LES DAMNÉS Luchino Visconti Nicola Badalucco et Enrico Medioli - Ivo van Hove - Comédie-Française

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LES DAMNÉS Luchino Visconti Nicola Badalucco et Enrico Medioli - Ivo van Hove - Comédie-Française
LES
      DAMNÉS
                         d’après

        Luchino Visconti
       Nicola Badalucco
         et Enrico Medioli

                   Mise en scène
                  Ivo van Hove
LES DAMNÉS Luchino Visconti Nicola Badalucco et Enrico Medioli - Ivo van Hove - Comédie-Française
Didier Sandre Baron Joachim                           Séquences filmées :
LES DAMNÉS                                                                    von Essenbeck                                         Basile Alaïmalaïs, Sébastien
d’après le scénario de Luchino Visconti,                                      Anna Cervinka Olga                                    Baulain, Fred Colas, Stéphane
                                                                                                                                    Daublain, Mathieu Demars,
Nicola Badalucco et Enrico Medioli                                            Christophe Montenez Martin
                                                                              von Essenbeck                                         Antoine Formica, Thomas
                                                                                                                                    Gendronneau, Axel Granberger,
                                                                              et                                                    Romain Grard, Ghislain Grellier,
                                                                              Sébastien Baulain Janeck                              Luca Gucciardi, Valentin Johner,
Mise en scène                                                                                                                       Simon Larvaron, Yannick Laurent,
                                                                              Comédiens de l’académie de la
Ivo van Hove                                                                  Comédie-Française                                     Ludovic Le Lez, Oscar Lesage,
                                                                              Peio Berterretche, Thomas Keller,                     Guillaume Maréchal, Franck Micque,
20 mars > 2 juin 2019                                                         Olivier Lugo                                          Nicolas Orlando, Léo Reynaud,
Spectacle créé le 6 juillet 2016 au Festival d’Avignon                        et                                                    Joffrey Roggeman, Jules Sagot,
et repris le 24 septembre 2016 Salle Richelieu                                Basile Alaïmalaïs, Thomas                             Dennis Silence Van de Weghe,
                                                                              Gendronneau, Tom Wozniczka                            Stephen Tordo, Victor Veyron,
durée 2h10 sans entracte                                                                                                            Tom Wozniczka
                                                                              Six hommes en noir
Scénographie et lumières               Avec                                   Rose Delloye*(M), Inès de
Jan Versweyveld                        Sylvia Bergé la Gouvernante            Kergorlay*(M), Marie de Thieulloy*                    Bande originale interprétée par
Costumes                               et la Mère de Lisa                     Erika                                                 BL!NDMAN [sax] : Koen Maas,
An D’Huys                              Éric Génovèse Wolf von Aschenbach      Margaux Billette*(M), Océane                          saxophone soprano ; Roeland
                                                                              de la Houplière*, Louise Le Riche*                    Vanhoorne, saxophone alto ;
Vidéo                                  Denis Podalydès Baron Konstantin                                                             Piet Rebel, saxophone ténor ;
Tal Yarden                             von Essenbeck                          Thilde
                                                                                                                                    Raf Minten, saxophone baryton
Musique originale et                   Alexandre Pavloff* le Commissaire       Joséphine Ballu*(M), Prune Bozo*,
                                                                              Julia Troussieux*(M) Lisa                             * en alternance
concept sonore                         et le Recteur                                                                                (M) Maîtrise des Hauts-de-Seine
Eric Sleichim                          Guillaume Gallienne Friedrich          Vadim Alsayed*, Kristy Baboul*,
Dramaturgie                            Bruckmann                              Céline Baril*, Mathieu Gaudet*
Bart Van den Eynde                                                            cadreurs
                                       Elsa Lepoivre Baronne Sophie von
Assistanat à la mise en scène          Essenbeck                              Claire Cohen maquilleuse
Laurent Delvert                                                               (en scène)
                                       Loïc Corbery* Herbert Thallman
Assistanat à la scénographie                                                  Magdaléna Calloc’h (costumière
                                       Pierre Louis-Calixte* le Commissaire   de l’Académie), Blandine Achard
Roel Van Berckelaer                    et le Recteur                          habilleuses (en scène)
Assistanat aux lumières                Adeline d’Hermy Elisabeth Thallman
François Thouret
                                       Clément Hervieu-Léger Günther
Assistanat au son                      von Essenbeck
Lucas Lelièvre                                                                Avec l’aimable autorisation de L’Avant-Scène Cinéma   La Comédie-Française remercie M.A.C COSMETICS I
                                       Sébastien Pouderoux* Herbert           Texte paru à L’avant-scène théâtre en juillet 2016    Champagne Barons de Rothschild I Baron Philippe
                                       Thallman                               Le décor et les costumes ont été réalisés dans        de Rothschild SA
                                                                              les ateliers de la Comédie-Française                  Réalisation du programme L’avant-scène théâtre
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LA TROUPE
       les comédiens de la Troupe présents dans le spectacle sont indiqués par la cocarde

                                                                                                                Clotilde de Bayser   Jérôme Pouly           Laurent Stocker      Guillaume Gallienne

SOCIÉTAIRES

                                Claude Mathieu                     Martine Chevallier       Véronique Vella     Laurent Natrella     Michel Vuillermoz      Elsa Lepoivre        Christian Gonon

Thierry Hancisse                Anne Kessler                       Cécile Brune             Sylvia Bergé        Julie Sicard         Loïc Corbery           Serge Bagdassarian   Hervé Pierre

Éric Génovèse                   Bruno Raffaelli                     Alain Lenglet            Florence Viala      Bakary Sangaré       Pierre Louis-Calixte   Christian Hecq       Nicolas Lormeau

Coraly Zahonero                 Denis Podalydès                    Alexandre Pavloff         Françoise Gillard   Gilles David         Stéphane Varupenne     Suliane Brahim       Adeline d’Hermy
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Georgia Scalliet          Jérémy Lopez      Clément Hervieu-Léger   Benjamin Lavernhe     Gaël Kamilindi      Yoann Gasiorowski   Jean Chevalier         Élise Lhomeau

                          PENSIONNAIRES                                                                       COMÉDIENS
                                                                                                              DE L’ACADÉMIE

Sébastien Pouderoux                         Nâzim Boudjenah         Danièle Lebrun        Birane Ba                               Peio Berterretche      Pauline Chabrol

Jennifer Decker           Elliot Jenicot    Laurent Lafitte          Noam Morgensztern     Thomas Keller       Olivier Lugo        Noémie Pasteger        Léa Schweitzer

                                                                                          SOCIÉTAIRES         Claire Vernet       Éric Ruf               ADMINISTRATEUR
                                                                                          HONORAIRES          Nicolas Silberg     Muriel Mayette-Holtz   GÉNÉRAL
                                                                                                              Simon Eine          Gérard Giroudon
                                                                                                              Alain Pralon        Martine Chevallier
                                                                                          Micheline Boudet                        Michel Favory          Éric Ruf
                                                                                          Ludmila Mikaël      Catherine Salviat
                                                                                          Michel Aumont       Catherine Ferran
                                                                                          Geneviève Casile    Catherine Samie
                                                                                          Jacques Sereys      Catherine Hiegel
                                                                                          François Beaulieu   Pierre Vial
                                                                                          Roland Bertin       Andrzej Seweryn
Claire de La Rüe du Can   Didier Sandre     Anna Cervinka           Christophe Montenez

Rebecca Marder            Pauline Clément   Dominique Blanc         Julien Frison
LES DAMNÉS Luchino Visconti Nicola Badalucco et Enrico Medioli - Ivo van Hove - Comédie-Française
LE SPECTACLE                                                                     L’HISTOIRE
✴ « De passage à Rome la semaine dernière, je suis allé voir votre Caduta        ✴Allemagne, 27 février 1933. La riche famille von Essenbeck, inspirée
degli dei et, encore que je suive très mal votre langue, j’ai été très impres-   de la famille Krupp, est propriétaire de grandes aciéries dans la Ruhr,
sionné par la force, la carrure, l’insolence de l’œuvre. […] Oui, c’est un       et se réunit pour l’anniversaire du patriarche, le Baron Joachim. Les
sujet disons énorme que vous avez traité là, et où l’auteur, n’est-ce pas,       dissensions s’accentuent entre Herberth Thallman, neveu de Joachim,
risquait de se perdre. Les passions mêlées, tous ces corps, ce mélange           directeur adjoint des usines qui s’oppose au national-socialisme, et
de choses de l’histoire contemporaine, de l’argent, de la propriété, de          Konstantin von Essenbeck, second fils du baron, membre des SA.
solitude, de la politique, de l’ambition, m’ont rappelé quelques-unes des        L’annonce de l’incendie du Reichstag à Berlin, au cours du repas, mène
grandes œuvres que j’ai lues et, parfois, travaillées. Je n’ai que plus          Joachim à déclarer sa volonté de rapprocher l’entreprise des nazis, par
apprécié l’originalité de votre film. » Dans ces mots qu’il adresse en           intérêt. Friedrich Bruckman et sa maîtresse Sophie von Essenbeck,
décembre 1969 à Luchino Visconti, Jean Vilar relève déjà l’universalité          proches des SS à la puissance croissante, organisent un complot à la
du propos des Damnés, ce lien avec les « grandes œuvres », ces damnés            Macbeth pour s’emparer des usines. Friedrich tue le vieux Joachim dans
des origines, de la famille des Atrides, de Thyeste ou de Médée. Visconti        la nuit et fait porter l’accusation sur Herbert. Martin, fils de Sophie,
disait s’être inspiré de Shakespeare, et notamment de Macbeth ; Ivo van Hove     hérite de la présidence de la société et la confie à Friedrich. Pris dans
nous ramène, lui, aux tragédies antiques.                                        un engrenage, les damnés sombrent progressivement dans la violence
Pour sa première mise en scène avec la Troupe, le metteur en scène               la plus crue, luttant pour le pouvoir jusqu’à l’élimination de la quasi-
belge a signé en 2016 l’entrée au répertoire de la Comédie-Française du          totalité de la famille.
scénario du film culte de Visconti. Dans cette chronique au scalpel              Dans une atmosphère d’ambiguïté et de décadence, Visconti réalise
d’une famille d’industriels pendant la prise de pouvoir les nazis en 1933        avec une grande justesse son ambition de saisir le climat d’accession au
en Allemagne, il voit une « célébration du Mal » où débauche idéologique         pouvoir des nazis. Il plonge au cœur des passions, et lie érotisme et
et perversions familiales s’entremêlent. La création du spectacle en             pouvoir par le désir de possession qui anime les personnages. La famille,
juillet 2016 pour l’ouverture de la 70e édition du Festival d’Avignon            à l’image du pays, se déchire au gré de ces passions, et l’on observe dans
marque les esprits tant ce huis clos infernal résonne à nos oreilles             ce laboratoire les réactions en chaîne des personnages face à l’instauration
contemporaines. « Dans l’archaïsme du dispositif où l’ensemble des               du régime nazi.
comédiens et des techniciens se présentent à nous comme un chœur
antique, dans le rituel des mises à mort où chaque condamné traverse
en procession le Styx du plateau dans l’harmonie cinglante d’un quatuor
de cuivres, dans la nudité souffrante des corps et dans le sang répandu,
ce sont les Enfers que nous voyons », relève Éric Ruf.

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LES DAMNÉS Luchino Visconti Nicola Badalucco et Enrico Medioli - Ivo van Hove - Comédie-Française
L’auteur
Considéré unanimement comme l’un des plus grands réalisateurs
du XXe siècle, Luchino Visconti est à l’origine de nombreux succès
                                                                              RENCONTRE
devenus des films cultes de l’histoire du cinéma. Très tôt en lien avec
le milieu artistique, il réalise son premier long métrage, Les Amants         En l’espace de quelques années,                   sans chaleur : la mère ne s’occupe
diaboliques, en 1942.                                                         vous avez monté quatre scénarios                  pas de son fils et cherche à imposer
Le cinéma ne l’éloigne pourtant pas du théâtre, sa première passion.          de Visconti : Rocco et ses frères,                son amant à la tête de son empire,
Il crée une troupe de théâtre et monte plusieurs opéras, devenant             Ludwig, Les Amants diaboliques                    les frères s’entre-déchirent, le
une référence en Italie. En 1954, il tourne Senso, puis, en 1957, Les Nuits   et aujourd’hui Les Damnés. D’où                   nœud de vipères s’envenime
blanches avec Marcello Mastroianni et Jean Marais. Il réalise ensuite         vous vient cette passion pour ce                  de scène en scène, et la confiance
l’un de ses films les plus célèbres : Rocco et ses frères. En 1963,            réalisateur ?                                     totale que l’on devrait avoir envers
il retrouve Alain Delon et Claudia Cardinale, et s’entoure de                 Ivo van Hove. J’ai vu tous les films               son père, sa mère ou son grand-
Burt Lancaster pour Le Guépard.                                               de Visconti quand j’avais autour                  père est impossible parce que
Les Damnés lui valent l’Oscar du meilleur scénario en 1969 et marquent        de 20 ans, à commencer par Mort                   la seule chose qui compte, c’est
le début de sa trilogie allemande complétée par Mort à Venise en 1971         à Venise en 1976 ou 1977. Ce ne                   la puissance et le pouvoir.
puis Ludwig en 1972.                                                          sont pas des films destinés à                      Troisième point, peut-être le plus
                                                                              « plaire » au public, mais ils suscitent          important pour moi : les deux
Le metteur en scène                                                           du désir et abordent des thèmes                   jeunes gens, Martin (Christophe
Figure majeure de la scène théâtrale internationale, Ivo van Hove             brûlants. Quand j’ai relu le scénario             Montenez) et son cousin Günther
compte à son actif une centaine de spectacles.En trois décennies,             des Damnés (je n’ai pas revu le film,              (Clément Hervieu-Léger), sont au
l’actuel directeur artistique du Toneelgroep Amsterdam, dont le champ         car il est capital pour moi que le                départ parfaitement apolitiques,
d’exploration embrasse le monde du théâtre, du cinéma et de l’opéra,          spectacle ne soit pas une adapta-                 mais finissent par devenir nazis
a parcouru un vaste répertoire d’œuvres, de Sophocle (Antigone) à             tion du film), plusieurs sujets                    pour des raisons strictement indi-
Shakespeare (dont le récent Kings of War), Molière (Le Misanthrope),          m’ont fortement intéressé.                        viduelles : ils ont l’un et l’autre
Tony Kushner (Angels in America), Arthur Miller (Vu du pont) ou Louis         Il y a d’abord, bien sûr, l’alliance entre        développé un tel sentiment de
Couperus (The Hidden Force). Au cinéma, il trouve son inspiration dans        le monde économico-financier                       haine ‒ Martin envers sa mère
les scénarios de Cassavetes, Pasolini, Bergman ou encore Antonioni.           de l’industrie sidérurgique et                    (Elsa Lepoivre) et Günther envers
À l’opéra, il monte récemment Salome de Strauss et Boris Godounov             le monde politique représenté                     l’assassin de son père (Denis
de Moussorgski et présentera Don Giovanni de Mozart à l’Opéra national        par l’idéologie nazie, persuadée                  Podalydès) ‒ qu’ils en viennent
de Paris en juin 2019.                                                        que l’utopie dont elle est porteuse               à se transformer en tueurs.
Pour sa première mise en scène avec la Troupe, Ivo van Hove a signé en        triomphera partout. Ce qui m’inté-                Comment ne pas penser à ces
2016 l’entrée au répertoire du scénario des Damnés, troisième œuvre de        resse aussi dans Les Damnés, c’est                hommes, tous jeunes, qui aujour-
Visconti qu’il porte à la scène après Rocco et ses frères (2008), Ludwig      la trame de la tragédie au sein de                d’hui commettent des massacres
(2012) et avant Les Amants diaboliques (Obsession, 2017).                     cette famille riche, puissante, mais              dans des discothèques américaines

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LES DAMNÉS Luchino Visconti Nicola Badalucco et Enrico Medioli - Ivo van Hove - Comédie-Française
ou des salles de concert parisiennes,        Quel était le défi spatial et quels       I. v. H. Oui, absolument… Ce que             Tal Yarden, comment avez-vous
parce qu’ils sont non pas inspirés           ont été les grands partis pris           j’aime chez les acteurs, c’est qu’ils        contribué à la vidéo pour ce
mais instrumentalisés par une                scénographiques ?                        soient toujours vrais sur scène ;            spectacle ?
idéologie ? Le scénario insiste bien         Jan Versweyveld. Pour montrer            qu’ils soient « là », qu’ils ne              Tal Yarden. Après les discussions
sur le renversement des valeurs              ce rituel du Mal, j’ai créé un espace    « jouent » pas.                              que j’ai eues avec Ivo et Jan, ce
chez les deux cousins. Au début,             qui relève de l’installation, en         J. V. L’écran vidéo est un écran             qui m’a paru particulièrement
Martin est manipulé ; à la fin, c’est         relation avec d’autres espaces           LED. On peut donc y projeter des             intéressant, c’était le contraste
lui qui manipule. Ce processus               pensés pour accueillir des rituels.      images dans toutes les ambiances             entre les moments très intimes,
est d’autant plus flagrant qu’il est          Comme une cour ou un parlement,          lumineuses. Elles fonctionnent               que captent sur le plateau les
d’abord un jeune homme « sans                une église… Tous les objets ont          comme une loupe. On peut s’ap-               caméras en mouvement constant,
qualités ». Il est privé de centre,          une fonction très précise, très          procher extrêmement près.                    et l’appareil bureaucratique
il n’apprend rien. Or, dans la vie           déterminée : les lits pour les rituels                                                de l’État, qui est pour moi figuré
‒ c’est mon opinion ‒, on a tout             d’inceste, les tables équipées de        Vous projetez aussi des images               par le revêtement orange au sol
à apprendre, y compris l’amour.              miroirs pour les rituels de transfor-    d’archives alors qu’en général               sur lequel nous avons décidé
Au départ, on ne sait rien. Quand            mation, les cercueils pour les           vous avez tendance à gommer                  de filmer en plongée les passages
on n’a pas été éduqué dans l’amour,          rituels de mort, le praticable d’où      les références historiques.                  mettant en scène de grands
on ne peut pas faire l’amour.                les acteurs peuvent voir les autres      Comment passez-vous de cet                   groupes comme celui des SA
Ce n’est pas quelque chose d’inné.           acteurs accomplir ces rituels.           ancrage à une dimension plus                 passant un après-midi de liberté
Les parents, l’éducation, les                C’est une installation très libre.       abstraite ?                                  au bord d’un lac. À ces images
hommes et les femmes qu’on                   Pour les matériaux et les couleurs,      I. v. H. Nous utilisons des images           peuvent être superposées les
rencontre dans sa vie sont essen-            j’ai tout simplement été inspiré par     historiques « mythiques » pour               premières, tournées en live, qui
tiels dans ce processus. Il faut             la sidérurgie. L’immense sol             trois moments très précis qui                montrent les tensions entre les
apprendre à vivre... Le drame de             orange évoque le feu.                    figurent dans le scénario : l’incen-          personnages, qui représentent
Martin, c’est de ne rien apprendre.                                                   die du Reichstag, les autodafés,             les fonctionnements et les dys-
Scène après scène, on constate               Venons-en à l’utilisation de la          Dachau. Je dis « mythiques »                 fonctionnements de la famille.
l’ampleur de ce manque.                      caméra. L’impression qui en res-         parce que l’incendie de livres, ou           Cette superposition permet à la
Fondamentalement, même s’il                  sort est celle d’une superposition       d’un parlement, c’est quelque                fois de renforcer le contraste et
est pervers, il n’est pas mauvais            de l’intimité, d’une sorte d’au-         chose qui dépasse la réalité anec-           de montrer l’arrière-plan très
et n’a pas de mauvaises intentions.          thenticité des personnages               dotique de l’histoire. C’est ce que          organisé de cet univers entière-
On pourrait même se dire qu’il               sur le déroulement implacable            je souhaite faire comprendre en              ment gouverné par une volonté
est « innocent ». C’est l’anti-              de l’Histoire qui broie les individus.   ayant recours à ces images.                  politique.
Aschenbach. Aschenbach                       Ce contraste-là vous importe-t-il        Montrer le seul fait historique ne
(Éric Génovèse), lui, a un but, et           dans votre travail avec les              m’intéresse pas.
scène après scène, il s’en rapproche.        acteurs ?

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LES DAMNÉS Luchino Visconti Nicola Badalucco et Enrico Medioli - Ivo van Hove - Comédie-Française
La musique contribue-t-elle                  et diffusée pendant les représen-         du Beethoven et du Schubert,                   I. v. H. C’était profondément bou-
aussi à rappeler ce contexte                 tations. À part pour Ivo van Hove.       qui aime la beauté, l’art, mais qui            leversant de se trouver au milieu
avec les chants, et en même                                                           ignore tout de ce que vit le peuple            de deux mille spectateurs absolu-
temps à s’en extraire par la                 Vous faites aussi appel au               et, surtout, qui ne voit pas que la            ment silencieux, concentrés pendant
conception d’un paysage sonore               groupe de metal allemand                 société change. C’est exactement               deux heures dix sans interruption !
atmosphérique et le recours                  Rammstein, pourquoi ?                    ce qui se passe aujourd’hui.                   Et, chaque soir, à la fin, de ne pas
à des leitmotive wagnériens                  E. S. J’aime casser les ambiances.       Le monde change radicalement.                  entendre d’applaudissements
arrangés, à des chorals de Bach              Rammstein, dans le paysage du                                                           immédiats, comme si nous étions
ou à du metal ?                              rock allemand, est un groupe             Mais à la fin, il n’y a plus                    collectivement en état de choc
Eric Sleichim. Toute la musique              assez moderne, et sa musique a, je       d’amour. Vous avez dit que votre               avant de recevoir des ovations très,
utilisée dans le spectacle est origi-        trouve, des accents « fascistoïdes » :   souhait, c’était de montrer au                 très longues. J’avais le sentiment
nale ou fait référence à une autre           non pas dans ses idées, mais             spectateur, avec ce spectacle-                 que le spectacle portait une urgence
musique. Pour accompagner les                dans son expression. Elle fonc-          là, un monde dans lequel on n’a                inévitable. Cela m’a beaucoup
rituels, j’ai eu recours à Schütz,           tionne très bien dans les moments        vraiment pas envie de vivre...                 ému.
à Buxtehude ou à Bach, les trois             de cassure, les moments pivots           I. v. H. La fin est absolument terrible.
grands maîtres, sur cent ans,                dont ce spectacle a besoin.              Mais c’est comme quand on se rend                                Propos recueillis par
du baroque allemand. Schütz                                                                                                                       Frédéric Maurin, auteur et
                                             T. Y. C’est une musique qui              au musée Reina SofÍa à Madrid pour              enseignant en études théâtrales, et
a vécu pendant la guerre de                  exprime bien l’industrialisation         voir Guernica de Picasso. Dans                         Laurent Muhleisen, conseiller
Trente Ans qui est, avant                    ‒ elle est d’ailleurs définie comme       Guernica, il n’y a pas la moindre                littéraire de la Comédie-Française,
la Seconde Guerre mondiale, la               du « metal industriel ». On              trace de joie. Il n’y a que la guerre.          pendant les répétitions en juin 2016
période la plus meurtrière qu’ait            retrouve dans cette musique la           Mais il vaut mieux affronter cela
connue l’Occident. La référence              volonté de créer de nouveaux             dans un contexte artistique que
est donc très claire. J’ai aussi             moyens de destruction massive.           dans la vraie vie... et s’accrocher à
voulu évoquer, dans le contexte                                                       l’idée que l’amour et l’humanisme,
historique du scénario, le position-         Compte tenu du contexte histo-           comme chez Herbert, ne peuvent,
nement parfois très ambigu de                rique et de l’histoire du fascisme,      en dépit de tout, jamais disparaître
certains artistes allemands par              Les Damnés racontent-ils un              complètement.
rapport au régime nazi, notamment            destin européen ?
celui de Richard Strauss à qui je            I. v. H. Non. C’est ce que l’on croit    « Le spectacle monstre », « l’onde
fais une brève allusion dans le solo         en Amérique, mais le populisme           de choc » : autant de qualificatifs
de Günther à la clarinette basse au          d’extrême droite existe dans le          utilisés à propos des Damnés lors
premier acte… En règle générale,             monde entier en proportions              de la création à Avignon. Comme
pour le théâtre je n’écris pas               croissantes. Les Damnés mettent          réagissez-vous à l’accueil du
de musique qui serait enregistrée            en scène une élite, qui écoute           public et de la presse ?

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Christophe Montenez, Guillaume Gallienne   Mathieu Gaudet, Sylvia Bergé, Loïc Corbery, Elsa Lepoivre
Denis Podalydès, Adeline d’Hermy, Guillaume Gallienne, Éric Génovèse   Elsa Lepoivre, Loïc Corbery, Didier Sandre
Sylvia Bergé, Sébastien Baulain, Guillaume Gallienne, Claire Cohen   Anna Cervinka, Blandine Achard, Adeline d’Hermy (à l’écran), Pierre Louis-Calixte
Anna Cervinka, Christophe Montenez   Sébastien Pouderoux, Éric Génovèse, Guillaume Gallienne, Elsa Lepoivre, Kristy Baboul
Denis Podalydès   Sébastien Baulain
Clément Hervieu-Léger, Loïc Corbery, Éric Génovèse   Guillaume Gallienne, Kristy Baboul, Elsa Lepoivre, Christophe Montenez
Kinder, heut Abend, da such ich mir was aus

                                     Le printemps approche                      Frühling kommt
                                     Les moineaux pépient                       Der Sperling piept
                                     Les fleurs embaument                        Duft aus Blütenkelchen
                                     J’ai de l’amour pour un homme              Bin in einen Mann verliebt
                                     Sans savoir pour qui                       Und weiß nicht in welchen
                                     Qu’il ait de l’argent, je m’en fiche        Ob er Geld hat ist mir gleich
                                     C’est d’amour que je suis riche            Denn mich macht die Liebe reich

                                     Ce soir je vais m’en choisir un            Kinder, heut Abend, da such ich mir
                                     Un homme, un vrai                           was aus
                                     Les jeunots, j’en ai marre                 Einen Mann, einen richtigen Mann
                                     Un homme, un vrai                          Kinder, die Jungs häng mir schon zum
                                     Un homme au cœur brûlant d’amour            Halse raus
                                     Un homme aux yeux de braise                Einen Mann, einen richtigen Mann
                                     Bref, un homme qui sait embrasser          Einen Mann, dem das Herz noch von der
                                     Un homme, un vrai                           Liebe glüht
                                                                                Einen Mann, dem das Feuer aus den
                                     Les hommes, il y en a des maigres           Augen sprüht
                                      et des gros                               Kurz, einen Mann, der noch küssen will
                                     Des grands, des petits, des forts           und kann
                                     Certains beaux et chic                     Einen Mann, einen richtigen Mann
                                     Timides ou violents
                                     À quoi il ressemble, je m’en fous          Männer gibt es dünn und dick
                                     Je finirai par faire mon choix              Groß und klein und kräftig
                                                                                And’re wieder schön und schick
                                     Ce soir je vais m’en choisir un            Schüchtern oder heftig
                                     Un homme, un vrai                          Wie er aussieht, mir egal
                                     Les jeunots, j’en ai marre                 Irgend einen trifft die Wahl
                                     Un homme, un vrai
                                                                                Kinder, heut Abend, da such ich mir
                                     Un homme au cœur brûlant d’amour            was aus
                                     Un homme aux yeux de braise                Einen Mann, einen richtigen Mann
                                     Bref, un homme...                          Kinder, die Jungs häng mir schon zum
                                                                                 Halse raus
                                     (Traduction Ruth Orthmann)                 Einen Mann, einen richtigen Mann

                                                                                Einen Mann, dem das Herz noch von der
                                                                                 Liebe glüht
                                                                                Einen Mann, dem das Feuer aus den
                                                                                 Augen sprüht
                                                                                Kurz, einen Mann...

                                                                           29
Christophe Montenez, Éric Génovèse
vidéo pour les Nations unies, Microsoft, le New York Times, Puma, Levi’s,
L’ÉQUIPE ARTISTIQUE                                                            le Council of Fashion Designers of America, Reem Acra, Rimmel, Armani,
                                                                               Visionaire et Monique Lhuiller et dirige des live videos avec James Brown,
                                                                               Annie Lennox, les Red Hot Chili Peppers, Alicia Keys, Snoop Dogg,
Jan Versweyveld - scénographie et lumières                                     Garbage, Wyclef Jean, Patti Smith et Moby. Parmi ses récentes produc-
Formé à l’Institut Saint-Luc de Bruxelles et à l’Académie royale des           tions : une installation vidéo à Times Square, ainsi que la création
beaux-arts d’Anvers, il travaille depuis 1981 avec Ivo van Hove et sa com-     d’Exterminating Angel de Thomas Adès à Salzburg.
pagnie. En parallèle, il conçoit les décors et les lumières de nombreuses
productions à l’international, pour le théâtre et l’opéra. Il collabore avec   Eric Sleichim - musique originale et concept sonore
des compagnies faisant partie des plus innovantes du paysage théâtral          Après avoir étudié aux conservatoires de Bruxelles et de Liège, il crée
néerlandophone, telles que Rosas, la compagnie de danse d’Anne                 dès les années 1980 des compositions musicales pour des pièces
Teresa De Keersmaeker. Il a présenté avec Ivo van Hove le dernier projet       de théâtre, des chorégraphies, des performances, des films, des vidéos
de David Bowie, Lazarus d’Enda Walsh (New York Theatre Workshop,               artistiques, des expositions et des concerts. En 1988, il fonde BL!NDMAN
2015) et participe à la création de Così fan tutte de Mozart par Anne          (quatuor de saxophones) qui devient en 2000 un ensemble de quatre
Teresa De Keersmaeker et de Don Giovanni de Mozart par Ivo van Hove            quatuors ‒ saxes, cordes, percussions et vocal ‒ participant à plusieurs
à l’Opéra de Paris.                                                            spectacles mis en scène par Ivo van Hove (Tragédies romaines,
                                                                               Teorema, The Fountainhead, Kings of War). Il collabore notamment
An D’Huys - costumes                                                           avec Guy Cassiers, Anne Teresa De Keersmaeker, Wim Vandekeybus,
An D’Huys étudie à la Royal Fashion Academy d’Anvers. Elle travaille           Meg Stuart, Heiner Goebbels, Johan Simons, Jan Fabre…
régulièrement avec Ivo van Hove depuis 2002, notamment pour Kings
of War d’après Shakespeare (Théâtre national de Chaillot, 2016),               Bart Van den Eynde - dramaturgie
Lazarus, Antigone de Sophocle (Théâtre de la Ville, 2015), Vu du pont          Il travaille avec Ivo van Hove depuis 1995, et avec le Toneelgroep
d’Arthur Miller (Young Vic de Londres en 2014, Odéon-Théâtre de l’Europe       Amsterdam sur Scènes de la vie conjugale de Bergman (2005), The
/ Ateliers Berthier, 2015), The Fountainhead d’après Ayn Rand (Festival        Antonioni Project d’après Antonioni (2009), Tragédies romaines d’après
d’Avignon, 2014). Elle signe les costumes des spectacles d’Anne Teresa         Shakespeare (2007), Kings of War, The Other Voice de Ramsay Nasr
De Keersmaeker pour la compagnie de danse Rosas (et notamment                  (2016)... Depuis 2005, il travaille également en tant que dramaturge
ceux de Così fan tutte). Elle a fait partie de l’équipe styliste               pour des productions de danse et de théâtre avec notamment Guy
d’Ann Demeulemeester pendant onze ans.                                         Cassiers, FC Bergman, Meg Stuart, Arco Renz, Lisbeth Gruwez, Simon
                                                                               Stephens, Peter Verhelst, Judith Herzberg. Il est régulièrement invité à
Tal Yarden - vidéo                                                             donner des master classes dans des écoles de théâtre et dirige depuis
Né à Jérusalem, Tal Yarden vit aujourd’hui à New York. Il collabore avec       2015, le master théâtre de l’Académie de Maastricht.
Ivo van Hove et Jan Versweyveld sur de nombreuses productions, dont            Directeur de la publication Éric Ruf - Secrétaire générale Anne Marret - Coordination éditoriale Pascale Pont-
Lazarus, et en particulier avec le Toneelgroep Amsterdam pour Kings of         Amblard - Portraits de la Troupe Stéphane Lavoué - Photographies de répétition Jan Versweyveld (p. 18-19)
                                                                               et Christophe Raynaud de Lage - Conception graphique c-album - Licences n°1-1079408 - n°2-1079409
War, The Fountainhead. Il crée également des installations et projections      n°3-1079410 - Impression Stipa Montreuil (01 48 18 20 20) - mars 2019

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Réservations 01 44 58 15 15
www.comedie-francaise.fr
Salle Richelieu   Théâtre du Vieux-Colombier   Studio-Théâtre
01 44 58 15 15    01 44 39 87 00/01            01 44 58 98 54
Place Colette     21 rue du Vieux-Colombier    Galerie du Carrousel du Louvre
Paris 1er         Paris 6e                     99 rue de Rivoli
                                               Paris 1er
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