Le rôle de l'orientation mentale paternelle dans le développement des problèmes intériorisés et extériorisés chez l'enfant
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Le rôle de l'orientation mentale paternelle dans le développement des problèmes intériorisés et extériorisés chez l'enfant Mémoire doctoral Alexane Baribeau-Lambert Doctorat en psychologie Docteure en psychologie (D. Psy.) Québec, Canada © Alexane Baribeau-Lambert, 2022
Le rôle de l’orientation mentale paternelle dans le développement des problèmes intériorisés et extériorisés chez l’enfant Mémoire doctoral Alexane Baribeau-Lambert Sous la direction de : Célia Matte-Gagné, directrice de recherche
Résumé Étant donné la prévalence élevée des problèmes socioaffectifs (intériorisés et extériorisés) durant l’enfance et leurs conséquences sur l’adaptation ultérieure de l’enfant, il est crucial d’identifier les facteurs impliqués dans leur développement précoce. Un nombre croissant d’études suggèrent que les comportements paternels sont impliqués dans leur développement. Toutefois, très peu d’études se sont intéressées à l’orientation mentale paternelle, soit à la tendance du père à considérer son enfant comme ayant une vie mentale autonome, telle qu’indiquée par une propension à nommer les états mentaux de l’enfant en interaction avec lui. Cette étude avait pour objectif de mieux comprendre le rôle de l’orientation mentale paternelle dans le développement des problèmes socioaffectifs (intériorisés et extériorisés) à la petite enfance au sein de la population générale. Pour ce faire, 147 familles (père-mère-enfant) issues de la communauté ont été recrutées et rencontrées à leur domicile lorsque l’enfant était âgé de 6, 12 et 18 mois. L’orientation mentale des parents a été mesurée à 6 mois à l’aide d’un système de codification basé sur l’analyse des commentaires verbaux des parents en interaction avec l’enfant. Les manifestations précoces de problèmes socioaffectifs chez l’enfant ont été mesurées à l’aide d’un questionnaire complété par les parents à 12 et 18 mois. La contribution unique de l’orientation mentale paternelle et maternelle à la prédiction de ces manifestations précoces a été examinée à l’aide de régressions. Les résultats indiquent que l’orientation mentale de la mère prédit moins de problèmes socioaffectifs à 12 mois, tandis que celle des pères prédit moins de problèmes socioaffectifs à 18 mois. Lorsque les manifestations intériorisées et extériorisées sont distinguées, l’orientation mentale du père, mais pas celle de la mère, prédit moins de problèmes intériorisés à 12 et 18 mois. Cette étude souligne la contribution unique de l’orientation mentale du père au développement socioaffectif précoce de l’enfant. ii
Table des matières Résumé ................................................................................................................................... ii Table des matières ................................................................................................................. iii Liste des tableaux .................................................................................................................. iv Remerciements ....................................................................................................................... v Introduction ............................................................................................................................ v L’orientation mentale parentale .......................................................................................... 2 Orientation mentale et développement de l’enfant ......................................................... 4 Problèmes socioaffectifs et orientation mentale parentale .............................................. 5 Orientation mentale parentale et problèmes socioaffectifs : état de la littérature ........... 7 Récapitulatif ...................................................................................................................... 12 Objectifs et hypothèses ..................................................................................................... 13 Chapitre 1 : Méthode ............................................................................................................ 15 Recrutement ...................................................................................................................... 15 Participants........................................................................................................................ 15 Mesures ............................................................................................................................. 16 Données sociodémographiques ..................................................................................... 16 Orientation mentale ....................................................................................................... 16 Problèmes intériorisés et extériorisés ............................................................................ 17 Procédure .......................................................................................................................... 18 Plan d’analyse ................................................................................................................... 19 Chapitre 2 : Résultats............................................................................................................ 20 Analyses descriptives ........................................................................................................ 20 Analyses corrélationnelles préliminaires .......................................................................... 22 Analyses de régression visant à prédire les problèmes socioaffectifs de l’enfant ............ 24 Récapitulatif des résultats ................................................................................................. 26 Chapitre 3 : Discussion ......................................................................................................... 28 Commentaires appropriés du père sur les états mentaux de l’enfant et les problèmes socioaffectifs ..................................................................................................................... 28 Commentaires inappropriés du père sur les états mentaux de l’enfant et les problèmes socioaffectifs de l’enfant ................................................................................................... 31 Contribution de l’orientation mentale paternelle et maternelle ........................................ 34 Forces et limites de l’étude ............................................................................................... 39 Conclusion ............................................................................................................................ 43 Bibliographie ........................................................................................................................ 44 Annexe A : ............................................................................................................................ 59 Annexe B : ............................................................................................................................ 61 iii
Liste des tableaux Tableau 1 - Statistiques descriptives des dimensions de l’orientation mentale.................... 52 Tableau 2 - Statistiques descriptives (N = 147) .................................................................... 53 Tableau 3 - Corrélations entre les indicateurs des problèmes socioaffectifs de l’enfant et entre les indicateurs de l’orientation mentale paternelle et maternelle ................................ 54 Tableau 4 - Corrélations entre l’orientation mentale des parents et les problèmes socioaffectifs de l’enfant à 12 et 18 mois ............................................................................. 55 Tableau 5 - Le nombre de commentaires appropriés en tant que prédicteur des problèmes socioaffectifs ......................................................................................................................... 56 Tableau 6 - Le nombre de commentaires inappropriés en tant que prédicteur des problèmes socioaffectifs ......................................................................................................................... 57 Tableau 7 - Le nombre de commentaires sur les états mentaux en tant que prédicteur des problèmes socioaffectifs ....................................................................................................... 58 iv
Remerciements Ce mémoire représente l'aboutissement de mon parcours doctoral et à quelques heures de déposer celui-ci, j'aimerais prendre le temps de remercier toutes les personnes qui m'ont soutenue dans cet incroyable processus. D'abord, j'aimerais remercier chaleureusement ma directrice de recherche, Célia Matte-Gagné, qui m'a encouragée et grandement épaulée dès mon arrivée dans son laboratoire de recherche. Je te remercie pour ta disponibilité, ta patience, ta grande confiance, ton humour et tous les apprentissages que tu m'as permis de faire, autant sur le plan personnel que professionnel. Je garderai de très beaux souvenirs de cette collaboration. Merci à ma belle équipe de codification sans qui je n'aurais jamais pu faire un aussi beau projet de recherche. Un merci spécial à Emma et Lorrie, qui m'ont beaucoup aidée dans cette étape de mon travail. J'aimerais aussi remercier George Tarabulsy, membre de mon comité d'encadrement, pour ses réflexions et ses idées très enrichissantes. Lors de mes séminaires, nos discussions ont grandement contribué à la qualité de mon travail. Je tiens aussi à remercier mes proches, en commençant par mon conjoint Samuel qui m'a accompagnée tout au long de mon parcours doctoral avec beaucoup d'amour. Merci à mes grandes amies, Marie-Camille et Joanie, pour leur écoute et toutes nos péripéties plus drôles les unes que les autres durant ce long mais ô combien enrichissant parcours universitaire. Merci à mes collègues doctorantes et amies, Laurie, Andréanne, Florence et Lisa-Marie (et j'en passe) pour avoir rendu ces quatre années tellement plus divertissantes. Merci à ma famille pour leurs encouragements dès mon plus jeune âge et à leur soutien dans mes études. J'aimerais finalement remercier le Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH) et e Centre de recherche sur les jeunes et les familles (CRUJeF) pour leurs généreuses bourses d'études. v
Introduction Au cours des dernières décennies, les sociétés occidentales ont connu plusieurs transformations qui ont amené les pères à s’investir davantage auprès de leurs enfants (Day et Lamb, 2004; Pleck et Masciadrelli, 2004). Dans la littérature scientifique, on constate toutefois encore aujourd’hui une propension à se concentrer sur la mère. Cette propension a permis de mettre en lumière le rôle important des comportements maternels dans le développement social et affectif de l’enfant (Braza et al., 2015; Deans, 2020; Geeraerts, Backer, et Stifter, 2020; Li et Meier, 2017). Le rôle des comportements paternels demeure toutefois méconnu. Un bassin restreint, mais croissant d’études suggère que les pères auraient un rôle unique dans le développement de l’enfant (Jeynes, 2016). Toutefois, la majorité des études dans le domaine se sont penchées sur le développement cognitif (Harewood, Vallotton, et Brophy-Herb, 2016; Roger Mills-Koonce, Willoughby, et Zyara, 2015) ou l’adaptation scolaire de l’enfant (Jeynes, 2015; Kim et Hill, 2015; McWayne, Downer, Campos, et Harris, 2013). Le rôle du père dans le développement socioaffectif de l’enfant est moins bien documenté (Dumont et Paquette, 2012). Une hypothèse persiste dans la littérature selon laquelle les pères sont plus centrés sur l’exploration et le jeu que sur la réponse aux besoins émotionnels de l’enfant (Paquette, 2004; Lucassen et al., 2011). Cela pourrait expliquer l’emphase des chercheurs sur le développement cognitif de l’enfant. Il n’en demeure pas moins qu’un bassin restreint, mais croissant d’études montre des associations entre les comportements paternels, comme la sensibilité parentale et le soutien à l’autonomie et certains indicateurs du développement socioaffectif de l’enfant tels que les problèmes intériorisés et extériorisés (Anderson, Qiu, et Wheeler, 2017; Bögels et Phares, 2008; Braza et al., 2015; Colonnesi, Zeegers, Majdandzic, Steensel, et Bögels, 2019). Peu d’études se sont toutefois intéressées à la propension des pères à nommer les états mentaux de leurs enfants, soit à l’orientation mentale paternelle, et à son rôle dans le développement socioaffectif de l’enfant (McMahon et Bernier, 2017). Ce mémoire a pour objectif de mieux comprendre le rôle de l’orientation mentale des pères dans le développement précoce des problèmes intériorisés et extériorisés à la petite enfance. 1
L’orientation mentale parentale L’orientation mentale parentale réfère à la capacité du parent à reconnaître et traiter son enfant comme ayant une vie mentale autonome et active (Meins, 1997). Les parents qui possèdent une bonne orientation mentale ont une propension à effectuer des commentaires verbaux sur les émotions, les désirs, les pensées et les croyances de l’enfant, soit sur la vie mentale de ce dernier. Meins et ses collaborateurs (2012) divisent ces commentaires en deux catégories : les commentaires appropriés et inappropriés. Les commentaires appropriés reflètent de manière juste ce que l’enfant ressent ou pense tandis que les commentaires inappropriés indiquent une tendance à interpréter de façon erronée les états mentaux de l’enfant. Plusieurs études suggèrent que la propension des parents à nommer de façon appropriée les états mentaux de l’enfant favoriserait le développement de l’enfant dans plusieurs sphères (pour une recension des écrits, voir McMahon et Bernier, 2017). En effet, les résultats d’une méta-analyse récente réalisée sur 976 parents provenant de 13 échantillons distincts suggèrent que le nombre de commentaires appropriés sur les états mentaux de l’enfant effectués par les parents est associé à un meilleur développement de l’enfant (r = .17) (Aldrich, Chen et Alfieri, 2021). La capacité à nommer de façon appropriée les états mentaux de l’enfant serait notamment associée à de meilleures capacités cognitives (Bernier, Carlson, et Whipple, 2010; Bernier, McMahon, et Perrier, 2017; Laranjo, Bernier, Meins, et Carlson, 2010; Longobardi, Spataro, et Colonnesi, 2018; Meins, Fernyhough, Arnott, Leekam, et De Rosnay, 2013), sociales (Kirk et al., 2015; Laranjo et al., 2010) et émotionnelles (Centifanti, Meins, et Fernyhough, 2016) chez l’enfant. Elle serait aussi associée à une meilleure adaptation scolaire (Meins, Fernyhough, et Centifanti, 2018) et au développement d’une relation d’attachement sécurisante entre le parent et l’enfant (Arnott et Meins, 2007; Miller, Kim, Boldt, Goffin, et Kochanska, 2019; Shai et Meins, 2018; Tarabeh, Zreik, Oppenheim, Sagi-Schwartz, et Koren-Karie, 2018). En contrepartie, les commentaires inappropriés seraient associés à un style d’attachement insécure ou désorganisé (Bernier et Meins, 2008; Meins et al., 2012) et à plus de problèmes de comportement (Colonnesi et al., 2019). À l’âge préscolaire, l’orientation mentale parentale est essentiellement mesurée à l’aide d’une entrevue dans laquelle le parent doit décrire son enfant (Meins et Fernyhough, 2015). 2
Plus le parent fait référence aux états mentaux dans sa description de l’enfant, plus il est considéré comme ayant une bonne orientation mentale. À la petite enfance, l’orientation mentale se mesure plus souvent en termes de quantité de commentaires appropriés et inappropriés sur les états mentaux (désirs, préférences, pensées et émotions) de l’enfant durant des interactions parent-enfant filmées (Meins et Fernyhough, 2015; Meins, Fernyhough, Fradley, et Tuckey, 2001). Plus le parent fait des commentaires appropriés sur les états mentaux de l’enfant durant la période d’interaction filmée avec lui (p. ex. jeux libres), plus il est considéré comme ayant une bonne orientation mentale. La relation inverse s’applique pour les commentaires inappropriés. Dans ce mémoire, puisque l’orientation mentale est mesurée durant la petite enfance, il sera principalement question de cette deuxième méthode de mesure. Pour faire preuve d’orientation mentale, le parent doit être capable de bien interpréter les états mentaux de l’enfant et doit donc avoir une bonne capacité de mentalisation. La mentalisation réfère à la capacité d’interpréter et de prédire nos propres comportements et ceux des autres en fonction de nos états mentaux et de ceux des autres (Sharp et Fonagy, 2008). Trois construits font référence à la capacité de mentalisation du parent dans la littérature; le fonctionnement réflexif, l’insightfulness et l’orientation mentale. Le fonctionnement réflexif se mesure à l’aide d’une entrevue ( Parent Development Interview; Aber et al., 1985) et réfère principalement au degré de profondeur et de cohérence du lien que le parent fait entre les comportements de son enfant et les états mentaux de ce dernier. L’insightfulness réfère à la valence des verbalisations du parent sur les états mentaux de l’enfant, soit au degré avec lequel le parent a une attitude d’acceptation ou non face aux états mentaux de son enfant. Elle se mesure de façon rétrospective, soit en demandant au parent de : 1) visionner une période d’interactions filmées entre lui et son enfant et 2) décrire ce qui se passe dans la tête de son enfant durant cette période (video feedback). L’orientation mentale est la seule forme de mentalisation parentale qui est mesurée de façon directe et observationnelle. L’objectif étant de mesurer la propension naturelle qu’a le parent à utiliser sa capacité de mentalisation pour nommer les états mentaux de l’enfant lorsqu’il est en interaction avec lui. Cet aspect fait de l’orientation mentale parentale un indice unique de la capacité de mentalisation du parent en présence de l’enfant (Zeegers, Colonnesi, Stams, et 3
Meins, 2017). En effet, contrairement aux autres types de mentalisation parentale, l’enfant serait exposé de façon directe à l’orientation mentale du parent. De plus, contrairement au fonctionnement réflexif et à l’insightfulness, l’orientation mentale se mesure de façon spontanée (en demandant au parent d’agir comme il a l’habitude de le faire avec son enfant) ce qui suggère que cette mesure dresserait un portrait plus réaliste de ce à quoi l’enfant est exposé dans son quotidien (McMahon et Bernier, 2017). Orientation mentale et développement de l’enfant Un nombre croissant d’études suggèrent que l’orientation mentale maternelle est importante pour différentes sphères du développement de l’enfant (pour une recension des écrits, voir McMahon et Bernier, 2017). Elle est notamment associée au développement des fonctions exécutives (Bernier et al., 2010, 2017), du langage (Longobardi et al., 2018, Meins et al., 2013) et de la cognition sociale (c.-à-d. la théorie de l’esprit) (Kirk et al., 2015; Laranjo et al., 2010). Elle est aussi associée à la performance scolaire (Meins et al., 2018) et à la compréhension des émotions chez l’enfant (Centifanti et al., 2016). Également, elle prédirait la sécurité d’attachement de l’enfant (Arnott et Meins, 2007; Miller et al., 2019; Shai et Meins, 2018; Tarabeh et al., 2018), et ce, au-delà de la sensibilité parentale (Zeegers et al., 2017). Ces études suggèrent qu’une meilleure orientation mentale maternelle serait associée à un meilleur développement socioaffectif et cognitif chez l’enfant, et ce, à différentes étapes de son développement. Les effets bénéfiques potentiels de l’orientation mentale parentale sur le développement de l’enfant sont aussi appuyés par des études expérimentales démontrant qu’une amélioration de l’orientation mentale des parents par le biais d’une intervention entraîne une amélioration de la qualité de la relation d’attachement parent-enfant et une diminution des problèmes de comportement chez l’enfant d’âge préscolaire (Colonnesi et al., 2013; Schacht et al., 2017). En effet, deux études suggèrent qu’il est possible d’améliorer la capacité d’orientation mentale des pères (Colonnesi et al., 2013) et des mères (Schacht et al., 2017) à l’aide d’une intervention qui s’appuie sur la rétroaction vidéo (video feedback). Ce type d’intervention consiste à nommer avec l’aide du thérapeute les états mentaux de l’enfant lors de l’écoute de séquences d’interaction filmées entre les parents et l’enfant. Les parents 4
s’entraînent ainsi à reconnaître et à nommer les états mentaux de l’enfant. Ces résultats confirment le rôle important de l’orientation mentale parentale dans le développement social et affectif de l’enfant. Très peu d’études se sont toutefois intéressées au rôle de l’orientation mentale paternelle dans le développement des problèmes intériorisés et extériorisés chez l’enfant. Problèmes socioaffectifs et orientation mentale parentale Parmi les indicateurs les plus importants du développement socioaffectif de l’enfant, on retrouve les problèmes intériorisés et extériorisés. Les problèmes intériorisés comprennent les problèmes anxieux, dépressifs et somatiques et le retrait social tandis que les problèmes extériorisés regroupent les problèmes de conduite, d’opposition, d’attention et d’hyperactivité et les comportements antisociaux (American Psychiatric Association, 2013). Dans les études, les manifestations comportementales de ces problèmes sont mesurées sur une échelle continue et les enfants présentant un niveau élevé de manifestations s’apparentant à celles des problèmes mentionnés précédemment sont considérés comme ayant des problèmes intériorisés ou extériorisés, mais sans toutefois avoir nécessairement un trouble clinique lié à un diagnostic. À tout âge, il y a des variations entre les enfants sur le plan des comportements intériorisés et extériorisés et ces différences individuelles sont utilisées comme indicateurs du développement socioaffectif de l’enfant : un enfant présentant moins de manifestations ou de comportements intériorisés ou extériorisés étant considéré comme ayant un meilleur développement socioaffectif. Les problèmes intériorisés et extériorisés sont généralement définis comme des manifestations comportementales ayant une fréquence, une durée ou un nombre plus élevés que la normale (Comeau, Desjardins, et Poissant, 2013). Même sous le seuil clinique, les manifestations de ces problèmes à l’enfance auraient des conséquences négatives sur plusieurs sphères du développement ultérieur de l’enfant (Comeau et al., 2013; Narusyte, Ropponen, Alexanderson, et Svedberg, 2017). Chez les enfants québécois qui fréquentent la maternelle, les problèmes intériorisés et extériorisés seraient les problèmes les plus fréquemment rapportés par les enseignants (Simard, Lavoie, et Audet, 2017). À l’enfance, les problèmes intériorisés et extériorisés sont souvent comorbides (Riberdy et Tétreault, 2013) et modérément corrélés (Achenbach, 5
Ivanova, Rescorla, Turner, et Althoff, 2016). Selon une étude menée par l’Institut de la statistique du Québec, avant l’âge de 10 ans, 25% des enfants québécois présenteraient un niveau élevé de problèmes intériorisés à un moment ou un autre de leur développement (Riberdy et Tétreault, 2013). Cette proportion serait de 37% pour les problèmes extériorisés. En plus d’être caractérisés par une prévalence élevée, ces problèmes auraient tendance à persister dans le temps (Forbes, Rapee, Camberis, et McMahon, 2017; Girard, Tremblay, Nagin, et Côté, 2019; McDonough-Caplan, Klein, et Beauchaine, 2018) et seraient associés à des difficultés ultérieures sur le plan social, scolaire (Navarro et García-Villamisar, 2014) et professionnel (Narusyte et al., 2017; Racz, Putnick, Suwalsky, Hendricks, et Bornstein, 2017). Ainsi, il est crucial de bien comprendre les facteurs impliqués dans leur développement précoce et qui expliquent les différences individuelles observées dans les manifestations intériorisées et extériorisées chez les jeunes enfants. De plus en plus d’études suggèrent que les comportements parentaux comme le contrôle parental, les comportements d’intrusion, la sensibilité parentale et le soutien à l’autonomie seraient impliqués dans le développement des problèmes intériorisés et extériorisés chez l’enfant (Buchanan-Pascall, Gray, Gordon, et Melvin, 2018; Degnan, Almas, et Fox, 2010; Percy, Creswell, Garner, O’Brien, et Murray, 2016; Reinelt, Samdan, Kiel, et Petermann, 2019). Toutefois, la majorité d’entre elles se sont penchées sur les comportements maternels (Burlaka, Kim, Crutchfield, Lefmann, et Kay, 2017; Lunkenheimer, Ram, Skowron, et Yin, 2017; McMahon et Bernier, 2017; McMahon et Meins, 2012). Ainsi, le rôle des comportements paternels dans le développement des problèmes intériorisés et extériorisés chez l’enfant demeure méconnu (Aktar et Bögels, 2017; Bariola, Gullone, et Hughes, 2011; Jeynes, 2016). Certaines études montrent que les enfants de pères plus sensibles, à l’écoute et plus chaleureux ont tendance à développer moins de problèmes extériorisés (Park et Dotterer, 2018; Trautmann-Villalba, Gschwendt, Schmidt, et Laucht, 2006; Zvara, Sheppard, et Cox, 2018). Des pratiques paternelles et des interactions père-enfant positives prédiraient aussi moins de problèmes intériorisés chez l’enfant (Ahnert et al., 2017; Gulenc, Butler, Sarkadi, et Hiscock, 2018). Malgré ces résultats prometteurs, il reste beaucoup de travail à faire pour bien comprendre le rôle unique du père dans le développement des problèmes intériorisés et extériorisés chez l’enfant. On en sait notamment 6
très peu sur la propension des pères à nommer les états affectifs et mentaux de leurs enfants, soit l’orientation mentale, et à son rôle dans le développement de ces problèmes (Aldrich et al., 2021). Un nombre croissant d’études souligne l’importance de l’orientation mentale parentale dans le développement des problèmes socioaffectifs chez l’enfant (McMahon et Bernier, 2017). En reflétant les états affectifs et mentaux de l’enfant à un âge où celui-ci ne peut les identifier et les exprimer par lui-même, le parent faisant preuve d’orientation mentale permettrait à l’enfant de réfléchir à ce qui se passe à l’intérieur de lui, mais aussi à ce qui se passe chez les autres (Meins, 1997, 2013). Cette conscience accrue de ses propres états mentaux et de ceux des autres permettrait à l’enfant de mieux réguler ses états internes et ses comportements (Meins, 1997). Les enfants qui s’autorégulent mieux sur les plans émotionnel et comportemental sont d’ailleurs moins enclins à présenter des difficultés socioaffectives ou comportementales (Baker, Jensen, et Tisak, 2019; Olson, Sameroff, Kerr, Lopez, et Wellman, 2005; Waller, Hyde, Baskin-Sommers, et Olson, 2017). L’orientation mentale du père est d’ailleurs associée à une meilleure capacité d’autorégulation chez l’enfant (Gagné, Bernier, et McMahon, 2017). Sachant que des déficits dans la capacité d’autorégulation sont associés à des problèmes intériorisés et extériorisés, l’orientation mentale paternelle pourrait être un prédicteur important de ces problèmes, mais son rôle demeure méconnu en raison du peu d’études dans ce domaine. Orientation mentale parentale et problèmes socioaffectifs : état de la littérature À notre connaissance, seulement quatre études ont documenté le lien entre l’orientation mentale parentale et les problèmes intériorisés et extériorisés de l’enfant (Colonnesi et al., 2013, 2019; Meins, Centifanti, Fernyhough, et Fishburn, 2013; Walker, Wheatcroft, et Camic, 2012). Dans leur étude, Meins et ses collaborateurs (2013) ont mesuré les problèmes extériorisés (hyperactivité, agressivité et opposition) et intériorisés (anxiété, problèmes somatiques, affects dépressifs et retrait social) de 171 enfants âgés entre 4 et 5 ans à l’aide du Strengths and Difficulties Questionnaire (SDQ; Goodman, 1997) complété par la mère. L’orientation mentale maternelle, tel qu’indiqué par le nombre de commentaires appropriés sur les états mentaux de l’enfant, a été mesurée à l’âge de 8 mois lors d’une période de jeux 7
libres (Meins et al., 2001). Les résultats de cette étude montrent que le degré d’orientation mentale des mères ayant un statut socioéconomique plus faible prédit moins de problèmes intériorisés (estimé de l’effet = -.24, 95% CI : -.42 - -.05) et extériorisés (estimé de l’effet = -.29, 95% CI : -.55 - -.02) chez l’enfant à l’âge de 4 ans. Cette relation était toutefois non significative chez les mères ayant un statut socioéconomique élevé. Ces résultats suggèrent donc que l’orientation mentale maternelle agirait comme un facteur de protection dans le développement des problèmes intériorisés et extériorisés pour les enfants issus de famille à faible statut socioéconomique. Une autre étude s’est intéressée à l’effet d’une intervention visant à améliorer l’orientation mentale de pères et de mères (Colonnesi et al., 2013). Cette étude a été réalisée auprès de 20 couples de parents ayant adopté un enfant et qui ont été sélectionnés en raison des difficultés comportementales et affectives de leurs enfants âgés en moyenne de 46 mois. Durant l’intervention, le psychothérapeute enseignait aux pères et aux mères à reconnaître et nommer les états mentaux de l’enfant en soulignant et discutant des signaux que l’enfant manifestait dans des enregistrements vidéo d’interactions parent-enfant. Avant et après l’intervention, les problèmes intériorisés et extériorisés de l’enfant étaient mesurés à l’aide du SDQ complété par les deux parents (Goodman, 1997). L’intervention s’est avérée efficace pour diminuer les manifestations extériorisées d’agressivité et d’opposition perçues par les parents, mais pas pour diminuer les problèmes intériorisés et l’hyperactivité. Toutefois, l’échantillon de cette étude était très petit (20 familles), un écart important d’âge était présent entre les enfants les plus jeunes (2 ans) et les plus vieux (5 ans) de l’échantillon et seuls les problèmes extériorisés (agressivité et opposition) étaient cliniquement significatifs avant l’intervention, diminuant donc les chances de détecter des effets statistiquement significatifs pour les autres problèmes socioaffectifs mesurés (Colonnesi et al., 2013). De plus, bien que l’intervention avait pour but d’apprendre aux parents à reconnaître et nommer les états mentaux de l’enfant, l’orientation mentale des parents n’a pas été mesurée avant ni après l’intervention. Il n’a donc pas été possible de déterminer si l’effet de l’intervention sur les problèmes socioaffectifs de l’enfant s’expliquait par une amélioration de l’orientation mentale des parents à la suite de l’intervention. Par ailleurs, le questionnaire utilisé dans cette 8
étude pour mesurer les problèmes intériorisés et extériorisés était validé pour des enfants de 3 à 16 ans (Goodman, 1997), et non pas pour des enfants de moins de 3 ans. Une autre équipe de chercheurs s’est intéressée à la relation entre l’orientation mentale parentale et les problèmes de comportement de l’enfant entre l’âge de 4 et 5 ans au sein d’un échantillon de 49 parents (47 mères et 2 pères) (Walker et al., 2012) : 24 parents consultant en psychiatrie pour des problèmes affectifs ou comportementaux (population clinique) et 25 parents issus de la communauté (groupe contrôle). L’orientation mentale de ces parents a été mesurée à l’aide d’une entrevue durant laquelle ils devaient décrire leur enfant. Les problèmes intériorisés et extériorisés ont été mesurés à l’aide du SDQ (Goodman, 1997) complété par les parents. L’entrevue et la complétion du questionnaire ont été effectuées lors de la même rencontre. Les analyses ont été effectuées séparément pour les deux groupes (clinique et contrôle). Dans le groupe clinique, les résultats suggèrent l’absence de relation entre l’orientation mentale des parents et le score total de problèmes intériorisés et extériorisés. À l’opposé, une forte corrélation négative (r = -0.56, p < .01) a été observée entre ces deux mêmes variables au sein du groupe contrôle. Ainsi, l’orientation mentale des parents serait associée à moins de problèmes intériorisés et extériorisés dans une population normative, mais pas clinique. Dans le groupe contrôle, des analyses ont aussi été réalisées avec les sous-échelles du SDQ. Parmi celles-ci, les échelles d’hyperactivité (r = -0.65, p < .01) et de problèmes de conduite (r = -0.41, p < .05) étaient négativement associées à l’orientation mentale du parent tandis que les échelles ciblant les problèmes intériorisés ne se sont pas avérées associées à l’orientation mentale. Ainsi, l’orientation mentale parentale semble davantage jouer un rôle dans le développement des problèmes extériorisés. Comme les parents du groupe clinique rapportaient significativement plus de problèmes intériorisés et extériorisés chez l’enfant que le groupe contrôle, les auteurs suggèrent que l’orientation mentale serait associée à des niveaux moins élevés de problèmes extériorisés, comme ceux que l’on retrouve dans la population générale et non pas dans une population clinique (Walker et al., 2012). La sous-représentation des pères dans l’échantillon n’a toutefois pas permis de connaître la contribution unique de l’orientation mentale paternelle au-delà de celle de l’orientation mentale maternelle. 9
Seulement une étude a examiné la contribution unique de l’orientation mentale paternelle au développement des problèmes socioaffectifs de l’enfant. Cette étude réalisée par Colonnesi et ses collaborateurs (2019) a mesuré l’orientation mentale maternelle et paternelle lors d’une période de jeux libres au sein d’un échantillon de 104 familles biparentales lorsque les enfants avaient 4, 12 et 30 mois. Les commentaires appropriés et inappropriés de chaque parent ont été mesurés distinctement. Deux indicateurs des problèmes socioaffectifs de l’enfant ont été utilisés, soit les problèmes intériorisés et les problèmes extériorisés. Ces problèmes ont été mesurés à 4,5 ans à l’aide du Social Competence and Behavior Evaluation-30 (SCBE-30; Lafrenière et Dumas, 1996) complété par les deux parents. Les auteurs ont ensuite créé des scores composites en utilisant les réponses des deux parents. Des analyses corrélationnelles ont d’abord été effectuées entre les indicateurs de l’orientation mentale de chaque parent et les problèmes intériorisés et extériorisés. Ces résultats révèlent que les commentaires appropriés sur les états mentaux de l’enfant formulés par la mère à 4, 12 et 30 mois n’étaient pas associés significativement aux problèmes intériorisés et extériorisés de l’enfant à 4,5 ans. Les commentaires inappropriés formulés par la mère à 12 mois étaient toutefois associés à plus de problèmes intériorisés (r = .25, p < .05) et extériorisés (r = .20, p < .05) à 4,5 ans. Ainsi, il semblerait que les associations entre l’orientation mentale de la mère et les problèmes socioaffectifs varient en fonction du caractère approprié ou non des commentaires formulés sur les états mentaux, du type de problème socioaffectif ciblé ainsi que de l’âge de l’enfant. En ce qui concerne les pères, les commentaires appropriés sur les états mentaux de l’enfant formulés par ceux-ci à 4 mois étaient associés à moins de problèmes extériorisés à 4,5 ans (r = -.20, p < .05). Les commentaires appropriés à 12 et à 30 mois n’étaient toutefois pas associés aux problèmes extériorisés. Les commentaires appropriés à 30 mois étaient associés (de façon contre-intuitive et inexpliquée) positivement aux problèmes intériorisés (r = .23, p < .05). Pour leur part, les commentaires inappropriés à 30 mois étaient associés à plus de problèmes extériorisés à 4,5 ans (r = .21, p < .05). Ainsi, il semblerait que les associations entre l’orientation mentale paternelle et les problèmes socioaffectifs varient en fonction de l’âge de l’enfant, mais aussi en fonction du type de problème socioaffectif ciblé et du caractère approprié ou non des commentaires formulés sur les états mentaux. Ces 10
résultats suggèrent aussi que l’orientation mentale du père et de la mère auraient des rôles distincts. Notamment, les commentaires inappropriés du père à 30 mois, mais pas ceux de la mère, étaient associés à plus de problèmes extériorisés à 4,5 ans tandis que les commentaires inappropriés de la mère à 12 mois, mais pas ceux du père, étaient associés à plus de problèmes intériorisés et extériorisés à 4,5 ans. Ces résultats soulignent donc l’importance d’inclure les deux parents au sein d’une même étude pour bien comprendre les rôles respectifs de l’orientation mentale paternelle et maternelle et de considérer les commentaires appropriés et inappropriés distinctement. Par la suite, les auteurs de cette étude ont mené des analyses de régression séparément pour les commentaires appropriés et inappropriés. Les résultats des analyses effectuées suggèrent que les commentaires appropriés de même que les commentaires inappropriés formulés par les pères et les mères à l’âge de 4, 12 et 30 mois (considérés ensemble) permettent de prédire 17% de la variance dans les problèmes extériorisés de l’enfant à 4,5 ans. En ce qui concerne les problèmes intériorisés, les commentaires sur les états mentaux qu’ils soient appropriés ou non ne permettaient pas d’expliquer une portion significative de la variance. Les auteurs n’excluent toutefois pas la possibilité que l’orientation mentale parentale puisse avoir un rôle dans le développement des problèmes intériorisés. En effet, les auteurs mentionnent que les enfants ont tendance à développer des problèmes de type intériorisé plus tard dans leur développement et que lorsque ces problèmes sont présents à l’âge préscolaire, ils sont difficiles à détecter en raison de leur nature et sont donc fréquemment sous-estimés par les parents (Bongers, Koot, Van der Ende, et Verhulst, 2003; Colonnesi et al., 2019). En ce qui concerne les contributions distinctes des pères et des mères, les résultats des régressions réalisées dans l’étude de Colonnesi et ses collaborateurs (2019) suggèrent que l’orientation mentale des deux parents contribue à la prédiction des problèmes extériorisés de sorte que lorsque les deux parents formulent peu de commentaires appropriés sur les états mentaux de l’enfant et plus de commentaires inappropriés (surtout à 30 mois), les enfants présentent plus de problèmes extériorisés à 4,5 ans. Les auteurs rapportent toutefois des variations dans le degré d’orientation mentale des parents à travers le temps. Les 11
commentaires appropriés des pères étant, par exemple, stables entre 4 et 12 mois, mais pas entre 12 et 30 mois. Cette instabilité temporelle pourrait expliquer pourquoi les relations entre l’orientation mentale paternelle et les problèmes extériorisés de l’enfant varient à travers le temps. L’orientation mentale dont bénéficie l’enfant à la fin de la période préscolaire pourrait être plus importante pour prédire le développement de celui-ci lors de cette même période développementale que l’orientation mentale dont il a bénéficié par le passé, soit durant la petite enfance. Cela pourrait expliquer que la contribution des commentaires appropriés et inappropriés des parents soit plus grande (augmentation significative de la variance expliquée) à l’âge de 30 mois. L’orientation mentale lors de la petite enfance pourrait par contre prédire moins de problèmes socioaffectifs lors de cette même période de développement, plutôt que 3-4 ans plus tard. Les parents auraient d’ailleurs tendance à faire beaucoup plus de commentaires sur les états mentaux de l’enfant durant la première année de vie, alors que l’enfant n’est pas en mesure de nommer ses états mentaux (Colonnesi et al., 2019) ce qui suggère que l’orientation mentale avant 12 mois serait un indicateur unique de la capacité du parent à se représenter son enfant comme ayant une vie mentale autonome. Le rôle de cette capacité dans le développement des problèmes intériorisés et extériorisés durant cette même période développementale, soit à la petite enfance, demeure toutefois méconnu. Comme des variations dans l’intensité des manifestations comportementales des problèmes intériorisés et extériorisés sont présentes dès la petite enfance (Briggs-Gowan, Carter, Irwin, Wachtel, et Cicchietti, 2004), cette période constitue une période importante pour mieux comprendre les facteurs impliqués de façon précoce dans le développement socioaffectif de l’enfant. Il est donc pertinent de s’intéresser au rôle de l’orientation mentale paternelle et maternelle dans l’émergence des problèmes intériorisés et extériorisés à la petite enfance. Récapitulatif À ce jour, très peu d’études ont examiné le rôle de l’orientation mentale des pères et des mères dans le développement des problèmes intériorisés et extériorisés chez l’enfant. Par ailleurs, ce comportement a surtout été étudié chez la mère de même qu’en relation avec le développement cognitif de l’enfant (Aldrich et al., 2021). Parmi les quelques études sur l’orientation mentale paternelle, aucune étude ne s’est intéressée à son rôle dans le développement des problèmes socioaffectifs durant la petite enfance. Par ailleurs, une seule 12
étude chez le père s’est penchée sur le rôle différentiel des commentaires appropriés et inappropriés sur les états mentaux de l’enfant et a considéré la contribution unique de l’orientation mentale du père et de la mère en tenant compte des deux parents. Les résultats de cette étude suggèrent que l'orientation mentale des deux parents aurait un rôle dans le développement des problèmes socioaffectifs chez l’enfant. Toutefois, plus d’études sont nécessaires pour bien comprendre le rôle unique de l’orientation mentale paternelle, soit en termes de commentaires appropriés et inappropriés sur les états mentaux de l’enfant, dans le développement précoce des problèmes socioaffectifs. Sachant que plusieurs enfants vont présenter des problèmes intériorisés et extériorisés durant les premières années de leur vie (Simard et al., 2017) et que ces problèmes sont associés à des trajectoires persistantes de difficultés (Bayer et al., 2012), il est crucial d’identifier les facteurs associés à leur émergence précoce. Objectifs et hypothèses Cette étude doctorale a principalement pour objectif de mieux comprendre le rôle de l’orientation mentale paternelle dans le développement des problèmes intériorisés et extériorisés lors de la petite enfance. Pour ce faire, les relations entre le nombre de commentaires appropriés et inappropriés des pères sur les états mentaux de l’enfant à l’âge de 6 mois et les problèmes intériorisés et extériorisés de l’enfant mesurés à 12 et 18 mois seront examinées. En s’appuyant sur les études antérieures qui montrent l’importance de l’orientation mentale des parents pour le développement de l’enfant (Aldrich et al., 2021), il est attendu que le nombre de commentaires appropriés des pères sur les états mentaux de l’enfant (indiquant une meilleure orientation mentale) à 6 mois soit associé à moins de problèmes intériorisés et extériorisés à 12 et 18 mois. À l’inverse, il est attendu que le nombre de commentaires inappropriés formulés par les pères à 6 mois soit associé à plus de problèmes intériorisés et extériorisés à 12 et 18 mois. Le deuxième objectif de ce mémoire doctoral est de mieux comprendre la contribution unique de l’orientation mentale paternelle au-delà de celle de l’orientation mentale maternelle à la prédiction des problèmes intériorisés et extériorisés de l’enfant à 12 et 18 mois. Il est attendu qu’une meilleure orientation mentale paternelle et maternelle, tel qu’indiqué par une 13
Vous pouvez aussi lire