Les effets de l'apprentissage collaboratif supporté par le numérique en milieu scolaire
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Chapitre 7. Les effets de l’apprentissage collaboratif supporté par le numérique en milieu scolaire Thérèse Laferrière Introduction Bien avant l’arrivée des technologies et des ressources numériques en salle de classe, des pédagogues, inspirés notamment par Dewey et Freinet, ont eu recours à l’apprentissage coopératif ou collaboratif pour faire apprendre les élèves. Comme nous les distinguons, apprendre en coopération, c’est se répartir une tâche à accomplir, alors que travailler en collaboration, c’est interagir avec d’autres pour atteindre un but commun. Ces deux modes d’interaction à des fins d’apprentissage sont des composantes de chacun des quatre piliers de l’éducation (apprendre à connaître, apprendre à faire, apprendre à être et apprendre à vivre ensemble) que Delors et al. (1996) ont promu et auxquels bien des acteurs de l’éducation sont sensibles. Un nombre grandissant de classes utilisent des technologies et des ressources numériques. Les attentes sociales en ce sens se font davantage sentir étant donné la complexité grandissante des problèmes rencontrés au travail comme dans la vie citoyenne de même que la disponibilité de plate- formes de collaboration permettant à des personnes délocalisées de travailler ensemble à un projet ou sur un problème. En témoigne l’enquête PISA 2015 de l’OCDE (2017) à laquelle ont répondu les jeunes de 15 ans de nombre de pays comme la France, la Belgique, le Canada, le Vietnam, l’Algérie et la République Dominicaine. Ces jeunes ont eu à démontrer leur capacité à résoudre un problème en collaboration. Pour vérifier leur compréhension et leur capacité à résoudre les problèmes qui leur ont été soumis, ils ont interagi 125
126 Thérèse Laferrière à l’écran avec un robot, et non pas avec des pairs, puisqu’il importait de tous les soumettre aux mêmes conditions de mesure. Ce faisant, les possibilités du numérique en matière d’évaluation des habiletés dites du XXIe siècle1 ont avancé d’un pas. Le développement de tels outils est important, puisque l’évaluation des apprentissages constitue un enjeu de taille pour qui crée des situations éducatives de nature collaborative. Ce chapitre porte sur l’apprentissage collaboratif en milieu scolaire. Qu’il s’agisse de collaboration à des fins de développement professionnel des enseignants ou d’apprentissage des élèves, des affordances sociales sont requises. Nous offrons d’abord un bref aperçu de ce que nous apprend la recherche quant à la pertinence de l’apprentissage collaboratif, aux conditions de mise en place ainsi qu’aux affordances des technologies et des ressources numériques. Par la suite, nous nous penchons sur les effets de l’apprentissage collaboratif en milieu scolaire, que l’on soit enseignant ou élève, en ayant recours à des supports numériques. Nous parsemons ce bilan d’enjeux aux plans pédagogique et technologique et nous terminons par la formulation de pistes futures aux plans de l’intervention et de la recherche. Pertinence et conditions de réalisation de l’apprentissage collaboratif et affordances des technologies et des ressources numériques Les résultats de recherche qui informent les acteurs de l’éducation en matière d’apprentissage collaboratif proviennent de la psychologie des groupes et des études sur la dynamique de groupe et les processus de classe, des perspectives socioconstructivistes et socioculturelles en sciences cognitives ainsi que de la perspective historico-culturelle de l’activité et des travaux propres au champ de la technologie éducative et au domaine du Computer Supported Collaborative Learning (CSCL). Nous offrons ici une courte analyse historico-culturelle de leurs artefacts dans le double but d’une part, de faire voir les solides assises de l’apprentissage collabo- ratif ainsi que les jalons et affordances socionumériques qui y sont associés et, d’autre part, de disposer d’un cadre d’analyse des résultats de recherche pour la poursuite de ce bilan sur les effets de l’apprentissage collaboratif avec des technologies ou des ressources numériques qui seront présentés en deuxième partie. 1.– O uellet et Hart (2013) les formulent ainsi en français en se basant sur le travail de Voogt et Pareja Roblin (2012) : collaboration, communication, compétences liées aux techno- logies de l’information et des communications (TIC), habiletés sociales et culturelles, citoyenneté, créativité, pensée critique, résolution de problèmes, capacité de développer des produits de qualité et productivité.
Chapitre 7. Les effets de l’apprentissage collaboratif supporté par le numérique (...) 127 L’apport de la psychologie des groupes, notamment les études sur la dynamique de groupe et les processus de classe Freinet (1927), dans sa classe, créait déjà des situations de coopération. Ses motifs étaient alors politico-éducatifs. Depuis, les enseignants qu’il inspire font toujours place à la coopération, entre autres, en matière de gestion de classe. La traduction du volume de Bany et Johnson (1969), « Dynamique des groupes et éducation », a permis d’informer sur la gestion démocratique d’un groupe-classe en milieu francophone et d’en dégager des conditions pour une mise en œuvre réussie. En matière d’apprentissage coopératif, les travaux de Johnson et Johnson (1974, 2009) ainsi que de Slavin (1995, 1996), qui ont puisé dans la théorie de l’interdépendance sociale (Deutsch, 1949), sont devenus par la suite d’importantes sources d’information. Cette théorie postule qu’il existe deux types d’interdépendance sociale, l’une positive et l’autre négative. Une interdépendance positive (coopération, collaboration) serait présente lorsque les élèves perçoivent pouvoir atteindre leurs objectifs si les pairs avec qui ils sont en interaction peuvent également atteindre les leurs alors qu’une interdépendance négative serait le résultat d’une compé- tition, soit lorsque les élèves perçoivent que, pour atteindre leurs objectifs, les autres doivent échouer à atteindre les leurs. Une note de synthèse (Baudrit, 2005) et une récente veille de l’Institut français de l’Éducation (Reverdy, 2016) font l’état de la recherche sur l’apprentissage coopératif. L’apport des perspectives socioconstructivistes et socioculturelles à la compréhension des processus d’apprentissage Les travaux de Piaget (1936, 1937) qui ont mis en avant les concepts de conflit cognitif et d’équilibration dans le développement de l’intelligence ainsi que la théorie du conflit sociocognitif proposée par des auteurs comme Doise et al. (1981) ou Perret-Clermont (1979) peuvent aider à saisir la pertinence de la confrontation constructive de points de vue dès le jeune âge : « Il semble nécessaire de discerner en quoi [la] position [de l’enfant] diffère de celle de son partenaire pour pouvoir profiter de sa participation à une interaction sociale menant à une nouvelle coordination des points de vue » (Doise et Mugny, 1981, p. 39, cités par Pirotton, 1996). Perret-Clermont (1979) montre également la pertinence de l’interaction sociale dans la construction de l’intelligence et dans la construction sociale du sens (1991). Buchs et al. (2008) approfondissent les conditions néces- saires d’une interaction sociale productive en distinguant la régulation du conflit dite sociocognitive ou épistémique (centration sur la tâche et coopération/collaboration) et la régulation dite relationnelle (comparaison sociale motivée par la compétition).
128 Thérèse Laferrière Vygotsky (1978) ainsi que plusieurs chercheurs qui s’inscrivent dans le prolongement de son œuvre en mettant l’accent sur la nature sociale de l’apprentissage, font voir la pertinence scientifique de l’apprentissage coopératif ou collaboratif. Par exemple, le concept de zone proximale de développement (Vygotsky, 1978), qui se définit par la distance entre les tâches que l’élève peut réaliser seul et celles qui requièrent l’aide de l’ensei- gnant ou la collaboration de pairs et auquel celui d’étayage (ou échafaudage) est associé (Bruner, 1978 ; Pea, 2004), repose sur l’interaction sociale à des fins d’apprentissage. Les volumes « How people learn » (Bransford, Brown et Cocking, 1999) et « Comment apprend-on ? » (Dumont, Instance et Benavides, 2010) sont riches en enseignements pour qui vise à créer un environ- nement d’apprentissage où les élèves apprennent de manière productive sous un mode collaboratif. Le modèle de la communauté d’apprentissage (Brown, 1994, 1997) réunit, entre autres, plusieurs des conditions de mise en place de l’apprentissage collaboratif : buts d’apprentissage communs, problèmes authentiques, diversité des compétences individuelles, dialogue progressif, processus démocratique, communauté cohésive, mais ouverte et développement professionnel (Boutin et Gouin, 2017). Rogoff (2014), qui a observé des enfants collaborer dans des milieux d’apprentissage formel et informel, va même jusqu’à définir l’apprentissage en tant que transfor- mation de la participation dans une communauté donnée. Dans le monde du travail, la notion de communauté de pratique s’est aussi répandue et Wenger (1998), un chercheur de référence en la matière, propose de voir l’apprentissage comme un processus de participation sociale. L’apport de la perspective historico-culturelle de l’activité à l’analyse de l’innovation Le concept de cognition distribuée (Hutchins, 1995 ; Salomon, 1993) signifie que la cognition et la connaissance ne sont pas situées uniquement dans la tête d’un individu, mais s’étendent aux objets, aux pairs et aux collègues ainsi qu’aux artefacts, aux outils et aux instruments présents dans l’envi- ronnement. C’est un autre élément qui montre la pertinence scientifique de l’apprentissage collaboratif. La troisième génération de la Cultural- Historical Activity Theory (CHAT) proposée par Engeström (1987, 2001)2 nous suggère une approche systémique en matière d’innovation (voir aussi Depover, 2009, 2010), qu’il s’agisse d’innover sur le terrain ou d’analyser une innovation. Ainsi, appliquée à la mise en place de situations d’apprentissage collaboratif en milieu scolaire, la CHAT suggère que des sujets qui agissent dans une communauté donnée et qui y poursuivent une activité dont l’objet 2.– V oir Vygotsky (1978) pour la 1re génération et Leont’ev (1978) pour la 2e génération de la CHAT.
Chapitre 7. Les effets de l’apprentissage collaboratif supporté par le numérique (...) 129 définit l’activité de cette même communauté ainsi que les rôles exercés et les politiques et règles adoptées sont appelés à se servir des artefacts de celle-ci, incluant son langage, ses outils et ses instruments. Innover en introduisant, par exemple, des nouveaux outils et instruments implique, par conséquent, le développement de tensions entre le système d’activité existant et le système émergeant et celles-ci sont susceptibles de refléter des contradictions que les sujets devront dépasser pour que l’innovation non seulement s’installe, mais perdure (Laferrière, 2017). Les affordances des technologies et ressources numériques pour l’apprentissage collaboratif Dans ce texte, nous utiliserons le concept d’affordance en référence aux résultats de recherche qui suggèrent que ce ne sont pas les technologies numériques seules qui produisent des effets en matière d’apprentissage, mais la façon de les utiliser et, par conséquent, la pédagogie en amont (Tamim et al., 2011). Pour Gibson (1979), les affordances d’une technologie, ce sont ses propriétés qui suggèrent des actions possibles aux utilisateurs. Le tableau 6.1 (d’après Law et al., 2015) présente quatre catégories de produits de collaboration appartenant à chacune des trois origines suivantes : la recherche générique, la recherche CSCL basée sur des principes d’appren- tissage éprouvés et les produits d’entreprise (propriétaires ou open source). Les chercheurs du domaine CSCL ont conçu, implémenté et évalué des plateformes et des logiciels disposant de fonctionnalités permettant de susciter des affordances en matière de collaboration en milieu scolaire. Toutefois, ce sont les produits d’entreprise, dont la conception est axée sur la recherche de productivité, qui ont surtout la cote, peut-être du fait qu’ils sont mieux connus des enseignants en raison de leur popularité hors de l’école ou, encore, du fait qu’ils sont plus faciles d’accès étant donné leur gratuité apparente. La popularité des logiciels proposés par des entreprises est telle que même les chercheurs du domaine ont tendance à effectuer leurs études sur l’apprentissage collaboratif dans des classes utilisant des produits commerciaux (tableau 6.1). D’une manière générale, les affordances, cachées ou perçues, des techno- logies dites collaboratives sont loin de créer les conditions pour que leur usage se répande en milieu scolaire et que ces technologies apportent une valeur ajoutée avérée en matière d’apprentissage collaboratif. Néanmoins, de nouvelles possibilités se présentent au fur et à mesure que progressent les technologies du Web ainsi que la facilité d’accès à l’infrastructure techno- logique (Internet et équipement de base). Déployer l’infrastructure sociale requise à des fins d’apprentissage collaboratif constitue tout autant, sinon plus, un défi comme nous l’avons déjà souligné précédemment.
130 Thérèse Laferrière Tableau 6.1 : Plateformes et logiciels de collaboration selon qu’ils sont issus de la recherche générique, de la recherche dans le domaine du CSCL ou qu’il s’agit de produits issus d’entreprises. Produits issus Produits issus Catégories Produits issus d’entreprises de la recherche de la recherche de produits (propriétaires/open-source) générique CSCL Forums de discussion Listserv CSILE FirstClass/Blackboard/ Gopher Knowledge Forum WebCT Asynchrone Courriel VGroups Sakai Forum (Virtual-U) Moodle électronique ARGUNAUT Coursera, open edX ICQ Systèmes de vidéoconférence MOO (Skype, Google Hangout, Synchrone Texto TappedIN Adobe Connect) MUVEs Active World/Second Life Jeux multijoueurs en ligne CoVIS Google Docs Synchrone Virtual Math Tableau blanc Outils collaboratifs de carte avec visuel Teams (VMT) partagé conceptuelle (CmapTools, partagé Scratch Bubble.us, Mindmeister) CoLab Wikis et blogs Asynchrone Twitter Wikipedia conçus pour médias Facebook Blogs l’utilisation sociaux Edmodo en classe Parmi les atouts ou les obstacles, mentionnons les croyances (Ertmer, 2005, Ertmer et al., 2018), la compétence (Dumouchel et Karsenti, 2013 ; OCDE, 2016) et la gestion du temps (Ekberg et Gao, 2018 ; Prieto- Rodriguez, 2016) des enseignants ainsi que leurs obligations dans les systèmes éducatifs actuels. S’ils offrent un aperçu général de la capacité de résolution de problèmes en collaboration des jeunes de 15 ans, les résultats du PISA 2015 (OCDE, 2017) ne semblent pas constituer, à tout le moins à court terme au Québec, le puissant levier espéré. Parmi les autres leviers, les résultats de recherche en matière d’apprentissage collaboratif, ayant pour objectif d’apprendre des contenus de matière comme les habiletés du XXIe siècle, peuvent être utilisés par un enseignant particulièrement motivé (seul ou en groupe) pour justifier l’innovation, notamment avec le numérique, en milieu scolaire. La deuxième partie du bilan dressé par l’enquête PISA fournit une synthèse de résultats concernant d’abord l’apprentissage collaboratif entre enseignants et/ou entre intervenants, incluant les directions d’établissement, et, ensuite, l’apprentissage
Chapitre 7. Les effets de l’apprentissage collaboratif supporté par le numérique (...) 131 collaboratif entre élèves. Dans les deux cas, les résultats de recherche concernant l’apprentissage collaboratif avec des supports numériques sont privilégiés, mais ceux-ci ignorent les nuances que le débat Kozma – Clark3 a apporté il ya déjà près de trente ans. Les effets de l’apprentissage collaboratif Salomon (1990) a distingué deux types d’effets cognitifs avec les ordina- teurs, soit ceux (effets avec) qui redéfinissent et améliorent la perfor- mance lors de l’interaction humain-machine qu’il désigne par l’expression « partenariat intellectuel » et ceux (effets de) qui constituent les résidus d’un tel partenariat et, de préférence, des résidus durables et générali- sables. Il fait valoir que la qualité des « effets avec » dépend beaucoup du contexte dans lequel se déroule l’activité avec l’ordinateur, des objectifs de l’utilisateur et de son engagement conscient dans l’activité. Quant aux « effets de » l’ordinateur sur l’apprenant, il discute de deux mécanismes susceptibles d’affecter la cognition : le prolongement de l’acquisition d’une habileté par la présentation de nouvelles exigences cognitives et l’internalisation de l’habileté, et cela, de la manière dont Vygotsky en a parlé dans la première génération de la théorie de l’activité. Nous croyons qu’il est valide d’appliquer cette distinction aux résultats de l’appren- tissage collaboratif effectué avec des supports numériques, et ce, même si la quantité des écrans numériques a fortement augmenté, que la capacité d’interactivité et la portabilité des supports numériques eux-mêmes se sont beaucoup améliorées et que les travaux de recherche effectués par Salomon eurent lieu auprès de jeunes apprenants. Étant donné que plusieurs recherches (par exemple, Penuel, 2006 ; Ratompomalala, Bruillard et Razafimbelo, 2012), qui ont porté sur les effets des technologies numériques, ont mis en évidence l’impor- tance de la préparation des enseignants à faire usage de technologies et de ressources numériques en salle de classe et que, comme le soulignent Albion et Tondeur (2018), la capacité des technologies numériques pour améliorer l’apprentissage s’applique tout autant aux enseignants qu’aux élèves, nous traitons, dans la suite de ce texte, successivement des effets de l’apprentissage collaboratif entre enseignants puis des effets de l’appren- tissage collaboratif entre élèves. 3.– K ozma (1991) a suggéré, mais fut contesté par Clark (1994), que les technologies pourraient faire par elles-mêmes une différence importante en termes de résultat d’apprentissage.
132 Thérèse Laferrière L’apprentissage collaboratif chez les enseignants De nouvelles pratiques sociales Les effets sur les pratiques sociales, repérés par Lameul (2008) qui a observé des enseignants bretons en train d’utiliser une plateforme pour travailler de manière collaborative à distance, sont clairement manifestes. Qu’il s’agisse d’un texto envoyé, de la participation à une communauté virtuelle sur Facebook, d’échanges en visioconférence entre enseignants ayant pour but d’engager les élèves dans un même projet ou dans une même enquête, voire de les guider dans la co-élaboration de connaissances en lien avec un problème complexe, ces voies de collaboration que les technologies numériques ouvrent ont sans nul doute un effet significatif sur la posture conventionnelle de l’enseignant seul dans sa classe. L’effet est ressenti, entre autres, dans de petites écoles rurales et les enseignants issus de ces écoles l’ont exprimé en ces termes : « Briser l’isolement ! » (Hamel et al., 2013). Des collaborations délocalisées et locales à des fins d’innovation Dans une école urbaine de grande taille, l’isolement professionnel peut aussi exister. Toutefois, l’enseignant ou l’équipe qui tente de mettre en place l’apprentissage collaboratif en classe peut joindre un réseau ou une communauté virtuelle dédiés à cette pratique ou qui y recourt (Allaire et al., 2012 ; Daele et Charlier, 2006 ; Profit, 2003). Ainsi, il leur sera possible de coplanifier des activités, des projets, des investigations pour leurs élèves, de discuter du degré d’autonomie ou d’agentivité à laisser aux élèves, de la façon de les engager dans le contenu et la forme d’apprentissage suggérés, de guider leur apprentissage de la collaboration ainsi que de choisir les techno- logies et les ressources numériques appropriées. Un réseau ou une commu- nauté virtuelle peut en venir à présenter les caractéristiques d’une commu- nauté de pratique : engagement mutuel, entreprise commune et répertoire partagé (Georget, 2015 ; Laferrière, Martel, et Gervais, 2005 ; Wenger, 1998). Par le développement d’un « régime de compétence » (Wenger, 1998), un réseau ou une communauté peut atteindre un niveau d’expertise qui lui permettra de participer à la production de connaissances pratiques ou au développement d’outils didactico-pédagogiques pour d’autres enseignants (Quentin, 2012 ; Voogt et al., 2015 ; Zhang et al., 2011). Toutefois, il y a un enjeu puisque les enseignants qui interagissent dans de tels réseaux et communautés de pratique appartiennent aussi, dans la grande majorité des cas, à des communautés professionnelles locales qui ont leurs propres normes (Schlager et Fusco, 2003). S’adressant plus spécifiquement aux directions d’établissement, Thibert (2014) rappelle les difficultés rencontrées par les enseignants innovants lorsqu’il s’agit de diffuser leurs pratiques sur leur lieu de travail et suggère de tendre vers un travail plus collectif.
Chapitre 7. Les effets de l’apprentissage collaboratif supporté par le numérique (...) 133 Des partenariats université-milieu éducatif dont l’actualisation pourrait bénéficier des technologies et des ressources numériques disponibles La formation initiale des enseignants peut profiter, comme le soulignent Escalié et Chaliès (2011) et comme nous en avons témoigné ailleurs (Laferrière et al., 2017), de dispositifs permettant aux futurs enseignants de participer à des communautés de pratique locales et délocalisées. Internet servant de « pont numérique », les praticiennes et les praticiens du milieu scolaire pourraient avoir un meilleur accès à des chercheurs tout en participant à des activités de codesign (formulation de nouvelles idées, essais itératifs) (Penuel, Roschelle et Shechtman, 2007 ; Voogt et al., 2015). Toutefois, les techno- logies de collaboration ne facilitent la réalisation des activités que nous venons d’évoquer que dans certains contextes spécifiques et souvent pour une durée limitée. D’ailleurs, Thibert (2009) rapporte qu’un auteur comme Chaptal (2009, p. 6) « demeure sceptique quant à la réalité de la collabo- ration entre enseignants ». Manquent à notre avis, les affordances sociales qui seraient nécessaires pour mettre en place, pérenniser et réaliser le passage à l’échelle des activités (volonté politique, conditions de travail, modes de reconnaissance). Selon la CHAT, lorsque des acteurs innovent au sein d’un même système, émerge alors un nouveau système d’activité qui entre en tension avec le système en place. L’innovation réussit quand les acteurs en arrivent à résoudre les contradictions qui se manifestent à l’intérieur et entre les deux systèmes d’activité. À tout le moins, il importerait que soit davantage présent l’appren- tissage collaboratif dans les programmes de formation et de développement professionnel des enseignants, que ce soit lors d’un stage en responsabilité (Laferrière, 2000), d’un cours hybride ou en ligne (Henri et Lundgren- Cayrol, 2001), d’un cours sur le campus (Gale, 2016) ou lors d’une activité de type projet qui dépasse le cadre habituel d’un cours offert sur un campus (Tanghe et Park, 2016). Afin d’engager les élèves dans l’apprentissage colla- boratif, avoir vécu des expériences de la sorte dans sa propre formation antérieure et en avoir gardé un bon souvenir ne peut qu’être bénéfique avant d’engager les élèves dans cette voie. L’apprentissage collaboratif chez les élèves Il existe des résultats qui témoignent des progrès enregistrés par les élèves impliqués dans des situations d’apprentissage collaboratif, en particulier avec l’usage de supports numériques. Toutefois, comme nous l’avons évoqué ci-devant, établir une telle relation de cause à effet est plutôt hasardeux étant donné l’importance du contexte (Hammond, 2017) et de la durée de l’intervention (Sung, Yang et Lee, 2017). Les caractéristiques de l’ensei- gnant et ses façons d’agir en classe importent aussi. De plus, les approches
134 Thérèse Laferrière basées sur l’apprentissage par projet et celles reposant sur l’apprentissage coopératif/collaboratif sont la plupart du temps combinées par les ensei- gnants qui favorisent les interactions entre élèves en salle de classe ou entre classes délocalisées (Kozma, 2003a). En outre, les approches mises en œuvre peuvent inclure ou pas une attention spéciale portée à l’étayage effectué par l’enseignant ou encore aux capacités langagières (Warschauer, 1997), à l’autorégulation ou à la régulation par les pairs (Azevedo, 2014 ; Winne, Hadwin et Gress, 2010). Notons que certains chercheurs nomment apprentissage collaboratif ce qui se comprendrait plutôt comme du travail d’équipe ou, encore, comme de l’application de structures coopératives. L’Education Endowment Foundation, informée par la méta-analyse de Lou, Abrami et d’Apollonia (2001) et les travaux de Higgins et al. (2014), attribue un effet modéré (valeur de 5 par rapport à une valeur maximale de 8) à la coopération/collaboration. Ces bémols étant posés, et bien qu’évolue la méthodologie de recherche sur la collaboration entre pairs (Baudrit, 2007 ; Hmelo-Silver et al., 2013 ; Timmis, 2014), rares sont les travaux sur l’apport de l’apprentissage collaboratif avec des supports numériques à large portée ou qui reposent sur des données collectées dans la durée. Apport en matière de résultats scolaires Wenglinsky (2005) a réalisé, aux États-Unis, une vaste étude sur les résultats d’élèves du primaire et du secondaire en mathématiques, en sciences et en lecture, qui l’ont conduit à suggérer que les pratiques constructivistes (apprentissage par projet, résolution de problèmes complexes, incluant simulations et analyse de données, etc.) avaient des effets positifs sur les résultats des élèves alors que les pratiques d’exercisation, en particulier chez les étudiants urbains, pauvres et appartenant à des minorités, n’avaient pas d’effet, voire entraînaient un effet négatif. La même année, Gültekin (2005) publiait une étude sur l’apprentissage par projet chez des élèves de 5e année du primaire d’une école ayant adopté un curriculum à visée constructiviste, donc davantage susceptible d’entraîner des activités de collaboration entre élèves. Les résultats de cette étude suggéraient que l’apprentissage par projet avait des effets positifs en histoire/géographie. En 1997, Warschauer (1997) avait montré, en matière de langage écrit, le potentiel des activités collabora- tives réalisées en ligne qui impliquaient non seulement la recherche d’infor- mations, mais aussi la co-construction de nouvelles connaissances. Vingt ans plus tard, Sung, Yan et Lee (2017) ont présenté une méta-analyse sur l’apprentissage collaboratif avec des technologies mobiles. Ces chercheurs rapportent des effets bénéfiques au primaire, au secondaire et au postsecon- daire, mais davantage positifs en mathématiques et en sciences qu’en langue maternelle ou en histoire/géographie.
Chapitre 7. Les effets de l’apprentissage collaboratif supporté par le numérique (...) 135 En résumé, on peut considérer que l’effet de l’apprentissage collaboratif avec des supports numériques sur les résultats scolaires demeure timide et circonstancié. La plupart des méta-analyses susceptibles de nous informer sur cette question sont soit très générales (Sung, Chang et Liu, 2016 ; Tamim et al., 2011 ; Zheng et al., 2016), soit très spécifiques (Martono et Salam, 2017 ; Vogel et al., 2017) et introduisent bien des variations. Partant de notre cadre d’analyse et comme l’explicite Timmis (2014), l’enjeu est de produire des résultats de recherche à différents niveaux de granularité de l’activité d’un système éducatif : par exemple, au niveau micro, l’analyse des interactions écrites à des fins de repérage des changements conceptuels ; au niveau méso, l’analyse de l’organisation de la classe ainsi que de ses affordances socionu- mériques et au niveau macro, l’analyse des contradictions (ou du niveau d’alignement) entre les finalités du système éducatif, la nature et les modes d’évaluation des apprentissages ainsi que les apprentissages visés par l’ensei- gnant et ses façons d’y arriver. Apport en matière de développement des habiletés sociales et cognitives Comme le soulignait déjà Lehtinen (2003), bien des recherches sur l’utili- sation des technologies et des ressources numériques relatent les possibilités de celles-ci pour favoriser l’interaction sociale entre l’enseignant et les élèves ou les étudiants. Le métier d’élève, centré sur des démarches d’apprentissage individuelles, sinon compétitives, n’a toutefois pas nécessairement préparé les élèves à travailler ensemble. Henderson, Snyder et Beale (2013) ainsi que Thibert (2009) soulignent l’importance de préparer les élèves à apprendre de manière collaborative. Ces chercheurs déclinent cette préparation en six éléments : 1) une explication du pourquoi de la collaboration exigée et de la façon dont elle profitera à tous les élèves ; 2) un exposé du comment travailler ensemble de manière collaborative ; 3) des exercices pour bâtir la confiance ; 4) une surveillance de l’interaction entre élèves afin de contrer les exclusions et autres comportements inappropriés ou dommageables ; 5) de la latitude laissée aux élèves pour qu’ils prennent des décisions par rapport à leur apprentissage et 6) un encouragement de tous les élèves à participer. Grâce à l’étayage de l’enseignant et aux rétroactions fournies, les élèves ont ainsi l’occasion d’apprendre à collaborer. La première évaluation internationale (OCDE, 2017) des aptitudes à la résolution de problèmes en collaboration menée auprès d’élèves de 15 ans (PISA 2015) retenait trois orientations, à savoir que l’élève puisse 1) établir une compréhension partagée ; 2) prendre les mesures appropriées pour résoudre un problème complexe ; 3) maintenir l’organisation de son équipe comme il aurait à le faire dans une situation réelle. Les résultats sont nombreux et diversifiés, mais ils montrent entre autres que de fortes habiletés
136 Thérèse Laferrière scolaires ne se traduisent pas nécessairement en de fortes habiletés sociales et que seulement 8 % des élèves sont capables d’un niveau de collaboration relativement élevé. À Singapour, pays le plus performant selon l’enquête, ce taux fut de 21 %. Ce niveau de collaboration élevé est ainsi décrit : « Les élèves performants au niveau 4 sur l’échelle de résolution de problèmes en collaboration peuvent mener à bien des tâches de résolution compliquées et exigeant une collaboration complexe. Ils demeurent conscients de la dynamique de groupe et s’assurent que les membres de l’équipe exercent leurs rôles de la manière attendue, tout en surveillant la progression du groupe vers la solution du problème qui les concerne. Ils prennent des initiatives, exécutent des actions ou en appellent à l’équipe pour surmonter les obstacles et résoudre les désaccords et les conflits qui surviennent. » (OCDE, 2017, p. 33). Rappelons que c’est le nombre croissant d’emplois requérant des habiletés sociales élevées, notamment pour comprendre des problèmes complexes et pour travailler à les résoudre avec d’autres, qui a motivé l’inclusion d’une telle mesure dans l’enquête PISA 2015. L’apprentissage par projet, combiné à l’apprentissage collaboratif, est devenu populaire dans les classes qui disposent de suffisamment de techno- logies mobiles pour permettre la mise en œuvre de démarches constructi- vistes. Toutefois, comme nous l’avons déjà évoqué, les résultats observés dépendent fortement de la manière dont ces approches pédagogiques sont mises en œuvre. Ainsi, lorsqu’elle est centrée sur un résultat décidé d’avance, l’approche constructiviste est moins propice à la compréhension en profondeur des problèmes (Mergendoller et Larmer, 2015 ; Scardamalia et Bereiter, 1994, 2006). Plusieurs chercheurs issus du courant CSCL combinent d’ailleurs l’apprentissage collaboratif à d’autres approches afin d’en améliorer les effets sur les habiletés cognitives et sur l’amélioration des idées des élèves concernant la compréhension d’une question ou d’un problème. Par exemple, l’approche par problème conduit à des résultats positifs (Hmelo-Silver, 2004 ; Roschelle et Teasley, 1995 ; Roschelle et al., 2010), de même que l’investigation collective (Gerard et al., 2011 ; Slotta, Tissenbaum et Lui, 2013) et la coélaboration de connaissances (Bereiter, 2002 ; Chen, Scardamalia et Bereiter, 2015 ; Hamel et al., 2015 ; Lipponen, 2000 ; Stahl, 2006, 2009). Afin d’obtenir des effets plus généreux sur le plan des habiletés sociales et cognitives, l’une des pistes envisagées est de procéder à la cocréation de situations éducatives – codesign entre chercheurs et praticiens de terrain – et de les documenter de manière itérative sur une certaine durée (Blumenfeld et al., 2012 ; Deaudelin et al., 2005 ; Decamps, De Lièvre et Depover, 2009 ; Dillenbourg, 2002 ; Engeström, Engeström et Suntio, 2002 ; Jeong et
Chapitre 7. Les effets de l’apprentissage collaboratif supporté par le numérique (...) 137 Hmelo-Silver, 2016 ; Laferrière et al., 2016 ; Raes, Schellens et De Wever, 2014 ; Roschelle et al., 2010). Apport en matière de préparation à l’entrée aux études postsecondaires En ce qui concerne les effets au collège et à l’université, Beauregard (2015) a montré que, pour les diplômés d’un programme caractérisé par l’approche par projet associé aux technologies et aux ressources numériques, le taux d’admission aux études postsecondaires avait augmenté de l’ordre de 10 %. MacMartin (2017) a exploré les perceptions d’étudiants impliqués dans un apprentissage par projet quant à leur niveau de préparation au programme postsecondaire dans lequel ils étaient engagés. Ces deux auteurs rapportent que les étudiants estiment avoir été très bien préparés en matière de commu- nication, de conscience de soi, d’apprentissage collaboratif et de compé- tences en anglais, mais ils marquent aussi leur insatisfaction quant à leur niveau d’adaptation au style d’enseignement des programmes collégiaux états-uniens ainsi qu’au rythme et à la rigueur des cours. Laferrière, Deschênes et Gaudreault-Perron (2007) ont comparé les résultats des étudiants en provenance du PROTIC (un programme québécois qui combine l’apprentissage collaboratif, l’apprentissage par projet et les supports numériques) à la moyenne de l’ensemble des étudiants québécois pour chaque cours suivi par un diplômé PROTIC au collège. Il ressort de leur recherche que les étudiants PROTIC ont des résultats similaires aux autres. Pour mieux cerner les effets du PROTIC, il s’agirait toutefois d’analyser si les effets du PROTIC se sont manifestés par des résultats supérieurs dans la suite de leur scolarité pour les étudiants qui ont bénéficié de ce programme. Conclusion En synthèse, d’après la méta-analyse menée par Sung (2017), l’effet positif global de l’usage d’appareils mobiles pour apprendre de manière coopé- rative/collaborative se situerait à 0,516 (effet modéré) ce qui signifie qu’en- viron 70 % des étudiants des groupes expérimentaux ont dépassé les perfor- mances de leurs homologues qui ont appris dans des groupes sans l’aide d’appareils mobiles. Cette conclusion est partielle et relative et la valeur observée est appelée à varier selon le nombre d’études retenues, la nature des technologies collaboratives et surtout de leurs usages. Néanmoins, s’agissant de l’amélioration de ce qui se passe en classe par l’intégration du numérique, l’apprentissage collaboratif constitue très certainement une voie intéressante ; l’autre voie souvent mentionnée étant la personnalisation de l’apprentissage. Nous consacrons les dernières lignes de ce chapitre à la
138 Thérèse Laferrière présentation, partant de nos dernières constatations, de pistes d’action en matière d’intervention et de recherche. En ce qui concerne l’intervention Les croyances des futurs enseignants et des enseignants, qui tendent à demeurer stables (Wideen, Mayer-Smith et Moon, 1998 ; Ertmer, 2005, Ertmer et al., 2012), ainsi que les conventions en vigueur dans les systèmes éducatifs laissent présager une lente évolution des pratiques d’enseignement et d’apprentissage collaboratifs en lien avec l’usage des technologies et des ressources numériques. Si les croyances des enseignants importent, celles des élèves importent aussi (par exemple, c’est quoi apprendre, aller à l’école, être un étudiant performant) et elles peuvent constituer un frein à l’inno- vation pédagogique (Parent, 2017). Un travail d’équipe conduit souvent à une répartition de la tâche suivie par un assemblage des parties traitées par chacun (coopération). A contrario, collaborer c’est interagir pour réaliser un projet ou pour comprendre un problème, voire lui trouver une solution, c’est assumer « des rôles similaires dans la conceptualisation des tâches et dans l’intervention commune » (Bruillard et Baron, 2009, p. 106). Quand l’inte- raction se produit dans un espace numérique de collaboration, les traces sont visibles. L’enseignant peut même utiliser des outils d’analyse de celles-ci, et ce retour sur les traces augmente encore le défi pour certains élèves qui n’ont pas d’autres choix que de participer activement. À des fins de formation continue, les formes de participation qu’offrent les réseaux d’enseignants (Quentin et Bruillard, 2009), les communautés professionnelles délocalisées (Darling-Hammond et al., 2009 ; Gerard et al., 2011), les activités de codesign de scénarios ou de ressources didactico- pédagogiques impliquant praticiens de terrain et chercheurs (Voogt et al., 2015) et les partenariats recherche-pratique (Coburn, Penuel et Geil, 2013) n’en sont encore qu’à leurs premiers effets. Les enseignants qui veulent faire avancer, d’une part, la gestion démocratique de leur classe ainsi que l’étayage de l’apprentissage collaboratif des élèves et, d’autre part, leur usage de logiciels basés sur les principes du CSCL devraient avoir de plus en plus l’embarras du choix quant aux communautés à rejoindre de manière à pouvoir bénéficier, souhaitons-le, de modes de reconnaissance appropriés. En ce qui concerne la recherche La conception des technologies numériques « grand public » échappe aux acteurs de l’éducation, mais le design participatif demeure une possibilité aux plans régional et national puisqu’il implique notamment les usages par les enseignants et les élèves des technologies et des ressources numériques. Pour améliorer les effets de l’apprentissage collaboratif, les praticiens et les chercheurs ont intérêt à développer de nouveaux modèles, par exemple, pour
Chapitre 7. Les effets de l’apprentissage collaboratif supporté par le numérique (...) 139 une meilleure orchestration de l’apprentissage collaboratif tenant compte des contextes dans lesquels il intervient et notamment lorsqu’il mobilise des ressources et des technologies numériques (Dillenbourg, 1999 ; Dillenbourg, Järvelä et Fischer, 2009) pour faciliter l’engagement authentique des élèves. En évoquant les perspectives quant à la recherche francophone sur les technologies en éducation, Baron (2013) s’exprimait de la manière suivante à propos du numérique : « Le numérique est bien identifié socia- lement comme un domaine nouveau, évolutif, posant à l’éducation et à la formation des questions importantes » (p. 11). Il s’agit que la recherche francophone se structure plus efficacement dans l’avenir de manière à disposer de résultats qui soient contextualisés en fonction des réalités culturelles et sociales propres au monde francophone plutôt que de s’appuyer exclusivement sur des données issues des milieux anglo-saxons. À titre d’exemple, citons le réseau RES@TICE, créé par l’Agence univer- sitaire de la Francophonie, qui a largement contribué à favoriser l’émer- gence d’une recherche francophone dans le domaine du numérique éducatif (Depover, 2009). Puisque le contexte importe, il nous faut consolider nos corpus de recherche locaux, les ancrer dans des expérimentations qui s’étendent dans la durée et impliquent différents systèmes d’activité tant au niveau de la classe, de l’école que du système éducatif aux niveaux régionaux et nationaux. L’enjeu est la résolution des contradictions qui s’installent à ces différents niveaux, nécessaire pour que les innovations qui se déploient donnent des signes de pérennité et de passage à l’échelle.
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