RECHERCHE AGRONOMIQUE SUISSE - Agrarforschung Schweiz

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RECHERCHE AGRONOMIQUE SUISSE - Agrarforschung Schweiz
RECHERCHE
                                                            AGRONOMIQUE
                                                            SUISSE
                                                                                                   J u i l l e t – A o û t   2 0 1 6        |      N u m é r o   7–8
Agroscope | OFAG | HAFL | AGRIDEA | ETH Zürich | FiBL

                                                        Production végétale Variétés de pâturin des prés d’Agroscope:
                                                                             performances accrues par la reproduction sexuée     Page 304

                                                        Economie agricole    Les segments de clientèle dans l’agritourisme   Page 338

                                                        Eclairage            La biodiversité microbienne dans le fromage au lait cru    Page 352
RECHERCHE AGRONOMIQUE SUISSE - Agrarforschung Schweiz
La sélection végétale joue un rôle clé dans l’alimentation de bientôt
 huit milliards d’êtres humains. Des chercheuses et chercheurs d’Agroscope                                Sommaire
 présentent leurs résultats de recherche sur la sélection des plantes
­fourragères. (Photo: Gabriela Brändle, Agroscope)
                                                                                                          Juillet – Août 2016 | Numéro 7 – 8
                                                                                                          303   Editorial
                                                                                                                Production végétale
Impressum                                                                                                 304   Variétés de pâturin des prés d’Agroscope:
Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz est une publication des stations                          performances accrues par la
de recherche agronomique Agroscope et de leurs partenaires. Cette publication paraît
en allemand et en français. Elle s’adresse aux scientifiques, spécialistes de la recherche                      reproduction sexuée
et de l’industrie, enseignants, organisations de conseil et de vulgarisation, offices cantonaux
                                                                                                                Christoph Grieder et al.
et fédéraux, praticiens, politiciens et autres personnes intéressées.
Editeur
Agroscope
                                                                                                                Production végétale
Partenaires
                                                                                                          310   Phléole des prés:
bA  groscope (Institut des sciences en production végétale IPV;                                                deux nouvelles variétés recommandées
  Institut des sciences en p­ roduction animale IPA; Institut des sciences en denrées alimentaires IDA;
   Institut des ­s ciences en durabilité agronomique IDU), www.agroscope.ch                                     Daniel Suter et al.
b Office fédéral de l’agriculture OFAG, Berne, www.ofag.ch
b Haute école des sciences agronomiques forestières et alimentaires HAFL, Zollikofen, www.hafl.ch               Production végétale
b Centrale de vulgarisation AGRIDEA, Lausanne et Lindau, www.agridea.ch
b E cole polytechnique fédérale de Zurich ETH Zürich,                                                    316   Effets d'un nouvel engrais phosphaté
  Département des Sciences des Systèmes de l'Environnement, www.usys.ethz.ch                                    sur la nutrition et le rendement du blé
b Institut de recherche de l'agriculture biologique FiBL, www.fibl.org
                                                                                                                Sokrat Sinaj et al.
Rédaction
Direction et rédaction germanophone
Andrea Leuenberger-Minger, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz,                               Production végétale
Agroscope, case postale 64, 1725 Posieux, tél. +41 58 466 72 21, fax +41 58 466 73 00
                                                                                                          322   Développement phénologique des ­
Rédaction francophone
Sibylle Willi, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz,
                                                                                                                prairies de fauche – 21 ans d’observations
Agroscope, case postale 1012, 1260 Nyon 1, tél. +41 58 460 41 57                                                Zoé Vuffray et al.
Suppléance
Judith Auer, Recherche Agronomique Suisse / Agrarforschung Schweiz,                                             Environnement
Agroscope, case postale 1012, 1260 Nyon 1, tél. +41 58 460 41 82
                                                                                                          330   Charge maximale admissible à la roue –
e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch
                                                                                                                une variable caractéristique utile pour
Team de rédaction
Président: Jean-Philippe Mayor (Responsable Corporate Communication Agroscope),                                 la pratique
Evelyne Fasnacht, Erika Meili, Sibylle Willi et Regula Wolz (Agroscope),                                        Thomas Keller et al.
Karin Bovigny-Ackermann (OFAG), Beat Huber-Eicher (HAFL), Esther Weiss (AGRIDEA),
Brigitte Dorn (ETH Zürich), Thomas Alföldi (FiBL).
                                                                                                                Economie agricole
Abonnements
Tarifs                                                                                                    338   Les segments de clientèle dans
Revue: CHF 61.–*, TVA et frais de port compris (étranger + CHF 20.– frais de port),
en ligne/App: CHF 61.–*
                                                                                                                l’agritourisme
*
  Tarifs réduits voir: www.rechercheagronomiquesuisse.ch                                                       Mario Huber et al.
Adresse
Simone Zaugg, Recherche Agronomique Suisse/Agrarforschung Schweiz,                                              Production animale
Agroscope, case postale 64, 1725 Posieux
e-mail: info@rechercheagronomiquesuisse.ch, fax +41 26 407 73 00                                          344   Nouvelles valeurs de référence pour
Changement d'adresse                                                                                            les déjections des vaches allaitantes
e-mail: verkauf.zivil@bbl.admin.ch, fax +41 31 325 50 58                                                        Harald Menzi et al.
Internet
www.rechercheagronomiquesuisse.ch                                                                               Eclairage
www.agrarforschungschweiz.ch
                                                                                                          352   La biodiversité microbienne dans le
ISSN infos
ISSN 1663 – 7917 (imprimé)                                                                                      fromage au lait cru
ISSN 1663 – 7925 (en ligne)
Titre: Recherche Agronomique Suisse
                                                                                                                Cosima Pelludat et al.
Titre abrégé: Rech. Agron. Suisse
© Copyright Agroscope. Tous droits de reproduction et de
                                                                                                          356   Portrait
traduction réservés. Toute reproduction ou traduction, partielle                                          357   Actualités
ou intégrale, doit faire l’objet d’un accord avec la rédaction.

Indexé: Web of Science, CAB Abstracts, AGRIS                                                              359   Manifestations
RECHERCHE AGRONOMIQUE SUISSE - Agrarforschung Schweiz
Editorial

                                   L’amélioration des plantes –
                                   l’art de donner vie à la science

                                   D’ici 2025, notre planète comptera huit milliards d‘habitants. Ces hommes et ces
                                   femmes ont besoin de place et de nourriture, mais ils contribuent aussi au chan­
                                   gement climatique. Pour alimenter autant de personnes dans des conditions en
                                   perpétuelle évolution, l’amélioration des plantes joue un rôle clé. Seule une inter­
                                   action étroite entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée permet
                                   de fournir des variétés tolérantes au stress et suffisamment performantes pour une
                                   agriculture durable.

                                   Les lois de Mendel ont 150 ans – EUCARPIA en a 60
                                   L’amélioration des plantes fondée sur des principes scientifiques est une branche
                                   de recherche relativement jeune. Seuls 150 ans se sont écoulés depuis que Gregor
Beat Boller                        Mendel a publié les lois de base de la génétique. Et ce n’est que depuis environ
Sélectionneur de plantes fourra­   120 ans que l’on peut parler d’une application systématique des connaissances gé­
gères à Agroscope (1989 – 2016)
                                   nétiques pour l’amélioration des plantes cultivées. L’Association Européenne pour
et président d’Eucarpia (2012 –
                                   l’Amélioration des Plantes EUCARPIA fêtera pour sa part ses 60 ans cette année. Sa
2016)
                                   mission est de promouvoir la coopération scientifique et technique entre disciplines,
                                   afin de développer l’amélioration des plantes, et elle poursuit cet objectif avec une
                                   constance et un engagement remarquables. Trois sections thématiques et huit sec­
                                   tions spécifiques aux cultures organisent régulièrement des meetings spécialisés.
                                   Depuis la fondation de l’association en 1956, un congrès général se tient tous les
                                   trois ou quatre ans avec un programme toujours très varié. Agroscope et l‘EPF de
                                   Zurich sont fières de pouvoir accueillir cette année le 20e congrès d’EUCARPIA, pour
                                   la première fois en Suisse.

                                   20 e congrès général d’EUCARPIA, fin août à Zurich
                                   L’amélioration des plantes est à la fois un art et une science. Elle consiste à associer
                                   des connaissances génétiques, physiologiques et agronomiques à l’intuition et au
                                    savoir-faire du sélectionneur. Le développement vertigineux des possibilités tech­
                                   niques apporte une nouvelle dimension à cette interaction. La biologie moléculaire
                                   produit sans cesse de nouvelles méthodes et connaissances, toujours plus appro­
                                   fondies et au champ d’application plus large. Le développement exponentiel des
                                   technologies de l‘information permet des approches toujours plus complexes dans
                                   la bioinformatique. Des techniques de mesures et des systèmes de télédétection
                                    sophistiqués font découvrir les processus physiologiques des plantes sous un aspect
                                   différent.
                                       Le congrès offre une plateforme pour mettre en rapport des connaissances
                                    spécialisées dans ces disciplines et des attentes clairement formulées par rapport à
                                   l’amélioration des plantes à l’avenir. En effet, la devise du congrès, «Plant Breeding
                                   – the Art of Bringing Science to Life» (L’amélioration des plantes – L’art de donner
                                   vie à la science), n’a un sens que si les chercheurs-euses travaillent main dans la main
                                   avec les sélectionneurs dans la pratique. Onze conférenciers invités créeront un
                                    cadre propice aux discussions. Plus de 300 chercheurs-euses venu-e-s de 50 pays ont
                                   annoncé leurs contributions, sous forme de conférences plénières, de brèves présen­
                                   tations ou de posters. Des excursions attrayantes seront proposées aux participantes
                                   pour leur faire découvrir la Suisse et ses prestations dans le domaine de l’améliora­
                                   tion des plantes. Le programme détaillé est disponible sous www.eucarpia2016.org.

                                   Un portrait de Beat Boller est à lire en page 356.

                                                                             Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 303, 2016      303
RECHERCHE AGRONOMIQUE SUISSE - Agrarforschung Schweiz
P r o d u c t i o n           v é g é t a l e

       Variétés de pâturin des prés d’Agroscope:
       performances accrues par la reproduction sexuée
       Christoph Grieder, Peter Tanner, Franz Xaver Schubiger et Beat Boller
       Agroscope, Institut des sciences en durabilité agronomique IDU, 8046 Zurich, Suisse
       Renseignements: Christoph Grieder, e-mail: christoph.grieder@agroscope.admin.ch

                                                                                 sence accrue du pâturin des prés et le recul du ray-grass,
                                                                                 les variétés de pâturin des prés doivent avoir une bonne
                                                                                 qualité fourragère et un bon rendement en biomasse. La
                                                                                 digestibilité et l’appétence du fourrage sont diminuées
                                                                                 par l’apparition de maladies comme la rouille (Puccinia
                                                                                 striiformis f. sp. poae, P. poae-nemoralis et P. graminis f.
                                                                                 sp. graminicola) et les taches foliaires (Drechslera poae
                                                                                 et autres). La résistance à ces maladies est donc un ob­
                                                                                 jectif crucial de la sélection. La surface foliaire étant la
                                                                                 principale composante du rendement, un rendement
                                                                                 élevé peut essentiellement être atteint en sélectionnant
                                                                                 des types très feuillus. Les plantes qui ont un rendement
                                                                                 élevé en biomasse sont également plus digestes, en rai­
                                                                                 son du fort pourcentage de feuilles; en revanche leur
                                                                                 potentiel de rendement en grains est plus réduit, dû au
                                                                                 nombre inférieur de tiges porte-graines. La mission et
                                                                                 l’art de la sélection consistent donc à combiner au mieux
                                                                                 tous ces critères dans les nouvelles variétés.
       Figure 1 | Plantes de pâturin des prés en semis en ligne, tel qu’il est
       pratiqué avec les variétés sexuées pour la première multiplication        Apomixie chez les végétaux
       de semences à partir de plantes individuelles. (Photo: Franz Xaver
                                                                                 Pour se multiplier via des graines, les plantes fleuries
       Schubiger, Agroscope)
                                                                                 ont généralement recours à la reproduction sexuée. Au
                                                                                 cours de ce processus (fig. 2, à gauche), une cellule-mère
                                                                                 de mégaspores portant deux représentants de chaque
       Introduction                                                              chromosome (diploïde, 2n) donne naissance, par divisi­
                                                                                 on de réduction (méiose), à quatre mégaspores qui ne
         Pâturin des prés: importance et sélection                               comportent qu’un exemplaire de chaque chromosome
         Le pâturin des prés (Poa pratensis L.) fait partie des                  (haploïde, n), dont trois dégénèrent (fig. 2B, à gauche).
        ­espèces les plus persistantes en utilisation intensive. Avec            La mégaspore survivante subit ensuite trois séries de
         le ray-grass anglais (Lolium perenne L.), c’est l’herbe                 division mitotique sans véritable délimitation des nou­
       ­typique des pâturages et des prairies de fauche à haut                   velles cellules, donnant naissance à un sac cellulaire de
        rendement (Suter et al. 2013). Bien que le pâturin des                   huit noyaux. Ces huit noyaux cellulaires se répartissent
         prés se développe de manière très lente après la ger­                   sur les cellules formant le gamétophyte femelle: trois an­
         mination, il possède des stolons souterrains (rhizomes)                 tipodes, deux synergides et l’ovule (chacun n) ainsi que
         qui lui permettent de bien s’étendre par la suite et de                 la cellule centrale (2n) (pour plus de détails voir Liu et
         combler rapidement les lacunes qui surviennent dans le                  al. 2010; fig. 2C, à gauche). Via la fécondation dite dou­
         peuplement, suite à la disparition d’espèces moins per­                 ble, d’une part de l’ovule haploïde et d’autre part, de la
         sistantes.                                                              cellule centrale diploïde, chacun par un pollen haploïde,
             Afin que la qualité et le rendement des peuplements                 on obtient un embryon diploïde (n + n = 2n) ainsi qu’un
         mixtes ne chutent pas trop au fil des ans, suite à une pré­             endosperme triploïde (2n + n = 3n; fig. 2D, à gauche).

 304   Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 304–309, 2016
RECHERCHE AGRONOMIQUE SUISSE - Agrarforschung Schweiz
Variétés de pâturin des prés d’Agroscope: performances accrues par la reproduction sexuée | Production végétale

                                                                               Cellule-mère des mégaspores (2n)                          Selista et Sepia sont les deux premières
                                                                                                                                        ­ ariétés de pâturin des prés (Poa pratensis)
                                                                                                                                        v

                                                                                                                              Résumé
                                                                                           Génotype mère, diploïde (2n)
A)
     Ovule dans l’ovaire                                                                                                                       issues du programme de sélection
     de la fleur                                                                           Génotype mère, haploïde (n)
                                                                                           Génotype père, diploïde (2n)                        d’Agroscope à avoir été admises dans la
                                                                                           Génotype père, haploïde (n)
                                                                                                                                         ­Liste suisse des variétés recommandées de
                                                                                                                                              plantes fourragères en 2014. Au lieu de la
                                                       Méiose                                  Cellule initiale
        Mégaspore                                                                              apospore (2n)                              reproduction asexuée typique du pâturin
B)                                              Mégaspore
     fonctionnelle (n)
                                                dégénérée                                           Mégaspore non                              des prés (apomixie), Selista et Sepia ont
                                                                                                   fonctionnelle (n)
                                                   (n)                                                                                      un mode de reproduction essentiellement
                                                    Mitose                                                                                     sexué, comme Lato, une variété bien
                                                    Cellules
                                                   antipodes                                                                              ­connue. Ces deux nouvelles variétés ont
                                                                -Gamétophyte

                                                                                                                                           été développées à partir de matériel du
                                        -Gamétophyte

           Cellule
C)      centrale (2n)                                                                           Cellule centrale (4n)
                                                                                                                                             ­programme de sélection d’Agroscope et
            Ovule (n)                                                                             Ovule (2n)
                                                                                                                                               d’écotypes, systématiquement sélectionnés
           Synergides (n)                 Tube pollinique
                                                                                                                                           en vue d’une reproduction sexuée. Sepia a
                                         Fécondation                                                                                          notamment convaincu par sa meilleure
D)       Embryon (2n)                                                                          Embryon (2n)
                                                                                                                                        ­vitalité au départ, sa persistance et un
      Endosperme (3n)                                                                            Endosperme (5n)                              ­meilleur rendement en matière sèche. ­
                                                                                                                                         Les deux nouvelles variétés se sont en
                                                                                                                                           outre avérées très résistantes à la rouille
                         Reproduction                                           Reproduction
                            sexuée                                               apomictique                                             ( Puccinia spp.) et aux maladies des taches
                                                                                                                                         foliaires ( Drechslera poae et autres). La
Figure 2 | Reproduction sexuée (à gauche): à partir de la cellule-mère
                                                                                                                                               stratégie qui se concentre sur le matériel
diploïde (2n) des mégaspores qui se trouve dans l’ovule (A), une                                                                               de sélection dont la reproduction est
mégaspore fonctionnelle (B) se développe par méiose, qui donnera                                                                           essentiellement s­ exuée, vaut donc la peine.
ensuite naissance à deux cellules antipodes (n), la cellule centrale (2n)                                                                Les deux variétés issues d’une première
et l’ovule (n) du gamétophyte femelle (C). La double fécondation de
                                                                                                                                           ­génération de souches sexuées ont réussi
la cellule centrale et de l’ovule donne l’endosperme triploïde (tissu
                                                                                                                                               l’examen ­variétal d’emblée. Enfin, un
nutritif) ainsi que l’embryon diploïde, sexuellement recombinant (D).
Reproduction apomictique (à droite): au lieu de la mégaspore (n),                                                                           ­progrès de sélection continu a été
une autre cellule initiale dite apospore (2n) assume la fonction de                                                                         observé avec les nouvelles souches sexuées,
production du gamétophyte (B). Par conséquent, la cellule centrale                                                                          ce qui n’est pas le cas avec les souches
(4n) comme l’ovule (2n) ont le double de chromosomes par rapport au                                                                     ­apomictiques.
cas de la reproduction sexuée (C). Une fécondation simple de la cellule
centrale a lieu et donne un endosperme pentaploïde (5n). L’ovule
se transforme en embryon sans fécondation (= parthénogenèse).
Ce dernier contient toutes les caractéristiques génétiques de sa mère                                                     rique, qui reprend la fonction de former le gamétophyte
(C, D). Schéma d’après Hand et Koltunov (2014).                                                                           femelle (fig. 2B, à droite). Comme dans la reproduction
                                                                                                                          sexuée, il s’ensuit trois séries de division cellulaire mito­
                                                                                                                          tique et la formation du gamétophyte femelle. Ce pro­
L’embryon à partir duquel la nouvelle plante se dévelop­                                                                  cessus étant parti d’une cellule diploïde, toutes les struc­
pera plus tard a donc un patrimoine génétique issu pour                                                                   tures au sein du gamétophyte possèdent un nombre de
moitié de la plante maternelle (ovule) et pour l’autre de                                                                 chromosomes deux fois plus élevé que dans le cas de la
celui de la plante paternelle (pollen). Par conséquent,­                                                                  reproduction sexuée (fig. 2C, à droite). L’ovule déjà dip­
il est sexuellement recombinant. Chez les graminées,                                                                      loïde (2n) peut ensuite se développer sans fécondation
l‘endosperme triploïde devient un corps farineux. Il sert                                                                 pour aboutir à un embryon viable (= parthénogénèse).
à l’approvisionnement de la semence en germination.                                                                       Dans le cas du pâturin des prés, une fécondation simp­
    La reproduction asexuée (= apomixie) est un proces­                                                                   le de la cellule centrale a lieu, donnant un endosperme
sus complexe qui est probablement issu de plusieurs mo­                                                                   pentaploïde (4n + n = 5n) (fig. 2D, à droite). Il existe dif­
difications de la reproduction sexuée (Matzk et al. 2005).                                                                férentes variantes pour arriver à l’apomixie chez les vé­
Dans le cas du pâturin des prés, aucune des mégaspores                                                                    gétaux (Hand et Koltunov 2014). Toutes ont en commun
(n)­issues de la méiose n’est fonctionnelle, contrairement                                                                le développement d’un embryon donnant une nouvelle
à une autre cellule diploïde, la cellule initiale dite apospo­                                                            plante 100% identique à la plante mère.

                                                                                                                                       Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 304–309, 2016   305
RECHERCHE AGRONOMIQUE SUISSE - Agrarforschung Schweiz
Production végétale | Variétés de pâturin des prés d’Agroscope: performances accrues par la reproduction sexuée

              Chez les plantes d’espèces apomictiques, l’apomixie        mises sur la Liste des variétés recommandées de plantes
          et la reproduction sexuée ne s’excluent souvent pas to­        fourragères. Elles ont pour nom Selista et Sepia.
          talement l’une l’autre. On parle alors d’apomictiques
          facultatifs. C’est le cas du pâturin des prés, pour lequel     Matériel et méthodes
          on estime qu’au moins cinq gènes sont responsables de
          l’apomixie (Matzk et al. 2005). Suivant l’expression de        Origine des nouvelles variétés
          chacun de ces cinq gènes, la reproduction d’une plante         Selista est issue de matériel provenant de collections
          peut varier d’essentiellement sexuée à essentiellement         d’écotypes suisses de 1998 ainsi que de matériel plus
          asexuée.                                                       ancien, provenant également d’écotypes suisses du pro­
                                                                         gramme de sélection d’Agroscope à Changins. Tout ceci
          Sélection de plantes sexuées et apomictiques                   a été mis en place en 1999 dans trois essais différents
          Avec la sélection entre populations, telle que pratiquée­      avec des plantes individuelles en pépinière. Le maté­
          habituellement avec la plupart des espèces de plantes          riel a été sélectionné dans l’objectif de la reproduction
          fourragères, la recombinaison sexuelle est utilisée pour       ­sexuée et les descendants ont à nouveau été cultivés en
          améliorer les performances de génération en généra­             pépinière en 2001 sous forme de plantes individuelles.
          tion. Les meilleures plantes d’une population initia­           Puis, les chercheurs-euses ont laissé les onze meilleures
          le sont sélectionnées et recombinées entre elles (p. ex.        plantes (clonées) se féconder mutuellement en 2003. Les
          par pollinisation ouverte). Dans la mesure où le critère        semences récoltées en 2004 ont ensuite servi à la pro­
          est h­éréditaire, la fréquence des allèles positifs (va­        duction des semences de prébase de la variété Selista et
          riantes d’un gène) augmente dans la population des              ont été semées en lignes (fig. 1). Sepia a la même origine
          ­descendants, de même que leur performance.                     que ­Selista, mais a été sélectionnée après une générati­
              Comme chaque descendant d’apomictique (obliga­              on supplémentaire en pépinière (installation 2003). Dans
          toire) est génétiquement identique à sa mère, les allèles       cet essai, les 37 meilleures plantes ont été sélectionnées
          positifs ne peuvent pas être accumulés. Chaque plante           pour une pollinisation ouverte. Les semences récoltées
          apomictique représente potentiellement une variété              en 2005 ont servi à la production des semences de préba­
          homogène, car son matériel génétique peut être repro­           se de la variété Sepia qui ont été semées en lignes (fig. 1).
          duit à volonté via les semences. L’enjeu consiste donc à
          trouver des plantes apomictiques avec de bonnes quali­         Base de données et évaluation
          tés (rendement, qualité et résistance). Pour y parvenir,       Les résultats présentés sont basés sur des essais parcel­
          on étudie l’homogénéité des descendants d’une plante           laires qui ont eu lieu de 2000 à 2013. Les parcelles ont
          en pépinière. Si elle est suffisante, cette souche apomic­     été semées au printemps sur les trois sites d’Oensingen,
          tique est alors multipliée et ses performances sont testé­     de Zurich-Reckenholz et d’Ellighausen, puis étudiées
          es dans le cadre d’essais aux champs.                          pendant trois ans (année de semis, années d’exploitation­
              La sélection de variétés apomictiques de pâturin des       principale 1 et 2). Le rendement en matière sèche (MS) a
          prés n’est donc pas basée sur l’amélioration successive de     été mesuré à chacune des cinq coupes de chaque année
          populations, mais ressemble plutôt à la recherche d’une        d’exploitation principale, de même que – à partir de 2008
          aiguille dans une botte de foin, soit, dans le cas présent,    – la teneur en matière organique digestible (MOD), qui a
          d’une souche performante. Cette méthode a donné peu            été déterminée par spectroscopie proche infra-rouge sur
          de résultats jusqu’ici dans le programme de sélection          des échantillons de récolte séchés. Le développement des
          d’Agroscope. Sur six souches de sélection apomictiques         peuplements (vigueur) a été évalué de manière ­visuelle
          annoncées depuis 1993 à l’examen officiel en Suisse,           à chaque coupe sur une échelle de 1 (très bon) à 9 (très
          quatre ont échoué à cause de leurs performances agro­          mauvais). La moyenne de toutes les notes de vigueur de
          nomiques insuffisantes. La candidate Prisam (testée en         l’année de semis a servi de référence pour le développe­
          1993 – 1995) a été rejetée par manque d’homogénéité,           ment initial, la moyenne de la première note de vigueur
          la dernière candidate Varenzo 5 (testée en 2010 – 2012)        des deux premières années d’exploitation principale
          par manque de distinction. Le pâturin des prés étant une       a servi de référence pour la croissance précoce, tandis
          apomictique facultative, une sélection systématique a          que la dernière note de vigueur de la deuxième année
          été entreprise à partir de ressources génétiques n
                                                           ­ ouvelles    d’exploitation principale a servi de référence pour la per­
          et existantes afin de mettre en place un programme de          sistance. Toutes les maladies ont également été évaluées
          sélection sexuée. En 2014, les premières variétés sexuées      visuellement sur une échelle de 1 (aucune infestation) à
          de pâturin des prés issues de ce programme ont été ad­         9 (forte infestation).

 306      Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 304–309, 2016
RECHERCHE AGRONOMIQUE SUISSE - Agrarforschung Schweiz
Variétés de pâturin des prés d’Agroscope: performances accrues par la reproduction sexuée | Production végétale

     Les deux variétés ont été mises en place avec d’autres                   variété Sepia, qui compte une génération supplémen­
matériels à tester (constellations parfois différentes)                       taire en pépinière par rapport à Selista et dont la sélec­
­durant les différentes années d’essai. Cela explique que                     tion visait à améliorer la vigueur, présentait un rende­
 la variété de référence Lato (témoin) a pu être testée                       ment en MS nettement supérieur à celui de Lato, surtout
 dans 35 environnements (environnement = combinaison                          la première année d’exploitation principale. La dernière
 entre année et site), Selista dans 18 et Sepia dans 12. Ent­                 et meilleure variété candidate apomictique (Varenzo 5,
 re deux années d’essai consécutives, une série contenant                     tabl. 1) a affiché les deux années un potentiel de ren­
 souches sélectionnées et variétés témoins a été mise en                      dement inférieur à ses concurrentes sexuées. En ce qui
 place. Les données ont été évaluées à l’aide de modèles                      concerne l’évaluation de la vigueur, Sepia présentait
 linéaires dans l’environnement R (R Core Team 2013). Les                     de loin les meilleurs résultats, quel que soit le critère:
 moyennes de variétés ont quant à elles été établies via                      le développement durant l’année de semis, la croissance
 Least Square Means.                                                          précoce ainsi que la persistance. Que Sepia ait de loin
                                                                              obtenu les meilleurs résultats à l’examen variétal officiel
Résultats et discussion                                                       de 2010 – 2012 (Suter et al. 2013) le souligne. Les perfor­
                                                                              mances de Selista étaient un peu en deçà de celles de
Amélioration des propriétés agronomiques                                      Sepia sur ces trois critères, mais nettement meilleures
Par rapport à la variété de référence Lato, qui figure                        que celles de Lato pour la croissance précoce et la per­
déjà depuis 1996 sur la Liste suisse des variétés recom­                      sistance.
mandées de plantes fourragères et obtient depuis                                  Avec des valeurs comprises entre 646 et 663 g / kg de
régulièrement les meilleurs résultats de l’examen des
­                                                                             MS, la teneur en matière organique digestible variait re­
­variétés, Selista a fourni un rendement en MS qui n’est                      lativement peu, Selista ayant obtenu le meilleur résultat.
 que légèrement inférieur, aussi bien la première que la                      La faible variation pour ce critère vient probablement
 deuxième année d’exploitation principale (tabl. 1). La                       du fait que toutes les variétés présentées ici ont déjà été­

Tableau 1 | Epiaison et indice de maturité précoce, ainsi que différents critères agronomiques, de qualité et de résistance (pour les évaluations:
note la plus basse = expression plus avantageuse du critère).

                                                                                              Variété

                                                                                                                                                  Meilleure variété
                                                    Lato (T)                Selista                                Sepia
                                                                                                                                                   apomictique

                                                                                         Maturité précoce

 Epiaison  1
                                                      33,2                   29,4                                   32,6                                  30,4

 Indice de maturité précoce BSA2                       7                          5                                  6                                      5

                                                                            Critères agronomiques et de qualité

 Rendement en MS A1 (dt ha )    -1
                                                     119,7                   117,1                                  129                                   116,5

 Rendement en MS A2 (dt ha )    -1
                                                     111,6                   107,6                                 111,3                                  103,7

 MOD A1 (g kg de MS-1)                                659                    663                                    651                                    646

 Développement année de semis                         3,7                     3,7                                   3,3                                    4,9

 Croissance précoce                                   4,1                     3,4                                   2,5                                     3

 Persistance                                          2,8                         2                                 1,6                                    2,8

                                                                                      Sensibilité aux maladies

 Moisissure des neiges                                3,3                     3,7                                   3,3                                     4

 Rouille                                              4,4                     2,3                                   2,5                                    2,6

 Maladies foliaires                                   2,6                     2,5                                   2,2                                    2,1

 A1, A2 = année d’exploitation principale 1, 2                                MOD = matière organique digestible
 T = témoin                                                                   1
                                                                               Jours après le 1er avril, propres essais
 MS = matière sèche                                                           2
                                                                               Selon la description des variétés UPOV, établie par l’Office fédéral des obtentions végétales
                                                                              (Bundessortenamt, BSA) Allemagne

                                                                                             Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 304–309, 2016                               307
RECHERCHE AGRONOMIQUE SUISSE - Agrarforschung Schweiz
Production végétale | Variétés de pâturin des prés d’Agroscope: performances accrues par la reproduction sexuée

          sélectionnées en vue d’obtenir un type feuillu. En outre,
                                                                                       Droite de régression souches     Souche de sélection apomictique
          Sepia et Selista n’ont pas encore été spécialement sé­                       apomictiques: Pente = –0,003     Variété candidate apomictique

                                                                            8
          lectionnées pour obtenir une digestibilité élevée de la                      Droite de régression souches     Souche de sélection sexuées
                                                                                       sexuées: Pente = –0,076          Selista
          ­matière organique.
                                                                                                                        Sepia
                Les quatre variétés étaient comparables en ce qui

                                                                            6
           concerne la résistance à la moisissure des neiges, Sepia
           étant la moins sensible des quatre. Selista était la variété
           la moins sensible à la rouille avec une note de 2,3. S­ epia

                                                                            4
           et la variété apomictique (Varenzo 5) se sont avérées
           un peu plus sensibles, mais toujours nettement moins
           sensibles que Lato, la variété témoin déjà un peu plus

                                                                            2
           ancienne. Toutes les variétés présentées ici présentaient
           le même niveau de résistance aux maladies de taches
           ­foliaires.                                                              1995               2000                2005                2010
                                                                                                                Année

          Sélection prometteuse de variétés sexuées                        Figure 3 | Performances agronomiques de différentes souches de
          Si l’on considère les performances des différentes sou­          sélection selon l’indice global, qui a été calculé comme pour l’examen
                                                                           variétal officiel suisse (Suter et al. 2013) en ne tenant pas compte de
          ches de sélection apomictiques en fonction de leur
                                                                           la matière organique digestible (MOD) (note la plus basse = meilleure
          ­année de développement, on constate que la droite de
                                                                           performance).
           régression de l’indice global de performance présente
           une pente proche de 0 (fig. 3). La sélection des apomic­
           tiques ayant, comme décrit plus haut, uniquement pour
           but d’identifier la meilleure souche, elle n’apporte aucun­     ­distinctifs (Distinctness), de l’uniformité (Uniformity) et
           progrès de sélection en général. Les premières souches          de la stabilité (Stability). Contrairement à ce que l’on
           de sélection sexuées développées en 2004 et 2005 affi­          aurait pu craindre, les deux variétés se sont cependant
           chaient dès le départ un niveau de performance compa­           avérées suffisamment homogènes pour tous les critères
           rable à celui des souches apomictiques, voire supérieur         importants des tests DUS. Ceci s’explique entre autres
           (fig. 3). Selista et Sepia, qui font partie de cette première   par le fait que les centres d’évaluation ont des exigences
           génération de souches de sélection sexuées, ont donc            moins strictes en ce qui concerne l’homogénéité pour les
           d’emblée réussi les tests officiels des variétés. Contraire­    variétés sexuées que pour les variétés apomictiques.
           ment aux souches apomictiques, on constate une améli­
           oration graduelle avec les souches sexuées conduisant à         Conclusions
           un progrès de sélection. La droite de régression présen­
           te ici une pente de –0,076 y-1. Les performances selon          Utilisation en mélanges et disponibilité des semences
           l’indice global s’améliorent donc en moyenne de 0,076           Selista a été sélectionnée pour une maturité précoce et
           points chaque année. Cela vient du fait que le pourcen­         Sepia pour une maturité tardive à partir du même maté­
           tage d’allèles positifs dans la population de sélection         riel initial. En dépit de cette sélection opposée, seuls trois
           augmente à chaque cycle de sélection, ce qui explique           jours séparent la date d’épiaison des deux variétés, selon
           que le critère soit davantage présent dans la génération        des mesures effectuées par Agroscope (tabl. 1). La faible
           suivante (p. ex. accumulation des allèles de résistance         différence entre les deux périodes d’épiaison reflète la
           contre la rouille jaune). Ce progrès continu de la sélec­       variation relativement limitée de ce critère avec le pâ­
           tion permet donc d’espérer une constante amé­lioration          turin des prés par rapport au ray-grass anglais. Sepia et
           des variétés à l’avenir.                                        Selista peuvent donc être toutes les deux utilisées dans
               Contrairement aux variétés apomicitiques, où toutes         des mélanges longue durée.
           les plantes sont identiques, les variétés à reproduction             La multiplication des semences des deux variétés
           sexuée représentent une population qui comprend plu­            est actuellement en cours de démarrage. Les premi-
           sieurs plantes génétiquement différentes. Il faut donc          ères quantités significatives de semences de prébase
           s’attendre à ce que l’expression des différents critères        ont été ou sont actuellement produites. Après multi-
           soit moins homogène avec une variété sexuée. Cepen­             plication des semences de base, on peut donc espé-
           dant, pour qu’une nouvelle variété puisse être autorisée,       rer disposer, au plus tôt à partir de 2019, de quantités
           elle doit obligatoirement passer le test des caractères         ­significatives de semences Z en Suisse.                   n

 308      Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 304–309, 2016
RECHERCHE AGRONOMIQUE SUISSE - Agrarforschung Schweiz
Variétés de pâturin des prés d’Agroscope: performances accrues par la reproduction sexuée | Production végétale

                  Maggiore prestazione grazie al genere sessuale: ­                               Improved performance thanks to sex:
                  le nuove varietà di erba fienarola di Agroscope                                 ­Agroscope’s new Kentucky bluegrass varieties
Riassunto

                                                                                      Summary
                  Nel 2014 con Selista e Sepia per la prima volta                                  The year 2014 marked the first occasion when
                  sono state inserite nella Lista svizzera delle                                   two varieties of Kentucky bluegrass (Poa
                  ­varietà di piante foraggere raccomandate due                                  ­pratensis) from Agroscope’s breeding program­
                   varietà di erba fienarola (Poa pratensis) pro­                                    me, Selista and Sepia, were included in the
              venienti dal programma di selezione Agroscope.                                         Swiss List of Recommended Varieties for Forage
              Invece della formazione dei semi asessuale                                             Plants. Instead of exhibiting the otherwise usual
              ­( apomissia), normalmente consueta per l’erba                                         asexual seed formation (‘apomixis’), Selista and
               fienarola, Selista e Sepia presentano, come la                                        Sepia primarily reproduce sexually, like the
               nota varietà Lato, una riproduzione sostanzial­                                       known variety Lato. Both new varieties can ­
               mente sessuale. Le due nuove varietà risalgono                                        be traced back to breeding and ecotype material
               al materiale del programma di selezione                                               systematically selected for sexual seed forma­
               ­d’Agroscope e di ecotipi selezionato in seguito ­                                    tion. Sepia particularly impressed with the ­
                a una formazione di semi sessuale. Sepia ha                                          best vigour during initial development, persis­
                convinto soprattutto con la miglior crescita nello                                   tence, and the best dry-matter yield. Both new
                sviluppo iniziale, la resistenza nonché la miglior                                   ­varieties also exhibited very good resistance to
                resa in sostanza secca. Entrambe le varietà                                           rust ( Puccinia spp.) and leaf-spot (e. g. Drechs­
                ­hanno mostrato, inoltre, un’ottima resistenza                                    lera poae ) diseases. The strategy of focusing on
                 nei confronti di malattie come macchie sulle                                      breeding material that primarily reproduces
                 ­foglie (tra cui Drechslera poae ) e ruggine                                      ­sexually was shown to be eminently worth­
                   ­( Puccinia spp.). È risultato che è opportuna la                                while. Both varieties of a first generation of
            strategia ­che si concentra sul materiale di                                            breeding material reproducing sexually passed
            ­selezione con riproduzione essenzialmente                                              the variety testing straightaway. Moreover, a
             ­sessuale. Le due varietà di una prima generazio­                                      continuous improvement not present in the
            ne di ceppi sessuali sono state subito oggetto                                          ­apomictic breeding material can be observed
            dell’esame delle varietà. Inoltre per i nuovi ceppi                                      in the newer sexually reproducing breeding
            sessuali si può osservare un continuo progresso                                     ­material.
            di selezione non presente per i ceppi apomittici.
                                                                                                Key words: Poa pratensis, Kentucky bluegrass,
                                                                                                breeding, sexual reproduction, apomixis.

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    apomixis in Poa pratensis confirms a five locus model with differences in gene        (10), 1–16.
    expressivity and penetrance. The Plant Cell 17, 13 – 24.

                                                                                                    Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 304–309, 2016                         309
RECHERCHE AGRONOMIQUE SUISSE - Agrarforschung Schweiz
P r o d u c t i o n          v é g é t a l e

       Phléole des prés:
       deux nouvelles variétés recommandées
       Daniel Suter1, Rainer Frick2, Hansueli Hirschi1 et Philippe Aebi2
       1
         Agroscope, Institut des sciences en durabilité agronomique IDU, 8046 Zurich, Suisse
       2
         Agroscope, Institut des sciences en production animale IPA, 1260 Nyon 1, Suisse
       Renseignements: Daniel Suter, e-mail: daniel.suter@agroscope.admin.ch

                                                                                 forme, avec des épillets fourchus, des feuilles gris vert
                                                                                 enroulées sur elles-mêmes, dont la ligule laiteuse est
                                                                                 ­
                                                                                 rainurée et dentelée et des tiges renflées à la base, qui
                                                                                 servent d’organe de réserve (Dietl et al. 1998).
                                                                                     Cette espèce de graminée était autrefois utilisée de
                                                                                 manière ciblée dans les prairies ensemencées pour la
                                                                                 production de foin, car son rendement est surtout élevé
                                                                                 lors de la première pousse. Le rendement des repousses
                                                                                 suivantes est souvent faible. La chaleur et la sécheresse
                                                                                 estivales peuvent encore renforcer cette faiblesse.

                                                                                  Facile à supplanter
                                                                                  La phléole des prés prospère surtout sur des sols frais
                                                                                  sur des sites froids et rudes, notamment en altitude.
                                                                                  Elle supporte bien les fortes périodes de gel et ne craint
                                                                                  pas d’être recouverte longtemps d’une couche de nei­
                                                                                  ge. Elle est considérée comme l’herbacée fourragère la
                                                                                  ­mieux adaptée aux marais asséchés. Dans la mesure où
                                                                                   le site n’est que légèrement ombragé, la phléole de prés
                                                                                   peut se maintenir longtemps, à condition bien entendu
                                                                                   que l’exploitation ne soit pas trop intensive, car, étant
                                                                                   une herbe touffue, elle ne peut pas se renouveler via
                                                                                   les ­stolons et dépend d’un ensemencement éventuel.
                                                                                   C’est notamment le cas lorsque la parcelle est fauchée.
       Figure 1 | Phléole des prés ( Phleum pratense L.), aussi appelée herbe      Lorsque la phléole des prés est utilisée pour le pâturage,
       de Timothée. Dessin tiré du manuel «Wiesengräser» de Walter Dietl           on observe parfois la formation de stolons moins nom­
       et al. (1998). (Dessins: Manuel Jorquera, Zurich. Tous droits réservés.
                                                                                   breux et plus petits (Dietl et al. 1998). Sur les sites favor­
       Copyright: ADCF, Zurich. Avec l’aimable autorisation de l’ADCF.)
                                                                                 ables à la production fourragère en revanche, elle est
                                                                                 facilement concurrencée par les autres espèces végétales
                                                                                 des prairies. Ce phénomène est encore renforcé par la
       Introduction                                                              fumure.
                                                                                       Comme la phléole des prés, de par sa croissance,
        Une graminée fourragère de tradition                                     donne un engazonnement peu dense, elle ne convient
        La phléole des prés (fig. 1), dont le nom botanique est                  généralement pas comme espèce principale dans les
        Phleum pratense L., s’appelle aussi herbe de Timothée,                   ­pâturages, bien que le bétail l’apprécie beaucoup, sur­
        en l’honneur de Timothy Hanson. Ce fermier engagé                         tout en jeunes pousses. Ces derniers temps, quelques
        et pionnier agricole d’Amérique du Nord a largement                       variétés sont cependant apparues sur le marché qui sem­
        contribué à l’utilisation de cette espèce au 18e siècle. La               blent être un peu mieux adaptées à l’exploitation des
       ­phléole des prés se caractérise par une panicule spici­                   pâturages. La phléole des prés est une espèce à floraison

 310   Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 310–315, 2016
Phléole des prés: deux nouvelles variétés recommandées | Production végétale

                                                                                         De 2013 à 2015, Agroscope a évalué 21 vari­
                                                                                          étés de phléole des prés ( Phleum pratense )

                                                                              Résumé
                                                                                              sur le terrain. Sept d’entre elles étaient
                                                                                              déjà recommandées et ont servi de témoins,
                                                                                         tout en se soumettant également une
                                                                                           ­nouvelle fois aux tests. Les caractéristiques
                                                                                          évaluées étaient le rendement fourrager
                                                                                          et la digestibilité, l’aspect général (densité,
                                                                                            prolifération et homogénéité du peuple­
                                                                                             ment), la vitesse d’installation, la persis­
                                                                                         tance (aspect général à la fin de la période
                                                                                              d’essai), la résistance aux maladies foliaires,
                                                                                              la tolérance aux conditions hivernales et la
                                                                                         force de concurrence. Etant donné les bons
                                                                                          résultats obtenus lors des essais, deux
                                                                                            ­nouvelles obtentions peuvent être admises
Figure 2 | Essai variétal de phléole des prés en deuxième pousse ­après                       dans la Liste des variétés recommandées de
le premier hiver. A gauche, la nouvelle obtention Rubato, à droite, la                       plantes fourragères. Il s’agit de Polarking,
nouvelle variété recommandée Polarking, qui a obtenu un rendement
                                                                                              qui a convaincu par ses bons résultats dans
nettement meilleur que Rubato et qui, plus tard, s’est également avérée
                                                                                              les caractéristiques principales (rendement,
nettement plus persistante. (Photo: Daniel Suter, Agroscope)
                                                                                          aspect général, persistance, digestibilité et
                                                                                         force de concurrence) et Summergraze, qui
tardive. Hélas, ce n’est pas un avantage pour la qualité                                  a obtenu des résultats au-dessus de la
fourragère des mélanges de trèfles-graminées intensifs,                                      ­moyenne pour le rendement, l’aspect
car la digestibilité, qui est bonne au début de la crois­                                 ­général, la persistance et l’adaptation aux
sance, diminue plus rapidement que pour la plupart des                                     altitudes élevées. La variété Moverdi,
autres graminées, dès le début de l’épiaison. Il existe                                  recommandée jusqu’ici, ne remplit plus les
toutefois des différences importantes entre les variétés                                  exigences pour une recommandation en
en ce qui concerne cette propriété, c’est pourquoi le test                               ­raison de ses rendements extrêmement
a accordé une grande attention à la digestibilité.                                      ­faibles et doit donc être radiée de la liste.
    Dans le mélange de trèfles-graminées utilisé en
Suisse, la phléole sert d’espèce d’accompagnement
­
­(Mosimann et al. 2012). Elle a un rôle stabilisateur sur le              persistance (aspect général à la fin de la période d’essai),
peuplement, notamment durant les longues périodes de                      résistance aux maladies foliaires, tolérance aux condi­
grand froid.                                                              tions hivernales et force de concurrence. L’adaptation
                                                                          aux altitudes supérieures à 800 mètres a également été
Matériel et méthodes                                                      analysée pendant les tests.

Sept sites de test sur le terrain                                         Caractéristiques notées
De 2013 à 2015, Agroscope a testé 21 variétés de phléo­                   Toutes les caractéristiques ont été évaluées selon une
le des prés sur le terrain (fig. 2). Parmi ces variétés, on               échelle de 1 à 9, 1 étant la meilleure note et 9 la moins
­comptait sept variétés déjà recommandées qui ont servi                   bonne. Le rendement en matière fraîche mesuré par
 de témoins, mais qui ont aussi dû refaire les tests pour                 ­parcelle à l’aide d’une tondeuse a été converti en rende­
 vérifier si elles satisfaisaient encore les exigences néces­              ment en matière sèche à l’aide d’échantillons de four­rage
 saires à une recommandation. Les essais se sont déroulés                  analysés en laboratoire. Les valeurs de rendement ont
 sur sept sites. Cinq se situaient sur le Plateau, un dans le              finalement été converties en notes à l’aide d’un procédé
 Jura et un dans les Alpes.                                                statistique (Suter et al. 2013). Le même procédé a été
     Pour évaluer les variétés, les caractéristiques suivan­              utilisé pour les valeurs de matière organique ­digestible
 tes ont été étudiées durant les essais: rendement et                     (MOD). Les données provenaient d’échantillons issus de
 digestibilité, aspect général (densité, prolifération et                 trois répétitions de la première, deuxième et troisième
 homogénéité du peuplement), vitesse d’installation,                      repousses après le premier hiver sur le site de Watt. Les

                                                                                       Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 310–315, 2016      311
Production végétale | Phléole des prés: deux nouvelles variétés recommandées

          Tableau 1 | Phleum pratense L.: caractéristiques des essais de variétés 2013 – 2015

                                                                                                             Nombre de répétitions                                           Coupes pesées

           Lieu, canton                 Altitude (m)                 Date de semis                     Culture pure1                Mélange2                         2014                         2015

           Changins, VD                 430                          25.04.2013                             3                             3                            5                             3

           Watt, ZH                     450                          19.06.2013                             4                             3                            5                             4

           Oensingen, SO                450                          18.06.2013                             4                             3                            5                             4

           Ellighausen, TG              520                          18.04.2013                             4                             3                            5                             4

           Goumoëns, VD                 630                          05.06.2013                             3                             3                            5                             3

           La Frêtaz, VD                1200                         13.06.2013                             3                             3                            –                             –

           Maran, GR                    1850                         13.06.2013                             2                             –                            –                             –

           Culture pure: 200 g / 100 m2 Phleum pratense L. (témoin pour la densité de semis: Tiller)
           1
                                                                                                                ²Mélange:   180 g / 100 m² Phleum pratense L. (témoin pour la densité de semis: Tiller)
                                                                                                                		          + 10 g / 100 m² Trifolium pratense Mont Calme
                                                                                                                		          + 25 g / 100 m² Trifolium repens Bombus
                                                                                                                		          + 15 g / 100 m² Trifolium repens Sonja

          échantillons ont été analysés par spectrophotométrie à                                                mandation. Celles-ci peuvent néanmoins perdre leur
          infrarouge (Norris et al. 1976) et les résultats ont été va­                                          recommandation si leur indice dépasse de plus de 0,20
          lidés in vitro d’après la méthode de Tilley et Terry (1963),                                          point celui de la variété témoin (valeur élevée = résultat
          en utilisant du jus de panse.                                                                         moins satisfaisant). Elles devront alors être radiées de la
              Les autres observations ont été faites sur la base                                                Liste des variétés recommandées de plantes fourragères
          d’inspections de semis purs (parcelles de 9 m2), à l’ex­                                              (Suter et al. 2014). De même, une variété ne peut pas être
          ception de celles concernant la force de concurrence.                                                 recommandée dès que sa note pour l’une des caractéris­
          L’information provenait d’installations d’essai avec com­                                             tiques atteint ou est inférieure à la valeur éliminatoire.
          position standard. Les variétés à tester avaient été mises                                            Celle-ci correspond à la moyenne des variétés témoins
          en place avec du trèfle violet et du trèfle blanc. La note                                            dans la caractéristique correspondante plus 1,5 point.
          de la force de concurrence a été calculée à partir de la
          part de la variété à tester dans le rendement total du                                                Résultats et discussion
          mélange, selon la formule:
          Note = 9 – 0,08 × pourcentage de rendement %.                                                         Polarking et ses performances de pointe
                                                                                                                Polarking, la nouvelle obtention, s’est distinguée par
          A chaque pousse, les cultures pures ont reçu un apport                                                des performances au-dessus de la moyenne pour les
          de 40 à 60 kg d’azote par hectare sous forme de nitrate                                               principales caractéristiques (tabl. 2). Elle a obtenu le
          d’ammonium. Pour les mélanges, les apports d’engrais                                                  deux­ ième meilleur rendement (note de 3,5) de tout
          ont été réduits de moitié. D’autres informations sur les                                              l’essai et a obtenu un meilleur résultat que le témoin
          sites d’essai et le semis figurent dans le tableau 1.                                                 avec une différence de 0,8 point. Elle a également brillé
                                                                                                                avec les meilleurs peuplements végétaux (note de 2,7).
          Indice d'évaluation                                                                                   Cela représente un progrès de près d’une demi-note par
          Afin d’évaluer les performances globales d’une variété                                                rapport au témoin (note de 3,1). A la fin de la période
          testée, les notes des différentes caractéristiques ont été                                            d’essai, Polarking présentait toujours de très bons peu­
          converties en un indice. Une valeur comptant double                                                   plements. Elle a ainsi décroché une première place pour
          a été attribuée au rendement, à l’aspect général, à la                                                la résistance avec une note de 2,6 (témoin 3,7). De plus,
          force de concurrence, à la persistance et à la MOD, tou­                                              elle fournit un fourrage bien digeste, ce qui lui a valu
          tes considérées comme des propriétés importantes. Une                                                 une deuxième place (note de 4,3) pour l‘évaluation de la
          nouvelle obtention satisfait les exigences agronomiques                                               MOD (témoin 5,6). Enfin, les propriétés de cette nouvelle
          nécessaires à sa recommandation si son indice se situe au                                             obtention sont complétées par une bonne tolérance aux
          moins 0,20 point en dessous de la variété témoin (valeur                                              influences hivernales, une bonne résistance contre les
          basse = meilleur résultat). Le témoin correspond à la                                                 maladies foliaires, ainsi que par une vitesse d’installation
          moyenne des indices des variétés témoins, c’est-à-dire                                                supérieure à celle du témoin. Cela lui a valu un résultat
          des variétés testées qui bénéficiaient déjà d’une recom­                                              final de 3,49, soit un indice d’une demi-note en dessous

 312      Recherche Agronomique Suisse 7 (7–8): 310–315, 2016
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