Les bibliothèques municipales de Genève en perspectives
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Les bibliothèques municipales de Genève en perspectives L’ environnement documentaire genevoises, les BM gèrent aussi un dans lequel s’insèrent les biblio- service de bibliobus qui se rend dans thèques municipales (BM) de les communes ne possédant pas de la Ville de Genève est à l’image de la bibliothèque. Si elles constituent le ville et du canton qui portent le même principal réseau de lecture publique Joëlle Muster nom : riche, cosmopolite et parfois du canton de Genève (460 000 habi- joelle.muster@ville-ge.ch complexe. L’université de Genève, qui tants), d’autres bibliothèques muni- en tient un répertoire, recense un peu cipales importantes existent (villes de Florent Dufaux plus de 130 bibliothèques ou réseaux Carouge, Meyrin et Vernier). florent.dufaux@ville-ge.ch de bibliothèques 1, celles de l’univer- Tout en restant une ville de taille sité, des musées, des écoles, des com- modeste, Genève bénéficie d’un sta- Bibliothèques municipales munes, des associations et des orga- tut de métropole pour sa région et de de la Ville de Genève nisations internationales. La ville de ville internationale tant sur le plan Genève possède elle-même un riche des organisations et ONG 5 que pour Joëlle Muster est adjointe scientifique en ensemble de bibliothèques : le réseau l’activité économique. Parfois res- charge du pôle « Gestion des collections » au sein de la cellule « Études et projets » des des BM mais aussi la Bibliothèque sentie comme à part dans le paysage bibliothèques municipales de la Ville de de Genève 2, dont l’origine remonte helvétique, la « ville du bout du lac » Genève. au xvie siècle et qui conserve le dépôt détonne par son cosmopolitisme – elle légal cantonal, ainsi que les biblio- compte 46 % de résidents étrangers – Florent Dufaux est adjoint scientifique thèques scientifiques de ses musées 3. mais aussi par un environnement so- en charge des pôles « Accueil des publics » Institution communale, le réseau cial contrasté : le PIB 6 par habitant y et « Médiation culturelle » au sein de la des BM possède une dimension canto- est plus élevé que la moyenne suisse, cellule « Études et projets » des bibliothèques nale, voire régionale. Financé et admi- mais le taux de chômage aussi. municipales de la Ville de Genève. nistré par une ville de 190 000 habi- Dans cet environnement, les BM tants, il dessert potentiellement un peuvent représenter un laboratoire bassin de population transfrontalier face aux évolutions que connaît notre de près de 900 000 habitants, la ré- domaine. La « classe moyenne » qui gion franco-valdo-genevoise 4. Des ac- constitue le public naturel des biblio- cords intercommunaux, des « conven- thèques y est prépondérante, et elle tions de coopération culturelle », aura peut-être plus rapidement ten- existent en effet avec certaines mairies dance à adopter, par exemple, les nou- de cette région, qui permettent à leurs veaux modes d’accès à l’information résidents l’inscription dans les biblio- et à la culture. Nos discothèques ont thèques signataires [6]. Grâce à un ac- ainsi connu des baisses de prêts et cord avec l’Association des communes d’emprunteurs actifs particulièrement marquées ces dernières années 7 . Dans ce domaine, seule la faible dis- 1. www.biblio-geneve.ch/repertoire/recherche_ ponibilité de l’offre, légale en tout cas, biblio.php?index=structure a pu nous préserver quelque temps de 2. www.ville-ge.ch/bge 3. www.ville-geneve.ch/themes/culture/offre- culturelle/bibliotheques 5. Organisation non gouvernementale. 4. www.statregio-francosuisse.net/tab/01/ 6. Produit intérieur brut. tableaux.asp 7. Environ – 15 % de 2009 à 2010 par exemple. bbf : 2011 39 t. 56, no 6
L’avenir des bibliothèques : vues d’ailleurs Figure 1 Les pôles d’activité des BM la concurrence du numérique. Notre siéreuse… Autant « d’ennemis symbo- laire dans l’organisation globale de statut « extra-européen » fait que les liques » qui, associés à la concurrence l’administration de notre municipalité, catalogues et offres audiovisuels y tenace que connaît la lecture publique qui invite de plus en plus ses services sont moins accessibles qu’ailleurs. [4], peuvent susciter quelques craintes. à travailler de manière transversale et Les sites de streaming musicaux sont L’offre en ligne finira bien par se déve- se dote des outils de contrôle de ges- ainsi inaccessibles à l’internaute dans lopper, même en Suisse, et certaines tion afin de vérifier l’adéquation des notre pays, et les catalogues de vidéo grandes surfaces culturelles y sont déjà prestations avec les besoins des usa- à la demande quasi inexistants pour bien implantées. gers. Dans un cas comme dans l’autre, l’instant. l’évolution ne s’est pas décrétée du jour Ce public sait aussi se faire exi- au lendemain, et la transformation est geant et exprime parfois des attentes Stratégie et réalisations encore en train de se réaliser. élevées, légitimes, face à ses services 2000-2011 publics. Dans le même temps, le pu- blic genevois en général semble tenir Pour faire face à ces défis, les BM Définir nos missions fortement à ses bibliothèques sans for- se sont dotées depuis quelques années et nos prestations cément les connaître réellement. Une d’outils visant à favoriser l’évolution enquête réalisée en 2006 [5] auprès de des services offerts à la population. Cette démarche nous a conduits « non-usagers » faisait en effet ressortir Il s’est agi de rendre l’organisation à définir nos activités et objectifs en quelques éléments intéressants. Beau- plus réactive à son environnement, fonction des missions et prestations coup d’habitants de Genève tenaient mais aussi de mieux l’y intégrer. Pour définies pour l’ensemble des institu- fortement à leurs bibliothèques : le cela, nous nous sommes inspirés des tions culturelles de la ville. Les trois lieu reste symbolique. En revanche, ils démarches d’organisation apprenante grandes missions définies, « conser- ne s’y rendaient pas ou plus car les bi- et de gestion de la qualité. Nous nous vation patrimoniale », « recherche », bliothèques restent associées pour eux sommes aussi attelés à consolider la « communication, diffusion et média- à l’école et aux études et que, une fois place et le rôle des professionnels des tion » reflètent la prédominance des dans la vie active, ils préfèrent ache- bibliothèques, dans la politique d’accès institutions muséales et patrimo- ter leurs livres. Beaucoup en gardent au livre et à la lecture. Ces évolutions niales. Si l’exercice a pu nous sem- aussi une image pour le moins pous- coïncident avec un mouvement simi- bler relever de la contorsion, il a fini 40 bbf : 2011 t. 56, no 6
Les bibliothèques à Genève : Suisse Le Rolex Learning Center à Lausanne. Photo : Maarten Danial sur Flickr (licence CC-by 2.0) La Suisse compte 7,8 millions d’habitants On dénombre en Suisse 230 bibliothèques Un consortium des bibliothèques universitaires pour une superficie de 41 285 km2, et trois publiques et de culture générale et 26 biblio- suisses s’est notamment mis en place depuis langues principales, l’allemand (parlé par thèques d’étude et de formation cantonales. 2000 pour la négociation de licences pour les 63,7 % de la population), le français (20,4 %) Il existe par ailleurs de grands établissements ressources électroniques 5. et l’italien (6,5 %). La Suisse est un état fédé- tels que la Bibliothèque nationale à Berne Les formations (initiale et continue) des ratif depuis 1848, constitué de 26 cantons. (catalogue Helveticat), les bibliothèques des bibliothécaires, archivistes et documenta- Chaque canton a sa propre constitution universités et des hautes écoles (dont les listes sont coordonnées depuis 1994 par et son propre système éducatif, mais un écoles polytechniques fédérales de Zurich la Délégation à la formation I+D (Informa- concordat sur la coordination scolaire assure et de Lausanne), les bibliothèques des orga- tion + Documentation)6. On pourra trouver une harmonisation des parcours et la recon- nisations internationales, des bibliothèques à l’adresse ci-dessous un panorama des naissance intercantonale des diplômes : d’entreprises et des bibliothèques privées. niveaux de formation, par cursus, spécialité, école primaire et secondaire jusqu’à 16 ans, On distingue trois grands réseaux de biblio- établissement 7. puis orientation en formation générale ou thèques sur l’ensemble du territoire : L’association Bibliothèque Information professionnelle et maturité (baccalauréat). • pour la Suisse germanophone, Der Infor- Suisse (BIS)8, a été créée en 2008 par fusion L’enseignement supérieur est dispensé par mations- verbund Deutschschweiz (IDS) ras- de la BBS (Association des bibliothèques et les universités et hautes écoles spécialisées, semble environ 450 bibliothèques 2 ; bibliothécaires suisses) et de l’ASD (Asso- ou les formations professionnelles supé- • pour la Suisse francophone, le Réseau des ciation suisse des documentalistes). Les ori- rieures. bibliothèques de Suisse occidentale (Réro) gines de cette association remontent à 1897. 81 % des Suisses lisent au moins un livre par rassemble environ 200 bibliothèques 3 ; an, et 44 % fréquentent une bibliothèque. • pour la Suisse italianophone, le Sistema Reine Bürki L’office fédéral de la statistique met à dispo- bibliotecario ticinese (SBT) rassemble envi- sition une enquête sur les pratiques cultu- ron 70 bibliothèques4. relles suisses (2008)1. 5. http://lib.consortium.ch/index.php?lang=1 6. www.ausbildung-id.ch 2. www.informationsverbund.ch/5.0.html?&L=1 7. www.ausbildung-id.ch/neu/dokumente/ 1. www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/ 3. www.rero.ch ausbildungen-information-dokumentation.pdf 16/02/03/dos/02.html 4. www.sbt.ti.ch/sbt 8. www.bis.info bbf : 2011 41 t. 56, no 6
par nous apparaître salutaire. En fai- le tissu associatif. La Suisse possède sant correspondre les catégories qui Réseau des BM une forte tradition dans ce domaine étaient imposées à nos propres pôles et les BM ont porté une attention Le réseau des BM de Genève com- L’avenir des bibliothèques : vues d’ailleurs d’activités, à savoir l’accueil des pu- particulière à développer leur réseau prend 7 médiathèques, 2 discothèques, blics, la gestion des collections et la de partenaires. Ces derniers nous ap- 1 bibliothèque spécialisée dans le médiation culturelle, nous avons pu portent leurs compétences et consti- sport, 4 bibliobus et un service de por- les rendre plus lisibles pour l’admi- tuent des relais indispensables notam- tage à domicile. Il emploie 111 postes nistration et les élus (figure 1). Cette ment dans le domaine de l’accueil (équivalents temps plein) pour démarche nous a aussi permis de et de la médiation auprès de publics 795 000 documents. Le réseau enre- renforcer ou d’initier des dynamiques spécifiques. Nous avons ainsi pu avan- gistre 6 000 nouvelles inscriptions par de confluence [1] qui nous paraissent cer sur l’accueil spécifique des per- an, et comprend 39 000 emprunteurs essentielles pour l’avenir des biblio- sonnes sans statut légal, les « sans-pa- actifs pour 1 714 000 prêts. L’inscription thèques, notamment dans le domaine piers », grâce aux associations qui leur et l’emprunt des livres sont gratuits. de la médiation culturelle. viennent en aide. Nous veillons aussi Le prêt de documents audiovisuels est à conserver un contact étroit avec l’as- payant. sociation « Lire et écrire » pour les ac- Mieux s’inscrire tions dans le domaine de l’illettrisme. dans son environnement conduit la ville de Genève à accepter Adopter ce vocabulaire commun une réévaluation des fonctions des mé- Gestion de la qualité nous a aussi permis, dans une cer- tiers des bibliothèques. taine mesure, une « mise à niveau » Cette démarche nous permet Nous avons eu récemment l’occa- avec nos collègues des institutions pa- aussi de nous inscrire dans le déve- sion de comparer notre approche trimoniales et muséales. Nous avons loppement de la transversalité entre de la gestion de la qualité avec celle pu profiter des avancées que ces insti- services et départements, mouve- entreprise par nos collègues du can- tutions avaient réalisées ces dernières ment vivement souhaité par les élus ton du Valais. Ceux-ci, au travers de années, particulièrement avec l’arrivée et la direction de l’administration l’association BiblioValais 9, ont opté et la défense de la médiation culturelle municipale. « Cataloguer » les pres- pour ISO 9001 et 14001 alors que nous dans les musées. En effet, la média- tations vise certes à savoir comment avons choisi aux BM de Genève de tion culturelle rejoignait certains déve- est dépensé l’argent public, mais des- nous inspirer de la démarche qualité loppements en cours dans notre ins- sine aussi l’amorce d’une gestion des sans aller jusqu’à la certification. Dé- titution mais qui restaient finalement compétences qui permet de mettre en crocher une certification se révèle plus encore peu perçus... et donc par cer- relation des services parfois éloignés ou moins nécessaire selon le contexte tains aspects sous-valorisés. Nos trois pour répondre aux besoins de la popu- de l’institution, la pression du poli- pôles d’activité peuvent paraître évi- lation. C’est ainsi le cas pour le projet tique, voire celle des usagers. Dans le dents, mais les dessiner et y « classer » de numérisation du patrimoine actuel- canton du Valais, celle-ci semble avoir nos différentes activités nous a pris lement en cours. Les services à voca- eu un fort pouvoir fédérateur pour de du temps. En forçant un peu le trait, tion patrimoniale – archives, musées nombreuses bibliothèques commu- nous pouvons dire que la coutume de et bibliothèques – sont bien entendu nales auparavant isolées. Dans notre réduire notre activité à « acheter des à la base du projet. Les BM qui n’ont, propre contexte, les grands principes documents pour les prêter et proposer elles, aucune mission de conservation du management de la qualité tels que des animations » était bien ancrée. ont toutefois été intégrées à ce pro- décrits dans les normes ISO 9000 10 Cela nous permet aussi de mieux jet pour les aspects de diffusion des constituent un socle indispensable percevoir les savoir-faire et compé- contenus auprès des publics. Dans pour le service public, notamment tences associés à nos trois pôles d’acti- un autre domaine, penser une gestion l’orientation client, l’implication du vités : l’accueil des publics avec tous les des collections permet aussi d’amor- personnel, l’approche processus et aspects relationnels qui sous-tendent cer le rapprochement de bibliothèques l’amélioration continue. Ils nous ont une activité de service, la gestion des gérées par des administrations diffé- ainsi conduits à la rédaction d’une collections et la connaissance critique rentes. Une convention de coopération charte d’accueil 11 élaborée de manière des contenus ainsi que la médiation a ainsi été signée en 2010 entre la ville participative sur notre réseau et qui pour les questions liées à l’accompa- et l’université cantonale qui établit un gnement des publics. Ces questions « continuum documentaire » [2] entre coïncidaient avec la réorganisation leurs bibliothèques 8. 9. www.bibliovalais.ch/valais/bibliovalais- de la formation des professionnels de L’environnement d’une biblio- excellence.html l’information documentaire en Suisse thèque de lecture publique, c’est aussi 10. www.iso.org/iso/fr/iso_catalogue/ dans les années 2000, et notamment management_and_leadership_standards/ l’arrivée du nouveau profil que consti- quality_management/qmp.htm tuent les agents en information docu- 8. www.unige.ch/biblio/archives-actus/ 11. www.ville-ge.ch/bm/fr/bibliotheque/charte_ mentaire. Ces évolutions ont aussi convention.html accueil.php 42 bbf : 2011 t. 56, no 6
Les bibliothèques à Genève : L’environnement des bibliothèques suisses entre hétérogénéité et convergences Le paysage culturel et bibliothéconomique par des associations professionnelles, agis- • au master en information documentaire, suisse fait la part belle à une autonomie sant tant au niveau cantonal qu’au niveau spécialisation proposée également par les toute fédéraliste. Conséquence d’une culture suisse. À ce titre, la CLP 4, Communauté de HES dans le domaine de la gestion straté- de la décentralisation fortement ancrée, la travail des bibliothèques suisses de lecture gique et de l’organisation des structures do- politique culturelle de chaque canton et ville publique, très active notamment dans la pro- cumentaires de grande importance. diffère notablement. Certes, la Confédération motion de normes de travail et l’offre de for- La formation des professionnels de demain possède une bibliothèque nationale régie mations continues, milite actuellement pour constitue assurément un enjeu stratégique par une loi fédérale 1 (qui n’institue pas de le lancement d’initiatives populaires canto- fondamental tant pour les milieux profes- dépôt légal). Elle gère aussi les deux écoles nales en faveur des bibliothèques publiques sionnels que pour les associations qui sont polytechniques fédérales, Lausanne et Zürich, afin d’ancrer celles-ci dans les lois cantonales. tous fortement investis dans l’évolution des qui possèdent d’importants réseaux de biblio- La fondation de droit public Bibliomedia 5 cursus, ceci dans le but de les faire concorder thèques. Mais, d’une manière générale, les est quant à elle particulièrement essentielle le plus finement possible avec les besoins écoles obligatoires et post-obligatoires, les dans le soutien aux bibliothèques publiques actuels et futurs de la profession. Des for- hautes écoles spécialisées (formation pro- de petite et moyenne taille, notamment parce mations continues menant à des certificats, fessionnelle supérieure) et les universités, qu’elle constitue en quelque sorte la « biblio- diplômes et masters sont ainsi proposées par ainsi que leurs bibliothèques, dépendent des thèque des bibliothèques », prêtant des do- les HES et les universités 9. cantons. Chaque canton représentant un petit cuments sur la base de forfaits. À un niveau Ainsi, de façon générale, une très nette ten- état, la plupart ont ainsi leur bibliothèque dite plus général, l’association BIS 6, Bibliothèque dance allant vers la complète professionnali- « cantonale ». En plus des missions patrimo- Information Suisse, association nationale sation des métiers de la bibliothèque se des- niales et d’étude, celles-ci ont parfois un pôle professionnelle des domaines de l’informa- sine, en particulier dans les cantons romands. lecture publique. Trois cantons seulement tion et des bibliothèques, soutient les institu- C’est pourquoi les bibliothèques gérées par sont dotés d’une loi sur le dépôt légal : Fri- tions et les professionnels des bibliothèques des collaborateurs non qualifiés ou béné- bourg, Vaud et Genève 2. en tant que centrale d’information et de mise voles, sans un encadrement de profession- La lecture publique reste quant à elle une en réseau. nels, tendent peu à peu à disparaître dans compétence communale. Dès lors, les biblio- Alors que les bibliothèques publiques évo- les régions romandes, grâce notamment à la thèques publiques ne sont pas logées à la luent dans des environnements hétérogènes, création de réseaux. même enseigne, que ce soit au niveau du il n’en est heureusement pas de même pour À l’image des contextes hétérogènes, les financement, de la tutelle politique ou des les formations certifiantes reconnues par regards que portent les professionnels sur la missions. Si une loi fédérale d’encourage- la Confédération, à savoir les filières qui lecture publique peuvent considérablement ment à la culture existe, les cantons n’ont à ce mènent : différer en particulier de part et d’autre de jour pas tous jugé utile de se doter d’un cadre • au certificat fédéral de capacité d’agent en ce que les Suisses appellent communément législatif visant au soutien des bibliothèques. information documentaire, formation en alter- le « röstigraben 10 », c’est-à-dire la « barrière À ce titre, le canton du Valais fait figure nance de trois ans 7 ; de rösti » qui se dresse métaphoriquement d’exemple, puisque sa loi sur la promotion • au bachelor de spécialiste en information entre les régions romande et alémanique. En de la culture 3 a constitué un extraordinaire documentaire, formation de niveau universi- effet, les différences intrinsèquement cultu- facteur d’accélération dans le développement taire délivrée par les hautes écoles spéciali- relles liées aux grandes régions linguistiques des bibliothèques publiques. sées (HES). Fortement axée sur la pratique, conduisent à la définition d’autres enjeux De façon générale, nonobstant l’absence de elle propose un tronc commun préparant et fonctionnements. Ainsi, les thématiques cadre législatif et les disparités régionales, les conjointement aux métiers de bibliothécaire, telles que la formation, la gratuité ou le finan- bibliothèques publiques sont bien implantées archiviste et documentaliste 8 ; cement privé constituent l’occasion récur- en Suisse. Elles sont naturellement soutenues rente de vifs débats entre les professionnels suisses. 4. www.sabclp.ch/fr 5. www.buchstart.ch/fr Joëlle Muster et Florent Dufaux 1. www.admin.ch/ch/f/rs/432_21/index.html 6. www.bis.info/fr 2. www.nb.admin.ch/dienstleistungen/ 7. www.ausbildung-id.ch swissinfodesk/03034/03232/03702/index. 8. www.hesge.ch/heg pour la Suisse romande et 9. www.ausbildung-id.ch/index.php?option=com_ html?lang=fr www.informationswissenschaft.ch pour la Suisse content&view=category&id=3&Itemid=37&lang=fr 3. www.vs.ch/public/public_lois/fr/Pdf/440.1.pdf alémanique. 10. http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%B6stigraben bbf : 2011 43 t. 56, no 6
constitue aujourd’hui un document et projets » a ainsi été créée en 2005 que d’une feuille de route permet- de base pour notre activité. Cette ap- en support à la direction de l’établisse- tant de se situer et de comprendre les proche est associée en fonction des ment. Constituée aujourd’hui de deux enjeux sous-tendant les démarches L’avenir des bibliothèques : vues d’ailleurs moyens à disposition à des enquêtes collaborateurs, elle supervise les pro- entreprises au niveau de la direction de besoin et de satisfaction des publics. jets réseau et, d’une manière globale, et de la cellule « Études et projets ». Les La gestion de la qualité est parfois la qualité et l’évaluation dans les trois aspects suivants étaient en particulier perçue et vécue comme une démarche pôles d’activité. Elle anime les groupes mis en exergue car lieux de tensions : purement technocratique. Elle se base de compétences et groupes de travail, le manque de clarté d’une organisation certes sur une gestion rigoureuse des effectue une veille et coordonne les transversale en constante construction, processus, mais ceux-ci doivent pou- enquêtes auprès des publics. Elle orga- le déficit de communication dans la voir évoluer au risque de devenir inu- nise aussi des formations continues structure hiérarchique verticale et la tilisables ou contre-productifs. Cette internes, généralement en lien avec continuelle multiplication des activités gestion implique à notre sens la mise un projet en cours ou à venir. alourdissant les cahiers des charges. en œuvre d’une véritable organisation Si cette cellule reste petite Sans connaître les bouleversements apprenante. Faire évoluer ces proces- (1,7 poste sur les 111 que compte le ré- vécus par nos collègues de Rouen [3], sus afin qu’ils répondent aux besoins seau), il semble qu’elle prenne parfois un procédé finalement très proche a réels des usagers nécessite un aller-re- beaucoup de place… À sa manière, elle été adopté afin d’amorcer cette nouvelle tour permanent entre les procédures cristallise les tensions de la profes- étape. Sous l’impulsion de la direction écrites et leur application concrète sion. Elle contribue à porter de nou- du département de la Culture, une dé- quotidienne. Pour ce faire, nous avons veaux discours sur les technologies marche de type collaboratif intégrant mis en place un système qui permet mais aussi sur le métier : gestion des l’ensemble de l’institution des BM a leur évaluation. Des groupes de com- collections en lieu et place des acqui- été initiée avec l’objectif global suivant : pétences sont responsables des diffé- sitions, accueil des publics au lieu de « Au travers d’une démarche participative, rents pôles et se chargent de veiller à prêt, médiation plutôt qu’animation. préparer à l’intention des responsables la fois à la bonne application des pro- Elle implique un travail en réseau qui politiques un bilan retraçant les forces, les cédures mais aussi à leur mise à jour vient en tension avec le travail quoti- freins, les opportunités et les enjeux aux- en fonction des problèmes rencon- dien au sein des équipes et des unités. quels le réseau est confronté ainsi que les trés. Cette systématique est délicate Sans responsabilités hiérarchiques, perspectives des bibliothèques municipales à instaurer et peut parfois être vécue elle est forte du pouvoir technocra- à l’horizon 2015. » comme une perte d’indépendance tique que lui confère la gestion des Pour ce faire, les BM ont bénéficié des différentes unités qui composent procédures et des groupes de travail. de l’accompagnement d’un profession- le réseau. En rendant ce dernier plus Toutes ces évolutions ont placé les nel du coaching d’entreprise qui a veillé homogène, elle renforce toutefois son BM à un tournant. Avec plus ou moins à la mise en place et à l’application identité ainsi que la qualité globale des d’impacts sur la structure et l’organisa- d’une méthodologie de travail adaptée. prestations. Nous avons ainsi effectué tion du travail, les projets et nouveaux Mois après mois, cet accompagnement un important travail sur les procé- modes de travail ont pu laisser certains s’est révélé capital de par sa présence dures liées à l’accueil des usagers, par- collaborateurs dans le flou ou donner rassurante lors de toutes les étapes im- ticulièrement lors de leur inscription. l’image d’une trop grande dispersion. portantes, son suivi continu du dossier, S’entendre sur les informations essen- Il s’est ainsi peu à peu imposé que de son écoute et ses conseils. De plus, il a tielles à faire passer lors de ce premier nouveaux modes de travail, encore plus permis à la direction de projet de pou- contact peut sembler évident, pourtant collaboratifs, devaient être recherchés. voir se reposer sur une organisation cela nous a demandé plusieurs mois validée, fiable et communiquée à tous de travail et n’aurait pu aboutir sans le les collaborateurs. travail préalable sur les valeurs asso- Préparer l’avenir Ainsi, une structure classique de ciées à notre charte d’accueil. des BM, une démarche type gestion de projet a été mise en place, avec mandant, comité de pilo- participative tage, direction de projet et groupes Impact sur l’organisation Après dix années d’évolution ra- de travail. Afin d’assurer une analyse et la gestion de la pide du réseau, tant dans son organi- complète et une véritable remontée sation, ses processus internes, ses in- des informations, quatre groupes de bibliothèque frastructures que pour ses prestations travail ont été constitués sur une base Comme dans la plupart des struc- au public, il s’est avéré en outre crucial de volontariat autour de thématiques tures similaires, les BM ont centralisé d’aborder une nouvelle étape essen- spécifiques : « Publics et besoins », le traitement de la chaîne du docu- tielle pour l’avenir des BM, à savoir « Processus et métiers », « Outils et ment ainsi que les activités de support travailler sur la consolidation et l’opti- technologies » et « Infrastructures ». administratif et technique. misation des acquis. Leur mission respective était de rendre Gérer ces nouveaux modes de tra- Les collaborateurs des BM étaient un rapport avec une analyse des enjeux vail en réseau impliquait aussi une clairement en demande d’une vision ainsi que la définition de dix perspec- structure dédiée. Une cellule « Études commune, partagée et explicitée, ainsi tives de développement à l’horizon 44 bbf : 2011 t. 56, no 6
Les bibliothèques à Genève : Conditions-cadres Axes stratégiques Vision 2015 PROMOTION Les BM sont visibles dans la cité : leur présence physique est signalée, leur présence médiatique affirmée. À l’horizon 2015, les BM PRESTATIONS SUR PLACE sont la porte d’entrée Les BM consolident pour les publics vers les Les BM se rendent plus accessibles : les horaires, la mise et clarifient leur à disposition des collections physiques et virtuelles, réseaux de la société de la organisation : l’ensemble l’accompagnement des usagères et usagers répondent aux connaissance. Elles sont des activités, des nouveaux besoins des publics. des ressources cuturelles processus, des groupes de et informationnelles travail et des outils sont au PRESTATIONS À DISTANCE de proximité les service d’une orientation Les BM vont à la rencontre des publics dans les lieux de vie comme accompagnant dans leur usager. sur le réseau internet. développement personnel et professionnel ainsi que ESPACES leurs loisirs. Les BM adaptent et développent leurs espaces en fonction des nouveaux modes d’appropriation des équipements culturels et informationnels de proximité par les publics. Figure 2 Perspectives des BM à l’horizon 2015 2 015. L’ensemble du réseau a été mis à saires à la concrétisation des axes œuvre durant ces cinq prochaines contribution par les groupes pour faire stratégiques sur des bases solides et années, la raison d’être et les valeurs remonter idées, propositions et avis cri- fédératrices ; les axes stratégiques prio- fondamentales des BM ne sont clai- tiques. ritaires d’évolution à l’horizon 2015 ; rement pas remises en question. Le Une fois les rapports de syn- une vision 2015 (figure 2). cadre de référence du réseau perdu- thèse finalisés, une journée d’ateliers Enfin, une séance où était convié rera : les missions des BM conserve- conviant l’ensemble du personnel l’ensemble du personnel des BM a ront leur pleine actualité, de même des BM a été organisée. L’objectif de été organisée afin d’expliciter ce docu- que les grandes valeurs exposées dans cette journée était de permettre aux ment et de clore la démarche engagée. la charte d’accueil 12. groupes de présenter leur travail puis L’ensemble du rapport a été transmis Si la direction des BM était déjà d’offrir des espaces de discussions et au conseiller administratif en charge particulièrement consciente de la d’échanges de points de vue avec l’en- du département de la Culture afin nécessité de consolider le réseau, en semble des collaborateurs. L’ensemble qu’il puisse définir la suite à donner. terme de structure et de prestations, la des perspectives proposées par les Au-delà des résultats en termes démarche collective effectuée a claire- groupes ont ensuite été soumises à d’axes stratégiques et de vision parta- ment démontré que cette phase était une consultation auprès des membres gés par l’ensemble du réseau, la vraie vitale pour assurer un avenir construit du personnel présents (votes avec pon- richesse du projet a résidé dans les sur des bases stables, bien pensées, dération par importance et priorité). interactions et la participation de l’en- partagées et capables de s’adapter. Les résultats de la consultation ont semble du personnel à un projet com- Dans un premier temps, il s’agira été transmis au comité de pilotage mun, non seulement au travers d’une donc bien de veiller à ce que les condi- qui, à son tour, a évalué la pertinence mutualisation des connaissances mais tions-cadres, prérequis indispensables des perspectives définies selon les cri- également à l’occasion d’espaces de à toute volonté d’évolution, soient réa- tères suivants : potentiel et plus-value, rencontre organisés de façon rituelle à lisées. Ainsi les BM consolident et cla- facilité de réalisation, disponibilité chaque étape cruciale de la démarche. rifient leur organisation : l’ensemble des ressources. Le comité de pilotage des activités, des processus, des ayant jugé que quasiment la totalité groupes de travail et des outils sont au des perspectives étaient porteuses Des axes stratégiques service d’une orientation usagers. d’un fort potentiel, une réelle adéqua- et une vision à 2015 Les perspectives concernées tion entre les attentes exprimées par le touchent particulièrement à l’organi- personnel et la vision stratégique de la Qu’est-il ressorti de toute cette dé- sation d’une communication interne direction de projet a été démontrée. marche qui a monopolisé les forces du Sur cette base, un document très réseau pendant plus de six mois ? synthétique a pu être défini avec : les En premier lieu, quelles que soient 12. www.ville-ge.ch/bm/fr/bibliotheque/charte_ conditions-cadres, préalables néces- les nouvelles prestations mises en accueil.php bbf : 2011 45 t. 56, no 6
plus performante, la formation des plusieurs sites, d’offrir des espaces pu- tuels n’ont de sens que pour permettre collaborateurs, l’instauration d’une blics plus accueillants et modulables. la poursuite du projet originel de la gestion de projet globale, la consolida- Les axes stratégiques, déclinés lecture publique qui est de donner à L’avenir des bibliothèques : vues d’ailleurs tion des processus internes existants, plus finement en termes de perspec- comprendre. À lire la presse profes- etc. Une grande partie des conditions- tives, ont pour objectif de mener au sionnelle, on a l’impression que les cadres relevant clairement de l’organi- lancement de projets spécifiques. bibliothèques doivent ou changer ou sation interne, un travail du réseau à Quant à l’organisation à caractère périr. C’est plutôt en affirmant et fai- ce niveau rendra d’autant plus crédible très participatif choisie pour cette dé- sant connaître la valeur et la pérennité les demandes amenées par les BM marche d’institution, elle sera amenée du projet originel réalisé avec les outils pour la réalisation des perspectives à être peu ou prou renouvelée à l’aune organisationnels d’aujourd’hui que les liées aux autres axes stratégiques. d’une structure de gestion de projet bibliothèques de lecture publique vont Ces axes s’organisent de la façon claire et communicante. pouvoir poursuivre et faire rayonner suivante : • Axe Promotion. Les BM sont vi- Ainsi, à l’horizon 2015, les BM sont la porte d’entrée pour les publics leurs missions. • Septembre 2011 sibles dans la Cité : leur présence phy- vers les réseaux de la société de la sique est signalée, leur présence mé- connaissance (figure 2). Elles sont diatique est affirmée. Cet axe implique des ressources culturelles et informa- Bibliographie notamment de renforcer la visibilité tionnelles de proximité qui les accom- du réseau, tant en termes de signalé- pagnent dans leur développement [1] Félicie Contenot, « La médiation tique que de présence dans le tissu personnel et professionnel ainsi que au service de la confluence du musée socioculturel local. leurs loisirs. Elles jouent pleinement et de la bibliothèque », BBF, 2011, no 4, • Axe Prestations sur place. Les BM leur rôle d’équipement culturel et p. 11-15. En ligne : http://bbf.enssib.fr/ se rendent plus accessibles : les ho- informationnel de proximité, mettant consulter/bbf-2011-04-0011-002 raires, la mise à disposition des collec- ainsi tout en œuvre pour accueillir des tions physiques et virtuelles, l’accom- publics nombreux et divers. De plus, [2] Olivier Ertzscheid, « Chercher pagnement des usagères et usagers elles facilitent l’accès de toutes et tous le silo… dans la matrice (épisode 2) », répondent aux nouveaux besoins des aux contenus et s’insèrent dans les ré- Affordance.info. En ligne : publics. Cet axe implique notamment seaux sociaux tant au niveau de la ville http://affordance.typepad.com/mon_ de renforcer le catalogue de forma- de Genève, de l’agglomération gene- weblog/2007/05/chercher_le_sil.html tions pour le public, d’augmenter et voise que sur le réseau internet. d’harmoniser les horaires, d’automa- [3] Françoise Hecquard, « Conduire tiser le prêt, d’améliorer les flux par une dynamique de changement », la mise en place d’un prêt interbi- L’enjeu du futur : BBF, 2011, no 4, p. 68-74. En ligne : bliothèques sur le réseau, de mieux assurer les conditions http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2011- inclure les publics spécifiques dans 04-0068-001 l’offre de prestations, de faciliter les de l’évolution transactions afin de favoriser l’autono- Garantir l’évolution d’une biblio- [4] Dominique Lahary, mie des usagers. thèque aujourd’hui c’est savoir inté- « Bibliothèques et concurrence : par • Axe Prestations à distance. Les grer de manière pertinente les outils quel bout prendre la question ? », in BM vont à la rencontre des publics actuels de management des services Publics : quelles attentes ? Bibliothèques : dans les lieux de vie comme sur le dans le projet de compréhension du quelles concurrences ?, Paris, réseau internet. Cet axe implique monde – compréhension du monde, Bibliothèque publique d’information, notamment de proposer un service de l’autre, de soi – qui est à l’origine 2005, p. 59-77. En ligne : en ligne qui réponde à des questions de la bibliothèque de lecture publique. http://editionsdelabibliotheque.bpi.fr/ de tous ordres, développer les presta- Il est important de situer à leur juste resources/download.cfm?GCOI=842401 tions et activités hors murs, proposer place les enjeux organisationnels ac- 00544540&thefile=84240100544540.pdf un catalogue en ligne plus souple et tuels qui sont de mettre en place dans facile d’utilisation, offrir de nouveaux les bibliothèques de lecture publique, [5] Olivier Moeschler, « “Fontaines moyens de communication en adé- quelle que soit leur taille, un encadre- de connaissance” ou “musées du quation avec les nouveaux comporte- ment capable de faire le lien entre les livre” ?.. Les bibliothèques municipales ments urbains. décideurs, élus ou responsables et les selon leurs non-usagers », Ressi, • Axe Espaces. Les BM adaptent et professionnels qui réalisent les presta- 2007 (6). En ligne : développent leurs espaces en fonction tions attendues par les publics. Cepen- www.ressi.ch/num06/article_036 des nouveaux modes d’appropriation dant, dans cette démarche, il s’agit de par les publics des équipements cultu- ne pas oublier de donner aux diffé- [6] Isabelle Ruepp, « Une rels de proximité. Cet axe implique rents publics des outils de compréhen- collaboration transfrontalière et notamment de créer une « maison sion à la hauteur des enjeux auxquels intercantonale », BBF, 2001, no 3, de la musique » et/ou une deuxième la société démocratique doit faire face. p. 70-76. En ligne : http://bbf.enssib.fr/ « grande bibliothèque » en fusionnant Ainsi, les outils organisationnels ac- consulter/bbf-2001-03-0070-011 46 bbf : 2011 t. 56, no 6
Vous pouvez aussi lire