La Vie économique Plateforme de politique économique - Die Volkswirtschaft
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93e année N° 7 / 2020 Frs. 12.– La Vie économique Plateforme de politique économique ENTRETIEN DOSSIER UN CERTAIN REGARD L’ÉCONOMIE EN BREF La qualité, la naissance et la La concurrence Le rôle de docteur La croissance et mort vues par le directeur internationale sous des économistes la conjoncture d’hôpital Gregor Zünd la loupe 52 54 28 33 L’ÉVÉNEMENT Prendre le pouls des coûts de la santé
ÉDITORIAL Si seulement c’était simple Avez-vous vu le montant inscrit sur le stéthoscope en couverture ? C’est le coût annuel de la santé en Suisse, soit plus de 12 % du produit intérieur brut. Seuls les États-Unis dépensent davantage. En Suisse, une personne sur douze travaille dans le domaine de la santé. Aucun autre secteur ne pourvoit autant d’emplois. Certains de ceux qui peinent à s’acquitter de leurs primes d’assurance-maladie gagnent donc leur vie dans cette branche. Accepteraient-ils une baisse de leur revenu ou, en tant que patients, un catalogue de prestations moins fourni ? Et qui serait prêt à renoncer à une médecine de pointe et de proximité ? Tout cela a un coût. L’augmentation des dépenses de santé étant appelée à se poursuivre, le Parlement examine actuellement un premier volet de mesures visant à maîtriser les coûts. Un deuxième volet sera prochainement mis en consul- tation par le Conseil fédéral. Mais est-il réellement nécessaire ou souhaitable d’enrayer la hausse des coûts ? Des coûts élevés ne constituent pas en soi une tragédie, à condition d’être supportables et d’apporter une valeur qui compense la dépense, estime par exemple Fridolin Marty, de la faîtière des entreprises Economiesuisse. Gregor Zünd propose quant à lui de mettre l’accent sur la qualité plu- tôt que sur les coûts : « La même conception de la qualité devrait prévaloir de Genève à Saint-Gall », explique le directeur de l’Hôpital universitaire de Zurich dans l’interview. Cependant, à droite comme à gauche, tout le monde s’accorde à dire que des amélio- rations peuvent être apportées au système de santé et aux incitations qu’il prévoit. « L’Événement » du mois fait la lumière sur les coûts de la santé et donne la parole aux acteurs concernés. Cette édition aborde également le thème de la concurrence internationale, une expression bien souvent galvaudée. Un classement des pays les plus compétitifs place la Suisse au cinquième rang mondial. Mais les pays peuvent-ils vraiment se faire concurrence ? Et est-il vrai que la concurrence fiscale intercantonale et internationale tend à s’amenuiser ? Bonne lecture ! Guido Barsuglia et Nicole Tesar, rédacteurs en chef
SOMMAIRE 4 10 L’ÉVÉNEMENT Prendre le pouls des coûts de la santé 4 Parler des coûts de la santé 7 Un éclairage sur la boîte noire 10 Les cantons, plaque tournante n’est pas une option, mais des coûts de la santé du s ystème de santé une obligation Stefan Felder Lukas Engelberger Université de Bâle Conférence suisse des directrices et Thomas Christen Office fédéral de la santé publique directeurs cantonaux de la santé 13 PRISE DE POSITION 14 PRISE DE POSITION Mieux écouter les patients Vers un changement de Barbara Gassmann perspective ? Fondation Organisation suisse des patients Jürg Schlup FMH 15 PRISE DE POSITION 16 PRISE DE POSITION Pour un juste prix des De nouveaux médicaments médicaments coûteux Pius Zängerle Christophe Kaempf Curafutura Santésuisse 17 Politique de santé 20 Viser le moins cher peut aussi financièrement viable : nuire à la santé qu’entend-on par là ? Jérôme Cosandey Avenir Suisse Fridolin Marty Economiesuisse 28 ENTRETIEN 23 Prendre en compte l’effet 26 Prévention en matière de « Seul un pays riche d’apprentissage médical santé : a pprendre de la nature peut se permettre Beat Hintermann Thomas Mattig un tel système » Université de Bâle Promotion Santé Suisse Matthias Minke Entretien avec Gregor Zünd, directeur de l’Hôpital Canton de Bâle-Ville universitaire de Zurich.
SOMMAIRE 34 40 DOSSIER La concurrence internationale 34 Course à la compétitivité : la 37 David Ricardo et la Suisse au c inquième rang concurrence internationale Roberto Crotti en 2020 Forum économique mondial Rolf Weder Université de Bâle 40 La compétitivité, synonyme 42 Atténuer la concurrence poétique de la productivité fiscale internationale sur 45 Zurich, concurrente Simon Jäggi la base du modèle suisse des métropoles Secrétariat d’État à l’économie Anna Schindler Kurt Schmidheiny Ville de Zurich Université de Bâle 47 Qui supervise la concurrence 50 PRISE DE POSITION 51 PRISE DE POSITION à l’échelle mondiale ? Niklaus Wallimann, Carla Beuret Sans l’étranger, pas de reprise L’horlogerie, un vrai Secrétariat de la Commission de la Simone Wyss Fedele ambassadeur concurrence Switzerland Global Enterprise Jean-Daniel Pasche Fédération de l’industrie horlogère suisse 52 LE REGARD DES ÉCONOMISTES 54 L’ÉCONOMIE EN BREF 56 INFOGRAPHIE EN CHEF La croissance et la conjoncture Le PIB de la Suisse par canton Le rôle de docteur des Aymo Brunetti Série Série économistes Université de Berne Beata Javorcik Banque européenne pour la reconstruction et le développement 57 DANS LE PROCHAIN NUMÉRO / IMPRESSUM
COÛTS DE LA SANTÉ Parler des coûts de la santé n’est pas une option, mais une obligation La crise du coronavirus a clairement montré l’importance du système suisse de santé. La discussion concernant son coût doit toutefois se poursuivre – dès maintenant. Thomas Christen Abrégé Entre 1996 et 2019, le montant global des prestations nettes de ne se justifiaient pas médicalement et qu’il res- l’assurance obligatoire des soins est passé de 11 à 33 milliards de francs tait par conséquent un potentiel inexploité pour environ. Or, ces coûts sont en partie liés à la multiplication de certaines maîtriser les coûts de l’assurance-maladie – ce prestations médicales injustifiées. Pour freiner cette inflation quantitative que confirme une étude1 à paraître réalisée sur et éviter les coûts qu’elle implique, le Conseil fédéral a adopté en août 2019 mandat de l’Office fédéral de la santé publique le message relatif au premier de deux volets de mesures. Alors que ce message est actuellement débattu au Parlement, le gouvernement enverra (OFSP). L’inefficacité mentionnée relève de plu- bientôt le deuxième volet de mesures en consultation. Objectif : maîtriser sieurs facteurs : une augmentation quantitative la hausse des coûts à la charge de l’assurance de base et freiner l’augmen- injustifiée de l’offre et de la demande de presta- tation des primes. tions, le manque de coordination des différents prestataires ou encore le prix trop élevé de certains produits thérapeutiques. Différentes L a pandémie a changé la donne dans de nombreux domaines, y compris en matière de politique sanitaire : alors que les discussions estimations évaluent la part des prestations injustifiées entre 15 et 20 %. C’est beaucoup, et même trop. portaient essentiellement sur les coûts avant la Parallèlement, les besoins médicalement crise, elles concernent désormais surtout l’ac- fondés augmentent. D’abord, en raison de cès rapide à une offre de soins suffisante et de l’évolution démographique : les plus de 80 ans, qualité. qui souffrent souvent de maladies chroniques, C’est tout à fait légitime. La pandémie de devraient être deux fois plus nombreux dans coronavirus a démontré de manière exemplaire 25 ans. Ensuite, du fait de l’émergence de nou- l’importance d’un système public de santé doté velles méthodes d’examen et de traitement dans d’un financement solide. Ce qui n’empêche pas – le sillage des progrès technologiques. bien au contraire – de garder les coûts en ligne de mire. Une lourde charge à tous les niveaux La maîtrise des coûts n’est pas une finalité en soi, et ne l’était pas non plus avant la crise. Il Or, si nous n’arrivons pas à réserver les ressources ne s’agit pas de limiter les prestations médicales disponibles à la couverture des besoins indiscu- nécessaires, mais de supprimer ce qui est ineffi- tables, le système de santé atteindra rapidement cace. Autrement dit : de mettre fin à la consom- ses limites en termes de charge financière : alors mation médicalement inutile de prestations de que les prestations de l’assurance-maladie coû- soins et de produits thérapeutiques – précisé- taient 11 milliards de francs en 1996, elles avoi- ment afin de pouvoir financer les prestations sinent 33 milliards aujourd’hui. À ce train-là, il nécessaires. nous faudra plus de 50 milliards de francs dans 1 Étude réalisée par Infras Il est largement admis que le système de santé dix ans pour financer les soins en Suisse. et l’Institut d’économie suisse présente une certaine inefficacité. Un rap- Cette augmentation représente une charge de la santé de la Haute école des sciences port d’experts commandé par le Département colossale pour la Confédération et les cantons. appliquées de Zurich (ZHAW). Parution prévue fédéral de l’intérieur (DFI) constatait en 2017 La part des coûts de la santé connaît une hausse à l’automne 2020. qu’un nombre trop élevé de prestations fournies supérieure à la moyenne aux deux échelons de 4 La Vie économique 7 / 2020
COÛTS DE LA SANTÉ l’État. Pour que les fonds publics – probable- pour but de corriger l’augmentation injustifiée ment encore plus limités à l’avenir en raison de du volume des prestations et la hausse des coûts la crise du coronavirus – puissent couvrir l’aug- correspondante. mentation des besoins médicalement fondés, il s’avère nécessaire de maîtriser les coûts là où Instaurer des garde-fous c’est possible. Car les dépenses de santé sont aussi, et sur- Le deuxième volet de mesures visant à maîtriser tout, une charge pour ceux qui paient les primes. les coûts devrait être bientôt envoyé en consul- Une enquête périodique de l’OFSP montre que tation. Il comprend principalement l’introduc- ces dépenses représentaient 10 % du revenu dis- tion d’un plafond en matière de hausse des coûts ponible des ménages modestes en 2010, contre relatifs à l’assurance de base. Ce plafond doit 12 % quatre ans plus tard et 14 % en 2017 – ten- permettre de renforcer la transparence, de res- dance à la hausse. ponsabiliser les acteurs de la santé et de réduire Il est donc urgent d’agir et la crise actuelle ne le nombre de prestations médicales inutiles. fait que le souligner : des centaines de milliers Ce volet englobe également d’autres mesures de personnes se trouvent au chômage partiel, visant à améliorer la coordination des traite- le taux de chômage explose et la croissance du ments et à éviter ceux qui sont inutiles. Il s’agit PIB est négative. Tous les signaux sont au rouge. non seulement de réaliser des économies, mais L’impact économique du coronavirus va perdu- aussi (et surtout) de renforcer la sécurité des rer plusieurs années, ce qui aura également des patients, la qualité et la transparence. Enfin, répercussions sur le pouvoir d’achat de la popu- les mesures visent à garantir l’accès rapide et le lation et alourdira encore le fardeau des primes moins cher possible aux médicaments novateurs pour les assurés. et chers. Pour y parvenir, l’idée est d’inscrire l’application de modèles tarifaires dans la loi. Tous les acteurs doivent Nous pouvons être fiers de notre système de santé et du fait qu’il profite à tous, en temps faire leur part normal comme en période de crise. Il est donc Il y a un an, le Conseil fédéral a adopté le premier essentiel de chercher dès maintenant à garantir de deux volets de mesures visant à maîtriser les sa pérennité. Parce que les ressources publiques coûts, actuellement débattu au Parlement. Ce sont limitées ; parce que les primes représentent volet comprend l’introduction d’un article rela- une charge croissante pour les assurés ; et tif aux projets pilotes qui doit permettre de me- parce que la société doit avoir les ressources ner des programmes de maîtrise des coûts inno- nécessaires pour soutenir de manière solidaire vants pour que les assurés paient au final moins celles et ceux qui doivent avoir accès à un trai- de primes. Le Conseil fédéral demande égale- tement médicalement justifié. Voilà pourquoi ment à l’industrie pharmaceutique d’apporter nous devons mettre un frein aux prestations sa contribution par le biais d’un système de prix médicalement inutiles. Et pourquoi parler des de référence : les génériques étant deux fois plus coûts de la santé n’est pas une option, mais une chers en Suisse qu’à l’étranger, il s’agit de défi- obligation. nir un prix maximal pour tous les m édicaments ayant la même substance active. Les partenaires tarifaires doivent par ail- leurs créer une organisation tarifaire nationale pour le secteur ambulatoire, à l’image de celle qui existe pour le stationnaire, afin de mettre fin aux blocages qui subsistent entre les four- nisseurs de prestations et les assureurs. Enfin, Thomas Christen ces deux acteurs doivent également prévoir des Vice-directeur, responsable de l’unité de direction mesures pour certains secteurs médicaux et les Assurance maladie et accidents, Office fédéral de la santé publique (OFSP), Berne inscrire dans des conventions nationales, avec 6 La Vie économique 7 / 2020
L’ÉVÉNEMENT Un éclairage sur la boîte noire des coûts de la santé La réglementation du secteur de la santé par l’État est inefficace. L’obligation de contracter reste un point critique, tout comme le financement des hôpitaux par les cantons. Stefan Felder Abrégé La forte croissance des dépenses de santé reste problématique Premièrement, pour certains assurés, la dans la mesure où elle s’accompagne d’une augmentation constante couverture d’assurance-maladie prescrite par du financement et de la réglementation du secteur par l’État. Soumis en l’État est trop généreuse par rapport à ce qu’ils automne 2019 au Parlement par le Conseil fédéral, le premier volet de contracteraient dans le privé. Ensuite, les coûts mesures visant à maîtriser les coûts peut être qualifié de globalement d’opportunité de l’offre étatique sont impor- positif. Son succès dépendra toutefois de la suppression de l’obligation de contracter, une question que le Conseil fédéral ne veut hélas pas aborder. tants et les fonds publics qu’ils absorbent pour Le nœud gordien du financement uniforme des prestations ambulatoires la santé font défaut dans les domaines de la et stationnaires pourrait être tranché si la Confédération se substituait aux formation, des infrastructures, de la protection cantons en matière de financement des hôpitaux. de l’environnement ou de la défense. Troisième- ment, les dépenses publiques de santé induisent une perte de prospérité puisque les impôts qui L es dépenses de santé en Suisse ont plus que doublé depuis le milieu des années 1990. Elles sont passées de près de 38 milliards de les financent faussent des décisions sur les mar- chés du travail, des capitaux et des biens. Dans un système économique libéral, l’intervention francs lors de l’introduction de l’assurance obli- de l’État doit toujours être justifiée. Or, elle ne gatoire des soins (AOS) en 1996 à 82 milliards l’est souvent pas dans le secteur de la santé. en 2018. Les dépenses annuelles par habitant ont quant à elles bondi de 5400 à 9600 francs. Dans Un signal positif de Berne le même temps, la part des dépenses de santé rapportée au produit intérieur brut a grimpé Le « premier volet de mesures visant à maîtri- de 9 à 12 % : ce chiffre est le plus élevé des pays ser les coûts » soumis l’automne dernier par le industrialisés après celui des États-Unis. Conseil fédéral au Parlement est globalement Malgré sa forte ampleur, cette hausse des encourageant. Le gouvernement a en partie re- coûts n’est pas troublante en soi du point de pris les propositions d’un groupe international vue de l’économie de la santé, car la population d’experts mandaté par le Département fédéral de montre une propension très nette et crois- l’intérieur (DFI). Dans le secteur ambulatoire, le sante à dépenser pour sa santé. Le problème projet propose judicieusement de revenir sur la tient plutôt au fait que le secteur de la santé rémunération à la prestation pour la remplacer devient toujours plus une affaire d’État. La part en partie par des tarifs forfaitaires, de mettre en publique du financement par les caisses d’assu- place une organisation tarifaire nationale et de rance-maladie, les autres assurances sociales maintenir à jour la structure tarifaire. Un aspect et l’impôt est en effet passée de 53 % en 1995 à est néanmoins absent de ces propositions : la 63 % en 2017. Durant la même période, la part possibilité, pour les prestataires de services am- des assurances privées a en revanche reculé de bulatoires et les assureurs, d’avoir toujours une 10 % à moins de 7 %. La proportion des parti- option de sortie et d’être autorisés à conclure cipations individuelles et autres financements des contrats sélectifs. privés s’est également contractée de 36 à 30 %. Les assureurs devraient également être Cette évolution est problématique pour au libérés de l’obligation de passer contrat avec moins trois raisons. tous les médecins – une exigence que le groupe La Vie économique 7 / 2020 7
COÛTS DE LA SANTÉ KEYSTONE Au début de la pandé- mie de coronavirus, d’experts a proposé d’assouplir. Le Conseil des informations particulièrement retenu l’attention. Les observa- fédéral souhaite plutôt contrôler les coûts à manquaient concer- teurs étrangers s’intéressent à la formule suisse la faveur de conventions nationales entre les nant le nombre de de l’assurance de base obligatoire qui combine lits de soins intensifs parties contractantes. Il met ainsi la charrue une franchise et une participation des assurés disponibles en Suisse. avant les bœufs et laisse planer une menace de Le centre hospitalier (« quote-part ») de 10 % aux coûts. C’est réjouis- réglementation en l ’absence de résultats. de Rennaz (VD). sant, mais les recherches nous apprennent que Autre proposition, l’introduction d’un sys- les franchises n’ont guère d’effet. De nombreux tème de prix de référence pour les médicaments assurés s’attendent de toute façon à dépasser dont le brevet est échu était attendue depuis leur participation maximale avant la fin de l’an- longtemps. En Suisse, les prix de ces médica- née et ne limitent donc pas leur consommation ments suivent fidèlement les rabais exigés par médicale. Ils anticipent même des prestations la loi et différenciés en fonction du chiffre d’af- quand la participation maximale annuelle est faires de la préparation originale : cela montre franchie. Cette situation engendre une hausse clairement que la concurrence par les prix dans des coûts et crée des goulots d’étranglement le domaine des génériques ne fonctionne pas. inutiles pour les prestataires de soins. Seule la franchise la plus élevée de Seule la franchise maximale 2500 francs, qui expose les assurés au risque maximal de 3200 francs par année, fait excep- a de l’effet tion : elle réduit en effet les dépenses d’environ un Le nouvel article autorisant des projets pilotes, quart1. En revanche, aucun changement de com- qui devrait permettre aux cantons et aux parte- portement des assurés ne s’observe pour les fran- naires tarifaires d’expérimenter des projets no- 1 Voir Trottmann et al. chises plus basses. La solution pourrait consister vateurs susceptibles de réduire les coûts, a tout (2012). en un compte santé individuel, un type de contrat 8 La Vie économique 7 / 2020
L’ÉVÉNEMENT innovant qui voit les assurés assumer eux-mêmes réductions de primes individuelles que les le risque en le répartissant dans le temps, avec cantons organisent selon leurs préférences et l’appui d’un prêt initial de leur assureur. Toutes auxquelles la Confédération ne contribue que les prestations sont réglées via ce compte à l’ex- sur une base forfaitaire. Pour l’organisation ception des plus coûteuses, qui sont réassurées2. des prestations médicales, cependant, l’éche- Ce système permettrait de modérer sensiblement lon cantonal est dépassé. La coordination de le comportement générateur de coûts des assu- la médecine hautement spécialisée relève de la rés décrit plus haut. Il encouragerait davantage compétence fédérale et la fourniture de soins la prévention et aurait un effet de redistribution aigus stationnaires devrait également être plus marqué qu’une a ugmentation significative transférée à la Confédération. de la franchise minimale. La planification hospitalière pose par ailleurs un problème de conflit d’intérêts aux cantons, Financement uniforme soucieux d’obtenir des rentrées satisfaisantes en tant que propriétaires, mais tenus d’assurer un Le fait que le Conseil fédéral et le Conseil na- rapport coût-avantage positif de l’offre médicale tional appellent de leurs vœux un financement à leurs contribuables. La crise du coronavirus a uniforme des prestations ambulatoires et sta- mis en évidence les faiblesses d’une fragmenta- tionnaires (Efas) est réjouissant. Aujourd’hui, tion des soins hospitaliers : aucune information les assureurs ne financent au maximum que n’était par exemple initialement disponible sur 45 % des prestations stationnaires, contre la l’offre de lits de soins intensifs dans les can- totalité des frais médicaux dans le domaine tons – que ce soit de la part des cantons, de la ambulatoire : cette situation a contribué au fait Conférence des directeurs de la santé, de la faî- que de nombreux traitements continuent d’être tière des hôpitaux H+ ou de la Confédération. dispensés en milieu hospitalier alors qu’ils Limiter le rôle des cantons au profit de la pourraient l’être à moindre coût en ambulatoire. Confédération dans le domaine de la santé est L’Efas rectifierait les prix entre ces catégories politiquement ardu, mais l’opération pour- de prestations et encouragerait les assureurs à rait réussir si la Confédération s’impliquait investir davantage dans des contrats sélectifs financièrement en reprenant les contributions avec des médecins en cabinet pour éviter de cantonales au financement des hôpitaux. C’est coûteux transferts de patients. Le projet est ac- peut-être là le moyen de réaliser une percée tuellement bloqué par les cantons au Conseil des vers le financement uniforme des services États : ceux-ci demandent que l’Efas soit étendu ambulatoires et hospitaliers. aux soins de longue durée, dont les assureurs ne prennent également en charge que 45 % des coûts – ce qui serait cohérent. Parallèlement, dans le domaine des soins, le financement des installations (financement de l’objet) devrait être remplacé par la rému- nération des prestations fournies aux patients (financement du sujet), comme dans la réforme du financement hospitalier de 2012. Le finan- Stefan Felder Professeur d’économie de la santé, université de Bâle cement uniforme de tous les secteurs de soins médicaux renforce les assureurs et les engage à fournir des prestations médicales c onvaincantes Bibliographie à leurs clients. Felder Stefan (2019). « Die dynamische Franchise mit Wirkung : Modell Gesundheitskredit ». NZZ, 8 novembre. La Suisse est bien inspirée de cultiver le Trottmann Maria, Zweifel Peter et Beck Konstantin (2012). « Supply principe de subsidiarité. Dans le secteur de side and demand side cost sharing in deregulated social health insu- rance : Which is more effective ? » Journal of Health Economics, 31(1) : 2 Voir Felder (2019). la santé, cela se traduit par exemple par des 231–42. La Vie économique 7 / 2020 9
COÛTS DE LA SANTÉ Les cantons, plaque tournante du système de santé Acteurs importants du système de santé, les cantons saluent les mesures de maîtrise des coûts. Un financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires peut y contribuer, mais il s’agit d’inclure les établissements médico-sociaux et les services de soins à domicile. Lukas Engelberger Abrégé Les cantons jouent un rôle clé dans la fourniture de soins médicaux identifient les établissements nécessaires pour à la population. Ils sont notamment responsables des hôpitaux et des éta- couvrir les besoins d’hospitalisations station- blissements médico-sociaux ainsi que des soins à domicile. Leur planifica- naires et détenant un mandat de prestation. Les tion hospitalière prudente et leur examen systématique de l’économicité traitements sont remboursés selon une clé de contribuent pour beaucoup à la maîtrise des coûts dans le secteur de la santé. La Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la financement fixe : le canton de résidence d’un santé est l’organe de coordination des cantons en matière de politique de assuré prend en charge au moins 55 % des coûts, la santé et soutient ces derniers dans cet effort. Elle défend leurs intérêts l’assureur-maladie au plus 45 %. Ces derniers en intercédant auprès de la Confédération, comme actuellement pour supportent en revanche la totalité des coûts des un projet « compatible » visant un financement uniforme des prestations traitements ambulatoires. ambulatoires et stationnaires. Les cantons travaillent ensemble P our maîtriser la pandémie de coronavirus, le Conseil fédéral a ordonné des mesures qui relèvent normalement des cantons, comme le L’automne dernier, le Conseil national s’est prononcé en faveur d’un financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires prévoit la loi sur les épidémies en cas de menace (Efas). À l’avenir, les interventions ambulatoires particulière ou extraordinaire pour la santé devraient donc être financées conjointement publique. Ce transfert temporaire des compé- par les cantons et les assureurs-maladie. tences ne doit cependant pas faire oublier que La Conférence suisse des directrices et direc- le système de santé suisse est fortement marqué teurs cantonaux de la santé (CDS) estime qu’un du sceau du fédéralisme. financement uniforme ne fait que rediriger les La Confédération a certes vu ses respon- flux financiers et ne contribue donc pas notable- sabilités en la matière s’étendre au cours des ment à la maîtrise des coûts du système de santé. dernières décennies, mais son rôle reste sub- Les cantons sont néanmoins disposés à soutenir sidiaire. La santé publique est globalement du ce changement de système. Il faut toutefois que ressort des cantons. Par conséquent, il n’existe la réforme englobe toutes les prestations pré- pas en Suisse de politique centrale de la santé, vues par la loi fédérale sur l’assurance-maladie mais des politiques sanitaires cantonales. Les (LAMal) : la réforme ne peut en effet accroître cantons garantissent la prise en charge de la l’efficacité des prestations de soins de la LAMal population par les hôpitaux et les établisse- et contribuer à contenir les dépenses de santé ments médico-sociaux (EMS). Ils sont également que si le financement uniforme englobe toute la responsables des soins ambulatoires à domicile, chaîne des soins de santé publique. Le Conseil des services psychiatriques, des soins médicaux national s’y est refusé et veut exclure les soins d’urgence et des services de sauvetage. LAMal des EMS et des soins à domicile. Les listes d’hôpitaux sont l’élément central La coopération intercantonale dans le de la planification hospitalière. Les cantons y domaine de la planification hospitalière et de 10 La Vie économique 7 / 2020
L’ÉVÉNEMENT la médecine hautement spécialisée a également Conserver la marge de manœuvre un effet modérateur sur la hausse des coûts. Les recommandations de la CDS en matière de En février, le Conseil fédéral a mis en consulta- planification hospitalière constituent un instru- tion un projet visant à étendre massivement les ment de choix pour améliorer la coordination critères de planification hospitalière et à établir entre les cantons. une échelle d’efficacité pour les tarifs hospita- Un autre aspect de cet effort visant à freiner liers qui ne permettrait plus guère aux hôpitaux la hausse des coûts de la santé est l’approbation de couvrir les frais des prestations qu’ils four- ou – si les hôpitaux et les assureurs-maladie ne nissent. La CDS est très critique à l’égard des peuvent pas se mettre d’accord – la fixation des changements proposés, car ils rogneraient sans tarifs hospitaliers par les gouvernements can- nécessité la marge de manœuvre des partenaires tonaux. La CDS aide les cantons à déterminer tarifaires et les compétences des cantons. Un financement le tarif axé sur les coûts et fournit la base de uniforme doit Ceux-ci estiment que le projet du Conseil données nécessaire, alimentée par les données également englober fédéral visant à limiter l’admission de médecins sur les coûts hospitaliers échangées entre les les établissements dans le secteur ambulatoire apporte une nette cantons. Elle soumet également aux cantons médico-sociaux. amélioration. Contrairement à la réglementa- La maison pour des recommandations pour le contrôle de personnes âgées tion insuffisante en vigueur, des quotas seront l’économicité. Herzogenmühle, à fixés de façon ciblée dans des régions et pour des Zurich. KEYSTONE La Vie économique 7 / 2020 11
COÛTS DE LA SANTÉ spécialisations spécifiques si certains c ritères potentiel de ressources devront en particulier sont remplis. Les cantons disposent ainsi d’un être épaulés pour la mise en œuvre. instrument permettant à la fois d’éviter une Malgré ces réserves, la CDS est ouverte à un offre excédentaire et d’assurer une offre médi- débat de fond et à des solutions alternatives. cale conforme aux besoins, efficace et ciblée. Après tout, les cantons ont un intérêt vital à frei- Un premier volet de mesures transmis par ner la hausse des coûts de santé. Ils y contribuent le Conseil fédéral au Parlement en août 2019 en s’engageant dans le domaine de la prévention vise lui aussi à freiner la hausse des coûts. La et de la promotion de la santé. L’objectif des can- CDS approuve l’axe de ce projet de maîtrise des tons et de la Confédération est que la population coûts, qui comprend notamment un article per- suisse reste autant que possible en bonne santé mettant d’expérimenter des projets novateurs afin de prévenir les maladies ou d’en réduire les en dehors du cadre de la LAMal et qui prévoit conséquences. la mise en place d’une organisation tarifaire La pandémie de coronavirus a mis le sys- nationale dans le domaine ambulatoire. Des tème de santé à l’épreuve et l’a placé encore corrections s’imposent toutefois pour que la plus au centre du débat public. Les questions CDS puisse soutenir l’intégralité de ce volet de concernant la couverture sanitaire, déjà d’une mesures. actualité brûlante avant l’apparition du virus, intégreront désormais les leçons tirées de la Les recours, facteurs de coûts gestion de la pandémie : quel doit être le paysage hospitalier de la Suisse de demain ? Comment La CDS rejette surtout l’idée d’accorder aux moderniser le système de déclaration ? Com- assureurs un droit de recours des associations ment réussir à couvrir les besoins en personnel à l’encontre des décisions prises par les can- à long terme dans les exigeantes professions de tons en matière de planification hospitalière. la santé ? Comment garantir une disponibilité Contrairement aux cantons, les caisses-maladie permanente de matériel de protection et de n’assument en effet aucune responsabilité médicaments ? La CDS jouera un rôle actif et constitutionnelle quant à la fourniture de soins constructif dans ces discussions. médicaux. Ce droit de recours ferait grimper les coûts, car les assureurs pourraient contester non seulement les mandats de prestation indi- viduels, mais également les listes d’hôpitaux et la planification hospitalière dans leur ensemble. Le Conseil fédéral a annoncé pour l’année en cours un deuxième volet de mesures visant à freiner la hausse des coûts. La mise en place Lukas Engelberger d’objectifs doit limiter la hausse des coûts Président de la Conférence suisse des directrices dans l’assurance obligatoire des soins. Si un tel et directeurs cantonaux de la santé (CDS), chef du Département de la santé du canton de Bâle-Ville « frein » pour les cantons est en principe sou- haitable en cas d’augmentation injustifiée des Bibliographie coûts, sa mise en œuvre concrète semble diffi- CDS (2018). Recommandations de la CDS sur la planification hospitalière. cile. Il est notamment attendu des cantons qu’ils Version révisée des recommandations adoptée par le Comité direc- teur de la CDS le 14 mai 2009, approuvée par l’assemblée plénière de fixent des objectifs avant même de disposer de la CDS du 25 mai 2018. données suffisamment détaillées, t ransparentes CDS (2019). Recommandations sur l’examen de l’économicité. Détermina- tion des hôpitaux efficients d’après l’art. 49, al. 1, LAMal. Approuvées et actuelles. En outre, les cantons à faible par le comité directeur de la CDS le 27 juin 2019. 12 La Vie économique 7 / 2020
L’ÉVÉNEMENT PRISE DE POSITION DE BARBARA GASSMANN Mieux écouter les patients La politique de la santé doit d’abord servir les intérêts des patients. À l’heure actuelle, ceux-ci ne sont pourtant pas suffisamment écoutés. L’Organisation suisse des patients (OSP) infrastructures doivent être utilisés systémati- demande depuis des années des mesures quement pour le bénéfice des patients. efficaces pour maîtriser les coûts sans que les Les patients et leurs organisations doivent soins médicaux perdent en qualité. Les patients être mieux intégrés dans les décisions. Celles- doivent pouvoir évaluer les informations qui ci veulent être mandatées et indemnisées leur sont fournies. Ils ont besoin d’explications par la Confédération pour leurs prestations détaillées sur les résultats des traitements et individuelles de conseils. les alternatives possibles avant de donner leur L’OSP et d’autres organisations de patients accord de manière éclairée à la proposition d’un et de consommateurs approuvent largement professionnel et de pouvoir supporter une théra- le premier volet de mesures du Conseil fédéral pie de longue durée. Des compétences sanitaires visant à maîtriser les coûts. Il est urgent de et numériques sont des prérequis importants. renforcer le contrôle des factures et de faire en Les consultations de l’OSP montrent que sorte que les prestataires de soins soient obligés de nombreuses personnes souffrent à cause d’établir des copies pour les patients même dans des coûts élevés de la santé en plus de leurs le cas où la facturation se fait directement avec soucis en lien avec la qualité des traitements. l’assurance-maladie. L’introduction d’un système Selon le Conseil fédéral, entre 10 et 20 % de de prix de référence pour les médicaments dont la population renoncent, pour des raisons le brevet a expiré et pour les génériques est aussi financières, à un traitement pourtant néces- une façon efficace de réaliser des économies. saire. Les patients éprouvent un sentiment Enfin, des mesures sont prévues dans le domaine d’impuissance devant des factures que seuls des tarifs ambulatoires et de la gestion des coûts : les spécialistes sont en mesure de décrypter. elles permettent la mise à jour des tarifs et font Les payeurs de primes attendent un soutien baisser les interventions médicales inutiles dont de leur assurance-maladie pour se défendre le nombre est estimé entre 20 et 30 %. contre les prétentions erronées des pres- La pandémie de coronavirus nous fait prendre tataires de soins. Nombre d’entre eux sont conscience, avec une urgence jusqu’ici inconnue, déçus, car ils ne sont pas entendus. de notre dépendance envers les infrastructures et de l’importance des flux de marchandises ainsi Des factures transparentes que d’un personnel spécialisé suffisamment qualifié. Des investissements supplémentaires Nous voyons trop souvent des traitements considérables sont nécessaires dans la formation inutiles motivés par des considérations indigène et dans la valorisation des métiers de la financières. La suppression des incitations liées santé d’importance systémique. à la quantité pour les médecins hospitaliers va Barbara Gassmann est membre de la direction par intérim de dans la bonne direction. Les processus et les la Fondation Organisation suisse des patients (OSP), à Zurich. La Vie économique 7 / 2020 13
COÛTS DE LA SANTÉ PRISE DE POSITION DE JÜRG SCHLUP Vers un changement de perspective ? Les coûts ont longtemps dominé les débats sur la politique de la santé. La pandémie de Covid-19 offre l’occasion de changer de perspective. La politique de maîtrise des coûts de la santé du les coûts et les avantages du système de santé ? Département fédéral de l’intérieur (DFI) a mar- De premiers indices témoignent de la sensibilité qué les discussions ces sept dernières années. avec laquelle peut réagir la population. Elle a débuté en 2013 avec un objectif d’écono- mies de coûts de 20 %. Un rapport d’experts a Éveil du public suivi en 2017 et le Conseil fédéral transmettait en 2019 un message au Parlement sur un pre- Fin mars, l’Académie suisse des sciences médi- mier volet de mesures visant à freiner la hausse cales et la Société suisse de médecine intensive des coûts. Le 21 février dernier, la Commission publiaient des directives sur le triage des trai- de la santé publique du Conseil national ac- tements de soins intensifs. Celles-ci ont suscité ceptait à l’unanimité d’entrer en matière sur ce de fortes discussions, y compris dans le public. premier train de mesures (incluant une mesure Beaucoup savent désormais que les malades ne similaire à un budget global). La discussion de pourraient pas tous être traités correctement en détail était prévue en mars et les délibérations cas de pénurie de ressources. auraient dû avoir lieu durant la session extraor- Il est probable que le DFI ouvre tôt ou tard dinaire de mai. L’éclatement de la pandémie de une consultation sur des plafonds ou des bud- Covid-19 a stoppé net le projet. gets globaux dans le cadre du second train de Dix jours après la décision du Conseil fédé- mesures annoncé depuis longtemps. Et ce, alors ral de qualifier la situation de « particulière » au qu’il est avéré que les budgets globaux péjorent la sens de la loi sur les épidémies, le PDC déposait prise en charge médicale de la population et ne le 10 mars l’initiative populaire « pour un frein sont pas des instruments adéquats pour maîtri- aux coûts de la santé ». Mais, interrogée sur les ser les coûts. Il est également envisageable – et adaptations futures du plan de pandémie, la tout aussi fatal – qu’un plafond non contraignant conseillère nationale PDC Ruth Humbel décla- soit proposé. Dans ce cas, le « gatekeeping » obli- rait fin mars dans l’« Aargauer Tagblatt » que gatoire pourrait devenir le nouveau projet phare « nous ne pourrons plus simplement retenir le de la Confédération. Chaque examen médical prix le plus bas, nous devons garantir la sécurité débuterait par une consultation préalable auprès de l’approvisionnement. » d’un centre médical d’accueil à créer. Puis, au lieu de délibérer sur les mesures de Nous espérons cependant que ni le Parle- maîtrise des coûts, le Parlement avalisait lors de ment ni la population ne voudront faire des ex- sa session extraordinaire de mai des crédits de périences et menacer le bon fonctionnement et plusieurs dizaines de milliards de francs pour la qualité des soins médicaux après l’épisode du amortir les effets de la crise sur l’économie et la coronavirus. société. La sécurité de l’approvisionnement devien- Jürg Schlup est président de la Fédération des médecins suisses dra-t-elle un nouveau critère clé pour évaluer (FMH), à Berne. 14 La Vie économique 7 / 2020
L’ÉVÉNEMENT PRISE DE POSITION DE PIUS ZÄNGERLE Pour un juste prix des médicaments Les médicaments coûteux vendus en pharmacies doivent devenir plus abor- dables. Voilà ce que proposent Curafutura et Pharmasuisse au Conseil fédéral. Les deux associations faîtières Curafutura et d’instaurer un système où personne ne subit de Pharmasuisse, qui regroupent respectivement perte douloureuse. La nouveauté réside dans les assureurs-maladie et les pharmaciens, ont le fait que les frais de personnel liés à la four- proposé un nouveau modèle tarifaire au Conseil niture des prestations officinales ne sont plus fédéral. Cette solution a l’avantage de rallier intégrés dans le prix des médicaments, mais non seulement les membres de Curafutura – dans le tarif officinal. Celui-ci augmentera, mais CSS, Helsana, Sanitas et KPT –, mais aussi le prix des préparations baissera considérable- Swica du côté des assureurs. Les partenaires ment. Le nouveau modèle tarifaire élaboré par tarifaires r eprésentent ainsi une majorité du Curafutura et Pharmasuisse constitue donc une secteur. redistribution fondée sur la vérité des coûts. Nous nous sommes fixé deux objectifs prin- Cette stratégie fera bouger le marché. La cipaux : premièrement, la structure tarifaire marge des médicaments à bas prix délivrés sur du prix d’un médicament doit se fonder sur des ordonnance ne permet pas aujourd’hui de cou- paramètres économiques et scientifiques. Ce vrir les coûts, ce qui a engendré un subvention- principe rend les coûts transparents pour les nement croisé par des préparations plus oné- patients et élimine les subventionnements croi- reuses – une solution guère satisfaisante. La sés qui créent des incitations à la vente pour nouvelle réglementation sur les marges de dis- les pharmaciens. Deuxièmement, nous propo- tribution permettra de compenser le coût logis- sons au Conseil fédéral une fixation des marges tique effectif des médicaments. Les préparations de distribution indépendante des prix pour bon marché subiront ainsi une augmentation encourager la prescription de génériques et de de prix modérée, tandis que les personnes souf- biosimilaires. Leur effet pharmaceutique est frant de maladies chroniques – et qui dépendent identique, mais leurs prix sont sensiblement souvent de médicaments onéreux, voire très plus avantageux. Notre modèle atteint ces deux onéreux durant de longues années – ne seront objectifs. plus pénalisées par un subventionnement croisé involontaire. Le système de la santé sera sou- Une situation gagnant-gagnant lagé de plusieurs centaines de millions de francs par an. Nous avons soumis ce nouveau tarif le Une marge de distribution neutre sur le plan 14 mai au Conseil fédéral. Il lui appartient main- incitatif est impérative dans la perspective de tenant de décider si le potentiel d’économie l›introduction d'un système de prix de référence profitera à la population. plus durable et plus efficace. Une remise de médicaments basée sur les prestations permet Pius Zängerle est directeur de Curafutura, à Berne. La Vie économique 7 / 2020 15
COÛTS DE LA SANTÉ PRISE DE POSITION DE CHRISTOPHE KAEMPF De nouveaux médicaments coûteux L’arrivée de thérapies personnalisées engendre des coûts très élevés. Un nouveau modèle de prix lié au succès thérapeutique est indispensable. Le Conseil fédéral aurait dû mettre en consul- Les augmentations constatées dans ce tation le deuxième volet des mesures desti- domaine sont doublement problématiques : nées à freiner la hausse des coûts de la santé d’une part, elles coûtent de plus en plus cher début 2020. Il envisageait notamment d’exami- aux assureurs-maladie, et donc aux assurés ; ner différents modèles pour la prise en charge d’autre part, l’efficacité de ces médicaments des médicaments, en particulier les prépara- n’est pas toujours prouvée. Santésuisse veut à tions les plus coûteuses. Mais la pandémie de tout prix éviter que l’on doive rationner l’accès coronavirus a bouleversé le calendrier politique à certains médicaments en raison de leur et l’examen de nouveaux de modèles de prise prix, comme cela s’observe dans d’autres pays. en charge des médicaments, entre autres, a été Toute limitation d’accès aux thérapies oné- repoussé. Or, une telle analyse est nécessaire. reuses mettrait à mal le principe de solidarité Ces dernières années, on assiste à l’émer- qui constitue le fondement du système suisse gence de traitements toujours plus person- d’assurance-maladie. Santésuisse souhaite nalisés. Si l’arrivée sur le marché de thérapies également empêcher que les payeurs de primes ciblées (notamment dans le domaine des mala- doivent contribuer au fi nancement de thé- dies rares) est évidemment très réjouissante, rapies dont les bénéfices pour les patients ne cette évolution soulève également quelques sont pas garantis. inquiétudes. Ces nouvelles préparations sont Il est donc impératif d’élaborer de nou- en effet souvent extrêmement coûteuses. veaux modèles de prise en charge qui res- Différents indicateurs démontrent qu’elles vont pectent pleinement les critères d’efficacité, encore accroître la pression financière sur le d’adéquation et d’économicité. Ces critères système d’assurance-maladie. Ainsi, les coûts à sont pourtant requis par la loi fédérale sur charge de l’assurance-maladie obligatoire pour l’assurance-maladie pour le remboursement les médicaments oncologiques ont presque de toute prestation. doublé ces cinq dernières années, passant de Une solution consisterait à introduire un 580 à 935 millions de francs par an. système de remboursement corrélé au succès Les ventes de médicaments coûtant entre thérapeutique (dit « pay for performance ») 10 000 et plus de 100 000 francs ont augmenté pour les médicaments dont le prix dépasse de plus de 10 % par an ces cinq dernières un certain seuil, par exemple 50 000 francs années. Elles concernent pour moitié des par an. Avec ce nouveau système, l’assurance- médicaments oncologiques, qui affichent une maladie obligatoire ne rembourserait les croissance à deux chiffres. Santésuisse s’attend médicaments qu’en cas de guérison ou si par conséquent à des coûts supplémentaires d’importants effets thérapeutiques positifs d’environ 200 millions de francs par an pour sont avérés et prouvés. les médicaments dont le prix est supérieur à Christophe Kaempf est porte-parole de l’association faîtière des 10 000 francs. assurances-maladie Santésuisse, à Soleure. 16 La Vie économique 7 / 2020
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