Les Crises sanitaires Le concept: " Un Monde, une seule Santé " - Académie nationale de Pharmacie 3 Avril 2013 André L. PARODI

Les Crises sanitaires
         Le concept:
« Un Monde, une seule Santé »

    Académie nationale de Pharmacie
             3 Avril 2013
          André L. PARODI
          Professeur émérite

Introduction
 Au cours des deux dernières décennies, le monde a
connu, en moyenne, au moins une maladie émergente
extensive par an.

  Plus de 50 agents pathogènes nouveaux ont été
identifiés chez l’Homme depuis 30 ans.
> 75% d’entre eux sont d’origine animale. (CDCP,
Atlanta).

  Les maladies provoquées par des agents infectieux
(Bactéries, Virus, Prions) ou parasitaires, sont
connues sous le nom de Zoonoses (Virchow).

Selon l’Organisation mondiale de la Santé,
les zoonoses se définissent comme :

« des maladies et/ou des infections qui se
transmettent naturellement des animaux (vertébrés)
à l’Homme et réciproquement ».

Zoonoses
Depuis les origines de l’humanité et surtout depuis la
domestication animale (9 000 à 8 000 av JC),
de nombreux agents pathogènes des animaux – virus,
bactéries, parasites et plus récemment prions – se sont
adaptés à un environnement plus favorable et ont
colonisé les êtres humains.

Zoonoses
   61% des 1407 agents pathogènes – microbiens et parasitaires - pour l’homme
    sont d’origine animale:
    Rougeole (Bovins), Oreillons (Porc?), Diphtérie (Ruminants domestiques),
    Coqueluche (plusieurs espèces de Mammifères), Tuberculose (Ruminants), Variole
    (Chameau ?), Dengue (singes africains), Fièvre jaune (singes africains),
    Tatou (Lèpre zoonotique),…

    75% des maladies nouvellement apparues sont provoquées par des agents
    infectieux d’origine animale:

    SIDA (Chimpanzé et Mangabey), Encéphalopathie spongiforme bovine (Bovins),
    Grippes (Oiseaux aquatiques), SRAS (Chauves Souris), Trypanosomiases à T. cruzi
    (plusieurs espèces de Mammifères), à T. brucei (Ruminants sauvages et domestiques),…

   Des bactéries pathogènes multirésistantes aux antibiotiques (BMR) et d’origine
    animale ont été sélectionnées:
    Staphylocoques résistants à la Méticilline = SARM ( Souche CC398 chez Bovins, volaille
    et Porc), ...

Zoonoses

Leur impact sanitaire, social et économique dépend:

    de la fréquence de la maladie de l’Homme
     (SIDA),
    du risque de contagion interhumaine (Grippes),
    de l’extension géographique (Grippes, SRAS,
     West Nile),
    de la taille des populations cibles (SIDA,
     Grippes, ..)
    du coût de la prévention et de la surveillance.

Zoonoses

 A côté des Zoonoses qui résultent d’un
 contact direct entre un animal et/ou son
 environnement et l’Homme,
 les Zoonoses d’origine alimentaire tiennent
 une grande importance.
 Elles seraient à l’origine, chaque année,
 de 2 milliards de malades dans le monde et de 2 millions de
 décès (OMS).

A la faveur des crises sanitaires, dont certaines de
nature pandémique, une véritable mobilisation
internationale s’est mise en place.
 Le concept
             « One World, one Health »
             Un Monde, une seule Santé
                                       s’est imposé.

  Il associe les acteurs de la gouvernance de la santé de
l’Homme, de la santé des Animaux ainsi que ceux du
maintien des écosystèmes et de la Biodiversité.

Les questions qui seront abordées.

 Quelles sont les conditions qui favorisent les risques
  d’épidémies d’origine animale, leur apparition et leur
  diffusion?

 Quels sont les acteurs capables de se mobiliser en vue
  de les maîtriser?

 A la faveur de quelles stratégies?
                      ________________

Conditions qui favorisent l’ apparition des
épidémies et leur diffusion.

 Des bouleversements dans les populations
  humaines et l’apparition de nouveaux
  comportements.
 Des évolutions dans les modes d’élevage des
  animaux.
 Des perturbations environnementales.
 Des altérations de la diversité biologique

Des bouleversements dans les populations
humaines et de nouveaux comportements. (1)
  Accroissement de la population mondiale,
  = 6,793 milliards en 2010,
    elle pourrait atteindre 10,1 milliards vers 2030.
  Urbanisation,
  = 47% de la population mondiale en 2010; 60% en 2030.
  Vieillissement,
    en France entre 1900 et 2000 l’ EV a passé de 48 ans
    à 79 ans (65% en un siècle!)
  Immunodépression (HIV, greffes d’organes).

Des bouleversements dans les populations
humaines et de nouveaux comportements. (2)
 Multiplication des déplacements :
    = plus de 4 000 milliards de passagers/km en 2010,
    = plus de 12 000 milliards prévus en 2030!
 Rapidité des déplacements :
   - les agents pathogènes peuvent désormais circuler dans
  des délais plus courts que la période d’incubation moyenne
  des maladies.
   - les vecteurs (Moustiques) voyagent aussi!

Des bouleversements dans les populations
humaines et de nouveaux comportements.(3)
 Une demande croissante en produits carnés, laitiers
  et en ovoproduits:
  - dans le monde, entre 1960 et 2010, la consommation de
  viande par individu et par an, est passée de 23 kg à 42 kg.
  - les échanges commerciaux représentent 15% de la
  production mondiale de viande, soit 25 millions équivalent-
  carcasses par an, toutes espèces confondues.
  - 40% du commerce des produits d’origine animale,
  agricole, de la pêche et de la forêt, se font entre pays en
  développement et pays développés.

Des bouleversements dans les populations
humaines et de nouveaux comportements.(4)
 La multiplication des contacts avec des espèces
  animales (les NAC «nouveaux animaux de
  compagnie»)
  Chaque année :
    - 4 millions d’oiseaux de volière,
    - 650 000 reptiles,
    - 40 000 primates …
  sont commercialisés (le trafic illicite représente environ
   20 milliards € /an)

Des bouleversements dans les populations
humaines et de nouveaux comportements.(6)
 Conflits régionaux, crises politiques,
famines, par les mouvements et
les concentrations souvent précaires
de populations et souvent d’animaux
qu’ils provoquent, sont autant de situations
particulièrement à risque.

Selon le Haut Commissariat des Nations-Unies
pour les réfugiés (20 Juin 2011):
15,4 millions de réfugiés étaient dénombrés
à travers le monde en 2010.

Des évolutions dans les modes d’élevage
des animaux.(1)

 Environ 21 milliards d’animaux destinés
à la consommation humaine ont été élevés
en 2008.

Il s’agit de plus en plus d’élevages
à haute densité et forte uniformité
de sexe, d’âge et souvent génétique.

Des évolutions dans les modes d’élevage
des animaux.(2)

 Antibiothérapie, Antibiosuppléance et
 Antibiorésistance.

Des perturbations environnementales.(1)

 Le réchauffement climatique ?
     Il peut influencer l’aire d’expansion de certains vecteurs:

    - L’aire d’extension de la Maladie du sommeil
     pourrait s’accroître de 60% d’ici 2100 (Tsé Tsé):
      + 50 à 60 Millions de personnes.
    La déforestation
    - La Fièvre hémorragique du Vénézuela
     et le virus « guanarito » (Rongeurs) en 1989.
    - Le Nipahvirus en Malaisie.
 Les travaux d’irrigation
    Le grand barrage d’Assouan et la réémergence
    de la fièvre de la vallée du Rift (pullulation des moustiques)
    en 1977.

Des perturbations environnementales.(2)
 Les altérations de la biodiversité:
  Depuis 1970, alors que plus de 300 nouvelles maladies
  infectieuses sont apparues, on a constaté le déclin de 30%
  environ de nombreuses espèces animales (Oiseaux,
  Amphibiens, Reptiles, Poissons, Mammifères,…)

  Quelle relation entre les deux mouvements?
  Histoire de la Maladie de Lyme,
  de l’Opossum et de
  la Souris à pattes blanches!

Quels sont les acteurs capables de se
 mobiliser en vue de maîtriser les
       risques d’épidémies?

 A la faveur de quelles stratégies?

« Bien public mondial », la sécurité sanitaire doit être appréhendée à
l’échelon de la planète et dans une perspective globale intégrant:
        santé humaine, santé animale et environnement.

                         Santé humaine

                      Sécurité sanitaire
                       la sécurité sanitaire

            Santé animale              Environnement

Rompre la « chaîne épidémiologique »:

      Réservoirs (animal ou environnemental)

      Matières virulentes (salive, déjections,
               expectoration, sang,..)

 Vecteurs animés (insectes,…) ou inanimés (eaux,..)

                      Hôtes
                      Hôtes

Dès 1995 l’OMS a adopté une résolution
  recommandant la détection des nouvelles maladies
      infectieuses émergentes ou réémergentes.

Plusieurs Institutions nationales ou supranationales se
       sont dotées de programmes spécifiques.

Les Fondateurs du concept « One Health »
                 (2008)

                 UNSIC

Quelles sont les mesures à mettre en oeuvre?
 Elles sont nécessairement de portée générale:
     - épidémio-surveillance à l’échelle internationale,
     - dépistage précoce,
     - mesures classiques de prophylaxie: vaccination,
  interdiction de circulation, contrôle aux frontières et
  embargo, abattage…,

 Elles doivent être appliquées:
    - le plus rapidement possible, et aussi longtemps que
  nécessaire,
    - aux niveaux local, national, régional et mondial,
    - simultanément dans plusieurs régions du Monde.
 Elles doivent intégrer des considérations économiques:
    - Coût des indemnisations aux éleveurs (abattage et
  vaccination, embargo…)

Le règlement sanitaire international (RSI)
2005
 déclaration rapide des Maladies infectieuses

 GOARN (Global Outbreak Alert and Response Network)
 120 pays

Organisation mondiale de la Santé animale

Créé en 1924 (Emmanuel Leclainche)
                 174 Pays et Territoires membres
                 120 Centres collaborateurs et
                     Laboratoires de référence

« La surveillance et le contrôle des épidémies animales (épizooties)
              reposent sur des actions à entreprendre
           aux niveaux local, national, régional et mondial
   sur la base de lignes directrices définies au niveau mondial. »

   Ses Missions :
      Garantir la transparence de la situation des maladies animales
    dans le monde.
      (cette information concerne aussi les Maladies transmissibles à l ’Homme)
     Le Système mondial d’information zoosanitaire (WAHIS) et la
    banque de données mondiale d’informations sanitaires (WAHID).

 Collecter, analyser et diffuser l’information scientifique
  vétérinaire.

 Fournir son expérience et stimuler la solidarité internationale
  pour le contrôle des maladies animales.
    (y compris les Maladies transmissibles à l ’Homme)

Le réseau d’expertise sur les Infuenzas
animales (OFFLU)

Identification des souches de virus Influenza d’origine
animale et transmission à L’OMS en vue de la
préparation urgente de vaccins à usage humain en cas
de menace de pandémie.

Le système d’alerte précoce et de réaction
rapide pour les Maladies animales
transmissibles à l’Homme :
Global Early Warning and Response System
for Major Animal Diseases including
Zoonosis

Union européenne (EU)

  La Directive 2003/99/CE du Parlement européen et du
  Conseil, du 17 Novembre 2003, sur la surveillance
  des zoonoses et des agents zoonotiques.
 Elle régit :
- - La surveillance des zoonoses et des agents zoonotiques,

- - L’échange d’informations concernant les zoonoses et les agents
  zooonotiques.
- - L’étude épidémiologique des foyers de toxi-infection
  alimentaire,
                                  .

« Les réseaux sociaux s’invitent à la veille sanitaire ! »
(A. Flahault, 2013)

(Declean B, Nature,
13 Fevrier 2013)

Conclusion (1)

Face à l’apparition , sans cesse renouvelée, de
maladies émergentes ou ré-émergentes, voire de crises
sanitaires mondiales, majoritairement d’origine
animale,
 un concept de globalisation des moyens de détection et
de contrôle de ces épidémies s’est mis en place.

Connu sous l’appellation « One Health », ce concept
associe les médecines humaine et animale et les
organismes en charge de notre environnement.

Conclusion (2)

Désormais opérationnel et en cours d’expansion
grâce aux accords existants entre les grands
organismes de santé humaine (OMS, FAO) et
animale (OIE) , il permet et permettra avec une plus
large efficacité de prévenir et de combattre ces
nouvelles épidémies.

Conclusion (3)

A chaque niveau d’action, un effort particulier doit
être porté sur la communication, notamment sur
celle des facteurs de risque et les conséquences
socio-économiques.

Conclusion (4)
La formation des futurs professionnels de Santé:
- Décloisonner les formations des Médecins,
Vétérinaires, Pharmaciens, Ingénieurs,.. de manière
à mieux intégrer la préparation à la connaissance
des risques sanitaires d’origines animale et
environnementale (épidémiologie, médecines
humaine et animale, socio-économie).
- Dès le premier cycle, l’organisation de sessions
communes de formation seraient de nature à
développer une meilleure connaissance mutuelle et
interprofessionnelle.