LE POIRIER SAUVAGE - Cinéma garantisans3D - Cinéma Utopia
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a garanti sans 3D Ciném MANUTENTION : 4 rue des escaliers Ste Anne / REPUBLIQUE : 5, rue Figuière 84000 AVIGNON / Tél : 04 90 82 65 36 / www.cinemas-utopia.org LE POIRIER SAUVAGE Nuri Bilge CEYLAN tendra pas que c'est le personnage prin- Ceylan l’occasion de symboliser l’ambi- Turquie 2018 3h08 VOSTF cipal mais on peut avancer qu’il ren- tion inouïe de son film : atteindre la des- avec Aydin Dogu Demirkol, Murat ferme l’essence même de ce film-fleuve cription la plus dense et la plus fidèle de Cemcir, Bennu Yildirimlar, Hazar magistral. D’une part, c’est pour le ci- la complexité humaine. Le Poirier sau- Ergüçlü, Serkan Keskin… néaste turc Nuri Bilge Ceylan – forma- vage est à cet égard une œuvre d’une Scénario de Alin Aksu, Ebru Ceylan liste exceptionnel – l’opportunité de ré- profondeur vertigineuse sur les espoirs et Nuri Bilge Ceylan affirmer son attachement à la beauté et les désillusions de Sinan, jeune as- des paysages, à la terre, à l’influence pirant écrivain et probable futur institu- Sur les hauteurs pastorales de la région des saisons et de leurs lumières chan- teur comme son père. De retour chez lui des Dardanelles, isolé sur une petite col- geantes sur la nature humaine. Et puis après ses années d’études à Çanakkale, line aride aux couleurs automnales, se cet arbre « noueux et tordu » comme le au contact de sa famille, de ses anciens dresse un poirier sauvage. On ne pré- décrira un personnage, c’est aussi pour amis et des habitants de la ville, Sinan N°386 du 1er août au 4 septembre 2018 / Entrée : 7€ / le midi : 4€ / Abonnement : 50€ les dix places
LE POIRIER SAUVAGE Le restaurant La Manutention Cinéma Utopia prend le pouls d’une vie dont il voudrait liers de la société turque actuelle –, Sinan 4 rue des escaliers Sainte- s’évader, en même temps que s’exercent fait preuve d’une intransigeance souvent sur lui les forces qui l’empêchent de dé- arrogante. Par peur ou par doute, il ne Anne, Cour Maria Casarès, terminer seul son destin. Le film est parvient pas à se débarrasser de cette Avignon - 04 90 86 86 77 composé de longs dialogues passion- aigreur qui l’amène à soulever des que- nants (comme l’était déjà le magnifique relles avec presque chaque personne Winter Sleep, disponible en Vidéo en Poche) que Ceylan anime d’une mise rencontrée. Et puis il y a ce père, maître d’école À partir du vendredi 3 août en scène virtuose, et on plonge dans les proche de la retraite, à qui Sinan ne ouvert tous les jours trois heures de ce Poirier sauvage avec la voudrait surtout pas ressembler. Petit certitude d’assister à une fresque intime homme au rire malin, piqué par la mélan- de 10h à 15h00 et à d’une richesse rare, tendue vers un final colie et le démon du jeu, ce père incon- partir de 18h00. bouleversant d’intensité. séquent, criblé de dettes auprès du vil- lage tout entier, ne cesse de faire croire En quelques années, Sinan s’est forgé une ambition d'homme de lettres mais, qu’il emmènera bientôt sa famille s’ins- taller paisiblement dans la maison de À partir de 11h00 si vous nécessité faisant loi, il s'apprête à passer campagne qu’il fait mine de retaper sans êtes pressé, vous trouverez le concours d’instituteur. En attendant, il la moindre efficacité. « Quand il était pe- toujours quelque chose tente de publier à compte d’auteur son tit, il s’est endormi dans le champ. Je l’ai premier recueil, sorte d’essai personnel découvert le visage couvert de fourmis, il à grignoter (Soupes, tartes inspiré de la culture régionale (dont l'un lui en est sorti des narines pendant trois des symboles pour lui est justement le jours » raconte le grand-père. Ce person- et patisseries maison...) fameux poirier sauvage…). La modeste nage fascinant, espiègle insaisissable et Si vous avez le temps, entre levée de fonds qu'il entreprend amène- sûrement moins lamentable que la ré- ra Sinan à côtoyer divers notables lo- putation qui lui colle aux basques, est 12h00 et 14h30 et 19h00 et caux ainsi qu’à revoir les lieux et les gens la clef de voûte de tout le film. Le lent 22h30, vous pouvez manger qui ont marqué son enfance. C’est ainsi changement de regard du fils sur le père qu’à la fontaine, sur les hauteurs du vil- va amorcer, pour le premier, une tragé- des plats mijotés avec de lage, il croise la belle Hatice. Si jeune il y die intime. a encore peu de temps, Sinan n’en re- la viande bio, des légumes vient pas de la femme qu’elle est deve- Sans la moindre complaisance à l’égard de La Barthelasse... nue. Mais surtout, il mesure pour la pre- de ses personnages, Nuri Bilge Ceylan mière fois l’écart entre la vie à laquelle amène le spectateur à constamment en- Et des desserts maison, il aspire et ce que la réalité offre à ceux qui sont restés au pays. Promise à un richir sa perception des choses, jusqu’à atteindre l’intimité de chacun dans toute glace artisanale… mariage de raison, Hatice rêve elle aussi son épaisseur. Et, disons-le, il faut une d’un autre destin et n’hésite pas à ren- sacrée dose de génie pour transmettre voyer à la figure de Sinan son dédain avec tant de subtilité l’immense palette Vins, bières, cafés, jus pour cette petite vie. Cette rencontre fa- des sentiments humains. Saisis dans de fruits... bio. buleuse, conclue par un baiser à l’ombre leurs vérités et leurs contradictions, un des feuilles dorées, donnera à Sinan le début de ressemblance apparaît entre goût de l’amertume qui dès lors ne le Sinan et son père. Mais voilà que l’au- La salle est climatisée quittera plus. Auprès du maire, de ses tomne touche à sa fin. Au seuil de sa vie anciens amis devenus imams ou de la d’homme mûr, Sinan doit faire ses choix. et la terrasse, derrière célébrité littéraire locale – autant de pi- L’hiver, espérons-le, portera conseil. le Palais, ombragée.…
My Lady (THE CHILDREN ACT) La grande finesse du jeu d’Emma faire serait vite tranchée : le « Children Thompson est de laisser transparaître, act » qui fait prévaloir l’intérêt de l’enfant Richard EYRE sous la cuirasse impénétrable que s’est ferait figure de « formule magique », et GB 2018 1h45 VOSTF forgé son personnage, les frémisse- sa demande serait refusée. Il serait ma- avec Emma Thompson, ments imperceptibles d’un cœur qui jeur, son choix prévaudrait. Mais Adam Stanley Tucci, Fionn Whitehead, continue de battre malgré son osten- (Fionn Whitehead, étoile montante du ci- Jason Watkins, Ben Chaplin… sible détachement. néma britannique) est entre deux âges, Scénario de Ian McEwan d’après Ils ne sont pas nombreux à percevoir les à quelques mois de la majorité. La juge son roman L'Intérêt de l'enfant émotions qui habitent Fiona Maye. Son pointilleuse veut pousser l’investigation (The Children act), ed. Gallimard rigorisme perpétuel la rendrait presque plus loin : Adam, du haut de ses dix- tyrannique envers son entourage qui fait sept ans, est-il pleinement conscient L’action se déroule dans un Londres su- pourtant tout pour l’épauler. À commen- des conséquences de son choix ? Ce blimé, délicieux melting-pot d’histoire et cer par son greffier « so british ! » petit choix est-il vraiment le sien ou celui de de modernité, de démocratie et de mo- bonhomme d’une exquise courtoisie qui son entourage ? L’adolescent ne pou- narchie. Elle s’immisce entre ses hautes anticipe ses moindres faits et gestes, la vant comparaître, notre magistrate dé- tours, ses bâtiments vénérables, ses dorlote sans le laisser paraître, comme cide d’aller à son chevet avant de rendre clochers et leurs querelles dont les plus s’il la vénérait secrètement. Et puis son verdict. Une décision qui va dé- sévères finissent communément par son charmant mari, Jack (le craquant frayer la chronique. La presse s’en em- échouer devant la majestueuse Cour Stanley Tucci), un homme fin, habitué pare. L’Angleterre entière semble sus- Royale de Justice du Royaume-Uni. depuis le temps à s’effacer, à ne récolter pendue aux lèvres de Fiona, ajoutant un C’est ici que siège une drôle de dame, que des miettes de tendresse quand sa peu plus de pression sur ses épaules. Fiona Maye, l’élégance faite juge aux af- compagne en perpétuelle tension lâche faires familiales. Celle que tous appellent la bride, ce qui n’arrive plus très sou- Sur son lit d’hôpital, Adam a une gueule avec déférence « My Lady ». Un titre ga- vent. Pourtant il lui réserve toujours ses d’ange déchu, fragile. Son intelligence gné à grand renfort d’heures passées sourires les plus doux, ses regards les vive séduit son monde, il n’est pas la derrière des monticules de dossiers, plus tendres, son humour, sa compré- victime naïve qu’on pourrait attendre. sans ménager sa peine, sans compter hension. Mais aimer éperdument cette Quelques instants partagés avec l’im- les heures. C’est le prix de l’excellence. femme inaccessible, vampirisée par pressionnante « My Lady » vont boule- Un travail quotidien acharné souvent l’institution judiciaire, est un parcours du verser leurs vies réciproques. Entre celui passionnant, parfois ingrat, toujours an- combattant qui est à deux doigts de ve- qui veut vivre les préceptes de sa reli- goissant. La peur de se tromper accom- nir à bout de sa résistance… gion et celle qui vit son métier comme pagne chaque sentence rendue… Une Une affaire chassant l’autre, Fiona Maye un véritable sacerdoce se tisse un lien peur et tant d’autres sentiments qu’il a se penche sur la vie des autres, négli- complexe qui instille dans leurs pensées fallu apprendre à maîtriser et à cacher. geant la sienne. Impossible de prendre des doutes tout aussi vivifiants que mor- On comprend que la charge est terrible : un temps pour elle-même alors qu’elle tels. la magistrate au sommet du prétoire a doit arbitrer un cas d’une urgence vi- Sous des abords classiques, c’est un tout d’une femme de marbre au sang tale : un jeune témoin de Jéhovah atteint film passionnant, d’une élégance folle, froid. Et pourtant, si on la piquait, ne sai- d’une leucémie refuse (soutenu par ses servi par des acteurs formidables qui gnerait-elle pas ? Nous sommes après parents) la transfusion de sang qui pour- nous entraînent avec délice dans les tout au pays de Shakespeare… rait le sauver. Ce serait un gamin, l’af- méandres des âmes humaines.
DOGMAN lui confie un week-end sur deux. Dans cette cité tristounette, Marcello a pourtant toujours un sourire radieux, un mot gentil à offrir. Sa simple présence discrète semble spontanément rendre la vie plus douce à ceux qui le croisent. Matteo GARRONE Il est incapable de refuser un service, Italie 2018 1h42 VOSTF même si une petite alerte intérieure lui avec Marcello Fonte, Edoardo Pesce, susurre que ce n'est par forcément une Alida Baldari Calabrian, bonne idée. Marcello est un brave. Tout Nunzia Schiano… Scénario de aussi courageux quand il s’agit d’af- Maurizio Braucci, Ugo Chiti, Matteo fronter un clébard déchaîné qu’on lui Garrone et Massimo Gaudisio amène à manucurer, que gentil quand il s’agit d’aider son prochain. D’ailleurs ici FESTIVAL DE CANNES 2018 : tout le monde l’aime. Même ce satané PRIX – LARGEMENT MÉRITÉ Simoncino, un fou furieux taillé comme D'INTERPRÉTATION MASCULINE un molosse qui, dès sa sortie de taule, POUR MARCELLO FONTE recommence à terroriser tout le monde, même les caïds de la zone. Marcello ne Pas de doute : les films de Matteo Garrone – on citera tout particulière- parvient guère à lui résister et se retrouve ment Gomorra et Reality – sont tout sauf vite entraîné dans des combines aussi tièdes. Ça décoiffe, ça saisit, ça bous- louches que dangereuses. cule ! Dogman ne déroge pas à la règle et nous scotche dans notre fauteuil dès Dogman se déroule implacablement, tel le premier plan. une tragédie grecque magnifiquement portée par Marcello Fonte, d’abord poi- Dans les faubourgs de Naples rongés gnant puis magistral quand il laisse écla- par la misère, Marcello vivote de son ter sa rage de ne pas parvenir à exister. petit négoce de toilettage pour chiens, Que les dents grincent en chemin c’est VOTRE sans oublier quelques compléments de certain, mais ça ne nous empêche pas salaires douteux pour mettre un peu de de sourire, voire de rire aux éclats au dé- PUBLICITÉ beurre dans ses pâtes et surtout celles tour d’une parenthèse humoristique où dans la gazette d’Alida, sa fille qu’il aime comme la pru- nelle de ses yeux et que son ex-femme le ridicule ne tue pas les chiens, malgré tous les efforts de leurs maîtres. 06 84 60 07 55 utopia.gazette@wanadoo.fr
UNE PLUIE SANS FIN Écrit et réalisé par DONG YUE dérisoire, Dong Yue n’hésite pas à pré- tant que chef de la sécurité. Quand il se Chine 2017 1h57 VOSTF senter en sous texte une Chine indus- présente au début du film (construit en avec Yihong Duan, Yiyan Jiang, trielle en pleine transition vers un capi- flash-back) il traduit son nom en « résidu Yuan Du, Chuyi Zheng… talisme d'État qui ne dit jamais son nom. inutile d’une nation glorieuse », s'identi- Le film devient petit à petit une étude fiant comme une victime collatérale de la Grand Prix (amplement mérité) du captivante sur les changements écono- modernisation, identification renforcée Festival international du Film Policier miques et sociaux et les conséquences par les derniers plans du film. Lorsqu’il de Beaune 2018 (l'an dernier, c'était sur ses habitants. n’attrape pas les petits voleurs de l’usine Le Caire confidentiel, pas mal !) Alors évidemment, la comparaison où il travaille, Yu s’imagine en vrai détec- avec un certain film coréen du nom de tive. C’est avec toute la bonne volonté 1997. À quelques mois de la rétrocession Memories of murder vient plusieurs fois possible qu’il s’attaque à l’enquête sur de Hong-Kong par la Grande Bretagne, à l'esprit. Et on ne croit pas se tromper le tueur en série, ne pouvant compter la Chine va vivre de grands change- en avançant que le film de Bong Joon- que sur son obstination, se mettant lui- ments… Yu Guowei, chef de la sécurité ho a inspiré Dong Yue. On y retrouve la même en danger, notamment lors d'une d’une vieille usine dans le Sud du pays, même atmosphère lourde, la pluie qui magnifique course poursuite sous la enquête sur une série de meurtres com- emprisonne les personnages par sa pré- pluie. Mais il va tomber de haut, s’aper- mis sur des jeunes femmes. sence constante. Mais Une pluie sans cevoir petit à petit qu’il n’est pas si doué Alors que la police piétine, cette enquête fin se détache petit à petit de son illustre que ça pour résoudre des énigmes cri- va très vite devenir une véritable obses- prédécesseur : là où Bong Joon-ho uti- minelles… Sa vie part en vrille, en une sion pour Yu… puis sa raison de vivre. lisait l’absurde et l’humour pour désa- sorte de spirale infernale qu'il est inca- morcer la descente aux enfers, Dong pable d'arrêter… Premier film d'une maîtrise impression- Yue reste dans la tragédie (il y a un cô- Jusqu'à un final parfaitement cohérent nante, Une pluie sans fin tire sa force de té shakespearien dans la destinée de Yu avec la tonalité noire du récit, Une pluie sa formidable puissance visuelle mise Guowei), aidé par une magnifique pho- sans fin exprime magnifiquement le dé- au service de la profondeur de son pro- tographie sombre et désaturée. senchantement de son héros, qui est pos. En même temps qu'il déroule les aussi celui de son réalisateur : autant en avancées et les impasses d'une enquête Yu Guowei n’est pas un inspecteur à emporte la pluie… (merci à fuckingcine- marquée du sceau de l'absurde et du proprement dit. Il travaille à l’usine, en philes.blogspot.com)
THE GUILTY Écrit et réalisé par Gustav MÖLLER vrait être qu’une formalité. Et puis, juste pressionnant du début à la fin, nous Danemark 2018 1h25 VOSTF avant qu’il ne cède son casque d’écoute faisant découvrir au fur et à mesure un avec Jakob Cedergren et les voix à la relève de nuit, il y a cet appel d’une personnage de flic à la fois primaire et de Jessica Dinnage, Omar Shargawi, femme, Iben, enlevée en voiture par son complexe, inquiétant et généreux, cy- Jakob Ulrik Lohmann… ex-époux. Elle parvient à tromper la vi- nique et sincère. Ensuite un travail re- gilance de son kidnappeur en faisant marquable sur le son et les voix des co- FESTIVAL INTERNATIONAL DU comme si elle appelait sa petite fille lais- médiens qu’on entend à l’autre bout du FILM POLICIER DE BEAUNE 2018 : sée à la maison, mais la conversation fil, qui fait exploser les limites spatiales PRIX DE LA CRITIQUE est interrompue. Refusant le simple rôle de ce centre téléphonique, faisant du de passeur censé être le sien, Asger, hors champ un film à part entière. Nous Asger Holm est flic. Il répond au 112, le qui, c’est le moins que l’on puisse dire, sommes avec Iben dans la voiture, avec numéro d’urgence de la police danoise. n’a pas une confiance exagérée dans sa fille Mathilde dans sa chambre… Goguenard lorsqu’il comprend que l’efficacité de ses collègues, va tenter sans jamais les voir à l’écran. l’homme qu’il a au bout du fil se trouvait de prendre les choses en main. Pour lui, en plein quartier des prostituées quand il l’urgence est d’autant plus grande que Le titre est de toute évidence plus ambi- s’est fait voler un ordinateur dans sa voi- l’ancien compagnon d’Iben a un casier, gu qu’il n’y paraît. Qui est coupable ? Y ture, excédé quand un videur de boîte déjà condamné pour violences… en a-t-il plusieurs ? De quel crime s’agit- de nuit lui parle comme à un chien… il ? Y en a-t-il eu plusieurs ? En tout cas, mais surtout las de se trouver relégué À partir de ce moment et sans jamais quand on parle de culpabilité dans un dans ce centre d’appel. Car Asger est nous faire sortir de ce centre d’appel, film policier, on pense enquête, action, un flic de terrain et s’il se trouve pendu le réalisateur Gustav Möller, avec une fausse piste, aveux ou confession, voire à ce téléphone, c’est qu’il a été l’objet maîtrise exceptionnelle pour un premier rédemption. Par le truchement d’un té- d’une mise au placard. D’ailleurs, une long métrage, va nous maintenir en ha- léphone, tous ces critères du genre sont conversation avec son ancien supérieur leine jusqu’au dénouement de cette nar- ici présents mais subtilement déca- nous apprend qu’il devrait reprendre ration en temps réel. Il bénéficie pour lés pour nous offrir pendant 85 minutes son poste très vite, après son procès cela de deux atouts maîtres. D’abord qu’on ne voit pas passer un film original qui aura lieu le lendemain et qui ne de- l’acteur danois Jakob Cedergren, im- et passionnant.
Mary Shelley jeune homme dont elle découvre qu'il est toujours marié et père d'une jeune enfant. Mais qu'à cela ne tienne, même ce vilain secret révélé ne la décourage pas. C'est le scandale absolu, le désa- veu total par son père pourtant aimant. Après la période d'euphorie d'une exis- Haifaa al-MANSOUR disais-je parce qu'au premier abord, peu tence bohème mais confortable, c'est GB 2018 2h VOSTF de rapport entre l'univers de la réalisa- l'heure des désillusions, la misère après avec Elle Fanning, Douglas Booth, trice saoudienne et la culture historique la vie dispendieuse. Puis Mary se rend Tom Sturridge, Bel Powley, et littéraire de l'Angleterre georgienne compte que son prince charmant peut Joanne Frogatt, Stephen Dillane… (du nom des rois Georges qui se sont être un redoutable pervers narcissique, Scénario d'Emma Jensen succédés sur le trône)… Mais Haifaa notamment aux côtés de son âme dam- et Haifaa al-Mansour al-Mansour, sollicitée par des produc- née Lord Byron chez qui ils se réfugient teurs britanniques, a su voir et traduire non loin de Genève, justement là où ger- La réalisatrice Haifaa al-Mansour n'est à l'écran une communauté de destin ma Frankenstein… pas du tout une inconnue pour nous : entre les artistes saoudiennes contem- c'est la première femme à avoir réussi à poraines, obligées comme elle de se Le film, classique, remarquablement tourner un film en Arabie Saoudite et ce battre pour trouver leur place en tant bien mené et mis en scène avec classe, film, c'était le formidable Wadjda (2012), que femmes, et une Mary Shelley, fille ne serait pas aussi fort sans l'interpréta- qui racontait la lutte picaresque d'une d'écrivains qui n'avaient jamais rencon- tion inspirée d'Elle Fanning. Au début du adolescente saoudienne pour conquérir tré le succès, décidant de s'imposer par film, Mary a 16 ans, elle est confite d'in- le droit de faire du vélo dans son pays. ses écrits. nocence romantique funèbre, à la fin elle On attendait donc son deuxième film a une vingtaine d'années, elle est mar- avec impatience et c'est peu de dire Avec son regard de femme, Haifaa al- quée par la gravité du destin et l’âpre- qu'on a été surpris quand on a appris Mansour raconte aussi, au-delà de la té du combat mené pour s'imposer. Elle qu'il serait consacré à Mary Shelley, la genèse de Frankenstein, le doulou- Fanning (19 ans au moment du tour- géniale auteure de Frankenstein (écrit reux éveil à l'amour de la jeune écri- nage) décline merveilleusement toutes à l'âge de 18 ans !), jeune prodige qui vaine. En 1814, Mary Wollstonecraft les facettes du personnage, du bonheur s'est imposée dans le monde littéraire Godwin, 16 ans, rencontre le poète au drame. Mary Shelley confirme ain- du xixe siècle – où les femmes qui se ris- Percy Shelley, apprenti chez son père si en beauté le talent multiforme d'une quaient à écrire étaient condamnées à écrivain devenu libraire. C'est le coup jeune actrice en même temps que le brio la poésie ampoulée ou à la littérature ro- de foudre immédiat et contrairement à d'une réalisatrice capable d'investir des manesque forcément courtoise. Surpris toute convenance, Mary s'enfuit avec le univers très différents.
Attention, film projeté seulement du 15 au 21 Août ! John McENROE L'EMPIRE DE LA PERFECTION Film de Julien FARAUT habituelles, que nous compte cet éton- Mais plus encore, McEnroe imprimait France 2108 1h35 nant objet qu’est L’Empire de la perfec- aux matchs une psychologie particu- avec la voix de Mathieu Amalric. Musique tion, aux frontières du documentaire et lière, entrant régulièrement dans de ter- originale de Serge Teyssot-Gay. de l’essai cinématographique. ribles colères, contestant les décisions Car de cinéma, il est immédiatement des arbitres, apostrophant parfois les Mais qui sont ces trois drôles de types question. Comme Mathieu Amalric nous spectateurs eux-mêmes. McEnroe attei- qui, sur les gradins du court central, ne le rappelle d’une voix-off ironique mais gnait une osmose inédite entre le geste suivent pas la balle du léger mouvement concernée, le « film d’instruction fait bel et le mental qui faisait de lui de facto le de va-et-vient cervical bien connu des et bien partie de l’histoire du cinéma ». maître du court, qu’il dirigeait dès lors amateurs de tennis ? Nous sommes aux Gil de Kermadec fut Directeur National comme un véritable metteur en scène. Internationaux de Roland-Garros 1984 et Technique du tennis pendant de nom- Il ne fait nul doute que l’aspect quasi ar- l’assistance compte effectivement trois breuses années. À ce titre, il a long- tistique du jeu de McEnroe a élevé, par individus imperturbablement focalisés temps produit des films à visée pédago- un effet miroir, le travail de Kermadec à sur une unique moitié de terrain : celle gique puis s’est intéressé à des portraits une dimension qu’il n’anticipait pas lui- occupée par John McEnroe, champion de grands joueurs vers la fin des années même. américain au sommet du tennis mon- 70. En 1984, la personnalité et le jeu de dial du début des années 80. Emmenés John McEnroe fourniront à de Kermadec Le travail de Julien Faraut rend grâce par un certain Gil de Kermadec, ces la matière idéale pour aller au bout de à celui de Kermadec, dont la camé- trois bonshommes se sont mis en tête ses investigations. Ce après quoi, il ar- ra cherche avec obsession à saisir ce de filmer les moindres mouvements de rêta d’ailleurs de tourner. que les autres ne voyaient pas. Amateur McEnroe, d’étudier ses gestes sous de sport ou non, on se plaît à sentir le tous les angles, d’en modéliser tant que Il faut dire que le tennis que pratiquait plaisir de l’image qui anime ces rushes possible l’excellence et d’en déceler – le John McEnroe avait tout pour fasciner. étonnants, accompagnés d’une narra- cas échéant – les failles. La singularité de ses gestes en faisait tion souvent drôle et étonnamment per- En fouillant dans des archives sportives, un cas d’école à lui tout seul. Son ser- tinente, dans la lignée des chroniques le réalisateur Julien Faraut est tombé vice commençait presque entièrement qu'écrivait Serge Daney (éminent cri- sur les bobines de Kermadec et a vite dos au filet, la variété de son jeu ne lais- tique de cinéma) sur le tennis dans les senti la rareté de ce qu'il tenait en main. sait jamais ses adversaires présager de colonnes de Libération dans les années Les images collectées par ce passionné ses coups, alternant sans distinction les 80. À mille lieues des jeux ultra-contrôlés sont traversées par une recherche obsti- coupés et les lifts, trouvant des angles actuels (bien plus fades, vous en convien- née : percer le secret d’un champion par de balles insoupçonnés ou brisant sou- drez !), L’Empire de la perfection célèbre l’image, capter avec la caméra ce que dainement le rythme de l’échange par l’alchimie entre un champion atypique l’œil ne voit pas. La performance spor- des amortis parfaitement inattendus. Le et son observateur acharné. Tous deux tive rejoint l’ambition artistique ! C’est jeu de McEnroe ne rentrait dans aucune ont, à un moment, vu le court de terre cette entreprise un peu folle, à contre- case. Pour de Kermadec, il y avait bien battue comme autre chose qu’un simple courant des retransmissions sportives là techniquement un mystère à élucider. terrain de sport : une véritable scène.
ARYTHMIE lourdes responsabilités, en prise perma- nente avec une humanité morbide, peu glorieuse. Plus on le suit dans ses tribu- lations ubuesques, plus il devient clair qu’il y a de quoi perdre pied et combien il est donc essentiel de rire, de décom- presser afin de trouver un recul salu- taire. D’autant plus quand l’ancien di- recteur du service des urgences est Boris KHLEBNIKOV le regard réprobateur de sa compagne, remplacé par un flambant neuf, véri- Russe 2017 1h56 VOSTF médecin dans le même hôpital mais net- table bras armé d’un libéralisme débridé avec Alexander Yatsenko, Irina tement plus équilibrée. Oh oui, elle en a qui a pour seul mot d’ordre la rentabili- Gorbacheva, Nikolay Shraiber… marre Katia ! Ils forment un couple tel- té à tous crins. Eh oui, c’est la nouvelle lement dépareillé : elle si raisonnable et norme, même au pays du petit père des Sacré Oleg ! On dirait un petit cousin attentive, lui tellement inconséquent et peuples ! Une urgence en appelle tou- d’Harpo Marx, avec sa tronche rigo- égoïste. Ce petit mari immature un brin jours une autre et malgré l’indifférence larde, son air de toujours tomber des plus vieux qu’elle, incapable de discuter des automobilistes qui ne laissent pas nues. Mais avec la même part sombre sérieusement et de la comprendre, elle passer les ambulances, il faut accomplir qui le fait recourir trop souvent à la dive en a franchement soupé ! Tant et si bien sa mission en un temps limité. Le chro- bouteille. Dont il se soucie peu du conte- que lors d’un repas familial un peu trop nomètre dicte sa loi, et les soignants se nu. Qu’importe le flacon pourvu qu’il ait arrosé par le gonze, elle lui envoie ce voient privés du temps nécessaire pour l’ivresse. C’est un jeu, une fuite, une qu’elle veut être un sms fatidique qui le exercer leur profession sereinement. manière de voir la vie en rose, en moins somme de débarrasser le plancher sur morose. Cet éternel pré-adolescent, in- le champ ! Comme on la comprend ! Leur quotidien devient une course fré- capable de grandir, est tout autant cra- nétique grand-guignolesque contre la quant qu’agaçant. Il fait partie de « ces Mais rien ne va s’avérer aussi simple montre mais aussi contre une avalanche gens qui doutent, qui trop écoutent leur qu’elle le croyait. Malgré ses œillades de consignes absurdes. Le récit, tout cœur se balancer… puis qui passent assassines, ses airs fâchés, Katia a bon pêchu qu’il soit, devient alors une chro- moitié dans leurs godasses et moitié cœur. Et il est carrément difficile de res- nique sans concession d’un monde mé- à côté… » (A.Sylvestre). C’est cela qui ter insensible à la tristesse de son bon- dical en souffrance. nous le rend tellement familier. Il est ce homme qui alterne les regards langou- cœur qui s’emballe, pour sombrer dans reux et ceux d’un cocker qu’on vient de Contre toute attente, on sera surpris de l’apathie la seconde suivante, un cœur gronder. Ce gros bêta est littéralement découvrir qu’Oleg est un sacrément bon arythmique comme celui de ses patients à fondre quand il s’y met. Plus on dé- toubib, un qui écoute, qui dissimule une d’un instant. Car Oleg, mine de rien, est couvre Oleg, plus il devient attachant. Il réelle empathie sous ses taquineries à médecin urgentiste. Il intervient sur le n’est pas seulement ce lourdingue qu’il deux balles. On sera même bluffé par terrain, en ambulance. Son quotidien est parait être. Certes il festoie, taquine trop sa détermination, son courage désinté- un interminable numéro de cirque dans souvent la bibine, mais cette superficia- ressé, qui n’attend ni reconnaissance, ni lequel il jongle perpétuellement entre lité n’est sans doute qu’un piètre rem- médaille et on se prendra à espérer que moments graves, humour potache et part contre le stress d’un métier aux Katia le soit à son tour…
ROULEZ JEUNESSE Julien GUETTA notre Éric l'accomplit dans une toute Mais chaque chose venant en son France 2018 1h24 petite entreprise gérée par sa maman temps, châtiment ou récompense se- avec Éric Judor, Laure Calamy, qui réclamerait volontiers un peu plus lon les plans du Très Haut, il finit par Brigitte Roüan, Philippe Duquesne, de professionnalisme à son fiston. À sa- en arriver une bien bonne à ce gentil en Déborah Lukumuena… voir : s'en tenir au pied et à la lettre à quête de bonne action : l'apparition, un des objectifs que s'est fixée une société jour entre chien et loup, de la plus im- Notre ami Éric a quarante-trois ans. Sa banalement inscrite au registre du com- probable des BA et plus diabolique- trogne dans ce film nous est familière. merce. ment encore de la plus improbable des Pour l'avoir vu à l'écran dans des films Avouons-le, l'esprit dans lequel s'inscrit BO (bonnes occasions), en l'occurrence souvent impossibles qui ne passent notre Alex (en fait, dans Roulez jeunesse, celle d'une créature en détresse affublée guère dans nos salles. Nous voilà donc Éric s'appelle Alex) déborde un tantinet du plus minus des mini-shorts et de la satisfaits aujourd'hui d'honorer enfin du cadre purement bureaucratique tant il plus craquante frimousse que l'ordonna- sa bonne bouille dans un film qui est s'agit d'aller au devant des gens qui sont teur de toutes choses puisse concevoir. comme un instantané de la vie comme dans la panade, largués dans des situa- Écervelée au point d'avoir fourré du gas- elle va, c'est-à-dire : ni très forcément tions impossibles, à des heures impos- oil dans son réservoir d'essence sans drôle, ni très forcément triste, mais juste sibles, au volant de bagnoles arrivées au plomb… comme il faut pour illuminer son bout de bout du rouleau. Rien pourtant ne peut Roulez jeunesse démarre sur un rythme chemin. altérer la bonne humeur et la générosi- de comédie échevelée… mais peu à peu Son boulot à lui, Éric, c'est dépanneur. té naturelle de ce Saint-Bernard du ma- le réalisateur nous emmène sur un autre Un mot qui ferait presque figure d'ana- cadam, à qui il ne manque que le petit terrain, plus grave, plus nuancé, nour- chronisme dans une société du chacun tonneau de rhum autour du cou, ni cette ri aussi de situations tragiques. Le per- pour soi et que l'on sait aujourd'hui dé- vieille dame qui veut en profiter pour lui sonnage d'Éric s'enrichit en profondeur barrassée des figures tutélaires de l'ab- fourguer à tout prix l'une de ses deux et en complexité, comme d'ailleurs tous bé Pierre et de Coluche. Notre homme, filles en mariage, ni l'insolvabilité prévi- ceux qui l'entourent : Philippe Duquesne, lui, n'est débarrassé de rien et surtout sible de beaucoup de ses clients. Alex Brigitte Roüan, les enfants qui sont au pas de ce qui fait le « vivre ensemble ». est un gentil chronique comme il n'en cœur de l'histoire… tous sont excellents, La joie simple d'exercer un boulot que existe que chez les pauvres et jamais tour à tour agaçants d'énergie, drôles, l'on sait utile aux autres. Et ce boulot, chez les Bolloré. émouvants, et même davantage.
VERGER URBAIN V, ÉCRIN OU CARCAN ? l’importance de ce passage pour le quartier et la survie de l’activité noc- turne des lieux. Vous êtes nombreux à nous questionner sur la soudaine fermeture du passage du Verger Urbain V le soir. C’est le chemin qui vous mène di- Et puis voilà, patatras ! rectement du centre-ville vers le cinéma. Vous êtes nombreux à ne pas Nos inquiétudes se justifiaient ! comprendre les objectifs de cette décision (nous, pas vraiment non plus), à trouver étonnant et paradoxal que ce quartier de la prison qui devrait Soudainement, sans prévenir qui que dans les années futures se développer et augmenter sa population soit ce soit, décision rapide et brutale, début isolé en fermant un des axes principaux de circulation pour les piétons et juillet les élus réintégrent le passage vélos (et cela en irrite plus d’un, vous ne pouvez également plus passer à dans la gestion des jardins publics. bicyclette, pied à terre obligatoire !). Le jeudi 5 juillet vers 22h00, surprise, les gens de la ville viennent fermer les Petit historique. « Renouer avec la période papale grilles. semble être la fibre de ce projet de Elles ont donc été fermées pendant le Lorsque nous nous sommes installés à réhabilitation du Potager de Benoit XII Festival à 22h00, puis ce sera à 20h00 La Manutention au début des années qui permettrait au touriste une visite à partir du 1er août et c’est pas fini, 90, nous avions demandé la possibi- cohérente du Palais, et de ses deux puisqu’au 1er octobre ce sera 18h00 lité d’user d’un droit de passage par jardins recréés pour l’occasion : Le (soit pendant la moitié de notre temps le verger afin de ne pas nous retrou- jardin du Pape et celui du Palais. d’activité). ver enfermés dans une nasse. Cette « Nous sommes en revanche bien condition fondamentale pour nous, et plus perplexes sur la réorganisation Si on nous voulait du mal, on ne s’y comprise par le pouvoir PS de l’époque, du Verger. Le projet en ferait effecti- prendrait pas autrement, une forme nous avait été octroyée par Guy Ravier, vement un espace complexe, un bel d’asphyxie lente mais inéluctable. le maire de l’époque, et le responsable endroit pour les passants, probable- Ou peut-être une incroyable mécon- de RMG, gestionnaire à ce moment de ment en harmonie avec les jardins naissance de notre activité, ce qui cet espace et du Palais des papes. supérieurs. Mais voilà, ce lieu resté après un quart de siècle de présence Nous avons donc très vite ouvert et fer- en friche pendant des décennies, dans ce lieu n’est pas beaucup plus mé les grilles, au début ramassé les se- était, peut-être justement grâce à réconfortant. ringues et les canettes, puis quand les cela, devenu un lieu de rencontres serrures sont devenues défectueuses, et de vie locale. Sans parler de Jean Enfermé au fin fond d’une cour, ce que mis des chaînes et cadenas et ainsi Vilar discutant avec le public lors des nous avions absolument voulu éviter pendant presqu’un quart de siècle, de premiers Festival, il y a eu dans cet lors de notre installation nous arrive tôt matin à tard le soir, cet axe est de- espace des concerts, des projections, sans crier gare. venu le passage pour nos spectateurs des repas de voisins, des assemblées Fermé le soir, là où les séances de ci- mais aussi pour ceux de l’AJMI, des générales lycéennes, étudiantes, des néma sont les plus importantes, là où Hauts plateaux, du théâtre des Doms et enfants qui pique-niquent après avoir les autres structures ont leurs activi- surtout, et avant tout peut-être, l’accès vu un film chez nous, des débats, des tés, c’est effectivement faire un choix au quartier pour les habitants, les pas- spectacles pendant le Festival… et d’aménagement du quartier que nous sants, les touristes… et nous voyons nous en passons. Ce lieu, sans enjeu ne comprenons pas (on est apparem- ainsi à toute heure des personnes cir- était en fait un lieu ouvert à tous, un ment pas les seuls) et qui va rendre culer ou flâner par ce passage. lieu partagé. Si le refaire paraît une notre existence impossible. nécessité, ne pourrions-nous pas Lorsque, il y a quelques années, le repartir de l’histoire contemporaine Nous avons eu rendez-vous à la mai- réaménagement a été envisagé nous pour penser un projet ? Après tout il rie et rien n’a été proposé sauf que le avions une position ambivalente. Nous n’y a probablement pas de période dossier sera communiqué à la première étions satisfaits que cet espace soit historique plus méritante que d’autres magistrate de la ville. restauré et que le passage devienne et aujourd’hui n’est-il pas l’histoire de Nous espérons donc que chose a été plus agréable. Mais aussi inquiets, in- demain ? » faite et que Madame la Maire prendra quiets que les concepteurs fassent fi de toutes les décisions nécessaires pour l’usage actuel du lieu. Jusqu’à il y a quelques semaines nous que les usagers puissent de nouveau étions sereins, nous avons vu la mise cheminer par ce passage en journée Voici ce que nous écrivions en fé- en place d’une grille séparant le pas- comme en soirée. vrier 2016 : sage du jardin. Encore mieux, lors d’une « Ainsi donc l’autre jour, il y avait une réunion de chantier il nous a été pro- Nous ne manquerons pas de vous te- réunion à la mairie pour présenter le posé de nous donner un nouveau trous- nir au courant dans notre prochaine projet de réaménagement du Verger seau de clés. gazette de l’évolution de la chose ainsi que du Potager de Benoît XII, le Tout allait bien ! L’esprit du bail n’était qui est de première importance pour jardin du dessus accolé au Palais. pas mort ! Tout le monde avait perçu notre survie.
COME AS YOU ARE Desiree AKHAVAN petit joint tranquilles. Oubliant leur ha- âmes à ces brebis égarées… La tante de USA 2018 1h31 VOSTF bituelle prudence, leurs gestes se font Cameron ne tarit pas d’éloges. Sûre de avec Chloë Grace Moretz, Sasha Lane, plus tendres… Arrive alors ce qui devait son coup, elle la laisse entre leurs mains. John Gallagher Jr, Forrest Goodluck, arriver : le fiancé boutonneux de Coley La thérapie de conversion sexuelle peut Jennifer Ehle… Scénario de Desiree découvre la scène. Horrifié, au bord de commencer. Akhavan et Cecilia Frugiuele, d'après la nausée, il donne l’alarme, sans scru- le roman d'Emily Danforth, The pule. Son regard rétréci n’est que le re- Cameron d’abord observe, prend la me- Miseducation of Cameron Post flet d’une société confite dans ses pré- sure de ce qui l’attend. Les règles du jugés. La femme est faite pour l’homme, centre sont sévères, nulle place ici pour GRAND PRIX DU JURY comme le pommier pour la pomme… un semblant d’intimité. Jours et nuits, FESTIVAL DE SUNDANCE 2018 Dans la pourtant bienveillante commu- chaque fait et geste est épié. On prie, on nauté chrétienne où vit Cameron depuis chante des louanges. Loin de se révol- Pennsylvanie, 1993… Tandis que le la disparition de ses parents, certains ter, Cameron se fond docilement dans titre Come as you are de Nirvana fait un mots n’existent pas, on ne les conçoit la masse, finissant peut-être par douter tabac, la jeune Cameron Post (Chloë même pas… Alors quand sa relation d’elle-même, prête à être brisée pour re- Grace Moretz) découvre que son corps « contre nature » est dévoilée au grand venir à une soit disant normalité… Elle s’éveille à de nouveaux émois. Quoi de jour, sa tante, pourtant aimante, ne lui reste la jeune fille sans vague, obéis- plus agréable que d’enlacer Coley, sa accorde plus aucun crédit. Elle ne veut sante, qu’elle a toujours été. Sorti des meilleure amie, de lui soutirer un petit plus l’entendre, ne cherche pas à com- séances de groupes ou individuelles, baiser pas tellement innocent et même prendre. Prétendant que ce n’est pas la chacun doit afficher son « iceberg » per- pire ? Les deux adolescentes transpor- peur du qu’en dira-t-on qui motive ses sonnel, une spécialité locale, sorte de tées par leurs sentiments grandissants actes, mais le bien être de Cameron, sa confession impudique. Certains pen- n’y voient pas de mal, même si évi- santé mentale. On devine qu’elle priera sionnaires vivent la chose violemment, demment elles ne s’affichent pas vrai- de plus belle pour sa nièce, suppliant certains grugent, tandis que d’autres, ment. Se voir en cachette rajoute à leur le Seigneur de la protéger de la tenta- dont sa camarade de chambrée, gobent excitation. Elles guettent avec ferveur tion, de la délivrer du mal qui l’habite. Le tout dévotement. Mais le quotidien qui la fin des offices religieux, en se lan- diagnostic est vite fait, le paquetage de devrait être insupportable dans cet antre çant parfois des œillades complices. À Cameron également. On ne lui laisse pas de tordus va s’adoucir progressivement l’heure des devoirs, elles se retrouve- le choix. La voilà pensionnaire de God’s quand deux rebelles du lieu, Adam Red ront comme pour travailler ensemble en Promise (« la promesse de Dieu » en Eagle et celle qui se fait appeler Jane élèves dociles. bon français), un centre perdu au fond Fonda (Sasha Lane déjà très remar- des bois, loin de toute civilisation, loin quée dans American Honey), vont la Par un beau soir où il fait bon se prendre de toutes tentations. Les méthodes de prendre sous leur coupe. Ces échoués par la main, alors que le bal de leur ba- la thérapeute de l’institution ont mon- de la vie forment désormais un vivifiant hut bat son plein, les deux donzelles tré leur efficacité. La preuve ? Elle a soi- trio dont les membres ne renient pas ce s’éclipsent et se réfugient à l’arrière gné son propre frère, un ancien déviant qu’ils sont et n’ont d’autre envie que de d’une voiture histoire de se rouler un devenu prêtre, qui se consacre corps et prendre leur envol…
UNDER THE SILVER LAKE David Robert MITCHELL USA 2018 2h19 VOSTF à Los Angeles : la culture pop et geek aussi bien musicale que cinématogra- si mystérieusement. Sam, oubliant l'avis d'expulsion et la saisie de ses biens qui avec Andrew Garfield, Riley Keough, phique, le monde décadent d'Hollywood lui pendent au nez, va se lancer dans Topher Grace, Callie Hernandez… et ses lieux emblématiques, et la folie une enquête pleine de rebondissements douce inhérente à ses habitants, avec sa et d'imprévus surréalistes, et se muer Sans y être jamais allé, on a tous fan- galerie de personnages improbables. Au en une sorte de Philip Marlowe lympha- tasmé Los Angeles grâce aux livres cœur du film, Sam, un trentenaire glan- tique et désordonné (là on retrouve vrai- qu'on a lus, aux films qu'on a vus. On deur et désabusé qui pourrait être l'alter ment l'Elliot Gould du Privé), pas ba- a tous arpenté Sunset Boulevard, la ego jeunot du Big Lebowski des frères garreur pour deux sous. Et cette quête colline d'Hollywood sur les traces de Coen. Sam habite, dans une résidence hypnotique va s'avérer ponctuée de ren- Philip Marlowe, le détective fétiche de dotée de l'indispensable piscine, un ap- contres ubuesques : clochards gourous, Raymond Chandler. Ou découvert les partement foutraque aux murs recou- starlettes reconverties en escort-girls, sales secrets de la ville des Anges dans verts de posters de cinéma et d'icônes héritières dépressives, rock stars mani- les bouquins noirs de James Ellroy. Et rock (Kurt Cobain en premier lieu), en- pulées, décrypteurs conspirationnistes évidemment à travers le cinéma : Sunset combré de vinyles et de comics. Tel un de comics… boulevard de Billy Wilder, The Party de James Stewart endurant comme il peut Peu à peu, alors que l'enquête devient Blake Edwards, Chinatown de Polanski, le handicap de sa jambe plâtrée, il oc- de plus en plus opaque et incompréhen- Le Privé d'Altman, sans oublier évidem- cupe son désœuvrement en matant à la sible – avec quelques scènes halluci- ment l'énigma-gnétique Mulholland jumelle les avantages d'une voisine quin- nantes –, alors que notre héros va cher- Drive de David Lynch… autant de films quagénaire, jusqu'à ce que son attention cher des réponses dans les cadeaux qui composent une cartographie imagi- se porte sur une autre, plus jeune et qui des paquets de céréales ou en tentant naire de Los Angeles entre ombres et lu- semble se prendre pour Marylin Monrœ. de détecter les messages subliminaux mières, entre opulence, faste hollywoo- Sam l'aborde, la séduit… mais la belle prétendument cachés dans des chan- dien et décadence mortifère. déménage mystérieusement la nuit sui- sons, toute l'ambiance du film va de- Cinéaste cinéphile, David Robert vante. Tout ça alors qu'un très inquiétant venir de plus en plus lynchienne, mais Mitchell s'attaque avec malice et gour- tueur de chiens sévit dans le quartier avec une dose d'humour goût bubble- mandise à tous les mythes associés et qu'un milliardaire disparaît tout aus- gum qui n'est pas la tasse de thé de ce cher David. Pour le spectateur amateur de déam- bulations urbaines, l'enquête est un vrai bonheur de balade buissonnière dans Los Angeles : le réservoir de Silverlake qui donne son titre au film, l'observatoire qui surplombe Hollywood, la statue de James Dean et évidemment la colline où trônent les célèbres lettres au pied des- quelles se sont effondrés bien des es- poirs et dont les entrailles cachent peut- être de lourds secrets. Toute la mise en scène – les couleurs marquées par la lu- mière californienne, la bande son pop parfois inquiétante – dessine une géniale vision de la ville tentaculaire dans la- quelle les personnages glissent comme des fantômes en quête désespérée d'un sens à leur vie.
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