LECTURES BIBLIQUES: "ZEBIBLE" DÉCLINÉE
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Lectures bibliques: “ZeBible” déclinée L’aventure ZeBible continue à travers la déclinaison de ces petits opus format carré aux illustrations variées. Trois livrets contiennent chacun cinq parcours de lecture. L’idée est de proposer différentes portes d’entrée dans le texte biblique, dont l’abord peut parfois sembler difficile. Il s’agit donc d’une sélection de passages, regroupés par thématiques pour se ressourcer, s’engager, s’émerveiller, trouver du réconfort… Pour les accompagner, pas d’analyse textuelle, pas d’exégèse approfondie, mais un commentaire aussi bref que pertinent. Les auteurs ont eu l’art de pointer le détail qui nous avait échappé, le mot qui fait mouche, la comparaison qui nous semblait obscure et qui tout à coup s’éclaircit… Il en faut peu pour trouver matière à méditer dans cette vaste bibliothèque que sont les Écritures. Et il n’y a nul besoin d’être érudit pour en profiter ! Les publications s’adressent en priorité à un public jeune, cible du projet initial ZeBible, mais pourront aussi retenir l’intérêt d’un lectorat plus large qui appréciera l’efficacité de l’ensemble, extraits, commentaires et images. Claire Bernole À lire Nourritures célestes, Questions sensibles, Vitamines bibliques, Bibli’O, de 80 à 90 pages, 5 € chaque livret
Lectures: une BD mignonne et un récit passionnant BD jeunesse: “Les Vermeilles”, Prix du Festival d’Angoulême Jo s’ennuie au camping avec sa famille. Elle décide de fuguer et part se balader dans la forêt. Elle rencontre deux petits personnages déguisés, très intrigants. Elle les suit et découvre une communauté de lutins et autres créatures étranges et fantastiques. Ils sont terrorisés par un roi despote, le Matou. Il a capturé la maman de Nouk, chaton espiègle qui demande de l’aide à Jo. Avec Maurice le Renard, Jo s’embarque alors dans l’aventure. Ils vont tenter de libérer la maman de Nouk… avec l’assistance de poneys colorés, les Vermeilles. Une très belle histoire qui emporte le lecteur ou la lectrice très loin dans l’imaginaire ! Cette BD a reçu le Fauve jeunesse au Festival d’Angoulême, après avoir déjà été saluée au Salon du livre jeunesse à Montreuil, fin 2019. C’est la lecture incontournable pour les enfants en ce début d’année! L. S. Les Vermeilles, Camille Jourdy, Actes Sud BD, 155 p., 21,50 €
L’empreinte Récit: “L’Empreinte”, un crime sexuel On plonge dans cette enquête passionnante et on n’en ressort pas avant de l’avoir terminée. L’auteure est étudiante en droit à Harvard. C’est une fervente opposante à la peine de mort. Elle va commencer à s’intéresser à un pédophile criminel, Ricky Langley. Ses principes vacillent alors: cet homme ne “mériterait- il” pas la mort? Alex Marzano-Lesnevich va chercher ce qui dans le passé de Ricky explique ce qu’il a fait par la suite. Surtout, elle réalise combien cette histoire fait saigner en elle ses propres blessures. Comment survit-on à la pédophilie? Comment aborder les secrets de famille? Pourquoi des parents qui savent mettent-ils le couvercle sur des actes horribles qui touchent leurs enfants ? Le livre alterne ainsi des chapitres sur l’affaire Langley et d’autres sur le passé de l’auteure. Le livre a reçu de nombreux prix. On comprend pourquoi. N. L. L’Empreinte, Alex Marzano-Lesnevich, 10/18, 8,40 €
Cinéma : “Dark Waters”, eaux troubles Note de la rédaction Avec Dark Waters, on retrouve Todd Haynes aux manettes d’un film de commande qui raconte un combat juridique stupéfiant. Comment un modeste avocat se met au service d’un fermier qui veut comprendre pourquoi ses vaches deviennent folles, puis meurent. Comment il se bat pour la vérité, sacrifiant sa carrière, sa vie de famille, sa santé. Comment cet entêtement laborieux permet de révéler les pratiques dévastatrices de DuPont, entreprise de produits chimiques mondialement connue, qui empoisonne sciemment dans l’État de Virginie. Dark Waters, un brillant film d’investigation Lorsqu’il démontre la nocivité irréversible du PFOA, substance présente dans le Téflon, ce n’est plus seulement une catastrophe écologique et de santé publique locale que le film dénonce mais un scandale mondial. Dans la lignée des Hommes du Président ou d’Erin Brockovich, Dark Waters est un brillant film d’investigation qui prend la forme d’un thriller. Un récit réaliste et exigeant, où
révélations, images cauchemardesques et paranoïa se mêlent pour raconter comment la pollution s’immisce partout. Mark Ruffalo joue ce héros pugnace, seul ou presque contre une entreprise gigantesque et un système corrompu, avec un talent indéniable. À voir Dark Waters, de Todd Haynes, 2h07, en salles À écouter : un podcast pour parler sexualité avec les ados et le nouvel album de Coldplay Coldplay s’engage Le huitième album de Coldplay, Everyday Life, propose seize chansons, présentées en deux parties: le lever et le coucher de soleil. Dans la même veine musicale que les précédents, il mélange rock joyeux, ballades au piano et quelques nouveautés. Pour le titre Arabesque, le groupe britannique a invité Stromae, qui chante en français et s’entoure de Femi Kuti au saxophone, fils du célèbre chanteur nigérian Fela Kuti.
Le premier morceau diffusé sur les ondes au moment de la sortie de l’album est Orphans. Allègre, il évoque pourtant la vie quotidienne en Syrie. Le chanteur Chris Martin a qualifié, dans l’émission Quotidien (sur TMC), son album comme étant “plus engagé que les autres”. Le groupe ose enfin se livrer et tente de se mettre à la place de ceux qui vivent des situations difficiles. Everyday Life est empreint d’une forme de spiritualité –Broken a ainsi des airs de gospel– et témoigne d’une grande proximité avec la culture arabe. D’ailleurs, pour le lancement de l’album, le groupe a joué à Amman, en Jordanie, au lever et au coucher de soleil. La vidéo est visible sur YouTube. Pour l’instant, Coldplay n’a pas prévu de tournée pour des raisons écologiques. Laure Salamon Everyday Life, Coldplay, 2019, 16 € environ Dialogue mère-fille Pas facile de parler de sexualité, d’amour, de consentement, de contraception avec son adolescent! Dans ce podcast en sept épisodes, la militante féministe Ovidie partage ses constats, ses interrogations, ses doutes et ses difficultés. Les thèmes abordés partent des préoccupations de sa fille adolescente, avec qui elle échange. La contraception, les régimes, le porno, le consentement, l’égalité entre les filles et les garçons. Dans le second épisode, elle témoigne de la difficulté d’être enceinte quand on est une ancienne star du porno. Elle demande à Clara Morgane ce qu’elle en pense. Un témoignage vraiment surprenant. Et parfois, c’est presque rassurant de voir qu’Ovidie, qui intervient dans des établissements scolaires sur les questions de sexualité, ne sait pas quoi dire lorsque sa fille veut aller chez le coiffeur avec un mini-short. Elle fait alors appel à des proches, féministes, comme Clarence Edgard-Rosa ou Xavier de la Porte pour trouver des pistes de réponses. Fort instructif. PAR L. S.
Juste avant, podcast intime et politique, par Ovidie, nouvellesecoutes.fr/podcasts/intime-politique/ Expositions: deux photographes humanistes à l’honneur Jean-Philippe Charbonnier à Montpellier Le Dr Schweitzer et son pélican : un portrait méconnu du “grand docteur” de Lambaréné, extrait des 250 clichés de Jean-Philippe Charbonnier (1921-2004), actuellement à l’honneur à Montpellier. Ce photographe de l’école humaniste, moins connu que Robert Doisneau ou Willy Ronis, et très engagé socialement, est habité d’une profonde empathie pour ses semblables. N’importe quel homme, femme ou enfant fera l’objet d’une attention toute particulière. Ce profond respect pour l’humain fait qu’il ne vole pas ses images, son regard tout en tendresse croise celui des gens devant son objectif jusqu’au milieu d’une foule. Albert Huber À voir : Raconter l’autre et l’ailleurs (1944-1983), photographies de Jean-Philippe Charbonnier, Pavillon Populaire, Montpellier, jusqu’au 19 avril.
© Claudia Andujar Le peuple Yanomami par Claudia Andujar à Paris Les images sont tellement étonnantes. Des hommes, des femmes et des enfants vivent en communion avec la nature, sans vêtement ni maison, au cœur de l’Amazonie. Plus de 300 photographies en couleur et en noir et blanc sont présentées à la Fondation Cartier. Elles ont été prises par Claudia Andujar. Née en Suisse en 1931, d’un père juif hongrois et d’une mère protestante, elle a passé son enfance en Transylvanie avant de rejoindre la Suisse, avec sa mère, pour échapper aux persécutions nazies et à la déportation. Émigrée aux États-Unis, puis au Brésil en 1955, elle devient photographe. Lors d’un reportage en Amazonie pour un magazine, en 1971, elle rencontre les Yanomami. Grâce à une bourse, elle décide d’approfondir sa connaissance de ce peuple. À la fin des années 1970, la construction de la route transamazonienne menace leur survie. Elle prend leur défense et se consacre à cette cause jusqu’à ce qu’ils obtiennent un territoire en 1992. Aujourd’hui encore, les menaces de déforestation pèsent sur la terre de ce peuple. Défendre les Yanomami est pour elle une manière de vivre la culpabilité d’avoir survécu au génocide juif, comme elle le racontait sur France Inter, la veille de l’inauguration de l’exposition. L. S. Claudia Andujar, la Lutte Yanomami, Fondation Cartier, Paris 14e , jusqu’au 10 mai
Série “Habiter” (2/6): une maison pas toujours d’équerre… Doubles vitrages, ventilation mécanique contrôlée (VMC), panneaux solaires, pompes à chaleur, etc. Autant d’équipements qui donnent à croire que nos logements sont les fruits de la rationalité. Mais à y regarder de plus près, les normes de construction et la standardisation ne sont pas un gage de logique. Au contraire, en faisant de l’habitation un produit de consommation de masse, nos logements ne répondent souvent que modérément aux conditions climatiques du lieu et aux usages de ses occupants. Le sur-mesure reste l’apanage de l’immobilier de luxe. Le géographe français Pierre Deffontaines et l’anthropologue américain Amos Rapoport ont largement prouvé le caractère souvent anti-climatique de l’habitat vernaculaire. Les maisons du monde et de toutes les époques répondent d’abord à des impératifs culturels auxquels se soumettent les techniques de construction. Ce n’est pas parce que l’être humain maîtrise le savoir-faire le plus approprié dans un contexte donné qu’il le mettra logiquement en œuvre. Un outil de communion Coutumes, religions, traditions et représentations imposent toujours leurs exigences au savoir-faire technique. Les immeubles troués de Hong Kong, par exemple, permettent de laisser passer les énergies positives conformément aux règles du feng shui. Les colons français du Québec, bien qu’entourés d’immenses forêts, construisirent des maisons de pierre telles qu’ils les concevaient dans leurs régions d’origine. Les indiens Onas de la Terre de Feu savaient ériger des
huttes rituelles très élaborées, mais vivaient derrière de simples parevent malgré un climat quasi arctique. Quant au peuple Cham du Vietnam et du Cambodge, considérant l’ombre des arbres comme maléfique, ses maisons demeurent exposées à l’accablant soleil. Nous pourrions multiplier les exemples montrant combien l’habitat n’est pas qu’un abri, mais l’outil d’une communion entre des individus et les systèmes de valeurs qui leur sont propres. Nos maisons témoignent ainsi de ce que l’habitat est d’abord: un habitacle culturel et symbolique où s’incarne un art de vivre selon des codes et des valeurs qui unit les membres d’une société donnée. L’appartement parisien, la ferme jurassienne ou le pavillon de banlieue n’échappent pas à cette règle. Car à travers leur architecture et leur agencement, ils parlent du lieu et des gens qui y vivent, jusqu’à caractériser un quartier, une région. L’habitat fait partie intégrante du paysage et trouve souvent ses lettres de noblesse dans le typique et le pittoresque. Le mas provençal, le penty breton, l’etche basque ou l’échoppe bordelaise portent une identité qui les relie à un terroir. Les pavillons des promoteurs tentent de reproduire ce sentiment de stabilité temporelle, en mettant en valeur un toit pentu, des murs habillés de pierres, un portail, de belles huisseries. Même si souvent les choix architecturaux sont clairement anti-climatiques, le plus important demeure l’image que la maison dégage tant pour soi-même que pour les autres. La technique est, là encore, assujettie à des choix subjectifs qui dépassent la simple rationalité. Cela se vérifie aussi dans l’habitat dit «passif», où l’on refuse des techniques récentes au profit de procédés et de matériaux plus authentiques (bois, paille, etc.), visant à une sobriété énergétique. Nous voyons ainsi combien notre habitat, selon son emplacement, sa forme, sa réalisation, est l’enveloppe d’un contenu civilisationnel. Le concept en premier Les normes, les lois et les règlements qui régissent désormais la construction et la réhabilitation des biens immobiliers sont un métalangage de la pensée technicienne et juridique de notre temps. La gestion du risque a pris la place de la tradition vernaculaire. Ce mouvement a débuté au XVIIe siècle, lorsqu’on inventa le métier d’architecte. Jusqu’alors, maçons et charpentiers étaient tout à la fois des artisans et des concepteurs. L’art de bâtir est désormais scindé en deux
sphères, l’une abstraite (l’architecture), l’autre manuelle (les métiers du bâtiment). Mais d’une certaine manière, c’est bien encore l’idée qui domine la technique. Ainsi, même dans une société sécularisée et à un haut degré de technicité, ce sont toujours les concepts qui ont le premier et le dernier mot. Nos habitats sont plus que des capsules à traverser le temps qu’il fait et le temps qui passe. Notre maison, au sens de “chez soi”, est l’association d’un lieu à soi dans le monde et d’un monde à soi en un lieu. Ma maison façonne mon rapport au monde. On en change d’ailleurs quand celui-ci ne nous convient plus. Un projet de construction peut devenir l’objectif d’un couple pour ancrer sa relation dans la terre et y fonder une famille, retrouver ses racines, prolonger son histoire. Choix de conception L’investissement personnel dans les choix de conception font dire à certains propriétaires : “Cette maison, c’est un peu notre enfant.” Centre d’intérêts et de préoccupations, la maison de lotissement comme l’appartement ou la chambre d’étudiant demeurent, à l’instar de la maison vernaculaire, un axis mundi: l’axe du monde autour duquel gravitent mes déplacements, mes relations et où l’incrémentation des gestes ordinaires construisent des habitudes. L’habitus est peut-être même le propre de l’habitation : en conservant l’empreinte de nos corps, le chez-soi est le conservatoire de pratiques individuelles et collectives (sommeil, repas, lecture, etc.) qui rythment notre humanité. La maison donne lieu, littéralement, à une mémoire des gestes et du sentiment d’être chez soi: “à la maison”. Notre chez-soi porte la possibilité d’habiter le monde et d’affronter les vertigineuses questions du cosmos. Invention humaine, l’habitation n’est pas un nid, pas une tanière non plus, même si elle peut prendre l’aspect de l’un ou de l’autre. Elle est un “antre-deux” : elle nous ancre sur terre et nous protège de l’espace infini. La maison est le lieu d’un ici et le lien à demain. Elle est le propre de l’humain. Dieu lui-même ne sait pas construire de maison. L’Éden en est dépourvu et c’est Salomon qui est chargé de construire la « maison de Dieu » – le temple – à Jérusalem. Il fallait bien que le messie soit du métier – charpentier (Mc 6,3) ou fils de charpentier (Mt 13,55)– pour mettre les choses d’équerre! C’est bien dans une maison que des mages venus d’Orient l’auront découvert (Mt 2,11). C’est après
avoir traversé le toit d’une maison qu’un paralytique rentre à la sienne sur ses deux jambes (Lc 5,17-26). Et c’est dans une maison que le souffle de la Pentecôte est distribué aux disciples (Ac 2,1-4). Prochain épisode: Symbole et parabole. 1. L’auteur a fait un mémoire sur ce sujet et non une thèse, comme nous l’avions écrit par erreur Séparatisme islamiste: un imam, un pasteur et un rabbin réagissent au discours d’Emmanuel Macron Tareq Oubrou, grand imam de Bordeaux “À travers l’expression ‘séparatisme islamiste’, Emmanuel Macron vise l’islamisme. Je crains là que nous n’engagions une guerre contre un spectre, car l’islamisme a plusieurs formes : social, politique, piétiste, intégriste… Les mesures annoncées par le président de la République vont dans le bon sens, mais ne sont qu’une partie de la solution. Ce sont les imams qui résident en France et souvent sont français qui peuvent poser problème. Ils ont la liberté de dire ce qu’ils veulent et peuvent donc véhiculer un discours religieux de rupture, tandis que les imams étrangers n’ont pas intérêt à mettre en difficulté leur pays. Former les imams est une bonne
chose, mais il faut être conscient qu’un imam formé en France revendiquera un certain salaire. Or, beaucoup d’associations des mosquées font appel à l’étranger parce qu’elles n’ont pas de moyens. Nos imams, même formés en France, ont besoin d’un corpus doctrinal élaboré et solide, au diapason avec le contexte actuel. C’est une affaire interne aux musulmans de France, à laquelle l’État ne peut rien. Enfin, le financement des lieux de culte n’est pas vraiment un problème. Ce sont les paroles et les activités au sein d’une mosquée qui sont intégristes, pas les murs. Or les discours extrémistes se trouvent plutôt dans les petites salles prêtées par les mairies que dans les lieux de culte financés par l’étranger. L’église orthodoxe de Paris a été construite par la Russie. Des dons sont parvenus de pays arabes pour la reconstruction de Notre-Dame. On pourrait encore examiner les comptes de certaines églises évangéliques. Si on interdit ces financements, on les interdit pour tout le monde. Mieux vaut, à mon sens, chercher la transparence des financements, abstraction faite de leur provenance, et veiller à ce que les imams n’appellent pas à la violence ou à s’opposer à la loi. L’État en a les moyens.” Pierre-Olivier Dolino, pasteur de la Mission populaire à Marseille “Je trouve intéressant le concept de séparatisme, qui met l’accent sur le repli sur soi. Il est dommage d’être renvoyé au communautarisme dès lors qu’on travaille sur le plan communautaire, comme la Mission populaire qui prône la rencontre entre les communautés. Tous, nous avons plusieurs appartenances. L’important est de pouvoir circuler de l’une à l’autre. De plus, on ne peut pas essentialiser la communauté musulmane, comme c’était jusqu’à présent le cas dans le discours du président. Il y a plusieurs manières d’être musulman de même qu’il y a plusieurs manières d’être chrétien. L’islam peut être traversé par des dérives telles que le séparatisme, c’est-à-dire la tentative de recréer un petit monde à soi, mais comme certaines églises. La société française elle-même n’est pas exempte de ces dérives. On entend s’exprimer une volonté de pureté qui est à mes yeux de cette nature. Quant à la
formation des imams et au financement des mosquées, ce ne sont pas des sujets nouveaux. Intégrer un cursus à la faculté de théologie de Strasbourg est discuté depuis très longtemps. Ce serait une excellente passerelle. De nombreuses propositions ont été faites en ce sens et plusieurs parcours ont déjà été mis en place autour de la laïcité et de l’aumônerie. Dans le quartier de La Duchère, à Lyon, où j’ai exercé, la communauté locale a construit sa propre mosquée. Ces modèles se développent. On n’en est encore qu’au début de la structuration de l’islam en France. Le protestantisme, qui s’inscrit dans une longue tradition, sait que la question patrimoniale met du temps à se structurer. Il y a peu, on parlait encore l’islam des caves. Le protestantisme aussi a été dépourvu de lieux de culte. L’islam est en train de sortir de ce modèle, et il faut du temps pour que les associations musulmanes s’organisent.” Michaël Azoulay, rabbin à Neuilly-sur- Seine “Je suis quelque peu réservé quant au terme de ‘séparatisme’ employé par Emmanuel Macron. Nous avons tous différentes appartenances qu’il peut être difficile de concilier. Toutefois, l’expression du Président décrit une réalité, un moment où des convictions religieuses, en l’occurrence islamistes, mettent en danger le vivre ensemble. Il s’agit de montrer aux musulmans de France qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre leurs convictions et les lois de la République. Dès qu’une religion englobe tous les domaines de la vie, ce qui est le cas de l’islam comme du judaïsme, il faut accepter que la sphère de la vie civique et publique échappe au religieux. Il n’est pas question d’imposer les valeurs de sa tradition aux autres alors que la société est basée sur des valeurs communes. Judaïsme et islam sont assez proches, ce sont des religions très ritualisées. Pour autant, les juifs s’adaptent à la vie en France. Pour moi qui suis pratiquant, la laïcité est même une bénédiction, elle nous rassemble. Les musulmans pourraient s’inspirer du modus vivendi que les juifs ont trouvé avec la République. Quant aux mesures du gouvernement, elles vont dans le bon sens. La formation des imams est à mon avis un point très important. Ce sont eux qui dispensent des enseignements aux musulmans de France. Leur rôle est donc clé.
Concernant le financement étranger des mosquées, je renverrai à la loi de séparation de l’Église et de l’État. Ensuite, tout dépend si le financement s’accompagne d’une ingérence du pays de provenance. Sans doute faut-il aller vers davantage de surveillance pour le savoir ? Quand je lis ce qui circule sur internet, je constate un laxisme manifeste à ce niveau. Mais traiter le problème par la censure ne peut suffire, il faut intervenir en amont, dans la formation des imams. De même pour les cours facultatifs en langues étrangères, donnés par des enseignants détachés de l’étranger. La solution n’est pas de les supprimer mais de les encadrer. Et finalement, de cesser d’avoir peur d’aborder le fait religieux à l’école.” Dietrich Bonhoeffer, le Résistant, par Michel Leplay Dietrich Bonhoeffer était en prison quand il achevait la rédaction de son Éthique. La Gestapo confisqua le manuscrit, récupéré par la famille et caché dans le jardin! Le fidèle Bethge le publiera en 1949. Une nouvelle édition par Bernard Lauret nous est offerte aujourd’hui. La lecture demande un effort, facilité par la lumineuse introduction et les notes de Henry Mottu. Comment penser encore et à nouveau la présence et l’action de Dieu dans l’histoire humaine? Où sont les sources du droit et les chemins du devoir? Le théologien luthérien de Résistance et soumission nous traçait des pistes. D’abord, parce qu’il n’y a pas pour les Réformateurs de théologie naturelle et de
morale fermée. Mais nous ne sommes pas sans rappel permanent de la conscience et appelés à faire des choix dans le désordre de la société et les pulsions primaires. C’est ici qu’intervient la notion de “mandats”. Comme l’avait suggéré André Dumas, il s’agit d’orientations majeures, de directives prioritaires, “à la recherche du commandement concret de Dieu” pour le service du bien commun. Comités d’éthique Ces “invariants de la condition humaine” concernent plus précisément le travail, la famille, l’autorité, l’Église… Il s’agit d’une pensée libérée par le Christ, “une sorte d’alliance entre les valeurs humaines et la vie chrétienne”. Bonhoeffer avait l’intuition d’un “christianisme non religieux”, “avec Dieu sans Dieu dans le monde”, soit la fin des dictatures ecclésiastiques et l’ouverture avec tous des chantiers de l’avenir. Pour des repères de fraternité plus que des… pères autoritaires ! Aujourd’hui, nos comités d’éthique tentent de concilier la continuité normative entre les uns et l’aventure créatrice des autres. Toujours entre “résistance” aux demandes désordonnées et “soumission” aux promesses pour lesquelles nous sommes “mandatés”. En fait, une éthique de la passion comme souffrance et comme espérance. Éthique Dietrich Bonhoeffer, Labor et Fides, 2019, 34 €.
Analyse du discours d’Emmanuel Macron contre le séparatisme islamiste Peut mieux faire ; opération de diversion; à-côté ; mesurettes. On peut résumer ainsi les réactions des représentants des principaux partis politiques aux annonces faites par le chef de l’État à Mulhouse sur la lutte contre le communautarisme islamique. Force est de constater que l’unité nationale n’est pas au rendez-vous si l’on s’en tient aux commentaires des leaders politiques de l’opposition. Revue de détail. Loin du compte selon la droite La principale force d’opposition à l’Assemblée nationale, Les Républicains, a accusé le président de la République de nourrir “une formidable ambiguïté” sur le sujet. Le patron de son groupe au Sénat, Bruno Retailleau, juge qu’il a donné “un coup d’épée dans l’eau”. “Comme souvent, Emmanuel Macron prononce des mots, mais qui restent au stade de la parole”, a-t-il déclaré à BFMTV et RMC. Le ténor de la droite républicaine lui a reproché de ne pas avoir retenu deux des principales propositions de son parti, l’interdiction des signes religieux ostentatoires lors des sorties scolaires et des listes communautaires aux élections locales. Bruno Retailleau estime que les “quartiers de reconquête républicaine”, institués en 2017 dans le cadre du dispositif dit de la “police de sécurité au quotidien” par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gérard Collomb, n’ont rien changé. Il a enfin accusé l’hôte de l’Élysée de culpabiliser les Français en insistant sur la “rhétorique décoloniale” appliquée à la guerre d’Algérie. Une approche qui, à ses yeux, “fait le jeu des islamistes”. Des mesures contre le séparatisme
islamiste Quant à l’autre grande formation de la droite républicaine, l’UDI, elle n’a pas commenté les mesures contre le séparatisme. Son leader, Jean-Christophe Lagarde, vient d’être accusé d’entretenir des liens clientélistes avec des islamistes dans un livre et une enquête de la journaliste de l’AFP Ève Szeftel pour l’hebdomadaire Le Point… Pour sa part, le Rassemblement national de Marine Le Pen réduit les annonces d’Emmanuel Macron à “une déclaration d’intention, poussive et faite d’infimes mesurettes, bien loin de l’intensité de la menace”, selon Nicolas Bay, député RN au Parlement européen. Pas si étonnant quand on considère que la formation d’extrême droite fait usage de la métaphore médicale en qualifiant carrément de “gangrène” l’islamisme et ceux “qui le propagent”. La gauche dénonce la diversion La gauche républicaine s’est montrée moins agressive. Pour autant, elle n’a guère été convaincue par la stratégie de Macron. Le président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner, a concédé sur la chaîne Public Sénat que “le diagnostic est juste”, car “le mot de séparatisme est un mot intelligent”. Toutefois, a-t-il poursuivi, “en ce qui concerne les solutions, elles sont assez light”. Certes, a-t-il développé, il faut sans attendre former les imams en France et s’émanciper de la dépendance de l’étranger. Mais “elle est quoi, elle est où, elle est portée par qui, la politique de la ville ?”, indispensable aux dires de cet ancien ministre de la Ville pour endiguer le phénomène du séparatisme islamiste. Beaucoup plus négative, en revanche, est l’appréciation du porte-parole communiste Ian Brossat. Focalisé sur “la question sociale”, l’adjoint au Logement de la mairie de Paris estime que le Président détourne le débat “exactement comme le faisait Nicolas Sarkozy”. Pour lui, “le meilleur moyen de lutter contre le communautarisme, ce n’est pas d’interdire en permanence mais d’inclure” au moyen notamment du “retour de l’État et du service public” dans les quartiers populaires. Les élections municipales approchent… Jean-Luc Mélenchon, chef de La France insoumise, relève, lui, combien il est “étrange” de “parler de laïcité dans un territoire concordataire”, en Alsace. Sans s’attarder sur les mesures proposées, taxées de “diversion”, le président du groupe LFI à l’Assemblée
nationale a appelé à “arrêter les cérémonies religieuses officielles et la participation de représentants de l’État à ces cérémonies”. Une certaine satisfaction Seul homme politique de premier plan de l’opposition à exprimer une certaine satisfaction, Yannick Jadot, député européen d’Europe Écologie – Les Verts, a reconnu sur CNews que les annonces du Président vont “dans le bon sens”. Le chef de l’État a “raison de rappeler que la République est Une” et de “combattre un projet politique qui veut qu’une communauté se replie sur elle-même”, a résumé l’élu écologiste. Pour autant, Yannick Jadot déplore qu’Emmanuel Macron “ait mis de côté le plan banlieues et supprimé les emplois aidés qui faisaient vivre les associations dans ces quartiers”. Enfin, l’ancien candidat pour les Verts à l’élection présidentielle de 2017 n’a pas manqué de s’interroger sur le rôle que l’exécutif entend faire jouer au Conseil français du culte musulman (CFCM). Yannick Jadot souligne en effet que cet organisme “est depuis son origine malheureusement davantage une représentation des pays d’origine qu’une représentation des Français musulmans”. Or, le gouvernement veut impliquer le CFCM dans la formation des imams de France et lui demande “un vrai plan d’action” en ce sens pour la fin mars. Un choix “inévitable” pour la place Beauvau, qui n’oublie pas que le Conseil représente quelque 40 % des mosquées françaises. Mais un choix difficile aussi, car “aujourd’hui” ni le CFCM ni la Grande Mosquée de Paris “ne sont en cette capacité-là”, a reconnu mercredi 19 février sur France Inter le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner. La réponse du CFCM Se voulant rassurant, le même jour, Mohammed Moussaoui, le président du CFCM, a répondu sur BFMTV en disant “qu’il est temps (…) que des imams étrangers soient remplacés par des imams français formés en France”. “Nous devrions former mieux nos cadres religieux, tenir un discours qui soit clair et rassembleur, qui déconstruise la propagande extrémiste qui se propage”, a-t-il conclu. Une prise de position importante qui pourrait bouger les lignes. À la condition, bien sûr, qu’elle ne reste pas un vœu pieux…
Verbatim du discours de Mulhouse “Chaque année, des imams et des psalmodieurs, des imams qu’on appelle détachés, des psalmodieurs qui sont nommés, désignés, formés par d’autres gouvernements. Nous avons cette relation principalement avec trois pays, l’Algérie, le Maroc et la Turquie, qui nous envoient ces personnes qui vont officier. […] 300 imams détachés qui sont envoyés en France chaque année. Ceux qui sont arrivés en 2020 seront la dernière génération avec ce volume, et nous allons progressivement sortir, c’est-à-dire ne plus en faire venir de nouveaux, et laisser la période de présence des derniers imams détachés se poursuivre jusqu’à son terme, avec là aussi un dialogue, une amélioration des conditions. “Des mesures fortes seront prises pour mieux contrôler les financements étrangers des lieux de culte, pour garantir leur pleine transparence. “ “Nous avons de plus en plus d’enseignants qui ne parlent pas le français et qui ne le parlent pas du tout, que nous avons de plus en plus d’enseignants sur lequel l’Éducation nationale n’a aucun regard… À partir de la rentrée de septembre 2020, les enseignements en langues et cultures d’origine étrangère seront partout supprimés sur le sol de la République.” À lire en + Séparatisme islamiste: un imam, un pasteur et un rabbin réagissent au discours d’Emmanuel Macron
En Italie, les “sardines” font barrage à la montée du souverainisme Depuis quelques mois, en Italie, se joue la première révolution piscicole de l’histoire. Les “sardines” ont commencé par être quatre. Et puisqu’elles se déplacent toujours en nombre, “serrées, serrées comme dans une boîte”, elles sont devenues 6 000, puis 40 000, transformant les places en océans, emmenant avec elles l’espoir et l’alternative d’un changement. Leur ambition? Faire barrage à la montée du souverainisme incarné par le chef de la Ligue, Matteo Salvini. Tout a commencé un peu comme un défi, lorsque quatre trentenaires, redoutant que l’Émilie-Romagne, bastion historique de la gauche italienne, tombe aux mains de l’extrême droite lors des élections régionales, décident de faire un flash mob. Un rassemblement “sans drapeau, sans parti, sans insulte” pour contraster avec les discours bruyants et haineux proclamés par Matteo Salvini. Oui, face au vacarme produit par la “rhétorique populiste”, les sardines, elles, sont silencieuses. Depuis, la vague a grossi. Suffisamment nombreuses, les sardines deviennent un phénomène et de nombreuses villes italiennes organisent leur rassemblement sur le même modèle, troquant les classiques pancartes avec des représentations diverses et variées du poisson devenu emblème du mouvement. Une leçon d’éducation À chaque fois, on assiste à une grande participation non violente, à des “places souriantes, colorées, pacifiques”, décrit Alessandra Trotta, modératrice de la
Tavola valdese. “Les sardines ont donné une visibilité à une partie de la société italienne qui ne partage pas les discours de haine, qui ne partage pas la façon violente et agressive de faire de la politique. Ce sont peut-être les mouvements populistes qui nous ont rappelé que, dans la société des images, les mots continuaient à détenir un certain pouvoir. Les paroles peuvent être des pierres, mais elles peuvent aussi être des ponts, des conceptions nouvelles de société, de paix, d’harmonie”, analyse-t-elle. Perçues comme un “anticorps au populisme, au souverainisme”, les sardines ne se destinent pas à devenir un parti politique. Elles ont su redonner de l’enthousiasme, un bol d’air inespéré contre la Ligue de Salvini, le racisme et le néofascisme montants. “Un mouvement civique” L’une des raisons pour lesquelles Ivano De Gasperis, pasteur évangélique à Rome, se reconnaît dans cette mobilisation. “C’est un mouvement civique qui rappelle la politique à ses devoirs après le spectacle grotesque des campagnes électorales de ces dernières années. Pour la première fois, quelqu’un a osé dire qu’il n’était pas nécessaire de hurler pour faire de la politique. Les sardines offrent une leçon d’éducation à tous les politiciens, invitent les personnes à s’informer, à redevenir protagoniste de la vie politique. C’est une expression populaire à l’enseigne de la gentillesse et de l’éducation civique.” Si demain est incertain, les sardines, pour l’heure, ne sont pas près de s’arrêter de nager, de prouver que “le dialogue, le bon sens et la civilité de ton peuvent encore payer”. Oui, elles continueront, en rangs serrés, de revendiquer les valeurs démocratiques, de parler de paix, de discrimination, de liberté et de non- violence, leur première bataille.
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