LES DAMNÉS Luchino Visconti Nicola Badalucco et Enrico Medioli - Ivo van Hove - Comédie-Française
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Didier Sandre Baron Joachim Séquences filmées : LES DAMNÉS von Essenbeck Basile Alaïmalaïs, Sébastien d’après le scénario de Luchino Visconti, Anna Cervinka Olga Baulain, Fred Colas, Stéphane Daublain, Mathieu Demars, Nicola Badalucco et Enrico Medioli Christophe Montenez Martin von Essenbeck Antoine Formica, Thomas Gendronneau, Axel Granberger, et Romain Grard, Ghislain Grellier, Sébastien Baulain Janeck Luca Gucciardi, Valentin Johner, Mise en scène Simon Larvaron, Yannick Laurent, Comédiens de l’académie de la Ivo van Hove Comédie-Française Ludovic Le Lez, Oscar Lesage, Peio Berterretche, Thomas Keller, Guillaume Maréchal, Franck Micque, 20 mars > 2 juin 2019 Olivier Lugo Nicolas Orlando, Léo Reynaud, Spectacle créé le 6 juillet 2016 au Festival d’Avignon et Joffrey Roggeman, Jules Sagot, et repris le 24 septembre 2016 Salle Richelieu Basile Alaïmalaïs, Thomas Dennis Silence Van de Weghe, Gendronneau, Tom Wozniczka Stephen Tordo, Victor Veyron, durée 2h10 sans entracte Tom Wozniczka Six hommes en noir Scénographie et lumières Avec Rose Delloye*(M), Inès de Jan Versweyveld Sylvia Bergé la Gouvernante Kergorlay*(M), Marie de Thieulloy* Bande originale interprétée par Costumes et la Mère de Lisa Erika BL!NDMAN [sax] : Koen Maas, An D’Huys Éric Génovèse Wolf von Aschenbach Margaux Billette*(M), Océane saxophone soprano ; Roeland de la Houplière*, Louise Le Riche* Vanhoorne, saxophone alto ; Vidéo Denis Podalydès Baron Konstantin Piet Rebel, saxophone ténor ; Tal Yarden von Essenbeck Thilde Raf Minten, saxophone baryton Musique originale et Alexandre Pavloff* le Commissaire Joséphine Ballu*(M), Prune Bozo*, Julia Troussieux*(M) Lisa * en alternance concept sonore et le Recteur (M) Maîtrise des Hauts-de-Seine Eric Sleichim Guillaume Gallienne Friedrich Vadim Alsayed*, Kristy Baboul*, Dramaturgie Bruckmann Céline Baril*, Mathieu Gaudet* Bart Van den Eynde cadreurs Elsa Lepoivre Baronne Sophie von Assistanat à la mise en scène Essenbeck Claire Cohen maquilleuse Laurent Delvert (en scène) Loïc Corbery* Herbert Thallman Assistanat à la scénographie Magdaléna Calloc’h (costumière Pierre Louis-Calixte* le Commissaire de l’Académie), Blandine Achard Roel Van Berckelaer et le Recteur habilleuses (en scène) Assistanat aux lumières Adeline d’Hermy Elisabeth Thallman François Thouret Clément Hervieu-Léger Günther Assistanat au son von Essenbeck Lucas Lelièvre Avec l’aimable autorisation de L’Avant-Scène Cinéma La Comédie-Française remercie M.A.C COSMETICS I Sébastien Pouderoux* Herbert Texte paru à L’avant-scène théâtre en juillet 2016 Champagne Barons de Rothschild I Baron Philippe Thallman Le décor et les costumes ont été réalisés dans de Rothschild SA les ateliers de la Comédie-Française Réalisation du programme L’avant-scène théâtre
LA TROUPE les comédiens de la Troupe présents dans le spectacle sont indiqués par la cocarde Clotilde de Bayser Jérôme Pouly Laurent Stocker Guillaume Gallienne SOCIÉTAIRES Claude Mathieu Martine Chevallier Véronique Vella Laurent Natrella Michel Vuillermoz Elsa Lepoivre Christian Gonon Thierry Hancisse Anne Kessler Cécile Brune Sylvia Bergé Julie Sicard Loïc Corbery Serge Bagdassarian Hervé Pierre Éric Génovèse Bruno Raffaelli Alain Lenglet Florence Viala Bakary Sangaré Pierre Louis-Calixte Christian Hecq Nicolas Lormeau Coraly Zahonero Denis Podalydès Alexandre Pavloff Françoise Gillard Gilles David Stéphane Varupenne Suliane Brahim Adeline d’Hermy
Georgia Scalliet Jérémy Lopez Clément Hervieu-Léger Benjamin Lavernhe Gaël Kamilindi Yoann Gasiorowski Jean Chevalier Élise Lhomeau PENSIONNAIRES COMÉDIENS DE L’ACADÉMIE Sébastien Pouderoux Nâzim Boudjenah Danièle Lebrun Birane Ba Peio Berterretche Pauline Chabrol Jennifer Decker Elliot Jenicot Laurent Lafitte Noam Morgensztern Thomas Keller Olivier Lugo Noémie Pasteger Léa Schweitzer SOCIÉTAIRES Claire Vernet Éric Ruf ADMINISTRATEUR HONORAIRES Nicolas Silberg Muriel Mayette-Holtz GÉNÉRAL Simon Eine Gérard Giroudon Alain Pralon Martine Chevallier Micheline Boudet Michel Favory Éric Ruf Ludmila Mikaël Catherine Salviat Michel Aumont Catherine Ferran Geneviève Casile Catherine Samie Jacques Sereys Catherine Hiegel François Beaulieu Pierre Vial Roland Bertin Andrzej Seweryn Claire de La Rüe du Can Didier Sandre Anna Cervinka Christophe Montenez Rebecca Marder Pauline Clément Dominique Blanc Julien Frison
LE SPECTACLE L’HISTOIRE ✴ « De passage à Rome la semaine dernière, je suis allé voir votre Caduta ✴Allemagne, 27 février 1933. La riche famille von Essenbeck, inspirée degli dei et, encore que je suive très mal votre langue, j’ai été très impres- de la famille Krupp, est propriétaire de grandes aciéries dans la Ruhr, sionné par la force, la carrure, l’insolence de l’œuvre. […] Oui, c’est un et se réunit pour l’anniversaire du patriarche, le Baron Joachim. Les sujet disons énorme que vous avez traité là, et où l’auteur, n’est-ce pas, dissensions s’accentuent entre Herberth Thallman, neveu de Joachim, risquait de se perdre. Les passions mêlées, tous ces corps, ce mélange directeur adjoint des usines qui s’oppose au national-socialisme, et de choses de l’histoire contemporaine, de l’argent, de la propriété, de Konstantin von Essenbeck, second fils du baron, membre des SA. solitude, de la politique, de l’ambition, m’ont rappelé quelques-unes des L’annonce de l’incendie du Reichstag à Berlin, au cours du repas, mène grandes œuvres que j’ai lues et, parfois, travaillées. Je n’ai que plus Joachim à déclarer sa volonté de rapprocher l’entreprise des nazis, par apprécié l’originalité de votre film. » Dans ces mots qu’il adresse en intérêt. Friedrich Bruckman et sa maîtresse Sophie von Essenbeck, décembre 1969 à Luchino Visconti, Jean Vilar relève déjà l’universalité proches des SS à la puissance croissante, organisent un complot à la du propos des Damnés, ce lien avec les « grandes œuvres », ces damnés Macbeth pour s’emparer des usines. Friedrich tue le vieux Joachim dans des origines, de la famille des Atrides, de Thyeste ou de Médée. Visconti la nuit et fait porter l’accusation sur Herbert. Martin, fils de Sophie, disait s’être inspiré de Shakespeare, et notamment de Macbeth ; Ivo van Hove hérite de la présidence de la société et la confie à Friedrich. Pris dans nous ramène, lui, aux tragédies antiques. un engrenage, les damnés sombrent progressivement dans la violence Pour sa première mise en scène avec la Troupe, le metteur en scène la plus crue, luttant pour le pouvoir jusqu’à l’élimination de la quasi- belge a signé en 2016 l’entrée au répertoire de la Comédie-Française du totalité de la famille. scénario du film culte de Visconti. Dans cette chronique au scalpel Dans une atmosphère d’ambiguïté et de décadence, Visconti réalise d’une famille d’industriels pendant la prise de pouvoir les nazis en 1933 avec une grande justesse son ambition de saisir le climat d’accession au en Allemagne, il voit une « célébration du Mal » où débauche idéologique pouvoir des nazis. Il plonge au cœur des passions, et lie érotisme et et perversions familiales s’entremêlent. La création du spectacle en pouvoir par le désir de possession qui anime les personnages. La famille, juillet 2016 pour l’ouverture de la 70e édition du Festival d’Avignon à l’image du pays, se déchire au gré de ces passions, et l’on observe dans marque les esprits tant ce huis clos infernal résonne à nos oreilles ce laboratoire les réactions en chaîne des personnages face à l’instauration contemporaines. « Dans l’archaïsme du dispositif où l’ensemble des du régime nazi. comédiens et des techniciens se présentent à nous comme un chœur antique, dans le rituel des mises à mort où chaque condamné traverse en procession le Styx du plateau dans l’harmonie cinglante d’un quatuor de cuivres, dans la nudité souffrante des corps et dans le sang répandu, ce sont les Enfers que nous voyons », relève Éric Ruf. 8 9
L’auteur Considéré unanimement comme l’un des plus grands réalisateurs du XXe siècle, Luchino Visconti est à l’origine de nombreux succès RENCONTRE devenus des films cultes de l’histoire du cinéma. Très tôt en lien avec le milieu artistique, il réalise son premier long métrage, Les Amants En l’espace de quelques années, sans chaleur : la mère ne s’occupe diaboliques, en 1942. vous avez monté quatre scénarios pas de son fils et cherche à imposer Le cinéma ne l’éloigne pourtant pas du théâtre, sa première passion. de Visconti : Rocco et ses frères, son amant à la tête de son empire, Il crée une troupe de théâtre et monte plusieurs opéras, devenant Ludwig, Les Amants diaboliques les frères s’entre-déchirent, le une référence en Italie. En 1954, il tourne Senso, puis, en 1957, Les Nuits et aujourd’hui Les Damnés. D’où nœud de vipères s’envenime blanches avec Marcello Mastroianni et Jean Marais. Il réalise ensuite vous vient cette passion pour ce de scène en scène, et la confiance l’un de ses films les plus célèbres : Rocco et ses frères. En 1963, réalisateur ? totale que l’on devrait avoir envers il retrouve Alain Delon et Claudia Cardinale, et s’entoure de Ivo van Hove. J’ai vu tous les films son père, sa mère ou son grand- Burt Lancaster pour Le Guépard. de Visconti quand j’avais autour père est impossible parce que Les Damnés lui valent l’Oscar du meilleur scénario en 1969 et marquent de 20 ans, à commencer par Mort la seule chose qui compte, c’est le début de sa trilogie allemande complétée par Mort à Venise en 1971 à Venise en 1976 ou 1977. Ce ne la puissance et le pouvoir. puis Ludwig en 1972. sont pas des films destinés à Troisième point, peut-être le plus « plaire » au public, mais ils suscitent important pour moi : les deux Le metteur en scène du désir et abordent des thèmes jeunes gens, Martin (Christophe Figure majeure de la scène théâtrale internationale, Ivo van Hove brûlants. Quand j’ai relu le scénario Montenez) et son cousin Günther compte à son actif une centaine de spectacles.En trois décennies, des Damnés (je n’ai pas revu le film, (Clément Hervieu-Léger), sont au l’actuel directeur artistique du Toneelgroep Amsterdam, dont le champ car il est capital pour moi que le départ parfaitement apolitiques, d’exploration embrasse le monde du théâtre, du cinéma et de l’opéra, spectacle ne soit pas une adapta- mais finissent par devenir nazis a parcouru un vaste répertoire d’œuvres, de Sophocle (Antigone) à tion du film), plusieurs sujets pour des raisons strictement indi- Shakespeare (dont le récent Kings of War), Molière (Le Misanthrope), m’ont fortement intéressé. viduelles : ils ont l’un et l’autre Tony Kushner (Angels in America), Arthur Miller (Vu du pont) ou Louis Il y a d’abord, bien sûr, l’alliance entre développé un tel sentiment de Couperus (The Hidden Force). Au cinéma, il trouve son inspiration dans le monde économico-financier haine ‒ Martin envers sa mère les scénarios de Cassavetes, Pasolini, Bergman ou encore Antonioni. de l’industrie sidérurgique et (Elsa Lepoivre) et Günther envers À l’opéra, il monte récemment Salome de Strauss et Boris Godounov le monde politique représenté l’assassin de son père (Denis de Moussorgski et présentera Don Giovanni de Mozart à l’Opéra national par l’idéologie nazie, persuadée Podalydès) ‒ qu’ils en viennent de Paris en juin 2019. que l’utopie dont elle est porteuse à se transformer en tueurs. Pour sa première mise en scène avec la Troupe, Ivo van Hove a signé en triomphera partout. Ce qui m’inté- Comment ne pas penser à ces 2016 l’entrée au répertoire du scénario des Damnés, troisième œuvre de resse aussi dans Les Damnés, c’est hommes, tous jeunes, qui aujour- Visconti qu’il porte à la scène après Rocco et ses frères (2008), Ludwig la trame de la tragédie au sein de d’hui commettent des massacres (2012) et avant Les Amants diaboliques (Obsession, 2017). cette famille riche, puissante, mais dans des discothèques américaines 10 11
ou des salles de concert parisiennes, Quel était le défi spatial et quels I. v. H. Oui, absolument… Ce que Tal Yarden, comment avez-vous parce qu’ils sont non pas inspirés ont été les grands partis pris j’aime chez les acteurs, c’est qu’ils contribué à la vidéo pour ce mais instrumentalisés par une scénographiques ? soient toujours vrais sur scène ; spectacle ? idéologie ? Le scénario insiste bien Jan Versweyveld. Pour montrer qu’ils soient « là », qu’ils ne Tal Yarden. Après les discussions sur le renversement des valeurs ce rituel du Mal, j’ai créé un espace « jouent » pas. que j’ai eues avec Ivo et Jan, ce chez les deux cousins. Au début, qui relève de l’installation, en J. V. L’écran vidéo est un écran qui m’a paru particulièrement Martin est manipulé ; à la fin, c’est relation avec d’autres espaces LED. On peut donc y projeter des intéressant, c’était le contraste lui qui manipule. Ce processus pensés pour accueillir des rituels. images dans toutes les ambiances entre les moments très intimes, est d’autant plus flagrant qu’il est Comme une cour ou un parlement, lumineuses. Elles fonctionnent que captent sur le plateau les d’abord un jeune homme « sans une église… Tous les objets ont comme une loupe. On peut s’ap- caméras en mouvement constant, qualités ». Il est privé de centre, une fonction très précise, très procher extrêmement près. et l’appareil bureaucratique il n’apprend rien. Or, dans la vie déterminée : les lits pour les rituels de l’État, qui est pour moi figuré ‒ c’est mon opinion ‒, on a tout d’inceste, les tables équipées de Vous projetez aussi des images par le revêtement orange au sol à apprendre, y compris l’amour. miroirs pour les rituels de transfor- d’archives alors qu’en général sur lequel nous avons décidé Au départ, on ne sait rien. Quand mation, les cercueils pour les vous avez tendance à gommer de filmer en plongée les passages on n’a pas été éduqué dans l’amour, rituels de mort, le praticable d’où les références historiques. mettant en scène de grands on ne peut pas faire l’amour. les acteurs peuvent voir les autres Comment passez-vous de cet groupes comme celui des SA Ce n’est pas quelque chose d’inné. acteurs accomplir ces rituels. ancrage à une dimension plus passant un après-midi de liberté Les parents, l’éducation, les C’est une installation très libre. abstraite ? au bord d’un lac. À ces images hommes et les femmes qu’on Pour les matériaux et les couleurs, I. v. H. Nous utilisons des images peuvent être superposées les rencontre dans sa vie sont essen- j’ai tout simplement été inspiré par historiques « mythiques » pour premières, tournées en live, qui tiels dans ce processus. Il faut la sidérurgie. L’immense sol trois moments très précis qui montrent les tensions entre les apprendre à vivre... Le drame de orange évoque le feu. figurent dans le scénario : l’incen- personnages, qui représentent Martin, c’est de ne rien apprendre. die du Reichstag, les autodafés, les fonctionnements et les dys- Scène après scène, on constate Venons-en à l’utilisation de la Dachau. Je dis « mythiques » fonctionnements de la famille. l’ampleur de ce manque. caméra. L’impression qui en res- parce que l’incendie de livres, ou Cette superposition permet à la Fondamentalement, même s’il sort est celle d’une superposition d’un parlement, c’est quelque fois de renforcer le contraste et est pervers, il n’est pas mauvais de l’intimité, d’une sorte d’au- chose qui dépasse la réalité anec- de montrer l’arrière-plan très et n’a pas de mauvaises intentions. thenticité des personnages dotique de l’histoire. C’est ce que organisé de cet univers entière- On pourrait même se dire qu’il sur le déroulement implacable je souhaite faire comprendre en ment gouverné par une volonté est « innocent ». C’est l’anti- de l’Histoire qui broie les individus. ayant recours à ces images. politique. Aschenbach. Aschenbach Ce contraste-là vous importe-t-il Montrer le seul fait historique ne (Éric Génovèse), lui, a un but, et dans votre travail avec les m’intéresse pas. scène après scène, il s’en rapproche. acteurs ? 12 13
La musique contribue-t-elle et diffusée pendant les représen- du Beethoven et du Schubert, I. v. H. C’était profondément bou- aussi à rappeler ce contexte tations. À part pour Ivo van Hove. qui aime la beauté, l’art, mais qui leversant de se trouver au milieu avec les chants, et en même ignore tout de ce que vit le peuple de deux mille spectateurs absolu- temps à s’en extraire par la Vous faites aussi appel au et, surtout, qui ne voit pas que la ment silencieux, concentrés pendant conception d’un paysage sonore groupe de metal allemand société change. C’est exactement deux heures dix sans interruption ! atmosphérique et le recours Rammstein, pourquoi ? ce qui se passe aujourd’hui. Et, chaque soir, à la fin, de ne pas à des leitmotive wagnériens E. S. J’aime casser les ambiances. Le monde change radicalement. entendre d’applaudissements arrangés, à des chorals de Bach Rammstein, dans le paysage du immédiats, comme si nous étions ou à du metal ? rock allemand, est un groupe Mais à la fin, il n’y a plus collectivement en état de choc Eric Sleichim. Toute la musique assez moderne, et sa musique a, je d’amour. Vous avez dit que votre avant de recevoir des ovations très, utilisée dans le spectacle est origi- trouve, des accents « fascistoïdes » : souhait, c’était de montrer au très longues. J’avais le sentiment nale ou fait référence à une autre non pas dans ses idées, mais spectateur, avec ce spectacle- que le spectacle portait une urgence musique. Pour accompagner les dans son expression. Elle fonc- là, un monde dans lequel on n’a inévitable. Cela m’a beaucoup rituels, j’ai eu recours à Schütz, tionne très bien dans les moments vraiment pas envie de vivre... ému. à Buxtehude ou à Bach, les trois de cassure, les moments pivots I. v. H. La fin est absolument terrible. grands maîtres, sur cent ans, dont ce spectacle a besoin. Mais c’est comme quand on se rend Propos recueillis par du baroque allemand. Schütz Frédéric Maurin, auteur et T. Y. C’est une musique qui au musée Reina SofÍa à Madrid pour enseignant en études théâtrales, et a vécu pendant la guerre de exprime bien l’industrialisation voir Guernica de Picasso. Dans Laurent Muhleisen, conseiller Trente Ans qui est, avant ‒ elle est d’ailleurs définie comme Guernica, il n’y a pas la moindre littéraire de la Comédie-Française, la Seconde Guerre mondiale, la du « metal industriel ». On trace de joie. Il n’y a que la guerre. pendant les répétitions en juin 2016 période la plus meurtrière qu’ait retrouve dans cette musique la Mais il vaut mieux affronter cela connue l’Occident. La référence volonté de créer de nouveaux dans un contexte artistique que est donc très claire. J’ai aussi moyens de destruction massive. dans la vraie vie... et s’accrocher à voulu évoquer, dans le contexte l’idée que l’amour et l’humanisme, historique du scénario, le position- Compte tenu du contexte histo- comme chez Herbert, ne peuvent, nement parfois très ambigu de rique et de l’histoire du fascisme, en dépit de tout, jamais disparaître certains artistes allemands par Les Damnés racontent-ils un complètement. rapport au régime nazi, notamment destin européen ? celui de Richard Strauss à qui je I. v. H. Non. C’est ce que l’on croit « Le spectacle monstre », « l’onde fais une brève allusion dans le solo en Amérique, mais le populisme de choc » : autant de qualificatifs de Günther à la clarinette basse au d’extrême droite existe dans le utilisés à propos des Damnés lors premier acte… En règle générale, monde entier en proportions de la création à Avignon. Comme pour le théâtre je n’écris pas croissantes. Les Damnés mettent réagissez-vous à l’accueil du de musique qui serait enregistrée en scène une élite, qui écoute public et de la presse ? 14 15
Christophe Montenez, Guillaume Gallienne Mathieu Gaudet, Sylvia Bergé, Loïc Corbery, Elsa Lepoivre
Denis Podalydès, Adeline d’Hermy, Guillaume Gallienne, Éric Génovèse Elsa Lepoivre, Loïc Corbery, Didier Sandre
Sylvia Bergé, Sébastien Baulain, Guillaume Gallienne, Claire Cohen Anna Cervinka, Blandine Achard, Adeline d’Hermy (à l’écran), Pierre Louis-Calixte
Anna Cervinka, Christophe Montenez Sébastien Pouderoux, Éric Génovèse, Guillaume Gallienne, Elsa Lepoivre, Kristy Baboul
Denis Podalydès Sébastien Baulain
Clément Hervieu-Léger, Loïc Corbery, Éric Génovèse Guillaume Gallienne, Kristy Baboul, Elsa Lepoivre, Christophe Montenez
Kinder, heut Abend, da such ich mir was aus Le printemps approche Frühling kommt Les moineaux pépient Der Sperling piept Les fleurs embaument Duft aus Blütenkelchen J’ai de l’amour pour un homme Bin in einen Mann verliebt Sans savoir pour qui Und weiß nicht in welchen Qu’il ait de l’argent, je m’en fiche Ob er Geld hat ist mir gleich C’est d’amour que je suis riche Denn mich macht die Liebe reich Ce soir je vais m’en choisir un Kinder, heut Abend, da such ich mir Un homme, un vrai was aus Les jeunots, j’en ai marre Einen Mann, einen richtigen Mann Un homme, un vrai Kinder, die Jungs häng mir schon zum Un homme au cœur brûlant d’amour Halse raus Un homme aux yeux de braise Einen Mann, einen richtigen Mann Bref, un homme qui sait embrasser Einen Mann, dem das Herz noch von der Un homme, un vrai Liebe glüht Einen Mann, dem das Feuer aus den Les hommes, il y en a des maigres Augen sprüht et des gros Kurz, einen Mann, der noch küssen will Des grands, des petits, des forts und kann Certains beaux et chic Einen Mann, einen richtigen Mann Timides ou violents À quoi il ressemble, je m’en fous Männer gibt es dünn und dick Je finirai par faire mon choix Groß und klein und kräftig And’re wieder schön und schick Ce soir je vais m’en choisir un Schüchtern oder heftig Un homme, un vrai Wie er aussieht, mir egal Les jeunots, j’en ai marre Irgend einen trifft die Wahl Un homme, un vrai Kinder, heut Abend, da such ich mir Un homme au cœur brûlant d’amour was aus Un homme aux yeux de braise Einen Mann, einen richtigen Mann Bref, un homme... Kinder, die Jungs häng mir schon zum Halse raus (Traduction Ruth Orthmann) Einen Mann, einen richtigen Mann Einen Mann, dem das Herz noch von der Liebe glüht Einen Mann, dem das Feuer aus den Augen sprüht Kurz, einen Mann... 29 Christophe Montenez, Éric Génovèse
vidéo pour les Nations unies, Microsoft, le New York Times, Puma, Levi’s, L’ÉQUIPE ARTISTIQUE le Council of Fashion Designers of America, Reem Acra, Rimmel, Armani, Visionaire et Monique Lhuiller et dirige des live videos avec James Brown, Annie Lennox, les Red Hot Chili Peppers, Alicia Keys, Snoop Dogg, Jan Versweyveld - scénographie et lumières Garbage, Wyclef Jean, Patti Smith et Moby. Parmi ses récentes produc- Formé à l’Institut Saint-Luc de Bruxelles et à l’Académie royale des tions : une installation vidéo à Times Square, ainsi que la création beaux-arts d’Anvers, il travaille depuis 1981 avec Ivo van Hove et sa com- d’Exterminating Angel de Thomas Adès à Salzburg. pagnie. En parallèle, il conçoit les décors et les lumières de nombreuses productions à l’international, pour le théâtre et l’opéra. Il collabore avec Eric Sleichim - musique originale et concept sonore des compagnies faisant partie des plus innovantes du paysage théâtral Après avoir étudié aux conservatoires de Bruxelles et de Liège, il crée néerlandophone, telles que Rosas, la compagnie de danse d’Anne dès les années 1980 des compositions musicales pour des pièces Teresa De Keersmaeker. Il a présenté avec Ivo van Hove le dernier projet de théâtre, des chorégraphies, des performances, des films, des vidéos de David Bowie, Lazarus d’Enda Walsh (New York Theatre Workshop, artistiques, des expositions et des concerts. En 1988, il fonde BL!NDMAN 2015) et participe à la création de Così fan tutte de Mozart par Anne (quatuor de saxophones) qui devient en 2000 un ensemble de quatre Teresa De Keersmaeker et de Don Giovanni de Mozart par Ivo van Hove quatuors ‒ saxes, cordes, percussions et vocal ‒ participant à plusieurs à l’Opéra de Paris. spectacles mis en scène par Ivo van Hove (Tragédies romaines, Teorema, The Fountainhead, Kings of War). Il collabore notamment An D’Huys - costumes avec Guy Cassiers, Anne Teresa De Keersmaeker, Wim Vandekeybus, An D’Huys étudie à la Royal Fashion Academy d’Anvers. Elle travaille Meg Stuart, Heiner Goebbels, Johan Simons, Jan Fabre… régulièrement avec Ivo van Hove depuis 2002, notamment pour Kings of War d’après Shakespeare (Théâtre national de Chaillot, 2016), Bart Van den Eynde - dramaturgie Lazarus, Antigone de Sophocle (Théâtre de la Ville, 2015), Vu du pont Il travaille avec Ivo van Hove depuis 1995, et avec le Toneelgroep d’Arthur Miller (Young Vic de Londres en 2014, Odéon-Théâtre de l’Europe Amsterdam sur Scènes de la vie conjugale de Bergman (2005), The / Ateliers Berthier, 2015), The Fountainhead d’après Ayn Rand (Festival Antonioni Project d’après Antonioni (2009), Tragédies romaines d’après d’Avignon, 2014). Elle signe les costumes des spectacles d’Anne Teresa Shakespeare (2007), Kings of War, The Other Voice de Ramsay Nasr De Keersmaeker pour la compagnie de danse Rosas (et notamment (2016)... Depuis 2005, il travaille également en tant que dramaturge ceux de Così fan tutte). Elle a fait partie de l’équipe styliste pour des productions de danse et de théâtre avec notamment Guy d’Ann Demeulemeester pendant onze ans. Cassiers, FC Bergman, Meg Stuart, Arco Renz, Lisbeth Gruwez, Simon Stephens, Peter Verhelst, Judith Herzberg. Il est régulièrement invité à Tal Yarden - vidéo donner des master classes dans des écoles de théâtre et dirige depuis Né à Jérusalem, Tal Yarden vit aujourd’hui à New York. Il collabore avec 2015, le master théâtre de l’Académie de Maastricht. Ivo van Hove et Jan Versweyveld sur de nombreuses productions, dont Directeur de la publication Éric Ruf - Secrétaire générale Anne Marret - Coordination éditoriale Pascale Pont- Lazarus, et en particulier avec le Toneelgroep Amsterdam pour Kings of Amblard - Portraits de la Troupe Stéphane Lavoué - Photographies de répétition Jan Versweyveld (p. 18-19) et Christophe Raynaud de Lage - Conception graphique c-album - Licences n°1-1079408 - n°2-1079409 War, The Fountainhead. Il crée également des installations et projections n°3-1079410 - Impression Stipa Montreuil (01 48 18 20 20) - mars 2019 30 31
Réservations 01 44 58 15 15 www.comedie-francaise.fr Salle Richelieu Théâtre du Vieux-Colombier Studio-Théâtre 01 44 58 15 15 01 44 39 87 00/01 01 44 58 98 54 Place Colette 21 rue du Vieux-Colombier Galerie du Carrousel du Louvre Paris 1er Paris 6e 99 rue de Rivoli Paris 1er
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