Les effets de l'apprentissage collaboratif supporté par le numérique en milieu scolaire

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Chapitre 7.
             Les effets de l’apprentissage collaboratif supporté
                             par le numérique en milieu scolaire

                                                             Thérèse Laferrière

Introduction
Bien avant l’arrivée des technologies et des ressources numériques en salle
de classe, des pédagogues, inspirés notamment par Dewey et Freinet, ont
eu recours à l’apprentissage coopératif ou collaboratif pour faire apprendre
les élèves. Comme nous les distinguons, apprendre en coopération, c’est se
répartir une tâche à accomplir, alors que travailler en collaboration, c’est
interagir avec d’autres pour atteindre un but commun. Ces deux modes
d’interaction à des fins d’apprentissage sont des composantes de chacun
des quatre piliers de l’éducation (apprendre à connaître, apprendre à faire,
apprendre à être et apprendre à vivre ensemble) que Delors et al. (1996) ont
promu et auxquels bien des acteurs de l’éducation sont sensibles.
    Un nombre grandissant de classes utilisent des technologies et des
ressources numériques. Les attentes sociales en ce sens se font davantage
sentir étant donné la complexité grandissante des problèmes rencontrés au
travail comme dans la vie citoyenne de même que la disponibilité de plate-
formes de collaboration permettant à des personnes délocalisées de travailler
ensemble à un projet ou sur un problème. En témoigne l’enquête PISA 2015
de l’OCDE (2017) à laquelle ont répondu les jeunes de 15 ans de nombre
de pays comme la France, la Belgique, le Canada, le Vietnam, l’Algérie et
la République Dominicaine. Ces jeunes ont eu à démontrer leur capacité à
résoudre un problème en collaboration. Pour vérifier leur compréhension et
leur capacité à résoudre les problèmes qui leur ont été soumis, ils ont interagi

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à l’écran avec un robot, et non pas avec des pairs, puisqu’il importait de tous
les soumettre aux mêmes conditions de mesure. Ce faisant, les possibilités
du numérique en matière d’évaluation des habiletés dites du XXIe siècle1 ont
avancé d’un pas. Le développement de tels outils est important, puisque
l’évaluation des apprentissages constitue un enjeu de taille pour qui crée des
situations éducatives de nature collaborative.
    Ce chapitre porte sur l’apprentissage collaboratif en milieu scolaire.
Qu’il s’agisse de collaboration à des fins de développement professionnel
des enseignants ou d’apprentissage des élèves, des affordances sociales sont
requises. Nous offrons d’abord un bref aperçu de ce que nous apprend
la recherche quant à la pertinence de l’apprentissage collaboratif, aux
conditions de mise en place ainsi qu’aux affordances des technologies et
des ressources numériques. Par la suite, nous nous penchons sur les effets
de l’apprentissage collaboratif en milieu scolaire, que l’on soit enseignant
ou élève, en ayant recours à des supports numériques. Nous parsemons ce
bilan d’enjeux aux plans pédagogique et technologique et nous terminons
par la formulation de pistes futures aux plans de l’intervention et de la
recherche.

Pertinence et conditions de réalisation de l’apprentissage
collaboratif et affordances des technologies
et des ressources numériques
Les résultats de recherche qui informent les acteurs de l’éducation en
matière d’apprentissage collaboratif proviennent de la psychologie des
groupes et des études sur la dynamique de groupe et les processus de
classe, des perspectives socioconstructivistes et socioculturelles en sciences
cognitives ainsi que de la perspective historico-culturelle de l’activité et
des travaux propres au champ de la technologie éducative et au domaine
du Computer Supported Collaborative Learning (CSCL). Nous offrons ici
une courte analyse historico-culturelle de leurs artefacts dans le double
but d’une part, de faire voir les solides assises de l’apprentissage collabo-
ratif ainsi que les jalons et affordances socionumériques qui y sont associés
et, d’autre part, de disposer d’un cadre d’analyse des résultats de recherche
pour la poursuite de ce bilan sur les effets de l’apprentissage collaboratif
avec des technologies ou des ressources numériques qui seront présentés
en deuxième partie.

1.– O
     uellet et Hart (2013) les formulent ainsi en français en se basant sur le travail de Voogt
    et Pareja Roblin (2012) : collaboration, communication, compétences liées aux techno-
    logies de l’information et des communications (TIC), habiletés sociales et culturelles,
    citoyenneté, créativité, pensée critique, résolution de problèmes, capacité de développer
    des produits de qualité et productivité.
Chapitre 7. Les effets de l’apprentissage collaboratif supporté par le numérique (...)   127

    L’apport de la psychologie des groupes, notamment les études
    sur la dynamique de groupe et les processus de classe
Freinet (1927), dans sa classe, créait déjà des situations de coopération. Ses
motifs étaient alors politico-éducatifs. Depuis, les enseignants qu’il inspire
font toujours place à la coopération, entre autres, en matière de gestion de
classe. La traduction du volume de Bany et Johnson (1969), « Dynamique
des groupes et éducation », a permis d’informer sur la gestion démocratique
d’un groupe-classe en milieu francophone et d’en dégager des conditions
pour une mise en œuvre réussie. En matière d’apprentissage coopératif, les
travaux de Johnson et Johnson (1974, 2009) ainsi que de Slavin (1995, 1996),
qui ont puisé dans la théorie de l’interdépendance sociale (Deutsch, 1949),
sont devenus par la suite d’importantes sources d’information. Cette théorie
postule qu’il existe deux types d’interdépendance sociale, l’une positive et
l’autre négative. Une interdépendance positive (coopération, collaboration)
serait présente lorsque les élèves perçoivent pouvoir atteindre leurs objectifs
si les pairs avec qui ils sont en interaction peuvent également atteindre les
leurs alors qu’une interdépendance négative serait le résultat d’une compé-
tition, soit lorsque les élèves perçoivent que, pour atteindre leurs objectifs, les
autres doivent échouer à atteindre les leurs. Une note de synthèse (Baudrit,
2005) et une récente veille de l’Institut français de l’Éducation (Reverdy,
2016) font l’état de la recherche sur l’apprentissage coopératif.
    L’apport des perspectives socioconstructivistes et socioculturelles
    à la compréhension des processus d’apprentissage
Les travaux de Piaget (1936, 1937) qui ont mis en avant les concepts de conflit
cognitif et d’équilibration dans le développement de l’intelligence ainsi que
la théorie du conflit sociocognitif proposée par des auteurs comme Doise et
al. (1981) ou Perret-Clermont (1979) peuvent aider à saisir la pertinence de
la confrontation constructive de points de vue dès le jeune âge :
      « Il semble nécessaire de discerner en quoi [la] position [de l’enfant]
      diffère de celle de son partenaire pour pouvoir profiter de sa participation
      à une interaction sociale menant à une nouvelle coordination des points
      de vue » (Doise et Mugny, 1981, p. 39, cités par Pirotton, 1996).
    Perret-Clermont (1979) montre également la pertinence de l’interaction
sociale dans la construction de l’intelligence et dans la construction sociale
du sens (1991). Buchs et al. (2008) approfondissent les conditions néces-
saires d’une interaction sociale productive en distinguant la régulation
du conflit dite sociocognitive ou épistémique (centration sur la tâche et
coopération/collaboration) et la régulation dite relationnelle (comparaison
sociale motivée par la compétition).
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    Vygotsky (1978) ainsi que plusieurs chercheurs qui s’inscrivent dans
le prolongement de son œuvre en mettant l’accent sur la nature sociale
de l’apprentissage, font voir la pertinence scientifique de l’apprentissage
coopératif ou collaboratif. Par exemple, le concept de zone proximale de
développement (Vygotsky, 1978), qui se définit par la distance entre les
tâches que l’élève peut réaliser seul et celles qui requièrent l’aide de l’ensei-
gnant ou la collaboration de pairs et auquel celui d’étayage (ou échafaudage)
est associé (Bruner, 1978 ; Pea, 2004), repose sur l’interaction sociale à des
fins d’apprentissage.
    Les volumes « How people learn » (Bransford, Brown et Cocking,
1999) et « Comment apprend-on ? » (Dumont, Instance et Benavides,
2010) sont riches en enseignements pour qui vise à créer un environ-
nement d’apprentissage où les élèves apprennent de manière productive
sous un mode collaboratif. Le modèle de la communauté d’apprentissage
(Brown, 1994, 1997) réunit, entre autres, plusieurs des conditions de mise
en place de l’apprentissage collaboratif : buts d’apprentissage communs,
problèmes authentiques, diversité des compétences individuelles, dialogue
progressif, processus démocratique, communauté cohésive, mais ouverte et
développement professionnel (Boutin et Gouin, 2017). Rogoff (2014), qui
a observé des enfants collaborer dans des milieux d’apprentissage formel
et informel, va même jusqu’à définir l’apprentissage en tant que transfor-
mation de la participation dans une communauté donnée. Dans le monde
du travail, la notion de communauté de pratique s’est aussi répandue et
Wenger (1998), un chercheur de référence en la matière, propose de voir
l’apprentissage comme un processus de participation sociale.
    L’apport de la perspective historico-culturelle de l’activité
    à l’analyse de l’innovation
Le concept de cognition distribuée (Hutchins, 1995 ; Salomon, 1993) signifie
que la cognition et la connaissance ne sont pas situées uniquement dans la
tête d’un individu, mais s’étendent aux objets, aux pairs et aux collègues
ainsi qu’aux artefacts, aux outils et aux instruments présents dans l’envi-
ronnement. C’est un autre élément qui montre la pertinence scientifique
de l’apprentissage collaboratif. La troisième génération de la Cultural-
Historical Activity Theory (CHAT) proposée par Engeström (1987, 2001)2
nous suggère une approche systémique en matière d’innovation (voir aussi
Depover, 2009, 2010), qu’il s’agisse d’innover sur le terrain ou d’analyser une
innovation. Ainsi, appliquée à la mise en place de situations d’apprentissage
collaboratif en milieu scolaire, la CHAT suggère que des sujets qui agissent
dans une communauté donnée et qui y poursuivent une activité dont l’objet
2.– V
     oir Vygotsky (1978) pour la 1re génération et Leont’ev (1978) pour la 2e génération de la
    CHAT.
Chapitre 7. Les effets de l’apprentissage collaboratif supporté par le numérique (...)   129

définit l’activité de cette même communauté ainsi que les rôles exercés et les
politiques et règles adoptées sont appelés à se servir des artefacts de celle-ci,
incluant son langage, ses outils et ses instruments. Innover en introduisant,
par exemple, des nouveaux outils et instruments implique, par conséquent, le
développement de tensions entre le système d’activité existant et le système
émergeant et celles-ci sont susceptibles de refléter des contradictions que les
sujets devront dépasser pour que l’innovation non seulement s’installe, mais
perdure (Laferrière, 2017).
    Les affordances des technologies et ressources numériques
    pour l’apprentissage collaboratif
Dans ce texte, nous utiliserons le concept d’affordance en référence aux
résultats de recherche qui suggèrent que ce ne sont pas les technologies
numériques seules qui produisent des effets en matière d’apprentissage, mais
la façon de les utiliser et, par conséquent, la pédagogie en amont (Tamim et
al., 2011). Pour Gibson (1979), les affordances d’une technologie, ce sont ses
propriétés qui suggèrent des actions possibles aux utilisateurs.
    Le tableau 6.1 (d’après Law et al., 2015) présente quatre catégories de
produits de collaboration appartenant à chacune des trois origines suivantes :
la recherche générique, la recherche CSCL basée sur des principes d’appren-
tissage éprouvés et les produits d’entreprise (propriétaires ou open source).
    Les chercheurs du domaine CSCL ont conçu, implémenté et évalué
des plateformes et des logiciels disposant de fonctionnalités permettant
de susciter des affordances en matière de collaboration en milieu scolaire.
Toutefois, ce sont les produits d’entreprise, dont la conception est axée sur
la recherche de productivité, qui ont surtout la cote, peut-être du fait qu’ils
sont mieux connus des enseignants en raison de leur popularité hors de
l’école ou, encore, du fait qu’ils sont plus faciles d’accès étant donné leur
gratuité apparente. La popularité des logiciels proposés par des entreprises
est telle que même les chercheurs du domaine ont tendance à effectuer leurs
études sur l’apprentissage collaboratif dans des classes utilisant des produits
commerciaux (tableau 6.1).
    D’une manière générale, les affordances, cachées ou perçues, des techno-
logies dites collaboratives sont loin de créer les conditions pour que leur
usage se répande en milieu scolaire et que ces technologies apportent une
valeur ajoutée avérée en matière d’apprentissage collaboratif. Néanmoins,
de nouvelles possibilités se présentent au fur et à mesure que progressent les
technologies du Web ainsi que la facilité d’accès à l’infrastructure techno-
logique (Internet et équipement de base). Déployer l’infrastructure sociale
requise à des fins d’apprentissage collaboratif constitue tout autant, sinon
plus, un défi comme nous l’avons déjà souligné précédemment.
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Tableau 6.1 : Plateformes et logiciels de collaboration selon qu’ils sont issus de la
recherche générique, de la recherche dans le domaine du CSCL ou qu’il s’agit
de produits issus d’entreprises.
             Produits issus       Produits issus
 Catégories                                           Produits issus d’entreprises
             de la recherche      de la recherche
 de produits                                          (propriétaires/open-source)
               générique               CSCL
                                                          Forums de discussion
                   Listserv          CSILE
                                                         FirstClass/Blackboard/
                   Gopher        Knowledge Forum
                                                                WebCT
 Asynchrone       Courriel          VGroups
                                                                  Sakai
                   Forum           (Virtual-U)
                                                                 Moodle
                électronique      ARGUNAUT
                                                          Coursera, open edX
                                                                 ICQ
                                                      Systèmes de vidéoconférence
                                       MOO
                                                       (Skype, Google Hangout,
 Synchrone          Texto            TappedIN
                                                           Adobe Connect)
                                      MUVEs
                                                       Active World/Second Life
                                                       Jeux multijoueurs en ligne
                                       CoVIS
                                                              Google Docs
 Synchrone                          Virtual Math
                Tableau blanc                          Outils collaboratifs de carte
 avec visuel                       Teams (VMT)
                   partagé                             conceptuelle (CmapTools,
  partagé                              Scratch
                                                        Bubble.us, Mindmeister)
                                       CoLab
                                   Wikis et blogs
 Asynchrone                                                      Twitter
                 Wikipedia         conçus pour
   médias                                                       Facebook
                  Blogs             l’utilisation
   sociaux                                                      Edmodo
                                      en classe

    Parmi les atouts ou les obstacles, mentionnons les croyances (Ertmer,
2005, Ertmer et al., 2018), la compétence (Dumouchel et Karsenti, 2013 ;
OCDE, 2016) et la gestion du temps (Ekberg et Gao, 2018 ; Prieto-
Rodriguez, 2016) des enseignants ainsi que leurs obligations dans les
systèmes éducatifs actuels. S’ils offrent un aperçu général de la capacité de
résolution de problèmes en collaboration des jeunes de 15 ans, les résultats
du PISA 2015 (OCDE, 2017) ne semblent pas constituer, à tout le moins
à court terme au Québec, le puissant levier espéré. Parmi les autres leviers,
les résultats de recherche en matière d’apprentissage collaboratif, ayant
pour objectif d’apprendre des contenus de matière comme les habiletés
du XXIe siècle, peuvent être utilisés par un enseignant particulièrement
motivé (seul ou en groupe) pour justifier l’innovation, notamment avec
le numérique, en milieu scolaire. La deuxième partie du bilan dressé par
l’enquête PISA fournit une synthèse de résultats concernant d’abord
l’apprentissage collaboratif entre enseignants et/ou entre intervenants,
incluant les directions d’établissement, et, ensuite, l’apprentissage
Chapitre 7. Les effets de l’apprentissage collaboratif supporté par le numérique (...)   131

collaboratif entre élèves. Dans les deux cas, les résultats de recherche
concernant l’apprentissage collaboratif avec des supports numériques sont
privilégiés, mais ceux-ci ignorent les nuances que le débat Kozma – Clark3
a apporté il ya déjà près de trente ans.

Les effets de l’apprentissage collaboratif
Salomon (1990) a distingué deux types d’effets cognitifs avec les ordina-
teurs, soit ceux (effets avec) qui redéfinissent et améliorent la perfor-
mance lors de l’interaction humain-machine qu’il désigne par l’expression
« partenariat intellectuel » et ceux (effets de) qui constituent les résidus
d’un tel partenariat et, de préférence, des résidus durables et générali-
sables. Il fait valoir que la qualité des « effets avec » dépend beaucoup du
contexte dans lequel se déroule l’activité avec l’ordinateur, des objectifs
de l’utilisateur et de son engagement conscient dans l’activité. Quant aux
« effets de » l’ordinateur sur l’apprenant, il discute de deux mécanismes
susceptibles d’affecter la cognition : le prolongement de l’acquisition
d’une habileté par la présentation de nouvelles exigences cognitives et
l’internalisation de l’habileté, et cela, de la manière dont Vygotsky en a
parlé dans la première génération de la théorie de l’activité. Nous croyons
qu’il est valide d’appliquer cette distinction aux résultats de l’appren-
tissage collaboratif effectué avec des supports numériques, et ce, même si
la quantité des écrans numériques a fortement augmenté, que la capacité
d’interactivité et la portabilité des supports numériques eux-mêmes se
sont beaucoup améliorées et que les travaux de recherche effectués par
Salomon eurent lieu auprès de jeunes apprenants.
    Étant donné que plusieurs recherches (par exemple, Penuel, 2006 ;
Ratompomalala, Bruillard et Razafimbelo, 2012), qui ont porté sur
les effets des technologies numériques, ont mis en évidence l’impor-
tance de la préparation des enseignants à faire usage de technologies et
de ressources numériques en salle de classe et que, comme le soulignent
Albion et Tondeur (2018), la capacité des technologies numériques pour
améliorer l’apprentissage s’applique tout autant aux enseignants qu’aux
élèves, nous traitons, dans la suite de ce texte, successivement des effets de
l’apprentissage collaboratif entre enseignants puis des effets de l’appren-
tissage collaboratif entre élèves.

3.– K
     ozma (1991) a suggéré, mais fut contesté par Clark (1994), que les technologies
    pourraient faire par elles-mêmes une différence importante en termes de résultat
    d’apprentissage.
132                                                             Thérèse Laferrière

      L’apprentissage collaboratif chez les enseignants
       De nouvelles pratiques sociales
Les effets sur les pratiques sociales, repérés par Lameul (2008) qui a observé
des enseignants bretons en train d’utiliser une plateforme pour travailler
de manière collaborative à distance, sont clairement manifestes. Qu’il
s’agisse d’un texto envoyé, de la participation à une communauté virtuelle
sur Facebook, d’échanges en visioconférence entre enseignants ayant pour
but d’engager les élèves dans un même projet ou dans une même enquête,
voire de les guider dans la co-élaboration de connaissances en lien avec
un problème complexe, ces voies de collaboration que les technologies
numériques ouvrent ont sans nul doute un effet significatif sur la posture
conventionnelle de l’enseignant seul dans sa classe. L’effet est ressenti, entre
autres, dans de petites écoles rurales et les enseignants issus de ces écoles
l’ont exprimé en ces termes : « Briser l’isolement ! » (Hamel et al., 2013).
        Des collaborations délocalisées et locales à des fins d’innovation
Dans une école urbaine de grande taille, l’isolement professionnel peut
aussi exister. Toutefois, l’enseignant ou l’équipe qui tente de mettre en
place l’apprentissage collaboratif en classe peut joindre un réseau ou une
communauté virtuelle dédiés à cette pratique ou qui y recourt (Allaire et
al., 2012 ; Daele et Charlier, 2006 ; Profit, 2003). Ainsi, il leur sera possible
de coplanifier des activités, des projets, des investigations pour leurs élèves,
de discuter du degré d’autonomie ou d’agentivité à laisser aux élèves, de la
façon de les engager dans le contenu et la forme d’apprentissage suggérés, de
guider leur apprentissage de la collaboration ainsi que de choisir les techno-
logies et les ressources numériques appropriées. Un réseau ou une commu-
nauté virtuelle peut en venir à présenter les caractéristiques d’une commu-
nauté de pratique : engagement mutuel, entreprise commune et répertoire
partagé (Georget, 2015 ; Laferrière, Martel, et Gervais, 2005 ; Wenger, 1998).
Par le développement d’un « régime de compétence » (Wenger, 1998), un
réseau ou une communauté peut atteindre un niveau d’expertise qui lui
permettra de participer à la production de connaissances pratiques ou au
développement d’outils didactico-pédagogiques pour d’autres enseignants
(Quentin, 2012 ; Voogt et al., 2015 ; Zhang et al., 2011). Toutefois, il y a
un enjeu puisque les enseignants qui interagissent dans de tels réseaux et
communautés de pratique appartiennent aussi, dans la grande majorité des
cas, à des communautés professionnelles locales qui ont leurs propres normes
(Schlager et Fusco, 2003). S’adressant plus spécifiquement aux directions
d’établissement, Thibert (2014) rappelle les difficultés rencontrées par les
enseignants innovants lorsqu’il s’agit de diffuser leurs pratiques sur leur lieu
de travail et suggère de tendre vers un travail plus collectif.
Chapitre 7. Les effets de l’apprentissage collaboratif supporté par le numérique (...)   133

        Des partenariats université-milieu éducatif dont l’actualisation
        pourrait bénéficier des technologies et des ressources numériques
        disponibles
La formation initiale des enseignants peut profiter, comme le soulignent
Escalié et Chaliès (2011) et comme nous en avons témoigné ailleurs (Laferrière
et al., 2017), de dispositifs permettant aux futurs enseignants de participer
à des communautés de pratique locales et délocalisées. Internet servant de
« pont numérique », les praticiennes et les praticiens du milieu scolaire
pourraient avoir un meilleur accès à des chercheurs tout en participant à des
activités de codesign (formulation de nouvelles idées, essais itératifs) (Penuel,
Roschelle et Shechtman, 2007 ; Voogt et al., 2015). Toutefois, les techno-
logies de collaboration ne facilitent la réalisation des activités que nous
venons d’évoquer que dans certains contextes spécifiques et souvent pour
une durée limitée. D’ailleurs, Thibert (2009) rapporte qu’un auteur comme
Chaptal (2009, p. 6) « demeure sceptique quant à la réalité de la collabo-
ration entre enseignants ». Manquent à notre avis, les affordances sociales
qui seraient nécessaires pour mettre en place, pérenniser et réaliser le passage
à l’échelle des activités (volonté politique, conditions de travail, modes de
reconnaissance). Selon la CHAT, lorsque des acteurs innovent au sein d’un
même système, émerge alors un nouveau système d’activité qui entre en
tension avec le système en place. L’innovation réussit quand les acteurs en
arrivent à résoudre les contradictions qui se manifestent à l’intérieur et entre
les deux systèmes d’activité.
    À tout le moins, il importerait que soit davantage présent l’appren-
tissage collaboratif dans les programmes de formation et de développement
professionnel des enseignants, que ce soit lors d’un stage en responsabilité
(Laferrière, 2000), d’un cours hybride ou en ligne (Henri et Lundgren-
Cayrol, 2001), d’un cours sur le campus (Gale, 2016) ou lors d’une activité
de type projet qui dépasse le cadre habituel d’un cours offert sur un campus
(Tanghe et Park, 2016). Afin d’engager les élèves dans l’apprentissage colla-
boratif, avoir vécu des expériences de la sorte dans sa propre formation
antérieure et en avoir gardé un bon souvenir ne peut qu’être bénéfique avant
d’engager les élèves dans cette voie.
    L’apprentissage collaboratif chez les élèves
Il existe des résultats qui témoignent des progrès enregistrés par les élèves
impliqués dans des situations d’apprentissage collaboratif, en particulier
avec l’usage de supports numériques. Toutefois, comme nous l’avons évoqué
ci-devant, établir une telle relation de cause à effet est plutôt hasardeux
étant donné l’importance du contexte (Hammond, 2017) et de la durée
de l’intervention (Sung, Yang et Lee, 2017). Les caractéristiques de l’ensei-
gnant et ses façons d’agir en classe importent aussi. De plus, les approches
134                                                             Thérèse Laferrière

basées sur l’apprentissage par projet et celles reposant sur l’apprentissage
coopératif/collaboratif sont la plupart du temps combinées par les ensei-
gnants qui favorisent les interactions entre élèves en salle de classe ou
entre classes délocalisées (Kozma, 2003a). En outre, les approches mises
en œuvre peuvent inclure ou pas une attention spéciale portée à l’étayage
effectué par l’enseignant ou encore aux capacités langagières (Warschauer,
1997), à l’autorégulation ou à la régulation par les pairs (Azevedo, 2014 ;
Winne, Hadwin et Gress, 2010). Notons que certains chercheurs nomment
apprentissage collaboratif ce qui se comprendrait plutôt comme du travail
d’équipe ou, encore, comme de l’application de structures coopératives.
L’Education Endowment Foundation, informée par la méta-analyse de Lou,
Abrami et d’Apollonia (2001) et les travaux de Higgins et al. (2014), attribue
un effet modéré (valeur de 5 par rapport à une valeur maximale de 8) à la
coopération/collaboration. Ces bémols étant posés, et bien qu’évolue la
méthodologie de recherche sur la collaboration entre pairs (Baudrit, 2007 ;
Hmelo-Silver et al., 2013 ; Timmis, 2014), rares sont les travaux sur l’apport
de l’apprentissage collaboratif avec des supports numériques à large portée
ou qui reposent sur des données collectées dans la durée.
        Apport en matière de résultats scolaires
Wenglinsky (2005) a réalisé, aux États-Unis, une vaste étude sur les résultats
d’élèves du primaire et du secondaire en mathématiques, en sciences et
en lecture, qui l’ont conduit à suggérer que les pratiques constructivistes
(apprentissage par projet, résolution de problèmes complexes, incluant
simulations et analyse de données, etc.) avaient des effets positifs sur les
résultats des élèves alors que les pratiques d’exercisation, en particulier chez
les étudiants urbains, pauvres et appartenant à des minorités, n’avaient pas
d’effet, voire entraînaient un effet négatif. La même année, Gültekin (2005)
publiait une étude sur l’apprentissage par projet chez des élèves de 5e année
du primaire d’une école ayant adopté un curriculum à visée constructiviste,
donc davantage susceptible d’entraîner des activités de collaboration entre
élèves. Les résultats de cette étude suggéraient que l’apprentissage par projet
avait des effets positifs en histoire/géographie. En 1997, Warschauer (1997)
avait montré, en matière de langage écrit, le potentiel des activités collabora-
tives réalisées en ligne qui impliquaient non seulement la recherche d’infor-
mations, mais aussi la co-construction de nouvelles connaissances. Vingt
ans plus tard, Sung, Yan et Lee (2017) ont présenté une méta-analyse sur
l’apprentissage collaboratif avec des technologies mobiles. Ces chercheurs
rapportent des effets bénéfiques au primaire, au secondaire et au postsecon-
daire, mais davantage positifs en mathématiques et en sciences qu’en langue
maternelle ou en histoire/géographie.
Chapitre 7. Les effets de l’apprentissage collaboratif supporté par le numérique (...)   135

    En résumé, on peut considérer que l’effet de l’apprentissage collaboratif
avec des supports numériques sur les résultats scolaires demeure timide et
circonstancié. La plupart des méta-analyses susceptibles de nous informer
sur cette question sont soit très générales (Sung, Chang et Liu, 2016 ; Tamim
et al., 2011 ; Zheng et al., 2016), soit très spécifiques (Martono et Salam, 2017 ;
Vogel et al., 2017) et introduisent bien des variations. Partant de notre cadre
d’analyse et comme l’explicite Timmis (2014), l’enjeu est de produire des
résultats de recherche à différents niveaux de granularité de l’activité d’un
système éducatif : par exemple, au niveau micro, l’analyse des interactions
écrites à des fins de repérage des changements conceptuels ; au niveau méso,
l’analyse de l’organisation de la classe ainsi que de ses affordances socionu-
mériques et au niveau macro, l’analyse des contradictions (ou du niveau
d’alignement) entre les finalités du système éducatif, la nature et les modes
d’évaluation des apprentissages ainsi que les apprentissages visés par l’ensei-
gnant et ses façons d’y arriver.
        Apport en matière de développement des habiletés sociales
        et cognitives
Comme le soulignait déjà Lehtinen (2003), bien des recherches sur l’utili-
sation des technologies et des ressources numériques relatent les possibilités
de celles-ci pour favoriser l’interaction sociale entre l’enseignant et les élèves
ou les étudiants. Le métier d’élève, centré sur des démarches d’apprentissage
individuelles, sinon compétitives, n’a toutefois pas nécessairement préparé
les élèves à travailler ensemble. Henderson, Snyder et Beale (2013) ainsi que
Thibert (2009) soulignent l’importance de préparer les élèves à apprendre
de manière collaborative. Ces chercheurs déclinent cette préparation en
six éléments : 1) une explication du pourquoi de la collaboration exigée et
de la façon dont elle profitera à tous les élèves ; 2) un exposé du comment
travailler ensemble de manière collaborative ; 3) des exercices pour bâtir la
confiance ; 4) une surveillance de l’interaction entre élèves afin de contrer les
exclusions et autres comportements inappropriés ou dommageables ; 5) de la
latitude laissée aux élèves pour qu’ils prennent des décisions par rapport à
leur apprentissage et 6) un encouragement de tous les élèves à participer.
Grâce à l’étayage de l’enseignant et aux rétroactions fournies, les élèves ont
ainsi l’occasion d’apprendre à collaborer.
    La première évaluation internationale (OCDE, 2017) des aptitudes
à la résolution de problèmes en collaboration menée auprès d’élèves de
15 ans (PISA 2015) retenait trois orientations, à savoir que l’élève puisse
1) établir une compréhension partagée ; 2) prendre les mesures appropriées
pour résoudre un problème complexe ; 3) maintenir l’organisation de son
équipe comme il aurait à le faire dans une situation réelle. Les résultats sont
nombreux et diversifiés, mais ils montrent entre autres que de fortes habiletés
136                                                            Thérèse Laferrière

scolaires ne se traduisent pas nécessairement en de fortes habiletés sociales
et que seulement 8 % des élèves sont capables d’un niveau de collaboration
relativement élevé. À Singapour, pays le plus performant selon l’enquête, ce
taux fut de 21 %. Ce niveau de collaboration élevé est ainsi décrit : « Les
élèves performants au niveau 4 sur l’échelle de résolution de problèmes en
collaboration peuvent mener à bien des tâches de résolution compliquées
et exigeant une collaboration complexe. Ils demeurent conscients de la
dynamique de groupe et s’assurent que les membres de l’équipe exercent
leurs rôles de la manière attendue, tout en surveillant la progression du
groupe vers la solution du problème qui les concerne. Ils prennent des
initiatives, exécutent des actions ou en appellent à l’équipe pour surmonter
les obstacles et résoudre les désaccords et les conflits qui surviennent. »
(OCDE, 2017, p. 33). Rappelons que c’est le nombre croissant d’emplois
requérant des habiletés sociales élevées, notamment pour comprendre des
problèmes complexes et pour travailler à les résoudre avec d’autres, qui a
motivé l’inclusion d’une telle mesure dans l’enquête PISA 2015.
    L’apprentissage par projet, combiné à l’apprentissage collaboratif, est
devenu populaire dans les classes qui disposent de suffisamment de techno-
logies mobiles pour permettre la mise en œuvre de démarches constructi-
vistes. Toutefois, comme nous l’avons déjà évoqué, les résultats observés
dépendent fortement de la manière dont ces approches pédagogiques
sont mises en œuvre. Ainsi, lorsqu’elle est centrée sur un résultat décidé
d’avance, l’approche constructiviste est moins propice à la compréhension
en profondeur des problèmes (Mergendoller et Larmer, 2015 ; Scardamalia
et Bereiter, 1994, 2006). Plusieurs chercheurs issus du courant CSCL
combinent d’ailleurs l’apprentissage collaboratif à d’autres approches afin
d’en améliorer les effets sur les habiletés cognitives et sur l’amélioration
des idées des élèves concernant la compréhension d’une question ou d’un
problème. Par exemple, l’approche par problème conduit à des résultats
positifs (Hmelo-Silver, 2004 ; Roschelle et Teasley, 1995 ; Roschelle et al.,
2010), de même que l’investigation collective (Gerard et al., 2011 ; Slotta,
Tissenbaum et Lui, 2013) et la coélaboration de connaissances (Bereiter,
2002 ; Chen, Scardamalia et Bereiter, 2015 ; Hamel et al., 2015 ; Lipponen,
2000 ; Stahl, 2006, 2009).
    Afin d’obtenir des effets plus généreux sur le plan des habiletés sociales
et cognitives, l’une des pistes envisagées est de procéder à la cocréation de
situations éducatives – codesign entre chercheurs et praticiens de terrain – et
de les documenter de manière itérative sur une certaine durée (Blumenfeld
et al., 2012 ; Deaudelin et al., 2005 ; Decamps, De Lièvre et Depover, 2009 ;
Dillenbourg, 2002 ; Engeström, Engeström et Suntio, 2002 ; Jeong et
Chapitre 7. Les effets de l’apprentissage collaboratif supporté par le numérique (...)   137

Hmelo-Silver, 2016 ; Laferrière et al., 2016 ; Raes, Schellens et De Wever,
2014 ; Roschelle et al., 2010).
       Apport en matière de préparation à l’entrée aux études
       postsecondaires
En ce qui concerne les effets au collège et à l’université, Beauregard (2015) a
montré que, pour les diplômés d’un programme caractérisé par l’approche
par projet associé aux technologies et aux ressources numériques, le taux
d’admission aux études postsecondaires avait augmenté de l’ordre de 10 %.
MacMartin (2017) a exploré les perceptions d’étudiants impliqués dans un
apprentissage par projet quant à leur niveau de préparation au programme
postsecondaire dans lequel ils étaient engagés. Ces deux auteurs rapportent
que les étudiants estiment avoir été très bien préparés en matière de commu-
nication, de conscience de soi, d’apprentissage collaboratif et de compé-
tences en anglais, mais ils marquent aussi leur insatisfaction quant à leur
niveau d’adaptation au style d’enseignement des programmes collégiaux
états-uniens ainsi qu’au rythme et à la rigueur des cours.
    Laferrière, Deschênes et Gaudreault-Perron (2007) ont comparé
les résultats des étudiants en provenance du PROTIC (un programme
québécois qui combine l’apprentissage collaboratif, l’apprentissage par
projet et les supports numériques) à la moyenne de l’ensemble des étudiants
québécois pour chaque cours suivi par un diplômé PROTIC au collège.
Il ressort de leur recherche que les étudiants PROTIC ont des résultats
similaires aux autres. Pour mieux cerner les effets du PROTIC, il s’agirait
toutefois d’analyser si les effets du PROTIC se sont manifestés par des
résultats supérieurs dans la suite de leur scolarité pour les étudiants qui ont
bénéficié de ce programme.

Conclusion
En synthèse, d’après la méta-analyse menée par Sung (2017), l’effet positif
global de l’usage d’appareils mobiles pour apprendre de manière coopé-
rative/collaborative se situerait à 0,516 (effet modéré) ce qui signifie qu’en-
viron 70 % des étudiants des groupes expérimentaux ont dépassé les perfor-
mances de leurs homologues qui ont appris dans des groupes sans l’aide
d’appareils mobiles. Cette conclusion est partielle et relative et la valeur
observée est appelée à varier selon le nombre d’études retenues, la nature
des technologies collaboratives et surtout de leurs usages. Néanmoins,
s’agissant de l’amélioration de ce qui se passe en classe par l’intégration du
numérique, l’apprentissage collaboratif constitue très certainement une
voie intéressante ; l’autre voie souvent mentionnée étant la personnalisation
de l’apprentissage. Nous consacrons les dernières lignes de ce chapitre à la
138                                                             Thérèse Laferrière

présentation, partant de nos dernières constatations, de pistes d’action en
matière d’intervention et de recherche.
    En ce qui concerne l’intervention
Les croyances des futurs enseignants et des enseignants, qui tendent à
demeurer stables (Wideen, Mayer-Smith et Moon, 1998 ; Ertmer, 2005,
Ertmer et al., 2012), ainsi que les conventions en vigueur dans les systèmes
éducatifs laissent présager une lente évolution des pratiques d’enseignement
et d’apprentissage collaboratifs en lien avec l’usage des technologies et des
ressources numériques. Si les croyances des enseignants importent, celles
des élèves importent aussi (par exemple, c’est quoi apprendre, aller à l’école,
être un étudiant performant) et elles peuvent constituer un frein à l’inno-
vation pédagogique (Parent, 2017). Un travail d’équipe conduit souvent à
une répartition de la tâche suivie par un assemblage des parties traitées par
chacun (coopération). A contrario, collaborer c’est interagir pour réaliser un
projet ou pour comprendre un problème, voire lui trouver une solution, c’est
assumer « des rôles similaires dans la conceptualisation des tâches et dans
l’intervention commune » (Bruillard et Baron, 2009, p. 106). Quand l’inte-
raction se produit dans un espace numérique de collaboration, les traces sont
visibles. L’enseignant peut même utiliser des outils d’analyse de celles-ci, et
ce retour sur les traces augmente encore le défi pour certains élèves qui n’ont
pas d’autres choix que de participer activement.
    À des fins de formation continue, les formes de participation qu’offrent
les réseaux d’enseignants (Quentin et Bruillard, 2009), les communautés
professionnelles délocalisées (Darling-Hammond et al., 2009 ; Gerard et
al., 2011), les activités de codesign de scénarios ou de ressources didactico-
pédagogiques impliquant praticiens de terrain et chercheurs (Voogt et al.,
2015) et les partenariats recherche-pratique (Coburn, Penuel et Geil, 2013)
n’en sont encore qu’à leurs premiers effets. Les enseignants qui veulent
faire avancer, d’une part, la gestion démocratique de leur classe ainsi que
l’étayage de l’apprentissage collaboratif des élèves et, d’autre part, leur usage
de logiciels basés sur les principes du CSCL devraient avoir de plus en
plus l’embarras du choix quant aux communautés à rejoindre de manière à
pouvoir bénéficier, souhaitons-le, de modes de reconnaissance appropriés.
    En ce qui concerne la recherche
La conception des technologies numériques « grand public » échappe aux
acteurs de l’éducation, mais le design participatif demeure une possibilité
aux plans régional et national puisqu’il implique notamment les usages par
les enseignants et les élèves des technologies et des ressources numériques.
Pour améliorer les effets de l’apprentissage collaboratif, les praticiens et les
chercheurs ont intérêt à développer de nouveaux modèles, par exemple, pour
Chapitre 7. Les effets de l’apprentissage collaboratif supporté par le numérique (...)   139

une meilleure orchestration de l’apprentissage collaboratif tenant compte
des contextes dans lesquels il intervient et notamment lorsqu’il mobilise des
ressources et des technologies numériques (Dillenbourg, 1999 ; Dillenbourg,
Järvelä et Fischer, 2009) pour faciliter l’engagement authentique des élèves.
    En évoquant les perspectives quant à la recherche francophone sur
les technologies en éducation, Baron (2013) s’exprimait de la manière
suivante à propos du numérique : « Le numérique est bien identifié socia-
lement comme un domaine nouveau, évolutif, posant à l’éducation et à la
formation des questions importantes » (p. 11). Il s’agit que la recherche
francophone se structure plus efficacement dans l’avenir de manière à
disposer de résultats qui soient contextualisés en fonction des réalités
culturelles et sociales propres au monde francophone plutôt que de
s’appuyer exclusivement sur des données issues des milieux anglo-saxons.
À titre d’exemple, citons le réseau RES@TICE, créé par l’Agence univer-
sitaire de la Francophonie, qui a largement contribué à favoriser l’émer-
gence d’une recherche francophone dans le domaine du numérique
éducatif (Depover, 2009).
    Puisque le contexte importe, il nous faut consolider nos corpus de
recherche locaux, les ancrer dans des expérimentations qui s’étendent
dans la durée et impliquent différents systèmes d’activité tant au niveau
de la classe, de l’école que du système éducatif aux niveaux régionaux et
nationaux. L’enjeu est la résolution des contradictions qui s’installent à
ces différents niveaux, nécessaire pour que les innovations qui se déploient
donnent des signes de pérennité et de passage à l’échelle.
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