LE POIRIER SAUVAGE - Cinéma garantisans3D - Cinéma Utopia

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LE POIRIER SAUVAGE - Cinéma garantisans3D - Cinéma Utopia
a     garanti sans 3D
                                                                      Ciném

MANUTENTION : 4 rue des escaliers Ste Anne / REPUBLIQUE : 5, rue Figuière 84000 AVIGNON / Tél : 04 90 82 65 36 / www.cinemas-utopia.org

  LE POIRIER SAUVAGE

  Nuri Bilge CEYLAN                            tendra pas que c'est le personnage prin-    Ceylan l’occasion de symboliser l’ambi-
  Turquie 2018 3h08 VOSTF                      cipal mais on peut avancer qu’il ren-       tion inouïe de son film : atteindre la des-
  avec Aydin Dogu Demirkol, Murat              ferme l’essence même de ce film-fleuve      cription la plus dense et la plus fidèle de
  Cemcir, Bennu Yildirimlar, Hazar             magistral. D’une part, c’est pour le ci-    la complexité humaine. Le Poirier sau-
  Ergüçlü, Serkan Keskin…                      néaste turc Nuri Bilge Ceylan – forma-      vage est à cet égard une œuvre d’une
  Scénario de Alin Aksu, Ebru Ceylan           liste exceptionnel – l’opportunité de ré-   profondeur vertigineuse sur les espoirs
  et Nuri Bilge Ceylan                         affirmer son attachement à la beauté        et les désillusions de Sinan, jeune as-
                                               des paysages, à la terre, à l’influence     pirant écrivain et probable futur institu-
  Sur les hauteurs pastorales de la région     des saisons et de leurs lumières chan-      teur comme son père. De retour chez lui
  des Dardanelles, isolé sur une petite col-   geantes sur la nature humaine. Et puis      après ses années d’études à Çanakkale,
  line aride aux couleurs automnales, se       cet arbre « noueux et tordu » comme le      au contact de sa famille, de ses anciens
  dresse un poirier sauvage. On ne pré-        décrira un personnage, c’est aussi pour     amis et des habitants de la ville, Sinan

   N°386 du 1er août au 4 septembre 2018 / Entrée : 7€ / le midi : 4€ / Abonnement : 50€ les dix places
LE POIRIER SAUVAGE - Cinéma garantisans3D - Cinéma Utopia
LE POIRIER SAUVAGE

                                                                                                 Le restaurant
                                                                                                La Manutention
                                                                                                   Cinéma Utopia
prend le pouls d’une vie dont il voudrait        liers de la société turque actuelle –, Sinan   4 rue des escaliers Sainte-
s’évader, en même temps que s’exercent           fait preuve d’une intransigeance souvent
sur lui les forces qui l’empêchent de dé-        arrogante. Par peur ou par doute, il ne        Anne, Cour Maria Casarès,
terminer seul son destin. Le film est            parvient pas à se débarrasser de cette         Avignon - 04 90 86 86 77
composé de longs dialogues passion-              aigreur qui l’amène à soulever des que-
nants (comme l’était déjà le magnifique          relles avec presque chaque personne
Winter Sleep, disponible en Vidéo en
Poche) que Ceylan anime d’une mise
                                                 rencontrée.
                                                 Et puis il y a ce père, maître d’école
                                                                                                À partir du vendredi 3 août
en scène virtuose, et on plonge dans les         proche de la retraite, à qui Sinan ne             ouvert tous les jours
trois heures de ce Poirier sauvage avec la       voudrait surtout pas ressembler. Petit
certitude d’assister à une fresque intime        homme au rire malin, piqué par la mélan-          de 10h à 15h00 et à
d’une richesse rare, tendue vers un final        colie et le démon du jeu, ce père incon-            partir de 18h00.
bouleversant d’intensité.                        séquent, criblé de dettes auprès du vil-
                                                 lage tout entier, ne cesse de faire croire
En quelques années, Sinan s’est forgé
une ambition d'homme de lettres mais,
                                                 qu’il emmènera bientôt sa famille s’ins-
                                                 taller paisiblement dans la maison de
                                                                                                  À partir de 11h00 si vous
nécessité faisant loi, il s'apprête à passer     campagne qu’il fait mine de retaper sans       êtes pressé, vous trouverez
le concours d’instituteur. En attendant, il      la moindre efficacité. « Quand il était pe-       toujours quelque chose
tente de publier à compte d’auteur son           tit, il s’est endormi dans le champ. Je l’ai
premier recueil, sorte d’essai personnel         découvert le visage couvert de fourmis, il      à grignoter (Soupes, tartes
inspiré de la culture régionale (dont l'un       lui en est sorti des narines pendant trois
des symboles pour lui est justement le           jours » raconte le grand-père. Ce person-         et patisseries maison...)
fameux poirier sauvage…). La modeste             nage fascinant, espiègle insaisissable et      Si vous avez le temps, entre
levée de fonds qu'il entreprend amène-           sûrement moins lamentable que la ré-
ra Sinan à côtoyer divers notables lo-           putation qui lui colle aux basques, est        12h00 et 14h30 et 19h00 et
caux ainsi qu’à revoir les lieux et les gens     la clef de voûte de tout le film. Le lent      22h30, vous pouvez manger
qui ont marqué son enfance. C’est ainsi          changement de regard du fils sur le père
qu’à la fontaine, sur les hauteurs du vil-       va amorcer, pour le premier, une tragé-          des plats mijotés avec de
lage, il croise la belle Hatice. Si jeune il y   die intime.
a encore peu de temps, Sinan n’en re-                                                            la viande bio, des légumes
vient pas de la femme qu’elle est deve-          Sans la moindre complaisance à l’égard              de La Barthelasse...
nue. Mais surtout, il mesure pour la pre-        de ses personnages, Nuri Bilge Ceylan
mière fois l’écart entre la vie à laquelle       amène le spectateur à constamment en-             Et des desserts maison,
il aspire et ce que la réalité offre à ceux
qui sont restés au pays. Promise à un
                                                 richir sa perception des choses, jusqu’à
                                                 atteindre l’intimité de chacun dans toute
                                                                                                      glace artisanale…
mariage de raison, Hatice rêve elle aussi        son épaisseur. Et, disons-le, il faut une
d’un autre destin et n’hésite pas à ren-         sacrée dose de génie pour transmettre
voyer à la figure de Sinan son dédain            avec tant de subtilité l’immense palette          Vins, bières, cafés, jus
pour cette petite vie. Cette rencontre fa-       des sentiments humains. Saisis dans                   de fruits... bio.
buleuse, conclue par un baiser à l’ombre         leurs vérités et leurs contradictions, un
des feuilles dorées, donnera à Sinan le          début de ressemblance apparaît entre
goût de l’amertume qui dès lors ne le            Sinan et son père. Mais voilà que l’au-          La salle est climatisée
quittera plus. Auprès du maire, de ses           tomne touche à sa fin. Au seuil de sa vie
anciens amis devenus imams ou de la              d’homme mûr, Sinan doit faire ses choix.          et la terrasse, derrière
célébrité littéraire locale – autant de pi-      L’hiver, espérons-le, portera conseil.           le Palais, ombragée.…
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My Lady

(THE CHILDREN ACT)                              La grande finesse du jeu d’Emma                faire serait vite tranchée : le « Children
                                                Thompson est de laisser transparaître,         act » qui fait prévaloir l’intérêt de l’enfant
Richard EYRE                                    sous la cuirasse impénétrable que s’est        ferait figure de « formule magique », et
GB 2018 1h45 VOSTF                              forgé son personnage, les frémisse-            sa demande serait refusée. Il serait ma-
avec Emma Thompson,                             ments imperceptibles d’un cœur qui             jeur, son choix prévaudrait. Mais Adam
Stanley Tucci, Fionn Whitehead,                 continue de battre malgré son osten-           (Fionn Whitehead, étoile montante du ci-
Jason Watkins, Ben Chaplin…                     sible détachement.                             néma britannique) est entre deux âges,
Scénario de Ian McEwan d’après                  Ils ne sont pas nombreux à percevoir les       à quelques mois de la majorité. La juge
son roman L'Intérêt de l'enfant                 émotions qui habitent Fiona Maye. Son          pointilleuse veut pousser l’investigation
(The Children act), ed. Gallimard               rigorisme perpétuel la rendrait presque        plus loin : Adam, du haut de ses dix-
                                                tyrannique envers son entourage qui fait       sept ans, est-il pleinement conscient
L’action se déroule dans un Londres su-         pourtant tout pour l’épauler. À commen-        des conséquences de son choix ? Ce
blimé, délicieux melting-pot d’histoire et      cer par son greffier « so british ! » petit    choix est-il vraiment le sien ou celui de
de modernité, de démocratie et de mo-           bonhomme d’une exquise courtoisie qui          son entourage ? L’adolescent ne pou-
narchie. Elle s’immisce entre ses hautes        anticipe ses moindres faits et gestes, la      vant comparaître, notre magistrate dé-
tours, ses bâtiments vénérables, ses            dorlote sans le laisser paraître, comme        cide d’aller à son chevet avant de rendre
clochers et leurs querelles dont les plus       s’il la vénérait secrètement. Et puis          son verdict. Une décision qui va dé-
sévères finissent communément par               son charmant mari, Jack (le craquant           frayer la chronique. La presse s’en em-
échouer devant la majestueuse Cour              Stanley Tucci), un homme fin, habitué          pare. L’Angleterre entière semble sus-
Royale de Justice du Royaume-Uni.               depuis le temps à s’effacer, à ne récolter     pendue aux lèvres de Fiona, ajoutant un
C’est ici que siège une drôle de dame,          que des miettes de tendresse quand sa          peu plus de pression sur ses épaules.
Fiona Maye, l’élégance faite juge aux af-       compagne en perpétuelle tension lâche
faires familiales. Celle que tous appellent     la bride, ce qui n’arrive plus très sou-       Sur son lit d’hôpital, Adam a une gueule
avec déférence « My Lady ». Un titre ga-        vent. Pourtant il lui réserve toujours ses     d’ange déchu, fragile. Son intelligence
gné à grand renfort d’heures passées            sourires les plus doux, ses regards les        vive séduit son monde, il n’est pas la
derrière des monticules de dossiers,            plus tendres, son humour, sa compré-           victime naïve qu’on pourrait attendre.
sans ménager sa peine, sans compter             hension. Mais aimer éperdument cette           Quelques instants partagés avec l’im-
les heures. C’est le prix de l’excellence.      femme inaccessible, vampirisée par             pressionnante « My Lady » vont boule-
Un travail quotidien acharné souvent            l’institution judiciaire, est un parcours du   verser leurs vies réciproques. Entre celui
passionnant, parfois ingrat, toujours an-       combattant qui est à deux doigts de ve-        qui veut vivre les préceptes de sa reli-
goissant. La peur de se tromper accom-          nir à bout de sa résistance…                   gion et celle qui vit son métier comme
pagne chaque sentence rendue… Une               Une affaire chassant l’autre, Fiona Maye       un véritable sacerdoce se tisse un lien
peur et tant d’autres sentiments qu’il a        se penche sur la vie des autres, négli-        complexe qui instille dans leurs pensées
fallu apprendre à maîtriser et à cacher.        geant la sienne. Impossible de prendre         des doutes tout aussi vivifiants que mor-
On comprend que la charge est terrible :        un temps pour elle-même alors qu’elle          tels.
la magistrate au sommet du prétoire a           doit arbitrer un cas d’une urgence vi-         Sous des abords classiques, c’est un
tout d’une femme de marbre au sang              tale : un jeune témoin de Jéhovah atteint      film passionnant, d’une élégance folle,
froid. Et pourtant, si on la piquait, ne sai-   d’une leucémie refuse (soutenu par ses         servi par des acteurs formidables qui
gnerait-elle pas ? Nous sommes après            parents) la transfusion de sang qui pour-      nous entraînent avec délice dans les
tout au pays de Shakespeare…                    rait le sauver. Ce serait un gamin, l’af-      méandres des âmes humaines.
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DOGMAN
                                                                         lui confie un week-end sur deux.
                                                                         Dans cette cité tristounette, Marcello a
                                                                         pourtant toujours un sourire radieux, un
                                                                         mot gentil à offrir. Sa simple présence
                                                                         discrète semble spontanément rendre
                                                                         la vie plus douce à ceux qui le croisent.
                            Matteo GARRONE                               Il est incapable de refuser un service,
                            Italie 2018 1h42 VOSTF                       même si une petite alerte intérieure lui
                            avec Marcello Fonte, Edoardo Pesce,          susurre que ce n'est par forcément une
                            Alida Baldari Calabrian,                     bonne idée. Marcello est un brave. Tout
                            Nunzia Schiano… Scénario de                  aussi courageux quand il s’agit d’af-
                            Maurizio Braucci, Ugo Chiti, Matteo          fronter un clébard déchaîné qu’on lui
                            Garrone et Massimo Gaudisio                  amène à manucurer, que gentil quand il
                                                                         s’agit d’aider son prochain. D’ailleurs ici
                            FESTIVAL DE CANNES 2018 :                    tout le monde l’aime. Même ce satané
                            PRIX – LARGEMENT MÉRITÉ                      Simoncino, un fou furieux taillé comme
                            D'INTERPRÉTATION MASCULINE                   un molosse qui, dès sa sortie de taule,
                            POUR MARCELLO FONTE                          recommence à terroriser tout le monde,
                                                                         même les caïds de la zone. Marcello ne
                            Pas de doute : les films de Matteo
                            Garrone – on citera tout particulière-       parvient guère à lui résister et se retrouve
                            ment Gomorra et Reality – sont tout sauf     vite entraîné dans des combines aussi
                            tièdes. Ça décoiffe, ça saisit, ça bous-     louches que dangereuses.
                            cule ! Dogman ne déroge pas à la règle
                            et nous scotche dans notre fauteuil dès      Dogman se déroule implacablement, tel
                            le premier plan.                             une tragédie grecque magnifiquement
                                                                         portée par Marcello Fonte, d’abord poi-
                            Dans les faubourgs de Naples rongés          gnant puis magistral quand il laisse écla-
                            par la misère, Marcello vivote de son        ter sa rage de ne pas parvenir à exister.
                            petit négoce de toilettage pour chiens,      Que les dents grincent en chemin c’est
    VOTRE                   sans oublier quelques compléments de         certain, mais ça ne nous empêche pas
                            salaires douteux pour mettre un peu de       de sourire, voire de rire aux éclats au dé-
   PUBLICITÉ                beurre dans ses pâtes et surtout celles      tour d’une parenthèse humoristique où
 dans la gazette            d’Alida, sa fille qu’il aime comme la pru-
                            nelle de ses yeux et que son ex-femme
                                                                         le ridicule ne tue pas les chiens, malgré
                                                                         tous les efforts de leurs maîtres.
   06 84 60 07 55
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LE POIRIER SAUVAGE - Cinéma garantisans3D - Cinéma Utopia
UNE PLUIE SANS FIN

Écrit et réalisé par DONG YUE                dérisoire, Dong Yue n’hésite pas à pré-        tant que chef de la sécurité. Quand il se
Chine 2017 1h57 VOSTF                        senter en sous texte une Chine indus-          présente au début du film (construit en
avec Yihong Duan, Yiyan Jiang,               trielle en pleine transition vers un capi-     flash-back) il traduit son nom en « résidu
Yuan Du, Chuyi Zheng…                        talisme d'État qui ne dit jamais son nom.      inutile d’une nation glorieuse », s'identi-
                                             Le film devient petit à petit une étude        fiant comme une victime collatérale de la
Grand Prix (amplement mérité) du             captivante sur les changements écono-          modernisation, identification renforcée
Festival international du Film Policier      miques et sociaux et les conséquences          par les derniers plans du film. Lorsqu’il
de Beaune 2018 (l'an dernier, c'était        sur ses habitants.                             n’attrape pas les petits voleurs de l’usine
Le Caire confidentiel, pas mal !)            Alors évidemment, la comparaison               où il travaille, Yu s’imagine en vrai détec-
                                             avec un certain film coréen du nom de          tive. C’est avec toute la bonne volonté
1997. À quelques mois de la rétrocession     Memories of murder vient plusieurs fois        possible qu’il s’attaque à l’enquête sur
de Hong-Kong par la Grande Bretagne,         à l'esprit. Et on ne croit pas se tromper      le tueur en série, ne pouvant compter
la Chine va vivre de grands change-          en avançant que le film de Bong Joon-          que sur son obstination, se mettant lui-
ments… Yu Guowei, chef de la sécurité        ho a inspiré Dong Yue. On y retrouve la        même en danger, notamment lors d'une
d’une vieille usine dans le Sud du pays,     même atmosphère lourde, la pluie qui           magnifique course poursuite sous la
enquête sur une série de meurtres com-       emprisonne les personnages par sa pré-         pluie. Mais il va tomber de haut, s’aper-
mis sur des jeunes femmes.                   sence constante. Mais Une pluie sans           cevoir petit à petit qu’il n’est pas si doué
Alors que la police piétine, cette enquête   fin se détache petit à petit de son illustre   que ça pour résoudre des énigmes cri-
va très vite devenir une véritable obses-    prédécesseur : là où Bong Joon-ho uti-         minelles… Sa vie part en vrille, en une
sion pour Yu… puis sa raison de vivre.       lisait l’absurde et l’humour pour désa-        sorte de spirale infernale qu'il est inca-
                                             morcer la descente aux enfers, Dong            pable d'arrêter…
Premier film d'une maîtrise impression-      Yue reste dans la tragédie (il y a un cô-      Jusqu'à un final parfaitement cohérent
nante, Une pluie sans fin tire sa force de   té shakespearien dans la destinée de Yu        avec la tonalité noire du récit, Une pluie
sa formidable puissance visuelle mise        Guowei), aidé par une magnifique pho-          sans fin exprime magnifiquement le dé-
au service de la profondeur de son pro-      tographie sombre et désaturée.                 senchantement de son héros, qui est
pos. En même temps qu'il déroule les                                                        aussi celui de son réalisateur : autant en
avancées et les impasses d'une enquête       Yu Guowei n’est pas un inspecteur à            emporte la pluie… (merci à fuckingcine-
marquée du sceau de l'absurde et du          proprement dit. Il travaille à l’usine, en     philes.blogspot.com)
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THE GUILTY

Écrit et réalisé par Gustav MÖLLER            vrait être qu’une formalité. Et puis, juste    pressionnant du début à la fin, nous
Danemark 2018 1h25 VOSTF                      avant qu’il ne cède son casque d’écoute        faisant découvrir au fur et à mesure un
avec Jakob Cedergren et les voix              à la relève de nuit, il y a cet appel d’une    personnage de flic à la fois primaire et
de Jessica Dinnage, Omar Shargawi,            femme, Iben, enlevée en voiture par son        complexe, inquiétant et généreux, cy-
Jakob Ulrik Lohmann…                          ex-époux. Elle parvient à tromper la vi-       nique et sincère. Ensuite un travail re-
                                              gilance de son kidnappeur en faisant           marquable sur le son et les voix des co-
FESTIVAL INTERNATIONAL DU                     comme si elle appelait sa petite fille lais-   médiens qu’on entend à l’autre bout du
FILM POLICIER DE BEAUNE 2018 :                sée à la maison, mais la conversation          fil, qui fait exploser les limites spatiales
PRIX DE LA CRITIQUE                           est interrompue. Refusant le simple rôle       de ce centre téléphonique, faisant du
                                              de passeur censé être le sien, Asger,          hors champ un film à part entière. Nous
Asger Holm est flic. Il répond au 112, le     qui, c’est le moins que l’on puisse dire,      sommes avec Iben dans la voiture, avec
numéro d’urgence de la police danoise.        n’a pas une confiance exagérée dans            sa fille Mathilde dans sa chambre…
Goguenard lorsqu’il comprend que              l’efficacité de ses collègues, va tenter       sans jamais les voir à l’écran.
l’homme qu’il a au bout du fil se trouvait    de prendre les choses en main. Pour lui,
en plein quartier des prostituées quand il    l’urgence est d’autant plus grande que         Le titre est de toute évidence plus ambi-
s’est fait voler un ordinateur dans sa voi-   l’ancien compagnon d’Iben a un casier,         gu qu’il n’y paraît. Qui est coupable ? Y
ture, excédé quand un videur de boîte         déjà condamné pour violences…                  en a-t-il plusieurs ? De quel crime s’agit-
de nuit lui parle comme à un chien…                                                          il ? Y en a-t-il eu plusieurs ? En tout cas,
mais surtout las de se trouver relégué        À partir de ce moment et sans jamais           quand on parle de culpabilité dans un
dans ce centre d’appel. Car Asger est         nous faire sortir de ce centre d’appel,        film policier, on pense enquête, action,
un flic de terrain et s’il se trouve pendu    le réalisateur Gustav Möller, avec une         fausse piste, aveux ou confession, voire
à ce téléphone, c’est qu’il a été l’objet     maîtrise exceptionnelle pour un premier        rédemption. Par le truchement d’un té-
d’une mise au placard. D’ailleurs, une        long métrage, va nous maintenir en ha-         léphone, tous ces critères du genre sont
conversation avec son ancien supérieur        leine jusqu’au dénouement de cette nar-        ici présents mais subtilement déca-
nous apprend qu’il devrait reprendre          ration en temps réel. Il bénéficie pour        lés pour nous offrir pendant 85 minutes
son poste très vite, après son procès         cela de deux atouts maîtres. D’abord           qu’on ne voit pas passer un film original
qui aura lieu le lendemain et qui ne de-      l’acteur danois Jakob Cedergren, im-           et passionnant.
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Mary Shelley
                                                                                         jeune homme dont elle découvre qu'il
                                                                                         est toujours marié et père d'une jeune
                                                                                         enfant. Mais qu'à cela ne tienne, même
                                                                                         ce vilain secret révélé ne la décourage
                                                                                         pas. C'est le scandale absolu, le désa-
                                                                                         veu total par son père pourtant aimant.
                                                                                         Après la période d'euphorie d'une exis-
Haifaa al-MANSOUR                            disais-je parce qu'au premier abord, peu    tence bohème mais confortable, c'est
GB 2018 2h VOSTF                             de rapport entre l'univers de la réalisa-   l'heure des désillusions, la misère après
avec Elle Fanning, Douglas Booth,            trice saoudienne et la culture historique   la vie dispendieuse. Puis Mary se rend
Tom Sturridge, Bel Powley,                   et littéraire de l'Angleterre georgienne    compte que son prince charmant peut
Joanne Frogatt, Stephen Dillane…             (du nom des rois Georges qui se sont        être un redoutable pervers narcissique,
Scénario d'Emma Jensen                       succédés sur le trône)… Mais Haifaa         notamment aux côtés de son âme dam-
et Haifaa al-Mansour                         al-Mansour, sollicitée par des produc-      née Lord Byron chez qui ils se réfugient
                                             teurs britanniques, a su voir et traduire   non loin de Genève, justement là où ger-
La réalisatrice Haifaa al-Mansour n'est      à l'écran une communauté de destin          ma Frankenstein…
pas du tout une inconnue pour nous :         entre les artistes saoudiennes contem-
c'est la première femme à avoir réussi à     poraines, obligées comme elle de se         Le film, classique, remarquablement
tourner un film en Arabie Saoudite et ce     battre pour trouver leur place en tant      bien mené et mis en scène avec classe,
film, c'était le formidable Wadjda (2012),   que femmes, et une Mary Shelley, fille      ne serait pas aussi fort sans l'interpréta-
qui racontait la lutte picaresque d'une      d'écrivains qui n'avaient jamais rencon-    tion inspirée d'Elle Fanning. Au début du
adolescente saoudienne pour conquérir        tré le succès, décidant de s'imposer par    film, Mary a 16 ans, elle est confite d'in-
le droit de faire du vélo dans son pays.     ses écrits.                                 nocence romantique funèbre, à la fin elle
On attendait donc son deuxième film                                                      a une vingtaine d'années, elle est mar-
avec impatience et c'est peu de dire         Avec son regard de femme, Haifaa al-        quée par la gravité du destin et l’âpre-
qu'on a été surpris quand on a appris        Mansour raconte aussi, au-delà de la        té du combat mené pour s'imposer. Elle
qu'il serait consacré à Mary Shelley, la     genèse de Frankenstein, le doulou-          Fanning (19 ans au moment du tour-
géniale auteure de Frankenstein (écrit       reux éveil à l'amour de la jeune écri-      nage) décline merveilleusement toutes
à l'âge de 18 ans !), jeune prodige qui      vaine. En 1814, Mary Wollstonecraft         les facettes du personnage, du bonheur
s'est imposée dans le monde littéraire       Godwin, 16 ans, rencontre le poète          au drame. Mary Shelley confirme ain-
du xixe siècle – où les femmes qui se ris-   Percy Shelley, apprenti chez son père       si en beauté le talent multiforme d'une
quaient à écrire étaient condamnées à        écrivain devenu libraire. C'est le coup     jeune actrice en même temps que le brio
la poésie ampoulée ou à la littérature ro-   de foudre immédiat et contrairement à       d'une réalisatrice capable d'investir des
manesque forcément courtoise. Surpris        toute convenance, Mary s'enfuit avec le     univers très différents.
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Attention, film projeté seulement du 15 au 21 Août !

John McENROE
L'EMPIRE DE LA PERFECTION
Film de Julien FARAUT                         habituelles, que nous compte cet éton-         Mais plus encore, McEnroe imprimait
France 2108 1h35                              nant objet qu’est L’Empire de la perfec-       aux matchs une psychologie particu-
avec la voix de Mathieu Amalric. Musique      tion, aux frontières du documentaire et        lière, entrant régulièrement dans de ter-
originale de Serge Teyssot-Gay.               de l’essai cinématographique.                  ribles colères, contestant les décisions
                                              Car de cinéma, il est immédiatement            des arbitres, apostrophant parfois les
Mais qui sont ces trois drôles de types       question. Comme Mathieu Amalric nous           spectateurs eux-mêmes. McEnroe attei-
qui, sur les gradins du court central, ne     le rappelle d’une voix-off ironique mais       gnait une osmose inédite entre le geste
suivent pas la balle du léger mouvement       concernée, le « film d’instruction fait bel    et le mental qui faisait de lui de facto le
de va-et-vient cervical bien connu des        et bien partie de l’histoire du cinéma ».      maître du court, qu’il dirigeait dès lors
amateurs de tennis ? Nous sommes aux          Gil de Kermadec fut Directeur National         comme un véritable metteur en scène.
Internationaux de Roland-Garros 1984 et       Technique du tennis pendant de nom-            Il ne fait nul doute que l’aspect quasi ar-
l’assistance compte effectivement trois       breuses années. À ce titre, il a long-         tistique du jeu de McEnroe a élevé, par
individus imperturbablement focalisés         temps produit des films à visée pédago-        un effet miroir, le travail de Kermadec à
sur une unique moitié de terrain : celle      gique puis s’est intéressé à des portraits     une dimension qu’il n’anticipait pas lui-
occupée par John McEnroe, champion            de grands joueurs vers la fin des années       même.
américain au sommet du tennis mon-            70. En 1984, la personnalité et le jeu de
dial du début des années 80. Emmenés          John McEnroe fourniront à de Kermadec          Le travail de Julien Faraut rend grâce
par un certain Gil de Kermadec, ces           la matière idéale pour aller au bout de        à celui de Kermadec, dont la camé-
trois bonshommes se sont mis en tête          ses investigations. Ce après quoi, il ar-      ra cherche avec obsession à saisir ce
de filmer les moindres mouvements de          rêta d’ailleurs de tourner.                    que les autres ne voyaient pas. Amateur
McEnroe, d’étudier ses gestes sous                                                           de sport ou non, on se plaît à sentir le
tous les angles, d’en modéliser tant que      Il faut dire que le tennis que pratiquait      plaisir de l’image qui anime ces rushes
possible l’excellence et d’en déceler – le    John McEnroe avait tout pour fasciner.         étonnants, accompagnés d’une narra-
cas échéant – les failles.                    La singularité de ses gestes en faisait        tion souvent drôle et étonnamment per-
En fouillant dans des archives sportives,     un cas d’école à lui tout seul. Son ser-       tinente, dans la lignée des chroniques
le réalisateur Julien Faraut est tombé        vice commençait presque entièrement            qu'écrivait Serge Daney (éminent cri-
sur les bobines de Kermadec et a vite         dos au filet, la variété de son jeu ne lais-   tique de cinéma) sur le tennis dans les
senti la rareté de ce qu'il tenait en main.   sait jamais ses adversaires présager de        colonnes de Libération dans les années
Les images collectées par ce passionné        ses coups, alternant sans distinction les      80. À mille lieues des jeux ultra-contrôlés
sont traversées par une recherche obsti-      coupés et les lifts, trouvant des angles       actuels (bien plus fades, vous en convien-
née : percer le secret d’un champion par      de balles insoupçonnés ou brisant sou-         drez !), L’Empire de la perfection célèbre
l’image, capter avec la caméra ce que         dainement le rythme de l’échange par           l’alchimie entre un champion atypique
l’œil ne voit pas. La performance spor-       des amortis parfaitement inattendus. Le        et son observateur acharné. Tous deux
tive rejoint l’ambition artistique ! C’est    jeu de McEnroe ne rentrait dans aucune         ont, à un moment, vu le court de terre
cette entreprise un peu folle, à contre-      case. Pour de Kermadec, il y avait bien        battue comme autre chose qu’un simple
courant des retransmissions sportives         là techniquement un mystère à élucider.        terrain de sport : une véritable scène.
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ARYTHMIE
                                                                                             lourdes responsabilités, en prise perma-
                                                                                             nente avec une humanité morbide, peu
                                                                                             glorieuse. Plus on le suit dans ses tribu-
                                                                                             lations ubuesques, plus il devient clair
                                                                                             qu’il y a de quoi perdre pied et combien
                                                                                             il est donc essentiel de rire, de décom-
                                                                                             presser afin de trouver un recul salu-
                                                                                             taire. D’autant plus quand l’ancien di-
                                                                                             recteur du service des urgences est
Boris KHLEBNIKOV                              le regard réprobateur de sa compagne,          remplacé par un flambant neuf, véri-
Russe 2017 1h56 VOSTF                         médecin dans le même hôpital mais net-         table bras armé d’un libéralisme débridé
avec Alexander Yatsenko, Irina                tement plus équilibrée. Oh oui, elle en a      qui a pour seul mot d’ordre la rentabili-
Gorbacheva, Nikolay Shraiber…                 marre Katia ! Ils forment un couple tel-       té à tous crins. Eh oui, c’est la nouvelle
                                              lement dépareillé : elle si raisonnable et     norme, même au pays du petit père des
Sacré Oleg ! On dirait un petit cousin        attentive, lui tellement inconséquent et       peuples ! Une urgence en appelle tou-
d’Harpo Marx, avec sa tronche rigo-           égoïste. Ce petit mari immature un brin        jours une autre et malgré l’indifférence
larde, son air de toujours tomber des         plus vieux qu’elle, incapable de discuter      des automobilistes qui ne laissent pas
nues. Mais avec la même part sombre           sérieusement et de la comprendre, elle         passer les ambulances, il faut accomplir
qui le fait recourir trop souvent à la dive   en a franchement soupé ! Tant et si bien       sa mission en un temps limité. Le chro-
bouteille. Dont il se soucie peu du conte-    que lors d’un repas familial un peu trop       nomètre dicte sa loi, et les soignants se
nu. Qu’importe le flacon pourvu qu’il ait     arrosé par le gonze, elle lui envoie ce        voient privés du temps nécessaire pour
l’ivresse. C’est un jeu, une fuite, une       qu’elle veut être un sms fatidique qui le      exercer leur profession sereinement.
manière de voir la vie en rose, en moins      somme de débarrasser le plancher sur
morose. Cet éternel pré-adolescent, in-       le champ ! Comme on la comprend !              Leur quotidien devient une course fré-
capable de grandir, est tout autant cra-                                                     nétique grand-guignolesque contre la
quant qu’agaçant. Il fait partie de « ces     Mais rien ne va s’avérer aussi simple          montre mais aussi contre une avalanche
gens qui doutent, qui trop écoutent leur      qu’elle le croyait. Malgré ses œillades        de consignes absurdes. Le récit, tout
cœur se balancer… puis qui passent            assassines, ses airs fâchés, Katia a bon       pêchu qu’il soit, devient alors une chro-
moitié dans leurs godasses et moitié          cœur. Et il est carrément difficile de res-    nique sans concession d’un monde mé-
à côté… » (A.Sylvestre). C’est cela qui       ter insensible à la tristesse de son bon-      dical en souffrance.
nous le rend tellement familier. Il est ce    homme qui alterne les regards langou-
cœur qui s’emballe, pour sombrer dans         reux et ceux d’un cocker qu’on vient de        Contre toute attente, on sera surpris de
l’apathie la seconde suivante, un cœur        gronder. Ce gros bêta est littéralement        découvrir qu’Oleg est un sacrément bon
arythmique comme celui de ses patients        à fondre quand il s’y met. Plus on dé-         toubib, un qui écoute, qui dissimule une
d’un instant. Car Oleg, mine de rien, est     couvre Oleg, plus il devient attachant. Il     réelle empathie sous ses taquineries à
médecin urgentiste. Il intervient sur le      n’est pas seulement ce lourdingue qu’il        deux balles. On sera même bluffé par
terrain, en ambulance. Son quotidien est      parait être. Certes il festoie, taquine trop   sa détermination, son courage désinté-
un interminable numéro de cirque dans         souvent la bibine, mais cette superficia-      ressé, qui n’attend ni reconnaissance, ni
lequel il jongle perpétuellement entre        lité n’est sans doute qu’un piètre rem-        médaille et on se prendra à espérer que
moments graves, humour potache et             part contre le stress d’un métier aux          Katia le soit à son tour…
LE POIRIER SAUVAGE - Cinéma garantisans3D - Cinéma Utopia
ROULEZ JEUNESSE
Julien GUETTA                                 notre Éric l'accomplit dans une toute          Mais chaque chose venant en son
France 2018 1h24                              petite entreprise gérée par sa maman           temps, châtiment ou récompense se-
avec Éric Judor, Laure Calamy,                qui réclamerait volontiers un peu plus         lon les plans du Très Haut, il finit par
Brigitte Roüan, Philippe Duquesne,            de professionnalisme à son fiston. À sa-       en arriver une bien bonne à ce gentil en
Déborah Lukumuena…                            voir : s'en tenir au pied et à la lettre à     quête de bonne action : l'apparition, un
                                              des objectifs que s'est fixée une société      jour entre chien et loup, de la plus im-
Notre ami Éric a quarante-trois ans. Sa       banalement inscrite au registre du com-        probable des BA et plus diabolique-
trogne dans ce film nous est familière.       merce.                                         ment encore de la plus improbable des
Pour l'avoir vu à l'écran dans des films      Avouons-le, l'esprit dans lequel s'inscrit     BO (bonnes occasions), en l'occurrence
souvent impossibles qui ne passent            notre Alex (en fait, dans Roulez jeunesse,     celle d'une créature en détresse affublée
guère dans nos salles. Nous voilà donc        Éric s'appelle Alex) déborde un tantinet       du plus minus des mini-shorts et de la
satisfaits aujourd'hui d'honorer enfin        du cadre purement bureaucratique tant il       plus craquante frimousse que l'ordonna-
sa bonne bouille dans un film qui est         s'agit d'aller au devant des gens qui sont     teur de toutes choses puisse concevoir.
comme un instantané de la vie comme           dans la panade, largués dans des situa-        Écervelée au point d'avoir fourré du gas-
elle va, c'est-à-dire : ni très forcément     tions impossibles, à des heures impos-         oil dans son réservoir d'essence sans
drôle, ni très forcément triste, mais juste   sibles, au volant de bagnoles arrivées au      plomb…
comme il faut pour illuminer son bout de      bout du rouleau. Rien pourtant ne peut         Roulez jeunesse démarre sur un rythme
chemin.                                       altérer la bonne humeur et la générosi-        de comédie échevelée… mais peu à peu
Son boulot à lui, Éric, c'est dépanneur.      té naturelle de ce Saint-Bernard du ma-        le réalisateur nous emmène sur un autre
Un mot qui ferait presque figure d'ana-       cadam, à qui il ne manque que le petit         terrain, plus grave, plus nuancé, nour-
chronisme dans une société du chacun          tonneau de rhum autour du cou, ni cette        ri aussi de situations tragiques. Le per-
pour soi et que l'on sait aujourd'hui dé-     vieille dame qui veut en profiter pour lui     sonnage d'Éric s'enrichit en profondeur
barrassée des figures tutélaires de l'ab-     fourguer à tout prix l'une de ses deux         et en complexité, comme d'ailleurs tous
bé Pierre et de Coluche. Notre homme,         filles en mariage, ni l'insolvabilité prévi-   ceux qui l'entourent : Philippe Duquesne,
lui, n'est débarrassé de rien et surtout      sible de beaucoup de ses clients. Alex         Brigitte Roüan, les enfants qui sont au
pas de ce qui fait le « vivre ensemble ».     est un gentil chronique comme il n'en          cœur de l'histoire… tous sont excellents,
La joie simple d'exercer un boulot que        existe que chez les pauvres et jamais          tour à tour agaçants d'énergie, drôles,
l'on sait utile aux autres. Et ce boulot,     chez les Bolloré.                              émouvants, et même davantage.
VERGER URBAIN V, ÉCRIN OU CARCAN ?                                                   l’importance de ce passage pour le
                                                                                     quartier et la survie de l’activité noc-
                                                                                     turne des lieux.
Vous êtes nombreux à nous questionner sur la soudaine fermeture du
passage du Verger Urbain V le soir. C’est le chemin qui vous mène di-                Et puis voilà, patatras !
rectement du centre-ville vers le cinéma. Vous êtes nombreux à ne pas                Nos inquiétudes se justifiaient !
comprendre les objectifs de cette décision (nous, pas vraiment non plus),
à trouver étonnant et paradoxal que ce quartier de la prison qui devrait             Soudainement, sans prévenir qui que
dans les années futures se développer et augmenter sa population soit                ce soit, décision rapide et brutale, début
isolé en fermant un des axes principaux de circulation pour les piétons et           juillet les élus réintégrent le passage
vélos (et cela en irrite plus d’un, vous ne pouvez également plus passer à           dans la gestion des jardins publics.
bicyclette, pied à terre obligatoire !).                                             Le jeudi 5 juillet vers 22h00, surprise,
                                                                                     les gens de la ville viennent fermer les
Petit historique.                         « Renouer avec la période papale           grilles.
                                          semble être la fibre de ce projet de       Elles ont donc été fermées pendant le
Lorsque nous nous sommes installés à réhabilitation du Potager de Benoit XII         Festival à 22h00, puis ce sera à 20h00
La Manutention au début des années qui permettrait au touriste une visite            à partir du 1er août et c’est pas fini,
90, nous avions demandé la possibi- cohérente du Palais, et de ses deux              puisqu’au 1er octobre ce sera 18h00
lité d’user d’un droit de passage par jardins recréés pour l’occasion : Le           (soit pendant la moitié de notre temps
le verger afin de ne pas nous retrou- jardin du Pape et celui du Palais.             d’activité).
ver enfermés dans une nasse. Cette « Nous sommes en revanche bien
condition fondamentale pour nous, et plus perplexes sur la réorganisation            Si on nous voulait du mal, on ne s’y
comprise par le pouvoir PS de l’époque, du Verger. Le projet en ferait effecti-      prendrait pas autrement, une forme
nous avait été octroyée par Guy Ravier, vement un espace complexe, un bel            d’asphyxie lente mais inéluctable.
le maire de l’époque, et le responsable endroit pour les passants, probable-         Ou peut-être une incroyable mécon-
de RMG, gestionnaire à ce moment de ment en harmonie avec les jardins                naissance de notre activité, ce qui
cet espace et du Palais des papes.        supérieurs. Mais voilà, ce lieu resté      après un quart de siècle de présence
Nous avons donc très vite ouvert et fer- en friche pendant des décennies,            dans ce lieu n’est pas beaucup plus
mé les grilles, au début ramassé les se- était, peut-être justement grâce à          réconfortant.
ringues et les canettes, puis quand les cela, devenu un lieu de rencontres
serrures sont devenues défectueuses, et de vie locale. Sans parler de Jean           Enfermé au fin fond d’une cour, ce que
mis des chaînes et cadenas et ainsi Vilar discutant avec le public lors des          nous avions absolument voulu éviter
pendant presqu’un quart de siècle, de premiers Festival, il y a eu dans cet          lors de notre installation nous arrive
tôt matin à tard le soir, cet axe est de- espace des concerts, des projections,      sans crier gare.
venu le passage pour nos spectateurs des repas de voisins, des assemblées            Fermé le soir, là où les séances de ci-
mais aussi pour ceux de l’AJMI, des générales lycéennes, étudiantes, des             néma sont les plus importantes, là où
Hauts plateaux, du théâtre des Doms et enfants qui pique-niquent après avoir         les autres structures ont leurs activi-
surtout, et avant tout peut-être, l’accès vu un film chez nous, des débats, des      tés, c’est effectivement faire un choix
au quartier pour les habitants, les pas- spectacles pendant le Festival… et          d’aménagement du quartier que nous
sants, les touristes… et nous voyons nous en passons. Ce lieu, sans enjeu            ne comprenons pas (on est apparem-
ainsi à toute heure des personnes cir- était en fait un lieu ouvert à tous, un       ment pas les seuls) et qui va rendre
culer ou flâner par ce passage.           lieu partagé. Si le refaire paraît une     notre existence impossible.
                                          nécessité, ne pourrions-nous pas
Lorsque, il y a quelques années, le repartir de l’histoire contemporaine             Nous avons eu rendez-vous à la mai-
réaménagement a été envisagé nous pour penser un projet ? Après tout il              rie et rien n’a été proposé sauf que le
avions une position ambivalente. Nous n’y a probablement pas de période              dossier sera communiqué à la première
étions satisfaits que cet espace soit historique plus méritante que d’autres         magistrate de la ville.
restauré et que le passage devienne et aujourd’hui n’est-il pas l’histoire de        Nous espérons donc que chose a été
plus agréable. Mais aussi inquiets, in- demain ? »                                   faite et que Madame la Maire prendra
quiets que les concepteurs fassent fi de                                             toutes les décisions nécessaires pour
l’usage actuel du lieu.                   Jusqu’à il y a quelques semaines nous      que les usagers puissent de nouveau
                                          étions sereins, nous avons vu la mise      cheminer par ce passage en journée
Voici ce que nous écrivions en fé- en place d’une grille séparant le pas-            comme en soirée.
vrier 2016 :                              sage du jardin. Encore mieux, lors d’une
« Ainsi donc l’autre jour, il y avait une réunion de chantier il nous a été pro-     Nous ne manquerons pas de vous te-
réunion à la mairie pour présenter le posé de nous donner un nouveau trous-          nir au courant dans notre prochaine
projet de réaménagement du Verger seau de clés.                                      gazette de l’évolution de la chose
ainsi que du Potager de Benoît XII, le Tout allait bien ! L’esprit du bail n’était   qui est de première importance pour
jardin du dessus accolé au Palais.        pas mort ! Tout le monde avait perçu       notre survie.
COME AS YOU ARE

Desiree AKHAVAN                              petit joint tranquilles. Oubliant leur ha-     âmes à ces brebis égarées… La tante de
USA 2018 1h31 VOSTF                          bituelle prudence, leurs gestes se font        Cameron ne tarit pas d’éloges. Sûre de
avec Chloë Grace Moretz, Sasha Lane,         plus tendres… Arrive alors ce qui devait       son coup, elle la laisse entre leurs mains.
John Gallagher Jr, Forrest Goodluck,         arriver : le fiancé boutonneux de Coley        La thérapie de conversion sexuelle peut
Jennifer Ehle… Scénario de Desiree           découvre la scène. Horrifié, au bord de        commencer.
Akhavan et Cecilia Frugiuele, d'après        la nausée, il donne l’alarme, sans scru-
le roman d'Emily Danforth, The               pule. Son regard rétréci n’est que le re-      Cameron d’abord observe, prend la me-
Miseducation of Cameron Post                 flet d’une société confite dans ses pré-       sure de ce qui l’attend. Les règles du
                                             jugés. La femme est faite pour l’homme,        centre sont sévères, nulle place ici pour
GRAND PRIX DU JURY                           comme le pommier pour la pomme…                un semblant d’intimité. Jours et nuits,
FESTIVAL DE SUNDANCE 2018                    Dans la pourtant bienveillante commu-          chaque fait et geste est épié. On prie, on
                                             nauté chrétienne où vit Cameron depuis         chante des louanges. Loin de se révol-
Pennsylvanie, 1993… Tandis que le            la disparition de ses parents, certains        ter, Cameron se fond docilement dans
titre Come as you are de Nirvana fait un     mots n’existent pas, on ne les conçoit         la masse, finissant peut-être par douter
tabac, la jeune Cameron Post (Chloë          même pas… Alors quand sa relation              d’elle-même, prête à être brisée pour re-
Grace Moretz) découvre que son corps         « contre nature » est dévoilée au grand        venir à une soit disant normalité… Elle
s’éveille à de nouveaux émois. Quoi de       jour, sa tante, pourtant aimante, ne lui       reste la jeune fille sans vague, obéis-
plus agréable que d’enlacer Coley, sa        accorde plus aucun crédit. Elle ne veut        sante, qu’elle a toujours été. Sorti des
meilleure amie, de lui soutirer un petit     plus l’entendre, ne cherche pas à com-         séances de groupes ou individuelles,
baiser pas tellement innocent et même        prendre. Prétendant que ce n’est pas la        chacun doit afficher son « iceberg » per-
pire ? Les deux adolescentes transpor-       peur du qu’en dira-t-on qui motive ses         sonnel, une spécialité locale, sorte de
tées par leurs sentiments grandissants       actes, mais le bien être de Cameron, sa        confession impudique. Certains pen-
n’y voient pas de mal, même si évi-          santé mentale. On devine qu’elle priera        sionnaires vivent la chose violemment,
demment elles ne s’affichent pas vrai-       de plus belle pour sa nièce, suppliant         certains grugent, tandis que d’autres,
ment. Se voir en cachette rajoute à leur     le Seigneur de la protéger de la tenta-        dont sa camarade de chambrée, gobent
excitation. Elles guettent avec ferveur      tion, de la délivrer du mal qui l’habite. Le   tout dévotement. Mais le quotidien qui
la fin des offices religieux, en se lan-     diagnostic est vite fait, le paquetage de      devrait être insupportable dans cet antre
çant parfois des œillades complices. À       Cameron également. On ne lui laisse pas        de tordus va s’adoucir progressivement
l’heure des devoirs, elles se retrouve-      le choix. La voilà pensionnaire de God’s       quand deux rebelles du lieu, Adam Red
ront comme pour travailler ensemble en       Promise (« la promesse de Dieu » en            Eagle et celle qui se fait appeler Jane
élèves dociles.                              bon français), un centre perdu au fond         Fonda (Sasha Lane déjà très remar-
                                             des bois, loin de toute civilisation, loin     quée dans American Honey), vont la
Par un beau soir où il fait bon se prendre   de toutes tentations. Les méthodes de          prendre sous leur coupe. Ces échoués
par la main, alors que le bal de leur ba-    la thérapeute de l’institution ont mon-        de la vie forment désormais un vivifiant
hut bat son plein, les deux donzelles        tré leur efficacité. La preuve ? Elle a soi-   trio dont les membres ne renient pas ce
s’éclipsent et se réfugient à l’arrière      gné son propre frère, un ancien déviant        qu’ils sont et n’ont d’autre envie que de
d’une voiture histoire de se rouler un       devenu prêtre, qui se consacre corps et        prendre leur envol…
UNDER THE SILVER LAKE
David Robert MITCHELL
USA 2018 2h19 VOSTF
                                           à Los Angeles : la culture pop et geek
                                           aussi bien musicale que cinématogra-
                                                                                        si mystérieusement. Sam, oubliant l'avis
                                                                                        d'expulsion et la saisie de ses biens qui
avec Andrew Garfield, Riley Keough,        phique, le monde décadent d'Hollywood        lui pendent au nez, va se lancer dans
Topher Grace, Callie Hernandez…            et ses lieux emblématiques, et la folie      une enquête pleine de rebondissements
                                           douce inhérente à ses habitants, avec sa     et d'imprévus surréalistes, et se muer
Sans y être jamais allé, on a tous fan-    galerie de personnages improbables. Au       en une sorte de Philip Marlowe lympha-
tasmé Los Angeles grâce aux livres         cœur du film, Sam, un trentenaire glan-      tique et désordonné (là on retrouve vrai-
qu'on a lus, aux films qu'on a vus. On     deur et désabusé qui pourrait être l'alter   ment l'Elliot Gould du Privé), pas ba-
a tous arpenté Sunset Boulevard, la        ego jeunot du Big Lebowski des frères        garreur pour deux sous. Et cette quête
colline d'Hollywood sur les traces de      Coen. Sam habite, dans une résidence         hypnotique va s'avérer ponctuée de ren-
Philip Marlowe, le détective fétiche de    dotée de l'indispensable piscine, un ap-     contres ubuesques : clochards gourous,
Raymond Chandler. Ou découvert les         partement foutraque aux murs recou-          starlettes reconverties en escort-girls,
sales secrets de la ville des Anges dans   verts de posters de cinéma et d'icônes       héritières dépressives, rock stars mani-
les bouquins noirs de James Ellroy. Et     rock (Kurt Cobain en premier lieu), en-      pulées, décrypteurs conspirationnistes
évidemment à travers le cinéma : Sunset    combré de vinyles et de comics. Tel un       de comics…
boulevard de Billy Wilder, The Party de    James Stewart endurant comme il peut         Peu à peu, alors que l'enquête devient
Blake Edwards, Chinatown de Polanski,      le handicap de sa jambe plâtrée, il oc-      de plus en plus opaque et incompréhen-
Le Privé d'Altman, sans oublier évidem-    cupe son désœuvrement en matant à la         sible – avec quelques scènes halluci-
ment l'énigma-gnétique Mulholland          jumelle les avantages d'une voisine quin-    nantes –, alors que notre héros va cher-
Drive de David Lynch… autant de films      quagénaire, jusqu'à ce que son attention     cher des réponses dans les cadeaux
qui composent une cartographie imagi-      se porte sur une autre, plus jeune et qui    des paquets de céréales ou en tentant
naire de Los Angeles entre ombres et lu-   semble se prendre pour Marylin Monrœ.        de détecter les messages subliminaux
mières, entre opulence, faste hollywoo-    Sam l'aborde, la séduit… mais la belle       prétendument cachés dans des chan-
dien et décadence mortifère.               déménage mystérieusement la nuit sui-        sons, toute l'ambiance du film va de-
Cinéaste cinéphile, David Robert           vante. Tout ça alors qu'un très inquiétant   venir de plus en plus lynchienne, mais
Mitchell s'attaque avec malice et gour-    tueur de chiens sévit dans le quartier       avec une dose d'humour goût bubble-
mandise à tous les mythes associés         et qu'un milliardaire disparaît tout aus-    gum qui n'est pas la tasse de thé de ce
                                                                                        cher David.
                                                                                        Pour le spectateur amateur de déam-
                                                                                        bulations urbaines, l'enquête est un vrai
                                                                                        bonheur de balade buissonnière dans
                                                                                        Los Angeles : le réservoir de Silverlake
                                                                                        qui donne son titre au film, l'observatoire
                                                                                        qui surplombe Hollywood, la statue de
                                                                                        James Dean et évidemment la colline où
                                                                                        trônent les célèbres lettres au pied des-
                                                                                        quelles se sont effondrés bien des es-
                                                                                        poirs et dont les entrailles cachent peut-
                                                                                        être de lourds secrets. Toute la mise en
                                                                                        scène – les couleurs marquées par la lu-
                                                                                        mière californienne, la bande son pop
                                                                                        parfois inquiétante – dessine une géniale
                                                                                        vision de la ville tentaculaire dans la-
                                                                                        quelle les personnages glissent comme
                                                                                        des fantômes en quête désespérée d'un
                                                                                        sens à leur vie.
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