LE CIEL COMME ATELIER - YVES KLEIN ET SES CONTEMPORAINS 18.07.2020 01.02.2021 - Centre Pompidou Metz

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LE CIEL COMME ATELIER - YVES KLEIN ET SES CONTEMPORAINS 18.07.2020 01.02.2021 - Centre Pompidou Metz
LE CIEL COMME ATELIER
YVES KLEIN ET SES CONTEMPORAINS

                     18.07.2020 > 01.02.2021

         LE CIEL COMME ATELIER / DOSSIER DÉCOUVERTE
LE CIEL COMME ATELIER - YVES KLEIN ET SES CONTEMPORAINS 18.07.2020 01.02.2021 - Centre Pompidou Metz
SOMMAIRE
    1. PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION P.3
    2. YVES KLEIN ET SES CONTEMPORAINS P.5
    3. SE SITUER P.7
    4. LE PARCOURS DE L’EXPOSITION P.8
    5. LISTE DES ARTISTES PRÉSENTÉS P.19
    6. MOTS EN LIBERTÉ P.20
    7. JEUNE PUBLIC P.29
    8. INFORMATIONS PRATIQUES P.30

En couverture :

Charles Wilp, Yves Klein travaillant à l’Opéra-Théâtre de Gelsenkirchen, 1958 - Version PRINT
Photographie © Charles Wilp / BPK, Berlin
© Succession Yves Klein c/o Adagp, Paris, 2020

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1.PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION
      Du 18 juillet 2020 au 01 février 2021
      GRANDE NEF

Le Centre Pompidou-Metz présente à partir du 18 juillet 2020 une exposition consacrée
à Yves Klein (1928-1962), figure majeure de la scène artistique française et européenne
d’après-guerre. Au-delà de la mouvance des Nouveaux Réalistes à laquelle la critique,
à la suite de Pierre Restany, l’a principalement rattaché, Yves Klein a développé des
liens intenses avec une constellation d’artistes, des spatialistes en Italie aux
groupes ZERO et Nul en Allemagne et aux Pays-Bas. Il a également entretenu des
affinités certaines avec le groupe Gutaï au Japon. À leurs côtés, Yves Klein, « peintre
de l’espace », fait entrer l’art dans une nouvelle dimension où le ciel, l’air, le vide et le
cosmos figurent un atelier immatériel propice à réinventer le rapport de l’homme au
monde, après la tabula rasa de la guerre.

Dans un monde marqué par le souvenir encore prégnant de la Seconde Guerre
mondiale, dans le contexte de la Guerre froide et de la menace atomique, les
artistes délaissent les techniques traditionnelles au profit d’actions ou de
performances où l’intensité de la vie fait irruption. À l’inverse, le recours au
monochrome, au vide ou à la lumière, l’aspiration à une zone de silence, les
manifestations collectives et festives participent d’une autre perception du monde,
marqué par la reconstruction et la naissance de nouvelles utopies. Comme l’affirme
Antje Kramer, « si la subversion a été un des moteurs efficaces pendant les deux
premières décennies du XXe siècle, elle est évacuée », chez Klein et ses contemporains,
« au profit d’une esthétisation totalisante – même de la politique – qui avance
“ toujours plus loin ” sur les cendres de l’histoire1 ».

Les nouvelles stratégies plastiques développées visent à dépasser la matérialité de
l’œuvre d’art, vue comme un obstacle à la liberté, et expérimentent la monochromie,
le vide et la lumière, en des gestes où l’œuvre est, à l’image des toiles lacérées ou
trouées de Lucio Fontana, ouverte à l’infini. Cette aspiration cosmogonique est
partagée par ces artistes qui, à l’instar de Klein, allient l’eau et le feu, la terre et l’air.
Les œuvres de lumière de Günther Uecker, Otto Piene, Heinz Mack, qui évoquent des
galaxies en formation rendent latentes leur angoisse face à la menace d’une guerre
nucléaire. À l’ère de la conquête spatiale, la dimension poétique du cosmos se trouve
mise à l’épreuve et Klein affirme : « Ce ne sera pas avec des rockets, des spoutniks ou
des fusées, que l’homme réalisera la conquête de l’espace car, ainsi, il resterait toujours
un touriste de cet espace ; mais c’est en l’habitant en sensibilité2.» Cette génération
d’artistes, portée par un idéalisme libertaire, conçoit le ciel comme un bouclier
immatériel et spirituel face à la course à l’armement nucléaire et à la prolifération de
ses soleils artificiels.

1 Antje Kramer, L’Aventure allemande du Nouveau Réalisme. Réalités et fantasmes d’une néo-avant-garde européenne (1957-1963), Dijon, Les Presses du
réel, 2012, p. 330.
2 Yves Klein, « L’évolution de l’art vers l’immatériel. Conférence à la Sorbonne » (1959), repr. in Le dépassement de la problématique de l’art et autres écrits,
Marie- Anne Sichère et Didier Semin (éd.), Paris, Beaux-Arts de Paris éditions, 2003, rééd. 2011, p. 122.

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Charles Wilp, Yves Klein im “Raum der Leere“ im Museum Haus Lange, 1961
Photographie
© Charles Wilp / BPK, Berlin
© Succession Yves Klein c/o Adagp, Paris, [2019]

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2. YVES KLEIN ET SES CONTEMPORAINS
Yves Klein naît à Nice le 28 avril 1928, de parents artistes – Fred Klein (1898-1990) et
Marie Raymond (1908-1989). Sa mère, peintre abstrait, fréquente à Nice et à Paris de
nombreux artistes et représentants du monde des arts et des lettres tels que les
Lettristes. Pendant sa jeunesse niçoise, il se découvre une passion pour le judo, qui à
cette époque tient moins d’un sport que d’une méthode d’éducation intellectuelle et
morale visant à la maitrise de soi. En 1946, Yves Klein signe symboliquement l’envers
du ciel comme étant « la plus belle et la plus grande de [ses] œuvres3». Dès lors, il
s’attache à rendre visible l’infini de l’espace à travers son « aventure monochrome »
et la quête d’un art immatériel qu’il initie au tournant des années 1950 et qu’il
poursuit jusqu’à sa mort.

Entre 1952 et 1954, Yves Klein séjourne au Japon, à Tokyo, où il se dédie à l’obtention
du 4e dan de judo à l’institut Kôdôkan – il est le premier Français à atteindre un tel
niveau. À son retour, il publie son livre Les Fondements du judo, ainsi qu’un recueil de
monochromes sous le titre d’Yves Peintures. Il met alors au point la fabrication du
fameux bleu outremer IKB (International Klein Blue) qui revêt à ses yeux une
dimension spirituelle.

1957 marque le début de la carrière internationale d’Yves Klein : à l’occasion de
l’exposition de ses monochromes bleus à la Galliera Apollinaire, de Milan (Yves Klein.
Proposte monocrome, epoca blu, 2-12 janvier 1957), il se lie d’amitié avec Lucio
Fontana et fait la connaissance de Piero Manzoni, avec qui il entretiendra des liens
complexes malgré leurs affinités. Manzoni, inspiré par la démarche de Klein, se dédie
peu après à sa série d’Achromes. En mars, la galeriste Iris Clert présente à Klein
l’artiste Norbert Kricke et l’architecte Werner Ruhnau, avec qui il collaborera sur le
chantier de l’opéra-théâtre de Gelsenkirchen (1957-1959). Lors de sa première
exposition en Allemagne, à la Galerie Schmela de Düsseldorf, Yves Klein rencontre Otto
Piene et Heinz Mack, qui formeront la même année le groupe ZERO, rejoint plus tard
par Günther Uecker. Peu après, Klein fait la connaissance de Rotraut Uecker, jeune
artiste qui l’accompagnera dans ses projets et deviendra son épouse en 1962.

C’est également en 1957 qu’Yves Klein réalise ses premières œuvres immatérielles, à
l’occasion de deux expositions conjointes à Paris, Yves Klein : Propositions
monochromes simultanément à la galerie Iris Clert et à la galerie Colette Allendy.
Chez Iris Clert, l’avènement de l’« époque bleue » est célébré par un lâcher de 1 001
ballons bleus dans le ciel de Paris lors de l’inauguration, baptisé Sculpture
aérostatique. Chez Colette Allendy, il présente notamment sa première Peinture de feu
et le premier Immatériel, au premier étage de la galerie : « Surfaces et blocs de
sensibilité picturales. Intentions picturales », qui consiste en une salle laissées
entièrement vide. Cette recherche autour de l’immatériel atteint son apogée l’année
suivante lors de l’exposition La Spécialisation de la sensibilité à l’état matière première
en sensibilité picturale stabilisée, connue sous le nom d’exposition du Vide, à la
galerie Iris Clert.

En 1958, Yves Klein participe à la première exposition du groupe ZERO et publie dans
le premier numéro de la revue éponyme son texte « Ma position dans le combat de la
ligne et de la couleur ». La même année, il réalise avec le sculpteur Jean Tinguely,

3 Yves Klein, « Manifeste de l'Hôtel Chelsea, New York, 1961 », repr. in Le dépassement de la problématique de l’art et autres écrits, op.cit., p. 310.

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également associé au projet de Gelsenkirchen, plusieurs œuvres de collaboration – des
machines avec des disques métalliques recouverts de peinture IKB et tournant à grande
vitesse–pour leur exposition Vitesse pure et stabilité monochrome à la galerie Iris Clert,
à Paris (17-30 novembre 1958).

Au printemps suivant se tient la première grande exposition collective de la nébuleuse
ZERO, Vision in Motion / Motion in Vision à la Hessenhuis, à Anvers. Le groupe publie
le troisième numéro de sa revue en 1961, dans lequel figurent deux importants textes
de Klein. Cette parution donne lieu à une manifestation festive, Zero. Edition Exposition
Demonstration à la Galerie Schmela de Düsseldorf, qui marque l’adhésion officielle de
Günther Uecker à ZERO.

Yves Klein continue sa poursuite de la beauté à l’état invisible : « L’art est partout où
l’artiste arrive. » Son rêve d’habiter le ciel qui se précise dans son projet pour une
Architecture de l’air développé́ avec l’architecte Claude Parent, s’inscrit dans un
contexte de recherches utopiques autour de nouveaux modes d’habitation. Dans une
démarche spirituelle, il intègre l’usage d’éléments naturels dans ses tableaux : ses
premières expérimentations, en 1957, aboutissent sur ses puissantes Peintures de feu
en 1961, et réalise en 1960 ses premières Cosmogonies, œuvres produites à l’aide de
phénomènes atmosphériques.

Juste avant sa mort, survenue le 6 juin 1962, Yves Klein aurait confié à un ami : « Je
vais entrer dans le plus grand atelier du monde. Et je n'y ferai que des œuvres
immatérielles. »

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                                                                   France, 23 octobre 1960
                                                                   Getty Research Institute, Los Angeles (2014.R.20)
                                                                   Photographe : Shunk-Kender © J. Paul Getty Trust.

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3. SE SITUER

L’exposition propose un dialogue entre les œuvres d’Yves Klein et celles de ses
contemporains, soulignant leurs liens historiques comme leurs affinités esthétiques et
philosophiques.

Le parcours thématique rend compte de l’évolution d’une pratique artistique
générationnelle, qui opère un passage du matériel à l’immatériel, du visible à
l’invisible, de la terre au ciel, du corps humain au cosmos. Prenant pour point de
départ les ruines de la guerre, la déambulation mène progressivement le visiteur
vers l’espace, atelier rêvé de ces artistes

La scénographie conçue par Laurence Fontaine met en valeur le processus de
dématérialisation qui a cours au tournant des années 1960. À la manière des œuvres
spatialistes qui dépassent les limites de la toile pour l’ouvrir à une autre dimension, les
murs courbes et les arêtes estompées brouillent la frontière entre l’œuvre et le
spectateur. Le dispositif de monstration vise à créer des environnements immersifs, où
les recherches des artistes autour de l’immatériel et des éléments naturels deviennent
sensibles.

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4. PARCOURS DE L’EXPOSITION

SECTION I : LE MONDE ANNÉE ZÉRO
Si la Seconde Guerre mondiale laisse des paysages dévastés et des monuments en
ruines, cette topographie délabrée constitue un terreau propice à la création. En
Allemagne, où l‘on décrète « l’heure zéro », les destructions massives incitent les
artistes, tels que les membres du futur groupe ZERO, à créer un art nouveau sur les
décombres. « Lorsque nous nous laissons séduire par les ruines, le dialogue engagé par
les fissures et les craquelures pourrait bien être la forme de revanche qu’ait prise la
matière pour recouvrer son état premier 4 », écrit Jirō Yoshihara en 1956, dans le
manifeste du groupe Gutai (« concret » en japonais) qu’il a fondé en 1954.

Yves Klein, Grande Anthropophagie bleue, Hommage à Tennessee Williams, (ANT 76), 1960
Pigment pur et résine synthétique sur papier marouflé sur toile, 407 x 275 cm
Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne
© Succession Yves Klein c/o Adagp, Paris, 2020
© Philippe Migeat - Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP

4 Jiro Yoshihara, Manifeste de l’art Gutai, 1956, repr. in Japon des avant-gardes 1910-1970, Germain VIATTE et Takashina SHUJI (dir.), 11 décembre 1986 – 2
mars 1987, Paris, Centre Pompidou, 1986, p. 293.

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SECTION II : CORPS INTENSIFS

Au Japon, les bombardements sur les villes d'Hiroshima et de Nagasaki, lors de l’été
1945, ont transformé la quiétude éthérée du ciel en un lieu de menaces atomiques où
résonne le vacarme des déflagrations. Le film réalisé par Fumio Kamei, Il est toujours
bon de vivre, découvert par Yves Klein à sa sortie, en 1956, donne à voir les silhouettes,
imprimées sur les murs, des corps soufflés par les bombes. « Il nous faut – et ceci n’est
pas une exagération – penser que nous vivons à l’ère atomique, où tout ce qui est
matériel et physique peut disparaître du jour au lendemain[...] 5 », avertit Yves Klein.
Cette révélation de l’éphémère participe aux bouleversements plastiques initiés par
toute une génération d’artistes et ouvre la voie à un art immatériel, au croisement
entre peinture et performance.

Les Anthropométries de Klein, empreintes laissées sur la toile par des modèles féminins
nus recouverts préalablement de pigments, la lutte inspirée de Kazuo Shiraga avec la
matière, lors de Challenging Mud (1955), ou encore les traces de pas semés au sol par
Akira Kanayama dans l’œuvre Ashiato (Footprints, 1956), apparaissent comme une
preuve de la survivance de l’individu. Les artistes semblent chercher à s’empreindre
plus littéralement dans le monde afin de lutter contre la disparition inéluctable de
l’être.

Yves Klein, Anthropométrie de l’Époque Bleue, (ANT 82), 1960
Pigment pur et résine synthétique sur papier marouflé sur toile, 156,5 x 282,5 cm
Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne
© Succession Yves Klein c/o Adagp, Paris, 2020
Photo : © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Adam Rzepka/Dist. RMN-GP

5 Klein, « Ma position dans le combat entre la ligne et la couleur », ZERO, no 1, avril 1958, repr. in Le dépassement..., op. cit.,p. 50-51.

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SECTION III : ZONES BLANCHES
De 1961 à 1966, une dizaine d’expositions collectives s’emparent du thème de la
monochromie blanche, attestant de la diversité de ses développements. Symbole de
pureté et de renaissance, le blanc répond aux aspirations des artistes qui veulent faire
table rase du passé. Qu’il connote l’invisible, l’infini, le silence, l’espace ou la lumière,
il permet la libération totale de la surface. Appliqué rigoureusement sur une toile ou
plus largement sur les murs, il envahit l’espace de représentation dans lequel le
spectateur est invité à pénétrer.

Si Kasimir Malevitch fut le premier à expérimenter le monochrome, en exposant son
Carré blanc sur fond blanc en 1918, ce n’est qu’au lendemain de la guerre qu’une
génération d’artistes, ainsi que le rappelle Dominique Stella, « se propose de réécrire le
monde sur cette page blanche de l’histoire. Tout refaire, tout repenser, repartir de
zéro6. ».

Dès 1946, Lucio Fontana inspire la publication du Manifiesto Blanco (« Manifeste
blanc ») qui pose les bases de sa théorie spatialiste, nouvelle conception artistique
aspirant au dépassement de la planéité et de la matérialité de la surface. Sous l’égide
de cette figure tutélaire, la nouvelle génération milanaise a pu découvrir, dès 1957, les
premiers monochromes bleus de Klein à la Galleria Apollinaire. Piero Manzoni, voulant
abolir la couleur, donne alors naissance à ses œuvres blanches qu’il nomme
génériquement Achromes en 1959. Faits de kaolin, de fibre de verre, de tissus plissés
ou de coton tressé, les Achromes de Manzoni délaissent la peinture et excluent les
interprétations. Le blanc n’est pas « un paysage polaire, une matière évocatrice ou une
belle matière, une sensation ou un symbole ou autre chose encore 7 », il permet, au
contraire, la libération et l’« invincibilité » de la surface. Avec Enrico Castellani, qui
partage cette même nécessité du blanc, Manzoni crée Azimut(h), galerie et revue qui
seront dès 1959 l’instrument de leurs échanges et collaborations avec les groupes
européens et japonais qui participent à l’aventure monochrome.

Enrico Castellani, Superficie angolare bianca n°6 [Superficie angulaire blanche n°6], 1964
Peinture acrylique sur toile, 149,7 x 145 x 59 cm
Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne
© Enrico Castellani / Adagp, Paris, 2020
Photo : © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Georges Meguerditchian/Dist. RMN-GP

6 Dominique Stella, « Les œuvres blanches : Europe, années 1950-1960 », extrait du catalogue de l’exposition
7 Piero Manzoni, « Libera dimensione », Azimuth, no 2, Milan, 1960 ; trad. fr. « Libre dimension », repris in Contre rien, textes réunis et traduits de l’italien
par Martina Cardelli et Danielle Orhan, Paris, Allia, 2002, p. 43 sqq.

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En France, Claude Bellegarde réalise, dès 1951, des monochromes blancs révélateurs
d’une recherche spirituelle qui n’a pas été sans influence sur le travail de Klein. Ce
dernier commence en 1957 une série de treize monochromes blancs, qu’il achève en
1960, et qui préfigure l’espace immatériel du Vide, qui se déroule en avril-mai 1958 à
la galerie Iris Clert, à Paris. Créée en 1961 pour sa première rétrospective
institutionnelle (Yves Klein : Monochrome und Feuer, au Museum Haus Lange de
Krefeld, en Allemagne), la Salle vide, pièce nue entièrement couverte de peinture
blanche, apparait comme une autre manifestation absolue de cette expansion éthérée.

En hommage au Vide d’Yves Klein, Günther Uecker réalise une performance lors de la
manifestation Zero. Edition Exposition Demonstration à la Galerie Schmela de
Düsseldorf, le 5 juillet 1961. Muni d’un balai-pinceau, il trace sur les pavés un large
cercle de couleur blanche, conçu comme une piste de décollage ouverte aux nouvelles
mystiques et créations artistiques de son époque. Depuis le début, ZERO désigne « une
zone de silence et de pure possibilité pour un nouveau commencement comme lors du
compte à rebours, lorsque partent les fusées 8 ». Pour Otto Piene et Heinz Mack, les
fondateurs de ZERO, le blanc est convoité pour ses capacités structurantes qui
favorisent la vibration de la surface picturale et s’inscrivent dans leur recherche
d’exaltation de la lumière. Pour Uecker et Klein, la couleur blanche est propice à une
expérience spirituelle, et peut également révéler d’autres forces.

Ainsi Yves Klein de déclarer, paraphrasant Malevitch : « J’ai vaincu le fin fond du ciel
coloré, j’en ai détaché le coloris, et l’ayant mis dans un sac créateur, je fis un nœud.
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Aviateurs de l’avenir, volez ! Blanc, libre et sans borne, l’infini est devant vous ».

Piero Manzoni, Achrome, 1959
Kaolin sur toile plissée, 140 x 120,5 cm
Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne
© Adagp, Paris, 2020
Photo : © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Philippe Migeat/Dist. RMN-GP

8 Otto Piene,«The development of the Group "Zero"», cité in Denys Riout,«Présences du monochrome», La Peinture monochrome. Histoire et archéologie
d’un genre, Nîmes, Éditions Jacqueline Chambon, 1996, réé. 2006, p. 182.
9 Yves Klein, « L’aventure monochrome », repr. in Le dépassement..., op. cit., p. 265.

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SECTION IV : TROUER LE CIEL

                                                                                                     Yves Klein travaillant aux Peintures de Feu à la Plaine Saint
                                                                                                     Denis.
                                                                                                     Paris, Centre Pompidou-MNAM/CCI-Bibliothèque
                                                                                                     Kandinsky
                                                                                                     Fonds Harry Shunk et Shunk-Kender
                                                                                                     © Janos Kender
                                                                                                     © Shunk Harry
                                                                                                     Photo : © Centre Pompidou, MNAM-CCI Bibliothèque
                                                                                                     Kandinsky, Dist. RMN-Grand Palais / Fonds Shunk et
                                                                                                     Kender

Après-guerre, les artistes affichent une volonté d’aller au-delà de la peinture et de la
toile et d’expérimenter de nouveaux matériaux. L’utilisation du feu en tant que medium
répond à cette quête de dématérialisation de l’œuvre d’art. Alberto Burri est l’un des
premiers artistes européens à intégrer cet élément dans ses tableaux : il brûle le
support de ses œuvres dès 1955, avant de se tourner vers les Combustioni plastiche («
Combustions plastiques ») qui s’intensifient à partir de 1961. Cette même année, les
recherches concomitantes d’Yves Klein, d’Otto Piene et de Bernard Aubertin aboutissent
à la réalisation de peintures de feu. Force destructrice et créatrice, le feu fascine ces
artistes en raison de son pouvoir symbolique. Yves Klein, en artiste démiurge, se
passionne pour cet élément aussi puissant que fugace, qui lui permet de capter en un
évènement poétique l’essence même de la vie, dont ses œuvres portent le souvenir : «
Mes tableaux ne sont que les cendres de mon art10 ».

Ces expérimentations font écho aux recherches des artistes italiens Lucio Fontana et
Dadamaino. Fontana, après avoir établi dès 1946 les bases d’un art « fondé sur l’unité
du temps et de l’espace 11 », est l’inventeur des Buchi (« Trous », 1949) et des Tagli
(« Entailles », 1958), expressions philosophiques d’un espace ouvert à l’infini. « Moi, je
troue, l’infini passe par là. [...] J’ai construit, je n’ai pas détruit12 ».

Inspirée par un contexte de création prônant un nouveau départ à zéro, Dadamaino
troue la toile jusqu’à n’en laisser que les bords, dans un geste radical d’exploration du
vide et de l’immatériel. Cette quête de l’infini exprime une réflexion sur l’étendue du
cosmos, comme le laisse entendre cette invitation poétique d’Otto Piene, qui montre
combien la radicalité des gestes de Fontana a été déterminante pour toute une nouvelle
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génération d’artistes : « Quand ferons-nous un trou dans le ciel, Lucio Fontana ? »

10 Yves Klein, « L’évolution de l’art vers l’immatériel. Conférence à la Sorbonne » (1959), repr. in Le dépassement..., op. cit., p. 133.
11 Lucio Fontana, « Manifeste blanc », 1946, in Écrits de Lucio Fontana (Manifestes, textes, entretiens), Valérie DA COSTA (éd. et trad.), Dijon, Les Presses du
réel, 2013, p. 140.
12 Lucio Fontana, « Entretien avec Carla Lonzi », in Écrits de Lucio Fontana, op.cit., p. 109.
13 Otto Piene, « A Hole in the Sky », in Lucio Fontana. The Spatial Concept of Art, cat. exp., Minneapolis, Walker Art Center, 6 janvier-13 février 1966, Austin,
University of Texas Art Museum, 27 février-27 mars 1966 ; Buenos Aires, Centro de Artes Visuales, Instituto Torcuato Di Tella, 8 juillet-7 août 1966,
Minneapolis, Walker Art Center, 1966, n. p.

                                                                                                                                                             12
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SECTION V : THÉÂTRES DU VIDE

                                                                                 Yves Klein, Anthropométrie sans titre, (ANT 109), 1960 - Version PRINT
                                                                                 Pigment pur et résine synthétique sur toile, 220 x 160 cm
                                                                                 © Succession Yves Klein c/o Adagp, Paris, [2019] - Cliché : Adagp Image

Lors de sa collaboration au chantier de l’opéra-théâtre de Gelsenkirchen, où il réalise
entre 1958 et 1959 quatre panneaux monumentaux en bleu IKB, Yves Klein découvre les
qualités exceptionnelles de la sensibilité picturale projetée à une échelle monumentale.
L’implication physique de l’artiste à cette production in situ entre en résonance avec la
corporalité à l’œuvre dans les séances d’Anthropométries, également centrale dans les
gestes de Lucio Fontana, Saburō Murakami et Günther Uecker. L’ouverture du tableau
sur un espace infini, au centre des recherches spatialistes, mène ici vers une dimension
performative à plus grande échelle. Le corps se retrouve projeté dans l’espace – celui
de l’œuvre, de son environnement, et enfin, du ciel lui-même.

L’espace central de l’exposition, structure en hauteur offrant au public un point de vue
surplombant, formalise ce désir d’ascension. Dans un contexte de conquête spatiale, les
artistes développent leurs propres moyens d’occuper l’espace céleste de manière
pacifique. Film immatériel projeté sur un ballon (Gil J. Wolman), sculptures gonflables
(Yves Klein, Piero Manzoni, Otto Piene, Jean Tinguely) et magnétiques (Takis),
exposition dans le ciel organisée par Gutai, ces formes légères semblent se décliner
afin d’échapper à « l’esclavage de la pesanteur sous le joug duquel nous vivons 14 ».
L’immatérialité propre à ces œuvres, jointe à la dimension performative de leur
réalisation, revêt son caractère le plus poétique et le plus mystique dans la quête de
lévitation d’Yves Klein, qui déclare : « Aujourd’hui le peintre de l’espace doit aller
effectivement dans l’espace pour peindre, mais il doit y aller sans trucs, ni supercheries,
ni non plus en avion, ni en parachute ou en fusée : il doit y aller par lui- même [...]15»

14 Note d’Yves Klein, repr. in Le dépassement..., op. cit, p. 368.
15 Yves Klein, « Un homme dans l’espace », Dimanche 27 novembre. Le Journal d’un seul jour, repr. in Le dépassement..., op. cit., p. 182.

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SECTION VI : ARCHITECTURES DE L'AIR

Gyula Kosice, Maqueta de la Ciudad Hidroespacial [Maquette de la ville hydrospatiale], 1947
Plexiglas et eau, 28 × 56 × 52 cm
Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne
© Fundación Kosice, Buenos Aires
Photo : © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Philippe Migeat/Dist. RMN-GP

À son retour de Gelsenkirchen en 1959, inspiré par son travail à grande échelle et par
sa collaboration avec Werner Ruhnau, Yves Klein développe le projet d’une Architecture
de l’air. Cette architecture immatérielle vise à construire la ville de demain à partir des
éléments naturels feu, air et eau. Ses principales recherches concernent le toit d’air,
qui remplace le toit fermé, cet « écran qui nous sépare du ciel, du bleu du ciel16» et qui
permet de protéger ses habitants sans créer de cloisons. Klein poursuit l’élaboration de
cette architecture aérienne avec l’architecte Claude Parent, qui en réalise les dessins.
Les habitants de cette « immense maison cosmique17» sont libérés de toute contrainte
et s’adonnent exclusivement aux loisirs.

La collaboration entre Klein et Parent donne corps à la volonté de Fontana de voir
naître une « fusion des artistes et des architectes dans la relation " architecture-
espace 18 " ». Parallèlement aux recherches de Klein, d’autres artistes imaginent des
projets architecturaux utopiques : Gyula Kosice conçoit les plans d’une Ville
hydrospatiale flottant à plus de 1 000 mètres d’altitude qui utilise l’énergie de l’eau
comme matériau de construction, et Constant travaille sur la New Babylon, une ville
aux espaces suspendus dont les habitants sont également libérés du travail grâce à
l’automatisation. Ces projets s’inscrivent dans un contexte de reconstruction et de
développement des villes, favorable aux utopies architecturales.

16 Yves Klein, Conférence à la Sorbonne « L’évolution de l’art vers l’immatériel », 3 juin 1959, repr. in Le dépassement..., op. cit., p. 149. 2 Gaston Bachelard,
La Poétique de l’espace, chapitre II, section 6
17 Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, chapitre II, section 6
18 Lucio Fontana, « Pourquoi je suis spatialiste », 1952, in Écrits de Lucio Fontana, op.cit., p.72

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Yves Klein, Cosmogonie sans titre, (COS 13), 1961
Pigment pur et liant indéterminé sur papier, 65 x 50 cm
© Succession Yves Klein c/o Adagp, Paris, [2019] - Cliché : Adagp Images

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SECTION VII : COSMOGONIES
Dans le Manifeste blanc, Lucio Fontana déclarait que « l’art nouveau tire ses éléments
de la nature ». Avant même l’émergence du Land Art, une génération d’artistes intègre
dans son travail les phénomènes et forces naturels, flirtant avec le hasard, l’inachevé,
voire l’informe. Cette réappropriation de la nature transcrit une vision cosmogonique et
phénoménologique de l’art, où les formes et éléments se réfèrent à un tout cosmique,
qui s’exprime dans son immédiateté constante. Le partage du monde que Klein conclut
durant l’été 1947, à Nice, avec ses amis artistes, Claude Pascal et Armand Fernandez, le
futur Arman, témoigne d’une volonté de s’approprier l’inappropriable : à Arman revient
la terre et ses richesses, à Claude Pascal l’air, et à Yves Klein, le peintre du bleu, le
ciel et son infini. Plus tard, Tinguely se verra attribuer le magnétisme et Norbert Kricke,
l’eau et la lumière.

En mars 1960, à Cagnes-sur-Mer, Klein réalise ses premières Naturemétries (en
opposition aux Anthropométries) ou Cosmogonies, enregistrant sur des feuilles de
papier la trace de végétaux imprégnés de bleu, ou encore le passage du vent et de la
pluie, avant d’apposer sa signature sur ces « états-moments de la nature 19 ». Hans
Haacke intègre également l’eau et l’air à ses pièces, où les phénomènes naturels
croisent les phénomènes sociaux, tandis que Heinz Mack se fait le peintre de la lumière.
En exposant le pigment IKB pur au sol, Klein se concentre sur la vibration de la couleur
bleue, qui « rappelle tout au plus la mer ou le ciel, ce qu’il y a de plus abstrait dans la
nature tangible et vivante20 ». Les projets monumentaux et collaboratifs en extérieur,
telle l’exposition Zero op Zee [ZERO en mer], imaginée par l’artiste Henk Peeters en
1965 et qui devait réunir les artistes des groupes ZERO, NUL et Gutai sur la jetée du
port de Scheveningen, aux Pays-Bas, articulant rationalité et sensorialité, reflètent
l’émergence de nouvelles attitudes.

19 Yves Klein, « Le vrai devient réalité », ZERO, no 3, 1961, repr. in Le dépassement..., op. cit, p. 285
20 Yves Klein,« Discours à la Commission du théâtre de Gelsenkirchen » (1958), repr. in Le dépassement..., op. cit., p. 75

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SECTION VIII : COULEURS HABITANTES DE L'ESPACE
Yves Klein et Sadamasa Motonaga ont manifesté à plusieurs reprises leur aspiration à
inscrire leurs œuvres en extérieur. L’occupation de l’espace public est un thème cher
aux artistes du groupe Gutai qui, dès 1955, abandonnent « le concept traditionnel
d’exposition en lieu clos » pour lui préférer « le vaste monde [...] avec, au-dessus, le
dôme infini du ciel bleu 21 ». L’espace éthéré́ de la nature offre des possibilités
plastiques infinies qui fascinent également Yves Klein. Caractérisées seulement par une
date, un nom de lieu et une dimension inscrits au-dessous, les plages uniformément
pastel des premiers monochromes de Klein, publiés dans le portfolio Yves peintures en
1954, font songer à des vedute, paysages atmosphériques. Les lithographies collées sur
papier paraissent imbibées du climat coloré de la ville qu’elles sont censées
représenter. Pour l’artiste, « les couleurs sont des êtres vivants, des individus très
évolués qui s’intègrent à nous, comme à tout. Les couleurs sont les véritables habitants
de l’espace22 ». En choisissant l’eau comme liant, Motonaga invite également la vie à
                                                                        nd
infiltrer son œuvre. Accrochées aux pins du parc d’Ashiya, lors de la 2 Outdoor Gutai
                  e
Art Exhibition. [2 Exposition Gutai en Plein Air] à l’été 1956, les longues membranes
emplies de liquides colorés font songer à des cocons, promesses de l’éclosion de la
couleur.

Les solutions teintées, en suspension dans l’air, sont un défi à la gravité. Chez Klein, la
couleur « baigne [...] dans la sensibilité cosmique23». Par leurs bords imperceptiblement
arrondis et leur surface ondulée, ses monochromes aux contours indistincts provoquent
une sensation de nébuleuse colorée et rappellent les « arcs-en-ciel merveilleux24» que
Lucio Fontana à la même époque rêvait de faire apparaître dans le ciel.

                                                                        Sadamasa Motonaga, Work (Water) [Œuvre (Eau)], 1956/2020
                                                                        Installation : eau, plastique, pigment, dimensions variables
                                                                        Courtesy The Estate of Sadamasa Motonaga
                                                                        © Motonaga Archive Research Institution
                                                                        Photo : © Moderna Museet Stockholm / Åsa Lundén

21 Jiro Yoshihara, « L’art gutai sur la scène », 1957, repr. in Japon des Avant-Gardes, op. cit., p. 299.
22 Yves Klein, « L’Aventure monochrome », 1re partie : Le vrai devient réalité ou pourquoi pas, repr. in Le dépassement... op. cit., p. 229.
23 Ibid., p. 228
24 Lucio Fontana, Spatialistes 2e manifeste, 1948, repr. in Écrits de Lucio Fontana, op. cit., p. 150.

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SECTION IX : VISIONS COSMIQUES
La nouvelle rapportée par Youri Gagarine au retour de son voyage spatial en 1961
enchante Yves Klein : il avait raison, la Terre est bleue, d’un bleu intense et profond.
Dès 1957, au moment de la mise en orbite du satellite Spoutnik l’« astronaute de la
peinture », ainsi que le surnomme Arman, réalise une série de globes terrestres bleus,
traduisant cette vision prémonitoire. En 1961, Klein poursuit sa série de Reliefs
Planétaires, constitués de moulages de cartes topographiques qu’il se procure à
l’Institut géographique national et qu’il recouvre de son bleu IKB, livrant sa vision d’une
planète bleue vue du ciel, comme autant de fragments d’un espace incommensurable.
Le contexte de la conquête spatiale et les bouleversements qu’elle apporte à la
représentation de l’espace au sens large fascinent toute une génération d’artistes qui
aspire à reconquérir le ciel avec pour seule arme leur sensibilité artistique. Leurs
œuvres évoluent de manière naturelle vers des formes circulaires, sphériques, ovoïdales.
Ces motifs, symboles d’éternité et de pureté, évoquent l’espace dans toutes ses
dimensions, du microscopique à l’infini. Le manifeste du groupe ZERO proclame en
1963 : « ZERO est rond. ZERO tourne. ZERO est la lune. Le soleil est ZERO. » Les
œuvres aux lumières mouvantes de Otto Piene, Günther Uecker et Liliane Lijn partagent
une même vision cosmique et offrent une méditation sur la place de l’être humain dans
l’univers. Dans un geste radical, Yves Klein déclare avec Ci-gît l’espace la mort de l’art
traditionnel, ce à quoi Piero Manzoni, dans son Socle du monde, répond en inversant
ciel et terre pour transformer notre planète entière en œuvre d’art. Par un
renversement de perspective, le cosmos devenu accessible pénètre l’œuvre et l’enrichit
d’une nouvelle poésie, à l’image des mots d’Otto Piene : « Dans ce ciel, le paradis est
sur terre25. »

                                                                                                    Otto Piene, Lichtraum mit Mönchengladbach
                                                                                                    Wand [Pièce lumineuse avec mur de
                                                                                                    Mönchengladbach], 1963-2013
                                                                                                    Otto Piene Estate. Courtesy Sprüth Magers, Berlin
                                                                                                    © ADAGP, Paris, 2020 © Sprueth Magers (Gallery)
                                                                                                    / Estate Otto Piene

25 Otto Piene, « Wege zum Paradies » (Chemins vers le paradis), ZERO, vol. 3, juillet 1961, n. p.

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5. LISTE DES ARTISTES PRÉSENTÉS

                     Bernard Aubertin
                     Claude Bellegarde
                        Alberto Burri
                     Enrico Castellani
                   Constant Dadamaino
                       Lucio Fontana
                        Hans Haacke
                      Oskar Holweck
                         Eikō Hosoe
                        Fumio Kamei
                      Akira Kanayama
                         Yves Klein
                        Gyula Kosice
                       Yayoi Kusama
                         Liliane Ljin
                         Heinz Mack
                       Piero Manzoni
                   Sadamasa Montanaga
                     Saburö Murakami
                       Claude Parent
                        Henk Peeters
                         Otto Piene
                  Giuseppe Pinot-Gallizio
                 Roberto Rossellini Rotraut
                     Shözö Shimamoto
                       Fujiko Shiraga
                    Kazuo Shiraga Takis
                       Jean Tinguely
                      Günther Uecker
                        Jef Verheyen
                       Lothar Wolleh
                       Gil J. Wolman

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6. MOTS EN LIBERTÉ
Tabula rasa
Au lendemain de Seconde Guerre mondiale, avec la capitulation du Japon, à la suite des
bombardements atomiques de Hiroshima et de Nagasaki, dans une époque tourmentée
par le désespoir et le sentiment de vide et de non-sens, l’art devient la force motrice
pour bâtir l’avenir à partir des ruines. Toutes les œuvres expérimentales et pionnières
se stimulent mutuellement et expérimentent différents médiums, tâtonnant à la
recherche d’une nouvelle peinture. Yves Klein noue alors des affinités avec une
constellation d’artistes, du groupe ZERO en Allemagne aux spatialistes en Italie, de
Gutai au Japon au groupe NUL aux Pays-Bas. Ils accueillent la table rase d’un monde
dévasté comme le signe d’un nouveau départ. Des débats s’animent autour de thèmes
fondateurs définis notamment par le manifeste Zero der neue Idealismus (« ZERO le
nouvel idéalisme », 1963) : « ZERO est silence. ZERO est commencement. ZERO est
rond. ZERO tourne. ZERO est la lune. Le soleil est ZERO. ZERO est blanc [...]. »
Quelques galeries européennes s’engagent et présentent à un public averti ces
recherches radicales. Le blanc répond aux aspirations des artistes qui veulent se
détourner du passé. Qu’il connote l’invisible, l’infini, le silence, l’espace ou la lumière, il
permet la libération totale de la surface. De 1961 à 1966, en Europe, une dizaine
d’expositions collectives s’emparent du thème de la monochromie blanche. Sous le
commissariat de l’artiste allemand Joseph Beuys, l’exposition « Weiss-Weiss » (Blanc-
blanc), organisée en 1965 à la Galerie Schmela, de Düsseldorf, témoigne de la densité
des réseaux et des échanges artistiques autour de ce thème. Vingt-trois artistes y sont
représentés, dont Yves Klein et Jean Tinguely, les Italiens Lucio Fontana, Piero Manzoni,
Enrico Castellani, les Allemands du groupe ZERO (Heinz Mack, Otto Piene, Günther
Uecker, Oskar Holweck) les Néerlandais du groupe NUL (Herman de Vries, Jan
Schoonhoven), mais aussi Jesús Rafael Soto ou Antoni Tàpies.

Catalogue de l’exposition Le ciel comme atelier, Yves Klein et ses contemporains, notice : Les œuvres blanches : Europe,
années blanches 1950-1960, Dominique Stella
Catalogue de l’exposition Le ciel comme atelier, Yves Klein et ses contemporains, notice : Ruines et vide autour d’Yves
Klein, d’Akira Kanayama, de Tatsumi Hijikata, Aomi Okabe

Groupe ZERO
Enthousiasmés par l’art immatériel d’Yves Klein, ainsi que par son refus de l’informel,
Heinz Mack et Otto Piene fondent le groupe ZERO en 1957 à Düsseldorf. Günther
Uecker les rejoint en 1961. Ils aspirent à un monde de clarté et de dynamisme,
lumineux et pur, offrant un contrepoint à l’aspect parfois sombre de l’art informel.
ZERO est le dernier mouvement international significatif auquel participent surtout des
Allemands, des Néerlandais, des Belges et des Français.
La collaboration de l’architecte Werner Ruhnau avec les artistes Yves Klein, Norbert
Kricke, Jean Tinguely, Robert Adams et Paul Dierkes pour la conception du
Musiktheater im Revier (MiR), à Gelsenkirchen, marque assurément l’apogée des
projets internationaux développés au sein du cercle de ZERO.

Dossier Découverte Centre Pompidou-Metz, Entre deux horizons
https://www.centrepompidou-metz.fr/sites/default/files/images/dossiers/2016-06-E2H.pdf

Groupe NUL
Fondé en 1960 en Hollande par Jan Shoonhoven, Armando, Jan Hendrikse, Herman de
Vries et Henk Peeters, le Groupe NUL cherche à échapper au carcan de l’art informel de
la fin des années 1950 et à tout principe déjà utilisé en peinture et en sculpture. Les
oeuvres sont produites en séries, comme dans l’industrie, et s’inspirent des travaux
menés par Lucio Fontana ou Yves Klein : la monochromie, le plus souvent blanche,
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noire ou rouge, la combustion, la répétition, le traitement direct du matériau, la
"présentation sans médiation", les matériaux et les objets étant souvent présentés sans
modifications ou ajouts, en référence aux ready-made de Marcel Duchamp.

Les mouvements dans la peinture, Patricia Fride R.-Carrassat, Isabelle Marcadé, édition Larousse, 1999

Butô (ou Butoh)
Forme de danse née à la suite de la Seconde Guerre mondiale, exprimant d’une façon
inédite dans la culture japonaise la douleur, à travers le mouvement du corps dans des
situations extrêmes. L’un des initiateurs du Butô est le danseur Tatsumi Hijikata, qui
fonde avec Kazuo Ohno le collectif Ankaku Butô-ha movement en 1961. Ils cherchent
une alternative aux formes de danses occidentales populaires au Japon après la guerre,
ainsi qu’aux formes traditionnelles d’arts vivants japonais, pour définir un nouveau
vocabulaire à travers lequel le corps humain pourrait, en adéquation avec son temps,
se métamorphoser en n’importe quelle forme vivante ou non vivante. Aussi appelée «
danse des ténèbres » ou « danse du corps obscur », le Butô veut transcrire en
mouvements lents, poétiques et minimaux ce qui ne se voit pas, ce qui est enfoui en
chaque personne. La danse devient un rituel, dans lequel le corps n’est plus simplement
un corps humain mais se charge d’une force originelle, érotique, incarnant la création
même. Kazuo Ono dira : « Essayer de trouver l’enfant qui est en nous. Beaucoup de
choses viennent de l’extérieur, c’est mieux d’essayer d’être vide et à partir de là, de
retrouver quelque chose d’intérieur ; le sentiment de la nostalgie est la racine du
Butoh. » Leur premier spectacle accompagné d’une campagne publicitaire citant le mot
butô est Reda Santai (Les Trois états de Léda) en 1962. Les recherches des deux
hommes se prolongent et évoluent jusque dans les années 1980, se transmettant à
d’autres danseurs, qui insufflent à leur tour leur vision du Butô.

Dossier Découverte Centre Pompidou-Metz, Focus sur la saison Japonaise
https://www.centrepompidou-metz.fr/sites/default/files/images/dossiers/2017.09-SAISON-JAPON.pdf

Gutai
Le groupe Gutai est l’un des grands groupes d’avant-garde au Japon, actif dans
l’après-guerre, il fait partie d’une dynamique plus large d’association éphémères de
jeunes artistes qui réalisent notamment des happenings et manifestations en plein-air.
Mais Gutai se distingue par sa longévité (18 ans), et par un « maître fondateur »,
théoricien du groupe : Jirô Yoshihara, âgé d’une cinquantaine d’années, qui côtoie de
plus jeunes artistes comme Kazuo Shiraga, Shozo Shimamoto ou Atsuko Tanaka. Son
expérience et ses moyens matériels permettent au groupe de se faire connaître plus
facilement et rapidement. Le mot d’ordre de Gutai est de renouveler les pratiques
artistiques, notamment la peinture, et de « faire ce que personne n’avait encore
entrepris. » Des expériences marquées par la violence et la répétition apparaissent
dans les travaux de certains artistes comme Shimamoto. Les artistes de Gutai explorent
de nouveaux matériaux non conventionnels comme la boue, le goudron, la poussière, les
liquides colorés, le son et la lumière électrique. L’action reste centrale, elle engage le
corps tout entier de l’artiste, qui modifie la matière sans nécessairement produire un
résultat esthétique. Grâce au critique d’art français Michel Tapié, qui rencontre le
groupe en 1957, il a une grande aura hors du Japon, auprès d’artistes occidentaux
notamment. Les dernières performances de Gutai, avec des robots sur scène, ont lieu
lors de l’exposition universelle Osaka 70.

Dossier Découverte Centre Pompidou-Metz, Focus sur la saison Japonaise
https://www.centrepompidou-metz.fr/sites/default/files/images/dossiers/2017.09-SAISON-JAPON.pdf

Spatialisme
En Italie, plus qu’ailleurs peut-être, existe une tradition de la spatialité de la couleur,
qui va de Giotto à Francesco Lo Savio en passant par Lucio Fontana, qu’il s’agisse
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d’envisager l’espace couleur dans la limite du tableau ou bien à travers l’espace de
l’installation.
Connu pour ses « concepts spatiaux », ses tableaux percés d’entailles ou encore ses
sculptures qu’il appelle des « natures », l’artiste italien d’origine argentine Lucio
Fontana (1899-1968), cherche à se défaire de la matière afin d’approcher l’infini. Dès
1946 il formule les principes d’une théorie nouvelle qu’il nomme spatialisme, qui fixe
les bases d’un art délivré des contingences de la matière, de l’espace et du temps.
La découverte de l’astrophysique, qui montre que l’Homme est infiniment petit, pris
dans le mouvement de l’Univers, est capitale pour le développement de son œuvre. Les
formes les plus abouties de sensations cosmiques chez Fontana sont ses Ambiente
spaziale (environnements spatiaux), qui abolissent les questions d’échelle, de mesure et
de temps, plongeant le visiteur dans un espace sans repère. « Je ne veux pas faire un
tableau, je veux ouvrir l’espace, créer pour l’art une nouvelle dimension, le rattacher au
cosmos, tel qu’il s’étend, infini, au-delà de la surface plate de l’image. »
Catalogue de l’exposition Le ciel comme atelier, Yves Klein et ses contemporains, notice : Les œuvres blanches : Europe,
années blanches 1950-1960, Dominique Stella
Exposition Peindre la nuit, Centre Pompidou-Metz du 13 octobre 2018 au 15 avril 2019, section La nuit m’enveloppe,
Lucio Fontana, apprivoiser le cosmos. https://www.centrepompidou-
metz.fr/sites/default/files/images/dossiers/NUITDDV2.pdf

Conquête de l’espace
En 1957, au moment de la mise en orbite par les Soviétiques du satellite Spoutnik 1,
Yves Klein réalise des globes terrestres peints en bleu IKB. Quatre ans plus tard,
lorsque Youri Gagarine revient du premier vol spatial effectué par un humain, son
témoignage confirme l’intuition de Klein : la Terre, en effet, est bleue.
Comme toute une génération d'artistes inspirée par le cosmos, Yves Klein et Takis se
passionnent et se disputent le titre du premier homme dans l’espace. En novembre
1960, la Une du Dimanche 27 novembre Le journal d’un seul jour, édité par Yves Klein,
reproduit une photographie du Saut dans le vide. On y voit le peintre s’élancer dans les
airs, du haut du pilier d’entrée d’un pavillon, à Fontenay-aux-Roses. Deux jours plus
tard, à la galerie Iris Clert, Takis réalise sa performance « L’impossible. Un homme
dans l’espace », au cours de laquelle, grâce aux pouvoirs des champs magnétiques, un
homme entre en lévitation. Si les recherches de Takis s’attacheront par la suite à
explorer l’action des énergies invisibles sur les matériaux, Klein poursuivra sa quête
obsessionnelle d’envol jusqu’à imaginer une ville immatérielle en lévitation durable,
dans son projet pour une Architecture de l’air.

Catalogue de l’exposition Le ciel comme atelier, Yves Klein et ses contemporains, notice : Les premiers hommes dans
l’espace. Yves Klein et Takis, Colette Angeli.

Ciel
Cette exposition qui aborde la thématique du ciel rassemble les artistes de l’après-
guerre jusque dans les années 1960. Mais le ciel est présent aussi chez de nombreux
artistes contemporains. Intrinsèquement lié aux notions d’air et de vide, la 14e Biennale
de Lyon intitulée Mondes flottants en 2017 et orchestrée par Emma Lavigne, en
témoigne. Le ciel au travers des notions d’infini et de cosmos a été révélé lors de
l’exposition Peindre la nuit, au Centre Pompidou-Metz en 2018.
« La contemplation d’un ciel étoilé, fenêtre ouverte sur l’univers, s’accompagne d’un
autre type de vertige, vertige de l’échelle et du point de vue, vertige cosmique. Le désir
de se relier aux étoiles, de tisser un fil d’Ariane céleste, voire de « manger les étoiles »,
que l’on retrouve à de nombreuses reprises chez les artistes au XXe siècle, fait écho au
désir de maîtriser ce mouvement cosmique permanent, tel un démiurge, ou plus
modestement, de signifier que l’on en fait partie […] L’infini du ciel étoilé ne se laisse
pas totaliser dans une image. […] l’imagination ne parvient pas à les disposer dans une
figure […]. C’est la conquête spatiale qui nous rapproche du cosmos. Microcosme et
macrocosme entrent alors en scène, l’homme y cherchant sa place ».

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