Le paradisier ou oiseau de paradis - Découverte et légendes, XVIe-XVIIIe siècles - Université ...

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Le paradisier ou oiseau de paradis

                Découverte et légendes, XVIe-XVIIIe siècles

En 1522, après trois années de mer, le seul navire rescapé de la flotte de Magellan, le Victoria,
était de retour à Séville. Parmi les trésors accumulés dans ses cales, figuraient des oiseaux
morts, naturalisés, d'une incroyable beauté. Ils arboraient un long plumage coloré, d'une
grande finesse, étaient dépourvus de pieds (apodes) et selon certaines sources d'ailes
(aptères). Ces cadeaux étaient destinés au roi d'Espagne, Charles Quint. Ils avaient été offerts
par un sultan local alors que le vaisseau mouillait au large des îles Moluques. Situées à l'ouest
de la Nouvelle-Guinée, ces dernières étaient en effet le but de l'expédition. Elles constituaient
les seules pourvoyeuses de clou de girofle dans une Europe friande d'épices. On les appelait
d'ailleurs « îles aux Épices ». Magellan avait conçu le projet de les atteindre en contournant
l'Amérique.
En 1523, ces merveilleux oiseaux étaient soumis à l'appréciation du pape Clément VII. Partout
ils suscitaient l'admiration et l'étonnement. Les représentations les plus anciennes suggèrent
qu'il s'agissait de paradisiers grand-émeraude.

Les indigènes les nommaient « oiseaux de Dieu » et le terme qu'ils employaient fut déformé
et latinisé en « manucodiata ». Ils croyaient que ces animaux venaient du Paradis, rendaient
invulnérables sur les champs de bataille (vitrine 2).
Les Européens s'emparèrent du mythe et l'amplifièrent. Ces oiseaux étaient sans pattes car ils
en étaient naturellement dépourvus. Ils volaient sans cesse, éventuellement sans ailes donc,
propulsés par la seule force de leur volonté ou poussés par les vents. Ils pouvaient s'accrocher
aux branches grâce à leurs longs filets caudaux ou se reposaient parfois sous les ombrages de
l'Eden, dont ils étaient issus. Ils se nourrissaient d'air ou de rosée, n'avaient pas d'os mais un
intérieur farci de graisse. La femelle, arrimée au mâle grâce aux filets précédemment évoqués,
pondait et couvait en plein ciel, le dos de son compagnon présentant une cavité spécialement
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destinée à cet usage, gardait ses œufs sous ses ailes ou nichait au Paradis. Une autre légende
avançait l'existence d'oiseaux de paradis « goûteurs » de fontaines, pour déjouer les tentatives
d'empoisonnement massif des autochtones.

Antonio Pigafetta, lieutenant à bord du Victoria, et des savants comme Charles de L'Écluse
eurent beau dire qu'à l'origine ces oiseaux avaient des pattes, on ne les crut pas. Le
manucodiate était le seul oiseau faisant mentir Aristote, qui avait affirmé que tous avaient des
pieds.
La plupart des hommes de science, tels Jérôme Cardan, Ambroise Paré, assuraient gravement
que le manucodiate n'en avait pas (vitrine 1). Dans l'édition de 1585 de son traité Des
monstres et prodiges, le second se vantait de posséder un paradisier. La dépouille de cet
animal, rare et prisée, devint l'ornement de tout bon cabinet de curiosités. Celui de
l'apothicaire poitevin Paul Contant en dénombrait deux (vitrine 3). Un manucodiate s'invite
au titre-frontispice de son poème Le second Eden, publié en 1628. Cet oiseau semblait en effet
un passage obligé pour qui illustrait un ouvrage traitant du Paradis terrestre (vitrine 4). Il
investit aussi les livres de devises, d'emblèmes, incarnant l'aspiration aux choses célestes
(vitrine 5).

Ces dimensions symboliques, religieuses expliquent peut-être pourquoi on a longtemps
voulu se voiler la face. Les habitants des Moluques dépouillaient ces oiseaux de leurs pattes,
pour composer des talismans, parce que les pieds griffus risquaient d'abîmer le plumage ou/et
constituaient un poids inutile sur un bateau. Autre raison avancée : ces oiseaux étaient sans
pattes car les indigènes tiraient fortement dessus pour arracher rapidement les entrailles.
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Vitrine 1
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Les livres... intitules de la subtilité / Gerolamo Cardano ; trad. Richard Le Blanc.- Paris :
Guillaume Le Noir, 1556
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, XVI 930

Publié en 1550 en latin, traduit en 1556 en français, le De subtilitate de Jérôme Cardan (1501-
1576) est la source incontournable pour le paradisier au XVI e siècle. Lorsqu'il déclare
« Aristote dit qu'il a piés », il faut comprendre qu'il a dit que tous les oiseaux avaient des
pieds. Le manucodiate étant un oiseau, il devrait en avoir. Or Cardan a pu examiner, par trois
fois, un spécimen mort et n'en a point vu. Il en déduit que le paradisier constitue l'exception.
Il s'attarde longuement sur le régime alimentaire de l'animal, éliminant successivement l'« air
pur », les « petites bestioles », la vapeur, pour ne garder que la rosée. La femelle pondrait ses
œufs dans une cavité située sur le dos du mâle, attachée à lui par des fils émergeant de sa
queue. Le Fonds ancien conserve également une édition latine de 1560 et la première édition,
de 1557, de la critique de Joseph Scaliger (1484-1558) contre l'ouvrage de Cardan,
Exotericarum exercitationum liber quintus decimus, De Subtilitate, ad Hieronymum
Cardanum. Scaliger, en possession d'une dépouille de paradisier, corrigea et compléta la
description de Cardan.
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Oeuvres / Ambroise Paré. 4e éd.- Paris : Gabriel Buon, 1585
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, Médecine 22

C'est en 1573 qu'Ambroise Paré (1509-1590) parla pour la première fois de l'oiseau de paradis,
dans le second de ses Deux livres de chirurgie, consacré, nous dit la page de titre, aux
« monstres tant terrestres que marins, avec leurs portrais ». Ce traité Des monstres et
prodiges, rédigé en français car Ambroise Paré ne maîtrisait pas le latin, a été repris dans ses
Œuvres, publiées pour la première fois en 1575 et augmentées jusqu'en 1585, date de la
dernière édition donnée de son vivant.
La description (dessus de la tête jaune d'or, gorge verte) et la gravure sur bois suggèrent un
paradisier grand-émeraude, la première espèce connue. Ambroise Paré rapporte fidèlement
les légendes attachées à cet oiseau, notamment l'absence de pied, l'alimentation à base de
rosée, la couvaison sur le dos du mâle. Il cite Jérôme Cardan. En revanche en 1579
disparaissait la mention de « l'intérieur... farcy & replet de graisse », tirée des Histoires
prodigieuses de Pierre Boaistuau, parues en 1560. Boaistuau (1517?-1566) tenait lui-même
l'information de Conrad Gesner (1516-1565), qui rapportait les propos d'un autre savant. En
1585, Ambroise Paré se vante de posséder un oiseau de paradis et plus simplement d'en avoir
vu un. L'illustration cependant ne change pas. Elle ressemble beaucoup à celle de Boaistuau,
si ce n'est que le « manucodiata » est disposé horizontalement, ce qui n'était pas encore le cas
dans l'édition séparée de 1573. Les éditions ultérieures des Œuvres de Paré conservées au
Fonds ancien (1598, 1607 ou 1614 ; 1641 ; 1664) montrent un paradisier sensiblement
identique.
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Vitrine 2
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La cosmographie universelle / André Thevet.- Paris : Guillaume Chaudière, 1575
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, XVIg 1775

Moine franciscain contre son gré, André Thévet (1516-1590) préféra lire et voyager. Il se rendit
en Espagne, au Portugal, en Italie, au Levant et, plus original, au Brésil. En 1560 il devint
cosmographe, géographe officiel, du roi. S'il n'est jamais allé aux Moluques, il rassembla des
sources pour en parler dans sa Cosmographie universelle, commencée dès 1566 et publiée en
1575.
Comme Pierre Boaistuau dans ses Histoires prodigieuses (1560), il avance que ce sont les
Mahométans qui ont fait croire aux populations locales, pour les convertir, que cet oiseau
magnifique, qu'elles voyaient toujours en vol, venait du paradis. Boaistuau évoquait lui aussi
l'usage du paradisier comme relique, censée rendre invulnérable sur les champs de batailles.
En revanche, il ne disait nul mot d'une quelconque consultation du vol des paradisiers
comme augure.
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Première Sepmaine ou Création du monde / Guillaume de Saluste Du Bartas ; comment.
Simon Goulart.- Rouen : Raphaël Du Petit Val, 1608
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, 35352

Mais tournons nostre front vers les Isles 55 Moluques
Et soudain nous verrons les merveilleux 56 Mamuques
Merveilleux, si jamais l'onde, la terre, l'air,
Vid rien de merveilleux nager courir, voler.
On ne cognoit leur nid, on ne cognoit leur pere,
Ils vivent sans manger, le Ciel est leur repaire.
Ils volent sans voler, & toutesfois leur cours
N'a fin que par la fin de leurs incognus jours

Au cinquième jour de La sepmaine ou Création du monde, publiée en 1578, Guillaume de
Saluste Du Bartas (1544-1590) évoque les « Mamuques ». L'oiseau de paradis ou manucodiate
était aussi connu sous le nom d'Apis Indica et Martinet des Indes. Dans son commentaire,
accompagnant l'œuvre dès 1581 et souvent réimprimé, augmenté, le pasteur calviniste Simon
Goulart (1543-1628), s'il cite Cardan et son De subtilitate, avance une autre source, l'Historia
general de las Indias de Francisco López de Gómara (1511-1564). Selon celle-ci, parue en 1553,
les paradisiers auraient des « jambes longues d'une palme» mais point d'ailes. Ils se
nourriraient non seulement de rosée mais aussi des fleurs des épices. Ils seraient
imputrescibles après leur mort, sans que soit mentionné le moindre processus pour parvenir
à ce résultat. Aux dires des indigènes, ils feraient leur nid au paradis. La première semaine de
Du Bartas a également fait l'objet, en 1585, d'un commentaire de la part d'un catholique,
Pantaléon Thévenin (1560?-16..).
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Vitrine 3
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Œuvres / Jacques et Paul Contant père et fils.- Poitiers : Julian Thoreau, veuve d'Antoine
Mesnier, 1628
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, Médecine 3

Les œuvres de l'apothicaire poitevin Paul Contant (1562?-1629) offrent une place de choix au
paradisier. Dans le ciel du titre-frontispice du Second Eden, il constitue le seul oiseau à peu
près reconnaissable. Tous les autres ont les ailes déployées, lui semble flotter
horizontalement, avec ses deux longs filets caudaux.
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Au titre-frontispice du Jardin et cabinet poétique,
                                            originellement publié en 1609, il occupe le coin
                                            supérieur droit.

                                            Il réapparaît dans les planches de ce poème,
                                            constituant le numéro 43, le plus élevé pour les
                                            animaux, répertorié dans la liste finale comme
                                            « manucodiate ». À ce numéro 43 correspondent
                                            plusieurs strophes. Paul Contant ne s'attarde pas sur
                                            les « fables » ordinairement évoquées par ses
                                            contemporains au sujet de celui qu'il nomme,
                                            comme Du Bartas, « Mamuque ». Il mentionne une
                                            croyance plus originale, tirée de Charles de L'Écluse
                                            (1526-1609), de ses Exoticarum libri decem (1605).
Les autochtones empoisonnant les points d'eau, un paradisier était chargé de les « goûter ».
Clusius rapportait cependant la perfide stratégie mise au point par les chasseurs. Pour
empoisonner l'eau, ils attendaient le retour du manucodiate vers ses congénaires, qui
croyaient, à tort, pouvoir boire en toute sécurité. Charles de L'Écluse jugeait toutefois ces
propos peu crédibles et en avançait de plus véridiques, à savoir comment les indigènes
enlevaient les pattes, les viscères des volatiles avant de les mettre à sécher au soleil. Paul
Contant possédait apparemment deux spécimens naturalisés. L'inventaire de son cabinet de
curiosités, Exagoge mirabilium naturae è Gazophylacio Pauli Contanti Pictaviensis
pharmacopæi, paru dans cette édition de 1628, indique en effet par deux fois « Avis paradisi »,
suivi du sexe de l'animal, mâle pour le premier, femelle pour le second.

43. Toy suy ce couple heureux, toy glorieux Mamuque
Bourgeois de Paradis hoste du clair Moluque,
Oyseau miraculeux, qui vis alegrement
Dans l'air (comme l'on dict) sans aucun aliment :
De qui mille escrivains plus grands que veritables
Ont laissé par escript plusieurs gentiles fables :
Mais mon Luth resveillé en un siecle meilleur
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Sonnera plus au vray ta gloire & ta valeur ;
ll dira que volant avec ceux de ta sorte
Quel honneur, quel amour à tes amis tu porte,
Lors que d'un cœur hardy sans craindre le danger
Vers l'ondoyant gazoüil d'un ruisseau passager
Tu marches le premier, où bien souvent l'eau claire
Te faict sentir l'effort d'un poison mortifere :
Quel deüil entre vous tous ô charitable oyseau !
ll s'en faict à l'instant sur ton triste tombeau.

Je ne tairay non plus la manière excellente
Comment se compartit vostre troupe volante
Pour esquiver l'aguet du traistre empoisonneur ;
Comment vous deleguez quelqu'un de vostre chœur
Pour gouster du cristal ; lequel sain vous convie
D'en boire asseurement sans crainte de la vie,
Appuyez sur l'essay qu'il en a desja faict
O grande providence ! ô amour tres parfaict !

Icy vous rougirez espris gonflez de rage
Qui des vostres sans fin, poignez l'heur & l'ouvrage :
Qui au lieu de gouster des premiers les ruisseaux
Du Parnasse, où je tends leur bouchez ses couppeaux ;
Les empeschez de boire, & d'une audace grande
Piquez à tous propos un des chefs de la bande ;
Jettez contre le Ciel vostre excrement baveux
Qui rejaillit sur vous bien plustost que sur eux :
Ces pauvres animaux que les plus beaux usages
De la docte raison ne sçauroyent rendre sages,
L'un & l'autre enchaisnez d'un mutuel accord
Ne sentent en leurs jours entr'eux le noir discord :
Ains charitables, doux, benings, pleins de prudence,
Exercent mieux que vous l'humaine bien-vueillance.
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Vitrine 4
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Opera omnia / Samuel Bochart.- Leyde : Cornelis Boutesteyn, Samuel Luchtmans ; Utrecht :
Johannes van de Water, 1712
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, Ag 39-01

dans la Genèse et des Phéniciens. Son Hierozoicon s'attache à tous les animaux mentionnés
dans la Bible. Ces Opera omnia comprennent aussi un traité sur le Paradis terrestre, écrit par
Étienne Morin (1625-1700), confrère et ami de Bochard. Ce dernier travaillait à une telle
entreprise mais la mort l'empêcha de la mener à bien.
Kupfer-Bibel / Johann Jacob Scheuchzer.- Augsbourg ; Ulm : Christian Ulrich Wagner, 1731
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, Ag 139-01

C'est vraisemblablement un paradisier que l'on aperçoit en haut à gauche, avec sa longue
traîne, près de l'arbre de la Science, ombrant Adam de son feuillage. Le même type d'oiseau se
profile, plus petit, dans le ciel des planches XXVIII (à droite) et XXX, consacrées à la
séduction puis la punition du serpent. Cette planche XXVI a été gravée sur cuivre par
Hieronymus Sperling (1695-1777). Les meilleurs graveurs du temps furent choisis pour
exécuter les 750 planches dessinées par Johann Melchior Füssli (1677-1736).
Dans cet ouvrage, paru la même année en latin sous le titre Physica sacra, le Suisse Johann
Jacob Scheuchzer (1672-1733), surtout connu pour ses recherches sur les fossiles, s'intéresse à
tout ce qui, dans la Bible, relève des sciences naturelles. Il use de ce moyen pour exposer ses
théories scientifiques sans s'attirer les foudres des théologiens.
Vitrine 5
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Dell'imprese pastorali / Carlo Labia.- Venise : Nicolò Pezzana, 1685
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, FAM 1410

                                                                   Cet ouvrage rassemble cent
                                                                   devises. Elles sont extraites
                                                                   de la Divine Écriture et
                                                                   représentent          l'évêque
                                                                   parfait, selon l'annonce du
                                                                   titre-frontispice. Le moto de
                                                                   la dix-huit huitième est tiré,
                                                                   comme l'indique Carlo Labia
                                                                   (1623-1701) dans la première
                                                                   colonne de la page de droite,
                                                                   de l'Épître aux Colossiens de
                                                                   saint    Paul.   Chapitre    3,
                                                                   versets 1 et 2, il est en effet
dit « quæ sursum sunt quaerite... quæ sursum sunt sapite, non quæ super terram »
(recherchez ce qui est dans le ciel... n'ayez de goût que pour les choses du ciel, non pour celles
de la terre). Les deux lignes en italien au-dessous de l'image affirment elles que l'évêque
cessant de s'attacher aux biens de la terre doit de toute son âme se dédier à ceux du ciel. Quel
animal pouvait, mieux que le paradisier, incarner cette recommandation ? Labia attribue à
« la monucodiata » quatre caractéristiques dont est censé s'inspirer l'évêque. Cet oiseau est
sans chair, ne mangeant pas, ne buvant pas. L'évêque ne doit pas s'adonner aux plaisirs des
sens, succomber aux appétits charnels. Le manucodiate est aussi sans pied (Labia l'appelle
plusieurs fois l'apode) ou s'il en avait, comme le prétendent certains, il n'en fait point usage.
L'évêque devrait être sans pied pour ne point aller quérir les richesses. Le volatile est sans
langue, comme l'a constaté Scaliger. L'évêque devrait être sans langue pour ne point briguer
les honneurs, quémander des dignités ecclésiastiques et plus largement terrestres. Il devrait
aussi être tout en plumes pour s'éloigner à tire-d'aile des biens de ce monde et atteindre ceux
du Ciel. Labia rapproche « angioli » et « augelli di Paradiso », anges et oiseaux du Paradis.
Idea sapientis theo-politici / Antonius Vanossi.- Travna : Typi academici Societatis Jesu,
1746
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, 72468

D'abord publié en 1724 à Vienne, cet ouvrage est l'œuvre du jésuite Antonius Vanossi (1683-
1757). Il rassemble 51 emblèmes. Au deuxième figure ce paradisier. En associant un titre,
une image, à dimension symbolique, et un texte assez bref, généralement quelques vers,
les emblèmes dispensaient un enseignement de nature morale. Apparus au XVIe siècle, les
livres d'emblèmes furent très en vogue au XVIIe siècle.
Science et commerce, XVIIIe-XXe siècles

Malgré la beauté de ces fables, il fallut bien se rendre à l'évidence, le paradisier avait des
pieds, et même de gros pieds nous dit l'Encyclopédie (vitrine 6). Dans l'imagination
populaire, le mythe de l'oiseau apode persistait cependant, comme paraît l'attester l'Histoire
naturelle de Buffon (vitrine 7, XIXp 214-19).

Les savants essayaient d'identifier les espèces, de les classer. Un même oiseau pouvait recevoir
de nombreux noms. Pour le paradisier grand-émeraude, le Paradisier par excellence, ce fut
celui donné en 1758 par Linné qui perdura, Paradisaea apoda, référence à son histoire. Le
nom scientifique du paradisier multifil, Seleucidis melanoleucus, melanoleucus signifiant
« noir et blanc » s'avère tout aussi peu compréhensible si l'on ignore que cet oiseau
intensément noir et jaune blanchit s'il ne consomme pas régulièrement certains fruits. Or il
fut nommé ainsi alors qu'il n'avait pas été observé à l'état naturel (vitrines 10 et 12).
Les scientifiques travaillaient à partir de dépouilles plus ou moins bien conservées, parfois
mutilées pour en augmenter la valeur marchande. Philippe Guéneau de Montbeillard, auteur
de l'entrée « L'oiseau de paradis » dans l'Histoire naturelle, dénonce un tel trafic (vitrine 8,
M 6034-05). On tentait de faire passer pour des paradisiers des oiseaux qui n'en étaient pas
ou de « créer » de nouvelles espèces à partir de véritables paradisiers. Il aurait été encore plus
ennuyé s'il avait su que les paradisiers étaient capables de s'hybrider. Le soupçon était tel que
les « touffes qui ont l'apparence de cornes » du paradisier rouge étaient regardées avec
méfiance (vitrine 7, XIXp 214-26).

En 1824, le rochefortais René-Primevère Lesson était le premier occidental à observer des
paradisiers dans la nature. Il officiait comme médecin et botaniste pour le tour du monde du
navire La Coquille. En 1835, il publiait son Histoire naturelle des paradisiers et des épimaques,
dont la médiathèque de Poitiers détient un exemplaire.
Le britannique Alfred Russel Wallace, aux îles Aru en 1857, décrivit les paradisiers grand-
émeraude ainsi que les techniques de chasse, de préparation des peaux. L'année suivante, aux
Moluques, il découvrit un nouvel oiseau de paradis et rédigea un traité qui fit de lui le
codécouvreur, avec Charles Darwin, de la théorie de l'évolution par la sélection naturelle des
espèces.
En 1909, des paradisiers grand-émeraude furent acclimatés sur l'île Petite-Tobago, aux
Antilles, initiative facilitant leur étude. L'espèce y aurait survécu quelques dizaines d'années.

L'industrie de la plume « s'empara » aussi des paradisiers. La majeure partie des exportations
était destinée à l'ornementation des chapeaux des « coquettes », évoquées dans le
Dictionnaire pittoresque d'histoire naturelle, présenté vitrine 11. Cette mode culmina à la fin
du XIXe siècle. En 1913, 80 000 dépouilles de paradisiers quittèrent la Nouvelle-Guinée. Si les
Papous usaient de plumes d'oiseaux de paradis lors de danses rituelles, c'était sans commune
mesure avec ce qui s'apparentait à du pillage. L'exportation fut interdite en 1924.
Vitrine 6
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Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers / Denis Diderot,
D'Alembert. Tome vingt-troisieme.- Genève : Jean-Léonard Pellet, 1778
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, M5445-23

L'article « oiseau de paradis » a été rédigé par le naturaliste Louis-Jean-Marie Daubenton
(1716-1800). Il s'achève en effet par un I entre parenthèses, comme tous ceux de cette double
page, excepté le premier, portant les initiales du polygraphe Louis de Jaucourt (1704-1779).
Daubenton est l'auteur de plus de neuf cents articles. Il cite sa source pour celui-ci,
l'Ornithologie de Mathurin-Jacques Brisson, parue en 1760, soit cinq ans avant l'édition
parisienne de l'Encyclopédie (l'article est le même dans cette contrefaçon suisse). Comme lui,
il ne (re)connaît que deux paradisiers, le grand-émeraude, l'Oiseau de Paradis, et le paradisier
royal, le petit Oiseau de Paradis. L'article de Daubenton consiste essentiellement en une
description physique des animaux, pieds y compris, ceux du premier étant d'ailleurs qualifiés
de « gros ».

Recueil de planches, sur les sciences, les arts libéraux, et les arts méchaniques. Sixième
volume.- Paris : Antoine-Claude Briasson, Michel-Antoine David, André-François Le Breton,
1768
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, Folio 2017-27

Si la légende, comme l'article de Daubenton, mentionne deux paradisiers, seul le premier, le
grand-émeraude, est figuré. Il a été dessiné par François-Nicolas Martinet (1731-1800), qui a
également collaboré à l'Histoire naturelle des oiseaux de Buffon et à l'Ornithologie de Brisson.
Pour cette dernière, il avait dessiné et gravé les deux paradisiers, dans le sens de la longueur. Il
est à l'origine de 101 planches de ce sixième volume, consacré à l'histoire naturelle. Le graveur
de cette planche XLIV est Robert Bénard (1734-17..). Il dirigeait également un atelier de
gravure. Son nom apparaît au bas d'au moins 1778 planches de l'Encyclopédie.
PLANCHE XLIV.

L'Oiseau de Paradis, fig. 1. a pour caracteres génériques quatre doigts à chaque pié, dont trois
dirigés en avant & un en arriere, tous séparés les uns des autres, le bec en cone alongé, droit,
pointu & comprimé sur les côtés, les plumes de la base du bec dirigées en arriere, de sorte que
les narines sont à découvert, enfin deux très-longues plumes qui prennent leur origine au-
dessus de la queue, & qui n'ont de barbes qu'à leur origine & à leur extrémité. Ce dernier
caractere suffiroit pour le faire distinguer de tous les autres oiseaux. On ne connoît que deux
especes d'Oiseaux de Paradis ; celui-ci, fig. 1. est le plus grand & le plus commun, & se trouve
aux Moluques ; l'autre est plus petit & beaucoup plus rare, & se trouve dans l'île d'Amboine, il
a, comme le premier, deux très-longues plumes au-dessus de la queue, mais celles qui
composent la queue, sont si courtes que les ailes s'étendent au-delà de leur extrémité,
lorsqu'elles sont pliées.
Vitrine 7
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L'Histoire naturelle de Georges-Louis Leclerc de Buffon (1707-1788) parut en trente-six
volumes in-quarto entre 1749 et 1789. Les neuf volumes dédiés aux oiseaux s'échelonnèrent de
1770 à 1783. Le tome trois (dix-huit de l'ensemble), sorti en 1775, consacre une entrée à
l'oiseau de paradis, dont, nous dit-on, certains distinguent deux espèces, une plus grande et
une plus petite. Suit la présentation d'oiseaux dont l'auteur ne sait dans quelle mesure ils
doivent lui être rattachés : le manucode, le magnifique de la Nouvelle-Guinée ou manucode à
bouquets, le manucode noir de la Nouvelle-Guinée dit le superbe, le sifilet ou manucode à six
filets et le calybé de la Nouvelle-Guinée. Ils sont aujourd'hui tous classés dans la famille des
paradisiers, mais sous des noms différents. L'auteur de ces descriptions est Philippe Guéneau
de Montbeillard (1720-1785), collaborateur, au début anonyme, de Buffon, surtout mis à
contribution pour l'Histoire des oiseaux. L'œuvre de Buffon connut de nombreuses
rééditions, traductions, continuations.

Œuvres complètes / Georges-Louis Leclerc de Buffon ; éd. Étienne de Lacépède. Tome
dixième.- Paris : Rapet et Cie, 1818
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, Médecine 2920-10

La planche, gravée sur cuivre par Jean-Louis-Denis Coutant (1776-1831?) d'après Jean Gabriel
Prêtre (1768-1849), montre trois paradisiers. Celui légendé comme manucode, un paradisier
royal (Cicinnurus regius), est le seul oiseau de paradis à posséder de tels filets. Il se terminent
en un enroulement qui ressemble à de petits disques, agités au-dessus de sa tête lors de la
parade nuptiale, pas encore observée à l'époque. Si le magnifique et le six filets (référence à
son étrange « coiffure ») ont conservé ces termes dans leur nom, ils n'ont en revanche pas été
classés parmi les Manucodia, terme attribué à un autre genre de paradisiers. Après avoir
rapporté, pour les réfuter, les légendes entourant les paradisiers, Philippe Guéneau de
Montbeillard essaie tant bien que mal de les décrire, le sifilet et le magnifique qu'il a pu
observer ayant été amputés de leurs pieds et, totalement pour le premier, partiellement pour
le second, de leurs ailes.
Médecine 2920-10

Œuvres complètes / Georges-Louis Leclerc de Buffon ; éd. Étienne de Lacépède. Tome dix-
neuvième.- Paris : Eymery, Fruger, 1828
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, XIXp 214-19

Cette autre édition des œuvres de Buffon présente des planches 31 et 32 très similaires à celles
publiées en 1818 chez Rapet. Les oiseaux sont les mêmes, les artistes aussi, mais le cadrage est
légèrement différent et la gravure de 1818 paraissait plus fine, nuancée, veloutée. Elle semblait
constituée de plus de traits, plus resserrés et parfois s'entrecroisant.
La planche 31 figure un paradisier grand-émeraude et le texte rappelle les croyances qui lui
ont longtemps été attachées, croyances apparemment encore vivaces dans l'esprit de certains
en 1775. Le superbe, plus rarement et tardivement représenté, porte toujours ce qualificatif et
a été classé parmi les Lophorina. On connaît aujourd'hui l'usage de sa cape noire et de son
plastron bleu. Pour séduire les femelles, il les déploie. Il est capable de prendre une forme
ovoïde sur laquelle se détachent le bleu du plastron, qui, relevé, forme comme un sourire, et
le bleu de plumes situées sur sa tête, qui font apparaître de faux yeux.
Œuvres complètes / Georges-Louis Leclerc de Buffon. Tome vingt-sixième, Supplément /
Étienne de Lacépède.- Paris : Eymery : Fruger, 1828
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, XIXp 214-26

Deux planches figurent un paradisier dans ce tome de supplément : le paradisier multifil
(dont on apprend qu'en fonction des savants il est nommé promerops multifil, manucode à
douze filets, paradisea alba, falcinellus resplendescens) et ce paradisier rouge (Paradisea
rubra), toujours appelé ainsi. Le terme de « samalie » indiqué dans la légende est dû à
l'ornithologue Louis Jean Pierre Vieillot (1748-1831). Le paradisier rouge se distingue par la
couleur écarlate de sa queue dont émergent deux très longs et épais filets et par ses petites
plumes vertes formant une protubérance au-dessus de chaque œil. L'auteur pensait que ce
pouvait « n'être pas naturel, et ne provenir que du raccourcissement de la peau après
l'extraction des os du crâne ».
Vitrine 8
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Œuvres complètes / Georges-Louis Leclerc de Buffon ; éd. Jean-Louis de Lanessan. Tome
quatrième, Génération. Animaux.- Paris : A. Le Vasseur, [1884-1885]
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, M 6034-04

Chacun des quatorze tomes de cette édition des Œuvres complètes de Buffon parue chez Le
Vasseur rappelle la présence de « 160 planches gravées sur acier et colorées à la main ». C'est
ainsi que cet oiseau de paradis, qualifié d'émeraude, figure au tome quatrième, comme toute
une série de volatiles sans que l'on comprenne vraiment le rapport avec le texte. Il a en effet
été inséré dans la deuxième addition à l'Histoire des animaux, celle consacrée « à l'article des
variétés dans la génération et aux articles où il est question de la génération spontanée » (ce
n'est pas une particularité de l'exemplaire de Poitiers). En bas à gauche, on note la signature
d'Édouard Traviès (1809-1876), peintre et lithographe, spécialiste des animaux et surtout des
oiseaux.
Œuvres complètes / Georges-Louis Leclerc de Buffon ; éd. Jean-Louis de Lanessan. Tome
cinquième, Oiseaux.- Paris : A. Le Vasseur, [1884-1885]
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, M 6034-05

La planche figurant ce manucode porte les mêmes signatures que celles affichées pour
l'émeraude. Si le texte de Philippe Guéneau de Montbeillard situé en regard traduit la
difficulté du naturaliste à s'y retrouver parmi les paradisiers, notamment à cause de
mutilations à but mercantile, les nouvelles notes de cette édition apportent des précisions
non négligeables. Elles indiquent le nom donné plus récemment à chaque oiseau, qui
correspond peu ou prou à celui sous lequel il est aujourd'hui connu, et celui attribué par
Linné (1707-1778). La description est éventuellement complétée. Le manucode est ainsi défini
comme « Cincinnurus regius (Paradisæa regia L.) » et six lignes de notes de bas de page
détaillent sa couleur, où le rouge orangé domine. Même la femelle est évoquée. Le texte
d'origine parlait seulement de « couleurs du plumage changeantes ».
Vitrine 9
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Le règne animal distribué d'après son organisation / Georges Cuvier. Les oiseaux. Atlas /
Alcide d'Orbigny. - Paris : Fortin, Masson, [1836-1849]
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Bibliothèque Sciences campus, Médecine 587-04

Le règne animal distribué d'après son organisation / Georges Cuvier. Les oiseaux. Texte /
Alcide d'Orbigny.- Paris : Fortin, Masson, [1836-1849]
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Bibliothèque Sciences campus, Médecine 587-03

Publié en 1817 en 4 volumes avec 15 planches, Le règne animal de Georges Cuvier (1769-1832)
s'accrut jusqu'aux 20 volumes de cette édition « grâce à une réunion de disciples de Cuvier ».
L'atlas des oiseaux comprend à lui seul plus de 100 planches gravées sur acier et colorées à la
main. La technique employée, non annoncée au titre dans ce cas, est en effet la même que
pour les Œuvres complètes de Buffon de 1884-1885. Le dessinateur en charge des oiseaux est le
même, Édouard Traviès (1809-1876). Il figure à nouveau le paradisier royal. Les décors sont
beaucoup moins pittoresques que chez Buffon. Les oiseaux sont représentés sur un petit
tronçon de branche ou une faible étendue au sol, entourés de becs et de squelettes. Le souci
de classification est net, dans l'atlas comme le volume de texte.
Vitrine 10
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Le règne animal distribué d'après son organisation / Georges Cuvier. Les oiseaux. Texte /
Alcide d'Orbigny.- Paris : Fortin, Masson, [1836-1849]
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, M 5446-03

Le règne animal distribué d'après son organisation / Georges Cuvier. Les oiseaux. Atlas /
Alcide d'Orbigny.- Paris : Fortin, Masson, [1836-1849]
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, M 5446-04

« Long-temps rangé parmi les oiseaux de paradis », l'épimaque à douze filets l'est à nouveau
aujourd'hui. Baptisé paradisier multifil en français, il est le seul de son genre (Seleucidis).
L'adjectif qui complète son nom scientifique, melanoleucus (qui signifie « noir et blanc »), ne
semble pas plus approprié que les albus et alba (« blanc ») mentionnés dans Le Règne animal.
Si la gravure nous montre un oiseau partiellement blanc, si le texte nous parle de « longs
faisceaux de plumes blanches qui garnissent ses flancs », en réalité, à l'état sauvage, on le sait
aujourd'hui, le paradisier multifil arbore des plumes d'un jaune éclatant. Cette couleur
résulte de l'ingestion de certains fruits. Privé de cette alimentation, en captivité, le paradisier
multifil devient blanc. Les spécimens naturalisés blanchissent également.
Vitrine 11
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Dictionnaire pittoresque d'histoire naturelle et des phénomènes de la nature / dir. Félix-
Edouard Guérin-Méneville. Tome septième.- Paris : au Bureau de souscription, 1838
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, M 7258-07

                                             Parus entre 1833 et 1839 sous la direction du
                                             naturaliste   et    entomologiste      Félix-Edouard
                                             Guérin-Méneville (1799-1874), les neuf volumes
                                             de ce dictionnaire rassemblent plus de sept cents
                                             planches gravées sur acier (technique annoncée
                                             au titre) et, pour notre exemplaire, colorées à la
                                             main. La souscription proposait en effet des
                                             livraisons pourvues de « figures noires » ou de
                                             « figures coloriées avec le plus grand soin »
                                             (premier volume). Ces planches s'efforçaient
                                             généralement de figurer plusieurs mots. Ainsi cet
                                             oiseau de paradis se retrouve-t-il perché sur un
                                             papyrus. Si cette plante ne croît pas uniquement
                                             en Égypte, elle est associée à ce pays dans
                                             l'imaginaire collectif. Aussi l'illustrateur a-t-il cru
bon de rajouter des pyramides et des ibis. La paradisier grand-émeraude, endémique à la
Nouvelle-Guinée et aux îles Aru, vivant en forêt, se voit « transporté » dans un
environnement totalement étranger. Il est présenté sous l'entrée PARADIS ou PARADISIER,
cet ouvrage étant le premier de ceux exposés à attester cet usage. Il l'est en compagnie des
autres espèces alors connues, après des réflexions sur la classification et ses excès, un long
exposé historique et pourrait-on dire mythologique, ainsi que des interrogations, sur
l'alimentation de ces paradisiers notamment. Si les naturalistes avaient écarté l'air ou la
rosée, certains en faisaient des oiseaux de proie ou des mangeurs d'épices. L'article est signé
« Z. G. », « Gerbe, membre de diverses sociétés savantes » (fin du tome neuvième). Zéphirin
Gerbe (1810-1890) fut aide-naturaliste au Muséum d'histoire naturelle.
Dictionnaire pittoresque d'histoire naturelle et des phénomènes de la nature / Félix-Edouard
Guérin-Méneville. Tome cinquième.- Paris : au Bureau de souscription, 1837
Poitiers, Bibliothèque universitaire, Fonds ancien, M 7258-05

Ce manucode est l'oiseau de paradis le plus souvent représenté et évoqué dans les livres
anciens après le paradisier grand-émeraude. À noter : alors qu'à l'origine le mot
« manucodiata » était employé pour tous les paradisiers, y compris, et surtout, le grand-
émeraude, « manucode », sans autre précision, en est venu à désigner ce seul paradisier royal.
Il a été dessiné et gravé par Adolph Fries (1774-1840), un des artistes cités dès le titre. Sa
signature peut figurer au bas des planches sous forme de monogramme, comme pour
l'émeraude au tome septième. Les gravures de ce dictionnaire sont généralement datées, de
1836 pour celle-ci. L'article est là encore signé « Z. G. ».
Vitrine 12
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Dictionnaire pittoresque d'histoire naturelle et des phénomènes de la nature / Félix-Edouard
Guérin-Méneville. Tome huitième.- Paris : au Bureau de souscription, 1839
Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, M 7258-08

Lui aussi signé « Z. G. », le texte de présentation de ce promerops à douze filets, aujourd'hui
paradisier multifil, est pratiquement semblable, mot pour mot, à celui de l'épimaque à douze
filets du Règne animal (M 5446-033). L'oiseau figuré est tout aussi peu jaune, preuve qu'il n'a
pas été vu dans son milieu naturel. La date en bas à gauche, 1839, encadre le monogramme
d'Adolph Fries.

Dictionnaire pittoresque d'histoire naturelle et des phénomènes de la nature / Félix-Edouard
Guérin-Méneville. Tome troisième.- Paris : au Bureau de souscription, 1835
Poitiers, Bibliothèques universitaires, Fonds ancien, M 7258-03

Le Ptiloris paradiseus ou paradisier festonné, identifié en 1825 par William Swainson (1789-
1855), est le plus méridional des paradisiers. L'article EPIMAQUE, signé « Gerv. », pour
« Gervais, professeur à l'Athénée royal » (fin du tome neuvième), nous indique qu'il « vit à la
Nouvelle-Galles du sud », c'est-à-dire au sud-est de l'Australie.
Le paradisier aujourd'hui

La famille des paradisiers (Paradisaeidae ou paradiséidés) rassemble environ quarante
espèces, classées en seize genres. La plus célèbre est le paradisier grand-émeraude, la plus
anciennement - mais pas la mieux - connue. La dernière découverte, en 1939, est le paradisier
à rubans. Le mâle arbore deux plumes caudales blanches d'un mètre de long. Les oiseaux de
paradis seraient apparentés aux corbeaux.
Ils se rencontrent exclusivement en Nouvelle-Guinée, dans les îles avoisinantes (Moluques,
Aru) et pour quatre d'entre eux à l'est de l'Australie. Certains occupent une aire géographique
très limitée. Ils vivent en forêt. 70 % sont considérés comme montagnards et 30 % sont des
hôtes de haute montagne (entre 1500 et 3 500 mètres d'altitude). Ils sont frugivores, surtout,
ou/et insectivores.

Chez la plupart des espèces, le dimorphisme sexuel est très marqué et les mâles sont
polygames. Ce sont ces mâles colorés qui ont été chassés pour la beauté de leur plumage.
Malgré tout la population s'est maintenue, les paradisiers affectionnant des zones parfois
difficilement accessibles et ces mâles à la parure voyante ne jouant aucun rôle dans l'élevage
des petits. En outre, ils atteignent leur maturité sexuelle avant de revêtir, vers cinq-six ans,
leur livrée d'adulte. Faute de mâles à plumage décoratif, les femelles peuvent donc s'accoupler
avec des individus plus jeunes.

Si l'on s'est longtemps focalisé sur ce plumage, la parade nuptiale attire davantage l'attention
à présent. Beaucoup de mâles l'effectuent dans les arbres, parfois tout en haut de la canopée.
Cet emplacement stratégique doit être bien dégagé et l'est quelquefois par l'oiseau lui-même,
qui s'attache à enlever méthodiquement les feuilles gênantes. Ceux qui paradent au sol,
comme le sifilet, veillent à entretenir leur « arène ». Les mâles paradent seuls ou en groupe.
C'est cette dernière pratique qui est adoptée chez les mâles du genre Paradisaea, comme les
paradisiers émeraudes ou le paradisier de Raggi (grande vitrine verticale), qui orne le drapeau
de la Papouasie-Nouvelle-Guinée (partie orientale de l'île de la Nouvelle-Guinée). Il convient
alors de secouer gracieusement ses plumes colorées, de supplanter ses rivaux. D'autres,
comme le paradisier bleu, ont l'habitude de se suspendre tête en bas. Les mâles au plumage
plus foncé jouent davantage sur les formes de leur silhouette.

Il est aussi nécessaire pour les mâles d'appeler les femelles et ils ont fréquemment un chant
puissant et rauque, qui contraste avec la délicatesse de leur plumage et de leurs danses. Le
paradisier de Meyer émet même des sons ressemblant à s'y méprendre au bruit d'un marteau-
piqueur ou d'une rafale de mitrailleuse. Durant la Seconde guerre mondiale, il effraya
d'ailleurs les soldats japonais, qui s'imaginaient victimes d'une embuscade en pleine jungle.
Grande vitrine verticale
Retour Le paradisier aujourd'hui

Paradisier de Raggi (Paradisaea raggiana), mâle
Collections de l'Université de Poitiers-CVCU, inv. 1725

Les mâles, qui acquièrent leur livrée définitive vers 5-7 ans, ressemblent beaucoup aux
paradisiers grand-émeraude souvent représentés dans les livres anciens, si ce n'est que les
longues plumes des flancs sont rouge-orangé et non jaunes. Ils peuvent être vingt à
parader simultanément sur le même arbre. Les femelles, plus ternes, élèvent seules les
petits. Cette espèce se nourrit surtout de fruits, mais aussi d'insectes, d'araignées, de
grenouilles, de lézards. Le paradisier de Raggi se rencontre sur une vaste superficie, dans
les forêts de la moitié est de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. C'est pourquoi il orne le
drapeau national, les billets de banque.
Manucaude Paradisier royal (Cicinnurus regius), mâle
Collections de l'Université de Poitiers-CVCU, inv. 1728

C'est l'un des plus petits paradisiers et aussi le plus répandu. Il vit dans les forêts de basse
altitude, sur la presque totalité du territoire guinéen et sur les îles avoisinantes, se
nourrissant d'insectes et de fruits. Les mâles ont la tête et la partie supérieure du corps
d'un rouge cramoisi. Ils possèdent aussi deux longs filets caudaux terminés par de petits
« disques » verts. Ils sont polygames et chacun choisit sa propre aire de parade, en hauteur.
Les femelles, brunes comme très souvent chez les paradisiers, sont en revanche les seules à
nicher dans un tronc d'arbre. Cette espèce était déjà connue des Européens au XVIe siècle

Paradisier fastueux (Epimachus fastosus), mâle
Collections de l'Université de Poitiers-CVCU, inv. 1726

Présent dans les forêts de montagne à l'ouest et au centre de la Nouvelle-Guinée, le
paradisier fastueux se nourrit à parts égales de fruits et d'insectes. Le mâle, presque
entièrement noir, arbore une très longue queue, ici absente et extrêmement prisée des
tribus indigènes pour leurs coiffes traditionnelles. Cette espèce, aussi chassée pour sa chair
et confrontée à la destruction de son biotope à des fins de mise en culture, est classée
comme vulnérable. Lors de la parade nuptiale, le mâle, perché en haut d'un arbre, déploie
et agite les trois « éventails » de plumes situés sur ses flancs, prenant une forme ovoïde
noire sur laquelle se détache un fin liseré bleu métallique.
Pour en savoir plus

Ouvrages
Laman (Tim) et Scholes (Edwin), Oiseaux de paradis : les oiseaux les plus extraordinaires du
monde, Paris, Delachaux et Niestlé, 2014

Delaunay (Paul), La zoologie au seizième siècle, Paris, Hermann, 1963, p. 154-156

La licorne et le bézoard : une histoire des cabinets de curiosités : [exposition, Poitiers, Musée
Sainte-Croix ; Espace Mendès-France, 18 octobre 2013-16 mars 2014], Montreuil, Gourcuff
Gradenigo, 2013, p. 204-205

Dont éditions modernes d'ouvrages anciens
Boaistuau (Pierre), Histoires prodigieuses : édition de 1561, édition critique, texte établi par
Stephen Bamforth et annoté par Jean Céard, Genève, Droz, 2010, p. 693-699

Contant (Paul), Le jardin, et cabinet poétique : 1609, établissement du texte, introduction,
commentaires et notes par Myriam Marrache-Gouraud et Pierre Martin, Rennes, Presses
universitaires de Rennes, 2004, p. 220-223

Paré (Ambroise), Des monstres et prodiges, éd. critique et commentée par Jean Céard,
Genève, Droz, 1971, p. 129-130

DVD
Garcia (Miguel A.), Degen (Loïc), Vanen : les plumes du paradis, VilbrekProd, 2008

Sites Internet
http://www.birdsofparadiseproject.org/index.php

http://www.oiseaux.net/oiseaux/paradisaeides.html
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