Les femmes, atouts de l'hôpital du futur - CHUV
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«le savoir au service du patient» Hiver 2010 Les femmes, atouts de l’hôpital du futur dossier Le CHUV encourage la relève féminine interview Les confidences du Prix Nobel Françoise Barré-Sinoussi soins L’école à l’hôpital, c’est possible! guérison Il s’appelait Marylène
chuv | magazine en bref éditorial sommaire La Suisse 03 chuv | magazine Soins prend du poids Homme-femme: santé Plus d’un tiers des Suisses sont officiellement en surpoids, un combat obsolète selon la dernière étude commandée par l’Office fédéral de la santé pu- blique. Près de la moitié (46%) des La question de la place des femmes dans la hommes ont une surcharge pondé- Pierre-François Leyvraz Directeur général du CHUV société s’est posée à moi avec, pour musique de rale contre 28% des femmes. Cette Photo: Sophie Huguenot fond, le cliquetis d’une machine à écrire. Cette proportion a certes augmenté ces interrogation s’enracine en effet dans un terreau dernières années (de 30% en 1992 très personnel. à 37% en 2007), mais elle pourrait bientôt se stabiliser, selon l’étude. J’ai le clair souvenir de ma mère, journaliste et 04 | Dossier Le CHUV encourage la relève féminine Par ailleurs, le coût économique féministe convaincue, tapant sans relâche ses 1. Femmes et médecine, une longue histoire des maladies résultant de l’excé- chroniques dans lesquelles elle se bat pour la 2. Concilier vie privée et vie professionnelle dent de poids a explosé: il est passé place des femmes. Je sais que cette image m’a 3. L’interview d’une Prix Nobel de 2,6 milliards en 2001 à 5,8 mil- profondément marqué même si, devenu ado- 4. Time-sharing: trucs et astuces liards de francs en 2006. Le diabète 5. Réintégration, mode d’emploi lescent, je dois bien avouer que les remarques © GianniD de type 2, les maladies corona- 6. L’opinion de Pierre-Yves Maillard féministes de ma mère m’agaçaient parfois légè- riennes, l’asthme et l’ostéoarth- rement. D’ailleurs, peut-être est-ce la réaction 15 | Soins Les jeunes patients poursuivent leur scolarité à l’hôpital Un centre consacré au sein rose (du genou et de la hanche) de mon père qui m’a encore plus influencé. Au Traiter un cancer ou autre maladie du sein nécessite l’intervention représentent plus de trois-quarts 16 | Portfolio Belles envers et contre tout début des années 1960, les rôles homme-femme de différents spécialistes, tels que des oncologues, des chirurgiens, des dépenses. Les conseils, quant La fondation Look Good… Feel Better organise des ateliers des gynécologues, des radiologues ou des radiothérapeutes. Pour à eux, restent toujours les mêmes: étaient distribués on ne peut plus clairement. de maquillage pour les patientes atteintes d’un cancer. améliorer la prise en charge des patientes, le CHUV a mis en place un un mode de vie sain, une nutrition Or, au risque d’être taxé – selon les valeurs de 20 | Décryptage La reconstruction mammaire Centre du sein qui permet à ces divers spécialistes de collaborer dès le équilibrée et de l’exercice phy- l’époque – de «trop permissif» avec son épouse, Le bloc opératoire nous a ouvert ses portes le temps début d’un traitement. «Jusqu’à présent, une patiente passait d’abord sique. Le surpoids est défini par mon père non seulement tolérait ses écrits et ses d’une intervention. chez le gynécologue, ensuite chez le chirurgien puis chez l’oncologue un indice de masse corporelle (IMC) multiples reportages à l’étranger, mais il ne ces- 24 | Vie du CHUV «Rester féconde m’aide à par exemple, explique Jean-François Delaloye, professeur associé et supérieur à 25, l’obésité au-delà de combattre le cancer» sait de l’encourager. médecin chef du Département de gynécologie-obstétrique du CHUV. 30. L’IMC est obtenu en divisant le Le témoignage de Nathalie qui, avant d’entamer une Le Centre lui assure une prise en charge pluridisciplinaire dès les pre- poids (en kg) par la taille (en mè- chimiothérapie, a bénéficié d’un prélèvement d’ovocytes dans Ces questions se sont par la suite concrétisées miers instants. Tous les spécialistes se réunissent plusieurs fois par tres) élevée au carré. l’espoir d’enfanter plus tard. dans le quotidien de ma vie professionnelle car semaine pour discuter de chaque cas. Cette nouvelle structure nous 30 | Culture Le calendrier des expositions et des concerts c’est dans la compagnie des femmes que j’ai évo- permet de garantir un suivi plus rapide et plus efficace.» 32 | Guérison Sylvain s’appelait Marylène lué. Secrétaires, infirmières, instrumentistes, Des téléphones téléphonistes ou chirurgiennes, je les observe IMPRESSUM Hiver 2010 «verts» performants Le CHUV Magazine paraît quatre fois par an. Il est destiné aux collabora- Une start-up Innovation médicale Ondes Les téléphones mobiles à depuis des années composer avec la vie profes- teurs ainsi qu’aux patients et visiteurs du CHUV intéressés par le cours de la vie de notre institution. Le CHUV Magazine est imprimé sur du papier prometteuse EPFL Un incubateur destiné à faible puissance d’émission, testés sionnelle et la vie de famille, multiplier les vies Cyclus Print, 100 % recyclé. Son sommaire est conçu grâce aux suggestions recherche Fondée en 2002 par favoriser l’innovation dans le do- dans des zones pilotes depuis une en une seule ainsi que vous le lirez dans notre des correspondants du Service de la communication, qui se trouvent dans les départements, services et hôpitaux affiliés du CHUV. Christophe Bonny, ancien bio- maine médical a ouvert ses por- année au CHUV et aux HUG, ont reportage en page 7. logiste et généticien du CHUV, tes en novembre dernier au Parc démontré leur efficacité: les me- Editeurs responsables Impression Pierre-François Leyvraz, SRO-Kündig la start-up Xigen vient d’obtenir scientifique d’Ecublens (PSE). sures effectuées ont révélé que leur Les hommes et les femmes ne sont pas égaux directeur général, Béatrice Schaad, responsable Tirage 12’000 exemplaires un financement de 20 millions Il a été créé par Medtronic, spé- puissance maximum ne dépassait face à leurs carrières car la société leur a fixé de la communication Couverture de francs. La jeune entreprise cialiste américain des techno- jamais le seuil imposé de 0,2 watt, Rédaction Photographe: Patrick Dutoit des missions diverses. Une institution telle que LargeNetwork (Ludovic Modèles: Judith Horisberger, infir- de 14 collaborateurs développe logies médicales et le financier soit 10 fois moins qu’un téléphone la nôtre se doit de corriger cette inégalité his- Chappex, Martine Brocard, mière responsable de la circulation des fragments de protéines (des français Sofinnova. Le «Medical portable traditionnel. Par ailleurs, Martin Longet, Melinda extra-corporelle au bloc opératoire, torique: raison pour laquelle nous avons décidé Marchese, Geneviève Ruiz, Anne-Laure Beda, infirmière au peptides) capables de pénétrer à Device Accelerator» (MDA) se la puissance minimum mesurée Daniel Saraga), Pierre-François Service des urgences, Miriam Pittet, l’intérieur des cellules malades fixe comme objectif d’apporter dans les endroits les plus favo- de créer la commission «Médecins de demain». Leyvraz (DG), Béatrice Schaad apprentie cuisinière (DG), Fabien Dunand (DG), Contact pour agir sur les protéines dé- l’encadrement nécessaire pour rables n’est que de 0,003 watt, Grâce à elle, nous allons réfléchir à une orga- Caroline de Watteville (DG), CHUV, Béatrice Schaad Bertrand Tappy (DG), Nicolas Rue du Bugnon 21 fectueuses. Son produit le plus qu’une idée prometteuse puisse soit plus de 650 fois plus faible nisation du travail qui permette de gommer être réalisée et ainsi accélérer le Jayet (DSO), Giuseppe Costa CH-1011 Lausanne avancé, actif contre plusieurs que la norme suisse. Les hautes les inégalités et d’offrir les mêmes chances aux (HUG), Pascal Nicod (DM), Vous souhaitez réagir à un sujet, maladies inflammatoires, pour- développement de technologies exigences imposées sont donc plei- François Bochud (IRA) faire une suggestion pour la pro- hommes et aux femmes. Coordination et graphisme chaine édition de fin mars 2010 rait bientôt entrer en phase révolutionnaires. nement satisfaites. L’expérience LargeNetwork / Largeur.com (jusqu’au 20 janvier), reproduire un Images article: merci de vous adresser à d’étude clinique. va se généraliser à l’ensemble des Bonne lecture! CEMCAV beatrice.schaad@chuv.ch → www.xigenpharma.com → www.mdaccelerator.com cités hospitalières. ISSN 1663-0319
dossier 1. Femmes et médecine, une longue histoire dossier Depuis plus d’un siècle, les femmes manifestent leur intérêt pour 04 05 chuv | magazine chuv | magazine la médecine. Certaines d’entre elles renoncent pourtant à pratiquer, de peur de ne pas réussir à concilier carrière et vie privée. Une commission a été créée au CHUV pour adapter les conditions de travail et promouvoir la relève féminine. Alors que la pénurie de personnel Une pionnière au XIXe siècle l’image traditionnelle et solide de de santé s’accentue avec plus de Il faut remonter à 1868 pour trou- la femme au foyer. En Allemagne, 150’000 postes à créer d’ici à 2020, ver la trace de la première étu- le neuropsychiatre Paul Julius le besoin de promouvoir la relève diante suisse inscrite en Faculté de Möbius écrivait dans son ouvrage féminine et d’aménager à leur médecine, à Zurich. La jeune Marie «De la débilité mentale physiolo- intention des conditions de tra- Heim Vögtlin, âgée de 23 ans, avait gique chez la femme» que sur le vail plus adaptées fait l’unanimité. suscité bien malgré elle une vague plan physique et intellectuel, la Mais cette féminisation n’est que le d’indignation dans tout le pays. Sa femme se trouvait tout simple- prolongement d’une évolution dont volonté de devenir médecin remet- ment à mi-chemin entre l’enfant l’origine remonte à 150 ans. tait effectivement en question et l’homme! Photographie Jonathan Cretton, Eric Déroze, Margaux Zeender Infographie Observatoire suisse de la santé Texte Bertrand Tappy La pénurie de personnel s’accentuera d’ici à 2030 Les consultations possibles si le Les demandes de consultation nombre de médecins n’augmente pas 24 22 20 dix millions dossier 18 de consultations Nombre de consultations en millions Les femmes, atouts 16 14 de l’hôpital du futur 12 10 8 6 1. Femmes et médecine, une longue histoire....p 05 4 2. Concilier vie privée et vie professionnelle.....p 07 2 3. L’interview d’une Prix Nobel...................p 10 4. Time-sharing: truc et astuces.................p 12 0 2005 2010 2015 2020 2025 2030 5. Réintégration, mode d’emploi.................p 13 6. L’opinion de Pierre-Yves Maillard..............p 14 Dans vingt ans, si le nombre de médecins n’augmente pas, la demande de consultations excédera de dix millions le nombre de consultations possibles.
dossier 1. Femmes et médecine, une longue histoire 2. Concilier vie pr ivée et vie professionnelle dossier Trois femmes que 34% à pratiquer en Suisse. Cette 07 chuv | magazine 06 chuv | magazine sous-représentation s’accentue encore quand il s’agit de monter en grade (au en 24 heures chrono CHUV, environ 20% des médecins diri- geants sont des femmes). «En 1905, plus de 70% des étudiants Elles soignent, construisent ou opèrent: trois collaboratrices en médecine étaient du CHUV ont accepté de nous ouvrir les portes de leur quotidien. des femmes.» Reportage au pas de course. «Plusieurs facteurs s’articulent et se renforcent les uns les autres, expli- 7h Il faut s’accrocher pour arriver à mence sa journée par une séance avec 7h30 Pour la neurochirurgienne que Magdalena Rosende, docteure en suivre l’emploi du temps de Cathe- la Direction générale, afin de réfléchir Jocelyne Bloch, la journée débute sciences sociales à l’Université de Lau- rine Borghini. A 40 ans, la Grand- à l’avenir d’un centre pour les enfants avec la visite des patients aux soins sanne et auteure de «Parcours fémi- sonnoise est responsable de la Direc- et les adolescents. Faut-il rénover, ou continus. Selon cette jeune quadragé- nins et masculins de spécialisation en tion des constructions, ingénierie et raser et construire à nouveau? «J’ap- naire mère de deux enfants, son sta- Charlotte Olivier fut une pionnière de la lutte médecine». Dans un contexte carac- En 1868, Marie Heim Vögtlin est la première technique du CHUV. Elle dirige par précie le contact avec le terrain, mais tut de femme n’a pas été un obstacle contre la tuberculose dans le canton de Vaud. térisé par une durée de travail élevée, étudiante en médecine de Suisse. conséquent une vaste fourmilière de j’aime avoir une vision d’ensemble, déterminant dans sa carrière: «Cer- le projet de carrière conduit de nom- près de 200 collaborateurs, allant des un peu comme un chef d’orchestre, tes, il n’y a pas beaucoup de femmes Photographie Sozialarchiv Dessin Oscar Lazar, Corps médical vaudois, 1937, IUHMSP Photographies Eric Déroze Texte Bertrand Tappy Quelques années plus tard, les événe- breuses femmes à prendre en considé- l’EPFL, est éloquent. Au bénéfice de électriciens aux architectes. Son poste confie-t-elle. Lors de ces réunions, en chirurgie (environ 14% en Suisse, ments prirent pourtant une tournure ration plusieurs aspects à la fois: l’ac- trois diplômes universitaires (micro- implique également une part straté- j’avoue que je me sens comme un ndlr). Mais je ne pense pas que cela surprenante: entre 1890 et 1917, les tivité professionnelle et la situation technique, médecine et épidémiolo- gique importante: ce matin, elle com- poisson dans l’eau.» soit plus dur pour nous. Il y a néan- facultés de médecine suisses attirè- familiale présente ou à venir. Elles gie clinique), elle cumule ses compé- rent soudain de nombreuses jeunes feront attention aux horaires, afin tences pour développer de nouvelles femmes venues de Russie, interdites qu’ils leur permettent de s’occuper de formes de prothèses. Mais elle refuse d’études à cause de leur confession leurs enfants, ou d’en avoir. Les hom- toute remarque admirative: «Tout ce juive ou pour des raisons de quotas. mes ne faisaient jusqu’à récemment que j’ai fait, je l’ai fait parce que cela En 1905, plus de 70% des étudiants pas ce genre de calculs.» Des choix m’intéressait, assure-t-elle. Et que en médecine étaient des femmes. Du cruciaux pour les médecins, qui se cela me permet d’appliquer immé- côté de l’académie, cette situation font durant leur formation postgrade, diatement mes connaissances.» était vue d’un assez bon œil, dans entre 25 et 35 ans. Actuellement en congé maternité la mesure où les demoiselles rega- (elle vient d’accoucher de son second gnaient paisiblement leur pays une C’est de cette évolution des mentalités enfant), elle constate que les infras- fois diplômées. Mais heureusement que le CHUV veut tenir compte avec la tructures manquent encore. «C’est pour l’Histoire, certaines décidè- création de la commission «Médecins encore le système D, notamment rent de rester. Parmi elles, Charlotte de demain», coordonnée par la Dresse pour les crèches.» Olivier, originaire de Saint-Péters- Sandra Deriaz: «Tout couple com- bourg et pionnière de la lutte contre prenant au moins un collaborateur De nombreux défis restent donc à la tuberculose dans le canton de du milieu de la santé est concerné, relever, et les résoudre est indispen- Vaud. Son action permit de prévenir confirme-t-elle. La participation à la sable pour préparer le terrain aux la maladie en mettant en place un vie familiale devient un enjeu de plus Marie Heim Vögtlin de demain. ▫ système moderne de prise en charge en plus important, chacun cherchant socio-médicale. Même si cette femme à marier au mieux vie privée et vie passa sa vie à fuir les hommages, elle professionnelle. Souvent, les deux Les chiffres à retenir instilla le doute dans les certitudes membres du couple travaillent dans • 34% des médecins en Suisse machistes de certains. la santé, ce qui n’arrange rien! Pour sont des femmes. cela, nous devons nous concentrer sur Améliorer les conditions de travail la reconnaissance des valeurs de la • Seulement un médecin cadre Depuis, le nombre d’étudiantes femme dans le monde médical.» sur cinq est une femme. diplômées en médecine n’a cessé de croître, rattrapant puis dépassant le A ce propos, le parcours de Brigitte • 55% des diplômés de médecine nombre de leurs homologues mascu- Jolles, médecin adjointe du Service à l’Université de Lausanne en lins (55% de diplômées à Lausanne en de chirurgie orthopédique et trau- 2007 étaient des femmes. 2007). Pourtant, elles ne sont encore matologie du CHUV et professeure à Entre les téléphones et les séances, les journées se suivent et ne se ressemblent pas pour Catherine Borghini.
dossier 2. Concilier vie pr ivée et vie professionnelle 2. Concilier vie pr ivée et vie professionnelle dossier moins beaucoup de sacrifices à faire Etienne Pralong, qui mesure l’activité 08 chuv | magazine chuv | magazine 09 et il est vrai qu’avoir des enfants au électrique du cerveau. A chaque petit début de la formation n’aide pas. Je bruit ou manipulation, il s’agit égale- n’ai jamais calculé quoi que ce soit sur ment de rassurer la patiente qui, bien ce plan-là. Par contre, une fois que que réveillée, ne peut pas compren- l’on accède à certaines responsabili- dre ce qui se passe derrière le champ tés, il est tout de suite plus facile de stérile. Les électrodes sont ensuite gérer son emploi du temps en fonc- fermement installées et immobilisées tion des impératifs familiaux.» dans le cerveau, puis testées pen- dant trois jours. Si les résultats sont 8h30 Pendant ce temps, les séan- concluants, des batteries permanen- ces se suivent et ne se ressemblent tes seront installées sous la peau de pas pour Catherine Borghini. L’objet la patiente. de son second rendez-vous est sur- prenant: la gestion de l’écoulement 13h C’est l’heure du repas pour Céline des selles et des urines radioactives. Meyrat. Elle sera la seule de notre trio «Ce genre de déchets, fréquent chez à pouvoir manger à la cafétéria. Un les patients suivant un traitement à confort relatif, mais bref: la pause ne l’iode, nécessite des toilettes et des dépassera pas 30 minutes! conduits spéciaux. Nous sommes en train de contrôler que notre système 16h Jocelyne Bloch se trouve dans une fonctionne.» Tous les équipements petite salle adjacente au bloc opéra- Photographies Margaux Zeender Photographies Jonathan Cretton techniques (du plus petit boulon aux toire. Penchée sur son microscope, gigantesques générateurs de secours) elle observe de minuscules poussiè- sont en effet sous sa responsabilité. res blanches nageant au milieu d’un Une lourde charge qui ne l’empêche liquide rose en compagnie de Jean- pas de garder le sourire: «Et il m’ar- François Brunet, responsable du pro- rive quand même de déléguer!» jet de Centre de production cellulaire du CHUV (CPC2). «Nous cherchons à 9h Dans une salle informatique du Céline Meyrat travaille avec le sourire, à quelques semaines de l’accouchement. pouvoir cultiver ces cellules capables Service de neurochirurgie, Jocelyne de créer de nouveaux neurones pour Bloch prépare l’intervention de la grossesse, on m’a éloignée des produits 12h30 Devant la façade noire du pro- les réimplanter ensuite dans le cer- journée: une «deep brain stimu- de chimiothérapie. Après une petite chain pavillon du Centre psychiatri- veau de certains patients, explique le lation» (stimulation profonde du alerte survenue lors du 7e mois, mon que de Prangins, Catherine Borghini biologiste. Elles fonctionnent un peu cerveau) qui consiste à insérer deux taux de travail a été baissé à 40%.» passe en revue le moindre détail. Son comme des roues de secours, en cas petites électrodes dans le cerveau expérience et son dévouement ont de lésion cérébrale.» Pour l’instant, d’une patiente souffrant de maladie 11h Dans le bloc opératoire 16, déjà fait leurs preuves depuis long- les premières expériences menées de Parkinson: «On peut comparer cela Jocelyne Bloch et son équipe (compo- temps et la présence d’une femme sur sur des singes (les autres animaux à une partie de bataille navale, décrit sée en majorité de femmes) se prépa- le chantier n’étonne plus personne: ne possédant a priori pas le bon type la chirurgienne. Avec l’IRM de la rent à l’intervention, plus spectacu- «Cela n’a jamais été un inconvénient de cellules) ont donné des résultats patiente, on localise une cible précise, laire que les opérations «classiques»: pour diriger un groupe, assure-t-elle. prometteurs, reconnus dans la presse Scalpel à la main ou avec son microscope, Jocelyne Bloch lutte contre les maladies du cerveau. le noyau sous-thalamique, qui est le durant quelques heures, la patiente Je n’ai jamais eu à subir de rapports internationale. Mais pour pouvoir relais primordial dans le circuit céré- devra en effet être réveillée, afin de de force face aux hommes. De plus, lancer les premiers essais cliniques, commence mes journées à la maison ou les rendez-vous médicaux. Mais bral de la régulation du mouvement. mesurer les effets de la stimulation j’ai vraiment une confiance absolue il faut décrocher des fonds et lancer devant mon ordinateur vers 5h30, je dois être attentive à ne pas trop En stimulant électriquement le noyau sur ses mouvements. envers notre service technique et nos de longues procédures de contrôle. ce qui me permet de rentrer suffi- en faire!» visé, on arrive à réharmoniser les chefs de chantiers. C’est indispensa- «Cette activité occupe beaucoup de samment tôt pour m’occuper de mes mouvements de cette patiente, chez 12h Au Centre coordonné d’oncologie ble pour réfléchir aux meilleures solu- mon temps, note Jocelyne Bloch. enfants le soir.» 20h Il est temps pour Catherine Bor- qui le traitement par médicaments ambulatoire, Céline Meyrat s’occupe tions pour les patients.» Mais elle est passionnante et unique- ghini d’enfiler une casquette de plus, ne suffit plus.» d’une transfusion sanguine auprès ment réalisable dans une structure 18h Pour préparer au mieux la venue celle de membre du Conseil communal d’une patiente visiblement ravie de 12h45 Dans le bloc, l’intervention académique telle que la nôtre.» au monde de son premier enfant, de Grandson. «On est venu me cher- 9h30 Céline Meyrat, 29 ans, infir- discuter avec elle: «C’est pour ce genre continue. En plus de l’équipe opéra- Céline Meyrat s’est inscrite à des cher en 2004, afin de profiter de mon mière du Service d’oncologie ambu- d’échanges que j’aime particulière- toire, Jocelyne Bloch tente de défi- 17h30 Catherine Borghini accompa- cours de yoga prénatal à Etagniè- expérience. J’officie notamment au latoire, est sur le chemin du CHUV. ment travailler ici, explique l’infir- nir l’endroit le plus approprié pour gne ses enfants au judo. L’occasion res. «C’est sur le conseil d’une amie sein de la commission d’urbanisme. Enceinte de huit mois, elle bénéficie mière. Le dialogue entre le patient et envoyer les stimulations électriques, de faire un petit break. Mais même si que je me suis décidée. Grâce à mes Mais rassurez-vous, cela ne me prend de mesures visant à assurer le bien- le médecin ou le personnel soignant avec l’aide de la neurologue Heike elle n’est plus physiquement dans son horaires, je peux heureusement pas plus d’un jour par mois!» Une fin être du futur bébé tout en poursuivant est très important pour que la théra- Russmann, qui teste la mobilité de la bureau, elle reste joignable et répond m’organiser un peu plus facilement, de journée normale, pour celle qui a son travail. «Dès l’annonce de ma pie se passe au mieux.» patiente, et de l’électro-physiologue à ses mails. «En règle générale, je que ce soit pour ce genre d’activités fait du dévouement un art de vivre. ▫
dossier 3. L’interview d’une Pr ix Nobel 3. L’interview d’une Pr ix Nobel dossier Mai 1983. Françoise Barré-Sinoussi parce que les études étaient plus pour concilier engagement profes- 10 11 chuv | magazine chuv | magazine est la première auteure d’un arti- courtes et moins chères. En fait, sionnel et vie privée? cle publié dans la revue «Science». ce n’était pas tout à fait vrai, en Je ne voulais pas être frustrée sur les L’équipe de chercheurs dont elle fait tout cas pour la durée des études. deux plans. J’ai fait un choix concerté partie est la première à avoir isolé avec mon mari. J’ai essayé de me don- le virus du sida. Mais cette jeune Au bout de deux ans, je me suis ner au maximum dans une direction: chercheuse restera longtemps incon- demandée ce que je faisais sur les la recherche. C’était une décision, je nue du grand public. Jusqu’à ce jour bancs de l’université. J’ai pris la déci- ne la regrette pas. d’automne 2008, où elle reçoit, à 61 sion d’aller travailler à temps partiel ans, le Prix Nobel de médecine en en laboratoire, si un laboratoire vou- Les jeunes filles manquent parfois compagnie de son patron de l’époque, lait bien m’accueillir, tout en conti- de modèles auxquels s’identifier Luc Montagnier. nuant mes études. C’est comme pour accéder à certaines profes- cela que j’ai rencontré Jean-Claude sions. Votre Nobel peut-il faire CHUV Vous êtes la troisième Fran- Chermann qui m’a transmis son avancer les choses dans le domaine çaise à obtenir un Nobel après virus de la recherche. A partir de là, scientifique? Marie Curie et Irène Joliot-Curie. j’ai fait un temps partiel plus que Tant mieux si cela peut jouer un rôle Ça doit changer la vie… plein en laboratoire. J’étais très peu pour certaines femmes. Mais ce sont Françoise Barré-Sinoussi Ce sont les innom- à l’université, mais j’avais la moti- des hommes qui m’ont servi de modè- brables sollicitations dont je fais vation et je n’ai plus eu de problèmes les, notamment Jean-Paul Lévy, l’an- l’objet qui sont le plus difficiles à pour la suite. cien directeur médical de l’Institut gérer. Mais j’ai davantage la possibi- Pasteur, dont la culture générale et lité de m’exprimer, et peut-être d’être les qualités scientifiques et médicales «Aujourd’hui, la Texte Fabien Dunand Photographie Bob Strong/Reuters entendue, comme porte-parole de m’ont toujours impressionnée. Son toute une communauté. Pas seule- recherche évolue côté très direct dans ses relations avec ment au nom des scientifiques, mais l’autre me plaisait aussi beaucoup. vers la parité.» aussi des malades et des pays du Sud qui manquent de moyens¹. Je peux Votre vision du chercheur être le relais de leurs attentes et des Le fait d’être une femme a-t-il a-t-elle changé depuis 1983? réformes à entreprendre pour que constitué un obstacle en soi dans Le contact avec les patients atteints la recherche réponde en priorité à votre carrière? du sida qui venaient nous voir à l’Ins- ces besoins. J’ai entendu certaines réflexions titut Pasteur m’a ouvert les yeux. quand je postulais dans un orga- Cela m’a donné le sentiment d’une A l’époque, il y avait peu nisme de recherche. «Ma pauvre responsabilité immense. J’ai compris de femmes dans la recherche. dame, vous rêvez. On ne va pas vous que les orientations de la recherche La situation a-t-elle évolué? donner un poste si rare. D’ailleurs devaient être définies en fonction des Quand j’ai commencé, il y avait les femmes n’ont jamais rien donné attentes des patients et des médecins. Une femme déjà pas mal de femmes techni- dans ce domaine...» Mais je n’ai pas J’ai aussi beaucoup appris à titre per- ciennes dans les laboratoires², baissé les bras. J’avais la passion et sonnel. La discrimination à l’égard mais elles n’avaient pas de postes la motivation. des malades m’est devenue insuppor- Prix Nobel de médecine à responsabilités. Il y avait très peu table, de même que l’inégalité face à de femmes directrices. C’est cela Après la découverte du virus la santé. Je suis plus que jamais atta- qui a changé. Aujourd’hui le direc- du sida, vous êtes quand même chée à l’accès de tous aux progrès de teur général de l’Institut Pasteur restée dans l’ombre de Luc la science sur toute la planète. ▫ est une femme, Alice Dautry. C’est Montagnier… Les femmes représentent moins de 5% des Prix Nobel, toutes disciplines un signe fort. Il y a une évolution Il faut modérer cette manière de 1 vers la parité. voir. Il est vrai qu’au début, Luc Parmi ses nombreuses activités, confondues. Le Nobel de médecine attribué à Françoise Barré-Sinoussi en Montagnier, Jean-Claude Chermann Françoise Barré-Sinoussi pilote 2008 est donc tout un symbole. CHUV | Magazine l’a rencontrée dans son Qu’est-ce qui vous a conduit et moi, nous avions imaginé parler également le site de l’Asie du Sud-Est à faire de la recherche? de nos travaux à trois. Les choses se de l’Agence nationale de recherche minuscule bureau de directrice du Laboratoire de régulation des infections C’est difficile à dire parce que c’était sont passées différemment. J’étais sur le sida et les hépatites virales. assez vague. Enfant, j’étais plutôt moins médiatique que Luc Monta- rétrovirales à l’Institut Pasteur de Paris. C’est d’ailleurs au Cambodge qu’elle attirée par la nature, par le vivant. gnier, plus jeune que lui, et il était a appris la nouvelle de son Prix Nobel. Au lycée, je voulais être chercheur patron du laboratoire. Avec le temps, 2 sans savoir ce que ça voulait dire. En j’ai été de plus en plus sollicitée. Sur les douze auteurs de l’article à médecine? En sciences? J’ai fait le l’origine du Prix Nobel de Françoise choix des sciences pour des questions Vous travaillez 13 heures et plus Barré-Sinoussi, il y a quatre hommes bassement matérielles et naïves, par jour. Comment faites-vous et huit femmes.
dossier 4. Time-shar ing 5. R éintégr ation, mode d’emploi dossier Comment diviser un «Reprendre le travail 12 13 chuv | magazine chuv | magazine poste de médecin: après une longue pause: trucs et astuces il faut oser!» Une interniste et une généraliste se partagent un poste de chef de Pas toujours facile de se relancer après quelques années passées clinique depuis 2004. Une expérience très positive qui se poursuit loin du métier. Depuis 2004, un programme facilite la réinsertion aujourd’hui avec l’ouverture d’un cabinet. des infirmières. Concrètement, Gabrielle de Torrenté «On se demande si on va en être ca- fruits: sur 530 personnes rencon- place fixe. Et surtout, ils reprennent et Nicole Jaunin-Stalder se sont divisé pable…» Plus de neuf ans après avoir trées depuis son lancement en 2004, confiance. «Malgré les difficultés, la semaine, chacune travaillant deux arrêté de travailler, Francine Imhof, 234 ont décidé de profiter des presta- il faut absolument aller de l’avant», jours et demi. Durant sa plage de tra- 34 ans et quatre enfants, veut re- tions offertes et 228 ont retrouvé un raconte Judith Randin. L’infirmière vail, chacune prend des notes à l’inten- prendre son activité professionnelle emploi, dont 41 au CHUV. d’origine péruvienne a bénéficié Texte Daniel Saraga Texte Geneviève Ruiz Photographie Jonathan Cretton tion de sa collègue. C’est au moment d’infirmière. Son mari l’encourage, du soutien de ce programme pour de la transmission du «flambeau» et surtout, elle entend parler par une Concrètement, le programme offre obtenir les équivalences profession- qu’elles prennent le temps de se donner amie du dispositif mis en place par le des cours de remise à niveau gratuits nelles. Elle travaille aujourd’hui au toutes les informations. Dans de très Service de la santé publique du can- qui sont organisés en sept modules CHUV, tout en élevant seule ses deux rares cas, elles s’appellent pour s’assu- ton de Vaud et qui permet à des infir- de deux à trois jours. Les participants enfants. «Il faut oser!» ▫ rer d’avoir bien compris une situation. mières et infirmiers de reprendre du profitent également de bilans de → Plus d’infos: Centre d’information «C’est clair que cela demande du temps service. Elle trouve ainsi un stage en compétence. Ils peuvent effectuer un des professions santé-social (CiPS), et une implication particulière. Mais ce moins de deux semaines. Un mois et stage de trente jours en institution, Jacques Rouge, Chargé de mission processus est nécessaire pour que le tra- demi plus tard, elle est engagée dans ce qui aide grandement à trouver une t. +41 21 601 06 60 vail se déroule dans de bonnes condi- le pool d’infirmières du Service de tions, et que nos collègues n’aient pas à néonatologie du CHUV. «J’étais très se préoccuper à laquelle de nous ils ont bien encadrée, témoigne la jeune Davantage de femmes médecins. transmis une information.» femme. C’est très rassurant de voir Plus d’hommes infirmiers? que l’on peut retrouver du travail Pour les deux médecins, l’expérience après une telle pause.» Alors que la Suisse manque chroniquement de personnel soignant, il devient crucial «En partageant un poste, nous avons à leur expérience concluante, ce se déroule si bien qu’elles ont décidé il de rendre le métier d’infirmier attrayant pour les hommes. Ils sont effectivement peu gagné sur tous les plans, s’enthou- mode de travail s’est passablement y a quelques mois de se joindre à deux nombreux à se lancer dans cette formation. «Depuis des décennies, la proportion siasment Gabrielle de Torrenté et répandu grâce au soutien de la direc- consœurs pour gérer un cabinet à Cugy «Cette formation d’hommes parmi le personnel soignant reste d’environ 10-15% en Suisse – avec Nicole Jaunin-Stalder. Côté profes- tion médicale. (VD). «Nous gérons un 180% à quatre. aide à retrouver toutefois une pointe à 18% dans notre institution», explique Patrick Genoud, sionnel, nous avons beaucoup appris Cela nous permet de garder un temps directeur adjoint des soins au CHUV. Même constat à la Haute école cantonale confiance en soi.» vaudoise de la santé, dont les premiers bachelors sont sortis cet été: seuls 5 à 8% l’une de l’autre. Sur le plan privé, Mais n’est-il pas difficile d’occuper partiel, tout en offrant une disponibi- cela nous a permis de disposer de un poste à deux, qui plus est celui de lité sans faille à nos patients.» Actuel- des étudiants en soins infirmiers sont masculins. plus de temps.» chef de clinique? «Notre chance a été lement, Gabrielle de Torrenté et Nicole «Il existe un grand potentiel parmi Car soigner demeure, pour beaucoup, une profession de femme. «Par tradition de posséder une philosophie des soins Jaunin-Salder gardent un 20% à la le personnel soignant qui a arrêté de sociale, les femmes sont poussées vers les métiers qui tournent autour des Lorsqu’elles débutent cette aventure et des valeurs commune. Par ailleurs, PMU, consacré à de la recherche. Elles travailler, explique Jacques Rouge, soins, souligne Sylvie Durrer, chef du Bureau de l’égalité du canton de Vaud. Elles en 2004, les deux médecins, chefs de une telle responsabilité ne peut pas estiment que cette organisation du qui a mis en place ce programme de poursuivent d’ailleurs volontiers des études scientifiques et techniques si la finalité clinique à la Polyclinique médicale être partagée sans une communica- travail permet à de jeunes mères de réinsertion. Souvent pour des rai- manifeste consiste à aider les autres.» et universitaire (PMU), ne se connais- tion et une organisation spécifiques. rester actives, mais qu’elle correspond sons de maternité, mais également à sent pas. Etant mères de famille, Il s’agit en effet de superviser des surtout à une évolution de la profes- cause de parcours de vie difficiles, ou «Il faut renverser ces clichés et attirer plus de garçons vers les métiers des elles décident chacune de leur côté de équipes de médecins et de s’occuper sion, qui implique de travailler davan- d’arrêts maladie. Certains doivent se soins, poursuit Sylvie Durrer. Lors de la Journée «Oser tous les métiers», nous postuler pour un emploi de médecin des patients. Il faut arriver sur le ter- tage en équipe, d’être plus flexible et réorienter et quitter un service trop encourageons les filles à se rendre avec leur père sur leur lieu de travail – et les à 50%. Elles sont alors parmi les pre- rain en étant au courant de tout ce de chercher un meilleur équilibre éprouvant physiquement ou sur le garçons à y accompagner leur mère. Des stages de deux jours en hôpital sont mières à obtenir un poste de chef qui s’est passé sous la responsabilité entre la vie professionnelle et la vie plan du stress.» Intégré au CIPS (le également proposés aux garçons de 8e année, avec simulations de soins et de clinique à la PMU qu’elles peuvent de notre collègue, afin d’assurer la privée, tant pour les hommes que Centre d’information des professions immersion dans un service hospitalier.» se diviser. Cinq ans plus tard, suite continuité des soins.» pour les femmes. ▫ santé-social), ce dispositif porte ses
dossier 6. L’opinion de Pierre-Yves Maillard soins Pour une égalité soluble dans Suivre l’école à l’hôpital: 14 15 chuv | magazine chuv | magazine la médecine universitaire c’est possible! Le conseiller d’Etat vaudois Pierre-Yves Maillard encourage les mesures qui Depuis la fin du mois d’août, les jeunes patients bénéficient de permettent aux femmes d’entreprendre plus sereinement une carrière dans l’appui de trois enseignantes afin de poursuivre leur scolarité au le secteur médical. Pour CHUV | Magazine, il s’exprime. cours de leur hospitalisation. Le CHUV est à n’en pas douter une institution féminine. jours d’école manqués dans l’année, Il suffit d’en parcourir les étages pour constater que les 63% des patients redoublent ou sont femmes y ont une place prépondérante. Mais ce sont les réorientés vers une filière inférieure.» étages non bâtis, les étages hiérarchiques, qui donnent une autre image. Plus on en gravit les échelons, plus les Par ailleurs, les conséquences d’ab- femmes deviennent rares. sences scolaires sont plus lourdes pour les enfants en âge de scolarité secon- Texte Pierre-Yves Maillard Photographie Christian Brun/Keystone Photographie Gilles Weber Texte Melinda Marchese Cela change, mais lentement. On peut et doit faire daire (de 13 à 15 ans) que pour les plus mieux. C’est à la fois une exigence de justice et une petits. «Afin de répondre aux besoins nécessité pour l’avenir de l’institution. Les femmes de nos jeunes patients, le DMCP a constituent la majorité des étudiants en médecine. engagé Hélène Porchet, poursuit Leur rendre la carrière académique trop difficilement Joachim Rapin, infirmier-chef de accessible, c’est se priver de plus de la moitié de notre service, responsable de l’école. Grâce base de recrutement. Et c’est se priver également des au soutien de la Direction générale hommes qui n’ont pas décidé de renoncer à assumer de l’enseignement obligatoire des tâches familiales. (DGEO), nous comptons deux autres institutrices à temps partiel, Syl- Au moment de décider, les commissions de nomination vie Serex et Chantal Turin.» Tous les de la faculté n’ont sans doute pas l’impression de faire matins, la ou les maîtresses présen- faux. Elles évaluent les dossiers de candidatures présen- tes s’entretiennent avec le personnel tés et en soupèsent le poids. A ce jeu, les femmes sont humains et pas seulement aux (prétendus) surhommes soignant. «Nous sommes informées souvent perdantes, apparemment en toute objectivité. seront utiles à cette cause. de l’état de santé de chaque patient, Le problème est en amont. La médecine universitaire est explique Chantal Turin. Cela nous certes une vocation et exige un engagement total. Mais Et ces mesures ne doivent pas concerner uniquement Margot révise ses mathématiques avec l’aide de l’enseignante Sylvie Serex. permet de décider par exemple si nous si cet engagement total suppose le sacrifice de la vie le monde des médecins. Dans les soins et les services de allons voir l’élève dans sa chambre ou privée, alors il exclut de fait presque toutes les femmes. support, des améliorations sont nécessaires. Une évolu- La leçon commence par une révi- sa maîtresse Chantal Turin. Grâce à si nous pouvons l’accueillir en classe.» Non pas parce qu’elles tiennent plus que les hommes à tion souple des temps de travail au cours de la carrière sion des livrets mathématiques. Le une heure quotidienne, elle parvient en avoir une, mais parce qu’elles en assument encore la et des structures de garde plus nombreuses sont des bras gauche dans une attelle, Mar- ainsi à maintenir un niveau proche Les écoliers malades ne doivent-ils majorité des charges. exemples des progrès qui permettront au CHUV de gar- got utilise sa main droite pour taper de celui de ses camarades.» pas se concentrer uniquement sur der une capacité de recrutement adaptée au risque de aussi vite que possible les réponses leur état de santé? «Pour les enfants «Plus on gravit les échelons, pénurie des professionnels. Mais ces progrès seront sur l’ordinateur. La fillette s’attaque Ouverte depuis la rentrée scolaire hospitalisés, l’école à l’hôpital est aussi une reconnaissance concrète des apports des ensuite à un exercice de conjugai- 2009, l’école du CHUV accueille les un moyen de rester en lien avec leur plus les femmes deviennent rares.» femmes et des hommes qui cumulent tâches familiales son française. Hospitalisée depuis patients en âge de scolarité primaire métier d’élève, estime Anne-Marie et vie professionnelle à nos établissements de santé. plusieurs mois, la jeune patiente et secondaire. «Nous souhaitions Reymond, responsable à la Direc- Les congés maternité sans rupture d’une progression reste une élève pleine de zèle: tous mettre en place la structure la plus tion pédagogique du Département de dans la carrière doivent être possibles, de même que les En créant une commission «Médecins de demain», la les matins, elle quitte sa chambre en adaptée aux enfants hospitalisés, la formation, de la jeunesse et de la temps partiels, y compris pendant la formation post- direction du CHUV prend un engagement. Elle a l’auto- chaise roulante pour se rendre dans explique Thierry Penseyres, adjoint culture du canton de Vaud (DFJC). Et graduée. Les responsabilités académiques et hospita- nomie qu’il faut pour le réaliser et quelques moyens, une salle de classe aménagée au sein du directeur des soins du Départe- il est de notre devoir de maintenir lières n’ont pas à être automatiquement cumulées. Des forcément limités. Mais il faut aussi et surtout une du Département médico-chirurgi- ment médico-chirurgical de pédia- leur appétence à l’apprentissage.» ▫ responsabilités partagées ou assumées par tournus doi- volonté, à tous les niveaux de la hiérarchie. Je tâcherai cal de pédiatrie du CHUV (DMCP). trie. Une étude conduite par Hélène vent aussi être envisagées. Toutes les mesures qui ren- de faciliter et de contribuer à la mise en œuvre dans la «Nous travaillons essentiellement Porchet, enseignante spécialisée, dent les fonctions dirigeantes accessibles aux simples durée de cette volonté. ▫ les matières principales, explique nous a montré qu’à partir de vingt → Plus d’infos: joachim.rapin@chuv.ch
portfolio portfolio Belles 16 17 chuv | magazine chuv | magazine malgré tout Pour remonter le moral des femmes atteintes d’un cancer, la fondation Look Good… Feel Better organise des ateliers de maquillage dans divers hôpitaux suisses. Les patientes du CHUV ont la chance de pouvoir en bénéficier. Chaque participante reçoit une trousse remplie de cosmétiques offerts par de grandes marques du secteur. Une pointe de rouge à lèvres, une touche de blush et les conseils d’une esthéticienne bénévole ont permis à ces femmes d’apprécier à Photographies Sophie Huguenot nouveau leur image. Et de sourire. → www.lookgoodfeelbetter.ch
futur futur Quelle infirmière que, tout en développant son propre 18 19 chuv | magazine chuv | magazine rôle, son propre savoir. Discipline exigeante, les soins infirmiers conti- pour demain? nuent pourtant parfois d’évoquer, dans l’imagerie populaire, le rôle joué par les sœurs religieuses aux qualités essentiellement innées. Aujourd’hui, devenue science infir- Au fil des décennies, le rôle de l’infirmière n’a cessé d’évoluer. mière, la discipline doit relever les défis que l’on attend d’elle: davan- Aujourd’hui, un cursus universitaire complet, du bachelor au doctorat, tage de qualité, d’efficacité et de permet de se former à cette profession centrale de l’hôpital. sécurité. Pour cela, privilégier les soins dont l’efficacité est scienti- fiquement démontrée, remettre sans cesse en question des prati- Entre 2004 et 2050, le nombre de per- Le domaine des consultations ambu- ses responsabilités réaffirmées, celle ques ancrées depuis des décennies, sonnes âgées de 65 ans et plus devrait latoires en est un bon exemple, illus- qui consiste à coordonner les soins inventer un avenir dans lequel la augmenter de plus de 90%. Progrès tré ici par l’unité de médecine des et les intervenants dans une uni- santé est accessible pour tous indé- de la médecine aidant, des affections violences du CHUV. Après un examen que perspective, celle des besoins du pendamment de la situation sociale, autrefois mortelles deviendront mala- clinique par le médecin des urgen- patient lui-même. familiale, confessionnelle ou lin- dies chroniques. Le vieillissement de ces, ce dernier adresse les victimes guistique. Ce futur-là ne peut être la population engendrera non seule- d’agression à une consultation médi- La santé entre construit sans les solides bases que Texte Nicolas Jayet Photographie Eric Déroze ment une hausse de la demande en colégale spécialisée. Une infirmière les mains du patient procure la formation professionelle. soins mais aussi des départs massifs accueille et écoute la personne puis L’éducation thérapeutique est une Entendu, ce constat a permis de à la retraite. On estime d’ailleurs décrit et photographie les lésions mesure qui permet aux patients de mettre sur pied ces dernières années que près de la moitié du personnel de pour établir un constat de coups et gérer les traitements et contrôler les un cursus universitaire complet, du la santé devra être remplacé d’ici à blessures. Elle oriente ensuite le effets de la maladie lorsque cette der- bachelor ès sciences infirmières au 2030, alors qu’une pénurie sévit dans patient vers les ressources sanitai- nière menace la santé à long terme. doctorat. Le dispositif est complété les rangs des médecins et infirmières res, sociales ou associatives les mieux L’insuline, par exemple, ne serait par les différentes spécialisations aujourd’hui déjà. Dans ce contexte, à même d’offrir l’aide nécessaire et d’aucune utilité pour traiter le dia- possibles et une offre de formation la pression sur les coûts de la santé ne prévenir de nouveaux événements bète en l’absence d’une contribution continue foisonnante en ligne avec devrait pas faiblir, incitant à repenser violents. Le soutien, la prévention et active et éclairée du diabétique lui- les besoins de la population. les structures et répartir au mieux les l’orientation sont des compétences même pour mesurer le taux de sucre ressources et compétences disponi- que l’infirmière mobilisera certaine- dans le sang ou réaliser les injec- L’humanisme, valeur-clé bles. Evolution des besoins et moyens ment davantage à l’avenir au vu de la tions. Cette participation est le fruit Le patient de demain sera incontesta- limités composent le challenge que complexité psychosociale croissante d’un long apprentissage, générale- blement plus impliqué, plus respon- relèvent dès aujourd’hui, ensemble, des situations rencontrées. ment guidé par des infirmières sable, dans la prise en charge de sa les professionnels de la santé. spécialistes. Et si ce type de presta- maladie et pour sa santé. Les profes- tion existe déjà pour agir sur les sionnels auront à cœur de lui en don- Les bonnes compétences «Les soins infirmiers facteurs de risques cardio-vascu- ner les clés et l’information sera plus au bon moment laires ou les conséquences de les médicaments, il est devenu diffi- qu’une surveillance adéquate puisse disponible, voire trop abondante. Comme aujourd’hui, l’infirmière doivent relever des l’asthme sur la vie quotidienne, cile d’apercevoir les petits patients au être organisée. Davantage d’ap- Davantage conscient de ses droits et de demain soulagera la douleur, défis: davantage de on estime qu’elle pourrait à l’ave- premier coup d’œil! L’hôpital regorge pareils de mesure ou d’assistance plus exigeant en termes de qualité surveillera l’évolution d’une santé nir bénéficier aux patients pour une de ces endroits dans lesquels les pro- accompagneront donc les personnes de vie, il aura des contacts plus brefs qualité, d’efficacité instable, contribuera au maintien soixantaine de maladies chroniques. fessionnels apparaissent comme encore fragiles à la maison, tout en avec l’hôpital pour des affections à domicile, garantira le succès des et de sécurité.» indissociables de leur environne- les reliant aux professionnels par les aiguës et sera suivi par un véritable interventions médico-chirurgicales La technologie au service de tous ment hypertechnique: endoscopie, voies bien connues de la fibre opti- réseau en cas de maladie chronique. et accompagnera patients et familles L’avenir des soins ne saurait être évo- bloc opératoire, salle de réanimation, que. En complément, la «télécon- Face à lui, l’infirmière devra dépas- de la naissance à la mort. On peut, Les hospitalisations évolueront elles qué sans mentionner le progrès tech- etc. Jusque dans les chambres où l’in- sultation» permettra d’obtenir des ser la technologie pour conserver le par contre, s’attendre à la rencontrer aussi. Moins fragmentées, les pres- nologique, omniprésent. Une simple firmière relève désormais les soins réponses personnalisées en dehors lien relationnel indispensable au là où l’on ne la voyait pas jusqu’ici. tations dispensées au patient tout visite des soins intensifs de néo- dispensés sur un écran tactile ou la des rendez-vous prévus à l’hôpital. cheminementdu malade. Vers lui, Amenés à conjuguer leurs compé- au long de son itinéraire à l’hôpital natologie du CHUV permet de s’en formation continue en e-learning elle orientera sa science et toutes ses tences dans une parfaite complé- gagneront en cohérence et en effica- convaincre: entre les écrans de sur- à laquelle elle recourt pour actuali- Qualité, sécurité et efficacité compétences. Appréhender l’Hu- mentarité, infirmières et médecins cité. Les étapes seront mieux définies veillance, les couveuses d’où émer- ser ses connaissances. La technolo- L’infirmière agit au carrefour des main dans toutes ses dimensions, s’ouvrent progressivement à une nou- et les rôles des différents profession- gent quantité de cables et tuyaux et gie n’est d’ailleurs pas cantonnée à sciences de l’Humain que sont la elle continuera à le faire, comme en velle répartition des rôles qui opti- nels clarifiés. Au cœur de cette orga- les innombrables machines qui sup- l’hôpital parce qu’elle permet par- médecine, la psychologie, la péda- contre-pied d’une hyperspécialisa- mise l’action de chacun. nisation, l’infirmière verra l’une de pléent la respiration ou administrent fois d’en sortir plus tôt pour autant gogie, la sociologie ou encore l’éthi- tion elle aussi nécessaire. ▫
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