Les coulisses d'un engagement - Raison d'être et Sociétés à mission - Entreprise et Progrès
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auteurs & contributeurs Conseil scientifique > Blin Jean-Pierre Directeur Juridique Adjoint, Groupe Arkéa > Gimenes Nathalie Présidente de Be-Concerned > Le Bars Benoît Avocat associé, Lazareff Le Bars > Faure Guillaume-Denis Avocat associé, Simmons & Simmons > Gras Guy Directeur juridique, Groupe Yves Rocher > Menais Alexandre Secrétaire Général, Groupe Atos > Schiller Sophie Professeur à l’Université Paris Dauphine > Storck Michel Professeur à l’Université de Strasbourg > Stucki Dominique Avocat associé, Cornet Vincent Ségurel > Tardivel Laurence Avocat associé, Cornet Vincent Ségurel Autres rédacteurs & contributeurs > Dambre Benoît Avocat associé, PDGB > Genin Laure Déléguée Générale Entreprise & Progrès > Guillo Yann Communication, Cornet Vincent Ségurel > Herpe François Avocat associé, Cornet Vincent Ségurel > Lepage Coralie Communication, Cornet Vincent Ségurel > Lortat-Jacob Alfred Avocat associé, Cornet Vincent Ségurel > Mansillon Emmanuel Avocat associé, Cornet Vincent Ségurel > Marchand Stéphane Journaliste > Rouquette-Térouanne Cécile Avocat associé, Cornet Vincent Ségurel Avec l’aimable collaboration d’Avistem
auteurs & contributeurs Étudiants & stagiaires > Aubert Gabrielle Stagiaire, Cornet Vincent Ségurel > Avetisyan Ani Étudiante, Master 122 Université de Paris-Dauphine > Bamba Aboubakar Ahmed Étudiant, Master 122, Université de Paris-Dauphine et Stagiaire, Cornet Vincent Ségurel > Bialek Antoine Étudiant, Master 122 Université de Paris-Dauphine > Gardic Mathilde Étudiante, Master 122 Université de Paris-Dauphine et Stagiaire, Cornet Vincent Ségurel > Kim Ye-Jin Étudiante, Master 122 Université de Paris-Dauphine et Stagiaire, Cornet Vincent Ségurel > Latour Éléonore Étudiante, Master 122 Université de Paris-Dauphine > Minger Samuel Étudiant, Master 122 Université de Paris-Dauphine > Ngnigone Mébiame Ariel Étudiante, Master 122 Université de Paris-Dauphine Crédits | photos & illustrations page de couverture (illustrations) : Freepik.com Unsplash.com Pexels.com Iconfinder.com
préface La raison d’être porte-t-elle un risque ? Avant même que les commentateurs s’interrogent sur le risque juridique qu’elle pourrait porter, certains prétendaient qu’elle posait un risque économique. Pourtant, il m’a toujours semblé que c’était plutôt l’absence de raison d’être qui posait un risque économique. La nécessité d’un changement du modèle capitaliste se constate de tous côtés. Elle répondait d’abord à une urgence climatique, elle répond aujourd’hui à une urgence sanitaire, elle répondra demain à une urgence sociale. Il est maintenant clair que ni la planète ni la société ne peuvent tenir avec des chaînes de production fractionnées, un partage de la valeur déséquilibré ou une gouvernance monochrome. Les entreprises n’ont pas attendu la loi Pacte pour le constater et surtout pour y répondre, s’engageant qui sur une réduction drastique de ses émissions de gaz à effet de serre, qui sur le refus de sous-traiter à des pays qui ne respecteraient pas les droits de l’homme, qui encore sur la consultation régulière de ses salariés. La seule incitation à laquelle elles ont répondu est celle du sens de l’histoire, porté par les citoyens, qu’ils soient salariés, clients ou investisseurs. Cette efflorescence d’initiatives était une invitation à proposer plutôt qu’à imposer : donner aux entreprises des outils juridiques pour affermir leurs engagements plutôt que des obligations uniformes qui sont souvent inapplicables au regard de la diversité des tailles et des secteurs. La création de la raison d’être, de la société à mission et de la fondation d’actionnaires sont ainsi trois étapes de l’engagement au service d’une société plus écologique et plus sociale : en fonction, l’entreprise peut rendre cet engagement public, contraignant ou éternel. Ces objets deviennent alors des opportunités économiques pour l’entreprise, un cadre qui lui permet de mettre en avant sa différence et ses valeurs. Un cadre toujours libre car chaque entreprise a ses spécificités, mais un cadre solide car la crainte d’un risque juridique ne doit pas se substituer à la crainte d’un risque économique. Comme tout nouveau dispositif, sa mise en œuvre doit être accompagnée et c’est tout l’intérêt de ce livre blanc ; mais, contrairement à de nombreux dispositifs, sa mise en œuvre doit aussi laisser une grande liberté. Car l’enjeu final, c’est bien que tous les activismes des entrepreneurs puissent trouver leur place dans l’activité de chaque entreprise. Olivia Grégoire Secrétaire d'État auprès du Ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, Chargée de l'Économie Sociale, Solidaire et Responsable
avant propos Inscrire sa raison d’être dans les statuts ou non ? Est-elle un descriptif de ses valeurs et missions actuelles ou bien correspond-elle à une vision d’avenir vers laquelle la société veut tendre ? Les objectifs doivent-ils obligatoirement être liés au social et à l’environnemental ? Quels risques et quels recours de tiers pour non-respect de la raison d’être ? Comment manager et gouverner une entreprise dotée d’une raison d’être voire d’une entreprise à mission ? Au travers d’un partenariat avec le Master 122 de Paris-Dauphine « Droit des affaires et RSE », et avec le soutien des associés de Cornet Vincent Ségurel, Dominique Stucki a ainsi pris l’initiative du lancement d’un livre blanc en vue de mettre à disposition des dirigeants le fruit d’une réflexion collective à la fois rigoureuse et pratique réunissant des experts reconnus du droit des sociétés, du droit social, du management et de la fiscalité (professeurs de droit, juristes d’entreprises, avocats d’affaires ou autres professionnels). Notre association Entreprise et Progrès est très fière de coéditer avec Cornet Vincent Ségurel cet ouvrage collectif permettant de bien illustrer notre mission qui est d’être un « think tank » mais aussi un « do tank » très pragmatique pour tous les leaders activistes qui veulent œuvrer au Bien Commun. Le lancement fin 2019 de la « Fabrique de la raison d’être », chantier permettant à la centaine de nos membres de rencontrer des décideurs engagés (Olivia Grégoire, Mathias Vicherat, etc.) mais aussi de travailler sur la mise en place effective d’une raison d’être ou d’une mission statutaire nous a permis d’identifier un vrai besoin d’une meilleure compréhension des enjeux juridiques liés à l’adoption de telles structures et principes. Ainsi, cet ouvrage intitulé « Raison d’être et risque juridique » a principalement pour ambition de servir de guide pour une rédaction statutaire maitrisée d’une raison d’être ou d’une mission et de proposer une approche sécurisée de la mise en œuvre opérationnelle de ces deux types de clauses dans le cœur de l’activité des entreprises désireuses de s’engager dans cette voie que notre association ne peut que recommander puisque depuis 50 ans, elle s’attache à montrer que le seul capitalisme possible est celui qui est inclusif du Bien Commun, où l’entreprise atteint son plein potentiel tout en bénéficiant à la société. Bonne lecture ! Marion Darrieutort & Antoine Lemarchand Co-Présidents d’Entreprise et Progrès Supervision & Présidence du Conseil scientifique : Dominique Stucki page 5
10 Introduction 12 Exposé liminaire Portée juridique de l’indication d’une raison d’être ou d’une mission dans les statuts 17 Chapitre n°1 Comment la raison d’être se définit-elle juridiquement ? > Encart par François Herpe : « Les modèles innovants de gestion de la propriété intellectuelle, préfigurateurs de la raison d’être » ; > Encart par Nathalie Gimenes : « La raison d’être de l’entreprise, plus qu’une ambition stratégique, des convictions profondes » ; > Étudiants de Paris-Dauphine : tableau comparatif de la rédaction de la raison d’être de certaines grandes sociétés. 39 Chapitre n°2 Quelles pistes pour une mise en œuvre sécurisée de la raison d’être au cœur de l’entreprise ? Enjeux juridiques de gouvernance, de management et de conformité > Encart par Laurence Tardivel : « Raison d’être : l’indispensable implication des représentants du personnel ». e. 50 Chapitre n°3 air Aspects juridiques de la société à mission m 63 Chapitre n°4 m Synthèse et recommandations générales en matière de « meilleures pratiques » so > Pour aller plus loin, réforme du droit des sociétés par la loi Pacte : quelles incidences fiscales ? 74 Annexes et bibliographie
L'objectif de ce livre blanc n’est donc pas de réaliser une analyse détaillée L’ouvrage ambitionne ainsi, au travers de et exhaustive des risques théoriques de mise en son éclairage sur des concepts et enjeux cause de la responsabilité des dirigeants en cas juridiques encore très récents, de contribuer à d’indication d’une raison d’être ou d’une mission une meilleure compréhension de ces aspects dans les statuts. par les dirigeants afin qu’ils puissent faire usage de la loi Pacte en toute sécurité. Il est Si le débat juridique sur ce thème est passionnant vraisemblable au surplus qu’une plus grande et n’est sans doute pas achevé, d’éminents maîtrise rédactionnelle par les parties prenantes professeurs de droit se sont attelés à ce travail (mandataires sociaux, associés/actionnaires, depuis la publication de la loi Pacte et seul un salariés, etc.) des statuts et des procédures de rappel succinct des principes relatifs à une action suivi et de contrôle de telles dispositions puisse, en responsabilité à l’encontre des mandataires au-delà d’une simple convergence des pratiques sociaux ou de la société sera fait à titre liminaire. de place, favoriser une élévation progressive des standards professionnels de nature à conforter Intitulé « Raison d’être et risque juridique », cet le mouvement en cours de transformation des ouvrage collectif a l’ambition plus ciblée de entreprises françaises conformément à l’esprit du répondre de manière pratique à deux types de législateur. questions fréquemment posées par les chefs d’entreprise à l’occasion de leur lecture des > Les deux premiers chapitres de cet ouvrage dispositions du code civil et du code de commerce seront consacrés à la raison d’être dont sur la raison d’être et la mission des sociétés. la définition appelle une clarification avant que les enjeux juridiques de gouvernance, de En premier lieu, il vise à permettre aux dirigeants management et de conformité ne soient examinés de surmonter les hésitations pouvant naître de au travers de sa mise œuvre opérationnelle au l’interprétation des notions clés posées par les cœur de l’entreprise. textes applicables afin de servir de guide pour la rédaction statutaire d’une raison d’être ou d’une > Le troisième chapitre traitera d’un type mission. particulier de société dotée d’une raison d’être, la société à mission, sur laquelle nombre de En second lieu, il traite des risques juridiques questions juridiques se posent. pouvant apparaître dans le cadre de la mise en œuvre opérationnelle de ces deux types de clauses. Supervision & Présidence du Conseil scientifique : Dominique Stucki page 7
Méthodologie Conseil scientifique Un Conseil scientifique composé d’éminents professeurs de droit, juristes d’entreprise et avocats, ayant bénéfi- cié de l’appui de plusieurs étudiants du Master 122 de l’Université de Paris-Dauphine (droit des affaires et RSE), s’est réuni au printemps et à l’été 2020 dans le cadre de différents ateliers et est parvenu à dégager certaines lignes communes synthétisées dans les différents chapitres de ce livre blanc. De la gauche vers la droite Sophie Schiller Alexandre Menais Agrégée des facultés de droit, professeure de droit Secrétaire Général et membre du comité de privé à l'Université Paris-Dauphine, Sophie Schiller direction générale d’Atos, Alexandre Menais exerce plusieurs responsabilités scientifiques supervise les questions de stratégie M&A et de et éditoriales. Elle est également membre de corporate governance et assume la responsabilité la Commission des sanctions de l'AMF. Elle de la direction juridique, de la conformité et est membre du comité juridique de l'ANSA, du de la politique contractuelle du groupe. Il a été conseil scientifique de l’IFA et du Family Business pleinement impliqué dans la mise en place de Network. Elle a contribué au rapport Notat-Senard. la raison d’être d’Atos en 2019 et poursuit son évolution. Michel Storck Professeur émérite de l'Université de Strasbourg, Laurence Tardivel Michel Storck y a longtemps dirigé le Master de Avocate associée et membre du comité de droit bancaire et financier. Il a écrit de nombreux direction du cabinet Cornet Vincent Ségurel, dont ouvrages en droit des sociétés et en droit elle assume en particulier la supervision de la financier, notamment en lien avec la rémunération politique RSE, Laurence Tardivel est spécialiste des dirigeants des sociétés cotées et les questions en droit social et intervient régulièrement auprès d’éthique. de chefs d’entreprises désireux de recourir aux nouveaux statuts issus de la loi Pacte. Nathalie Gimenes Nathalie Gimenes est docteure en Sciences Jean-Pierre Blin de gestion, conférencière et responsable Directeur juridique adjoint d’Arkéa, Jean-Pierre pédagogique au sein de MINES ParisTech | PSL Blin est également Expert Associé au Centre Executive Education, enseignante vacataire à Européen de Droit et d’Économie de l’ESSEC l’Université Paris-Dauphine, membre du conseil Business School. Partie prenante de certaines scientifique d’Entreprise et Progrès et Présidente initiatives de transformation managériale au sein de la société BE-CONCERNED. Ses travaux du groupe Arkéa et d’autres sociétés, il dispose de recherche s’intéressent au lien entre la d’une pratique déjà éprouvée dans la mise en responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) et les place et le suivi de structures dotées d’une raison modèles d’affaires. Elle a contribué aux réflexions d’être ou d’une mission. du rapport Notat-Senard.
Approche éditoriale Sous un angle résolument juridique, les auteurs se sont efforcés de tirer de leurs réflexions des De la gauche vers la droite conclusions aussi pratiques que possible et de formuler des avis, recommandations ou mises en garde simples et clairs aussi bien pour la rédaction Guy Gras des clauses statutaires relatives à la raison d’être et à la société à mission que pour les autres Directeur des affaires juridiques, réglementaires actes ou démarches requis dans le cadre de leur et données personnelles du Groupe Rocher, transposition au cœur de l’activité de l’entreprise. Guy Gras est aussi Président de la Fédération Française de la Franchise et dispense également des enseignements à Dauphine. Il dispose d’une expertise particulière sur la société à mission, Sondages & interviews statut pour lequel la société Yves Rocher fait figure de pionnière. des dirigeants d’entreprises Afin que l’analyse des auteurs de cet ouvrage Guillaume-Denis Faure puisse répondre aux attentes des décideurs Avocat Associé chez Simmons & Simmons, français, le témoignage de nombreux dirigeants, Guillaume-Denis Faure représente ses clients directeurs juridiques, secrétaires généraux, sur toutes questions liées à l’arbitrage et DRH, etc. sur leur compréhension du dispositif au contentieux, notamment en matière de RSE introduit par la loi Pacte et leur perception gouvernance de sociétés et intervient également de sa portée pour leur propre entreprise a pu en qualité de conseil sur des opérations de capital être recueilli dans le cadre d’un sondage investissement et de fusions et acquisitions. réalisé par des avocats du Cabinet Cornet Vincent Ségurel, des étudiants du Master 122 Benoît Le Bars de l'Université de Paris-Dauphine et des Cofondateur et associé gérant du cabinet Lazareff permanents de l’association Entreprise et Le Bars, Benoît Le Bars exerce notamment en Progrès auprès de sociétés de tailles, secteurs arbitrage international. Rédacteur d’un ouvrage d’activité et localisations géographiques divers. en droit des sociétés, il est l’auteur d’un essai sur le rôle sociétal des entreprises. Il est aussi Complété par des interviews de certains Professeur à la Vermont Law School ainsi qu'en professionnels, le questionnaire a permis de France. cerner précisément les difficultés éprouvées par les acteurs français désireux d’adopter une raison d’être et/ou une mission statutaire. Dominique Stucki Avocat Associé chez Cornet Vincent Ségurel et membre du comité stratégique, Dominique Stucki intervient en droit des sociétés, droit financier et fusions-acquisitions. Membre du jury de Finance Innovation et rédacteur d’ouvrages relatifs à l’innovation financière, Dominique Stucki a participé à la rédaction de certaines dispositions de la loi Pacte et enseigne en matière de corporate governance. Supervision & Présidence du Conseil scientifique : Dominique Stucki page 9
La loi n° 2019-486 du 22 mars 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises (dite loi « Pacte ») a eu pour objet de donner un fondement juridique à la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) dans le cadre de la gestion des sociétés. En cette matière, la France fait figure de pionnière avec "faculté l’adoption de plusieurs dispositifs audacieux reprenant les recommandations figurant dans le rapport Notat-Senard du 9 mars 2018 « Entreprise Objet collectif »1. A été introduite la pour toute société Ainsi, la RSE a été consacrée dans notre droit des sociétés à travers une « fusée à trois étages » : d’adopter une « raison > Au premier échelon, la loi impose désormais à l’ensemble d’être » en décrivant dans des sociétés françaises de prendre en compte les enjeux sociaux et environnementaux de leur activité (C. civ., art. ses statuts les principes, 1833, al. 2 nouv.) ; notamment sociaux et > Au deuxième niveau, a été introduite la faculté pour environnementaux qu’elle toute société d’adopter une « raison d’être » en décrivant entend appliquer. dans ses statuts les principes, notamment sociaux et environnementaux, qu’elle entend appliquer et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ; > Enfin, les plus engagées parmi les sociétés commerciales dotées d’une raison d’être peuvent même décider d’aller plus loin en se fixant statutairement une « mission » selon des modalités de contrôle explicitées par le décret n° 2020-1 du 1 Rapport du 9 mars 2018 « Entreprise Objet collectif » p.8. 2 janvier 2020. Les auteurs proposaient d’inscrire dans la loi la faculté pour les associés d’adopter une raison d’être statutaire ou extra-statutaire ; À l’occasion de l’anniversaire de la promulgation de la loi Pacte, plusieurs travaux ont été menés par d’éminents 2 Voir par exemple, le rapport du HCJP du 23 juillet 2020 « Responsabilité des sociétés et de leurs dirigeants en experts afin de dresser un premier bilan des apports de matière sociale et environnementale et examen des ce nouveau dispositif2. Ils ont tous relevé que la rédaction conséquences juridiques associées aux modifications apportées aux articles 1833 et 1835 du Code civil » ; parfois elliptique de la loi, en particulier sur la notion de « raison d’être » et sur la définition de la « mission » Voir également le webinaire : Raison d’être et société à mission : bilan et perspectives, un an après la loi Pacte, d’une société, pouvait faire naître des incertitudes ou des Communauté des entreprises à mission, juin 2020 ; divergences d’interprétation sur les modalités de mise en Dès janvier 2020, le Guide de l’ORSE faisait un premier œuvre du texte. panorama des innovations légales en matière de RSE : Loi Pacte et raison d’être : et si on passait à la pratique ? ; Cette analyse semble être confirmée par les dirigeants 3 Selon le rapport du Boston Consulting Group du 26 d’entreprise eux-mêmes. Ainsi, si les entreprises françaises novembre 2019, 83 % d’entre elles se trouvent dans le premier quintile des entreprises mondiales en matière de sont les championnes internationales de la performance responsabilité des entreprises ; responsable3 et considèrent, pour la plupart d’entre elles, 4 Voir le sondage d'Edelmann Intelligence – Yougov présenté que la « raison d’être » est avant tout une opportunité pour lors du lancement de la Fabrique de la Raison d’Etre aux renforcer les engagements de leur entreprise en matière Échos le 4 décembre 2019 ; sociale et environnementale (72%) et pour créer de la valeur Voir aussi Bruno de Roulhac, La raison d'être séduit le CAC dans l’intérêt général (68%)4, celles souhaitant mettre en 40, L'Agefi Quotidien, 5 juin 2019 ; œuvre les options ouvertes par la loi et répondre ainsi aux 5 Gilles Lecointre, « L’après capital » - « Le capitalisme se exigences croissantes des parties prenantes (collaborateurs meurt, vive la social-économie », p. 43 ; et clients notamment)5 déclarent se heurter à certains Voir aussi le 6ème Sommet de l’Économie, Challenges n°634 obstacles juridiques, notamment à une difficulté à cerner décembre 2019, l’interview de Pierre-André de Chalendar dans la rubrique « Capitalisme et bien commun » et celle ce que recouvrent véritablement les concepts mêmes de de Jean-Paul Aghon dans l’article « No bullshit pour les « raison d’être » et de « mission ». Millenials », p 24. Supervision & Présidence du Conseil scientifique : Dominique Stucki page 11
Exposé liminaire Nature de la responsabilité juridique encourue en cas d’indication d’une raison d’être ou d’une mission dans les statuts
Synopsis Une première question quelque peu académique que doit se poser tout chef d’entreprise envisageant de recourir à une raison d’être ou une mission concerne le champ de sa responsabilité personnelle et celui de la société en cas de violation des engagements pris dans les statuts. Dans ce cadre, il convient d’opérer une distinction entre, d’une part, la relation du dirigeant à l’égard de la société, d’autre part, la responsabilité encourue par la société elle-même vis-à-vis des tiers et, enfin, l’exposition des dirigeants envers ces derniers. Responsabilité au titre d’une méconnaissance de la raison d’être ou de la mission statutaire ne fait guère de doute. des dirigeants La souscription d’une police d’assurance à ce titre à l'égard de la société peut d’autant plus se justifier qu’elle complèterait naturellement une couverture au titre d’une L’insertion d’une raison d’être ou d’une mission éventuelle violation de l’article 1833 du code civil dans les statuts constitue un engagement relatif à la responsabilité « de droit commun » juridique et est de nature à créer de réelles relatif à l’impact social et environnemental de obligations pour les dirigeants même si leur toute société. portée pratique dépendra de différents facteurs (précision des orientations, etc.). Certains À noter que certains auteurs estiment, sur la parlementaires ou membres d’associations base de la jurisprudence financière, que les professionnelles avaient laissé entendre que sociétés offrant leurs titres au public encourent l’indication d’une raison d’être et/ou d’une également un risque de sanction administrative mission statutaire n’exposait pas la société à pour information mensongère7. Ainsi, les des recours d’associés ou de tiers en cas de rubriques présentant en détail la raison d’être et défaillance dans l’exécution de ces dispositions la mission dans la documentation institutionnelle puisque, précisément, elle procédait d’un acte (prospectus, rapport financier annuel, document volontaire et non d’une obligation légale. Cette d’enregistrement universel) devront être rédigées lecture semble avoir été favorisée par une formule avec un soin particulier afin de parer à tout risque de du rapport Notat-Senard, citée elle-même dans fausse information (C. mon. fin., nouv. art. L. 465- l’exposé des motifs de la loi Pacte, suggérant que 3-2). Par ailleurs, les politiques de rémunération la stipulation d’une raison d’être ne serait qu’« une des dirigeants devront, dans la mesure du indication qui mérite d’être explicitée, sans pour possible, tenir compte de leur performance extra- autant que des effets juridiques précis y soient financière au regard des orientations statutaires8. attachés ». En outre, une violation de la raison d’être ou Elle est toutefois contestée par la quasi-totalité de de la mission apparaît être de nature à justifier la doctrine qui estime que la méconnaissance par la révocation du dirigeant, y compris dans les un dirigeant d’une clause statutaire sur la raison sociétés où une cause légitime ou un juste motif d'être - et a fortiori sur une mission - est de nature sont nécessaires. En revanche, la nullité des actes à engager la responsabilité du dirigeant à l'égard et délibérations sociales ne peut pas résulter de la société et des associés6.La rédaction des d’une violation des dispositions relatives à la articles 1850 du code civil et L. 225-251 du code de raison d’être ou à la mission (C. civ. art. 1844-10 commerce, qui énoncent que « les dirigeants sont al. 39 ; C. com. art. L 235-1). responsables individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, […] de la violation des statuts […] » ne laisse aucune 6 En ce sens : Mémento Sociétés commerciales 2020, n°921 ; Alain place au doute sur ce point. Viandier, La raison d’être d’une société (C. civ. art. 1835), BRDA 10/19 du 17 mai 2019 ; Isabelle Urbain-Parleani, L'article 1835 et la raison d'être, Revue des sociétés 2019, p.575 ; Au demeurant, s’agissant de la raison d’être, la loi Pacte a elle-même mis à la charge des membres 7 Isabelle Urbain-Parléani, La raison d’être des sociétés dans le projet de loi Pacte du 19 juin 2018, Rev. sociétés 2018, p. 623 s., spéc. N° 4 ; du conseil d’administration ou du directoire des sociétés anonymes l’obligation de prendre en 8 En ce sens : Alain Viandier, La raison d’être d’une société (C. civ. art. 1835), BRDA 10/19 du 17 mai 2019 ; considération la raison d’être lorsque celle-ci est définie dans les statuts (C. com. art. L. 225-35 et 9 Art. 1844-10 al 3 c. civ. « La nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative L. 225-64). Ainsi, la possibilité pour les associés du présent titre, à l'exception du dernier alinéa de l'article 1833, ou de l'une d’une société de mettre en cause les dirigeants des causes de nullité des contrats en général ». Cornet Vincent Ségurel x Entreprise et Progrès page 13
Responsabilité de la société à l'égard des tiers La responsabilité d’une société ayant procédé à l’introduction d’une raison d’être ou d’une mission dans les statuts vis-à-vis des tiers est encore incertaine en l’absence de jurisprudence sur le sujet. Page précédente : Art. L. 235-1 c. com. « La nullité d'une société ou d'un acte Il semble toutefois qu’une société ayant agi modifiant les statuts ne peut résulter que d'une disposition expresse du pré- sent livre ou des lois qui régissent la nullité des contrats. En ce qui concerne en contrariété avec les engagements sociaux les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions, la nullité ou environnementaux qu’elle a formulés de la société ne peut résulter ni d'un vice de consentement ni de l'incapacité, à moins que celle-ci n'atteigne tous les associés fondateurs. La nullité de la officiellement en des termes précis dans des société ne peut non plus résulter des clauses prohibées par l'article 1844- statuts publiés et accessibles à tous pourrait voir 1 du code civil. La nullité d'actes ou délibérations autres que ceux prévus à l'alinéa précédent ne peut résulter que de la violation d'une disposition sa responsabilité engagée par des tiers. impérative du présent livre, à l'exception de la première phrase du premier alinéa de l'article L. 225-35 et de la troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 225-64, ou des lois qui régissent les contrats, à l'exception du Cela concerne en premier lieu des investisseurs dernier alinéa de l'article 1833 du code civil. » ; (par exemple des fonds ESG / ISR) qui seraient 10 En ce sens, rapport du HCJP du 23 juillet 2020 « Responsabilité des en mesure de démontrer le triptyque classique sociétés et de leurs dirigeants en matière sociale et environnementale de la responsabilité, c’est-à-dire la faute, le lien et examen des conséquences juridiques associées aux modifications apportées aux articles 1833 et 1835 du code civil » ; de causalité et le préjudice (étant observé, sur ce 11 dernier point, que les juges pourraient prendre en T. corr. Paris. 26 février 2020, voir Dominique Stucki, Affaire Helvet Immo, le rempart de la responsabilité sociétale, 20 mars 2020, Agefi ; compte le fait que la société défaillante a souhaité 12 tirer un profit de sa communication institutionnelle Article L. 225-252 du code de commerce : « Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les actionnaires peuvent, soit par l’attraction de ce type d’actionnaires)10. individuellement, soit par une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre À noter que, même si une décision les administrateurs ou le directeur général. Les demandeurs sont habilités d’investissement est prise sur la base à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société, à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués. » ; d’informations trompeuses données par la 13 société, la jurisprudence tend à indemniser Cass. Com. 9 mars 2010 n°08-21.793, Bull. 2010, IV, n° 48 ; les investisseurs lésés sur la base de la seule 14 Le 26 février 2020, une filiale de BNP Paribas a été condamnée sur perte de chance d'investir ses capitaux dans un ce fondement par le Tribunal correctionnel de Paris à une amende de 187.500 euros et des dommages et intérêts pour 2.300 emprunteurs, autre placement11. Rappelons également que partie civile compris entre 10.000 et 20.000 euros par personne, au titre lorsque les demandeurs sont des actionnaires du préjudice moral et 40.000 et 60.000 euros au titre du préjudice financier, au remboursement des frais de justice (deux associations de minoritaires, ils peuvent, alternativement à une consommateurs ayant aussi obtenu chacune plus d'un million d'euros procédure ayant pour objet l’indemnisation du au titre de l'atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs). Une telle infraction est passible de peines principales d’emprisonnement de deux préjudice qu’ils ont subi personnellement, décider ans et d’une amende de 300.000 euros (le montant de l’amende pouvant d’intenter, sous certaines conditions, une action être porté dans certaines conditions à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité collective au nom de la société dite « ut singuli »12. ou de la pratique constituant le délit et de peines). Au vu de certaines décisions récentes des juges du fond13, le préjudice indemnisable devrait pouvoir être bien supérieur si le plaignant est un consommateur, notamment un client, et s’il est en mesure de se prévaloir d’une pratique commerciale trompeuse matérialisée par la violation des engagements pris par la société (article L121-2 du code de la consommation)14.
Pour les clients professionnels d’une société De fait, les organisations non gouvernementales, ayant opté pour une raison d’être ou une et plus particulièrement les associations, mission, voire pour ses fournisseurs, il serait représentent la principale source de contentieux théoriquement possible de rechercher la potentiel pour les sociétés qui se livreraient responsabilité de cette dernière, notamment si le à une communication sociétale sans rapport respect des statuts figure parmi les engagements avec la réalité de leur activité, d’autant que RSE auxquels elle est contractuellement tenue, la jurisprudence tend à élargir leur capacité pratique qui demeure cependant rare à ce jour, d’action lorsque la défense de l’intérêt général semble-t-il. En dehors de cette hypothèse, la entre dans leur objet social et que, en matière violation pourrait peut-être être analysée comme environnementale, l’article L. 142-2 du code de caractérisant un acte de concurrence déloyale l’environnement reconnaît expressément un pouvant être attaqué sur le fondement de l’article intérêt à agir aux associations agréées ou créées 1240 du code civil par d’autres entreprises du depuis au moins cinq ans à la date d'introduction secteur qui subiraient par exemple une perte de de l'instance qui ont pour objet la protection de la clientèle, mais une telle action se heurterait sans nature et la défense de l'environnement17. doute à une difficulté probatoire en matière de dommage et de lien de causalité15. Toutefois, Ainsi, la société pourrait, en principe : se voir l’annulation de l’acte pour contrariété avec les opposer judiciairement par différents tiers une statuts de la société semble exclue. Ainsi, dans contrariété entre son activité et la raison d’être ou la majorité des cas, l’exposition réputationnelle la mission exposée dans les statuts18 même si les de l’entreprise demeure sans doute sa première conditions de réparation du dommage en résultant source de risque. varient selon la qualité des parties prenantes. De même, concernant la relation avec les salariés, la préservation de la « marque employeur » constitue naturellement une préoccupation 15 En ce sens, rapport du HCJP du 23 juillet 2020 « Responsabilité des essentielle des groupes français choisissant de sociétés et de leurs dirigeants en matière sociale et environnementale se positionner statutairement au plan de leur et examen des conséquences juridiques associées aux modifications apportées aux articles 1833 et 1835 du Code civil » ; impact social et environnemental. Au plan 16 judiciaire, le non-respect des prérogatives Voir chapitre 2 du livre blanc ; des instances représentatives du personnel, 17 Article L. 142-2 C. envir. : « Les associations agréées mentionnées à notamment du Comité Social et Économique l'article L. 141-2 peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts (CSE), en matière de définition des engagements collectifs qu'elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction sociétaux de l’entreprise pourrait aboutir à une aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l'environnement, à l'amélioration du cadre de vie, à la protection de l'eau, condamnation de l’employeur16. de l'air, des sols, des sites et paysages, à l'urbanisme, à la pêche maritime ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances, la sûreté nucléaire et la radioprotection, les pratiques commerciales et les publicités Concernant des tiers n’ayant aucune relation trompeuses ou de nature à induire en erreur quand ces pratiques et publicités contractuelle avec la société, toute action en comportent des indications environnementales ainsi qu'aux textes pris pour leur application. Ce droit est également reconnu, sous les mêmes responsabilité délictuelle pourrait se heurter à conditions, aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq une irrecevabilité en cas de défaut d’intérêt à agir ans à la date des faits et qui proposent, par leurs statuts, la sauvegarde de tout ou partie des intérêts visés à l'article L. 211-1, en ce qui concerne les avant même un examen au fond d’une demande faits constituant une infraction aux dispositions relatives à l'eau, ou des fondée sur l’article 1240 du code civil. intérêts visés à l'article L. 511-1, en ce qui concerne les faits constituant une infraction aux dispositions relatives aux installations classées » ; Aussi, il importera que le demandeur puisse faire 18 Alain Viandier, La raison d’être d’une société (C. civ. art. 1835), BRDA 10/19 du 17 mai 2019. valoir un préjudice personnel à moins qu’il soit membre d’une association de victimes d’abus incluant ceux résultant d’une violation des engagements statutaires de la société concernée et que celle-ci sollicite la réparation du dommage résultant de l'atteinte portée aux intérêts collectifs de ses membres. Cornet Vincent Ségurel x Entreprise et Progrès page 15
Responsabilité des dirigeants à l'égard des tiers À l'égard des tiers, en application d’une jurisprudence bien établie, la responsabilité des dirigeants ne peut être engagée que s'ils ont commis une faute séparable de leurs fonctions et qui leur soit imputable personnellement19. En l’espèce, on n’imagine guère qu’à travers une simple violation de la raison d’être ou de la mission statutaire, il soit possible d’établir qu’un dirigeant ait commis intentionnellement une faute incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales20. Aussi, en l’état actuel de la jurisprudence et sauf preuve d’une tromperie21, fraude22, défaillance délibérée ou irrégularité volontaire23 de la part des dirigeants, il est vraisemblable que les tiers ne pourront obtenir réparation de leur préjudice qu'en agissant en responsabilité contre la société. Quel que soit l’angle d’une action en responsabilité, tant les dirigeants exécutifs que les membres des organes d’administration ou de contrôle devront être attentifs à la définition qu’ils donneront tant à la raison d’être (chapitre 1) qu’aux modalités de sa mise en œuvre opérationnelle (chapitre 2), a fortiori lorsque celle-ci se double d’une mission statutaire (chapitre 3). 19 Voir notamment, Cass. com. 27 janvier 1998 ; 20 En ce sens, François-Denis Poitrinal – Bastien Brignon, La révolution culturelle du droit des sociétés – vers l’entreprise citoyenne, RB Edition, 2019, p. 265 ; 21 Cass. com. 20-5-2003 ; 22 Cass. com. 15-3-2017 ; 23 Cass. 1e civ. 16-11-2004.
01 01 définition de la raison d'être Cornet Vincent Ségurel x Entreprise et Progrès page 17
01 Comment la raison d’être se définit-elle juridiquement ? L’article 1835 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi Pacte, dispose : « Les statuts doivent être établis par écrit. Ils déterminent, outre les apports de chaque associé, la forme, l'objet, l'appellation, le siège social, le capital social, la durée de la société et les modalités de son fonctionnement. Les statuts peuvent préciser une raison d'être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ». Alors que la définition d’une raison d’être n’est pas en soi un objet nouveau et que des sociétés telles que Danone ou la CAMIF24 ont adopté une raison d’être avant la promulgation de la loi Pacte, l’introduction de ce concept dans notre droit répond, conformément au rapport Notat-Senard du 9 mars 2018 « Entreprise Objet collectif », à l’objectif fondamental de "deRepenser la place l’entreprise dans repenser la place de l’entreprise dans la société en la valorisant comme objet d’intérêt collectif. Le Ministre de l’Économie et des Finances a affirmé que « l’entreprise occupe désormais une place essentielle dans la société, elle a une dimension environnementale, elle a une dimension sociale et la société en la elle ne se résume pas à la réalisation de profits »25. L’étude d’impact de valorisant comme la loi Pacte relève que l’introduction de la raison d’être a une vocation de clarification de pratiques déjà existantes dans certaines sociétés qui objet d’intérêt miserait sur le fait que les nouvelles mentions statutaires s’inscrivent dans collectif. la réalisation de l’objet social, dont le régime juridique est précis et connu26, démarche d’autant plus utile a priori que le Conseil d’Etat a eu l’occasion d’observer que la notion était « inédite dans la législation comme dans la jurisprudence »27. Toutefois, en énonçant qu’une raison d’être est « constituée des principes 24 Emeric Jaquillat, Le ecommerce dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des à visage humain, Revue Décideurs moyens dans la réalisation de son activité », la rédaction de la seconde Leadership et Entreprise, Raison d’être, la révolution est enclenchée, phrase du nouvel article 1835 du code civil laisse une grande marge mars 2020, p. 40 ; d’appréciation aux acteurs sur la définition de ce concept. Même la notion 25 L’article 1835 et la raison d’être - Isabelle de « principe » peut donner lieu à discussion : Urbain-Parleani, Revue des sociétés 2019, p.575, n° 2 ; > la raison d’être se réfère-t-elle à une histoire de la société et peut-elle 26 Étude d’impact de la loi Pacte, p. 545 ; alors se contenter de décrire les valeurs répondant à l’activité traditionnelle 27 Avis du Conseil d’État sur un Projet de loi de la société ou traduit-elle davantage une vision d’avenir vers laquelle la relatif à la croissance et la transformation société souhaite tendre ? des entreprises, n°394.599 et 395.021, 14 juin 2018, point 105 ; 28 > les sociétés dotées d’une raison d’être doivent-elles nécessairement A. Tadros, Regard critique sur l’intérêt social et la raison d’être de la société dans le projet mener des actions d’ordre social ou environnemental, ainsi que les premier de loi Pacte, Recueil Dalloz 2018, p. 1765. et troisième étages de la « fusée » semblent l’induire, ou bien peuvent-elles viser d’autres préoccupations telles que le développement économique des territoires ou le respect de normes éthiques, par exemple ? La doctrine s’est montrée assez critique sur la définition légale de la raison d’être28. De fait, en l’absence de notion claire, la pratique a déjà vu apparaître une diversité de conceptions pouvant favoriser le recours, aux côtés d’engagements précis et authentiques, des formulations vides de contenus ou des slogans publicitaires déconnectés de l’esprit du législateur. Afin de donner quelques lignes directrices permettant à toute société de définir « sa » raison d’être (1.2), une clarification de la notion juridique de « la » raison d’être semble indispensable (1.1).
Questions autour de la définition de la raison d'être Sondage adressé à environ 250 dirigeants, directions juridiques, DRH & responsables RSE, entre avril et juillet 2020 Question n°1 À votre avis, une raison d'être entendue comme « constituée des notion parfaitement 66.7% claire et précise principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle notion appelée à être 33.3% entend affecter des moyens dans la clarifiée et/ou précisée réalisation de son activité » (article 1835 du Code civil de la loi Pacte) est-elle une notion claire et précise ? des valeurs existantes 14 (93.3%) Question n°2 des valeurs nouvelles 11 (73.3%) des objectifs de performance À votre avis, une raison d'être financière 5 (33.3%) entendue comme « constituée des objectifs de performance des principes dont la société se 9 (60%) sociale dote et pour le respect desquels des objectifs de performance elle entend affecter des moyens environnementale 8 (53.3%) dans la réalisation de son activité » d'autres types d'objectifs fait référence à : extrafinanciers 7 (46.7%) (choix multiples possibles) 0 5 10 15 de la souplesse souhaitée par le 9 (60%) législateur d'une définition trop floue 8 (53.3%) Question n°3 d'une insuffisante concertation entre 0 (0%) Les premières sociétés ayant professionnels du droit communiqué sur leur raison de la volonté de certaines entreprises d'être semblent avoir retenu des de réduire leur exposition juridique 6 (40%) approches différentes pour la par une rédaction prudente/peu engageante rédaction de leurs statuts. Est-ce, à votre avis, la de la possibilité laissée par le texte conséquence : (choix multiples d'utiliser la raison d'être comme possibles) un outil de communication sans 5 (33.3%) engagement de transformation interne 0 2 4 6 8 10 Cornet Vincent Ségurel x Entreprise et Progrès page 19
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