Les échanges de bovins vivants et de viande bovine dans le monde et dans l'UE : trajectoires productives et commerciales des principaux pays ...
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INRA Prod. Anim., Les échanges de bovins vivants et de viande bovine dans le monde et dans l’UE : 2017, 30 (3), 199-218 trajectoires productives et commerciales des principaux pays impliqués V. CHATELLIER INRA, Agrocampus Ouest, UMR SMART-LERECO, 44300, Nantes, France Courriel : vincent.chatellier@inra.fr Face à l’augmentation de la consommation mondiale de viande bovine et aux difficultés productives rencontrées dans de nombreux pays, les échanges internationaux de viande bovine se développent, avec l’arrivée de nouveaux acteurs à l’export tels que l’Inde. Si les flux de bovins vivants et de viande bovine sont importants entre ses États membres, l’UE demeure un acteur modeste du marché mondial, tant à l’import qu’à l’export. La viande bovine est intégrée dans le où les quatre premiers producteurs, à espaces et nourris essentiellement d’herbe régime alimentaire d’une part importante savoir les États-Unis (10,8 millions de via le pâturage. Bénéficiant de cycles de de la population mondiale. En 2015, la tec en 2015), le Brésil (8,8 millions de production souvent longs, avec une crois- consommation moyenne annuelle de tec), l’UE-28 (7,7 millions de tec) et la sance lente des animaux, ces systèmes viande bovine s’élève à environ 10 kg Chine (7 millions de tec), réalisent la mobilisent peu d’intrants et sont, du moins en équivalent carcasse par habitant (FAO moitié de la production mondiale. Les dans certains pays, plutôt compétitifs au 2016), soit un peu moins de 7 kg de mus- pays qui arrivent ensuite sont l’Inde, niveau des coûts de production. Le troi- cle (ou viande nette sans os). Ce niveau l’Argentine, l’Australie, le Mexique, la sième type, le plus récent, regroupe des de consommation varie fortement selon Russie et le Canada. bovins engraissés de manière plus inten- les zones géographiques : il dépasse 35 kg sive. Les bovins bénéficient d’une ali- dans plusieurs pays du continent améri- Pour faire face à la croissance de la mentation basée sur de l’herbe cultivée, cain, avoisine 16 kg dans l’Union Euro- demande mondiale de viande bovine, un des céréales secondaires, des concentrés péenne (UE) et ne dépasse pas 2 kg en développement organisé de la production protéiques (dont les tourteaux de soja), Inde (FranceAgriMer 2011a). L’augmen- a été mis en œuvre, parallèlement à voire parfois des sous-produits issus des tation de la demande mondiale de viande l’adoption de techniques agricoles moder- industries agro-alimentaires. L’objectif bovine tient surtout à l’essor démogra- nes (rationnement des bovins, sélection est de favoriser une croissance rapide des phique (croissance annuelle de la popu- génétique, gestion sanitaire des trou- bovins, dans des ateliers qui peuvent lation mondiale de l’ordre de 1,1% par an). peaux…). La production mondiale de atteindre des tailles conséquentes comme Un recul de consommation est observé viande bovine résulte aujourd’hui de c’est souvent le cas en Amérique du depuis environ deux décennies dans de bovins aux caractéristiques très hétéro- nord. nombreux pays développés, dont en gènes tant en termes de races (des races France. La viande de volaille connaît, laitières versus des races à viande, des L’objectif de cet article est de proposer quant à elle, une croissance de consom- races précoces versus des races tardives), une analyse centrée sur l’évolution, au mation plus soutenue en raison d’un coût que d’âge des animaux abattus (des veaux cours des quinze dernières années (2000- de production plus avantageux (meilleur de boucherie aux bovins adultes de plus 2015), du commerce international et indice de consommation et cycle de pro- de dix ans) ou de poids. La production européen dans le secteur bovin. Une duction plus court), d’une bonne image de viande bovine recouvre au moins trois distinction est faite entre le commerce de santé, d’une praticité d’utilisation et d’une grands types de modèles productifs (Kahn bovins vivants et celui de viande bovine, moindre exposition aux interdits religieux et Cottle 2014). Le premier, le plus his- étudié ici plus finement. Cet article est (Henchion et al 2014). torique, regroupe les bovins pour lesquels structuré en trois parties. Après le rappel la production de viande n’est finalement de quelques faits sur les échanges mon- D’après l’organisation des nations unies que le sous-produit d’une activité princi- diaux dans le secteur bovin, la première pour l’alimentation et l’agriculture (FAO pale, à savoir par exemple la production partie s’intéresse à la situation des qua- 2016), la production mondiale de viande de lait, dont les besoins mondiaux ne tre principaux pays exportateurs, à savoir bovine s’élève, en 2015, à 67,9 millions cessent de croître. Dans certains pays l’Australie, l’Inde, le Brésil et les États- de tonnes en équivalent carcasse (tec), en développement où la mécanisation est Unis. La deuxième partie traite de la soit un volume très inférieur à celui de encore loin d’être généralisée, les bovins situation des principaux pays importa- la viande de volaille (114,9 millions de tec) ont aussi parfois pour vocation première teurs, à savoir la Chine (en y incluant et de la viande porcine (117,2 millions de servir de traction animale. Le deuxième Hong-Kong, mais aussi le Vietnam, de tec). La production de viande bovine type de modèle rassemble des bovins éle- compte tenu de l’importance des flux entre est fortement concentrée dans la mesure vés de manière extensive sur de grands ces trois zones), le Japon et la Russie. INRA Productions Animales, 2017, numéro 3
200 / V. CHATELLIER La troisième partie aborde l’évolution Encadré 1. Le commerce de la viande bovine a été influencé par la fièvre aphteuse du commerce européen dans le secteur et l’ESB. bovin, en s’intéressant d’une part aux échanges extra-UE de l’UE et de ses États La fièvre aphteuse est une maladie virale grave qui affecte les artiodactyles, c’est- membres et, d’autre part, aux principaux à-dire les animaux ayant des sabots fourchus, dont notamment les bovins. flux intra-UE. Hautement contagieuse, elle est endémique dans certaines parties de l’Asie et la 1 / Les principaux exporta- majeure partie de l’Afrique et du Moyen-Orient. La majorité des pays d’Amérique du Sud ont appliqué des mesures de zonage et sont reconnus indemnes de fièvre teurs mondiaux dans le sec- aphteuse avec ou sans vaccination. La lutte contre cette maladie comporte des teur bovin systèmes de détection et d’alerte précoces. Des mesures de contrôle et de sur- veillance strictes portant sur les importations et les déplacements transfrontaliers d’animaux permettent aussi de renforcer la protection des pays et des zones géo- Dans le secteur bovin, les échanges graphiques indemnes. Au fil des décennies, la fièvre aphteuse a eu une influence internationaux portent nettement plus, structurante sur les courants d’échanges de viande bovine entre les grandes tant en tonnage qu’en valeur, sur la viande zones du monde, en différenciant notamment la « zone Pacifique » (zone constituée bovine que sur des bovins vivants (Insti- de l’Amérique du Nord, de l’Asie du Sud-Est et de l’Océanie et exempte de la fièvre tut de l’Élevage 2016). Les échanges inter- aphteuse sans vaccination) de la « zone Atlantique » (zone regroupant l’Amérique nationaux (hors commerce intra-UE) de du Sud, l’Europe, le Proche et le Moyen-Orient, l’Asie du Sud et l’Afrique et pra- viande bovine portent, en 2015, sur 9,1 tiquant la vaccination contre la fièvre aphteuse, ce qui n’empêche d’ailleurs pas millions de tonnes équivalent carcasse de fréquentes épizootie). Il faut noter que l’UE a stoppé la vaccination contre (tec), soit environ 13% de la production la Fièvre aphteuse depuis le début des années 1990, et a connu une dernière mondiale. En progression sur longue épizootie importante en 2001-2002. période, mais en recul par rapport à 2014 (9,6 millions de tec), les exporta- L’Encéphalopathie Spongiforme Bovine (ESB), ou maladie dite « de la vache tions de viande bovine sont influencées folle », a été reconnue pour la première fois en 1986 en Angleterre. Potentiellement par un ensemble de facteurs dont des transmissible à l’Homme, cette maladie est causée par l’accumulation d’une forme questions d’ordre sanitaire (encadré 1), climatique (certains exportateurs sont pathogène de protéines, le prion. Non seulement elle a connu de nombreux foyers sensibles à la sécheresse qui affecte les de contamination (en Europe, en Amérique du Nord et au Japon), mais elle a productions fourragères), économique remis en question le précédent clivage géographique instauré par la fièvre aphteuse (croissance dans les pays en dévelop- en touchant à la fois les zones Pacifique et Atlantique. Au travers de l’application pement) et monétaire (évolution des pari- d’embargos sanitaires, elle a eu un impact important sur les flux internationaux de tés). viande bovine. Si l’Australie est exempte de cette maladie, il n’en va pas de même aux Etats-Unis, pays particulièrement fragilisés. Les flux de bovins vivants, qui font l’objet d’une réglementation sanitaire iii) des bovins lourds destinés à l’abat- du Mexique (207 000 tec). Un dévelop- rigoureuse, se font surtout entre pays tage dans le pays client. Il s’agit souvent pement de l’analyse est proposé ci-après voisins dans la mesure où il est techni- de pays déficitaires en viande bovine pour les quatre principaux fournisseurs quement difficile, mais aussi coûteux, qui attachent une certaine importance à du marché mondial (figure 1). d’assurer un transport d’animaux vivants la question du rituel de l’abattage ou de sur de longues distances. En 2015, les pays ayant des infrastructures d’abattage 1.1 / L’Australie principaux exportateurs de bovins vivants efficiente. sont le Mexique (1,21 million de têtes), Avec une surface agricole conséquente l’Australie (1,11 million de têtes), le En 2015, la viande bovine occupe le (412 millions d’hectares) et une popula- Canada (0,83 million de têtes), l’UE-28 premier rang des viandes échangées en tion limitée (23 millions d’habitants), (0,62 million de têtes), l’Uruguay (0,22 valeur, mais le deuxième en volume der- l’Australie est, et depuis fort longtemps, million de têtes) et le Brésil (0,21 million rière la viande de volaille (12,3 millions un pays qui compte dans le commerce de têtes). Ce commerce recouvre une de tec) et devant la viande porcine (7,2 international des produits agroalimen- diversité de bovins qu’il est possible de millions de tec). Ainsi, et contrairement taires (Hogan et Morris 2010). Si l’agri- regrouper schématiquement en trois à d’autres produits agricoles plus inter- culture ne contribue que pour 2% au catégories : nationalisés (soja, sucre, céréales, poudre produit intérieur brut et n’emploie que de lait…), la viande bovine est un pro- 3% des actifs, elle joue un rôle détermi- i) des bovins reproducteurs qui viennent duit qui est d’abord très largement nant dans la balance commerciale du conforter le cheptel d’un pays donné consommé dans le pays de production. pays (Silva 2014). L’Australie compte dans le but de développer la production un cheptel de bovins de 27,4 millions de intérieure et d’améliorer le potentiel géné- Les exportations de viande bovine sur têtes en 2015, dont 12,5 millions de tique du troupeau national ; ces bovins le marché international résultent d’un vaches allaitantes (et génisses) et 1,7 étant commercialisés avec des valeurs nombre limité de pays (encadré 2). En million de vaches laitières. Ce cheptel unitaires plus élevés, ils peuvent parfois 2015, les dix principaux exportateurs est concentré pour une grand part dans parcourir des distances plus importantes sont, en effet, à l’origine de 85% de l’en- les trois États situés à l’est du pays, à entre le pays d’origine et le lieu de desti- semble des flux internationaux. Il s’agit, savoir le Queensland (41% du cheptel nation ; par ordre décroissant en volume, de national), la Nouvelle-Galles du Sud l’Australie (1,87 million de tec), de l’Inde (20%) et Victoria (15%). À l’Ouest, ii) des bovins destinés à l’engraissement (1,70 million de tec), du Brésil (1,69 l’Australie occidentale ne compte que dans le pays acheteur. C’est la catégorie million de tec), des États-Unis (1,11 pour 9% du cheptel national. La pro- la plus importante en termes d’effectifs million de tec), de la Nouvelle-Zélande duction australienne de viande bovine de bovins, à la lumière par exemple des (631 000 tec), du Canada (399 000 tec), atteint 2,5 millions de tec en 2015, soit exportations françaises de broutards à de l’Uruguay (376 000 tec), du Paraguay 4% du total mondial. Avec 13% de la destination de l’Italie ; (374 000 tec), de l’UE (240 000 tec) et production agricole finale, la viande INRA Productions Animales, 2017, numéro 3
Les échanges de bovins vivants et de viande bovine dans le monde et dans l’UE… / 201 Encadré 2. Sources statistiques et éléments méthodologiques. Les données statistiques utilisées à l’échelle internationale pour discuter de la question des échanges sont celles issues de la base de données BACI développée par le CEPII (Centre de recherche français dans le domaine de l’économie interna- tionale) à partir des données primaires de la base de données COMTRADE issue de la division statistique des nations Unies. La base BACI est construite selon une procédure originale qui concilie les déclarations de l’exportateur et de l’importateur. En permettant de disposer partout dans le monde d’un seul et même code de désignation pour une même marchandise (du moins au niveau dit « SH6 »), le Système Harmonisé (SH) des douanes contribue à l’harmonisation des régimes doua- niers, des procédures commerciales et douanières et facilite l’échange de données commerciales. Ce système harmonisé est utilisé par 195 pays et couvre plus de 95% du commerce mondial. Dans le cas de l’Inde (et seulement dans ce cas), ce sont les données primaires de COMTRADE qui sont utilisées, avant l’application du traitement selon la méthode BACI. Les données statistiques utilisées à l’échelle de l’UE et des États membres sont celles issues de la base de données COM- TEXT. La Nomenclature Combinée (NC) définie au niveau européen est constituée de 8 chiffres, soit les 6 premiers du système harmonisé et de deux chiffres complémentaires. Elle détermine notamment les droits de douane à l'importation dans l'UE et permet l'élaboration des statistiques du commerce extérieur. Suite à l'adoption du marché unique le 1er janvier 1993, les formalités douanières entre les États membres ont été supprimées, mais un nouveau système de collecte de données auprès des opérateurs a été mis en place pour traiter la question du commerce intra-communautaire. Ce système pose cependant parfois certaines questions méthodologiques car la vitesse du renseignement des informations varie entre les États membres. Ainsi, il arrive que les exportations d’un pays « A » vers le pays « B » ne correspondent pas toujours, en temps réel, aux importations déclarées par le pays « B » en provenance du pays « A ». Le terme « viande bovine » utilisé tout au long de cet article correspond à une définition précise et cohérente entre les don- nées internationales et européennes. Sans entrer ici dans la liste détaillée des codes SH ou NC impliqués, il regroupe les viandes fraîches et réfrigérées (avec des déclinaisons possibles pour identifier les carcasses, les découpes, les découpes désossées, les abats comestibles), les viandes congelées (avec des déclinaisons similaires) mais aussi les produits transfor- més (préparations et les viandes salées, séchées et fumées). Les échanges sont indiqués en euros courants et en Tonne Équivalent-Carcasse (TEC). Un raisonnement en TEC (qui diffère du calcul en viande nette sans os, critère parfois utilisé) permet d’agréger, d’une certaine manière, des viandes sous toutes leurs présentations. Pour connaître la quantité équivalente de viande sous une forme donnée, on y applique un coefficient propre à chaque produit. Le coefficient utilisé est celui utilisé par les services de FranceAgriMer. Dans le cas de COMTRADE, ce coefficient est, par exemple, de 1 pour les carasses, les demi-carcasses et les découpes. Il est de 1,3 pour les abats et les viandes salées, séchées et fumées. La nomenclature de COMEXT étant plus fine, le niveau de précision de l’estimation est renforcé. Figure 1. Les principaux exportateurs de viande bovine dans le monde (Milliards La production australienne de viande d’euros courants). bovine relève essentiellement de deux (Source : BACI d’après Comtrade/Traitement INRA, SMART-LERECO). types de systèmes productifs. Le premier, historique et compétitif au niveau des coûts de production, correspond à un système dit de « ranching » où les ani- maux sont nourris à l'herbe de façon extensive dans des paddocks à la taille souvent importante (plusieurs milliers d’hectares). Le second correspond au modèle, imaginé aux États-Unis, des « feed lots ». Il s’agit d’élevages inten- sifs qui privilégient l’engraissement d’ani- maux maigres à partir notamment de céréales et de tourteaux dans des parcs situés à proximité souvent de zones céréa- lières. L’introduction des parcs d’engrais- sement en Australie remonte aux années 1950, période correspondant à une montée en puissance de la demande extérieure de viande bovine (Japon, Corée du Sud, Taiwan, États-Unis). Ces deux systèmes productifs sont complémentaires, l'un fournissant à l'autre des veaux sevrés et en bonne santé, l'autre libérant l'élevage extensif des bêtes à l'engraissement. En dépit d’un niveau individuel de consommation de viande bovine élevé bovine est le deuxième produit agricole terres arables (48 millions d’hectares), les (environ 30 kg par habitant et par an), le plus important derrière le blé. Le poten- problèmes d’accès à l’eau (sécheresse) et mais en raison d’un marché intérieur tiel de développement de l’élevage est l’érosion des sols dans certaines régions réduit, la consommation de viande bovine cependant contraint par la faible part de (Bell et al 2011). ne représente qu’une part limitée de la INRA Productions Animales, 2017, numéro 3
202 / V. CHATELLIER production intérieure (environ un quart). Figure 2. Les exportations de l’Australie en viande bovine (Milliers de tec). Il en résulte que l’Australie occupe, et (Source : BACI d’après Comtrade/Traitement INRA, SMART-LERECO). depuis longtemps, une place importante dans le commerce mondial de bovins. Cette situation est renforcée par l’exis- tence d’une situation sanitaire favorable. En effet, d’après l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), ce pays est indemne de fièvre aphteuse, comme cela est également le cas en Nouvelle-Zélande, en Amérique Centrale, en Amérique du Nord et en Europe Occidentale. La position à l’export de l’Australie est également favorisée par son savoir- faire de filière. Ainsi, par exemple, ce pays a développé le « Meat Standard Australia » qui permet de prédire la qualité de la viande à partir de chaque combinaison « muscle/mode de cuis- son ». Ce système, qui a été testé avec succès aux États-Unis, au Japon, en Corée du Sud et, plus récemment en Chine, stimule l’intérêt de la commu- nauté scientifique étrangère, y compris française (Legrand et al 2013). La posi- tion commerciale de l’Australie est aussi confortée par ses politiques publiques. Membre du groupe de Cairns, l’Australie est un pays peu interventionniste en agriculture et un fervent partisan de la libéralisation des marchés agricoles dans lement à l’Indonésie (35% du total en déterminante (5%), de même que les le cadre des négociations multilatérales valeur), le Vietnam (28%), la Chine viandes fraîches découpées (3%) et en de l’Organisation Mondiale du Com- (15%), la Russie (6%), la Malaisie (4%) carcasse (1%). En 2015, les exportations merce -OMC- (Potard-Hay 2016). Pour et Israël (3%). Si l’Égypte ouvre parfois sont destinées principalement aux États- dynamiser ses échanges, l’Australie a ses portes aux bovins vivants en prove- Unis (30% des volumes), au Japon également signé de nombreux accords de nance d’Australie (34% des exports en (21%), à la Corée du Sud (13%) et à la libre-échange. Cela concerne le Closer 2001), les flux sont très irréguliers d’une Chine (10%). Viennent ensuite, mais plus Economic Relations Trade en 1983 avec année à l’autre. loin derrière, le Canada, l’Indonésie, la Nouvelle-Zélande ; les Free Trade Taïwan et l’Arabie Saoudite. Exprimée Agreement avec Singapour (2003), la En 2015, l’Australie assure 20% des en valeur, la part relative de ces pays est Thaïlande (2005), les États-Unis (2005), exportations mondiales (hors flux intra- proche. Quelques précisions sont appor- le Chili (2009) et la Malaisie (2013) ; UE) de viande bovine en volume et elle tées ci-après pour les quatre principaux l’accord avec la Nouvelle-Zélande et les se positionne en tête devant ses concur- clients. pays signataires de l’ASEAN (Associa- rents en valeur. Après avoir perdu sa tion des pays du sud est asiatiques en place de leader au bénéfice du Brésil au - Les exportations à destination des 2010). Depuis le 4 février 2016, l’Austra- milieu de la précédente décennie, ce États-Unis se sont élevées à 565 000 tec lie est également membre du « Trans- pays occupe de nouveau le premier rang en 2015 (soit 37% du total des importa- Pacific Partnership Agreement » (TTP), en 2015. Les exportations sont passées tions américaines), le tonnage le plus un traité multilatéral de libre-échange de 1,22 million de tec en 2000 à 1,87 important réalisé depuis au moins quinze qui vise à intégrer les économies des million de tec en 2015, la hausse ayant ans et l’un des flux les plus conséquents régions Asie-Pacifique et Amérique. Cet surtout eu lieu au cours des cinq dernières au monde (carte 1). Pour la première fois, accord, récemment remis en cause par années (figure 2). L’inflation accumulée les exportations australiennes devraient l’administration du nouveau Président tout au long de cette période et l’augmen- même dépasser la limite des contingents américain (cf. infra), prévoit la suppres- tation tendancielle du prix international d’importation sur le marché américain. sion de près de 18 000 droits de douanes, de la viande bovine font que la hausse Après avoir baissé au profit du Japon et y compris sur les denrées agricoles, avec des exportations est plus nette lorsqu’elle de la Corée du sud, les exportations vers une diminution progressive dans le cas est exprimée en valeur (de 2,37 à 7,09 les États-Unis ont été nettement relancées de la viande bovine. milliards d’euros). depuis 2011, le plus bas niveau de la période étudiée (204 000 tec). Cette L’Australie occupe le deuxième rang Au cours des années 2015-2016, les relance est liée aux disponibilités inter- des pays exportateurs de bovins vivants exportations de viande bovine d’Australie nes à l’Australie, mais également à la (1,11 million de têtes) derrière le Mexi- ont été d’une certaine manière confortées baisse de la production américaine de que ; elle tient également le deuxième par la sécheresse qui sévissait dans le viande bovine. rang en valeur derrière le Canada et pays en ce sens que celle-ci a entraîné devant le Mexique. En valeur, les expor- une décapitalisation de cheptel. Les - Les exportations à destination du tations australiennes de bovins vivants exportations se font principalement sous Japon (396 000 tec en 2015) ont atteint sont passées, en monnaie courante, de la forme de viandes congelées (61% des leur niveau record en 2005 (566 000 tec). 308 millions d’euros en 2000 à 1,07 exportations en valeur) et de viandes Suite à la signature, en 2014, d’un accord milliard d’euros en 2015. À cette der- fraîches désossées (28%) ; les produits de partenariat économique entre ces deux nière date, elles sont destinées principa- transformés occupent une place moins pays, elles pourraient être relancées dans INRA Productions Animales, 2017, numéro 3
Les échanges de bovins vivants et de viande bovine dans le monde et dans l’UE… / 203 Carte 1. Les principaux courants d’échanges de viande bovine dans le monde en 2015 (milliers de tec). (Source : BACI d’après Comtrade/Traitement INRA, SMART-LERECO). les prochaines années. En quinze ans, le dernières années et est largement excé- Dans le secteur bovin, l’Inde se distin- tarif douanier de 38,5% appliqué sur la dentaire en viande bovine (+ 615 000 tec gue surtout par la très grande taille de viande congelée et réfrigérée sera, en en 2015), l’Australie reste un client très son cheptel, le plus développé au monde. effet, progressivement réduit à respecti- modeste par rapport aux États-Unis Il s’élève à près de 300 millions de têtes, vement 19,5 et 23,5% (USDA 2015-a). (293 000 tec) et à la Chine (96 000 tec). dont 51% de zébus, 36% de buffles et En vertu de cet accord, le Japon a aussi 13% de croisements de zébus avec des réduit de 20% les droits sur les importa- 1.2 / L’Inde races importées. En dépit de ce cheptel tions de bovins vivants en provenance conséquent, mais en raison de la confor- d'Australie, sans restriction de volume. Avec 1,3 milliard d’habitants en 2015 mation des bovins et de leurs performan- En dépit de ces accords, la baisse atten- (dont 40% sont âgés de moins de 20 ans), ces zootechniques, la production indien- due de la population japonaise pourrait l’Inde regroupe 18% de la population ne de viande bovine (4,1 millions de tec avoir un impact négatif sur ses besoins mondiale pour seulement 4% des terres en 2015 pour 38 millions de bovins intérieurs. agricoles (soit 180 millions d’hectares) abattus) ne représente que 6% de l’offre et 4% des ressources en eau. L’agriculture mondiale. En Inde, les bovins sont utili- - Les exportations à destination de la se caractérise par d’innombrables exploi- sés essentiellement pour la production Corée du sud, pays structurellement défi- tations de très petite taille (économie laitière et pour la traction animale (cf. citaire pour ce produit, se sont nettement d’autosubsistance), une mécanisation photo 1). L’augmentation soutenue de la développées pour atteindre 237 000 tec peu développée, des rendements faibles production laitière influe positivement sur en 2015, soit quatre fois plus qu’en 2000. et un développement limité des activités le développement du cheptel de femel- L’Australie assure ainsi 58% des impor- de transformation. L’Inde est le premier les alors que l’essor de la mécanisation tations coréennes devant les États-Unis producteur mondial de lait (avec une joue en défaveur de celui des mâles. Des (33%), la Nouvelle-Zélande (7%), l’Uru- forte croissance des besoins intérieurs) rééquilibrages s’opèrent donc, au fil du guay (3%) et le Canada (3%). et le second pour le blé, le riz, le coton, temps, entre catégories de bovins. le sucre, le thé ou les fruits et légumes. - Les exportations à destination de la Si la part de l'agriculture dans le Produit La consommation individuelle de Chine atteignent 213 700 tec en 2015 Intérieur Brut (PIB) a fortement reculé viande bovine en Inde (estimée à 1,7 kg contre moins de 40 000 tec tout au long (de 30% en 1990 à 17% en 2015), l’agri- par habitant et par an) est l’une des plus de la période 2000-2011. Depuis 2012, culture demeure le premier employeur faibles au monde. Les habitudes alimen- « l’Empire du Milieu » offre de nouvel- du pays avec environ la moitié des actifs. taires (le régime végétarien est adopté les opportunités de développement pour Ce pays, qui applique des droits de par près de 40% de la population), la l’Australie (Edwards et al 2016). douane élevés sur les produits agricoles grande pauvreté d’une part écrasante de importés et qui recourt à de nombreuses la population et les interdits religieux Les importations de l’Australie en vian- restrictions à l’importation, bénéficie d’un sont les principaux facteurs qui influent de bovine sont marginales (15 000 tec excédent commercial en croissance et sur cette situation. Les hindous (80% de en 2015, soit le plus haut niveau des vingt positif dans le domaine agroalimentaire la population) considèrent que les femel- dernières années) relativement aux expor- (16 milliards d’euros en 2014 selon les les zébus (vaches) sont « sacrées » et, de tations et elles proviennent exclusivement douanes indiennes). La part de l’agro- fait, s’opposent à leur abattage et à leur de la Nouvelle-Zélande (9 500 tec) et alimentaire dans les exportations totales consommation. La viande bovine issue des États-Unis (4 100 tec). Pour la a considérablement baissé en passant de des buffles et des zébus mâles n’est Nouvelle-Zélande, pays géographique- près de 40% au début des années soixante- cependant pas sujette aux mêmes interdits ment voisin qui a fortement développé dix à seulement 10% aujourd’hui (Pouch religieux. De plus, les règles relatives à sa production laitière au cours des quinze et Kheraief 2016). l’abattage (et au transport) des différentes INRA Productions Animales, 2017, numéro 3
204 / V. CHATELLIER Photo 1. Les bovins ont parfois une fonction de traction animale en Inde. agricole, le Brésil est l’un des tous pre- Source : Vincent Chatellier. miers producteurs agricoles au monde et le troisième exportateur de biens agro- alimentaires (Commission européenne, 2016). Le secteur agro-industriel au sens large (agriculture, industries agroalimen- taires et agroéquipements) représente 22% du produit intérieur brut et 43% des exportations (Sabourin 2014). Si les exportations agroalimentaires brésilien- nes (67 milliards d’euros en 2015) sont inférieures à celles de l’UE-28 (128 mil- liards d’euros) et des États-Unis (127 mil- liards d’euros), le solde agroalimentaire est bien meilleur (60 milliards d’euros). Les principaux clients du Brésil en agroalimentaire sont la Chine (23% des exportations) et l’UE-28 (22%). Le sec- teur agricole brésilien recouvre une grande diversité d’exploitations, avec, d’un côté, de grands domaines dédiés aux produc- tions d’exportations et, de l’autre, de très nombreuses petites structures familiales catégories de bovins sont complexes et exportations du pays, lesquelles sont expé- centrées surtout sur le marché domes- déterminées au niveau de chaque État et diées souvent par le port de Mumbai. tique. Au plan commercial, le Brésil est non pas à l’échelle fédérale du pays favorable à une libéralisation accrue des (USDA, 2015b). L’Inde n’étant pas reconnue « indemne échanges agricoles et à une ouverture de fièvre aphteuse » par l’Organisation accentuée du marché européen dans le L’Inde, dont les importations sont nul- Internationale de la santé animale (OIE), cadre de la négociation entre l’UE et plu- les ou marginales dans le secteur bovin de nombreux pays développés (dont sieurs pays du Mercosur. (y compris en animaux vivants), a forte- l’UE, les USA, le Japon, la Corée du sud) ment développé ses exportations de appliquent un embargo sur les viandes Le Brésil est le deuxième pays au viande bovine au cours de la précédente indiennes. La viande bovine indienne est monde, derrière l’Inde, pour la taille de décennie. Contrairement aux principaux donc commercialisée surtout dans des son cheptel. Culminant à 100 millions autres pays étudiés pour lesquels les pays en développement de l’Asie du Sud- de têtes en 1975, il a plus que doublé écarts d’estimation des exportations sont Est et du Moyen Orient où le prix d’achat pour atteindre 210 millions de têtes dès limités entre les différentes bases de constitue une variable cruciale. Le prix 2005 (ABIEC 2016) ; il s’est ensuite sta- données existantes sur le commerce, le à l’export de la viande bovine indienne bilisé à ce niveau jusqu’à aujourd’hui. cas de l’Inde est plus problématique. (environ 2,8 euros par kgec d’après L’augmentation de la consommation D’après les données de Comtrade (et Comtrade) est très compétitif en raison intérieure de viande bovine, qui atteint sans l’application de la méthode BACI), surtout du faible prix d’achat des bovins un niveau près de quatre fois supérieur à aux producteurs/détenteurs et du coût la moyenne mondiale (soit 38 kg par les exportations de viande bovine de habitant et par an), et l’essor de la deman- l’Inde sont passées de 266 000 tec en imbattable de la main-d’œuvre. Le pre- mier pays client de l’Inde en viande de internationale ont été les moteurs du 2000 (pour un montant de 272 millions développement du cheptel. Le troupeau d’euros) à 1,34 million de tec en 2015 bovine est, du moins au regard des seu- les informations disponibles dans les brésilien est constitué principalement de (pour un montant de 3,79 milliards d’eu- races de type zébu, de la sous-espèce ros), après un pic atteint en 2014 (année bases de données, le Vietnam, avec 43% du total des volumes exportés en 2015. Bos indicus, reconnaissable à leur bosse où l’Inde aurait même détrôné l’Australie Cependant, et sans qu’il soit facile d’en sur le dos et à leurs oreilles tombantes. et le Brésil pour les exportations en volu- connaître les volumes exacts, il est géné- Les deux races de zébus les plus répan- me). Ces exportations concernent sur- ralement admis qu’une très large part de dues sur le continent sud-américain sont tout des bufflonnes laitières de réforme ces importations sont destinées in fine la Nelore (race à viande) et, plus loin âgées de plus de dix ans et des buffles au marché chinois. D’après certains derrière, la Gir (race mixte lait/viande). mâles utilisés pour la traction (avec un auteurs (Landes et al 2016, Liu et Iqbal Les autres bovins sont des races d’origine poids moyen de carcasse faible par rap- 2016), les exportations de l’Inde vers européenne de type Bos taurus, telles la port aux standards européens, c’est-à- la Chine peuvent être approchées en Prim’holstein, l’Angus ou la Hereford. dire compris entre 140 et 200 kg). Les considérant qu’elles correspondent à la Le cheptel brésilien est concentré pour bovins sont abattus selon le rite halal et différence entre les exportations indien- près de 60% dans les six États suivants : la viande est exportée sous une forme nes officiellement annoncées au Vietnam Mato Grosso (13,6%), Minas Gerais désossée et congelée. Le développement et les importations officiellement annon- (11,3%), Goiás (10,3%), Mato Grosso rapide des exportations est imputable aux cées du Vietnam en provenance de l'Inde. do Sul (10,1%), Pará (8,9%) et Rio investissements réalisés par des sociétés La Malaisie (10% des volumes exportés) Grande do Sul (6,7%). familiales dans des outils industriels est le deuxième client de l’Inde, devant modernisés (Institut de l’Élevage 2015b). l’Égypte (8%), l’Arabie Saoudite (5%), Le Brésil est le deuxième producteur Les outils d’abattage agréés pour l’ex- la Thaïlande (5%), les Philippines (3%), de viande bovine au monde dernière les port sont localisés pour une part impor- l’Irak (3%) et l’Algérie (3%). États-Unis, avec 8,8 millions de tec en tante dans l’État de l’Uttar Pradesh qui 2015. Après un léger recul de la produc- assure à lui seul près de 70% des expor- 1.3 / Le Brésil tion au cours des dernières années, celle- tations indiennes de viande bovine. De ci pourrait de nouveau progresser dans même, trois groupes industriels (Allana, Avec 200 millions d’habitants en 2015 les dix années à venir en raison des pro- HMA et Hindagro) réalisent 60% des et 275 millions d’hectares de surface grès de la génétique animale, de l’amé- INRA Productions Animales, 2017, numéro 3
Les échanges de bovins vivants et de viande bovine dans le monde et dans l’UE… / 205 lioration de la gestion des plantes four- Figure 3. Les exportations du Brésil en viande bovine (Milliers de tec). ragères (pour favoriser un niveau plus (Source : BACI d’après Comtrade/Traitement INRA, SMART-LERECO). élevé de chargement) et des progrès en cours au niveau de l’efficacité alimen- taire (FAO-OCDE 2016). Dans plusieurs régions, néanmoins, le développement des productions végétales (dont le soja, le maïs et la canne à sucre) entre en concurrence croissante avec les activités d’élevage. Ainsi, les surfaces de prairies, qui s’élèvent à 167 millions d’hectares à l’échelle nationale, ont reculé de près de 12% depuis 1990. Les activités d’élevage donnent souvent lieu à une séparation marquée entre, d’une part, le naissage et l’engraissement et, d’autre part, la repousse et la finition (Institut de l’Éle- vage 2012). Elles relèvent majoritaire- ment de systèmes d’élevage extensif à l’herbe, d’autant plus compétitifs que les apports alimentaires extérieurs sont limités et que les coûts en bâtiments sont modestes (Champion et Chotteau 2013). À côté de ces élevages extensifs, qui peuvent couvrir jusqu’à plusieurs milliers d’hectares, le Brésil a également mis en œuvre, à partir des années quatre-vingt, des feedlots ou confinamentos. Si les élevages intensifs de ce type se dévelop- pent, ils ne couvrent aujourd’hui que 10 à 15% du total des bovins abattus au historiquement nulles et les exportations Les exportations à destination de Hong- Brésil. Souvent situés dans des zones sont assez modestes (191 millions d’eu- Kong et de la Chine ont considérablement propices à la production des grains, ils ros en 2015) tant par rapport aux princi- progressé, surtout depuis 2011. Elles sont sont dédiés à l’engraissement de brou- paux exportateurs mondiaux (Mexique passées (en cumulant ces deux destina- tards repoussés, pour une durée courte et Australie) que comparativement aux tions) de 38 700 tec en 2000 à 440 500 tec (trois mois). exportations de viande bovine ; ces der- en 2015, année record. Cette zone géo- nières étant vingt-cinq fois plus élevées graphique représente désormais le quart Les exportations brésiliennes de viande en valeur. Ces exportations de bovins des exportations brésiliennes de viande bovine représentent, en 2015, 20% de la vivants sont destinées principalement bovine tant en volume qu’en valeur. Avec production intérieure. Une part impor- au Venezuela (63% du total), au Liban 315 300 tec importées en 2015, Hong- tante de la croissance de l’offre observée (20%) et à la Jordanie (10%). Kong occupe le premier rang des impor- au cours des vingt dernières années a été tateurs en provenance du Brésil devant mise au profit de la demande domes- Le Brésil n’importe presque pas de l’Égypte (245 000 tec en 2015) et la tique. Pour les entreprises, l’accès aux viande bovine, seulement quelques mil- Russie. Les importations russes, qui marchés d’exportations est réglementé liers de tonnes depuis l’Argentine et l’Uru- varient fortement d’une année à l’autre, et dépend d’agréments sanitaires plus guay. Les exportations sont passées, ont atteint leur point culminant en 2007 ou moins stricts. Pour exporter sur le quant à elles, de 416 300 tec en 2000 (585 700 tec), pour retomber à 222 700 tec marché international et commercialiser (pour un montant de 855 millions d’eu- en 2015. Avec 139 100 tec, l’UE arrive des viandes sur l’intégralité du territoire ros) à 1,69 million de tonnes en 2015 en quatrième position des clients. Les national, l’entreprise doit au préalable (pour un montant de 5,1 milliards d’eu- importations européennes ont fortement bénéficier d’un agrément délivré par le ros). Le niveau record des exportations baissé depuis leur pic de 2006 (521 700 Service d’Inspection Fédéral. La moitié en volume a été atteint dès 2006 avec tec), sous l’effet de la hausse du prix de seulement de la production brésilienne 1,87 million de tec (figure 3). À cette vente de la viande bovine brésilienne de viande bovine est couverte par cet date, le Brésil occupait le premier rang (prix tiré par une consommation intérieu- agrément. Les trois groupes agroalimen- mondial des pays exportateurs. En 2015, re soutenue), de la baisse de la consom- taires les plus puissants du secteur (JBS, les exportations brésiliennes se font à mation dans l’UE et, surtout, de la modi- Marfrig et Minerva) réalisent 56% des 82% (en volume) sous la forme de vian- fication des règles sanitaires imposées abattages nationaux et sont à l’origine de des bovines congelées, 10% de viandes au Brésil à compter du 31 janvier 2008. plus de 90% des exportations. L’entre- fraîches désossées et 8% de viandes Dans la continuité d’une visite d’inspec- prise JBS, concentre à elle seule, 34% transformées (préparations). Au fil des tion vétérinaire menée en 2007 et consi- des abattages et la moitié des exporta- quinze dernières années, le panel de dérant que les normes de traçabilité tions nationales de viande bovine. Cette clients du Brésil en viande bovine s’est étaient insuffisantes alors que ce pays forte concentration des acteurs indus- diversifié, avec notamment une baisse est partiellement affecté par la maladie triels favorise la rationalisation des outils du poids relatif de l’UE et une montée de la fièvre aphteuse, l’UE a limité de d’abattage et permet de générer des éco- en puissance des pays asiatiques. En se façon drastique le nombre des exploita- nomies d’échelle qui constituent un concentrant et en diversifiant leurs clien- tions brésiliennes habilitées à exporter atout face à la concurrence internationa- tèles, les opérateurs brésiliens disposent vers le marché européen. Selon l’OIE, le (FranceAgriMer 2011b). désormais de débouchés complémentai- quelques États brésiliens (dont Santa res pour toutes les pièces d’une même Catarina) qui ne pratiquent pas la vacci- Au niveau du commerce de bovins carcasse, ce qui permet d’améliorer l’ef- nation sont cependant reconnus comme vivants, les importations du Brésil sont ficacité économique globale de la filière. zone indemne de fièvre aphteuse. Les INRA Productions Animales, 2017, numéro 3
206 / V. CHATELLIER autres pays clients du Brésil sont, en 2015, l’Élevage 2015a). Avec un cheptel de 89 demande des acteurs de l’engraissement l’Iran (127 100 tec), la Chine (125 200 millions de têtes, les États-Unis produi- dont la rentabilité est pour partie condi- tec), le Venezuela (122 000 tec), le Chili sent 10,8 millions de tec de viande bovine tionnée à l’évolution du prix d’achat des (84 300 tec) et les États-Unis (39 200 tec). en 2015. Le secteur bovin-viande, qui aliments. Avant de basculer dans une compte 620 000 exploitations spéciali- phase d’engraissement, les broutards 1.4 / Les États-Unis sées, est assez concentré dans la partie bénéficient d’une étape intermédiaire de centrale du pays ; les cinq États les plus plusieurs mois, dite « la repousse », Avec une population de 325 millions représentés sont le Texas (13,1% du chep- réalisée parfois dans des exploitations d’habitants en 2016 (4,3% de la popula- tel national en 2015), le Nebraska (7%), spécialisées pour cette activité. La phase tion mondiale) et une surface agricole le Kansas (6,7%), la Californie (5,7%) d’engraissement recourt à un modèle de de 408 millions d’hectares (dont 38% et l’Oklahoma (5,1%). production radicalement différent, car de terres arables), les États-Unis sont le très intensif (forte concentration de bovins premier pays producteur agricole au La production de viande bovine n’est à l’hectare) et basé sur l’utilisation d’ali- monde. Ils occupent le premier rang cependant pas en hausse puisqu’elle attei- ments issus de cultures (maïs ensilage, pour plusieurs productions agricoles gnait déjà 12,1 millions de tec en 2000 maïs grain, soja...) ou de l’industrie agro- dont le maïs grain, le soja, la viande de (Institut de l’Élevage 2015a). En 2004, alimentaire (dont les coproduits de la volaille et la viande bovine. Avec plus l’apparition de l’épizootie ESB avait filière éthanol). Les élevages d’engrais- du double de terres agricoles que l’UE, déjà affecté les abattages du fait notam- sement ou feed lot de grande taille jouent mais grâce à une forte mécanisation, les ment de l’arrêt des importations de bovins un rôle décisif dans la production amé- États-Unis ont cinq fois moins d’exploi- vivants en provenance du Canada. Après ricaine (Galyean et al 2011). En effet, en tations agricoles (soit environ deux mil- un retour à un niveau de croisière (envi- 2015, et d’après l’USDA, les 2 190 feed lions). Au travers du « Farm Bill », l’agri- ron 12 millions de tec) entre 2006 et 2010, lot de plus de 1000 têtes concentrent culture américaine bénéficie d’une poli- les abattages ont de nouveau reculé jus- 16,9 millions de bovins. Si ces élevages tique agricole plus structurée que dans qu’en 2015 sous l’influence d’une baisse intensifs sont fortement dépendants du d’autres pays concurrents (dont l’Austra- du cheptel allaitant (décapitalisation prix de l’alimentation, ils sont peu lie) et de systèmes assurantiels permet- imputable à la sécheresse dans différents coûteux à la tonne de viande bovine tant aux exploitations de faire face, du États et à l’augmentation du prix des produite pour les bâtiments, ce qui cons- moins pour une part, aux effets négatifs matières premières), du plafonnement titue un avantage des États-Unis sur les de la volatilité accrue des prix agricoles des poids de carcasse et d’une diminu- marchés extérieurs. (Bureau 2013). Essentiellement de type tion des importations de bovins vivants familial (90%), les exploitations comp- en provenance du Mexique. Le cheptel Au niveau commercial, les États-Unis tent pour 2% des actifs. Si l’agriculture de vaches allaitantes a atteint son niveau sont, de loin, le premier importateur mon- ne contribue que pour 1,3% au produit le plus bas des quinze dernières années dial de bovins vivants au monde (1,97 intérieur brut, le complexe agroalimen- en 2014 pour remonter à un peu plus de millions de têtes, hors cheptel reproduc- taire revêt une importance commerciale 30 millions de têtes en 2016. La crois- teur, en 2015). Ce pays est nettement stratégique. Alors que la balance com- sance de la production laitière américaine déficitaire en valeur (- 1,93 milliard d’eu- merciale globale des États-Unis est très s’accompagnant d’une amélioration de ros en 2015), son niveau d’importations déficitaire (- 475 milliards d’euros en la performance zootechnique, le cheptel (2,03 milliards d’euros) étant vingt fois 2015), le solde du secteur agroalimen- de vaches laitières (9,1 millions de têtes supérieur à celui de ses exportations (95 taire est positif (18 milliards d’euros à la en 2015) est, quant à lui, relativement millions d’euros en 2015). Le déficit même date). Si les échanges des États- stable depuis 2000 (USDA 2017a). La observé en 2015, qui s’explique en par- Unis avec les deux autres membres de contribution du secteur laitier à l’offre tie par la décapitalisation du cheptel l’ALENA (accord de libre-échange nord- nationale de viande bovine reste donc allaitant, est le plus important des quinze américain entré en application à comp- globalement modeste, du moins compa- dernières années. En raison de la ferme- ter du 1er janvier 1994), à savoir le Canada rativement à la situation européenne. ture momentanée des échanges avec le et le Mexique, sont historiquement éle- Canada suite à la découverte d’un cas vés (un tiers de leurs importations agro- Au niveau des systèmes productifs, la d’ESB sur une vache laitière importée alimentaires), les pays asiatiques occupent production de viande bovine américaine du Canada, le déficit a été plus réduit en une place croissante dans les exportations. fait l’objet d’une segmentation forte entre 2004 (- 435 millions d’euros de solde). Au regard de déclarations récentes, l’élec- les activités de naissage et celle d’engrais- Plus de 80% des exportations étatsunien- tion de Donald Trump pourrait cependant sement (USDA 2011). Du fait de la fai- nes de bovins vivants sont destinées aux entraîner certaines modifications dans ble rentabilité à l’hectare des activités quatre pays suivants : le Mexique, le les stratégies commerciales des USA. de naissage, basées sur un mode de pro- Canada, la Russie et la Turquie. Les Ainsi, par exemple, le Président a ouver- duction très extensif, les exploitations importations proviennent, quant à elles, tement critiqué l’ALENA en citant le impliquées sont logiquement situées exclusivement du Canada (63% des cas des produits laitiers canadiens. De dans des zones où les terres labourables approvisionnements en valeur en moyen- même, un décret signé le 23 janvier 2017 permettant le développement des cultures ne sur la période 2000 à 2015) et du stipule que les États-Unis entendent se de vente sont rares. De leur naissance Mexique (37%). Si le Mexique exporte désengager du traité multilatéral de jusqu’au sevrage, les bovins sont élevés surtout des bovins maigres, les deux libre-échange envisagé avec les pays au pâturage dans des conditions peu tiers des bovins exportés par le Canada asiatiques (le « Trans-Pacific Partnership coûteuses tant au niveau des charges sont destinés à être abattus aux États- Agreement »). opérationnelles (aliments, frais vétéri- Unis. naires...) que des infrastructures dédiées Concernant plus spécifiquement le (bâtiments). Les élevages naisseurs sont Ces courants d’échanges entre les secteur bovin, les États-Unis occupent cependant très sensibles aux disponibili- membres de l’ALENA ne doivent pas une place majeure à l’échelle mondiale tés fourragères, lesquelles tiennent pour masquer l’existence de certaines ten- en étant, d’une part, le premier pays une grande part au facteur climatique. sions. Ainsi, par exemple, le Canada et producteur (16% de la production mon- Ils sont également économiquement sou- le Mexique ont engagé fin 2008 une diale), consommateur et importateur de mis aux rapports de prix qui s’établissent procédure auprès de l’organe de règle- viande bovine et, d’autre part, le qua- tout au long de la filière, le prix de vente ment des différends à l’OMC relative- trième pays exportateur (Institut de des broutards étant influencé par la ment à la loi américaine dite « Country INRA Productions Animales, 2017, numéro 3
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