Legifrance, service public ou téléservice public ?
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Rencontre des 8 et 9 juin 2012, Université d’Angers, « Vingt ans d’évolution du droit public » « Legifrance, service public ou téléservice public ? » 1. Légifrance... Il y a vingt ans, en 1992, ce vocable n’était pas usité, il n’existait pas, sinon à peine 1... 2. Presque dès les commencements d’Internet en France, le site admiroute.fr, né d’une initiative individuelle, permettait de retrouver les textes essentiels pour l’activité administrative 2. Peut-être que, sous l’adresse http://admifrance.fr.st/, il est possible de retrouver sur le site qui se dénomme "adminet, le web administratif et citoyen" quelques informations mais la formule n’obéit pas aux mêmes logiques que le site, gouvernemental et expérimental, initial d’admifrance. Sur le site adminet pourtant un avertissement dénonce le fait que «les sites officiels en "gouv.fr" ont la bougeotte. Certains y verront une marque de dynamisme, et de volonté du gouvernement de "coller" toujours plus près à l’actualité. D’autres feront observer que « ces sites ont été financés avec l’argent du contribuable, et que dès lors, ces derniers seraient fondés à exiger qu’on ne leur en coupe pas l’accès sans préavis et sans possibilité d’en consulter l’archive, auprès de l’INA ou d’un système équivalent.» Un site américain, archive.org, est signalé en ce qu’il « donne accès aux archives historiques des sites, tandis que alexa.com mesure en temps réel leurs statistiques de trafic ». Suit une longue liste de sites en gouv.fr dont les intitulés peuvent paraître baroques ou équivoques 3. Sont également indiqués les sites avec ou sans logo officiel et ceux qui, bien qu’officiels, n’arborent pas la racine .gouv.fr tels www.gouvernement.fr/ qui forme le portail du gouvernement ou www.service-public.fr/ qui se présente comme le site officiel de l’administration française. Ces préliminaires paraissent désormais inutiles. L’investissement des pouvoirs publics français pour une entrée dans la société de l’information est désormais assuré. Si c’est un discours du Premier ministre en 1997, à Hourtin, qui ouvre la voie, c’est dans une circulaire du 28 janvier 1999 relative à la diffusion gratuite des rapports officiels sur l’Internet 4, que le Premier ministre enjoignait formellement aux membres du Gouvernement de repenser la diffusion de la littérature administrative : « {la diffusion gratuite des données publiques essentielles sur l’Internet est l’un des objectifs prioritaires retenus par le programme d’action du Gouvernement pour la société de l’information. Des innovations importantes ont déjà été réalisées dans ce sens, notamment avec la création des sites Légifrance et Admifrance. Il convient maintenant d’appliquer les mêmes principes à la diffusion des rapports officiels. C’est le moyen d’accroître la participation des citoyens au débat politique et à la préparation des décisions administratives, de s’affranchir des limites inhérentes à la diffusion des documents imprimés et de donner une meilleure vue sur l’action publique, notamment depuis les pays étrangers.» Alors que l’un des enjeux était de s’approprier l’intérêt porté aux circuits de l’action publique et aux procédés utilisés par les activités administratives 5 autour desquels des sites privés, - puis, bien plus tard, des blogs individuels -, s’étaient agencés, soutenant implicitement que consulter le texte fait aussi la connaissance du droit, le Gouvernement s’est doté d’un outil spécifique, marqué du sceau de l’officialité : un portail dit Légifrance, créé par le décret n° 2002-1064 du 7 aout 2002 relatif au service public de la diffusion du droit par l’internet6. 3. Un ouvrage, produit par La Documentation française et les éditions des Journaux officiels, intitulé Légifrance. Connaître et utiliser le site (2010), prétend en dérouler les fonctionnalités sous la forme d’un "guide". Le site de la Documentation française en présente les grandes lignes en ces termes : « Légifrance 1 Il est par ailleurs à noter que l’année à partir de laquelle les textes officiels sont consultables sur Légifrance est 1990. 2 V.: http://www.admiroutes.asso.fr/. 3 Exemples : www.alcools.gouv.fr+archive+statistiques ; www.bonjour98.gouv.fr+archive+statistiques ; cheminsdememoire.gouv.fr+archive+statistiques ; www.conduire-un-deux-roues.gouv.fr+archive+statistiques ; 4 JO 2 févr. 1999. 5 La circulaire du 7 octobre 1999 relative aux sites internet des services et des établissements publics de l’État (JO 12 oct. 1999) présentait une liste "des sites à vocation interministérielle : « - le site Admifrance concerne l’information administrative du public et constitue le portail d’accès aux sites publics ; il est géré par la Documentation française ; - le site Legifrance concerne les données juridiques ; il est géré par le secrétariat général du Gouvernement ; - le site du PAGSI concerne les technologies de l’information et de la communication ; il est géré par le service d’information du Gouvernement. » La circulaire prévoyait que «tout site relevant d’une administration de l’État doit comporter des liens avec ces trois sites et mentionner leur nom» et précisait de manière impérative que «les données de nature juridique mises en ligne sur les sites ministériels doivent, enfin, respecter les principes contenus dans la circulaire du 17 décembre 1998 relative à la diffusion des données juridiques sur les sites internet des administrations.» 6 JO, 9 août 2002, p. 13655. V. J.-P. Bouchut, « Le service public des bases de données juridiques », AJDA 1998 p. 291.
constitue un portail de droit interne, européen et international. Afin que l’utilisateur de Légifrance puisse s’orienter aisément au sein des données juridiques diffusées sur ce site, le Guide Légifrance, dans un premier temps, fait une présentation générale du droit et des institutions qui y président. Suit la méthodologie qui guide l’utilisateur pas à pas dans sa recherche. -- Plus en détail : Que trouve-t-on sur Légifrance ? - les données diffusées - des services et outils documentaires; Comment rechercher ? - les recherches simples et les recherches expertes (cas concrets); Comment naviguer ? ; Questions fréquentes ; Les autres sources d’information; Glossaire; Les annexes contiennent la liste des codes en vigueur et celle des conventions collectives nationales étendues.» Or, dans la mesure où l’architecture générale du portail Legifrance, comme celles des sites qui en relèvent, connaît des variations importantes, des rubriques disparaissant et d’autres surgissant, les couleurs changeant et les caractères évoluant, les indications ainsi délivrées ne peuvent détenir qu’une pertinence relative. En quelque sorte, durant ces vingt dernières années, l’irruption de la société de l’information a considérablement bouleversé le rapport au Droit. L’accès aux textes juridiques a certes été amplement facilité, mais la connaissance profonde du droit s’est parallèlement vertigineusement complexifiée. Il ne s’agit plus d’invoquer un droit au savoir, mais de comprendre comment y avoir accès, comment s’en emparer, comment l’exploiter... ce, dans un temps de plus en plus étréci, dans l’immédiateté et dans la visibilité. Car, dans ce modèle en perpétuel mouvement, l’histoire n’étant faite que de papier, c’est l’instant qui rend maître des situations. Sont de plus en plus louées au titre de la performance la flexibilité, la réactivité et la célérité, la technique de la numérisation y ayant largement contribué. Les différentes versions qu’a connues Légifrance se sont agencées à partir de ces transformations, engrangeant les caractéristiques d’une post-modernité virtualisée, enregistrant l’expansion des champs d’un univers mondialisé, recherchant les voies d’une visibilité accrue des déroulés d’un système politique, juridique, social, économique, culturel sur une planète ’anglicisée’. 4. Cependant, dans l’espace du ’droit public’, Légifrance détient une place particulière : il est le portail par lequel se réalise la consultation des textes officiels de la France. Certes, sans s’attarder sur ses dysfonctionnements majeurs comme sur les ratés de la communication gouvernementale à son propos, il existe un site france.fr présenté comme le "site officiel de la France", mais son contenu est d’ordre publicitaire, comme d’une image à donner des monuments et des paysages, des arts et de la littérature, des régions et de la gastronomie, jusqu’à citer les vins et spiritueux ! Y sont même répertoriés des "femmes et hommes d’exception" traçant les exploits sportifs des uns et des unes, présentant les grand-e-s élu-e-s politiques ! Ce site vend et vante la France en rubriques incitatives au tourisme, aux études universitaires, aux implantations d’entreprises. Quelques liens y sont offerts vers des sites publics, dans un ordre pseudo- alphabétique : elysee.fr; gouvernement.fr; assemblee-nationale.fr; legifrance.fr; service-public.fr; senat.fr. Ainsi, outre les sites institutionnels, deux entrées dans les sphères du droit public sont assurées : legifrance.fr et service-public.fr. On remarquera ainsi que Légifrance perd son ’.gouv.fr’ alors que cette inscription est une des marques essentielles de sa qualité étatique. Mais, tandis que le premier s’inscrit comme "le site officiel de l’administration française" et s’implique directement dans les relations avec le public, le second n’est présenté que comme "le service public de la diffusion du droit" sans qu’aucune apostille n’en signifie le caractère officiel. C’est donc à travers ce site conçu comme un service public que, désormais, les textes juridiques - et de forme juridique - peuvent être consultés par quiconque. Nonobstant le fait que dès le départ, le dispositif de production et de diffusion des bases de données juridiques s’avérait complexe. « Relevant à la fois des domaines techniques et juridiques, elle (la matière) prête le flanc à la polémique de la commercialisation des données publiques, dont les données juridiques sont une des composantes. Les tenants d’une extraction libre, gratuite et sans limite de ces données s’opposent en effet à ceux qui estiment que l’exercice d’une mission d’intérêt public peut, sous certaines conditions, justifier des restrictions à la concurrence, voire une exclusion de toute concurrence. »7 Donc, si Légifrance est un service public de diffusion du droit, l’usager de ce service public, parce qu’il emprunte les circuits internet, serait alors un utilisateur d’un téléservice public. Ces deux statuts comme ces deux temps doivent être distingués. Indéniablement, les modalités de la consultation suscitent quelques questionnements d’une part sur la façon dont ces textes sont appréhendés et analysés, et d’autre part, comme le regard sur les textes juridiques est remanié suivant le défilé des mots s’affichant à l’écran, sur ces modes de lecture qui modifient progressivement les grilles de lecture. 5. A ce jour8, le plan du site est celui-ci : 7 J.-P. Bouchut, « Le service public des bases de données juridiques », AJDA 1998 p. 291. 8 Au 9 juin 2012.
Légifrance, un service public de "diffusion du droit" 6. «Le site Légifrance, service public de la diffusion du droit par l’internet, est placé sous la responsabilité éditoriale du Secrétariat général du Gouvernement (SGG).» Telle est la première indication des mentions légales dudit site9. L’institution officielle de Légifrance repose en effet sur les dispositions du décret n° 2002- 1064 du 7 aout 2002 relatif au service public de la diffusion du droit par l’internet. Auparavant, un service d’information juridique à vocation interministérielle avait été mis en place en tenant compte des dispositions d’abord du décret n° 84-940 du 24 octobre 1984 relatif au service public des bases et banques de données juridiques10, service à caractère industriel et commercial, ensuite du décret n° 96-481 du 31 mai 1996 relatif au service public des bases de données juridiques 11. Ce service public visait « à rassembler et mettre sous forme de bases de données informatisées, en vue de leur consultation par voie ou support électronique, le texte et les éléments de description et d’analyse documentaire : - des traités et accords internationaux publiés ; - des lois et règlements ; - des documents publiés au Journal officiel des Communautés européennes ; - des instructions et circulaires publiées conformément aux dispositions de 9 Dans ces mentions, il est également signalé que « la conception éditoriale, l’alimentation des bases de données et leur mise à jour ainsi que la maintenance technique sont assurées par le Secrétariat général du gouvernement et la Direction de l’information légale et administrative (DILA). L’hébergement technique de Légifrance est assuré par la société ATOS Wordline (...). La réalisation et la maintenance applicatives du site sont assurées par la société SWORD (...). » 10 JO 25 oct. 1984, p. 3336. 11 JO 4 juin 1996, p. 8216
l’article 9 de la loi du 17 juillet 1978 susvisée ; - des conventions collectives nationales ayant fait l’objet d’un arrêté d’extension ; - des décisions du Conseil constitutionnel, du Conseil d’État et du tribunal des conflits ; - des arrêts de la Cour de cassation et de la Cour des comptes ; - des jugements des cours administratives d’appel et des tribunaux administratifs ; - des décisions des cours et tribunaux judiciaires ; - des décisions des chambres régionales des comptes ; - des arrêts de la Cour de justice et du tribunal de première instance des Communautés européennes ; - des arrêts de la cour et des décisions de la Commission européenne des droits de l’homme ; - des actes publiés des autorités administratives indépendantes ; - d’autres documents officiels de caractère juridique dont les catégories sont fixées par arrêté conjoint du Premier ministre et du ou des ministres intéressés.» (art. 2 D. n° 96-481 du 31 mai 1996) Il ne s’agissait pas encore de créer un site spécifique qui réunirait toutes les interventions juridiques, administratives et juridictionnelles sur un seul portail. 7. En fait, l’expression "Légifrance" s’annonçait plus tardive même si elle était déjà en vogue dans les services administratifs placés auprès du Premier ministre. Le terme apparaît dans une circulaire du 17 décembre 1998 relative à la diffusion de données juridiques sur les sites Internet des administrations 12. Si cette circulaire rendait compte des préoccupations gouvernementales quant à l’accès des citoyens aux données juridiques, son principal objectif était de recadrer ces initiatives : « la mise à disposition d’informations juridiques, l’indication et la reproduction des textes qui régissent l’action du Gouvernement et des administrations s’inscrivent dans le droit-fil de la volonté que le Premier ministre a publiquement exprimée d’assurer l’accès des citoyens aux données publiques essentielles. L’initiative en la matière appartient aux ministères. Il leur revient de déterminer la nature des informations qu’il leur paraît souhaitable de mettre en ligne, ainsi que les modalités de leur présentation au public. Il convient toutefois qu’ils prennent en compte un certain nombre d’exigences, procédant d’un souci de coordination et de qualité des prestations ainsi diffusées. » La circulaire s’attachait alors à "rappeler certaines de ces exigences". Les sites des ministères et des services administratifs déconcentrés ne composaient donc pas de modulations juridiques formelles. C’est en demandant aux ministres de « veiller au respect d’un ensemble de conditions garantissant la qualité et la fiabilité des données ainsi diffusées » et de faire en sorte que « l’ensemble des services placés sous (leur) autorité ou (leur) tutelle qui diffusent de l’information juridique recherchent les conditions d’une bonne complémentarité avec Légifrance » que le Premier ministre évoque ce site. Légifrance (legifrance.gouv.fr.) disposait alors d’une définition spécifique insérée dans un cadrage informationnel ; Légifrance s’entendait comme d’« un service d’information juridique conçu pour permettre l’accès d’un large public à un ensemble de données juridiques essentielles, dans des conditions alliant simplicité technique et sécurité juridique. » Par la suite, un arrêté du 6 juillet 1999 relatif à la création du site Internet Légifrance 13 intervint ; cet arrêté fut abrogé par un arrêté de même objet du 9 octobre 2002 14. Selon l’article 1er de l’arrêté du 6 juillet 1999, la création du site Internet intitulé "Légifrance" relevait directement du Secrétariat général du Gouvernement, ce site avait alors « vocation à diffuser gratuitement des données juridiques publiques. Il comporte des traitements automatisés d’informations nominatives dont les finalités sont : - la diffusion du Journal officiel de la République française ; - la distribution sélective de certaines données ; - la gestion du courrier électronique déposé par les usagers. » La circulaire du 7 octobre 1999 relative aux sites internet des services et des établissements publics de l’État en prenait acte : « Le programme d’action gouvernemental "Préparer 12 JO 24 déc. 1998. La publication des circulaires et instructions ’applicables’ n’était alors pas strictement obligatoire. Plusieurs autres circulaires, antérieures à celle du 17 décembre 1998, et dont les textes ne sont pas accessibles par la voie de Légifrance, entreraient dans le schéma de la construction progressive du site. Elles sont toutes intervenues après 1992, elles ont été abrogées, soit au vu des évolutions juridiques, soit explicitement par l’intercession d’une nouvelle circulaire. Tel est le cas pour les suivantes : Circ. n° 4.361/SG du 15 mai 1996 relative à la communication, à l’information et à la documentation des services de l’État sur les nouveaux réseaux de télécommunications ; Circ. n° 4.385/SG du 11 juillet 1996 relative aux modalités pratiques de mise en œuvre des instructions sur la communication, l’information et la documentation des services de l’État sur les nouveaux réseaux de télécommunications ; Note d’information de la CCDA et du SIG du 5 décembre 1996 relative à la mise en œuvre de sites internet ; Circ. n° 4.455/SG du 29 janvier 1997 relative aux conditions de fonctionnement des sites internet des ministères ; Circ. n° 4.478/SG du 24 mars 1997 relative à la désignation des sites publics internet mis en œuvre par les administrations publiques ; Circ. n° 4.490/SG du 24 avril 1997 relative à la charte de nommage des sites publics internet mis en œuvre par les administrations publiques ; Circ. n° 4.537/SG du 25 septembre 1997 relative à la charte de nommage des sites publics internet mis en œuvre par les administrations publiques ; Circ. n° 4.597/SG du 9 avril 1998 relative à la création de sites internet par les services déconcentrés des administrations de l’État et les établissements ou organismes placés sous tutelle de l’État. Ces circulaires ont été abrogées par la circulaire du 7 octobre 1999 relative aux sites internet des services et des établissements publics de l’État ( JO 12 oct. 1999). Il est possible de supposer que, non publiées sur le site ’circulaires.gouv.fr’ au 1er mai 2009, toutes les autres circulaires sont aussi abrogées. 13 JO 13 juill. 1999. 14 JO 11 oct. 2002.
l’entrée de la France dans la société de l’information" a prévu de faciliter l’accès des citoyens à l’administration par l’internet, de généraliser la mise en ligne des données publiques, de dématérialiser les procédures administratives et de rendre l’administration accessible par voie électronique », de fait, le programme d’action gouvernemental pour la société de l’information (PAGSI) fut formellement lancé en 199815. L’arrêté du 9 octobre 2002 obéira à une logique identique. Son premier article dispose : « Le site internet Légifrance a vocation à constituer le portail permettant l’accès aux données juridiques mentionnées à l’article 1er du décret du 7 août 2002 susvisé, soit directement, soit par lien avec d’autres sites. Il comporte, dans ce cadre, des traitements automatisés d’informations nominatives et diffuse des données nominatives. » 8. L’idée première est l’accès aux données juridiques, "la diffusion du droit" 16; ce n’est que par la suite, sous la pression d’une redéfinition des droits des citoyens composée à partir des objectifs de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi que la fonction d’un "accès à la connaissance du droit" a été mise en valeur. En cette fin des années 1990, le principe de l’accès au droit n’en était qu’à ces premiers balbutiements. Légifrance, un site de "diffusion" des actes juridiques et textes administratifs 9. Sans tenir compte des précédentes dispositions réglementaires, l’article 1er du décret n° 2002-1064 du 7 aout 2002 avise qu’« il est créé un service public de la diffusion du droit par l’internet. /Ce service a pour objet de faciliter l’accès du public aux textes en vigueur ainsi qu’à la jurisprudence. /Il met gratuitement à la disposition du public les données suivantes : /1° Les actes à caractère normatif suivants, présentés tels qu’ils résultent de leurs modifications successives : a) La Constitution, les codes, les lois et les actes à caractère réglementaire émanant des autorités de l’État ; b) Les conventions collectives nationales ayant fait l’objet d’un arrêté d’extension. / 2° Les actes résultant des engagements internationaux de la France : a) Les traités et accords auxquels la France est partie ; b) Les directives et règlements émanant des autorités de l’Union européenne, tels qu’ils sont diffusés par ces autorités. /3° La jurisprudence : a) Les décisions et arrêts du Conseil constitutionnel, du Conseil d’État, de la Cour de cassation et du tribunal des conflits ; b) Ceux des arrêts et jugements rendus par la Cour des comptes et les autres juridictions administratives, judiciaires et financières qui ont été sélectionnés selon les modalités propres à chaque ordre de juridiction ; c) Les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et les décisions de la Commission européenne des droits de l’homme ; d) Les décisions de la Cour de justice des Communautés européennes et du tribunal de première instance des Communautés européennes. / 4° Un ensemble de publications officielles : a) L’édition « Lois et décrets » du Journal officiel de la République française ; b) Les bulletins officiels des ministères ; c) Le Journal officiel des Communautés européennes. »17 L’article 2 de ce décret précise : « Il est créé un site dénommé Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr), placé sous la responsabilité du secrétaire général du Gouvernement et exploité par la Direction des Journaux officiels18. /Ce site donne accès, directement ou par l’établissement de liens, à l’ensemble des données mentionnées à l’article 1er. Il met à la disposition du public des instruments destinés à faciliter la recherche de ces données. Il offre la faculté de consulter les autres sites publics nationaux, ceux des États étrangers, ceux des institutions de l’Union européenne ou d’organisations internationales assurant une mission d’information juridique. Il rend compte de l’actualité législative, réglementaire et juridictionnelle. / Les autres sites exploités par les administrations de l’État qui participent à l’exécution du service public de la diffusion du droit par l’internet sont désignés par arrêté du Premier ministre, pris après avis du comité mentionné à l’article 5 du présent décret. » La dissociation effectuée entre ces deux articles laisse supposer que le service public de la diffusion du droit par internet n’est pas directement corrélée avec l’institution du site Légifrance. Légifrance n’est qu’un support de ce service public ; nul ne peut assurer de la pérennité de ce site. Dans la mesure où ce qui est clairement mis en valeur est le principe de la diffusion du droit, de la mise en ligne des dispositions à 15 V. par ex., A. Robineau-Israël, B. Lasserre, « Administration électronique et accès à l’information administrative », AJDA 2003 p. 1325. 16 V. J. Cartron, « Légifrance, naissance de l’information juridique », RFDA 1998, p. 689. 17 NB: L’objectif de cette communication n’est pas de faire état de la particularité de la création d’un service public par la voie réglementaire. Sur ce point, v. G. J. Guglielmi, G. Koubi, Droit du service public, Montchrestien, Domat, 2011. 18 D. n° 2010-31 du 11 janvier 2010 relatif à la direction de l’information légale et administrative (JO 12 janv. 2010), art. 3 : « Dans toutes les dispositions à caractère réglementaire, les mots : direction de la Documentation française et Direction des Journaux officiels sont remplacés par les mots : direction de l’information légale et administrative et les mots : directeur de la Documentation française et directeur des Journaux officiels sont remplacés par les mots : directeur de l’information légale et administrative ».
caractère général intéressant les administrés, les révisions successives du site, c’est-à-dire sa présentation comme son architecture, sont décidées discrétionnairement, soit au prétexte de lisibilité, soit suivant les avancées technologiques, soit, à terme, pour une introduction dans les réseaux sociaux. 10. Selon les termes de l’introduction générale exposée sur le site "à propos de l’ordre juridique" - et non plus "du droit"19 -, tous les modèles de droit interne, européen et international, devraient y être intégrés. Ainsi que les assertions reportées dans cette rubrique "à propos de l’ordre juridique" le signalent à l’occasion d’une présentation succincte du droit français -- qui voudrait « donner à des internautes peu familiers du système juridique français quelques clés leur permettant de s’orienter plus rapidement au sein des données juridiques diffusées sur Légifrance et, partant, de trouver plus vite la ou les données recherchées » --, l’ordre juridique français est fait règles écrites. Une place particulière est accordée à la jurisprudence 20. Cependant, à l’instar de l’arrêté du 6 juillet 1999 qui prévoyait dès son institution que, le site ne pouvait comporter de données nominatives -- aux termes de son article 2 : « Les informations nominatives qui peuvent être diffusées sont les suivantes : - pour les ministres et les membres de leur cabinet : identité, fonction, attributions, titres, corps d’origine en cas d’appartenance à la fonction publique, distinctions ; - pour les parlementaires et membres du Conseil économique et social : identité, fonction, attributions ; - pour les fonctionnaires : identité, fonction, attributions, date de nomination ; - pour toutes les personnes bénéficiant de distinctions ou de diplômes dont la publication au Journal officiel est réglementée par décret : identité, distinction ou diplôme. / Aucune mesure nominative portant naturalisation, réintégration, mention d’enfant mineur bénéficiant de l’effet collectif attaché à l’acquisition de la nationalité française par les parents et francisation de noms et prénoms n’est mise en ligne sur ce site. » --, le décret n° 2004-459 du 28 mai 2004, pris en application de l’ordonnance n° 2004-164 du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs, fixe les catégories d’actes individuels ne pouvant faire l’objet d’une publication sous forme électronique au Journal officiel de la République française 21. Dès lors, les dispositions de l’arrêté du 9 octobre 2002 qui avaient établi une liste circonstanciée des actes nominatifs et individuels pouvant être mis en ligne est de facto abrogé. 11. Les informations, présentes aussi sur le papier, sont mises en ligne gratuitement, - les modalités de connexion ne l’étant pas - parce qu’elles sont de portée générale et impersonnelle. Par le biais de Légifrance, ces informations juridiques essentielles à la vie publique sont accessibles sur le site du Journal Officiel, sur les sites de l’Assemblée nationale et du Sénat puisque tous les travaux de ces assemblées (compte-rendus des débats, projets, propositions, avis, travaux des commissions...) doivent y être insérés. Mais la structuration de Légifrance, faite surtout de liens vers les sites des assemblées, vers les sites des ministères notamment à leurs Bulletins officiels quand leur accessibilité est mise en oeuvre, vers le portail ’service-public.fr’, et depuis quelques mois, vers le site du Premier ministre des circulaires et instructions applicables (circulaires.legifrance.gouv.fr), a d’emblée permis une appropriation du contenu du Journal Officiel - Lois et décrets (texte original à partir de 1947). Notant que « les sources de l’ordre juridique français sont essentiellement des règles écrites », les observations postées sur Légifrance précisent, aujourd’hui, que ces règles sont « tant de règles internationales (accords internationaux, droit de l’Union européenne) que nationales (normes constitutionnelles, législatives, réglementaires ou jurisprudentielles), locales (arrêtés municipaux) voire d’origine contractuelle (conventions conclues par les citoyens entre eux, accords professionnels tels les conventions collectives). Cet ensemble, complexe et vivant, est ordonné selon une hiérarchie de normes. Une règle nouvelle : doit respecter les règles antérieures de niveau supérieur, peut modifier les règles antérieures de même niveau, entraîne l’abrogation des règles inférieures contraires. » 12. La ou les doctrines n’y est/sont pas répertoriées. Resterait peut-être alors à se pencher sur la doctrine de Légifrance, dépendante du secrétariat général du gouvernement, - ce, même si, hormis les textes parus dans 19 Auparavant, existait une rubrique "à propos du droit". Les mentions "à propos de l’ordre juridique" ne bénéficient pas d’une rubrique spécifique, elles sont insérées en fin de page, au même titre que les mentions légales. 20 Dans le Rapport au Premier ministre relatif au décret n° 2002-1064 du 7 août 2002 relatif au service public de la diffusion du droit par l’internet, il est reproché au décret n° 96-481 du 31 mai 1996 relatif au service public des bases de données juridiques de présenter «une architecture de production des bases de données centralisée et un système de diffusion unique, payant et confié à un concessionnaire». Car, si « le développement de l’internet a permis la mise en place d’un site de diffusion gratuite du droit, legifrance.gouv.fr, dont le contenu a été progressivement enrichi, (ce contenu) n’a jamais atteint l’exhaustivité, notamment en ce qui concerne la jurisprudence.» Dès lors, il était nécessaire d’«instituer une architecture de production et de diffusion accordant plus d’autonomie aux juridictions pour la mise en ligne de leur jurisprudence.» : JO 9 août 2002 p. 13654. 21 JO 29 mai 2004.
les journaux et bulletins officiels, les développements exposés sur ce site/portail relèvent des stratégies gouvernementales de communication. Légifrance, un site "accessible" par internet plus qu’un site d’accès au droit 13. Parmi les banques de données administratives et juridiques, serveurs de diffusion et services télématiques, Légifrance dispose d’une place particulière ; mais s’il est désormais considéré comme le principal vecteur de l’accès au droit, de l’accès à la connaissance du droit, cet accès se réduit progressivement à l’accessibilité aux textes juridiques - et administratifs : « L’accessibilité de la règle de droit constitue en définitive l’enjeu principal de la dématérialisation des données juridiques. Elle s’inscrit dans la perspective d’un projet politique prolongeant une conception démocratique de la norme dans le cadre de l’État de droit. Cette question comprend deux approches complémentaires, l’une sur la forme qu’adopte cet accès, l’autre sur son contenu. » 22 Le constat général est que cette accessibilité n’est que matérielle, au sens technique du terme. Le « droit » que diffuse - et auquel donne accès - Légifrance n’est fait que de textes, plus ou moins intelligibles, plus ou moins clairs. Continuellement mouvant, toujours positionné au temps présent, voire immédiat, ce Droit ne retrace plus les compositions idéologiques desquelles il est issu et ne se construit plus par strates successives ; son historique contextuelle et conjoncturelle est savamment gommée par la présentation des versions initiales, versions remaniées et versions en vigueur de chacun des textes. En effet, le texte n’est reçu et perçu qu’à l’état brut. Le service public de la diffusion du droit est ainsi contenu dans un enrobage neutralisant… Par delà les récriminations relatives à l’inflation normative, législative, réglementaire, administrative, les procédés numériques en ayant amplifié les circuits, force est de constater qu’en réalité, rares sont les textes qui ne procèdent pas à des modifications, des ajouts, des corrections, des ’simplifications’ de quelques dispositions relevant de textes en vigueur. Les facilités offertes par les nouvelles technologies n’assurent aucune stabilité aux textes de base pourtant toujours signalés dans leur ’version originale’, leur consolidation relevant des services administratifs et non de leurs auteurs - et celle-ci ne peut directement être consultée par l’administré. La version dite 'en vigueur' aligne les dispositions modifiées, comme le fait la version ’consolidée’ - qui est donc toujours à rechercher... ailleurs que sur Legifrance : Cette mise en perspective ne s’inscrit pas dans le cadre de l’administration électronique, e-administration, administration en ligne ou en réseau. En effet, le support "papier" n’est pas (pas encore) supprimé, « aucune portée juridique n’est a priori attribuée à cette diffusion et notamment la publication au Journal officiel, sous 22 V. E. Cartier, « Publicité, diffusion et accessibilité de la règle de droit dans le contexte de la dématérialisation des données juridiques », AJDA 2005 p. 1092.
format papier, continue comme depuis très longtemps d’être le moyen d’en assurer la publicité légale et de rendre des textes opposables aux citoyens »23. 14. Cependant, les évolutions technologiques se poursuivent, et, à terme, dans le développement de l’OpenData, Légifrance perdra peut-être de sa visibilité. La cause d’Etalab ne modifiera pas pour autant son statut de service public de la diffusion du droit, les données publiques n’étant pas toutes de forme, de nature ou de qualité juridiques. Le décret n° 2011-194 du 21 février 2011 portant création d’une mission "Etalab" chargée de la création d’un portail unique interministériel des données publiques est laconique. Il en ressort seulement que la création du portail data.gouv.fr est « destiné à rassembler et à mettre à disposition librement l’ensemble des informations publiques de l’État, de ses établissements publics administratifs et, si elles le souhaitent, des collectivités territoriales et des personnes de droit public ou de droit privé chargées d’une mission de service public. » (art. 2) Plus généralement, data.gouv.fr « s’inscrit dans la politique de simplification des services publics en ligne ». Légifrance, un service public sous la forme d’un "téléservice" 15. Légifrance, service public de la diffusion du droit par internet, devient en quelque sorte, au vu des développements linguistiques en matière administrative, un "téléservice public d’accès au droit". Un recours pour excès de pouvoir formé contre le décret du 31 mai 1996 relatif au service public des bases de données juridiques avait donné l’occasion au Conseil d’État de juger, dans une décision du 17 décembre 1997, Ordre des avocats à la Cour de Paris (req. n° 181611), que « la mise à disposition et la diffusion de textes, décisions et documents juridiques de la nature de ceux mentionnés à l’article 1er, précité, du décret attaqué, dans des conditions adaptées à l’état des techniques, s’appliquant, sans exclusive ni distinction, à l’ensemble de ces textes, décisions et documents - et notamment de ceux dont la diffusion ne serait pas économiquement viable - et répondant aux exigences d’égalité d’accès, de neutralité et d’objectivité découlant du caractère de ces textes, constituent, par nature, une mission de service public au bon accomplissement de laquelle il appartient à l’État de veiller ». Le commissaire du gouvernement, Jean-Denis Combrexelle, avait dans ses conclusions restitué le contexte d’une nécessaire adaptation de la vie publique aux progrès technologiques, certes en insistant sur le coût des opérations engendrées par le recours aux nouvelles technologies24, mais surtout en reprenant les étapes de la création d’un service public dont la mission consiste à rassembler et mettre sous forme de base de données informatisées, « en vue de leur consultation par voie ou support électronique, le texte et les éléments de description et d’analyse des différents textes précédemment cités auxquels s’ajoutent maintenant les décisions des cours et tribunaux judiciaires »25. Il avait alors rappelé que désormais « entrés dans l’ère de l’informatique ou plus exactement de la télématique, c’est à dire de la conjonction des techniques informatiques qui offrent des possibilités quasi infinies de stockage et de traitement des informations et des techniques de télécommunication dont les capacités sont non moins étendues » les pouvoirs publics étaient conduits à s’investir dans les circuits internet. Ainsi « l’État, au nom du principe essentiel de l’adaptation constante du service public, ne peut rester étranger à des techniques qui soit par la voie télématique, soit par la voie du disque compact permettent aux usagers, entreprises, professionnels ou simples particuliers, de prendre connaissance et d’exploiter de façon très rapide, pratique et exhaustive les données publiques dont il est l’auteur. L’une des solutions envisageables serait d’ouvrir le plus largement la diffusion des données publiques en rendant disponibles gratuitement ces données sur le réseau Internet. Mais une information n’est pas une "donnée". (...) L’information doit être saisie, codée, "balisée" et organisée de telle façon que l’utilisateur final puisse la retrouver avec le moins de difficulté et dans l’ordre qui lui paraît le plus logique. » Le Conseil d’État a donc considéré que le service public des bases de données juridiques présentait le caractère controversé d’un "service public par nature" : « la mise à disposition et la diffusion de textes, décisions et documents juridiques (...) constituent, par nature, une mission de service public au bon accomplissement de laquelle il appartient à l’État de veiller ». En fait, il s’agirait tout simplement de signifier là que la mise à disposition au public des lois et règlements relève d’une activité régalienne incompressible dans la mesure où l’adage "nul n’est censé ignorer la loi" demeure l’un des ancrages spécifiques de l’application du droit, de l’obligation de respect des règles juridiques, d’obéissance aux lois dirions-nous. 23 J. Cartron, « Légifrance, naissance de l’information juridique », RFDA 1998, p. 689. 24 Concl. AJDA 1998 p. 362. Ainsi, il soulignait le fait « que le choix dans la palette des multiples solutions techniques possibles est avant tout politique, il n’existe en effet en l’état du droit positif aucune disposition de droit national ou communautaire ni aucun principe du droit qui impose, de façon générale, la gratuité des données publiques sous une forme informatique ». 25 Il est à noter que ces conclusions ont également été publiées sur le site admi.net.
16. Or, si l’on retient les termes de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives 26, puisque pensé comme un service public accessible par la voie électronique, Légifrance serait un téléservice 27. Plus encore, en ce que tout service de renseignements administratifs mis en place par une personne publique est considéré comme un service public, il semble donc logique d’admettre que Légifrance est un téléservice public. Suivant la définition qui en est donnée à l’article 1er de l’ordonnance de 2005, un "téléservice" s’entend de « tout système d’information permettant aux usagers de procéder par voie électronique à des démarches ou formalités administratives ». Le téléservice que comprend Légifrance implique tout autant un téléchargement des textes qu’une téléprocédure calibrée de recherche de ces derniers. La démarche de l’accès à la lecture d’un texte officiel, base première d’un éventuel recours en justice ou d’une possible réclamation devant l’administration, en relève donc. Légifrance, un téléservice public ouvert à tous 17. Légifrance est un téléservice de "consultation" des informations officielles de qualité juridique ou administrative - plus que de "données publiques" en général. La plupart du temps, la prestation en terme de "consultation" se comprend comme individuelle, personnelle, il en est ainsi par exemple du "téléservice internet de consultation par les usagers de leurs dossiers d’aides" prévu auprès du ministère de l’agriculture par un arrêté du 4 juin 200828. Compris comme un téléservice public, Légifrance se démarque des autres téléservices publics dans la mesure où il serait l’unique à ne pas s’appuyer sur un traitement automatisé de données à caractère personnel. En quelque sorte, parce qu’il n’est pas lié à un traitement automatisé de données à caractère personnel, il revêtirait pleinement le caractère d’un téléservice public puisque, justement, les prestations qu’il offre ne sont pas "personnalisées". En effet, si l’on considère l’ensemble des téléservices publics créés depuis une vingtaine d’années, chacun suppose l’institution d’un traitement automatisé de données à caractère personnel, d’un fichier donc, dont les délais de conservation des données varient suivant la nature des prestations, suivant les exploitations qui peuvent en être faites. Quelques exemples viennent à l’appui de ces affirmations : - l’arrêté du 20 décembre 2005 portant création d’un téléservice de consultation des états déclarants dématérialisés sur internet permet à la direction générale des douanes et droits indirects de « met[tre] en œuvre un traitement automatisé contenant des données à caractère personnel dénommé "EDDI" (états déclarants dématérialisés sur internet)», il précise que ce téléservice est accessible depuis le portail internet Prodouane, pour les opérateurs abonnés au système d’ordinateur pour le fret international (SOFI) ou destinataires d’états déclarants SOFI. (v. art. 1 et 2) 29 ; - par un arrêté du 6 février 2006 un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "téléservice de demande d’actes d’état civil" a été mis en œuvre par la direction générale de la modernisation de l’État 30 ; - la création du téléservice "Télépoints" permettant la consultation par internet du solde des points affectés au permis de conduire se comprend comme un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé de la même manière ; il relève d’un arrêté du 27 juin 2007 31 ; - plus particulier est le téléservice mis en place par le ministère de l’intérieur, sous la forme d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "Téléc@rtepro" par un arrêté du 9 février 2009 32. L’article 1er de cet arrêté indique que « ce traitement prend la forme d’un téléservice. Il a pour finalité de permettre : - aux employeurs des sociétés de sécurité privée de vérifier que les salariés sont titulaires d’un numéro de carte professionnelle ou d’autorisation provisoire délivrée par le préfet, en cours de validité ; - aux organismes de formation de 26 JO 9 déc. 2005. 27 L’expression "téléservice" a été insérée dans un texte juridique dès les premières expérimentations de Légifrance, - en dépassant la relation avec les normes européennes relatives aux terminaux des téléservices téléphoniques. Elle est cependant intimement liée aux perspectives de l’aménagement du territoire, elle apparaît ainsi dans le décret n° 95-149 du 6 février 1995 relatif à la prime d’aménagement du territoire (JO, 12 févr. 1995) à l’adresse des entreprises : « Peuvent bénéficier de la prime d’aménagement du territoire dans les zones énumérées à l’annexe II du présent décret les entreprises qui exercent des activités tertiaires, notamment des activités de recherche ou de service, de téléservice, de direction, de gestion, d’ingénierie, de conception, d’étude, et des activités de service relatives à l’informatique » (art. 2, al. 2). Cette assertion peut alors s’entendre comme d’une introduction de la dynamique du "territoire numérique". Toutefois, le tournant discursif se réalise pleinement à compter des années 2000, c’est l’année à partir de laquelle les créations de téléservices publics se multiplient... 28 JO 12 juill. 2008. 29 JO 29 déc. 2005. 30 JO 12 févr. 2006. 31 JO 1er juill. 2007. 32 JO 11 févr. 2009.
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