LES CHAMPIONS FRANÇAIS DE L'INNOVATION - Innovation REVIEW
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ENQUÊTE LES CHAMPIONS FRANÇAIS DE L’INNOVATION Laboratoire Silab sur le site Thales, à Toulouse : laboratoire d’innovation dédié aux services pour les compagnies aériennes. © QUENTIN REYTINAS ©THALES 38 l I NNOVATION RE V I E W l l I N N O V A T I O N R E V I E W l 39
ENQUÊTE I LES CHAMPIONS FRANÇAIS DE L’INNOVATION Les stratégies ZOOM d’innovation La maîtrise de l’outil numérique est en train de s’imposer comme l’axe principal des stratégies d’innovation des grands groupes. « Quand on parle de la transformation des grands groupes des entreprises, on parle dans 99 % des cas de la question de numérique. » En intégrant l’outil numérique à leur ADN, les grands groupes gagnent en agilité et en LES STELLAB DE PSA réactivité. Inauguré il y a six ans, le réseau de StelLab (Science Technologies Exploratory Lean LABoratory) est devenu le cœur de l’innovation du groupe. Le réseau est constitué ❚ Un grand groupe peut-il être aussi innovant qu’une start-up ? Concurrencés d’une dizaine d’OpenLabs répartis dans le monde entier, par l’agilité de ces nouveaux acteurs, les grands groupes sont de plus en plus à la réalité virtuelle il y a plusieurs années, sans avoir réel- notamment aux Etats-Unis, au Brésil, en Chine et bientôt contraints de repenser leur stratégie d’innovation pour rester compétitifs. lement de perspectives de marché en tête. En 2016, Saint- en Afrique, et de trois cellules d’innovation. Ces labora- Aucune méthode miracle ne s’est toutefois encore imposée, et la plupart Gobain travaille sur une offre destinée aux architectes qui toires sont chargés de nouer des de ces groupes expérimentent encore de nouveaux outils pour innover pourrait leur permettre de visualiser des façades vitrées en partenariats avec les universités différemment. Seul point commun, tous reconnaissent que leurs seules fonction des diverses conditions météorologiques. et les écoles afin d’aider le groupe forces vives ne suffisent plus pour innover. Ils sont ainsi de plus en plus Avant l’utilisation d’outils numériques, la première étape à innover autour des trois axes de recherches du groupe : la voiture nombreux à se tourner vers l’open innovation, en ouvrant des laboratoires de passe toutefois par la création d’une direction du numé- autonome, les cleantechs et l’at- recherche à l’international, en intégrant des projets communs de recherche ou rique. En 2015, plusieurs groupes se sont ainsi dotés d’un tractivité des voitures. « Pour ce qui en se rapprochant des start-up les plus innovantes. A travers le parcours de CDO, Chief Digital Officer, ou d’un CTO, Chief Technology est de la voiture autonome, nous quelques grands groupes parmi les plus innovants, voici une présentation des Officer. Le profil du CDO témoigne bien du degré de prise souhaitons proposer des véhicules principaux outils utilisés pour innover plus et plus vite. TEXTE : FLORENT DETROY. de conscience par la direction de l’importance du numé- intégrant des fonctions de déléga- rique. « Les dirigeants actuels (des grands groupes) sont tion de conduite, en niveau 3, à par- conscients que le digital n’est pas de leur génération. Ils tir de 2020 », explique Carla Gohin ont confié la transformation digital à des jeunes, d’une (photo), la directrice de la recherche, de l’innovation et autre génération, souvent venus de l’extérieur », explique des technologies avancées. En poste depuis février, Carla Jean Claude Guyard, directeur des Lab’s Innovation de Gohin a l’intention de renforcer le rôle du réseau. « L’heure est venue d’accélérer l’innovation. » Car l’avènement de la Quelques tendances fortes ressortent du ❚ LA TRANSFORMATION NUMÉRIQUE Capgemini. Schneider a fait un choix plus original en nom- voiture autonome va modifier les usages de l’automobile. dernier classement de PwC. D’abord, les EST INÉVITABLE mant CTO en septembre 2015 Prith Banerjee (voir encadré « Nous travaillons actuellement sur l’expérience client secteurs de l’aéronautique et de la défense En intégrant l’outil numérique à leur ADN, les grands page suivante). dans nos véhicules et dans les cockpits, avec des réflexions s’affirment une nouvelle fois comme les groupes gagnent en agilité et en réactivité. La maîtrise de La transformation numérique est inévitable, alors que la sur l’utilisation du temps de conduite libéré pour le conduc- locomotives du secteur, avec un cinquième des dépenses l’outil numérique est en train de s’imposer comme l’axe montée en puissance de la data et de l’IOT va ouvrir bien- teur. » Elle a également l’intention de renforcer l’Open In- totales en France, contre 6 % en moyenne en Europe. Les principal des stratégies d’innovation des grands groupes. tôt de nouveaux marchés. Reste que beaucoup de grands novation dans le groupe en se rapprochant aussi bien des dépenses R&D d’Airbus, de Thales et de Safran sont en « Quand on parle de la transformation des entreprises, on groupes ne sont qu’à la première marche de leur transfor- clients que des start-up ou des pôles de compétitivité. hausse. Sanofi garde cependant sa première place, malgré parle dans 99 % des cas de la question de numérique », mation numérique. « L’arrivée d’un CDO n’est que la pre- une chute de 14,1 % de ses dépenses. C’est toutefois l’arri- affirme Luc Bretones, directeur du technocentre Orange mière étape de la transformation. L’organisation doit aussi vée de quatre nouveaux groupes dans le TOP 20 des entre- et d’Orange Vallée. En intégrant l’outil numérique à leur être pensée en fonction de l’innovation », rappelle Marion prises françaises les plus innovantes - Dassault Systèmes, ADN, les grands groupes gagnent en agilité et en réacti- Grandou, du cabinet Viatys Conseil. Saint-Gobain, Air Liquide et Danone - qui constitue la vité. C’est par exemple le cas dans l’énergie, où les acteurs principale nouveauté du classement. En plus d’un niveau industriels doivent de plus en plus proposer des offres ❚ UNE ORGANISATION PLUS AGILE de dépenses élevé, la plupart des entreprises du TOP 20 se connectées permettant aux clients de mieux piloter leur En parallèle de l’adoption de l’outil numérique, les grands distinguent par une stratégie d’innovations plus agile et consommation. « Aujourd’hui, les développements de nos groupes adoptent de plus en plus de nouvelles méthodes plus réactive. Ces acteurs savent que c’est une question de produits, comme les disjoncteurs, sont autant sinon plus d’innovation, à l’instar du lean start-up ou du design thin- survie, alors que les défi s de la transition énergétique, de la logiciel que matériel », confirme Sylvain Paineau, directeur king. Ces méthodes mettent en avant l’expérimentation transformation numérique et l’accélération de la compéti- innovation et partenariat Europe de Schneider Electric. Le et le prototypage rapide pour coller aux aspirations des © PSA STELLAB tion internationale vont bouleverser les équilibres dans les groupe Saint-Gobain a fait très tôt le pari de développer en clients. « Le lean start-up, c’est passer plus de 50 % de années à venir. En 2015, beaucoup de groupes ont notam- interne des compétences numériques, afin notamment de son temps avec le client », résume Luc Bretones. Une des ment fait le premier pas vers leur mue numérique. se rapprocher de ses clients. Le groupe s’est ainsi intéressé pistes pour appliquer cette méthode consiste à modifier … 40 l I NNOVATION RE V I E W l l I N N O V A T I O N R E V I E W l 41
ENQUÊTE I LES CHAMPIONS FRANÇAIS DE L’INNOVATION Démonstration d’un outil de réalité virtuelle d’application d’enduit développé par Saint-Gobain Weber, filiale de Saint-Gobain Domolab. © SCHNEIDER ELECTRIC BIO EXPRESS PRITH BANERJEE, CTO DE SCHNEIDER ELECTRIC Prith Banerjee, 55 ans, a été nommé en septembre 2015 Chief Technology Officer de comme Airbus et Boeing ainsi que les … Les partenariats au sein d’organismes des innovations à travers les branches. Schneider Electric, et a intégré pilotes. L’objectif est de parler des res- de recherche publics se sont égale- « Nous avons comme objectif de for- le comité exécutif du groupe. sentis cognitifs et des innovations pos- ment développés. En 2015, le groupe mer 20 % des employés de la branche Il était auparavant directeur sibles pour l’améliorer. » Essilor a signé un partenariat avec marketing pour 2017 », rappelle général des technologies R&D le CNRS pour développer l’optique Christine Halliot, directrice innova- chez Accenture. Prith Banerjee ❚ RENFORCER LES PARTENARIATS du futur. Au sein du laboratoire tion marketing de Total Marketing & a également fréquenté le ACADÉMIQUES Opera (Optique EmbaRquée Active), Services. Le groupe a même créé un monde universitaire, en tant Les partenariats sont un des outils les deux acteurs travailleront sur jeu vidéo interne, Play’In, pour for- que professeur à l’université indispensables pour développer l’inno- les nouveaux usages des verres en mer les employés. « Lors de la Coupe de l’Illinois, et le monde © SAINT GOBAIN WEBER vation et diversifier ses domaines de développant des verres et lunettes du monde de foot, nous avions orga- industriel, chez ABB et recherche. C’est à nouveau Thales qui à fonctions actives et connectées. nisé un match entre l’équipe Chine et HP. Repéré par le groupe figure comme un des groupes les plus Les groupes ont également conti- l’équipe Grenoble. C’était un moyen de spécialiste de la gestion avancés en termes de partenariats nué de profiter des aides publiques faire passer nos messages sur l’impor- de l’énergie lors d’une scientifiques. Début 2015, le groupe à l’innovation. « Sans le crédit impôt tance de l’innovation. Aujourd’hui, présentation en 2015 sur l’Internet des objets, Prith avait signé un accord avec le célèbre recherche, la France serait au premier nous pensons vendre ce jeu à d’autres Banerjee a pour mission Media Lab du MIT, à Boston. Cet accord rang en termes de coût de la R&D en Europe », rappelle groupes. » Le groupe a déployé d’autres outils de sensi- d’accélérer et de simplifier la l’organisation interne, en cassant s’inscrivait dans une stratégie d’accé- Marko Erman. Les groupes ont également poursuivi leurs bilisation, comme la création d’une plateforme de « time R&D de Schneider Electric. Le premier grand axe qu’il l’organisation pyramidale ou en silos des groupes, ou en créant des postes lération de l’open innovation aca- démique. Ces dix-huit derniers mois, recherches au sein des projets partenariaux, notamment au sein des pôles de compétitivité ou des IRT. Toutefois, sharing », sur laquelle les employés de Total peuvent déci- der de participer au projet d’un autre secteur, des ateliers … veut mettre en place concerne transversaux. Chez Saint-Gobain, la Thales a signé cinq accords cadres avec un besoin de réforme s’est fait entendre, l’organisation de ainsi la diffusion de l’Internet création il y a plusieurs années d’un des acteurs académiques. En parallèle ces structures de recherche allant parfois à l’encontre des des objets. « Nous pourrions poste de directeur marketing corpo- des nouveaux partenariats, le groupe besoins d’agilité des groupes. « On se sert avec parcimonie LA VAGUE DES FONDS D’INVESTISSEMENT aider les entreprises à passer rate a permis d’améliorer fortement le a pris soin de donner des perspectives de ces outils (les pôles de compétitivité), car ils manquent De plus en plus de grands groupes créent leur lien entre R&D et marketing et d’ac- commerciales aux innovations réalisées de flexibilité. La préparation et la maturation des pro- propre fonds d’investissement, destiné notamment à de la vente de produits à la célérer le processus d’innovation. par le biais de ces accords en lançant jets nécessitent un temps d’engagement de deux à cinq renforcer les partenariats avec les start-up. Total, Air vente de productivité », a-t-il Liquide, Renault, la SCNF et bientôt Nokia ont désor- affirmé dans une interview Les groupes plus traditionnels se en parallèle, l’an dernier, le projet Xplor. ans en moyenne, rappelle Sylvain Paineau. Nous sommes mais leur propre fonds. Les objectifs sont multiples : en janvier. Le CTO a ainsi mettent également à davantage « Ce projet consiste à créer une équipe impliqués dans d’autres outils, comme les IRT, qui corres- screening de start-up, aide au développement ou ra- proposé de compléter les écouter leurs clients en créant des capable de faire le pont entre le groupe pondent davantage à nos besoins. L’objectif n’est plus de chat d’un concurrent potentiel. Afin de préparer son ventes du groupe par une lieux spécifiques. Thales a ainsi créé et ces travaux de recherche ainsi que faire de la recherche, mais de l’intégration de technologie, engagement dans le solaire annoncé le mois dernier, offre d’installation des des centres d’expérimentation pour les start-up américaines », affirme du co-développement avec des start-up par exemple, dans Total Energy Ventures est par exemple entré en février produits vendus. Schneider co-innover avec ses clients ; ces Marko Erman. Fruit de cette straté- un modèle aussi collaboratif mais permettant un test et au capital de deux start-up spécialistes de l’énergie se rembourserait du coût innovations hubs sont désormais gie, le groupe a développé un casque un retour plus rapide. » Schneider Electric est partenaire solaire décentralisée, Off Grid Electric et Powerhive. d’installation en récupérant une vingtaine. « On constate que nos de réalité virtuelle, tiré des recherches du pôle consacré à la transition énergétique, Tenerrdis. Reste que l’investissement direct dans une start-up une part des économies clients sont de moins en moins sou- militaires du groupe, destiné aux opéra- représente un risque. « La plupart du temps, l’entrée réalisées par l’entreprise vent des techniciens, et donc moins tions chirurgicales. Une première opé- ❚ SOUTENIR L’INNOVATION INTERNE d’un grand groupe au capital d’une start-up n’est grâce à l’installation pas le premier choix de celle-ci », reconnaît Marion capables d’exprimer leurs besoins, ration chirurgicale a été réalisée l’année Le meilleur moyen pour faire bouger les lignes au sein d’équipements plus performants. « Si c’était explique Marko Erman, senior vice- dernière à Austin, Texas. … d’un groupe est d’amener ses propres salariés à innover. Grandou, consultante pour le cabinet Viatys Conseil. Car les grands groupes ne savent pas encore tra- président R&T de Thales et artisan Le pétrolier Total est ainsi très impliqué dans la promo- vailler avec les start-up. « La start-up finit souvent mis en place avec succès, ce de l’actuelle stratégie technique du tion de l’innovation interne. Le groupe a d’abord créé il “découpée“ dans les matrices du groupe », ajoute serait une étape importante groupe. Nous avons ainsi renforcé les y a trois ans une direction de l’innovation au sein de sa Julien Borderie, directeur associé de Viatys Conseil. pour la compagnie. Cela interactions avec eux en appliquant branche marketing et services. Cette direction, composée C’est peut-être ce qui explique pour l’instant que les changerait complètement la une méthode de design thinking dans LA MAÎTRISE DE L’OUTIL d’une poignée de personnes à temps plein, mais avec des entreprises françaises apparaissent encore frileuses façon dont les spécialistes six centres. Celui de Bordeaux, par NUMÉRIQUE EST EN TRAIN correspondants « innovation » dans toutes les branches par rapport à leur homologues américaines dans le des technologies de l’énergie DE S’IMPOSER COMME rachat de petites entreprises. Sur les trois dernières exemple, est consacré aux cockpits, marketing du groupe, s’est chargée de professionnaliser gagnent de l’argent », L’AXE PRINCIPAL DES années, les entreprises du SBF 120 ont racheté près et nous permet d’accueillir tous les l’innovation au sein du groupe. Les axes suivis ont ainsi rappelait-il. de 40 start-up, contre 160 pour les Gafam. acteurs concernés, les fournisseurs, STRATÉGIES D’INNOVATION amené les équipes à encourager le co-développement de les constructeurs aéronautiques DES GRANDS GROUPES. produits avec les fournisseurs, ou à développer le partage 42 l I NNOVATION RE V I E W l
ENQUÊTE I LES CHAMPIONS FRANÇAIS DE L’INNOVATION ©FELIX & ASSOCIÉS ©THALES Cockpit du futur, à l’horizon 2030, pour hélicoptère. Ce cockpit s’adapte aux besoins de l’équipage, dissimule la complexité du système et s’appuie sur une interaction intuitive. Dès que le pilote entre dans le cockpit, systèmes et affichages sont automatiquement configurés selon ses préférences personnelles. Devant lui, un système d’affichage 3D indique les données en temps réel de météorologie, du terrain et de la planification de vol. Le système anticipe de manière continue les besoins en information du pilote, et tout paramètre peut être modifié par un simple toucher sur l’écran. … de co-création avec de jeunes startupers pour accélérer le développement de projets en interne, ou de reverse mentoring (formation des cadres par de jeunes start- upeurs). Total a notamment travaillé avec le groupe Whyers, spécialiste du reverse mentoring, afin de monter une plateforme d’innovation collaborative. Reste que l’am- pleur des défis que représente la transformation digitale, ou le développement d’autres compétences, pousse les groupes à se rapprocher également d’autres acteurs pour accélérer leur rattrapage. ❚ DÉVELOPPER LES LIENS AVEC LES START-UP Malgré leurs efforts, les grands groupes apparaissent mal équipés pour s’adapter à la concurrence. « Les modèles éco- nomiques de la plupart des grands groupes reposent sur une spécialisation. L’arrivée du numérique et des start-up les oblige à repenser leur modèle », explique Julien Borderie, directeur associé de Viatys Conseil. Ils sont notamment contraints de s’intéresser à ces nouveaux acteurs que sont les start-up pour acquérir de nouvelles compétences. Le groupe Michelin est par exemple entré au capital d’une start-up, Symbio FCell, en 2014 afin de se renforcer dans la mobilité hydrogène. En 2015, Nova External Venturing, la cellule dédiée aux partenariats avec les start-up de Saint- Gobain, a amené le groupe à participer en 2015 à la levée de fonds du spécialiste des thermostats intelligents QiVivo, c’est au groupe de la développer avec elle, explique Sylvain première pierre au développement d’une offre de domo- sont alors contraints d’élargir les mailles du filet en orga- spécialiste de la littérature courte découverte sur le site afin Paineau. Par exemple, nous avons découvert une start-up tique. Enfin, Thales a déboursé 350 millions de dollars en nisant des évènements où les start-up peuvent présenter de développer des distributeurs dans les stations-services. spécialisée dans une brique permettant le développement 2015 pour acquérir Vormetric, spécialiste de la protection leurs innovations. Ainsi, Schneider Electric organise des de capteurs de CO2 qui avait été créée dans un garage en des données sensibles, afin de renforcer son ancrage dans journées Open Innovation, Engie les Trophées de l’innova- ❚ APPRENDRE À INNOVER DE FAÇON OUVERTE le domaine de la cybersécurité. « Parfois, la start-up n’est Ecosse. Nous avons apporté notre savoir-faire dans les tion, et Saint-Gobain les Concours de l’innovation Nova. Il est difficile de trouver plus différents qu’un grand groupe elle-même pas consciente de la valeur de son invention, et objets connectés pour co-développer une solution dans Les groupes organisent également des hackathons, où ils français et une start-up. Ils ne partagent ni les mêmes nos offres smart building. » Même les peuvent faire état de leurs besoins. Ainsi, Engie a organisé méthodes ni les mêmes temporalités, ce qui crée des diffi- spécialistes du numérique se mettent en 2015 un hackathon autour des drones en privilégiant les cultés pour collaborer. « On n’est pas à l’abri de considérer la à courtiser des start-up. « Récemment, compétences de mesures métriques et l’analyse des points start-up comme un fournisseur, en proposant des contrats LE MEILLEUR MOYEN POUR FAIRE BOUGER LES LIGNES AU nous nous sommes rapprochés d’une de corrosion et déformation. Les drones pourraient notam- pleins de clauses. On perd alors l’agilité de la start-up », start-up qui avait conçu un drone ment aider l’énergéticien dans les opérations de surveil- reconnaît Sylvain Paineau. Certains groupes font ainsi SEIN D’UN GROUPE EST D’AMENER SES PROPRES SALARIÉS À intelligent, Uavia, que nous proposons lance et de maintenance des grandes installations. Total a évoluer leurs façons de travailler. Schneider Electric a par INNOVER. LE PÉTROLIER TOTAL EST TRÈS IMPLIQUÉ DANS LA désormais à nos clients en le met- pour sa part créé une plateforme, « Adopte une start-up », exemple intégré dans sa division achats une personne « qui PROMOTION DE L’INNOVATION (…) « NOUS AVONS COMME tant en scène lors des Digital Days », sur laquelle les start-up peuvent proposer leur innovation. parle le langage des start-up », explique le directeur inno- OBJECTIF DE FORMER 20 % DES EMPLOYÉS DE LA BRANCHE explique Jean-Claude Guiyard. « C’est un peu notre CRM des start-up, confie Christine vation du groupe. Les grands groupes prennent également Les groupes n’ont toutefois pas tout Halliot. Elle nous permet de faire une pré-sélection des soin de raccourcir les délais de réponses aux start-up. MARKETING POUR 2017. » LE GROUPE A MÊME CRÉÉ le temps une idée claire des secteurs start-up en fonction des besoins des métiers du groupe. » Parfois, la transition vers un nouveau modèle d’innovation UN JEU VIDÉO INTERNE POUR FORMER LES EMPLOYÉS. sur lesquels ils peuvent innover. Ils Le groupe réfléchit actuellement à s’associer à une start-up est compliquée par les contraintes propres au secteur. C’est … 44 l I NNOVATION RE V I E W l l I N N O V A T I O N R E V I E W l 45
ENQUÊTE I LES CHAMPIONS FRANÇAIS DE L’INNOVATION © SAFRAN Un moteur à © THALES Futur bâtiment reaction de de GreenOvalley Safran. sur la presqu’île scientifique de Grenoble. © SCHNEIDER ELECTRIC Lab Innovation - Applied Innovation Exchange. LE LAB INNOVATION DE CAPGEMINI La SSII a ouvert son Lab Innovation GREENOVALLEY, LE FUTUR CLUSTER DE SCHNEIDER ELECTRIC fin 2014 à Suresnes. Ce Lab propose Le géant des équipements électriques a annoncé la construction de deux nouveaux d’aider les entreprises à accélérer leur bâtiments sur la presqu’île scientifique de Grenoble. La ville est déjà le premier des mue numérique afin de faire émerger quatre centres importants de R&D du groupe. Le premier bâtiment regroupera la plus rapidement des idées innovantes. direction de l’énergie du groupe, le deuxième XPole, qui regroupera, lui, le Corporate « Nous les formons notamment à la Research Center, des espaces ouverts pour les partenaires académiques et des start- méthode du lean start-up, une mé- up. Ce dernier bâtiment va ainsi dans le sens de davantage de collaboration au sein du thode qui associe l’agilité du lean et groupe. « Ce regroupement au même endroit va permettre de casser les silos et de faire la recherche d’innovation de rupture discuter les équipes », souligne Sylvain Paineau. Plus globalement, le regroupement des start-up, explique Jean-Claude des équipes de Schneider sur un même lieu va permettre aux équipes de travailler au Guyard, le directeur des Lab’s Inno- contact de celles de l’INPG, du CEA, et des pôles de compétitivité Tenerrdis, Minalogic, vation. L’objectif, c’est d’aller vite, de Incubateur et Accélérateur (SATT, Frenchtech) afin de créer un véritable écosystème. développer une innovation et de la tes- ter rapidement dans le fablab. Nous voulons industrialiser l’innovation. » La le cas par exemple de l’aéronautique. SSII forme les grands groupes à des Le secteur est confronté, comme celui méthodes d’innovation très diverses, à de l’énergie ou de l’automobile, à des l’instar de l’Accelerated Solution Envi- défis majeurs dans les vingt prochaines PHOTOS © ORANGE ronnement, qui s’appuie sur des mé- années. D’ici à 2020, la croissance du LE TECHNOCENTRE D’ORANGE thodes de l’école Montessori. La SSII a constaté depuis deux ans des avancées trafic aérien doit être neutre en car- Le Technocentre d’Orange est le navire amiral du groupe dans l’innovation. C’est là que bone, rappelle Pierre Fabre, directeur les innovations sur les nouveaux services d’Orange, au cœur désormais du plan stratégique dans la transformation numérique des Groupe R&T et Innovation Safran. « Essentiels 2020 », prennent forme. Directeur du Technocentre, Luc Bretones (ci-contre), entreprises françaises. « Dans 80 % « La grande question de ces vingt a développé une véritable culture de l’innovation en s’entourant notamment de profils très des cas, les groupes recherchent une divers. « Dans mon équipe, les seuls profils que je recrute à l’externe sont des designers. méthode d’innovation. Mais de plus en prochaines années, c’est le passage Je me méfie également de la monoculture ; j’engage souvent des gens qui ont multiplié les plus, les entreprises viennent nous voir à l’électrique », affirme-t-il. Mais la Pierre Fabre, directeur Groupe R&T et métiers. » Parmi les différentes technologies produites par le centre, le directeur retient pour développer un produit précis », ex- transition va être lente, compte tenu Innovation Safran. le développement de la technologie de clé HDMI. « Cette clé permet d’avoir accès à ses plique Jean-Claude Guyard. Au mois de des coûts de développement et des abonnements TV Orange sur n’importe quel téléviseur depuis un accès Wi-Fi quelconque, janvier, Capgemini a étendu son réseau contraintes de sécurité du secteur. Or, en vacances par exemple. Nous sommes le seul groupe à proposer cela. » La créativité en ouvrant à San Francisco un nouveau les start-up portent souvent dans leur outils, et d’être capable de mobiliser du Technocentre est nourrie également par les différentes Lab Innovation, désormais appelé Ap- plied Innovation Exchange. offre des innovations de rupture peu ses employés. Au regard des dernières filiales, en Europe, en Afrique ou au Moyen-Orient. « En compatibles avec le temps long. C’est tendances de l’innovation en France, on Afrique, le forfait mobile n’est pas aussi développé qu’en peut-être ce décalage qui pousse des constate que les grands groupes les plus Europe ; les clients rechargent leur téléphone parfois Jean-Claude Guyard, directeur groupes comme Safran à conserver innovants ne sont qu’au début de leur pour la journée. Il faut en tenir compte avant d’innover », des Applied Innovation Exchange explique Luc Bretones. Les innovations de rupture sont, chez Thales. une attitude prudente vis-à-vis de ces transformation. De nombreux doutes elles, développées au sein du centre Orange Valley. Aussi nouveaux acteurs. « Nous ne sommes demeurent sur leur capacité à s’adap- agile qu’une start-up, ce centre est notamment à l’origine © THALES pas très à l’aise avec ces sujets, c’est ter aux défis qui s’annoncent. « Est-ce de l’offre Orange Beacon, une technologie associant contre-intuitif pour nous, reconnaît que les sociétés qui ne sont pas “nées une balise physique à des algorithmes, qui permet Pierre Fabre. La difficulté, c’est de dans le software“ peuvent changer aux commerces ou aux entreprises de transmettre du rester rigoureux tout en changeant le assez vite leur approche pour ne pas contenu numérique sur les smartphones des clients qui monde. » se laisser dépasser ? » se deman- le souhaitent. Cette technologie s’inscrit dans la stratégie Faire évoluer son modèle d’innova- dait Luc Bretones l’an dernier. Nous d’Orange de se développer sur le marché de l’Internet des tion demande d’adopter de nouvelles connaîtrons la réponse dans quelques objets et de la donnée. méthodes d’innovation, de nouveaux années. … 46 l I NNOVATION RE V I E W l l I N N O V A T I O N R E V I E W l 47
ENQUÊTE I LES CHAMPIONS FRANÇAIS DE L’INNOVATION 3 questions à MARC ROUANNE, DIRECTEUR GÉNÉRAL EN CHARGE DE L’INNOVATION ET DES OPÉRATIONS DE NOKIA ❚ Le groupe finlandais a officiellement pris le contr le d’Alcatel Lucent début anvier. o ia souhaite concentrer ses investissements en R&D en France sur les sites de Lannion et de Villarceaux. PHOTOS : NOKIA. © DOMOLAB > SUR QUEL SECTEUR (réseau d’urgence, réseau sécurité…). RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT Or, l’environnement français nous per- ALCATEL LUCENT met d’investir sur ces technologies. Il Le Domolab de Saint-Gobain VA-T-IL AIDER NOKIA ? Nokia est plus orienté sur les technolo- existe entre autres des compétences en mathématiques et en informatique gies mobiles, alors qu’Alcatel-Lucent est complexe, par exemple. Nous pensons Le groupe Saint-Gobain a créé en 2009 le Domolab afin d’accom- pagner le virage du groupe vers le marché de l’habitat. Le centre est à la fois lieu d’innovation sur l’habitat et lieu d’échange, où l’indus- compétent sur l’IP, le cloud, les datacen- ters, l’optique… Les deux groupes sont complémentaires. L’acquisition va nous également qu’il va y avoir un axe indus- triel fort en France, notamment autour des technologies de l’IoT ou du cloud, et triel peut discuter des besoins du marché avec les bureaux d’études ou aider dans la recherche sur des problé- il était important d’être présents. les industriels. Les équipes travaillent par exemple sur l’influence d’un matiques réseaux complexes et en tant matériau sur les sens en fonction de son esthétique, de son acous- qu’incubateur dans l’innovation. Nous > QUELLE PLACE LES CENTRES © DOMOLAB tique ou de sa lumière. Ce laboratoire a permis d’accélérer l’innovation étions intéressés plus particulièrement DE LANNION ET DE VILLARCEAUX au sein du groupe. « Un produit sur quatre vendu par Saint-Gobain par les deux start-up acquises en 2013 VONT-ILS OCCUPER CHEZ NOKIA ? aujourd’hui n’existait pas il y a cinq ans », explique Didier Roux, directeur de la R&D et de l’innovation. Le virage vers le par Alcatel-Lucent, Nuage Networks, Chez Nokia, nous localisons la R&D ; marché de l’habitat a toutefois demandé au groupe de compléter ses spécialiste des réseaux programmables tous les sites ont leur propre identité, compétences traditionnelles par des compétences en sciences humaines SDN, et Cloudband, spécialiste de l’or- avec leurs fournisseurs, leurs clients… et en arts appliqués afin de l’aider à travailler sur l’expérience de ses chestration dynamique des réseaux. Chaque site est différent. Cela nous clients directs et indirects. Ainsi, le groupe a embauché à partir de 2009 permet de projeter nos activités dans des personnes formées à l’histoire, au design et à la sociologie. « Nous > QUELS SONT LES AXES R&D les dix à quinze ans à venir. Les deux étudions par exemple la façon dont les gens vivent avec leurs portes et DE NOKIA, DÉSORMAIS ? centres français vont ainsi devoir défi- Il n’existe pas de centres similaires leurs fenêtres, les différentes fonctions qu’elles remplissent, ce qui va On veut travailler sur la 5G, sur le nir leur identité en fonction de leurs ailleurs dans le monde, à l’exception perdurer et ce qui va changer dans les années à venir, explique Pauline M2M, sur des logiciels de contrôle de compétences et de leurs partenariats, peut-être de la Corée du Sud. Nous Lavagne, d’Ortigue. Nous explorons ainsi les besoins de sécurité ou de réseau et sur la cyber sécurité notam- avec notamment les pôles de compéti- nous intéressons en particulier aux © DOMOLAB confort qui y sont liés, et comment ces ouvrants s’intègrent dans la ment. Nokia voulait investir en parti- tivité. Nous sommes impressionnés par pôles Systematic, Cap Digital, Image et peau des bâtiments. » culier sur les réseaux de public safety les capacités et la vision de ces pôles. Réseau. 48 l I NNOVATION RE V I E W l
ENQUÊTE I RECHERCHE PUBLIQUE Les leaders français de la recherche publique LES GRANDS ORGANISMES DE RECHERCHE PUBLIQUE start-up essaimées, comme Diabeloop, qui a assemblé des briques technolo- giques du CEA pour créer un pancréas artificiel contre le diabète de type 1. ONT BEAUCOUP « Travailler avec l’industrie fait partie ❚ Le CNRS, le CEA et de notre fonctionnement historique. La l’Inserm forment le trio ÉVOLUÉ DEPUIS première fois, un industriel nous teste de tête de la recherche PLUSIEURS ANNÉES. sur un sujet qui n’est pas stratégique publique française, pour juger de la qualité et de la rapi- selon les classements ETI, pour lesquelles il faut faire du sur- dité de la réponse. Puis il nous pose des internationaux. mesure, avec des formes de collabora- questions plus stratégiques. Car toutes Comment ces tions plus souples et parfois de pres- les sociétés qui performent innovent », organismes, créés tations de service. Un bel exemple : le confirme-t-il lui aussi. Il décrit une ten- respectivement en laboratoire Femto-ST à Besançon, qui dance de fond qui a rendu les indus- 1939, 1945 et 1964, réalise des recherches exceptionnelles triels plus dépendants de la recherche ont-ils gagné leur tout en ayant un lien ancien et fort avec externe. Les business units ayant été place dans le gotha les grandes entreprises automobiles ou privilégiées au détriment de la R&D de la recherche du transport, mais aussi avec les PME centrale, qui a perdu sa masse critique, mondiale omment locales. » « L’autre est un besoin de les entreprises se sont tournées vers des collaborent-ils avec R&D partagée, avec des partenariats instituts de recherche externes avec les entreprises pluriannuels autour d’orientations une appétence nouvelle pour continuer pour contribuer stratégiques. Nous savons très bien y à innover. Plus récemment, le rayonne- au développement répondre avec des laboratoires com- ment du CEA lui a conféré un rôle de économique et muns qui permettent de coproduire pédagogue auprès des pays en voie de © IFPEN - OBJECTIF IMAGES LAURENT WARGON sociétal tout l’innovation autour du besoin indus- développement technologique comme en maintenant triel. Nous voulons aller plus loin, car le Brésil ou le Vietnam (voir p. 76). leur excellence ce modèle est encore mal connu, alors Dans le cas de l’Inserm et d’Inserm scientifique que nous sommes dans un contexte Transfert, la situation est différente. « Innovation Review » économique plus difficile où les indus- « Le développement biomédical est livre les réponses des triels ont pris conscience de la néces- global, et nous travaillons avec des principaux acteurs. sité d’articuler le tissu économique et acteurs de toute taille, français, euro- TEXTE : ISABELLE BOUCQ. le tissu de recherche. C’est une des clés péens ou internationaux. Le marché Un supercalculateur au service de l’IFPEN. de la compétitivité retrouvée. » de la santé est encore diversifié mal- Jean-Charles Guibert, directeur de la gré les fusions et acquisitions. Ce n’est valorisation au CEA, affirme que la plu- pas le marché de l’aéronautique ! Par Le 14 mars, François Le communiqué du ministère restait que la nation lui porte. » nomination de Nicolas Castoldi au part des grands industriels travaillent exemple, en 2011, nous avons signé un Hollande inaugurait cependant assez vague sur ces moyens, Dans le grand écart indispensable entre nouveau poste de délégué général à la avec son organisme non seulement en accord de partenariat stratégique avec l’institut Pierre-Gilles- citant des « ressources nouvelles pour recherche fondamentale et trans- valorisation (voir p. 59). « Aujourd’hui, France, mais de plus en plus à l’étranger, MedImmune, filiale d’AstraZeneca, de-Gennes pour la l’ANR ». Réaffirmant l’importance de fert de technologie aux entreprises, il y a deux types de besoins industriels. et le plus souvent à travers des contrats pour favoriser la recherche des deux microfluidique, et en profitait pour l’innovation et de la recherche dans la les grands organismes de recherche Le premier, sur lequel les politiques bilatéraux d’envergure. Bien que la côtés », explique Pascale Augé, prési- affirmer « l’augmentation des moyens vitalité économique, le Président twit- publique ont beaucoup évolué depuis actuelles ont mis l’accent, est le besoin visibilité du nucléaire reste prépondé- dente du directoire d’Inserm Transfert. alloués à la recherche, avec un effort tait : « En inaugurant l’Institut Pierre- plusieurs années. Au CNRS, on prend de nouer des relations ponctuelles, rante, le CEA est aussi un acteur histo- « Il y a encore beaucoup de moyens particulier pour la recherche fonda- Gilles-de-Gennes, je veux exprimer à la la valorisation et le transfert très au rapides et efficaces avec le tissu de rique de la recherche en santé, secteur pour les start-up françaises pour la mentale et pour les jeunes chercheurs ». recherche française la reconnaissance sérieux, comme le démontre la récente recherche. C’est le cas des PME et des qui représente d’ailleurs un tiers des recherche au niveau international. … 72 l I N N O V A T I O N R E V I E W l l I N N O V A T I O N R E V I E W l 73
ENQUÊTE I RECHERCHE PUBLIQUE Le laboratoire Femto/ST du CNRS © THIBAUT SYLVESTRE/FEMTO-ST/CNRS PHOTOTHËQUE concilie recherche de qualité et soutien aux entreprises NICOLAS CASTOLDI, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DE LA VALORISATION DU CNRS locales dans le Doubs. Le CNRS se dote d’un délégué général à la valorisation … Mais il existe un paradoxe : à taille moment une centaine de contrats en ❚ En octobre 2015, le président du CNRS, Alain Fuchs, créait la © CNRS - FRESILLON CYRIL de marché égale, il est plus difficile cours avec des industriels français et fonction de délégué général de la valorisation et nommait Nicolas d’attaquer le marché de l’Europe, qui étrangers. Depuis quelques années, Castoldi, par ailleurs son conseiller juridique, à ce poste. est morcelé en vingt-huit cas de figure, nous nous appuyons sur le Carnot PROPOS RECUEILLIS PAR ISABELLE BOUCQ. PHOTO : CNRS DR 16. que le marché américain, unique. » Ifpen Transports Energie pour travailler L’Ifpen, lui aussi créé dans l’immédiat avec les PME et PMI dans le domaine après-guerre, est aujourd’hui un éta- du transport et de la mobilité en La salle blanche MIMENTO du Labo Nous en comptons une centaine, par- à un labo commun. Cette gradation blissement public à caractère industriel jouant un rôle d’intégrateur, particu- FEMTO-ST est ouverte aux partenaires tout sur le territoire. Et il existe des n’est pas encore assez exploitée académiques et industriels. et commercial (Epic) dont le budget est lièrement grâce à notre connaissance formes plus intégrées encore, comme aujourd’hui. L’autre direction, c’est issu à 55 % de ses propres ressources. des moteurs. Le Carnot est un vrai plus les unités mixtes industrielles, loca- l’approfondissement du partenariat. L’organisme est très reconnu à l’inter- pour travailler avec elles. » lisées bien souvent dans les murs Le CNRS est le principal organisme de national pour sa recherche, mais aussi Ces dix dernières années, les insti- mêmes de notre partenaire : nous recherche français, et il est unique par parce qu’il forme depuis des décennies tuts Carnot, expressément créés pour travaillons ainsi avec Solvay, Total ou sa pluridisciplinarité. Nous voulons les élites internationales du secteur mettre la force de frappe de la recherche Saint-Gobain. Ce modèle a réussi en proposer aux entreprises qui le sou- © ARDITO_CEAHD pétrolier et parapétrolier à travers son française au service des entreprises, France. Désormais, nous l’étendons à haitent d’engager un dialogue global IFP School. Diversifié dans les hydro- et plus récemment des PME et ETI, se l’étranger, par exemple avec Thalès à sur l’ensemble de leur feuille de route, carbures responsables, la mobilité sont en effet imposés dans le paysage. Singapour ou Saint-Gobain au Japon. et pas seulement dans le domaine durable et les énergies renouvelables, « Voilà dix ans, il y avait encore beau- Le campus Minatec est une inspiration habituel de coopération. Nous vou- l’Ifpen continue d’ailleurs à asseoir coup d’a priori chez les chercheurs, qui dans le monde entier. > QUEL EST LE CHANGEMENT lons ouvrir la richesse du CNRS à nos sa réputation dans le monde digital pensaient qu’on était bridés en tra- SOUHAITÉ ? partenaires. avec son Mooc « Oil & Gas », suivi par vaillant avec les entreprises. Il se sont > COMMENT CONCEVEZ-VOUS LA Nous avons deux directions. Nous 22 000 personnes en 2015. Autant aperçu qu’il y avait des exigences très MISSION QUI VOUS A ÉTÉ CONFIÉE ? avons des relations étroites, histo- > COMMENT CETTE NOUVELLE dire que l’institut fonctionne en sym- fortes », rapporte Alain Duprey, direc- Elle a un objectif principal : coordon- riques, dans certains secteurs comme MISSION S’INTÈGRE-T-ELLE biose avec le milieu industriel depuis teur général de l’Association des insti- ner au niveau du directoire l’ensemble la chimie. Mais d’autres entreprises À VOTRE PARTICIPATION ses origines. Dès les années 1950, il tuts Carnot, appelé en 2004 au minis- de la politique de valorisation, notam- sont moins habituées à travailler avec AUX INSTITUTS CARNOT ? prend la voie de l’essaimage, dont tère de l’Enseignement supérieur et ment en travaillant sur l’articulation la recherche publique et ont besoin de C’est un des outils du partena- l’exemple le plus visible est sans doute de la Recherche pour mettre en place entre le pilotage de la recherche et le souplesse – notamment les PME, mais riat. Avec un budget relativement Technip. « Pour nous, l’innovation est des « Fraunhofer à la française ». Et ça partenariat industriel. Depuis quelque pas seulement. Nous y travaillons, par modeste, les Carnot développent de © IFPEN une invention qui est valorisée par un marche, avec près de 7 500 contrats temps, on a créé en France des struc- exemple avec les LabCom financés par façon très intéressante la relation industriel », précise Pascal Barthélémy, de R&D passés entre les entreprises Développée par l’IFPEN, l’application Jeco tures « intermédiaires » pour rappro- l’ANR. L’objectif, c’est d’amorcer un contractuelle bilatérale. Le CNRS est le directeur général adjoint de l’Ifpen. et les Carnot chaque année. Dont des conseille les automobilistes. cher les chercheurs et les industriels. partenariat et de monter progressi- très investi dans plus de 30 instituts Parmi ses outils bien rôdés, les Joint success stories mises en avant dans ses vers le monde, de trouver de nouveaux Nous, nous voulons travailler sur vement en puissance, selon un conti- Carnot sans que cela se sache assez, Industrial Projects, qui mettent autour publications, 34 exemples de ressour- marchés et de maintenir une recherche l’interface directe. C’est encore plus nuum qui va du contrat « one-shot » par exemple dans le Carnot Mica pour de la table industriels et chercheurs, cement scientifique et 30 exemples de dynamique dans les labos publics en efficace et c’est dans l’ADN partena- les matériaux innovants. ou des alliances stratégiques, comme recherche partenariale (disponibles en France. « On a besoin de se confronter rial du CNRS. celle signée il y a quelques mois avec ligne). « Le succès réside dans la soli- aux exigences des meilleures entre- « NOUS VOULONS > ET LES MOYENS ? l’américain Anellotech pour dévelop- dité de la gouvernance, grâce à des prises dans le monde pour maintenir > QUELLES FORMES PREND TRAVAILLER SUR L’effort de l’Etat pour financer le per une nouvelle technologie de pro- patrons de labo qui peuvent entraî- la qualité de notre recherche », conclut LA COLLABORATION ENTRE LE CNRS L’INTERFACE DIRECTE. C’EST licensing et la maturation, grâce aux duction d’aromatiques bio-sourcés à ner toutes les troupes dans la prise Alain Duprey. Global Care Initiative, ET LES ENTREPRISES ? ENCORE PLUS EFFICACE SATT dont le CNRS est actionnaire, partir de biomasse non alimentaire. de conscience des besoins des entre- un consortium de cinq Carnot spécia- La forme la plus classique est le labo- nous permet de dégager du temps et « Tous les ans, nous développons une prises. » Nouvelle frontière, se déve- lisés dans la santé humaine, a pris les ratoire commun entre le CNRS et une ET C’EST DANS L’ADN des moyens pour développer les par- quarantaine de produits, des logiciels lopper à l’international est un moyen devants dans ce secteur mondialisé par entreprise ; il est construit autour PARTENARIAL tenariats directs – ceux où le transfert aux procédés, et nous avons à tout d’accompagner les PME et les start-up excellence. d’un programme scientifique partagé. DU CNRS. » est réalisé d’emblée. 74 l I N N O V A T I O N R E V I E W l l I N N O V A T I O N R E V I E W l 75
ENQUÊTE I RECHERCHE PUBLIQUE CHARLES GUIBERT, DIRECTEUR DE LA VALORISATION DU CEA PASCALE AUGÉ, DOCTEUR ET PRÉSIDENTE DU DIRECTOIRE D’INSERM TRANSFERT Le CEA grille la politesse erm ra er : aux Fraunhofer de la paillasse ❚ Au A, on n’est pas peu fier d’avoir devancé le célèbre organisme de recherche allemand, la référence des politiques fran ais , aux solutions thérapeutiques à la première place du classement homson euters. n coup d’éclat qui est le résultat d’une politique volontariste de dépôts ❚ Pascale Augé, docteur et présidente du directoire d’Inserm de brevets qui rend le CEA visible partout dans le monde. Et qui ransfert, trace sa voie dans la valorisation depuis plus de quin e sonne comme une validation des critiques dont il a pu être l’objet ans, dernièrement à l’Institut Pasteur. Inserm ransfert est une pour ses forts investissements dans la propriété intellectuelle, société privée chargée depuis 2006 des activités de valorisation selon Jean-Charles Guibert, directeur de la valorisation du CEA, et de transfert de technologie de l’Inserm, le premier organisme qui en a fait un élément clé de la stratégie de transfert vers les de recherche dédié à la santé humaine en urope. n parallèle, entreprises. PROPOS RECUEILLIS PAR ISABELLE BOUCQ. PHOTO : DR. Inserm ransfert Initiative est un fonds d’amor age pour les start-up du secteur doté de 35,5 millions d’euros à sa création en . PROPOS RECUEILLIS PAR ISABELLE BOUCQ. PHOTO : L. PRAT/INSERM TRANSFERT haut niveau dans leur domaine, car nos labos peuvent ainsi monter en RECHERCHE PUBLIQUE compétence. Nos collaborations ET BREVETS : les domaines stratégiques où l’Inserm > COMMENT FONCTIONNENT sont comme des poupées russes : LA PRESSION a révolutionné les choses : l’immuno- LES PARTENARIATS DES CLASSEMENTS en priorité avec des acteurs français, logie (le médicament Yervoy de BMS, DANS VOTRE SECTEUR ? puis européens, et enfin japonais ou Sorti en mars, le palmarès par exemple), l’oncologie, les maladies En plus des accords de licence, du américains. Thomson Reuters classe « les 25 cardio-vasculaires, la découverte et les target screening (avec la chimio- institutions publiques contribuant outils de diagnostic du VIH ou encore thèque de l’industriel et notre cible, le plus à faire progresser la > COMMENT TRAVAILLEZ-VOUS > VOUS AIDEZ DES PAYS EN VOIE les neurosciences. nous cherchons ensemble une molé- science et la technologie dans AVEC LES INDUSTRIELS ÉTRANGERS ? DE DÉVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE. le monde ». Trois organismes cule) ou les partenariats comme Ils sont de plus en plus nombreux à COMMENT ? français se positionnent dans > LICENCING OU CRÉATION celui avec MedImmune. Nous avons nous faire des demandes, grâce à la J’étais dernièrement au Mexique le top 10 : le CEA occupe la > COMMENT ABORDEZ-VOUS D’ENTREPRISE, COMMENT introduit en 2012 un type de parte- visibilité de CEA Tech, qui s’occupe de et au Brésil. Nous aidons ces pays, première place, le CNRS est 5e et LA VALORISATION ? FAITES-VOUS LE CHOIX ? nariats « public-multiprivé » unique la recherche technologique, et du CEA- comme le Vietnam, à mettre en l’Inserm 10e. L’Institut Pasteur se Les résultats de l’Inserm sont un ter- Nous soutenons la création d’entre- au monde, grâce auxquels nous avons Leti, notre laboratoire le plus connu place une politique de valorisation place 17e. reau fertile pour faire émerger l’inno- prise lorsque tous les atouts sont là généré 23 millions d’euros pour finan- internationalement depuis quarante de la recherche. Au lieu de regar- Selon l’Office européen des vation. Notre philosophie de dépôts de pour passer à l’étape suivante, comme cer des cohortes comme Constances, ans. Nous travaillons avec eux unique- der les Fraunhofer, ils se tournent brevets, le CEA se classait en brevets est de donner leur chance à un dans le cas d’HalioDx, à Marseille, qui la plus vaste enquête épidémiologique 2015 au 33e rang (592 demandes). ment s’ils ne sont pas en concurrence désormais vers le CEA pour monter maximum de projets après examen par développe une nouvelle stratégie en française à ce jour. C’est un change- Ce qui fait de lui le 2e déposant avec des Français et s’ils sont au plus des écosystèmes sur le modèle de français derrière Technicolor. nos hommes et nos femmes de l’art. oncologie pour stratifier les patients qui ment de paradigme dans la méthode Minatec en France, qui regroupe L’Inserm était le 6e déposant Nous sommes ainsi le premier déposant pourrait devenir un nouveau standard scientifique. recherche, enseignement supérieur français et le 1er déposant académique dans la recherche biomé- basé sur un portefeuille de brevets de En fait, le verrou n’est pas techno- « NOS COLLABORATIONS et industrie [Jean-Charles Guibert académique européen en dicale en Europe. Nous avons travaillé l’Inserm. Cette société emploie 75 per- logique. C’est un manque de belles SONT COMME DES POUPÉES dirige Minatec depuis sa création, recherche biomédicale. le positionnement de l’innovation dans sonnes après dix ans de travail. Il faut cibles validées qui peuvent mener en 2006. Ndlr). Nous les aidons à créer Les dernières données de faire le bon choix entre licencing et à une preuve de mécanisme. Nous RUSSES : cette culture qui fait que Minatec l’INPI publiées en avril 2015 essaimage. Est-ce que le choix est de sommes partenaires des 14 SATT et EN PRIORITÉ AVEC attire des sociétés étrangères sur son classaient le CEA à la 3e position « NOUS AVONS INTRODUIT nature à bénéficier aux patients au plus travaillons avec elles, car elles ont (643 demandes), derrière PSA DES ACTEURS FRANÇAIS, PUIS campus et qu’aucune de nos start-up Peugeot Citroën et Safran, le EN 2012 UN TYPE DE vite ? Dans notre domaine, la start-up la proximité nécessaire par exemple EUROPÉENS, ne part aux Etats-Unis, puisque nous n’est pas toujours le véhicule idéal, car pour le marché des dispositifs médi- avons tous les outils. Minatec reçoit CNRS au 7e rang (409 demandes) PARTENARIATS “PUBLIC- développer un médicament est long et caux, tandis que nous sommes mieux ET ENFIN JAPONAIS et l’IFP Energies nouvelles au MULTIPRIVÉ“ UNIQUE AU tous les ans une quarantaine de délé- 13e rang (191 demandes). coûteux. Cependant, en dix-huit mois, à même de gérer des projets comme OU AMÉRICAINS. » gations étrangères en visite. MONDE. » une dizaine de spin off ont été créées. les cibles qui sont plus risqués. 76 l I NNOVATION RE V I E W l l I N N O V A T I O N R E V I E W l 77
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