LE CRÉDIT, UN COUP DE POUCE QUIVOUS CHANGE - Journée sans crédit
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Le regroupement de crédits et les frais bancaires LE CRÉDIT, BANQUIE REMBOURSEMEN R FActure UN COUP DE POUCE D ET TE T S QUI VOUS CHANGE LALERecommandations VIEREGROUPEMENT DE CRÉDITS 2018 Editeur responsable : M. Van Dieren, rue du Lombard 8, 5000 Namur - 2018 plus d’infos sur www.journeesanscredit.be
TABLE DES MATIERES INTRODUCTION Regroupement de crédits, rachat de crédits, consolidation, restructuration de crédits, … la solution au surendettement ? .............................................................................................. 5 Frais bancaires et service bancaire de base : à quel prix ? ......................................................................................................... 6 1ère PARTIE : L ES REGROUPEMENTS DE CRÉDITS Constats à partir de 5 exemples concrets tirés de nos dossiers ............................................................................................. 8 RECOMMANDATIONS 1. L utter contre le démarchage et les sollicitations intempestives .......................................................................... 10 qui incitent les consommateurs les plus vulnérables à s’endetter toujours plus 2.Interdire les publicités qui incitent le consommateur ............................................................................................... 14 à utiliser sa réserve de crédit ou à demander une augmentation de sa ligne de crédit 3. Mieux informer le consommateur sur le coût d’un regroupement de crédits ............................................ 16 4. M ettre fin aux abus liés aux assurances de solde restant dû imposées .......................................................... 19 5. Mettre fin aux effets pervers du zérotage ........................................................................................................................ 24 6. Améliorer les informations enregistrées dans la Centrale des crédits aux particuliers .......................... 26 2ème PARTIE : FRAIS BANCAIRES ET SERVICE BANCAIRE DE BASE RECOMMANDATIONS 1. Plus de transparence .................................................................................................................................................................... 30 2. Lutter contre l’augmentation constante des frais bancaires .................................................................................. 33 3. Un meilleur accès à l’information pour les personnes fragilisées ....................................................................... 35 4. Évaluer, promouvoir et améliorer le service bancaire de base ............................................................................. 37 Recommandations JSC - Novembre 2018 3
INTRODUCTION BANQUIER Regroupement de crédits, rachat de crédits, consolidation, restructuration de crédits, … la solution au surendettement ? « Simplifiez-vous la vie avec le regroupement de crédits. Centralisez toutes vos dettes en un seul prêt à taux réduit et donnez de l’air à votre budget »1 « Économisez jusqu’à -60 % sur vos mensualités » « Regroupez et diminuez vos mensualités avec le rachat de crédits » « Le rachat de crédits vous permet de dépasser vos problèmes de surendettement » Comme on peut le constater sur de nombreux sites internet, le regroupement de crédits est bien souvent vanté comme LA solution au surendettement. Les propositions de regroupement de crédits abondent de toute part et bon nombre de consomma- teurs en difficulté se laissent convaincre par les arguments avancés : des mensualités moins élevées, un taux plus avantageux, une gestion simplifiée avec un seul interlocuteur, une seule mensualité à payer et une seule date d’échéance, avec – pourquoi pas – en prime une « épargne » et une hausse de pouvoir d’achat ... de quoi retrouver le sourire, non ?!? Mais, comme nous le verrons dans les exemples tirés de nos dossiers ci-dessous, la réalité est parfois très éloignée de la publicité … des coûts décuplés (que ce soit à cause de la durée de rembourse- ment, des taux d’intérêts appliqués ou des frais supplémentaires comptabilisés), des regroupements 1 https://www.credafin.be/regroupement-de-credits Recommandations JSC - Novembre 2018 5
de crédits accordés sans analyse de solvabilité correcte, des mensualités impossibles à respecter à court ou à long terme au vu de la situation financière du ménage, … Il faut dire que le regroupement de crédits cible clairement des consommateurs qui sont déjà fragi- lisés et qui, guidés par l'urgence, signent la première offre qu'ils reçoivent. Il va leur donner l’illusion que leurs ennuis financiers seront réglés et qu’ils vont même pouvoir réaliser une économie alors qu’il n’en est rien ! Bien au contraire ! Il faut souligner aussi qu’il est quasi impossible pour le consommateur de comparer le coût réel du regroupement proposé par rapport à celui de ses crédits en cours, surtout lorsqu’il s’agit d’ouver- tures de crédit. Dans certains cas, les consommateurs ont conscience de poser un mauvais choix financier au mo- ment même de la signature mais pensent qu'il s'agit de la "moins mauvaise solution". Pourtant, il existe souvent d’autres solutions plus pertinentes pour les personnes en situation de surendettement : le recours aux services de médiation de dettes, le plan de paiement qui peut être obtenu devant le juge de paix ainsi que le règlement collectif de dettes. Mais, elles sont malheureu- sement trop peu connues. Frais bancaires et service bancaire de base : à quel prix ? Le 17 mars 2018, Le Soir2 relatait que les frais bancaires n’avaient cessé d’augmenter depuis les années 1990, période où leur tarification a démarré en Belgique. Actuellement, un ménage belge débourserait ainsi en moyenne 51,60 euros par an pour ce poste du budget, selon les chiffres publiés par le SPF Économie dans le cadre de l’enquête fournie par Statbel. En Wallonie, le coût des frais bancaires annuels par ménage était de 5,00 euros en 1978-1979 contre 72,00 euros en 20103. Outre leur augmentation constante, les frais varient d’une banque à l’autre et manquent de trans- parence. Difficile dès lors pour le consommateur de s’y retrouver et de comparer afin de choisir la meilleure formule tarifaire ! Par ailleurs, les acteurs de terrain de la lutte contre le surendettement constatent dans le chef des personnes fragilisées, un manque d’accès aux informations liées à leurs comptes en banque (tarif et conditions générales) et à leurs extraits de compte. Enfin, le service bancaire de base, qui existe depuis 2003 et est censé offrir un service minimum à moindre coût, ne semble pas vraiment plébiscité par les banques belges. Une amélioration de l’information quant à l’existence de ce service bancaire de base constituerait pourtant une solution simple et pratique afin de répondre aux besoins des personnes les plus dému- nies, pour autant que ce service de base rencontre encore leurs attentes. 2 http://www.lesoir.be/146006/article/2018-03-17/un-menage-belge-paie-en-moyenne-5160-euros-par-de-frais-bancaires, consulté le 17 août 2018. 3 Selon les derniers chiffres de l’enquête sur le budget des ménages réalisée par Statbel. Recommandations JSC - Novembre 2018 6
1ère partie Les regroupements de crédits : CONSTATS ET RECOMMANDATIONS Recommandations JSC - Novembre 2018 7
CONSTATS à partir de 5 exemples concrets tirés de nos dossiers EXEMPLE 1 : Le regroupement de crédits entraîne un surcoût En septembre 2017, Monsieur et Madame X prennent contact avec leur agence bancaire pour obte- nir un complément de crédit pour des travaux de rénovation d’un montant de 25.000 euros. A cette époque, ils ont trois crédits en cours, consentis à l’occasion de travaux antérieurs. Deux de ces crédits étaient presque totalement payés. Le coût total des différents crédits pour la durée restant à courir s’élevait à un peu moins de 3.500 euros. Plutôt que de leur octroyer un nouveau crédit, l’agence leur conseille de regrouper leurs crédits. L’argument principal avancé est que la mensualité après regroupement sera inférieure au total des mensualités des prêts existants avec un prêt à la rénovation supplémentaire. Quand on y regarde de plus près, le regroupement de crédits a entrainé en réalité un surcoût de plus de 25.000 euros : • En raison du paiement de trois indemnités de remploi (d’un montant légal correspondant à 1% du capital à rembourser) • En raison de l’allongement de la durée • Et en raison du taux d’intérêt bien plus élevé de ce dernier crédit Le coût total du regroupement de crédits est de 34.231,60 euros alors que s’ils avaient obtenus (comme demandé) un crédit supplémentaire pour un crédit rénovation de 25.000 euros, le coût to- tal au TAEG annoncé sur le site de la banque de 4,20 % aurait probablement été de l’ordre de 5.546 euros. Pour plus de détails sur l’analyse du coût de cet exemple, voyez ci-dessous au point 3 de nos recom- mandations. EXEMPLE 2 : Le regroupement entraine une augmentation significative de la durée du crédit et du montant total à rembourser Suite à un divorce, Monsieur M. a été victime d’un grave accident du travail. N’ayant plus qu’un seul revenu, il a dû faire face à des problèmes de revenus temporaires. Monsieur M. est propriétaire d’un immeuble qu’il donne en location à son fils (moyennant un loyer modique). Afin de combler son manque de ressources passager, il a été amené à contracter plusieurs crédits à la consommation. Ces derniers totalisaient un montant à rembourser supérieur à 30.000 euros. Une société de prêt a alors proposé à Monsieur M. de regrouper ses crédits pour un montant encore supérieur (« afin d’avoir une marge de sécurité »). C’est donc un contrat de 48.000 euros que s’ap- prêtait à signer Monsieur M. Après analyse du dossier, il s’avère que le montant total qui aurait dû alors être remboursé, s’élevait à près de 110.000 euros ; une inscription hypothécaire étant prévue. Certes les mensualités proposées étaient plus faibles mais la durée du crédit (20 ans) et le montant à rembourser avait plus que doublé. En outre, en cas de difficultés, Monsieur M. aurait pu perdre son immeuble … Recommandations JSC - Novembre 2018 8
EXEMPLE 3 : Aucune enquête de solvabilité n’est réalisée préalablement à l’octroi du regrou- pement de crédits. Malgré une diminution de la mensualité, le consommateur est incapable de rembourser ce nouveau crédit. Madame avait trois crédits en cours auprès de la banque B. et venait d’acheter une voiture d’oc- casion pour remplacer sa voiture, laquelle avait déjà été achetée à crédit et dont il restait encore 12.282 euros à payer. Elle n’était plus capable de faire face à ses crédits, sa situation professionnelle n’ayant pourtant pas changé. En 2016, la banque R. lui conseille un regroupement de crédits. Les trois crédits en cours ont été listés par la banque comme suit : • Le nouveau crédit voiture de 5.000 euros n’est pas repris. Les charges de Madame ne sont pas mentionnées, aucune enquête de solvabilité n’a été transmise au service de médiation de dettes qui est intervenu par la suite. • Le nouveau crédit a été octroyé aux conditions principales suivantes : • Le but mentionné est « trésorerie » alors qu’il s’agit de toute évidence d’un regroupement de crédits. Le nouveau crédit a donc servi à rembourser les deux prêts (soit un montant de 22.006 euros d’après les documents fournis ci-dessus) ainsi que l’ouverture de crédit. Pourtant, le montant accordé est bien plus élevé. Il s’élève à 29.572,20 euros. Le coût total de ce regroupement de crédits est de 8.072,20 euros. Hormis son ouverture de crédit et son crédit voiture, Madame paie 100 euros de moins chaque mois mais, malgré ce regroupement de crédits, elle est restée incapable de faire face à ses charges. EXEMPLE 4 : Le regroupement de crédits ne rembourse qu’une partie des prêts accordés, le total de ce qui reste à rembourser est trop élevé par rapport aux ressources Les revenus du ménage s’élèvent à 975,00 euros ainsi que les allocations familiales. Le crédit octroyé a pour but la consolidation de crédits. La mensualité est de 548,61 euros par mois et va servir à rem- bourser deux ouvertures de crédit et un prêt à tempérament ; il reste encore 3 ouvertures de crédit qui ne sont pas remboursées ni clôturées ! Si on prend uniquement en compte le loyer et le crédit sans les allocations familiales, il reste à l’ensemble de la famille 7 euros/jour pour vivre … et trois ouvertures de crédit ! EXEMPLE 5 : Pas d’analyse financière, la nouvelle mensualité proposée est trop élevée Madame est âgée de 68 ans et pensionnée quand elle contracte un prêt à tempérament auprès de la banque R. Le but mentionné est « trésorerie ». Il s’agit pourtant clairement d’un regroupement de prêts. Le prêt octroyé va servir à rembourser un prêt dont la mensualité est de 889,26 euros et deux ouvertures de crédit. Le montant emprunté est de 50.000 euros et le coût total est de 71.770,44eu- ros. L’emprunt est échelonné sur 84 mensualités de 854,41euros. Les revenus pris en compte par le prêteur sont les suivants : 1330,00 euros de pension et 300, 00 euros supplémentaires sous la rubrique « revenus autres » – Madame avait mentionné qu’elle faisait « de temps à autre » du baby-sitting (sic), soit 1630,00 euros par mois. Les charges prises en compte par le prêteur : aucune charge n’est mentionnée. Outre le fait que les revenus sont clairement gonflés, on s’aperçoit quand on additionne les mensua- lités des 2 crédits (le crédit demandé et le crédit hypothécaire de Madame soit 436,37 + 854,41 = 1.290,78 euros), qu’il reste à peine un solde de 11,30 euros par jour pour faire face à l’ensemble de ses charges (nourriture, gaz, électricité, santé, …). Recommandations JSC - Novembre 2018 9
1 Lutter contre le démarchage et les sollicitations intempestives qui incitent les consommateurs les plus vulnérables à s’endetter toujours plus Nous constatons de plus en plus fréquemment dans nos dossiers que les consommateurs fragilisés sont victimes de méthodes agressives et/ou déloyales et ce malgré les nombreuses avancées légis- latives obtenues sur la question du démarchage. Bien souvent, lorsque le consommateur se rend chez le prêteur ou l’intermédiaire, ce n’est pas automatiquement pour obtenir un rachat ou un re- groupement de crédits. Cette formule lui sera cependant souvent suggérée par le prêteur ou l'inter- médiaire. Dans ce cas, il est souvent laissé entendre au consommateur qu'un crédit supplémentaire ne sera pas accepté par le prêteur et que le regroupement est la seule solution pour disposer d'un supplément de crédit. Dans un dossier, il nous a été relaté que : « À chaque rencontre, Monsieur Y, gérant de l’agence, nous proposait un prêt, qui rachetait l’autre et l’assortissait d’un contrat d’assurance solde restant dû. Jamais nous n’avions précisé le montant qui nous était nécessaire ; c’était Monsieur Y qui déterminait lui-même le montant qu’il pourrait obtenir. La seule question que Monsieur Y posait était invariablement la même : « est-ce que rien n’a changé ? ». Non, rien ne changeait, notre situation financière était inchangée depuis l’époque où j’ai été victime d’une rechute suite à un accident de travail. Une légère amélioration s’est produite quand ma femme a été pensionnée et c’est alors aussi que Monsieur Y nous a pro- posé un prêt plus important. À chaque fois, Monsieur Y spécifiait que j’étais prépensionné alors qu’il connaissait notre ré- alité. Notre compte à vue était ouvert auprès de son agence ; il connaissait ainsi l’origine de nos revenus : allocation de chômage, pension d’accident de travail et rente émanant du Fonds d’Accident de travail, pension de retraite (pour ma femme). Lors de la 2ème visite et lors des suivantes, nous avons fait remarquer à Monsieur Y que le montant des mensualités était bien supérieur à celui que la publicité nous précisait ; il arrivait toujours à nous convaincre qu’il avait agi pour notre bien. Ses propos étaient les suivants : « S’il doit y avoir un problème, revenez ! Je vous arrangerai cela ! » et « Au plus bas sera la mensualité, au plus d’intérêts vous payerez ». Sous le charme de Monsieur Y et lui faisant confiance, nous repartions toujours satisfaits. Nous le considérions comme le gestionnaire de nos finances qui agissait en bon père de fa- mille et en sauveur lorsque nous étions confrontés à une facture inattendue. Nous ne parlions jamais du montant qui nous était nécessaire ; il comprenait tout de suite notre problème. Nous ne pouvions qu’avoir confiance en cette personne car elle était gentille et avenante. Jusqu’au jour où nous n’avons plus pu assurer les remboursements. C’est alors que nous avons compris que ses conseils étaient loin d’être judicieux ; au contraire, il nous a enfoncés dans la spirale du surendettement ». Plus grave encore, sur le terrain, de plus en plus de personnes nous disent avoir été contactées directe- Recommandations JSC - Novembre 2018 10
ment par les prêteurs et/ou intermédiaires de crédit qui leur proposent (alors qu’elles n’ont fait aucune demande en ce sens) de regrouper leurs crédits, ou encore d’augmenter leur ligne de crédit existante. Le témoignage en caméra cachée d’un employé de BEOBANK enregistré l’année dernière par la RTBF4 est éloquent et confirme les dires des personnes en situation de surendettement que nous rencontrons : « On essaye par la suite de les amener dans une philosophie de crédit permanent en les re- lançant constamment » ; « Quand ils sont au maximum de leur ouverture de crédit on leur propose une reconsolidation (regroupement de crédits) » ; … Malheureusement, à l’heure actuelle, la loi n’interdit expressément que le démarchage « physique » sous forme d’une visite au domicile du consommateur. Ainsi, ce type de démarchage au domicile du consommateur n’est autorisé que s’il y a eu une demande expresse et préalable du consommateur5. La loi interdit donc de téléphoner au consommateur pour lui proposer une visite ayant pour but de souscrire un contrat de crédit. Par contre, la pratique très courante qui consiste à téléphoner au consommateur pour lui proposer directement un nouveau crédit (qui lui sera envoyé ensuite par la poste) n’est pas visée explicitement par la loi. De même que la pratique qui consiste à appeler le consommateur pour le faire venir à l’agence signer un nouveau crédit n’est pas visée non plus. Autre constat de plus en plus courant : l’envoi au consommateur - qui n’a rien demandé - de « pro- positions » de contrats pré-remplies et parfois déjà signées par le prêteur. Dans la pratique, on voit qu’il suffit au consommateur de signer cette proposition et de la retourner par la poste pour se voir octroyer un nouveau crédit quelques jours plus tard. Exemple : « Après signature de la présente proposition et acceptation par Cofidis le présent document deviendra le contrat de crédit » Ici non plus, la loi n’est pas suffisamment explicite puisque seul l’envoi d’une offre définitive est interdit. Pourtant dans les travaux préparatoires, le démarchage est présenté de manière beaucoup plus large comme toute action non souhaitée qui vise le consommateur (tels que les appels téléphoniques ou les envois d’offres de crédit non sollicitées, etc)6». De même, la législation européenne, et plus particulièrement la directive « Pratiques Commerciales Déloyales » (DPCD), protège déjà en principe les consommateurs contre les sollicitations répétées et non souhaitées par téléphone, télécopieur, courrier électronique ou tout autre outil de commu- nication à distance7. Elle prévoit, en outre, qu’en matière de services financiers, les États membres peuvent imposer des exigences plus restrictives ou plus rigoureuses que celles déjà prévues8 vu « le risque financier 4 Voyez le reportage sur le site de la journée sans crédit : http://www.journeesanscredit.be/page/la-journee-sans-credit 5 Article VII.67.1°du Code de Droit Economique: Cette disposition a pour but d’éviter que le consommateur ne soit incité par le prêteur ou l’inter- médiaire à contracter un crédit. L’initiative doit venir de lui et de lui seul. La preuve de la demande du consommateur doit être rapportée par un écrit ou un support durable distinct du contrat de crédit et antérieur à la visite. 6 Voyez l’exposé des motifs, Doc.parl., Ch. Repr., 2013-2014, 3429/01, p. 25. « une action non souhaitée de l’intermédiaire de crédit et/ou du prêteur qui vise le consommateur, par exemple par une action d’enquête via un call-center, une visite à domicile, etc., et donc pas d’une demande émanant du consommateur même qui est adressée à un intermédiaire de crédit et/ou au prê- teur pour obtenir un nouveau crédit. (...). Lorsque le prêteur sollicite à distance sa clientèle existante ou sa nouvelle clientèle avec des offres de crédit non sollicitées, cela doit être assimilé à du démarchage. Pour le reste, le consommateur peut parfaitement introduire lui-même de manière autonome des demandes de crédit à distance également par téléphone » 7 Point 26 de l’annexe I de la directive Pratiques Commerciales déloyales (DPCD) 8 Article 3, paragraphe 9 de la directive Pratiques Commerciales déloyales (DPCD): «Pour ce qui est des “services financiers”, au sens visé par la directive 2002/65/CE, et des biens immobiliers, les États membres peuvent imposer des exigences plus restrictives ou plus rigoureuses que celles prévues par la présente directive dans le domaine dans lequel cette dernière vise au rapprochement des dispositions en vigueur.» Ainsi, il ressort de cet article que les règles qu’il énonce n’assurent qu’une harmonisation minimale des services financiers et des biens immobiliers. Les États membres peuvent donc adopter des règles nationales plus restrictives ou plus rigoureuses tant que celles-ci sont en conformité avec le droit de l’Union. Considérant 9 «Eu égard à leur complexité et aux graves risques qui leur sont propres, les services financiers et les biens immobiliers doivent faire l’objet de prescriptions détaillées, y compris l’instauration d’obligations positives à respecter par les professionnels. C’est la raison pour laquelle, s’agissant des services financiers et des biens immobiliers, la présente directive s’applique sans préjudice de la faculté pour les États membres d’adopter des mesures qui Recommandations JSC - Novembre 2018 11
plus élevé auquel seraient exposés les services financiers et les biens immobiliers (par rapport aux autres biens et services); la particulière inexpérience des consommateurs dans ces domaines (alliée au manque de transparence, notamment des transactions financières); les grandes vulnérabilités présentes dans les deux secteurs, qui rendent les consommateurs sensibles aux pratiques promotionnelles et aux pressions9 ». C’est ce que divers autres États membres ont fait en interdisant les appels de prospection à l’impro- viste, les courriels non sollicités, le démarchage à domicile pour les prêts hypothécaires10. Notons que cette directive prévoit également en son article 5 que les « consommateurs vulnérables »11 devraient bénéficier d’un niveau de protection plus élevé que le « consommateur moyen ». Ainsi, dans une affaire portant sur l’omission d’informations substantielles par une institution de cré- dit, l’Autorité hongroise de la concurrence a considéré que les consommateurs qui avaient été exclus par des institutions de crédit en raison de leur faible capacité de paiement étaient particulièrement vulnérables à une offre spécifique12. aillent au-delà des dispositions de la présente directive, pour protéger les intérêts économiques des consommateurs.» 9 Voir le rapport de 2013 de la Commission sur l’application de la directive http://ec.europa.eu/justice/consumer-marketing/files/ucpd_report_fr.pdf, section 3.4.3. 10 Voir l’étude «Study on the application of the Unfair Commercial Practices Directive to financial services and immovable property» menée pour le compte de la Commission européenne, DG Justice, 2012, disponible à l’adresse suivante: http://ec.europa.eu/justice/consumer-marketing/ document. L’étude a montré que cette faculté a été largement utilisée par les États membres. L’étude a constaté qu’un nombre important d’in- terdictions concerne surtout la vente directe et les pratiques promotionnelles, par exemple, interdiction des appels de prospection à l’improvis- te, des courriels non sollicités, du démarchage à domicile pour les prêts hypothécaires. 11 Le considérant 19 du préambule clarifie l’interprétation de cet article : alors que l’article 5, paragraphe 3, paraît qualifier les consommateurs de vulnérables uniquement en raison «d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité», le considérant 19 énonce une liste non exhaustive de caractéristiques qui rendent un consommateur «particulièrement vulné- rable : Lorsque certaines caractéristiques, telles que l’âge, une infirmité physique ou mentale ou la crédulité, rendent un groupe particulier de consommateurs particulièrement vulnérable à une pratique commerciale ou au produit qu’elle concerne, ou lorsque le comportement économique de ce seul groupe de consommateurs est susceptible d’être altéré par cette pratique d’une manière que le professionnel peut raisonnablement prévoir, il y a lieu de veiller à ce que ce groupe soit suffisamment protégé, en évaluant la pratique en cause du point de vue du membre moyen de ce groupe. 12 Décision Vj-5/2011/73 de l’Autorité hongroise de la concurrence, 10 novembre 2011. Recommandations JSC - Novembre 2018 12
RECOMMANDATION Mieux encadrer les nouvelles techniques de démarchage (par courrier, par téléphone et par internet notamment) et l’envoi d’offres de crédit qui incitent les consomma- teurs à s’endetter toujours plus Modifier l’article VII.67du Code de droit économique comme suit : Art. VII.67. Le démarchage pour des contrats de crédit est interdit. Est notamment considéré comme du démarchage : 1° la visite, ainsi que l’approche du consommateur par tout moyen de communication, du prêteur ou de l'intermédiaire de crédit, au domicile, à la résidence ou au lieu de travail du consomma- teur, ainsi qu'au domicile ou à la résidence d'un autre consommateur, à l'occasion de laquelle une offre de crédit est formulée ou une demande de crédit ou un contrat de crédit est soumis à la signature du consommateur, sauf s’il y a eu si le prêteur ou l'intermédiaire de crédit s'y est rendu à la demande expresse et préalable du consommateur. La preuve de cette demande ne peut être faite que par un support durable distinct de l'offre de crédit, du formulaire de demande de crédit ou du contrat de crédit et antérieur à la visite; 2° l'approche du consommateur par le prêteur ou l'intermédiaire de crédit afin de lui proposer une visite 3° l'approche du consommateur, par tout moyen de communication, par le prê- teur ou l'intermédiaire de crédit afin de lui proposer une augmentation du mon- tant de son crédit ou un regroupement ou une centralisation de ses crédits en cours; 4°3° l'envoi au consommateur, par tout moyen de communication, d'une offre de cré- dit, d'un moyen de crédit ou d'un instrument de paiement ou d’une proposition de contrat de crédit sous condition suspensive de l’accord du prêteur sauf si le prêteur ou l'inter- médiaire de crédit l'a fait parvenir à la demande expresse et préalable du consomma- teur à moins que cet envoi n'ait été fait pour répondre aux obligations du prêteur en ver- tu des dispositions prévues au chapitre 2 du titre 3 du livre VI. La preuve de cette demande ne peut être faite que par un support durable, distinct de l'offre de crédit ou du contrat de crédit et antérieur à l'envoi de l'instrument de paiement, du moyen de crédit ou de l'offre; (…) BANQUIER Recommandations JSC - Novembre 2018 13
2 Interdire les publicités qui incitent le consommateur à utiliser sa réserve de crédit ou à demander une augmentation de sa ligne de crédit Sur le terrain, on constate que les consommateurs qui ont conclu une ouverture de crédit (lors d’un achat avec TAEG à 0 % par exemple) reçoivent régulièrement chez eux des publicités personnalisées les incitant à utiliser sans attendre « leur nouvelle réserve d’argent » pour d’autres dépenses (pour- quoi ne pas partir en vacances, alléger la rentrée, se faire plaisir…) ou encore leur proposant de demander une augmentation du montant de leur ligne de crédit. De plus en plus de consommateurs nous expliquent également qu’ils ont été appelés par le prêteur qui leur a proposé d’augmenter leur ligne de crédit. Nous estimons que ces pratiques incitent le consommateur au surendettement. Elles s’apparentent à du démarchage sans demande expresse et préalable du consommateur et devraient être totale- ment interdites. Recommandations JSC - Novembre 2018 14
RECOMMANDATION Interdire les publicités qui incitent le consommateur à utiliser sa réserve de crédit ou à demander une augmentation de sa ligne de crédit Nous plaidons pour que les publicités qui démarchent un consommateur ayant signé une ouverture de crédit afin de l’inciter à utiliser sa réserve de crédit ou à demander une augmentation de sa ligne de crédit soient assimilées à du démarchage à domicile sans demande expresse et préalable du consommateur et soient interdites. Ceci implique de modifier l’article VII.65 du Code de droit économique comme suit : Art. VII.65. [1 § 1er. Est interdite toute publicité pour un contrat de crédit qui est axée spécifique- ment sur : 1° l'incitation du consommateur, dans l'impossibilité de faire face à ses dettes, à recourir au crédit ou à augmenter sa ligne de crédit; 2° la mise en valeur de la facilité ou de la rapidité avec lesquelles le crédit peut être obtenu; 3° l'incitation à l’utilisation de son ouverture de crédit, à l’augmentation du montant du crédit, au regroupement ou à la centralisation des crédits en cours ou qui précise que les contrats de crédit en cours n'ont pas ou peu d'influence sur l'appréciation d'une demande de crédit. Recommandations JSC - Novembre 2018 15
3 Mieux informer le consommateur sur le coût d’un regroupement de crédits Le regroupement de crédits n’intervient généralement que lorsque le consommateur est en situa- tion de détresse : c’est-à-dire quand il ne parvient plus à assumer le(s) crédit(s) déjà conclu(s). Les mensualités qu’il doit respecter sont trop élevées compte tenu de ses rentrées financières et l’em- prunteur se sent alors étouffé. Cette impression d’asphyxie peut notamment trouver sa cause dans l’accumulation de crédits oc- troyés au consommateur, voire dans le changement de la situation personnelle de ce dernier (baisse de revenu, changement de la situation familiale, …) Dès lors, lorsqu’un consommateur se rend auprès d’un prêteur ou d’un intermédiaire de crédit (ou est contacté par celui-ci) dans le but d’obtenir un regroupement de crédits, ce dernier se trouve dans une position de force : il sait en effet que, bien souvent, l’emprunteur effectue cette démarche dans le but de diminuer la charge mensuelle de ses crédits en cours. Malheureusement, nous constatons dans nos dossiers que certains professionnels vont profiter de cette situation pour imposer des conditions désavantageuses à l’emprunteur et l’enfoncer davan- tage dans la spirale du surendettement. Exemple : En septembre 2017, Monsieur et Madame X prennent contact avec leur agence bancaire pour obtenir un complément de crédit pour des travaux de rénovation d’un montant de 25.000 euros. A cette époque, ils disposent de trois crédits en cours, déjà consentis à l’occasion de travaux antérieurs, à savoir : - Un prêt à tempérament de 2016 pour un montant de 35.000 EUR au taux débiteur nominal de 2,22 % remboursables par mensualités de 325,61 euros sur une durée de 10 années; - Un prêt à tempérament de 2015 pour un montant de 8.000 EUR au taux débiteur nominal de 4,11 % remboursables par mensualités de 181,06 euros sur une durée de 4 années ; - Un prêt à tempérament de 2013 pour un montant de 11.500 EUR au taux débiteur actuariel de 4,49 % remboursables sur 5 années par mensualités de 213,87 euros ; ce crédit venait à échéance au mois d’août 2018. Deux de ces crédits étaient presque totalement payés. Le coût total des différents crédits pour la durée restant à courir s’élevait à un peu moins de 3.500 euros. Plutôt que d’octroyer un nouveau crédit, l’agence leur conseille plutôt de regrouper leurs crédits et leur adresse une offre de crédit d’un montant global de 65.000 euros pour une durée de 10 années rembour- sables par mensualités de 826,93 euros au taux débiteur de 9,49 %. L’argument principal avancé est que la mensualité après regroupement, soit 826,93 euros est inférieure au total des mensualités des prêts existants avec un prêt à la rénovation supplémentaire de 26.586 eu- ros, soit 721 +270,70 euros = 991,70 euros. Quand on y regarde de plus près, le regroupement de crédit a entrainé en réalité un surcoût de plus de 25.000 euros : - En raison du paiement de trois indemnités de remploi (d’un montant légal correspondant à 1% du capital à rembourser) - En raison de l’allongement de la durée et du taux d’intérêt bien plus élevé : Ainsi, le coût total du regroupement de crédit est de 34.231,60 euros alors que celui d’un crédit supplé- Recommandations JSC - Novembre 2018 16
mentaire de 25.000 euros au TAEG annoncé sur le site de la banque de 4,20 % aurait probablement été de l’ordre de 5.546 euros. Plusieurs arguments sont avancés par les professionnels du crédit pour encourager les regroupe- ments de crédits, parmi lesquels : - Le regroupement de crédits permet de diminuer la mensualité (alors que ce n’est pas for- cément le cas), et donc d’alléger le budget du consommateur qui disposera alors de plus de marge chaque mois. - Le regroupement de crédits permet de n’avoir qu’un seul intermédiaire. Il n’y a plus qu’une seule mensualité à payer, à une seule personne. La gestion de son crédit et de son budget est donc rendue plus aisée pour le consommateur. - Le regroupement de crédits peut s’avérer plus onéreux mais permet d’éviter de payer des mensualités en retard pour les crédits déjà existants. Il n’y a donc plus de frais de retard ou indemnité à payer et cela permet d’éviter d’être fiché à la Centrale des Crédits aux Particu- liers. - Le regroupement de crédits permet d’obtenir un montant supplémentaire au moment de la signature du regroupement de crédits, et ceci sans besoin de justifier l’utilisation de ce nou- veau montant d’argent disponible. - Le regroupement de crédits permet éventuellement aussi d’obtenir un TAEG plus intéressant que celui pratiqué sur les crédits déjà en cours. Obtenir un TAEG plus intéressant est un argument de vente déterminant pour le consommateur. Toutefois, un TAEG plus intéressant ne veut pas dire que le crédit est toujours plus intéressant. Le TAEG permet de comparer deux crédits aux caractéristiques identiques (montant, durée, type d’amortissement) et ce au moment de la conclusion du contrat. Lorsque les crédits ont des carac- téristiques différentes, le TAEG ne permettra pas d’indiscutablement définir quel crédit privilégier. Il est donc préférable de regarder quel est le coût total du crédit. Or, comme le regroupement de crédits a très souvent pour effet l’allongement de la durée du crédit, le coût total du crédit va obligatoirement être plus élevé. Or, il est quasi impossible pour un consommateur lambda de s’en rendre compte. Le calcul du coût total du crédit nécessite des calculs complexes.13 En outre, pour les ouvertures de crédit, il n’est même pas possible de calculer le coût total du crédit tel qu’il sera réellement. Le coût total de ce type de contrat dépendra en effet des prélèvements et des remboursements qui seront réalisés tout au long de la durée du crédit. Il n’est alors possible de se baser que sur des hypothèses fictives pour déterminer un possible coût total du crédit. De plus, le regroupement de crédits implique des coûts supplémentaires pour le consommateur : - Celui-ci devra payer une indemnité de remploi pour chaque crédit qu’il remboursera. - Le TAEG du regroupement de crédits sera dans bien des cas plus élevé. Et même avec un TAEG inférieur, l’allongement de la durée du crédit aura pour conséquence l’augmentation du coût total du crédit. Le consommateur paiera donc bien souvent plus cher dans les 2 cas. - Le regroupement de crédits sera l’occasion pour le prêteur ou l’intermédiaire de crédit d’im- poser la prise d’une assurance solde restant dû. (Voir point suivant) 13 L’information est parfois disponible pour le consommateur sur certains tableaux d’amortissement de prêt à tempérament Recommandations JSC - Novembre 2018 17
RECOMMANDATION Mieux informer le consommateur sur le coût total d’un regroupement de crédits La plateforme Journée sans crédit plaide pour que la FSMA informe le consommateur des dangers liés au regroupement de crédits et crée un outil de comparaison qui sera mis à disposition des consommateurs. Cet outil permettrait aux consommateurs de calculer le coût total d’un regroupe- ment de crédits en tenant compte de l’ensemble des éléments utiles (indemnité de remploi, durée, mensualité, TAEG, etc) et de pouvoir ainsi le comparer avec le coût de leurs crédits en cours. BANQUIER Recommandations JSC - Novembre 2018 18
4 Mettre fin aux abus liés aux assurances de solde restant dû imposées • Ces assurances sont bien souvent imposées au consommateur Nous constatons, dans nos dossiers, que le regroupement de crédits sera souvent l’occasion pour le prêteur ou l’intermédiaire de crédit de faire signer au consommateur un contrat d’assurance solde restant dû. Ce type d’assurance permet, le cas échéant, la prise en charge du crédit par l’assureur lorsque sur- vient un décès, une perte d’emploi, une maladie ou encore une incapacité de travail. La loi impose un prix maximal pour un crédit.14 Cette limite est matérialisée par un taux que le contrat de crédit ne peut dépasser, le TAEG maximal. Le calcul du TAEG est déterminé par plusieurs paramètres, dont l’assurance solde restant dû. Si un prêteur ou un intermédiaire de crédit impose la prise d’une assurance, son prix doit être répercuté dans le calcul du TAEG. Le professionnel du crédit a tout intérêt à proposer un TAEG le plus bas possible : d’abord parce que la loi impose une limite, ensuite car un TAEG bas sera préféré lorsqu’il sera comparé avec les offres proposées par la concurrence. Ainsi donc, afin de maintenir le TAEG le plus bas possible, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit devra bien souvent diminuer la valeur d’autres paramètres lorsqu’une assurance sera si- gnée dans le cadre d’un contrat de crédit. Les autres facteurs influençant le TAEG, tel que le taux débiteur - ou autrement dit le taux d’intérêt appliqué au crédit -, peuvent dès lors se voir influencés et diminués par la prise d’une assurance solde restant dû. Il découle de cette logique que les gains du professionnel du crédit s’en verront également impactés et amoindris. Il existe toutefois une façon pour le professionnel de se dédouaner de cette exigence. En effet, l’assu- rance doit être prise en compte dans le calcul du TAEG uniquement si elle est imposée par le prêteur ou l’intermédiaire de crédit. Tel n’est pas le cas si l’emprunteur a volontairement demandé à ajouter une assurance annexe à son prêt. Cette particularité a pour conséquence que, chez certains prêteurs ou intermédiaires de crédit, un très grand nombre de contrats d’assurance sont en réalité imposés sous le couvert d’une assurance qui se dit « facultative » ou « volontairement souscrite ». Les professionnels jouissent alors de tous les avantages sans les inconvénients : d’une part une assurance est contractée et sera payée par le consommateur et d’autre part le TAEG ne sera pas influencé par l’assurance car elle ne devra pas être prise en compte dans son calcul. Les profits s’en verront donc démultipliés car aucun des autres facteurs influençant le TAEG ne devra être revu à la baisse. Ce procédé est évidement interdit15 mais largement répandu dans la pratique. L’on rencontre très régulièrement des personnes qui sont liées par une assurance connexe à leur prêt, mais sans même le savoir : une case cochée, passée inaperçue, précise dans leurs contrats que l’assurance a été ré- clamée par le consommateur lui-même. • Ces contrats d’assurance procurent des revenus supplémentaires très élevés tant aux prê- teurs qu’aux intermédiaires Le problème est accentué par les dérives du système des commissions. En effet, en faisant signer 14 Article VII.94 du Code de droit économique 15 Articles I.9, 41°, e) et VII.87 du Code de droit économique Recommandations JSC - Novembre 2018 19
une assurance, un intermédiaire de crédit perçoit une importante commission, parfois même au-de- là de celle qu’il encaisse pour la signature d’un contrat de crédit. Ce dispositif tend évidemment à encourager les intermédiaires de crédit à faire signer des assurances au détriment parfois de leur devoir de conseil à l’égard du consommateur. Une enquête récente de la FSMA16 a ainsi montré que : « Plus de la moitié du montant des primes, soit 35 millions d’euros ou 53 %, a été affectée au paiement de frais et commissions. » « Auprès d’un assureur, les frais et commissions représentaient plus de 70 % des primes payées par les preneurs d’assurance. Les 35 % restants du montant des primes constituaient un bénéfice pour l’entreprise d’assurances, abstraction faite des éventuelles primes limitées qu’elle devait payer à un réassureur. » La FSMA constate aussi que : « Les rémunérations élevées peuvent en outre amener les vendeurs de ces assurances - qui, dans bon nombre de cas, agissent également comme vendeurs du crédit à la consommation - à ne pas suffisamment placer l’intérêt des clients au centre des préoccupations ». Ce mode de fonctionnement encourage, en effet, certains professionnels du crédit à user de mé- thodes parfois malhonnêtes voire illégales17 pour faire signer aux consommateurs une assurance complémentaire au crédit contracté. Les témoignages d’intermédiaires de crédit réalisés en caméra cachée par la RTBF pour l’émission « On n’est pas des pigeons »18 en attestent : « Quand j’arrivais à avoir une ouverture de crédit de 3.500 euros, je recevais 100 euros de prime en noir. » Il n’est donc pas surprenant que dans la pratique, nous constations que l’assurance dite « faculta- tive » a manifestement été imposée au consommateur. Exemple flagrant et fréquent dans nos dossiers : le consommateur n’a pas coché la case « oui, je souscris une assurance » alors que l’on voit que l’assurance est comptabilisée par la suite dans les relevés mensuels. Le comble est atteint quand une assurance est (soi-disant) demandée et souscrite par un consom- mateur mais que celui-ci se trouve déjà dans une situation qui l’empêcherait de faire appel à l’as- surance. Par exemple lorsqu’une personne retraitée ou au chômage contracte une assurance pour couvrir le risque de perte d’emploi, ou encore quand une personne handicapée est liée avec une assurance invalidité ou incapacité de travail. Il n’y a aucune chance pour que ces assurances puissent intervenir un jour et elles ne sont donc d’aucun intérêt pour l’emprunteur. Ces exemples, qui sont couramment constatés, démontrent que ce type de personne ne peut pas avoir demandé d’elle-même une telle assurance sans avoir été trompée par le prêteur ou l’inter- médiaire de crédit. En outre, leur qualité de professionnel leur confère un devoir de conseil qui ne peut qu’avoir fait défaut ici.19 Ce genre d’assurances ne peut manifestement pas avoir été librement demandé par une personne lucide ou éclairée. Par ailleurs, il a été démontré que seul un nombre insignifiant d’assurances était activé.20 16 https://www.fsma.be/fr/news/enquete-sur-les-assurances-de-solde-restant-du-proposees-dans-le-cadre-de-credits-la 17 La pratique qui consiste à rémunérer l’intermédiaire de crédit (le vendeur) en fonction du montant du crédit octroyé est contraire à l’article VII. 144 du CDE qui prévoit que la rémunération de l’intermédiaire doit être fixée de manière à éviter les conflits d’intérêts. Elle ne peut pas porter préjudice au devoir de conseil de l’intermédiaire, à la capacité de servir au mieux les intérêts du consommateur et, en particulier, ne peut pas dépendre des objec- tifs de vente. 18 Vous pouvez visionner l’émission sur le site de la journée sans crédit www.journeesanscredit.be 19 Article VII.75 du Code de droit économique et article 277, §1er de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances 20 https://www.fsma.be/fr/news/enquete-sur-les-assurances-de-solde-restant-du-proposees-dans-le-cadre-de-credits-la Recommandations JSC - Novembre 2018 20
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