LECTURES BIBLIQUES: "ZEBIBLE" DÉCLINÉE

 
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LECTURES BIBLIQUES: "ZEBIBLE" DÉCLINÉE
Lectures bibliques: “ZeBible”
déclinée
L’aventure ZeBible continue à travers la déclinaison de ces petits opus format
carré aux illustrations variées. Trois livrets contiennent chacun cinq parcours de
lecture. L’idée est de proposer différentes portes d’entrée dans le texte biblique,
dont l’abord peut parfois sembler difficile. Il s’agit donc d’une sélection de
passages, regroupés par thématiques pour se ressourcer, s’engager,
s’émerveiller, trouver du réconfort… Pour les accompagner, pas d’analyse
textuelle, pas d’exégèse approfondie, mais un commentaire aussi bref que
pertinent.

Les auteurs ont eu l’art de pointer le détail qui nous avait échappé, le mot qui fait
mouche, la comparaison qui nous semblait obscure et qui tout à coup s’éclaircit…
Il en faut peu pour trouver matière à méditer dans cette vaste bibliothèque que
sont les Écritures. Et il n’y a nul besoin d’être érudit pour en profiter !

Les publications s’adressent en priorité à un public jeune, cible du projet initial
ZeBible, mais pourront aussi retenir l’intérêt d’un lectorat plus large qui
appréciera l’efficacité de l’ensemble, extraits, commentaires et images.

Claire Bernole

À lire

Nourritures célestes, Questions sensibles, Vitamines bibliques, Bibli’O, de 80 à 90
pages, 5 € chaque livret
Lectures: une BD mignonne et un
récit passionnant

BD jeunesse: “Les Vermeilles”, Prix du
Festival d’Angoulême
Jo s’ennuie au camping avec sa famille. Elle décide de fuguer et part se balader
dans la forêt. Elle rencontre deux petits personnages déguisés, très intrigants.
Elle les suit et découvre une communauté de lutins et autres créatures étranges
et fantastiques.

Ils sont terrorisés par un roi despote, le Matou. Il a capturé la maman de Nouk,
chaton espiègle qui demande de l’aide à Jo. Avec Maurice le Renard, Jo
s’embarque alors dans l’aventure. Ils vont tenter de libérer la maman de Nouk…
avec l’assistance de poneys colorés, les Vermeilles.

Une très belle histoire qui emporte le lecteur ou la lectrice très loin dans
l’imaginaire ! Cette BD a reçu le Fauve jeunesse au Festival d’Angoulême, après
avoir déjà été saluée au Salon du livre jeunesse à Montreuil, fin 2019. C’est la
lecture incontournable pour les enfants en ce début d’année!

L. S.

Les Vermeilles, Camille Jourdy, Actes Sud BD, 155 p., 21,50 €
L’empreinte

Récit: “L’Empreinte”, un crime sexuel
On plonge dans cette enquête passionnante et on n’en ressort pas avant de l’avoir
terminée. L’auteure est étudiante en droit à Harvard. C’est une fervente
opposante à la peine de mort. Elle va commencer à s’intéresser à un pédophile
criminel, Ricky Langley. Ses principes vacillent alors: cet homme ne “mériterait-
il” pas la mort?

Alex Marzano-Lesnevich va chercher ce qui dans le passé de Ricky explique ce
qu’il a fait par la suite. Surtout, elle réalise combien cette histoire fait saigner en
elle ses propres blessures. Comment survit-on à la pédophilie? Comment aborder
les secrets de famille? Pourquoi des parents qui savent mettent-ils le couvercle
sur des actes horribles qui touchent leurs enfants ?

Le livre alterne ainsi des chapitres sur l’affaire Langley et d’autres sur le passé de
l’auteure. Le livre a reçu de nombreux prix. On comprend pourquoi.

N. L.

L’Empreinte, Alex Marzano-Lesnevich, 10/18, 8,40 €
Cinéma : “Dark Waters”, eaux
troubles

                    Note de la rédaction

Avec Dark Waters, on retrouve Todd Haynes aux manettes d’un film de
commande qui raconte un combat juridique stupéfiant. Comment un modeste
avocat se met au service d’un fermier qui veut comprendre pourquoi ses vaches
deviennent folles, puis meurent. Comment il se bat pour la vérité, sacrifiant sa
carrière, sa vie de famille, sa santé. Comment cet entêtement laborieux permet de
révéler les pratiques dévastatrices de DuPont, entreprise de produits chimiques
mondialement connue, qui empoisonne sciemment dans l’État de Virginie.

Dark    Waters,                        un          brillant               film
d’investigation
Lorsqu’il démontre la nocivité irréversible du PFOA, substance présente dans le
Téflon, ce n’est plus seulement une catastrophe écologique et de santé publique
locale que le film dénonce mais un scandale mondial. Dans la lignée des Hommes
du Président ou d’Erin Brockovich, Dark Waters est un brillant film
d’investigation qui prend la forme d’un thriller. Un récit réaliste et exigeant, où
révélations, images cauchemardesques et paranoïa se mêlent pour raconter
comment la pollution s’immisce partout. Mark Ruffalo joue ce héros pugnace, seul
ou presque contre une entreprise gigantesque et un système corrompu, avec un
talent indéniable.

À voir

Dark Waters, de Todd Haynes, 2h07, en salles

À écouter : un podcast pour parler
sexualité avec les ados et le nouvel
album de Coldplay

Coldplay s’engage
Le huitième album de Coldplay, Everyday Life, propose seize chansons,
présentées en deux parties: le lever et le coucher de soleil. Dans la même veine
musicale que les précédents, il mélange rock joyeux, ballades au piano et
quelques nouveautés. Pour le titre Arabesque, le groupe britannique a invité
Stromae, qui chante en français et s’entoure de Femi Kuti au saxophone, fils du
célèbre chanteur nigérian Fela Kuti.
Le premier morceau diffusé sur les ondes au moment de la sortie de l’album est
Orphans. Allègre, il évoque pourtant la vie quotidienne en Syrie. Le chanteur
Chris Martin a qualifié, dans l’émission Quotidien (sur TMC), son album comme
étant “plus engagé que les autres”.

Le groupe ose enfin se livrer et tente de se mettre à la place de ceux qui vivent
des situations difficiles. Everyday Life est empreint d’une forme de spiritualité
–Broken a ainsi des airs de gospel– et témoigne d’une grande proximité avec la
culture arabe. D’ailleurs, pour le lancement de l’album, le groupe a joué à
Amman, en Jordanie, au lever et au coucher de soleil. La vidéo est visible sur
YouTube. Pour l’instant, Coldplay n’a pas prévu de tournée pour des raisons
écologiques.

Laure Salamon

Everyday Life, Coldplay, 2019, 16 € environ

Dialogue mère-fille
Pas facile de parler de sexualité, d’amour, de consentement, de contraception
avec son adolescent! Dans ce podcast en sept épisodes, la militante féministe
Ovidie partage ses constats, ses interrogations, ses doutes et ses difficultés.

Les thèmes abordés partent des préoccupations de sa fille adolescente, avec qui
elle échange. La contraception, les régimes, le porno, le consentement, l’égalité
entre les filles et les garçons. Dans le second épisode, elle témoigne de la
difficulté d’être enceinte quand on est une ancienne star du porno. Elle demande
à Clara Morgane ce qu’elle en pense. Un témoignage vraiment surprenant.

Et parfois, c’est presque rassurant de voir qu’Ovidie, qui intervient dans des
établissements scolaires sur les questions de sexualité, ne sait pas quoi dire
lorsque sa fille veut aller chez le coiffeur avec un mini-short. Elle fait alors appel à
des proches, féministes, comme Clarence Edgard-Rosa ou Xavier de la Porte pour
trouver des pistes de réponses. Fort instructif.

PAR L. S.
Juste   avant,   podcast    intime    et    politique,            par    Ovidie,
nouvellesecoutes.fr/podcasts/intime-politique/

Expositions: deux photographes
humanistes à l’honneur

Jean-Philippe Charbonnier à Montpellier
Le Dr Schweitzer et son pélican : un portrait méconnu du “grand docteur” de
Lambaréné, extrait des 250 clichés de Jean-Philippe Charbonnier (1921-2004),
actuellement à l’honneur à Montpellier. Ce photographe de l’école humaniste,
moins connu que Robert Doisneau ou Willy Ronis, et très engagé socialement, est
habité d’une profonde empathie pour ses semblables. N’importe quel homme,
femme ou enfant fera l’objet d’une attention toute particulière. Ce profond
respect pour l’humain fait qu’il ne vole pas ses images, son regard tout en
tendresse croise celui des gens devant son objectif jusqu’au milieu d’une foule.

Albert Huber

À voir : Raconter l’autre et l’ailleurs (1944-1983), photographies de Jean-Philippe
Charbonnier, Pavillon Populaire, Montpellier, jusqu’au 19 avril.
© Claudia Andujar

Le peuple Yanomami par Claudia Andujar
à Paris
Les images sont tellement étonnantes. Des hommes, des femmes et des enfants
vivent en communion avec la nature, sans vêtement ni maison, au cœur de
l’Amazonie. Plus de 300 photographies en couleur et en noir et blanc sont
présentées à la Fondation Cartier. Elles ont été prises par Claudia Andujar. Née
en Suisse en 1931, d’un père juif hongrois et d’une mère protestante, elle a passé
son enfance en Transylvanie avant de rejoindre la Suisse, avec sa mère, pour
échapper aux persécutions nazies et à la déportation.

Émigrée aux États-Unis, puis au Brésil en 1955, elle devient photographe. Lors
d’un reportage en Amazonie pour un magazine, en 1971, elle rencontre les
Yanomami. Grâce à une bourse, elle décide d’approfondir sa connaissance de ce
peuple. À la fin des années 1970, la construction de la route transamazonienne
menace leur survie. Elle prend leur défense et se consacre à cette cause jusqu’à
ce qu’ils obtiennent un territoire en 1992.

Aujourd’hui encore, les menaces de déforestation pèsent sur la terre de ce
peuple. Défendre les Yanomami est pour elle une manière de vivre la culpabilité
d’avoir survécu au génocide juif, comme elle le racontait sur France Inter, la
veille de l’inauguration de l’exposition.

L. S.

Claudia Andujar, la Lutte Yanomami, Fondation Cartier, Paris 14e , jusqu’au 10
mai
Série “Habiter” (2/6): une maison
pas toujours d’équerre…
Doubles vitrages, ventilation mécanique contrôlée (VMC), panneaux solaires,
pompes à chaleur, etc. Autant d’équipements qui donnent à croire que nos
logements sont les fruits de la rationalité. Mais à y regarder de plus près, les
normes de construction et la standardisation ne sont pas un gage de logique. Au
contraire, en faisant de l’habitation un produit de consommation de masse, nos
logements ne répondent souvent que modérément aux conditions climatiques du
lieu et aux usages de ses occupants. Le sur-mesure reste l’apanage de
l’immobilier de luxe.

Le géographe français Pierre Deffontaines et l’anthropologue américain Amos
Rapoport ont largement prouvé le caractère souvent anti-climatique de l’habitat
vernaculaire. Les maisons du monde et de toutes les époques répondent d’abord à
des impératifs culturels auxquels se soumettent les techniques de construction.
Ce n’est pas parce que l’être humain maîtrise le savoir-faire le plus approprié
dans un contexte donné qu’il le mettra logiquement en œuvre.

Un outil de communion
Coutumes, religions, traditions et représentations imposent toujours leurs
exigences au savoir-faire technique. Les immeubles troués de Hong Kong, par
exemple, permettent de laisser passer les énergies positives conformément aux
règles du feng shui. Les colons français du Québec, bien qu’entourés d’immenses
forêts, construisirent des maisons de pierre telles qu’ils les concevaient dans
leurs régions d’origine. Les indiens Onas de la Terre de Feu savaient ériger des
huttes rituelles très élaborées, mais vivaient derrière de simples parevent malgré
un climat quasi arctique. Quant au peuple Cham du Vietnam et du Cambodge,
considérant l’ombre des arbres comme maléfique, ses maisons demeurent
exposées à l’accablant soleil. Nous pourrions multiplier les exemples montrant
combien l’habitat n’est pas qu’un abri, mais l’outil d’une communion entre des
individus et les systèmes de valeurs qui leur sont propres.

Nos maisons témoignent ainsi de ce que l’habitat est d’abord: un habitacle
culturel et symbolique où s’incarne un art de vivre selon des codes et des valeurs
qui unit les membres d’une société donnée. L’appartement parisien, la ferme
jurassienne ou le pavillon de banlieue n’échappent pas à cette règle. Car à travers
leur architecture et leur agencement, ils parlent du lieu et des gens qui y vivent,
jusqu’à caractériser un quartier, une région. L’habitat fait partie intégrante du
paysage et trouve souvent ses lettres de noblesse dans le typique et le
pittoresque. Le mas provençal, le penty breton, l’etche basque ou l’échoppe
bordelaise portent une identité qui les relie à un terroir.

Les pavillons des promoteurs tentent de reproduire ce sentiment de stabilité
temporelle, en mettant en valeur un toit pentu, des murs habillés de pierres, un
portail, de belles huisseries. Même si souvent les choix architecturaux sont
clairement anti-climatiques, le plus important demeure l’image que la maison
dégage tant pour soi-même que pour les autres. La technique est, là encore,
assujettie à des choix subjectifs qui dépassent la simple rationalité. Cela se vérifie
aussi dans l’habitat dit «passif», où l’on refuse des techniques récentes au profit
de procédés et de matériaux plus authentiques (bois, paille, etc.), visant à une
sobriété énergétique. Nous voyons ainsi combien notre habitat, selon son
emplacement, sa forme, sa réalisation, est l’enveloppe d’un contenu
civilisationnel.

Le concept en premier
Les normes, les lois et les règlements qui régissent désormais la construction et la
réhabilitation des biens immobiliers sont un métalangage de la pensée
technicienne et juridique de notre temps. La gestion du risque a pris la place de la
tradition vernaculaire. Ce mouvement a débuté au XVIIe siècle, lorsqu’on inventa
le métier d’architecte. Jusqu’alors, maçons et charpentiers étaient tout à la fois
des artisans et des concepteurs. L’art de bâtir est désormais scindé en deux
sphères, l’une abstraite (l’architecture), l’autre manuelle (les métiers du
bâtiment). Mais d’une certaine manière, c’est bien encore l’idée qui domine la
technique. Ainsi, même dans une société sécularisée et à un haut degré de
technicité, ce sont toujours les concepts qui ont le premier et le dernier mot.

Nos habitats sont plus que des capsules à traverser le temps qu’il fait et le temps
qui passe. Notre maison, au sens de “chez soi”, est l’association d’un lieu à soi
dans le monde et d’un monde à soi en un lieu. Ma maison façonne mon rapport au
monde. On en change d’ailleurs quand celui-ci ne nous convient plus. Un projet de
construction peut devenir l’objectif d’un couple pour ancrer sa relation dans la
terre et y fonder une famille, retrouver ses racines, prolonger son histoire.

Choix de conception
L’investissement personnel dans les choix de conception font dire à certains
propriétaires : “Cette maison, c’est un peu notre enfant.” Centre d’intérêts et de
préoccupations, la maison de lotissement comme l’appartement ou la chambre
d’étudiant demeurent, à l’instar de la maison vernaculaire, un axis mundi: l’axe du
monde autour duquel gravitent mes déplacements, mes relations et où
l’incrémentation des gestes ordinaires construisent des habitudes. L’habitus est
peut-être même le propre de l’habitation : en conservant l’empreinte de nos
corps, le chez-soi est le conservatoire de pratiques individuelles et collectives
(sommeil, repas, lecture, etc.) qui rythment notre humanité.

La maison donne lieu, littéralement, à une mémoire des gestes et du sentiment
d’être chez soi: “à la maison”. Notre chez-soi porte la possibilité d’habiter le
monde et d’affronter les vertigineuses questions du cosmos. Invention humaine,
l’habitation n’est pas un nid, pas une tanière non plus, même si elle peut prendre
l’aspect de l’un ou de l’autre. Elle est un “antre-deux” : elle nous ancre sur terre
et nous protège de l’espace infini. La maison est le lieu d’un ici et le lien à
demain. Elle est le propre de l’humain.

Dieu lui-même ne sait pas construire de maison. L’Éden en est dépourvu et c’est
Salomon qui est chargé de construire la « maison de Dieu » – le temple – à
Jérusalem. Il fallait bien que le messie soit du métier – charpentier (Mc 6,3) ou fils
de charpentier (Mt 13,55)– pour mettre les choses d’équerre! C’est bien dans une
maison que des mages venus d’Orient l’auront découvert (Mt 2,11). C’est après
avoir traversé le toit d’une maison qu’un paralytique rentre à la sienne sur ses
deux jambes (Lc 5,17-26). Et c’est dans une maison que le souffle de la Pentecôte
est distribué aux disciples (Ac 2,1-4).

Prochain épisode: Symbole et parabole.

1. L’auteur a fait un mémoire sur ce sujet et non une thèse, comme nous l’avions
écrit par erreur

Séparatisme islamiste: un imam,
un pasteur et un rabbin réagissent
au discours d’Emmanuel Macron

Tareq Oubrou, grand imam de Bordeaux
“À travers l’expression ‘séparatisme islamiste’, Emmanuel Macron vise
l’islamisme. Je crains là que nous n’engagions une guerre contre un spectre, car
l’islamisme a plusieurs formes : social, politique, piétiste, intégriste… Les
mesures annoncées par le président de la République vont dans le bon sens, mais
ne sont qu’une partie de la solution.

Ce sont les imams qui résident en France et souvent      sont français qui peuvent
poser problème. Ils ont la liberté de dire ce qu’ils     veulent et peuvent donc
véhiculer un discours religieux de rupture, tandis que   les imams étrangers n’ont
pas intérêt à mettre en difficulté leur pays. Former     les imams est une bonne
chose, mais il faut être conscient qu’un imam formé en France revendiquera un
certain salaire. Or, beaucoup d’associations des mosquées font appel à l’étranger
parce qu’elles n’ont pas de moyens.

Nos imams, même formés en France, ont besoin d’un corpus doctrinal élaboré et
solide, au diapason avec le contexte actuel. C’est une affaire interne aux
musulmans de France, à laquelle l’État ne peut rien. Enfin, le financement des
lieux de culte n’est pas vraiment un problème. Ce sont les paroles et les activités
au sein d’une mosquée qui sont intégristes, pas les murs. Or les discours
extrémistes se trouvent plutôt dans les petites salles prêtées par les mairies que
dans les lieux de culte financés par l’étranger.

L’église orthodoxe de Paris a été construite par la Russie. Des dons sont parvenus
de pays arabes pour la reconstruction de Notre-Dame. On pourrait encore
examiner les comptes de certaines églises évangéliques. Si on interdit ces
financements, on les interdit pour tout le monde. Mieux vaut, à mon sens,
chercher la transparence des financements, abstraction faite de leur provenance,
et veiller à ce que les imams n’appellent pas à la violence ou à s’opposer à la loi.
L’État en a les moyens.”

Pierre-Olivier Dolino, pasteur de la
Mission populaire à Marseille
“Je trouve intéressant le concept de séparatisme, qui met l’accent sur le repli sur
soi. Il est dommage d’être renvoyé au communautarisme dès lors qu’on travaille
sur le plan communautaire, comme la Mission populaire qui prône la rencontre
entre les communautés.

Tous, nous avons plusieurs appartenances. L’important est de pouvoir circuler de
l’une à l’autre. De plus, on ne peut pas essentialiser la communauté musulmane,
comme c’était jusqu’à présent le cas dans le discours du président. Il y a plusieurs
manières d’être musulman de même qu’il y a plusieurs manières d’être chrétien.
L’islam peut être traversé par des dérives telles que le séparatisme, c’est-à-dire la
tentative de recréer un petit monde à soi, mais comme certaines églises.

La société française elle-même n’est pas exempte de ces dérives. On entend
s’exprimer une volonté de pureté qui est à mes yeux de cette nature. Quant à la
formation des imams et au financement des mosquées, ce ne sont pas des sujets
nouveaux. Intégrer un cursus à la faculté de théologie de Strasbourg est discuté
depuis très longtemps. Ce serait une excellente passerelle. De nombreuses
propositions ont été faites en ce sens et plusieurs parcours ont déjà été mis en
place autour de la laïcité et de l’aumônerie.

Dans le quartier de La Duchère, à Lyon, où j’ai exercé, la communauté locale a
construit sa propre mosquée. Ces modèles se développent. On n’en est encore
qu’au début de la structuration de l’islam en France. Le protestantisme, qui
s’inscrit dans une longue tradition, sait que la question patrimoniale met du
temps à se structurer. Il y a peu, on parlait encore l’islam des caves. Le
protestantisme aussi a été dépourvu de lieux de culte. L’islam est en train de
sortir de ce modèle, et il faut du temps pour que les associations musulmanes
s’organisent.”

Michaël Azoulay, rabbin à Neuilly-sur-
Seine
“Je suis quelque peu réservé quant au terme de ‘séparatisme’ employé par
Emmanuel Macron. Nous avons tous différentes appartenances qu’il peut être
difficile de concilier. Toutefois, l’expression du Président décrit une réalité, un
moment où des convictions religieuses, en l’occurrence islamistes, mettent en
danger le vivre ensemble. Il s’agit de montrer aux musulmans de France qu’il n’y
a pas d’incompatibilité entre leurs convictions et les lois de la République.

Dès qu’une religion englobe tous les domaines de la vie, ce qui est le cas de
l’islam comme du judaïsme, il faut accepter que la sphère de la vie civique et
publique échappe au religieux. Il n’est pas question d’imposer les valeurs de sa
tradition aux autres alors que la société est basée sur des valeurs communes.
Judaïsme et islam sont assez proches, ce sont des religions très ritualisées.

Pour autant, les juifs s’adaptent à la vie en France. Pour moi qui suis pratiquant,
la laïcité est même une bénédiction, elle nous rassemble. Les musulmans
pourraient s’inspirer du modus vivendi que les juifs ont trouvé avec la
République. Quant aux mesures du gouvernement, elles vont dans le bon sens. La
formation des imams est à mon avis un point très important. Ce sont eux qui
dispensent des enseignements aux musulmans de France. Leur rôle est donc clé.
Concernant le financement étranger des mosquées, je renverrai à la loi de
séparation de l’Église et de l’État. Ensuite, tout dépend si le financement
s’accompagne d’une ingérence du pays de provenance. Sans doute faut-il aller
vers davantage de surveillance pour le savoir ? Quand je lis ce qui circule sur
internet, je constate un laxisme manifeste à ce niveau.

Mais traiter le problème par la censure ne peut suffire, il faut intervenir en
amont, dans la formation des imams. De même pour les cours facultatifs en
langues étrangères, donnés par des enseignants détachés de l’étranger. La
solution n’est pas de les supprimer mais de les encadrer. Et finalement, de cesser
d’avoir peur d’aborder le fait religieux à l’école.”

Dietrich Bonhoeffer, le Résistant,
par Michel Leplay
Dietrich Bonhoeffer était en prison quand il achevait la rédaction de son Éthique.
La Gestapo confisqua le manuscrit, récupéré par la famille et caché dans le
jardin! Le fidèle Bethge le publiera en 1949. Une nouvelle édition par Bernard
Lauret nous est offerte aujourd’hui.

La lecture demande un effort, facilité par la lumineuse introduction et les notes
de Henry Mottu. Comment penser encore et à nouveau la présence et l’action de
Dieu dans l’histoire humaine? Où sont les sources du droit et les chemins du
devoir? Le théologien luthérien de Résistance et soumission nous traçait des
pistes.

D’abord, parce qu’il n’y a pas pour les Réformateurs de théologie naturelle et de
morale fermée. Mais nous ne sommes pas sans rappel permanent de la conscience
et appelés à faire des choix dans le désordre de la société et les pulsions
primaires. C’est ici qu’intervient la notion de “mandats”. Comme l’avait suggéré
André Dumas, il s’agit d’orientations majeures, de directives prioritaires, “à la
recherche du commandement concret de Dieu” pour le service du bien commun.

Comités d’éthique
Ces “invariants de la condition humaine” concernent plus précisément le travail,
la famille, l’autorité, l’Église… Il s’agit d’une pensée libérée par le Christ, “une
sorte d’alliance entre les valeurs humaines et la vie chrétienne”. Bonhoeffer avait
l’intuition d’un “christianisme non religieux”, “avec Dieu sans Dieu dans le
monde”, soit la fin des dictatures ecclésiastiques et l’ouverture avec tous des
chantiers de l’avenir.

Pour des repères de fraternité plus que des… pères autoritaires ! Aujourd’hui, nos
comités d’éthique tentent de concilier la continuité normative entre les uns et
l’aventure créatrice des autres. Toujours entre “résistance” aux demandes
désordonnées et “soumission” aux promesses pour lesquelles nous sommes
“mandatés”. En fait, une éthique de la passion comme souffrance et comme
espérance.

        Éthique Dietrich Bonhoeffer, Labor et Fides, 2019, 34 €.
Analyse du discours d’Emmanuel
Macron contre le séparatisme
islamiste
Peut mieux faire ; opération de diversion; à-côté ; mesurettes. On peut résumer
ainsi les réactions des représentants des principaux partis politiques aux
annonces faites par le chef de l’État à Mulhouse sur la lutte contre le
communautarisme islamique. Force est de constater que l’unité nationale n’est
pas au rendez-vous si l’on s’en tient aux commentaires des leaders politiques de
l’opposition. Revue de détail.

Loin du compte selon la droite
La principale force d’opposition à l’Assemblée nationale, Les Républicains, a
accusé le président de la République de nourrir “une formidable ambiguïté” sur le
sujet. Le patron de son groupe au Sénat, Bruno Retailleau, juge qu’il a donné “un
coup d’épée dans l’eau”. “Comme souvent, Emmanuel Macron prononce des mots,
mais qui restent au stade de la parole”, a-t-il déclaré à BFMTV et RMC. Le ténor
de la droite républicaine lui a reproché de ne pas avoir retenu deux des
principales propositions de son parti, l’interdiction des signes religieux
ostentatoires lors des sorties scolaires et des listes communautaires aux élections
locales.

Bruno Retailleau estime que les “quartiers de reconquête républicaine”, institués
en 2017 dans le cadre du dispositif dit de la “police de sécurité au quotidien” par
le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gérard Collomb, n’ont rien changé. Il a
enfin accusé l’hôte de l’Élysée de culpabiliser les Français en insistant sur la
“rhétorique décoloniale” appliquée à la guerre d’Algérie. Une approche qui, à ses
yeux, “fait le jeu des islamistes”.

Des mesures contre le séparatisme
islamiste
Quant à l’autre grande formation de la droite républicaine, l’UDI, elle n’a pas
commenté les mesures contre le séparatisme. Son leader, Jean-Christophe
Lagarde, vient d’être accusé d’entretenir des liens clientélistes avec des
islamistes dans un livre et une enquête de la journaliste de l’AFP Ève Szeftel pour
l’hebdomadaire Le Point…

Pour sa part, le Rassemblement national de Marine Le Pen réduit les annonces
d’Emmanuel Macron à “une déclaration d’intention, poussive et faite d’infimes
mesurettes, bien loin de l’intensité de la menace”, selon Nicolas Bay, député RN
au Parlement européen. Pas si étonnant quand on considère que la formation
d’extrême droite fait usage de la métaphore médicale en qualifiant carrément de
“gangrène” l’islamisme et ceux “qui le propagent”.

La gauche dénonce la diversion
La gauche républicaine s’est montrée moins agressive. Pour autant, elle n’a guère
été convaincue par la stratégie de Macron. Le président du groupe socialiste au
Sénat, Patrick Kanner, a concédé sur la chaîne Public Sénat que “le diagnostic est
juste”, car “le mot de séparatisme est un mot intelligent”. Toutefois, a-t-il
poursuivi, “en ce qui concerne les solutions, elles sont assez light”. Certes, a-t-il
développé, il faut sans attendre former les imams en France et s’émanciper de la
dépendance de l’étranger. Mais “elle est quoi, elle est où, elle est portée par qui,
la politique de la ville ?”, indispensable aux dires de cet ancien ministre de la Ville
pour endiguer le phénomène du séparatisme islamiste.

Beaucoup plus négative, en revanche, est l’appréciation du porte-parole
communiste Ian Brossat. Focalisé sur “la question sociale”, l’adjoint au Logement
de la mairie de Paris estime que le Président détourne le débat “exactement
comme le faisait Nicolas Sarkozy”. Pour lui, “le meilleur moyen de lutter contre le
communautarisme, ce n’est pas d’interdire en permanence mais d’inclure” au
moyen notamment du “retour de l’État et du service public” dans les quartiers
populaires. Les élections municipales approchent… Jean-Luc Mélenchon, chef de
La France insoumise, relève, lui, combien il est “étrange” de “parler de laïcité
dans un territoire concordataire”, en Alsace. Sans s’attarder sur les mesures
proposées, taxées de “diversion”, le président du groupe LFI à l’Assemblée
nationale a appelé à “arrêter les cérémonies religieuses officielles et la
participation de représentants de l’État à ces cérémonies”.

Une certaine satisfaction
Seul homme politique de premier plan de l’opposition à exprimer une certaine
satisfaction, Yannick Jadot, député européen d’Europe Écologie – Les Verts, a
reconnu sur CNews que les annonces du Président vont “dans le bon sens”. Le
chef de l’État a “raison de rappeler que la République est Une” et de “combattre
un projet politique qui veut qu’une communauté se replie sur elle-même”, a
résumé l’élu écologiste.

Pour autant, Yannick Jadot déplore qu’Emmanuel Macron “ait mis de côté le plan
banlieues et supprimé les emplois aidés qui faisaient vivre les associations dans
ces quartiers”. Enfin, l’ancien candidat pour les Verts à l’élection présidentielle
de 2017 n’a pas manqué de s’interroger sur le rôle que l’exécutif entend faire
jouer au Conseil français du culte musulman (CFCM). Yannick Jadot souligne en
effet que cet organisme “est depuis son origine malheureusement davantage une
représentation des pays d’origine qu’une représentation des Français
musulmans”. Or, le gouvernement veut impliquer le CFCM dans la formation des
imams de France et lui demande “un vrai plan d’action” en ce sens pour la fin
mars. Un choix “inévitable” pour la place Beauvau, qui n’oublie pas que le Conseil
représente quelque 40 % des mosquées françaises. Mais un choix difficile aussi,
car “aujourd’hui” ni le CFCM ni la Grande Mosquée de Paris “ne sont en cette
capacité-là”, a reconnu mercredi 19 février sur France Inter le ministre de
l’Intérieur, Christophe Castaner.

La réponse du CFCM
Se voulant rassurant, le même jour, Mohammed Moussaoui, le président du
CFCM, a répondu sur BFMTV en disant “qu’il est temps (…) que des imams
étrangers soient remplacés par des imams français formés en France”. “Nous
devrions former mieux nos cadres religieux, tenir un discours qui soit clair et
rassembleur, qui déconstruise la propagande extrémiste qui se propage”, a-t-il
conclu. Une prise de position importante qui pourrait bouger les lignes. À la
condition, bien sûr, qu’elle ne reste pas un vœu pieux…
Verbatim du discours de Mulhouse

    “Chaque année, des imams et des psalmodieurs, des imams qu’on
    appelle détachés, des psalmodieurs qui sont nommés, désignés, formés
    par d’autres gouvernements. Nous avons cette relation principalement
    avec trois pays, l’Algérie, le Maroc et la Turquie, qui nous envoient ces
    personnes qui vont officier. […] 300 imams détachés qui sont envoyés
    en France chaque année. Ceux qui sont arrivés en 2020 seront la
    dernière génération avec ce volume, et nous allons progressivement
    sortir, c’est-à-dire ne plus en faire venir de nouveaux, et laisser la
    période de présence des derniers imams détachés se poursuivre jusqu’à
    son terme, avec là aussi un dialogue, une amélioration des conditions.

    “Des mesures fortes seront prises pour mieux contrôler les
    financements étrangers des lieux de culte, pour garantir leur pleine
    transparence. “

    “Nous avons de plus en plus d’enseignants qui ne parlent pas le
    français et qui ne le parlent pas du tout, que nous avons de plus en plus
    d’enseignants sur lequel l’Éducation nationale n’a aucun regard… À
    partir de la rentrée de septembre 2020, les enseignements en langues
    et cultures d’origine étrangère seront partout supprimés sur le sol de la
    République.”

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  discours d’Emmanuel Macron
En Italie, les “sardines” font
barrage    à  la  montée    du
souverainisme
Depuis quelques mois, en Italie, se joue la première révolution piscicole de
l’histoire. Les “sardines” ont commencé par être quatre. Et puisqu’elles se
déplacent toujours en nombre, “serrées, serrées comme dans une boîte”, elles
sont devenues 6 000, puis 40 000, transformant les places en océans, emmenant
avec elles l’espoir et l’alternative d’un changement. Leur ambition? Faire barrage
à la montée du souverainisme incarné par le chef de la Ligue, Matteo Salvini.

Tout a commencé un peu comme un défi, lorsque quatre trentenaires, redoutant
que l’Émilie-Romagne, bastion historique de la gauche italienne, tombe aux mains
de l’extrême droite lors des élections régionales, décident de faire un flash mob.
Un rassemblement “sans drapeau, sans parti, sans insulte” pour contraster avec
les discours bruyants et haineux proclamés par Matteo Salvini. Oui, face au
vacarme produit par la “rhétorique populiste”, les sardines, elles, sont
silencieuses. Depuis, la vague a grossi. Suffisamment nombreuses, les sardines
deviennent un phénomène et de nombreuses villes italiennes organisent leur
rassemblement sur le même modèle, troquant les classiques pancartes avec des
représentations diverses et variées du poisson devenu emblème du mouvement.

Une leçon d’éducation
À chaque fois, on assiste à une grande participation non violente, à des “places
souriantes, colorées, pacifiques”, décrit Alessandra Trotta, modératrice de la
Tavola valdese. “Les sardines ont donné une visibilité à une partie de la société
italienne qui ne partage pas les discours de haine, qui ne partage pas la façon
violente et agressive de faire de la politique. Ce sont peut-être les mouvements
populistes qui nous ont rappelé que, dans la société des images, les mots
continuaient à détenir un certain pouvoir. Les paroles peuvent être des pierres,
mais elles peuvent aussi être des ponts, des conceptions nouvelles de société, de
paix, d’harmonie”, analyse-t-elle.

Perçues comme un “anticorps au populisme, au souverainisme”, les sardines ne se
destinent pas à devenir un parti politique. Elles ont su redonner de
l’enthousiasme, un bol d’air inespéré contre la Ligue de Salvini, le racisme et le
néofascisme montants.

“Un mouvement civique”
L’une des raisons pour lesquelles Ivano De Gasperis, pasteur évangélique à Rome,
se reconnaît dans cette mobilisation. “C’est un mouvement civique qui rappelle la
politique à ses devoirs après le spectacle grotesque des campagnes électorales de
ces dernières années. Pour la première fois, quelqu’un a osé dire qu’il n’était pas
nécessaire de hurler pour faire de la politique. Les sardines offrent une leçon
d’éducation à tous les politiciens, invitent les personnes à s’informer, à redevenir
protagoniste de la vie politique. C’est une expression populaire à l’enseigne de la
gentillesse et de l’éducation civique.”

Si demain est incertain, les sardines, pour l’heure, ne sont pas près de s’arrêter
de nager, de prouver que “le dialogue, le bon sens et la civilité de ton peuvent
encore payer”. Oui, elles continueront, en rangs serrés, de revendiquer les
valeurs démocratiques, de parler de paix, de discrimination, de liberté et de non-
violence, leur première bataille.
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