LA SCINTIGRAPHIE EN MEDECINE VETERINAIRE
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Dr. Paul Barthez – Médecine Nucléaire - Année 2002-03 – D1 1 Année 2002-03 Unité pédagogique de Radiologie – Imagerie Médicale D1 Bases Physiques et Techniques en Imagerie Médicale LA SCINTIGRAPHIE EN MEDECINE VETERINAIRE Paul BARTHEZ, Docteur Vétérinaire Maître de Conférences
Dr. Paul Barthez – Médecine Nucléaire - Année 2002-03 – D1 2 Objectifs d’apprentissage : 1. Connaître les principes de la formation de l'image scintigraphique. 2. Connaître les avantages et les inconvénients de la scintigraphie par rapport aux autres techniques d'imagerie médicale. 3. Connaître les principales applications de la scintigraphie en médecine vétérinaire.
Dr. Paul Barthez – Médecine Nucléaire - Année 2002-03 – D1 3 Questions d’étude : 1. Quel est l'isotope radioactif le plus utilisé en scintigraphie vétérinaire ? 2. Qu'est ce qu'un composé radiopharmaceutique ? 3. Quel est l'instrument qui permet de recueillir l'image scintigraphique ? 4. Quels sont les 2 modes d'acquisition des images scintigraphiques ? 5 . Quelles sont les caractéristiques de l'image scintigraphique par rapport à une radiographie ? 6. Quelles sont les difficultés liées à l'établissement d'un programme de scintigraphie en médecine vétérinaire ? 7. Quels sont les avantages de la scintigraphie par rapport aux systèmes d'imagerie conventionnels ? 8. Quelle est l'application majeure de la scintigraphie en médecine vétérinaire ? 9. Quelles sont les applications de la scintigraphie chez les carnivores domestiques ? 10. Quel est l'intérêt de la scintigraphie thyroïdienne chez le chat ? 11. Quel est l'intérêt de la scintigraphie dans le diagnostic des shunts porto-systémiques chez les carnivores domestiques ? 12. Quel est le principe de l'interprétation d'une scintigraphie porte transrectale ? 1 3 .Quel est l'intérêt de la scintigraphie rénale quantitative chez les carnivores domestiques ?
Dr. Paul Barthez – Médecine Nucléaire - Année 2002-03 – D1 4 Points importants : 1. La scintigraphie est une technique d'imagerie utilisant des éléments radioactifs liés à des molécules spécifiques préalablement injectés au patient. 2. La collection des images utilise une instrumentation formée d'une gamma-caméra connectée à un système informatique de traitement de l'image. 3. L'acquisition des images peut être statique ou dynamique. 4. Les images formées ont une faible résolution spatiale, un rapport signal / bruit faible et sont considérées comme des images fonctionnelles. 5. Les difficultés associées à la scintigraphie sont liées aux rayonnements ionisants (mesures de radioprotection, réglementation) et au coût. 6. Les principales applications en médecine vétérinaire sont la scintigraphie osseuse, scintigraphie thyroïdienne, la détection des shunts porto-systémiques et la scintigraphie rénale. 7. La scintigraphie osseuse chez les équidés permet d'explorer des boiteries d'origine inconnue. 8. La scintigraphie thyroïdienne est indiquée chez les carnivores domestiques pour explorer les hyperthyroïdies et les cancers de la thyroïde. 9. La scintigraphie permet un diagnostic de certitude, non traumatique et rapide des shunts porto-systémiques chez le chien et le chat. 1 0 .scintigraphie rénale permet d'évaluer la fonction rénale de chaque rein individuellement.
Dr. Paul Barthez – Médecine Nucléaire - Année 2002-03 – D1 5 La médecine nucléaire vétérinaire est apparue à la fin des années 70 au sein de certains établissements d'enseignement vétérinaire d'Amérique du nord et d'Europe. L'application à l'origine du développement de cette discipline a été la scintigraphie osseuse équine, qui reste encore, à l'heure actuelle, une indication majeure de la médecine nucléaire vétérinaire. Cependant, au fil des années, des applications cliniques originales (scintigraphie portale transrectale) ou à partir de techniques déjà bien élaborées chez l'homme (scintigraphie thyroïdienne, rénale) sont apparues chez les carnivores domestiques. À l'heure actuelle, les centres de médecine nucléaire sont encore réservés aux établissements d'enseignement vétérinaire et à quelques grandes cliniques privées. Le développement de cette discipline est indéniablement limité par la manipulation de radioéléments qui nécessite une formation spécifique et qui est strictement encadré par une réglementation contraignante. 1 Principes et définitions 1.1 Isotopes La médecine nucléaire est la discipline médicale qui utilise des éléments radioactifs in vivo dans un but diagnostique ou thérapeutique. Les isotopes les plus utilisés en médecine nucléaire vétérinaire sont le Technétium 99m (99mTc) et l'iode 131 (131I). Le 99mTc émet principalement un rayonnement g de 148 KeV, particulièrement bien adapté au récepteur (voir plus loin). Sa demi-vie est de 6 heures, ce qui donne suffisamment de temps pour l’acquisition des images et permet une élimination rapide de la radioactivité. Avec cet isotope, l’isolement de l’animal qui suit l’examen dépasse très rarement 48 heures. L’iode 131 est surtout utilisé, en médecine vétérinaire pour le traitement des hyperthyroïdies. L’utilisation d’autres isotopes est limitée par leur coût de production et une demi-vie trop longue qui rend la période d’isolement difficilement acceptable pour le propriétaire. 1.2 Composés radiopharmaceutiques Ces isotopes peuvent être utilisés sous une forme moléculaire simple (99mTc-Pertechnate, 131 I-Na) mais sont plus fréquemment associés à des molécules leur conférant des propriétés particulières. Dans ce cas, on parle de composé radiopharmaceutique. Par exemple, le technétium lié à de l'acide diéthylènetriaminepentacétique (99mTc-DTPA) éliminé exclusivement pas filtration glomérulaire est un bon marqueur de la fonction rénale. Le technétium lié au methyldiphosphonate (99mTc-MDP) a une affinité particulière pour le
Dr. Paul Barthez – Médecine Nucléaire - Année 2002-03 – D1 6 tissu osseux. Ce composé radiopharmaceutique est utilisé pour déceler des zones d'activité ostéoblastique. 1.3 Principe de l’examen Un composé radiopharmaceutique, choisi pour ses caractéristiques pharmacocinétiques, est administré à l’animal. La voie d’administration dépend du type d’examen et du composé radiopharmaceutique sélectionné. Le rayonnement g émis par l’isotope est détecté in vivo à l’aide d’une gamma-caméra pour former des images scintigraphiques. Ce rayonnement g peut également être recherchés in vitro à partir de prélèvements biologiques (sanguins, urinaire, selles). L’intensité du rayonnement permet alors de déterminer la concentration en composé radiopharmaceutique dans le liquide biologique. 2 La formation de l'image scintigraphique 2.1 Instrumentation Une gamma-caméra permet de détecter et de localiser l’origine du rayonnement émis par l’isotope radioactif au sein de l’organisme. La gamma-caméra est composée d’un large cristal plat d’iodure de sodium qui émet de la lumière lorsqu’il est traversé par des rayons g, à la manière d’un écran renforçateur en radiologie. Le nombre, l’énergie et la position du rayonnement g recueilli par le cristal sont transmis à un analyseur multicanaux qui traite cette information pour transmettre à un ordinateur les éléments constitutifs de l’image scintigraphique. L’ordinateur gère l’acquisition et le traitement final des images recueillies. 2.2 Acquisition des images Les images scintigraphiques peuvent être acquises sous la forme statique ou dynamique. Les images statiques sont acquises pour déterminer l’importance de la fixation du composé radiopharmaceutique dans l’organe cible après un temps donné. C’est le cas de la scintigraphie thyroïdienne ou osseuse. La durée d’acquisition des images est de l’ordre de la minute. Les images dynamiques sont acquises pour suivre et quantifier la progression du composé radiopharmaceutique après son administration. La durée de chaque image est contrôlée par l’opérateur est dure généralement entre 2 secondes et 1 minute. Les images sont acquises successivement les unes après les autres et stockée par l’ordinateur. La séquence d’image obtenue peut être visionnée à la manière d’un film.
Dr. Paul Barthez – Médecine Nucléaire - Année 2002-03 – D1 7 2.3 Traitement des images L’image scintigraphique est une image numérique collectée sous la forme d’une matrice de taille variable contenant pour chaque pixel une valeur correspondant au nombre de rayons g (nombre de coups) pendant la durée d’acquisition. Cette image est affichée par l’ordinateur en faisant correspondre pour chaque valeur de la matrice une gamme de gris ou de couleur. L’opérateur peut ainsi modifier l’affichage de l’image en choisissant une gamme de gris (montante ou descendante) ou même une gamme de couleur arbitraires (rouge, feu, arc-en-ciel …). La luminosité et le contraste de l’image peuvent également êtres modifiés par l’opérateur sur l’ordinateur. Ces modifications de l’affichage de l’image n’engendrent pas de modifications de l’information contenue dans la matrice originale. La matrice originale peut être manipulée avec des filtres digitaux pour la lisser ou au contraire renforcer les contours des objets. Ces modifications sont irréversibles et affectent les informations contenues dans la matrice. Elles ne doivent donc être effectuées qu’après copie du fichier original. Les séries dynamiques sont traitées pour en extraire les informations recherchées. Dans une première étape, une image composite est créée par l’addition de toute ou une partie des images constituant la série dynamique. Cette image composite est de meilleure résolution spatiale et permet de repérer plus facilement les organes cibles. Des régions d’intérêt (ROI : region of interest) sont ensuite tracées sur l’image autour des structures cibles. Le nombre de coups présents dans la région d’intérêt est mesuré sur chaque image de la série dynamique et une courbe temps-activité est tracée, démontrant les variations de l’activité dans la région d’intérêt en fonction du temps. Cette courbe peut éventuellement être lissée si besoin et certains paramètres extraits. Ces paramètres sont calculés en fonction de leur intérêt physiologique ou sémiologique, comme par exemple l’aire sous la courbe, la vitesse d’accumulation, le temps de pic … 2.4 Caractéristiques des images scintigraphiques Les images scintigraphiques sont caractérisées par une très faible résolution spatiale. Ces images sont constituées de la juxtaposition de points ce qui leur donne un aspect granuleux, reflétant le bruit important de ces images. Des filtres de lissage peuvent être appliqués pour modifier leur aspect et les rendre plus agréable à regarder. Ils doivent cependant être manipulés avec précaution, car ils peuvent encore diminuer la résolution spatiale et, dans certain cas, masquer des lésions. La scintigraphie est considérée comme un système d’imagerie fonctionnelle. Les images scintigraphiques sont le reflet non pas de l’anatomie de la région explorée, mais du
Dr. Paul Barthez – Médecine Nucléaire - Année 2002-03 – D1 8 métabolisme de ces mêmes régions. Un « point chaud » sur une scintigraphie osseuse correspond à une augmentation du dépôt minéral osseux, c’est-à-dire à une augmentation du métabolisme osseux, signant une affection osseuse. La localisation et l’intensité de l’augmentation de l’activité peuvent renseigner sur l’origine de l’augmentation du métabolisme osseux, mais d’autres examens d’imagerie, et en particulier la radiologie, sont souvent nécessaires pour un diagnostic étiologique. 3 Applications en médecine vétérinaire 3.1 Difficultés d'application Le nombre réduit d’installation de médecine nucléaire vétérinaire est lié aux difficultés de mise en place et de fonctionnement de ces unités. Le coût de l’instrumentation et de sa maintenance est assez élevé et les installations à usage vétérinaires doivent pouvoir permettre de déplacer la gamma-caméra dans toutes les positions, en particulier pour les scintigraphies osseuses chez le cheval. La caméra peut être montée sur un système de rail fixé au plafond ou sur une potence permettant de monter et de faire pivoter la caméra. La deuxième difficulté réside dans la manipulation des radioéléments et la fabrication des composés radiopharmaceutiques qui doivent être fabriqués peu de temps avant leur utilisation. Cette radiochimie est elle-même assez onéreuse et nécessite un personnel qualifié. La troisième difficulté est liée à la manipulation des radioéléments émettant des radiations ionisantes. Des procédures de manipulation et de contrôle des animaux radioactifs et des locaux doit être mis en œuvre, dans le cadre de la réglementation en vigueur. Les animaux sont généralement isolés pendant 24 à 48 heures et leurs déchets gardés jusqu’à décroissance presque complète de l’activité. L’autorisation de détenir et de manipuler des radioéléments artificiels est donnée par une commission interministérielle (CIREA) sur présentation d’un dossier. 3.2 Principes d'application La scintigraphie est généralement indiquée pour identifier et éventuellement quantifier une activité ou une fonction métabolique. Il s’agit souvent de détecter des anomalies structurelles difficilement mises en évidences par d’autres moyens et qui sont à l’origine d’un dysfonctionnement démontré par une augmentation ou une diminution d’activité. C’est le cas de la scintigraphie thyroïdienne et osseuse. La scintigraphie est également indiquée pour quantifier le fonctionnement d’un organe, sans donner d’information structurelle, comme par exemple le rein ou le foie. En médecine vétérinaire, les applications
Dr. Paul Barthez – Médecine Nucléaire - Année 2002-03 – D1 9 les plus courantes sont également celles qui sont abordables pour le propriétaire ou qui donne des renseignements de première importance qui ne peuvent pas être obtenus par une autre méthode. 3.3 Application au squelette La scintigraphie osseuse est souvent utilisée chez le cheval pour identifier l’endroit et éventuellement la cause d’une boiterie, lorsque l’examen clinique et les anesthésies tronculaires sont équivoques. Dans ce cas, la procédure comprend l’examen des 2 membres en cause ou même le corps entier. L’identification d’une anomalie, souvent caractérisée par une asymétrie, entraîne la réalisation d’un examen radiographique ou échographique de la région concernée. Elle est aussi utilisée comme dépistage de lésions infra-cliniques chez des chevaux de haute valeur. Chez le chien, elle peut être utilisée comme méthode de dépistage des métastases, en présence d’un cancer à forte probabilité de dissémination osseuse. Elle peut être aussi indiquée pour évaluer l’activité ostéoblastique d’une lésion déjà identifiée sur les radiographies, dans le but de déterminer s’il s’agit d’une affection bénigne, avec peu d’activité, ou une affection agressive ou maligne avec une grande activité. 3.4 Application à la thyroïde La scintigraphie est un moyen de diagnostic très efficace des hyperthyroïdies félines. Cet examen permet de déterminer avec une grande fiabilité la présence d’une hyperthyroïdie, de déterminer s’il s’agit d’une hyperthyroïdie bilatérale ou unilatérale, et parfois différentier un adénome bénin d’un adénocarcinome malin. La scintigraphie est souvent utilisée avant un traitement à l’iode 131. Chez le chien, la scintigraphie thyroïdienne permet d’explorer la dissémination de cancers de la thyroïde pour déterminer la meilleure approche thérapeutique. 3.5 Détection des shunts porto-systémiques La scintigraphie portale transrectale est une méthode de diagnostic très fiable, très rapide et peu invasive des shunts porto-systémiques chez les carnivores. Il s’agit d’une épreuve dynamique au cours de laquelle l’activité du composé radiopharmaceutique est suivie dans son cheminement. Le composé radiopharmaceutique est administré dans le côlon et rapidement absorbé par la muqueuse colique. Il se retrouve ensuite dans la circulation porte, puis le foie et enfin le cœur pour être redistribué par la circulation systémique. Lors de shunt porto-systémique, l’activité est retrouvée directement dans le thorax avant d’être détectée dans le foie.
Dr. Paul Barthez – Médecine Nucléaire - Année 2002-03 – D1 10 3.6 Application au rein La scintigraphie rénale permet d’estimer le fonctionnement de chaque rein par la mesure du débit de filtration glomérulaire (DFG) ou l’estimation du débit plasmatique rénal (DPR). L’intérêt est de déterminer le rôle de chaque rein dans le fonctionnement global, en préparation d’une chirurgie par exemple. Cet examen permet également le diagnostic précoce des obstructions rénales. Il s’agit d’une épreuve dynamique au cours de laquelle l’activité de chaque rein est suivie pendant 10 à 20 minutes. Après injection intraveineuse, le composé radiopharmaceutique utilisé s’accumule dans le rein qui voit son activité augmenter pendant les 3 premières minutes. L’activité cumulée pendant les 3 premières minutes est proportionnelle à la clairance rénale du composé radiopharmaceutrique (et correspond au DFG ou DPR en fonction du composé radiopharmaceutique utilisé). En cas d’obstruction rénale, le pic d’activité est retardé. Après le pic d’activité, le composé radiopharmaceutique commence à être excrété du rein et décroît progressivement. 4 Perspectives et conclusion La médecine nucléaire vétérinaire en est encore à ses débuts, même si les centres de scintigraphies se multiplient, en grande partie à cause des contraintes réglementaires et financières. La scintigraphie est incontournable pour certaines applications en médecine vétérinaire spécialisée. La médecine nucléaire vétérinaire bénéficie des avancées de la médecine nucléaire humaine et l’accès à des composés radiopharmaceutiques plus nombreux ne pourra que favoriser l’essor de ce système d’imagerie original.
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