RECHERCHE AGRONOMIQUE SUISSE - Agrarforschung Schweiz
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RECHERCHE AGRONOMIQUE SUISSE J u i l l e t – A o û t 2 0 1 6 | N u m é r o 7–8 Agroscope | OFAG | HAFL | AGRIDEA | ETH Zürich | FiBL Production végétale Variétés de pâturin des prés d’Agroscope: performances accrues par la reproduction sexuée Page 304 Economie agricole Les segments de clientèle dans l’agritourisme Page 338 Eclairage La biodiversité microbienne dans le fromage au lait cru Page 352
La sélection végétale joue un rôle clé dans l’alimentation de bientôt huit milliards d’êtres humains. Des chercheuses et chercheurs d’Agroscope Sommaire présentent leurs résultats de recherche sur la sélection des plantes fourragères. (Photo: Gabriela Brändle, Agroscope) Juillet – Août 2016 | Numéro 7 – 8 303 Editorial Production végétale Impressum 304 Variétés de pâturin des prés d’Agroscope: Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz est une publication des stations performances accrues par la de recherche agronomique Agroscope et de leurs partenaires. Cette publication paraît en allemand et en français. Elle s’adresse aux scientifiques, spécialistes de la recherche reproduction sexuée et de l’industrie, enseignants, organisations de conseil et de vulgarisation, offices cantonaux Christoph Grieder et al. et fédéraux, praticiens, politiciens et autres personnes intéressées. Editeur Agroscope Production végétale Partenaires 310 Phléole des prés: bA groscope (Institut des sciences en production végétale IPV; deux nouvelles variétés recommandées Institut des sciences en p roduction animale IPA; Institut des sciences en denrées alimentaires IDA; Institut des s ciences en durabilité agronomique IDU), www.agroscope.ch Daniel Suter et al. b Office fédéral de l’agriculture OFAG, Berne, www.ofag.ch b Haute école des sciences agronomiques forestières et alimentaires HAFL, Zollikofen, www.hafl.ch Production végétale b Centrale de vulgarisation AGRIDEA, Lausanne et Lindau, www.agridea.ch b E cole polytechnique fédérale de Zurich ETH Zürich, 316 Effets d'un nouvel engrais phosphaté Département des Sciences des Systèmes de l'Environnement, www.usys.ethz.ch sur la nutrition et le rendement du blé b Institut de recherche de l'agriculture biologique FiBL, www.fibl.org Sokrat Sinaj et al. Rédaction Direction et rédaction germanophone Andrea Leuenberger-Minger, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz, Production végétale Agroscope, case postale 64, 1725 Posieux, tél. +41 58 466 72 21, fax +41 58 466 73 00 322 Développement phénologique des Rédaction francophone Sibylle Willi, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz, prairies de fauche – 21 ans d’observations Agroscope, case postale 1012, 1260 Nyon 1, tél. +41 58 460 41 57 Zoé Vuffray et al. Suppléance Judith Auer, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz, Environnement Agroscope, case postale 1012, 1260 Nyon 1, tél. +41 58 460 41 82 330 Charge maximale admissible à la roue – e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch une variable caractéristique utile pour Team de rédaction Président: Jean-Philippe Mayor (Responsable Corporate Communication Agroscope), la pratique Evelyne Fasnacht, Erika Meili, Sibylle Willi et Regula Wolz (Agroscope), Thomas Keller et al. Karin Bovigny-Ackermann (OFAG), Beat Huber-Eicher (HAFL), Esther Weiss (AGRIDEA), Brigitte Dorn (ETH Zürich), Thomas Alföldi (FiBL). Economie agricole Abonnements Tarifs 338 Les segments de clientèle dans Revue: CHF 61.–*, TVA et frais de port compris (étranger + CHF 20.– frais de port), en ligne/App: CHF 61.–* l’agritourisme * Tarifs réduits voir: www.rechercheagronomiquesuisse.ch Mario Huber et al. Adresse Simone Zaugg, Recherche Agronomique Suisse/Agrarforschung Schweiz, Production animale Agroscope, case postale 64, 1725 Posieux e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch, fax +41 26 407 73 00 344 Nouvelles valeurs de référence pour Changement d'adresse les déjections des vaches allaitantes e-mail: verkauf.zivil@bbl.admin.ch, fax +41 31 325 50 58 Harald Menzi et al. Internet www.rechercheagronomiquesuisse.ch Eclairage www.agrarforschungschweiz.ch 352 La biodiversité microbienne dans le ISSN infos ISSN 1663 – 7917 (imprimé) fromage au lait cru ISSN 1663 – 7925 (en ligne) Titre: Recherche Agronomique Suisse Cosima Pelludat et al. Titre abrégé: Rech. Agron. Suisse © Copyright Agroscope. Tous droits de reproduction et de 356 Portrait traduction réservés. Toute reproduction ou traduction, partielle 357 Actualités ou intégrale, doit faire l’objet d’un accord avec la rédaction. Indexé: Web of Science, CAB Abstracts, AGRIS 359 Manifestations
Editorial L’amélioration des plantes – l’art de donner vie à la science D’ici 2025, notre planète comptera huit milliards d‘habitants. Ces hommes et ces femmes ont besoin de place et de nourriture, mais ils contribuent aussi au chan gement climatique. Pour alimenter autant de personnes dans des conditions en perpétuelle évolution, l’amélioration des plantes joue un rôle clé. Seule une inter action étroite entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée permet de fournir des variétés tolérantes au stress et suffisamment performantes pour une agriculture durable. Les lois de Mendel ont 150 ans – EUCARPIA en a 60 L’amélioration des plantes fondée sur des principes scientifiques est une branche de recherche relativement jeune. Seuls 150 ans se sont écoulés depuis que Gregor Beat Boller Mendel a publié les lois de base de la génétique. Et ce n’est que depuis environ Sélectionneur de plantes fourra 120 ans que l’on peut parler d’une application systématique des connaissances gé gères à Agroscope (1989 – 2016) nétiques pour l’amélioration des plantes cultivées. L’Association Européenne pour et président d’Eucarpia (2012 – l’Amélioration des Plantes EUCARPIA fêtera pour sa part ses 60 ans cette année. Sa 2016) mission est de promouvoir la coopération scientifique et technique entre disciplines, afin de développer l’amélioration des plantes, et elle poursuit cet objectif avec une constance et un engagement remarquables. Trois sections thématiques et huit sec tions spécifiques aux cultures organisent régulièrement des meetings spécialisés. Depuis la fondation de l’association en 1956, un congrès général se tient tous les trois ou quatre ans avec un programme toujours très varié. Agroscope et l‘EPF de Zurich sont fières de pouvoir accueillir cette année le 20e congrès d’EUCARPIA, pour la première fois en Suisse. 20 e congrès général d’EUCARPIA, fin août à Zurich L’amélioration des plantes est à la fois un art et une science. Elle consiste à associer des connaissances génétiques, physiologiques et agronomiques à l’intuition et au savoir-faire du sélectionneur. Le développement vertigineux des possibilités tech niques apporte une nouvelle dimension à cette interaction. La biologie moléculaire produit sans cesse de nouvelles méthodes et connaissances, toujours plus appro fondies et au champ d’application plus large. Le développement exponentiel des technologies de l‘information permet des approches toujours plus complexes dans la bioinformatique. Des techniques de mesures et des systèmes de télédétection sophistiqués font découvrir les processus physiologiques des plantes sous un aspect différent. Le congrès offre une plateforme pour mettre en rapport des connaissances spécialisées dans ces disciplines et des attentes clairement formulées par rapport à l’amélioration des plantes à l’avenir. En effet, la devise du congrès, «Plant Breeding – the Art of Bringing Science to Life» (L’amélioration des plantes – L’art de donner vie à la science), n’a un sens que si les chercheurs-euses travaillent main dans la main avec les sélectionneurs dans la pratique. Onze conférenciers invités créeront un cadre propice aux discussions. Plus de 300 chercheurs-euses venu-e-s de 50 pays ont annoncé leurs contributions, sous forme de conférences plénières, de brèves présen tations ou de posters. Des excursions attrayantes seront proposées aux participantes pour leur faire découvrir la Suisse et ses prestations dans le domaine de l’améliora tion des plantes. Le programme détaillé est disponible sous www.eucarpia2016.org. Un portrait de Beat Boller est à lire en page 356. Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 303, 2016 303
P r o d u c t i o n v é g é t a l e Variétés de pâturin des prés d’Agroscope: performances accrues par la reproduction sexuée Christoph Grieder, Peter Tanner, Franz Xaver Schubiger et Beat Boller Agroscope, Institut des sciences en durabilité agronomique IDU, 8046 Zurich, Suisse Renseignements: Christoph Grieder, e-mail: christoph.grieder@agroscope.admin.ch sence accrue du pâturin des prés et le recul du ray-grass, les variétés de pâturin des prés doivent avoir une bonne qualité fourragère et un bon rendement en biomasse. La digestibilité et l’appétence du fourrage sont diminuées par l’apparition de maladies comme la rouille (Puccinia striiformis f. sp. poae, P. poae-nemoralis et P. graminis f. sp. graminicola) et les taches foliaires (Drechslera poae et autres). La résistance à ces maladies est donc un ob jectif crucial de la sélection. La surface foliaire étant la principale composante du rendement, un rendement élevé peut essentiellement être atteint en sélectionnant des types très feuillus. Les plantes qui ont un rendement élevé en biomasse sont également plus digestes, en rai son du fort pourcentage de feuilles; en revanche leur potentiel de rendement en grains est plus réduit, dû au nombre inférieur de tiges porte-graines. La mission et l’art de la sélection consistent donc à combiner au mieux tous ces critères dans les nouvelles variétés. Figure 1 | Plantes de pâturin des prés en semis en ligne, tel qu’il est pratiqué avec les variétés sexuées pour la première multiplication Apomixie chez les végétaux de semences à partir de plantes individuelles. (Photo: Franz Xaver Pour se multiplier via des graines, les plantes fleuries Schubiger, Agroscope) ont généralement recours à la reproduction sexuée. Au cours de ce processus (fig. 2, à gauche), une cellule-mère de mégaspores portant deux représentants de chaque Introduction chromosome (diploïde, 2n) donne naissance, par divisi on de réduction (méiose), à quatre mégaspores qui ne Pâturin des prés: importance et sélection comportent qu’un exemplaire de chaque chromosome Le pâturin des prés (Poa pratensis L.) fait partie des (haploïde, n), dont trois dégénèrent (fig. 2B, à gauche). espèces les plus persistantes en utilisation intensive. Avec La mégaspore survivante subit ensuite trois séries de le ray-grass anglais (Lolium perenne L.), c’est l’herbe division mitotique sans véritable délimitation des nou typique des pâturages et des prairies de fauche à haut velles cellules, donnant naissance à un sac cellulaire de rendement (Suter et al. 2013). Bien que le pâturin des huit noyaux. Ces huit noyaux cellulaires se répartissent prés se développe de manière très lente après la ger sur les cellules formant le gamétophyte femelle: trois an mination, il possède des stolons souterrains (rhizomes) tipodes, deux synergides et l’ovule (chacun n) ainsi que qui lui permettent de bien s’étendre par la suite et de la cellule centrale (2n) (pour plus de détails voir Liu et combler rapidement les lacunes qui surviennent dans le al. 2010; fig. 2C, à gauche). Via la fécondation dite dou peuplement, suite à la disparition d’espèces moins per ble, d’une part de l’ovule haploïde et d’autre part, de la sistantes. cellule centrale diploïde, chacun par un pollen haploïde, Afin que la qualité et le rendement des peuplements on obtient un embryon diploïde (n + n = 2n) ainsi qu’un mixtes ne chutent pas trop au fil des ans, suite à une pré endosperme triploïde (2n + n = 3n; fig. 2D, à gauche). 304 Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 304–309, 2016
Variétés de pâturin des prés d’Agroscope: performances accrues par la reproduction sexuée | Production végétale Cellule-mère des mégaspores (2n) Selista et Sepia sont les deux premières ariétés de pâturin des prés (Poa pratensis) v Résumé Génotype mère, diploïde (2n) A) Ovule dans l’ovaire issues du programme de sélection de la fleur Génotype mère, haploïde (n) Génotype père, diploïde (2n) d’Agroscope à avoir été admises dans la Génotype père, haploïde (n) Liste suisse des variétés recommandées de plantes fourragères en 2014. Au lieu de la Méiose Cellule initiale Mégaspore apospore (2n) reproduction asexuée typique du pâturin B) Mégaspore fonctionnelle (n) dégénérée Mégaspore non des prés (apomixie), Selista et Sepia ont fonctionnelle (n) (n) un mode de reproduction essentiellement Mitose sexué, comme Lato, une variété bien Cellules antipodes connue. Ces deux nouvelles variétés ont -Gamétophyte été développées à partir de matériel du -Gamétophyte Cellule C) centrale (2n) Cellule centrale (4n) programme de sélection d’Agroscope et Ovule (n) Ovule (2n) d’écotypes, systématiquement sélectionnés Synergides (n) Tube pollinique en vue d’une reproduction sexuée. Sepia a Fécondation notamment convaincu par sa meilleure D) Embryon (2n) Embryon (2n) vitalité au départ, sa persistance et un Endosperme (3n) Endosperme (5n) meilleur rendement en matière sèche. Les deux nouvelles variétés se sont en outre avérées très résistantes à la rouille Reproduction Reproduction sexuée apomictique ( Puccinia spp.) et aux maladies des taches foliaires ( Drechslera poae et autres). La Figure 2 | Reproduction sexuée (à gauche): à partir de la cellule-mère stratégie qui se concentre sur le matériel diploïde (2n) des mégaspores qui se trouve dans l’ovule (A), une de sélection dont la reproduction est mégaspore fonctionnelle (B) se développe par méiose, qui donnera essentiellement s exuée, vaut donc la peine. ensuite naissance à deux cellules antipodes (n), la cellule centrale (2n) Les deux variétés issues d’une première et l’ovule (n) du gamétophyte femelle (C). La double fécondation de génération de souches sexuées ont réussi la cellule centrale et de l’ovule donne l’endosperme triploïde (tissu l’examen variétal d’emblée. Enfin, un nutritif) ainsi que l’embryon diploïde, sexuellement recombinant (D). Reproduction apomictique (à droite): au lieu de la mégaspore (n), progrès de sélection continu a été une autre cellule initiale dite apospore (2n) assume la fonction de observé avec les nouvelles souches sexuées, production du gamétophyte (B). Par conséquent, la cellule centrale ce qui n’est pas le cas avec les souches (4n) comme l’ovule (2n) ont le double de chromosomes par rapport au apomictiques. cas de la reproduction sexuée (C). Une fécondation simple de la cellule centrale a lieu et donne un endosperme pentaploïde (5n). L’ovule se transforme en embryon sans fécondation (= parthénogenèse). Ce dernier contient toutes les caractéristiques génétiques de sa mère rique, qui reprend la fonction de former le gamétophyte (C, D). Schéma d’après Hand et Koltunov (2014). femelle (fig. 2B, à droite). Comme dans la reproduction sexuée, il s’ensuit trois séries de division cellulaire mito tique et la formation du gamétophyte femelle. Ce pro L’embryon à partir duquel la nouvelle plante se dévelop cessus étant parti d’une cellule diploïde, toutes les struc pera plus tard a donc un patrimoine génétique issu pour tures au sein du gamétophyte possèdent un nombre de moitié de la plante maternelle (ovule) et pour l’autre de chromosomes deux fois plus élevé que dans le cas de la celui de la plante paternelle (pollen). Par conséquent, reproduction sexuée (fig. 2C, à droite). L’ovule déjà dip il est sexuellement recombinant. Chez les graminées, loïde (2n) peut ensuite se développer sans fécondation l‘endosperme triploïde devient un corps farineux. Il sert pour aboutir à un embryon viable (= parthénogénèse). à l’approvisionnement de la semence en germination. Dans le cas du pâturin des prés, une fécondation simp La reproduction asexuée (= apomixie) est un proces le de la cellule centrale a lieu, donnant un endosperme sus complexe qui est probablement issu de plusieurs mo pentaploïde (4n + n = 5n) (fig. 2D, à droite). Il existe dif difications de la reproduction sexuée (Matzk et al. 2005). férentes variantes pour arriver à l’apomixie chez les vé Dans le cas du pâturin des prés, aucune des mégaspores gétaux (Hand et Koltunov 2014). Toutes ont en commun (n)issues de la méiose n’est fonctionnelle, contrairement le développement d’un embryon donnant une nouvelle à une autre cellule diploïde, la cellule initiale dite apospo plante 100% identique à la plante mère. Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 304–309, 2016 305
Production végétale | Variétés de pâturin des prés d’Agroscope: performances accrues par la reproduction sexuée Chez les plantes d’espèces apomictiques, l’apomixie mises sur la Liste des variétés recommandées de plantes et la reproduction sexuée ne s’excluent souvent pas to fourragères. Elles ont pour nom Selista et Sepia. talement l’une l’autre. On parle alors d’apomictiques facultatifs. C’est le cas du pâturin des prés, pour lequel Matériel et méthodes on estime qu’au moins cinq gènes sont responsables de l’apomixie (Matzk et al. 2005). Suivant l’expression de Origine des nouvelles variétés chacun de ces cinq gènes, la reproduction d’une plante Selista est issue de matériel provenant de collections peut varier d’essentiellement sexuée à essentiellement d’écotypes suisses de 1998 ainsi que de matériel plus asexuée. ancien, provenant également d’écotypes suisses du pro gramme de sélection d’Agroscope à Changins. Tout ceci Sélection de plantes sexuées et apomictiques a été mis en place en 1999 dans trois essais différents Avec la sélection entre populations, telle que pratiquée avec des plantes individuelles en pépinière. Le maté habituellement avec la plupart des espèces de plantes riel a été sélectionné dans l’objectif de la reproduction fourragères, la recombinaison sexuelle est utilisée pour sexuée et les descendants ont à nouveau été cultivés en améliorer les performances de génération en généra pépinière en 2001 sous forme de plantes individuelles. tion. Les meilleures plantes d’une population initia Puis, les chercheurs-euses ont laissé les onze meilleures le sont sélectionnées et recombinées entre elles (p. ex. plantes (clonées) se féconder mutuellement en 2003. Les par pollinisation ouverte). Dans la mesure où le critère semences récoltées en 2004 ont ensuite servi à la pro est héréditaire, la fréquence des allèles positifs (va duction des semences de prébase de la variété Selista et riantes d’un gène) augmente dans la population des ont été semées en lignes (fig. 1). Sepia a la même origine descendants, de même que leur performance. que Selista, mais a été sélectionnée après une générati Comme chaque descendant d’apomictique (obliga on supplémentaire en pépinière (installation 2003). Dans toire) est génétiquement identique à sa mère, les allèles cet essai, les 37 meilleures plantes ont été sélectionnées positifs ne peuvent pas être accumulés. Chaque plante pour une pollinisation ouverte. Les semences récoltées apomictique représente potentiellement une variété en 2005 ont servi à la production des semences de préba homogène, car son matériel génétique peut être repro se de la variété Sepia qui ont été semées en lignes (fig. 1). duit à volonté via les semences. L’enjeu consiste donc à trouver des plantes apomictiques avec de bonnes quali Base de données et évaluation tés (rendement, qualité et résistance). Pour y parvenir, Les résultats présentés sont basés sur des essais parcel on étudie l’homogénéité des descendants d’une plante laires qui ont eu lieu de 2000 à 2013. Les parcelles ont en pépinière. Si elle est suffisante, cette souche apomic été semées au printemps sur les trois sites d’Oensingen, tique est alors multipliée et ses performances sont testé de Zurich-Reckenholz et d’Ellighausen, puis étudiées es dans le cadre d’essais aux champs. pendant trois ans (année de semis, années d’exploitation La sélection de variétés apomictiques de pâturin des principale 1 et 2). Le rendement en matière sèche (MS) a prés n’est donc pas basée sur l’amélioration successive de été mesuré à chacune des cinq coupes de chaque année populations, mais ressemble plutôt à la recherche d’une d’exploitation principale, de même que – à partir de 2008 aiguille dans une botte de foin, soit, dans le cas présent, – la teneur en matière organique digestible (MOD), qui a d’une souche performante. Cette méthode a donné peu été déterminée par spectroscopie proche infra-rouge sur de résultats jusqu’ici dans le programme de sélection des échantillons de récolte séchés. Le développement des d’Agroscope. Sur six souches de sélection apomictiques peuplements (vigueur) a été évalué de manière visuelle annoncées depuis 1993 à l’examen officiel en Suisse, à chaque coupe sur une échelle de 1 (très bon) à 9 (très quatre ont échoué à cause de leurs performances agro mauvais). La moyenne de toutes les notes de vigueur de nomiques insuffisantes. La candidate Prisam (testée en l’année de semis a servi de référence pour le développe 1993 – 1995) a été rejetée par manque d’homogénéité, ment initial, la moyenne de la première note de vigueur la dernière candidate Varenzo 5 (testée en 2010 – 2012) des deux premières années d’exploitation principale par manque de distinction. Le pâturin des prés étant une a servi de référence pour la croissance précoce, tandis apomictique facultative, une sélection systématique a que la dernière note de vigueur de la deuxième année été entreprise à partir de ressources génétiques n ouvelles d’exploitation principale a servi de référence pour la per et existantes afin de mettre en place un programme de sistance. Toutes les maladies ont également été évaluées sélection sexuée. En 2014, les premières variétés sexuées visuellement sur une échelle de 1 (aucune infestation) à de pâturin des prés issues de ce programme ont été ad 9 (forte infestation). 306 Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 304–309, 2016
Variétés de pâturin des prés d’Agroscope: performances accrues par la reproduction sexuée | Production végétale Les deux variétés ont été mises en place avec d’autres variété Sepia, qui compte une génération supplémen matériels à tester (constellations parfois différentes) taire en pépinière par rapport à Selista et dont la sélec durant les différentes années d’essai. Cela explique que tion visait à améliorer la vigueur, présentait un rende la variété de référence Lato (témoin) a pu être testée ment en MS nettement supérieur à celui de Lato, surtout dans 35 environnements (environnement = combinaison la première année d’exploitation principale. La dernière entre année et site), Selista dans 18 et Sepia dans 12. Ent et meilleure variété candidate apomictique (Varenzo 5, re deux années d’essai consécutives, une série contenant tabl. 1) a affiché les deux années un potentiel de ren souches sélectionnées et variétés témoins a été mise en dement inférieur à ses concurrentes sexuées. En ce qui place. Les données ont été évaluées à l’aide de modèles concerne l’évaluation de la vigueur, Sepia présentait linéaires dans l’environnement R (R Core Team 2013). Les de loin les meilleurs résultats, quel que soit le critère: moyennes de variétés ont quant à elles été établies via le développement durant l’année de semis, la croissance Least Square Means. précoce ainsi que la persistance. Que Sepia ait de loin obtenu les meilleurs résultats à l’examen variétal officiel Résultats et discussion de 2010 – 2012 (Suter et al. 2013) le souligne. Les perfor mances de Selista étaient un peu en deçà de celles de Amélioration des propriétés agronomiques Sepia sur ces trois critères, mais nettement meilleures Par rapport à la variété de référence Lato, qui figure que celles de Lato pour la croissance précoce et la per déjà depuis 1996 sur la Liste suisse des variétés recom sistance. mandées de plantes fourragères et obtient depuis Avec des valeurs comprises entre 646 et 663 g / kg de régulièrement les meilleurs résultats de l’examen des MS, la teneur en matière organique digestible variait re variétés, Selista a fourni un rendement en MS qui n’est lativement peu, Selista ayant obtenu le meilleur résultat. que légèrement inférieur, aussi bien la première que la La faible variation pour ce critère vient probablement deuxième année d’exploitation principale (tabl. 1). La du fait que toutes les variétés présentées ici ont déjà été Tableau 1 | Epiaison et indice de maturité précoce, ainsi que différents critères agronomiques, de qualité et de résistance (pour les évaluations: note la plus basse = expression plus avantageuse du critère). Variété Meilleure variété Lato (T) Selista Sepia apomictique Maturité précoce Epiaison 1 33,2 29,4 32,6 30,4 Indice de maturité précoce BSA2 7 5 6 5 Critères agronomiques et de qualité Rendement en MS A1 (dt ha ) -1 119,7 117,1 129 116,5 Rendement en MS A2 (dt ha ) -1 111,6 107,6 111,3 103,7 MOD A1 (g kg de MS-1) 659 663 651 646 Développement année de semis 3,7 3,7 3,3 4,9 Croissance précoce 4,1 3,4 2,5 3 Persistance 2,8 2 1,6 2,8 Sensibilité aux maladies Moisissure des neiges 3,3 3,7 3,3 4 Rouille 4,4 2,3 2,5 2,6 Maladies foliaires 2,6 2,5 2,2 2,1 A1, A2 = année d’exploitation principale 1, 2 MOD = matière organique digestible T = témoin 1 Jours après le 1er avril, propres essais MS = matière sèche 2 Selon la description des variétés UPOV, établie par l’Office fédéral des obtentions végétales (Bundessortenamt, BSA) Allemagne Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 304–309, 2016 307
Production végétale | Variétés de pâturin des prés d’Agroscope: performances accrues par la reproduction sexuée sélectionnées en vue d’obtenir un type feuillu. En outre, Droite de régression souches Souche de sélection apomictique Sepia et Selista n’ont pas encore été spécialement sé apomictiques: Pente = –0,003 Variété candidate apomictique 8 lectionnées pour obtenir une digestibilité élevée de la Droite de régression souches Souche de sélection sexuées sexuées: Pente = –0,076 Selista matière organique. Sepia Les quatre variétés étaient comparables en ce qui 6 concerne la résistance à la moisissure des neiges, Sepia étant la moins sensible des quatre. Selista était la variété la moins sensible à la rouille avec une note de 2,3. S epia 4 et la variété apomictique (Varenzo 5) se sont avérées un peu plus sensibles, mais toujours nettement moins sensibles que Lato, la variété témoin déjà un peu plus 2 ancienne. Toutes les variétés présentées ici présentaient le même niveau de résistance aux maladies de taches foliaires. 1995 2000 2005 2010 Année Sélection prometteuse de variétés sexuées Figure 3 | Performances agronomiques de différentes souches de Si l’on considère les performances des différentes sou sélection selon l’indice global, qui a été calculé comme pour l’examen variétal officiel suisse (Suter et al. 2013) en ne tenant pas compte de ches de sélection apomictiques en fonction de leur la matière organique digestible (MOD) (note la plus basse = meilleure année de développement, on constate que la droite de performance). régression de l’indice global de performance présente une pente proche de 0 (fig. 3). La sélection des apomic tiques ayant, comme décrit plus haut, uniquement pour but d’identifier la meilleure souche, elle n’apporte aucun distinctifs (Distinctness), de l’uniformité (Uniformity) et progrès de sélection en général. Les premières souches de la stabilité (Stability). Contrairement à ce que l’on de sélection sexuées développées en 2004 et 2005 affi aurait pu craindre, les deux variétés se sont cependant chaient dès le départ un niveau de performance compa avérées suffisamment homogènes pour tous les critères rable à celui des souches apomictiques, voire supérieur importants des tests DUS. Ceci s’explique entre autres (fig. 3). Selista et Sepia, qui font partie de cette première par le fait que les centres d’évaluation ont des exigences génération de souches de sélection sexuées, ont donc moins strictes en ce qui concerne l’homogénéité pour les d’emblée réussi les tests officiels des variétés. Contraire variétés sexuées que pour les variétés apomictiques. ment aux souches apomictiques, on constate une améli oration graduelle avec les souches sexuées conduisant à Conclusions un progrès de sélection. La droite de régression présen te ici une pente de –0,076 y-1. Les performances selon Utilisation en mélanges et disponibilité des semences l’indice global s’améliorent donc en moyenne de 0,076 Selista a été sélectionnée pour une maturité précoce et points chaque année. Cela vient du fait que le pourcen Sepia pour une maturité tardive à partir du même maté tage d’allèles positifs dans la population de sélection riel initial. En dépit de cette sélection opposée, seuls trois augmente à chaque cycle de sélection, ce qui explique jours séparent la date d’épiaison des deux variétés, selon que le critère soit davantage présent dans la génération des mesures effectuées par Agroscope (tabl. 1). La faible suivante (p. ex. accumulation des allèles de résistance différence entre les deux périodes d’épiaison reflète la contre la rouille jaune). Ce progrès continu de la sélec variation relativement limitée de ce critère avec le pâ tion permet donc d’espérer une constante amélioration turin des prés par rapport au ray-grass anglais. Sepia et des variétés à l’avenir. Selista peuvent donc être toutes les deux utilisées dans Contrairement aux variétés apomicitiques, où toutes des mélanges longue durée. les plantes sont identiques, les variétés à reproduction La multiplication des semences des deux variétés sexuée représentent une population qui comprend plu est actuellement en cours de démarrage. Les premi- sieurs plantes génétiquement différentes. Il faut donc ères quantités significatives de semences de prébase s’attendre à ce que l’expression des différents critères ont été ou sont actuellement produites. Après multi- soit moins homogène avec une variété sexuée. Cepen plication des semences de base, on peut donc espé- dant, pour qu’une nouvelle variété puisse être autorisée, rer disposer, au plus tôt à partir de 2019, de quantités elle doit obligatoirement passer le test des caractères significatives de semences Z en Suisse. n 308 Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 304–309, 2016
Variétés de pâturin des prés d’Agroscope: performances accrues par la reproduction sexuée | Production végétale Maggiore prestazione grazie al genere sessuale: Improved performance thanks to sex: le nuove varietà di erba fienarola di Agroscope Agroscope’s new Kentucky bluegrass varieties Riassunto Summary Nel 2014 con Selista e Sepia per la prima volta The year 2014 marked the first occasion when sono state inserite nella Lista svizzera delle two varieties of Kentucky bluegrass (Poa varietà di piante foraggere raccomandate due pratensis) from Agroscope’s breeding program varietà di erba fienarola (Poa pratensis) pro me, Selista and Sepia, were included in the venienti dal programma di selezione Agroscope. Swiss List of Recommended Varieties for Forage Invece della formazione dei semi asessuale Plants. Instead of exhibiting the otherwise usual ( apomissia), normalmente consueta per l’erba asexual seed formation (‘apomixis’), Selista and fienarola, Selista e Sepia presentano, come la Sepia primarily reproduce sexually, like the nota varietà Lato, una riproduzione sostanzial known variety Lato. Both new varieties can mente sessuale. Le due nuove varietà risalgono be traced back to breeding and ecotype material al materiale del programma di selezione systematically selected for sexual seed forma d’Agroscope e di ecotipi selezionato in seguito tion. Sepia particularly impressed with the a una formazione di semi sessuale. Sepia ha best vigour during initial development, persis convinto soprattutto con la miglior crescita nello tence, and the best dry-matter yield. Both new sviluppo iniziale, la resistenza nonché la miglior varieties also exhibited very good resistance to resa in sostanza secca. Entrambe le varietà rust ( Puccinia spp.) and leaf-spot (e. g. Drechs hanno mostrato, inoltre, un’ottima resistenza lera poae ) diseases. The strategy of focusing on nei confronti di malattie come macchie sulle breeding material that primarily reproduces foglie (tra cui Drechslera poae ) e ruggine sexually was shown to be eminently worth ( Puccinia spp.). È risultato che è opportuna la while. Both varieties of a first generation of strategia che si concentra sul materiale di breeding material reproducing sexually passed selezione con riproduzione essenzialmente the variety testing straightaway. Moreover, a sessuale. Le due varietà di una prima generazio continuous improvement not present in the ne di ceppi sessuali sono state subito oggetto apomictic breeding material can be observed dell’esame delle varietà. Inoltre per i nuovi ceppi in the newer sexually reproducing breeding sessuali si può osservare un continuo progresso material. di selezione non presente per i ceppi apomittici. Key words: Poa pratensis, Kentucky bluegrass, breeding, sexual reproduction, apomixis. Bibliographie ▪▪ Hand M. L. & Koltunow A. M. G., 2014. The genetic control of Apomixis: asexual ▪▪ R Core Team, 2014. R: A language and environment for statistical computing. seed formation. Genetics 197 (2), 441– 450. R Foundation for statistical computing, Vienna. ▪▪ Liu Y., Zhiqiang Y., Chen N., Xiaotang D., Huang J. & Guo G., 2010. Development ▪▪ Suter D., Hirschi H., Frick R. & Aebi P., 2013. Nouveaux essais sur le trèfle blanc and function of central cell in angiosperm female gametophyte. Genesis 48, et le pâturin des prés. Recherche Agronomique Suisse 4 (10), 416 – 423. 466 – 478. ▪▪ Suter D., Hirschi H., Frick R. & Bertossa M., 2014. Liste des variétés recomman- ▪▪ Matzk F., Prodanovic S., Bäumlein H. & Schubert I., 2005. The inheritance of dées de plantes fourragères 2015 – 2016. Recherche Agronomique Suisse 5 apomixis in Poa pratensis confirms a five locus model with differences in gene (10), 1–16. expressivity and penetrance. The Plant Cell 17, 13 – 24. Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 304–309, 2016 309
P r o d u c t i o n v é g é t a l e Phléole des prés: deux nouvelles variétés recommandées Daniel Suter1, Rainer Frick2, Hansueli Hirschi1 et Philippe Aebi2 1 Agroscope, Institut des sciences en durabilité agronomique IDU, 8046 Zurich, Suisse 2 Agroscope, Institut des sciences en production animale IPA, 1260 Nyon 1, Suisse Renseignements: Daniel Suter, e-mail: daniel.suter@agroscope.admin.ch forme, avec des épillets fourchus, des feuilles gris vert enroulées sur elles-mêmes, dont la ligule laiteuse est rainurée et dentelée et des tiges renflées à la base, qui servent d’organe de réserve (Dietl et al. 1998). Cette espèce de graminée était autrefois utilisée de manière ciblée dans les prairies ensemencées pour la production de foin, car son rendement est surtout élevé lors de la première pousse. Le rendement des repousses suivantes est souvent faible. La chaleur et la sécheresse estivales peuvent encore renforcer cette faiblesse. Facile à supplanter La phléole des prés prospère surtout sur des sols frais sur des sites froids et rudes, notamment en altitude. Elle supporte bien les fortes périodes de gel et ne craint pas d’être recouverte longtemps d’une couche de nei ge. Elle est considérée comme l’herbacée fourragère la mieux adaptée aux marais asséchés. Dans la mesure où le site n’est que légèrement ombragé, la phléole de prés peut se maintenir longtemps, à condition bien entendu que l’exploitation ne soit pas trop intensive, car, étant une herbe touffue, elle ne peut pas se renouveler via les stolons et dépend d’un ensemencement éventuel. C’est notamment le cas lorsque la parcelle est fauchée. Figure 1 | Phléole des prés ( Phleum pratense L.), aussi appelée herbe Lorsque la phléole des prés est utilisée pour le pâturage, de Timothée. Dessin tiré du manuel «Wiesengräser» de Walter Dietl on observe parfois la formation de stolons moins nom et al. (1998). (Dessins: Manuel Jorquera, Zurich. Tous droits réservés. breux et plus petits (Dietl et al. 1998). Sur les sites favor Copyright: ADCF, Zurich. Avec l’aimable autorisation de l’ADCF.) ables à la production fourragère en revanche, elle est facilement concurrencée par les autres espèces végétales des prairies. Ce phénomène est encore renforcé par la Introduction fumure. Comme la phléole des prés, de par sa croissance, Une graminée fourragère de tradition donne un engazonnement peu dense, elle ne convient La phléole des prés (fig. 1), dont le nom botanique est généralement pas comme espèce principale dans les Phleum pratense L., s’appelle aussi herbe de Timothée, pâturages, bien que le bétail l’apprécie beaucoup, sur en l’honneur de Timothy Hanson. Ce fermier engagé tout en jeunes pousses. Ces derniers temps, quelques et pionnier agricole d’Amérique du Nord a largement variétés sont cependant apparues sur le marché qui sem contribué à l’utilisation de cette espèce au 18e siècle. La blent être un peu mieux adaptées à l’exploitation des phléole des prés se caractérise par une panicule spici pâturages. La phléole des prés est une espèce à floraison 310 Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 310–315, 2016
Phléole des prés: deux nouvelles variétés recommandées | Production végétale De 2013 à 2015, Agroscope a évalué 21 vari étés de phléole des prés ( Phleum pratense ) Résumé sur le terrain. Sept d’entre elles étaient déjà recommandées et ont servi de témoins, tout en se soumettant également une nouvelle fois aux tests. Les caractéristiques évaluées étaient le rendement fourrager et la digestibilité, l’aspect général (densité, prolifération et homogénéité du peuple ment), la vitesse d’installation, la persis tance (aspect général à la fin de la période d’essai), la résistance aux maladies foliaires, la tolérance aux conditions hivernales et la force de concurrence. Etant donné les bons résultats obtenus lors des essais, deux nouvelles obtentions peuvent être admises Figure 2 | Essai variétal de phléole des prés en deuxième pousse après dans la Liste des variétés recommandées de le premier hiver. A gauche, la nouvelle obtention Rubato, à droite, la plantes fourragères. Il s’agit de Polarking, nouvelle variété recommandée Polarking, qui a obtenu un rendement qui a convaincu par ses bons résultats dans nettement meilleur que Rubato et qui, plus tard, s’est également avérée les caractéristiques principales (rendement, nettement plus persistante. (Photo: Daniel Suter, Agroscope) aspect général, persistance, digestibilité et force de concurrence) et Summergraze, qui tardive. Hélas, ce n’est pas un avantage pour la qualité a obtenu des résultats au-dessus de la fourragère des mélanges de trèfles-graminées intensifs, moyenne pour le rendement, l’aspect car la digestibilité, qui est bonne au début de la crois général, la persistance et l’adaptation aux sance, diminue plus rapidement que pour la plupart des altitudes élevées. La variété Moverdi, autres graminées, dès le début de l’épiaison. Il existe recommandée jusqu’ici, ne remplit plus les toutefois des différences importantes entre les variétés exigences pour une recommandation en en ce qui concerne cette propriété, c’est pourquoi le test raison de ses rendements extrêmement a accordé une grande attention à la digestibilité. faibles et doit donc être radiée de la liste. Dans le mélange de trèfles-graminées utilisé en Suisse, la phléole sert d’espèce d’accompagnement (Mosimann et al. 2012). Elle a un rôle stabilisateur sur le persistance (aspect général à la fin de la période d’essai), peuplement, notamment durant les longues périodes de résistance aux maladies foliaires, tolérance aux condi grand froid. tions hivernales et force de concurrence. L’adaptation aux altitudes supérieures à 800 mètres a également été Matériel et méthodes analysée pendant les tests. Sept sites de test sur le terrain Caractéristiques notées De 2013 à 2015, Agroscope a testé 21 variétés de phléo Toutes les caractéristiques ont été évaluées selon une le des prés sur le terrain (fig. 2). Parmi ces variétés, on échelle de 1 à 9, 1 étant la meilleure note et 9 la moins comptait sept variétés déjà recommandées qui ont servi bonne. Le rendement en matière fraîche mesuré par de témoins, mais qui ont aussi dû refaire les tests pour parcelle à l’aide d’une tondeuse a été converti en rende vérifier si elles satisfaisaient encore les exigences néces ment en matière sèche à l’aide d’échantillons de fourrage saires à une recommandation. Les essais se sont déroulés analysés en laboratoire. Les valeurs de rendement ont sur sept sites. Cinq se situaient sur le Plateau, un dans le finalement été converties en notes à l’aide d’un procédé Jura et un dans les Alpes. statistique (Suter et al. 2013). Le même procédé a été Pour évaluer les variétés, les caractéristiques suivan utilisé pour les valeurs de matière organique digestible tes ont été étudiées durant les essais: rendement et (MOD). Les données provenaient d’échantillons issus de digestibilité, aspect général (densité, prolifération et trois répétitions de la première, deuxième et troisième homogénéité du peuplement), vitesse d’installation, repousses après le premier hiver sur le site de Watt. Les Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 310–315, 2016 311
Production végétale | Phléole des prés: deux nouvelles variétés recommandées Tableau 1 | Phleum pratense L.: caractéristiques des essais de variétés 2013 – 2015 Nombre de répétitions Coupes pesées Lieu, canton Altitude (m) Date de semis Culture pure1 Mélange2 2014 2015 Changins, VD 430 25.04.2013 3 3 5 3 Watt, ZH 450 19.06.2013 4 3 5 4 Oensingen, SO 450 18.06.2013 4 3 5 4 Ellighausen, TG 520 18.04.2013 4 3 5 4 Goumoëns, VD 630 05.06.2013 3 3 5 3 La Frêtaz, VD 1200 13.06.2013 3 3 – – Maran, GR 1850 13.06.2013 2 – – – Culture pure: 200 g / 100 m2 Phleum pratense L. (témoin pour la densité de semis: Tiller) 1 ²Mélange: 180 g / 100 m² Phleum pratense L. (témoin pour la densité de semis: Tiller) + 10 g / 100 m² Trifolium pratense Mont Calme + 25 g / 100 m² Trifolium repens Bombus + 15 g / 100 m² Trifolium repens Sonja échantillons ont été analysés par spectrophotométrie à mandation. Celles-ci peuvent néanmoins perdre leur infrarouge (Norris et al. 1976) et les résultats ont été va recommandation si leur indice dépasse de plus de 0,20 lidés in vitro d’après la méthode de Tilley et Terry (1963), point celui de la variété témoin (valeur élevée = résultat en utilisant du jus de panse. moins satisfaisant). Elles devront alors être radiées de la Les autres observations ont été faites sur la base Liste des variétés recommandées de plantes fourragères d’inspections de semis purs (parcelles de 9 m2), à l’ex (Suter et al. 2014). De même, une variété ne peut pas être ception de celles concernant la force de concurrence. recommandée dès que sa note pour l’une des caractéris L’information provenait d’installations d’essai avec com tiques atteint ou est inférieure à la valeur éliminatoire. position standard. Les variétés à tester avaient été mises Celle-ci correspond à la moyenne des variétés témoins en place avec du trèfle violet et du trèfle blanc. La note dans la caractéristique correspondante plus 1,5 point. de la force de concurrence a été calculée à partir de la part de la variété à tester dans le rendement total du Résultats et discussion mélange, selon la formule: Note = 9 – 0,08 × pourcentage de rendement %. Polarking et ses performances de pointe Polarking, la nouvelle obtention, s’est distinguée par A chaque pousse, les cultures pures ont reçu un apport des performances au-dessus de la moyenne pour les de 40 à 60 kg d’azote par hectare sous forme de nitrate principales caractéristiques (tabl. 2). Elle a obtenu le d’ammonium. Pour les mélanges, les apports d’engrais deux ième meilleur rendement (note de 3,5) de tout ont été réduits de moitié. D’autres informations sur les l’essai et a obtenu un meilleur résultat que le témoin sites d’essai et le semis figurent dans le tableau 1. avec une différence de 0,8 point. Elle a également brillé avec les meilleurs peuplements végétaux (note de 2,7). Indice d'évaluation Cela représente un progrès de près d’une demi-note par Afin d’évaluer les performances globales d’une variété rapport au témoin (note de 3,1). A la fin de la période testée, les notes des différentes caractéristiques ont été d’essai, Polarking présentait toujours de très bons peu converties en un indice. Une valeur comptant double plements. Elle a ainsi décroché une première place pour a été attribuée au rendement, à l’aspect général, à la la résistance avec une note de 2,6 (témoin 3,7). De plus, force de concurrence, à la persistance et à la MOD, tou elle fournit un fourrage bien digeste, ce qui lui a valu tes considérées comme des propriétés importantes. Une une deuxième place (note de 4,3) pour l‘évaluation de la nouvelle obtention satisfait les exigences agronomiques MOD (témoin 5,6). Enfin, les propriétés de cette nouvelle nécessaires à sa recommandation si son indice se situe au obtention sont complétées par une bonne tolérance aux moins 0,20 point en dessous de la variété témoin (valeur influences hivernales, une bonne résistance contre les basse = meilleur résultat). Le témoin correspond à la maladies foliaires, ainsi que par une vitesse d’installation moyenne des indices des variétés témoins, c’est-à-dire supérieure à celle du témoin. Cela lui a valu un résultat des variétés testées qui bénéficiaient déjà d’une recom final de 3,49, soit un indice d’une demi-note en dessous 312 Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 310–315, 2016
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