’infec-           qu’un jeune dont le comportement sexuel est le
           (15)
tion à VIH.                                                   même mais vivant dans un milieu où le taux de
    Certaines pratiques culturelles telles que l’ex-          prévalence est de 0,5 %.(8,19)
cision, l’usage de divers agents dessiccatifs vagi-                La taille du groupe vulnérable à l’infection est
naux et les relations sexuelles par voie anale peu-           un autre déterminant important dans les pays en
vent augmenter la vulnérabilité physiologique à               développement. Ces pays ont le taux annuel de
l’infection VIH des femmes, surtout quand le VIH              croissance de la population le plus élevé et les
                                        (16, 17)
s’est propagé dans l’environnement.                           jeunes y représentent la partie la plus importante
    Un facteur de risque important peut aussi être            des migrants ruraux vers les centres urbains. De
le moment du contact. La transmission du VIH est              plus, on rapporte que dans une partie de ces popu-
plus élevée au début du mois de l’infection et à              lations, les premières relations sexuelles ont lieu à
l’étape avancée de la maladie chez le partenaire              un âge précoce, ce qui augmente davantage la pro-
infecté par le VIH. Ceci pourrait signifier que les           portion de la population exposée au risque de la
taux élevés de la transmission du VIH peuvent                 transmission hétérosexuelle de la maladie. Comme
exister dans les pays industrialisés aussi longtemps          on vient de le dire, on estime que plus de 50 % des
que les facteurs de risque pour la transmission               infections se produisent chez les adolescents et les
demeurent.(8) Chez les hommes, en plus de la pré-             jeunes.(20, 21, 22)
sence d’une autre MST, les pratiques anales et vagi-
nales sans protection et le manque de circoncision            Les déterminants socio-économiques.
                                                   (17, 18)
peuvent constituer des facteurs de risque.                    Les conditions de la transmission du VIH/SIDA et
                                                              d’autres MST sont aggravées par les conditions
Les facteurs comportementaux                                  socio-économiques qui élargissent le fossé existant
Les facteurs comportementaux contribuant à la                 entre les pays pauvres et riches, ainsi qu’entre les
probabilité d’un individu d’être exposé à un parte-           riches et les pauvres de ces pays. Dans certains pays,
naire sexuel infecté par le VIH peuvent être classés          les programmes économiques et d’ajustement
en deux catégories : les facteurs concernant le taux          structurel ont eu un impact négatif sur la pauvreté
de changement des partenaires sexuels et ceux                 rurale et urbaine ainsi que sur la dette nationale et
relatifs à la probabilité que parmi les partenaires           sur les relations commerciales, et ont abouti à une
choisis, certains soient infectés par le VIH. Un fac-         économie chancelante et à un chômage de grande
teur de comportement très important est le modèle             ampleur, engendrant une migration massive de
de la relation sexuelle entre des groupes de divers           travailleurs et la commercialisation des relations
degrés d’activité sexuelle, et/ou des groupes ayant           sexuelles.(23, 24, 25) La pauvreté dans ces milieux, bien
d’autres comportements à risques tels que l’usage             que cela ne soit pas directement associé à la trans-
                                       (18)
de la drogue par voie intraveineuse.                          mission du VIH, crée des conditions qui facilitent

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Chapitre 1

la propagation du VIH, et en même temps, empêche                      Les faibles conditions sociales des femmes et
la personne infectée de lutter efficacement contre               les attentes culturelles de la soumission de la
l’infection.                                                     femme et de la prédominance de l’homme dans les
     Historiquement, on sait que la migration des                relations sexuelles limitent la capacité des femmes
travailleurs a facilité la propagation des MST. Elle             de contrôler leurs vies sexuelles. La passivité socia-
a séparé les époux, modifié les rapports entre les               le et sexuelle qu’on exige de la femme l’empêche
sexes et a conduit à l’établissement de communautés              d’insister sur l’usage des préservatifs pour se proté-
migratoires temporaires dominées par un seul sexe.               ger contre l’infection à VIH. Une autre source
Ceci, en retour a créé des marchés pour la prosti-               potentielle de risque est la polygamie, qui signifie
tution et des réseaux géographiques de relations                 généralement plusieurs femmes plutôt que plu-
entre les communautés urbaines et rurales, condui-               sieurs maris.(15, 32, 33)
sant à la formation de réseaux sexuels.(8, 26, 27, 28, 29, 30)        Les sérieux défauts des soins de santé consti-
Des données provenant de recherches menées en                    tuent un autre déterminant important. Une infra-
Ouganda et au Sénégal montrent la corrélation entre              structure inadéquate, des pratiques médicales sans
l’infection à VIH et le statut de la migration. Dans             contrôle et la faible organisation des services entraî-
une étude menée sur 5553 adultes en Ouganda, les                 nent une prestation inadéquate et de mauvaise qua-
taux d’infection sont passés de 5,5 % parmi ceux qui             lité. L’accès aux services sanitaires disponibles est
n’ont jamais bougé, à 12,4 % parmi ceux qui sont                 compliqué par la distance, le coût, et dans certains
allés dans un autre village et à 16,3 % parmi ceux               cas par la stigmatisation. On sait que le VIH suit des
qui sont allés dans d’autres endroits. Les résultats             modèles de prévalence similaires à d’autres infections.
de cette étude et de celle du Sénégal suggèrent que              En général, là où il y a une prévalence élevée du VIH,
dans une situation endémique du VIH, la mobilité                 il y a également une prévalence élevée d’autres maux
est un facteur de risque indépendant pour contrac-               sociaux et physiques. Il est évident que dans des
ter le VIH, sans considération de la destination ou              conditions de santé publique effroyables, les infec-
               (31)
de l’origine.         C’est la rupture sociale causée par la     tions opportunistes peuvent être accentuées en
migration qui détermine la vulnérabilité au VIH.                 début d’infection au VIH provoquant des épidémies
     L’un des facteurs majeurs qui rendent les femmes            secondaires. Il existe déjà une épidémie massive et
vulnérables à l’infection est l’inégalité des sexes,             accélérée de tuberculose et de co-infection au VIH
les femmes n’ayant pas les mêmes droits que les                  dans les pays en développement. (27, 28, 35, 36)
hommes.(15, 32, 33) Economiquement, elles sont désa-
vantagées à cause de leur faible accès à l’éducation
et à la formation de compétences techniques, ce qui              4. L’IMPACT DE LA PANDEMIE
réduit leurs opportunités d’emploi. Ceci, en revanche,              DU VIH/SIDA
les conduit à dépendre des hommes économique-                    Le VIH/SIDA n’est plus une urgence. C’est une
ment, et limite la gamme de leurs choix en matière               maladie chronique qui fait partie de la condition
de santé et de sexualité. Dans des cas extrêmes, où              humaine. Le fardeau croissant de la maladie affecte
on ne donne pas aux femmes l’occasion de travailler,             tout aspect vital et cause une souffrance physique.
elles peuvent être incitées à se tourner vers la pros-           Etant donné que le SIDA a été classifié comme une
titution. En conséquence, le nombre de partenaires               maladie sexuellement transmissible, et à cause de
sexuels éventuels de la femme et la décision d’avoir             son association, dès le début, avec les homosexuels,
des comportements sexuels à moindre risque, sont                 les drogués et les femmes engagées dans le com-
fréquemment déterminés par ses faibles conditions                merce sexuel, le SIDA est un problème extrême-
économiques. Les résultats d’une recherche faite                 ment sensible qui se prête facilement au dévelop-
en Thaïlande ont montré la relation étroite qu’il y a            pement des stéréotypes négatifs, des préjugés et de
entre les contraintes économiques et le comporte-                la discrimination. En conséquence, au lieu de com-
ment sexuel à risque. Par cette recherche, on a                  passion et de soutien, ceux qui vivent avec le
trouvé que les prostituées qui étaient endettées                 VIH/SIDA souffrent d’un rejet douloureux et sont
auprès de leurs employeurs étaient presque trois                 quelquefois confrontés à la négation de leurs droits
                                                        (34)
fois plus exposées au risque d’être infectées.                   humains.

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