SYMEV - COMMISSAIRES-PRISEURS ET CONSERVATEURS : partenaires et complémentaires - n 10
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NOVEMBRE 2014 n°10 la revue du SYMEV Revue des commissaires-priseurs de ventes volontaires COMMISSAIRES-PRISEURS ET CONSERVATEURS : partenaires et complémentaires
SOMMAIRE EDITORIAL Un avenir de défis Editorial 3 Un avenir de défis passionnants à relever passionnants Accès facilité aux musées pour les commissaires-priseurs Entretien avec Chloé Thibault au sujet du partenariat noué avec la Maison des Artistes 4 à relever... L « a prévision est un art difficile, surtout lorsqu’elle concerne Fichier des impayés des commissaires-priseurs 6 l’avenir ! », s’amusait Pierre Dac. Cela n’a probablement Le dispositif fonctionne et porte déjà ses fruits jamais été aussi vrai, y compris s’agissant de notre pro- fession. À l’instar de bien d’autres métiers, nous sommes en DOSSIER : Commissaires-priseurs et conservateurs : effet confronté à des mutations de toutes natures qui rendent l’exercice de la prospective délicat. Cette complexité pourrait partenaires et complémentaires 8 nous conduire à privilégier le court terme. Ce serait là une grave la loi de 2011, il convient donc de mieux faire valoir la singularité erreur car, dans un environnement instable, l’avenir appartient des véritables enchères publiques et de souligner les garanties Entretien avec Michel Hilaire 9 aux acteurs capables d’anticiper les évolutions et les tendances qu’elles offrent tant aux vendeurs qu’aux acquéreurs. Il faudra “L’évolution des pratiques culturelles concerne pour en tirer parti. aussi être particulièrement attentif à la jurisprudence qui dé- aussi bien les conservateurs que les commissaires-priseurs.” Cet impératif de prospective inspire justement les rapports res- coulera de l’amendement à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 pectivement consacrés à notre profession par l’Observatoire relative à la consommation, dite plus communément loi Hamon, Entretien avec Nicolas Sainte Fare Garnot 12 des métiers dans les professions libérales (OMPL) et par le visant, à la demande du CVV, à mieux protéger la dénomination Conseil des ventes volontaires (CVV). Voici, afin de nourrir notre de « vente aux enchères publiques ». “J’ai toujours considéré les commissaires-priseurs comme des partenaires.” réflexion commune, quelques-uns des défis que devront, selon Marché de l’art et conservation eux, relever les commissaires-priseurs dans les années à venir. Miser sur l’excellence du service rendu du patrimoine culturel public : vers un nouvel âge 16 S’adapter à la concentration du marché Pour creuser l’écart avec la concurrence, l’OMPL suggère éga- lement de « jouer la carte de la qualité du service rendu (procé- Tribune d’Olivier Bosc Les deux organismes font le constat d’une dynamique de dures ISO), de la déontologie (code de déontologie) et de la com- concentration, aussi bien à l’international que sur le marché pétence », en investissant dans la formation professionnelle des Actualité juridique 20 français dans lequel « les vingt premiers opérateurs font 57 % commissaires-priseurs et de leurs salariés. Cela est d’autant Objet volé : revendication et conditions d’engagement du montant adjugé ». Face à ce mouvement, l’OMPL juge « dif- plus important que les exigences posées, en France, à l’entrée de la responsabilité civile du commissaire-priseur ficile d’imaginer la cohabitation, sur un même territoire, d’études dans la profession positionnent déjà les maisons de ventes ou de salles de ventes concurrentes et de petite taille ». Toute- françaises sur un créneau d’excellence et d’expertise dont ne Lu pour vous 22 fois, le regroupement sous forme sociétaire n’est pas la seule peuvent se prévaloir la plupart de leurs concurrents. réponse : « la création de réseaux d’études permettrait également Instantanés sur les tendances du marcé de l’art de mutualiser, au moins pour partie, les moyens et les compé- Trouver de nouveaux publics, susciter la passion tences pour proposer un service encore plus performant et plus Trésors retrouvés 25 rapide à travers le territoire », tout en préservant l’identité des Les acheteurs d’aujourd’hui ne ressemblent plus à ceux d’hier. Une toile d’Artemisia Gentileschi redécouverte Il est donc crucial pour les maisons de ventes de séduire de différents membres. nouveaux publics en proposant des objets adaptés à leurs sur le mur où elle avait été accrochée 80 ans plus tôt ! goûts, voire de susciter l’émergence de nouvelles générations Diversification ou recentrage de collectionneurs. Comme le note l’OMPL, « l’impératif d’une Exposition 26 sur le cœur de métier ? communication moins centrée sur le seul résultat des ventes et La Thébaïde de Fra Angelico, un chef-d’oeuvre ressuscité « Une question, pour les années à venir, est de savoir si les mai- davantage sur le fonctionnement des enchères à de nouveaux pu- sons de ventes se positionneront sur leur seul cœur de métier – les blics, qui souvent hésitent encore à franchir les portes des maisons Commissaire-priseur 28 ventes aux enchères publiques - ou iront vers une diversification de ventes parce qu’ils en ignorent les codes est devenu un chal- Sandrine et François Dupont, bretons d’adoption croissante de leurs prestations de services », s’interroge l’OMPL. lenge pour la profession ». De son côté, le CVV note qu’entre 2009 et 2013, « le montant cu- Ces investigations ne proposent certes pas une photographie de mulé des ventes de gré à gré de Christie’s et Sotheby’s a augmenté l’avenir. Elles ne débouchent sur aucune certitude. Sauf une : Directeur de publication : Pourquoi la revue du SYMEV ? de près de 180 % ». Cette évolution pose la question de l’identité la période que nous traversons est parfois inconfortable mais Jean-Pierre Osenat Plus qu’une simple lettre de liaison, la revue du Symev se veut de notre profession qui, dans un contexte de vive concurrence, elle est aussi passionnante parce qu’elle interdit la routine et Rédacteur en chef : une plateforme d’échange et d’information au service de notre représente « son principal atout ». stimule notre créativité. L’avenir de notre profession n’est écrit Damien Leclère profession. Face à un environnement en mutation, elle a pour nulle part : nous allons le construire ensemble, avec détermi- objectif de générer une réflexion commune et ouverte sur les nation et passion ! Périodicité : bimestrielle défis que devront relever les maisons de ventes pour continuer à Démasquer les « contrefaçons d’enchères » Numéro ISSN : en cours assurer leur mission au service de leurs clients et de la société Contact : leclere@leclere-mdv.com Notre profession est soumise à la concurrence du courtage et Jean-Pierre Osenat, tout entière. de la vente d’objets en ligne. Conformément aux dispositions de Président du Symev 2 3
la revue du ACTIONS DU SYMEV SYMEV n°10 Chloé Thibault : non dénuées d’intérêt, loin de là ! - tant à Paris qu’en Pro- vince. Quelques exemples encore : la carte permet l’accès gratuit et coupe-file aux expositions temporaires organisées Bienvenue “Un partenariat au Grand Palais à Paris et l’accès gratuit au Tripostal de Lille. La variété des institutions concernées est telle que toutes les aux nouvelles maisons de ventes peuvent y trouver un intérêt quelles que maisons de ventes noué avec soient leurs spécialités. Il faut en effet souligner que les mu- sées participant couvrent un très large éventail de domaines. On y trouve la plupart des musées dédiés aux Beaux-Arts adhérentes du Symev ! la Maison proprement dits mais aussi le Musée de la Porcelaine de Limoges, le Musée de la Manufacture des Flandres dédié au l Dame Marteau textile, le Musée d’art religieux de Fourvière, le Musée des (Salon-de-Provence – 13) des Artistes Tissus et des Arts Décoratifs de Lyon, la Cité de la céramique de Sèvres, etc. l Aix-Marseille Enchères Auto (Vitrolles – 13) permet Qui peut prétendre à cette carte et comment l’obtenir ? La carte n’est pas réservée aux seuls commissaires-priseurs. l Tradart Les salariés des Sociétés de ventes volontaires adhérentes (Deauville -14) un accès facilité du Symev ont également la possibilité de devenir membres bienfaiteurs - Symev de la Maison des Artistes, ce qui peut, notamment, se révéler particulièrement intéressant pour les l SVV Landes Enchères (Dax - 40) aux musées différents responsables de départements des maisons de ventes. Moyennant l’envoi d’une cotisation minimale de 50€, d’une photo d’identité et du bulletin d’adhésion dûment rem- l SARL Enchères Champagne (Epernay – 51) l Thomas Maison de ventes pour les membres pli (dont un élément important à nous transmettre : le nu- méro d’ordre de diffuseur Maison des Artistes de la Société de Ventes Volontaires), tous les adhérents du Symev peuvent (Maubeuge – 59) l Hôtel des ventes de Compiègne du Symev” profiter de ce précieux sésame. Pourquoi était-ce, si important pour le Symev d’ob- (Compiègne - 60) l Orne Enchères tenir le bénéfice d’une telle carte pour ses adhérents ? (Alençon – 61) A ussi bien par obligation professionnelle que par goût personnel pour l’art et les beaux objets, les commissaires-priseurs sont des habitués des musées dont ils fréquentent assidûment aussi bien les collections permanentes que les expositions temporaires. Afin de permettre à ses membres Il était primordial pour le Symev de renforcer ses liens avec la Maison des Artistes, qui plus est par un partenariat d’une telle ampleur, et de pouvoir ainsi offrir à ses adhérents la l Artcurial Lyon (Lyon – 69) d’effectuer leurs visites plus aisément, le Symev a noué, avec la Maison des Artistes, un partenariat possibilité de jouir des avantages qui en découlent en matière l Bailly-Pommery et Voutier Associés donnant droit à de nombreux avantages tels que des billets à tarifs réduits… Maître d’œuvre de ce d’accès aux musées. Se nourrir d’expositions (temporaires (Paris – 75) et permanentes), découvrir ou redécouvrir des lieux excep- dossier, Chloé Thibault, permanente du Symev, nous en dit plus sur ce dispositif fort profitable. l Daguerre tionnels, être au cœur de la création fait partie du métier de commissaire-priseur. Les adhérents du Symev, qui de part (Paris – 75) leur métier soutiennent indéniablement et quotidiennement l Fauve Le Symev a récemment obtenu, pour les commis- Ainsi, au Centre Pompidou, la carte permet un accès gratuit les actions menées par la Maison des Artistes, pourront dès saires-priseurs et leurs salariés, la possibilité de bé- aux collections permanentes du musée et un tarif réduit aux (Paris -75) lors se confronter plus aisément à toute forme d’art et ainsi néficier de la carte de « membre bienfaiteur - Symev expositions temporaires. Autre exemple : au musée d’Orsay, de la Maison des Artistes ». En quoi consiste-t-elle ? conforter leur rôle de fervents défenseurs du patrimoine et de l LAC Paris elle permet un accès gratuit tant pour les collections per- Quels avantages procure-t-elle à ses détenteurs ? manentes que pour les expositions temporaires ainsi qu’un la créationt n (Paris -75) Le Symev a en effet réussi à obtenir pour ses adhérents, dif- accès « coupe-file », toujours très intéressant, nombre de l Vermot de Pas fuseurs d’art identifiés auprès de la Maison des Artistes, la commissaires-priseurs étant parfois contraints de renoncer (Paris – 75) possibilité de devenir « membre bienfaiteur – Symev de la à des visites, faute de disposer du temps nécessaire pour les Maison des Artistes ». Membres par solidarité, les adhérents mener à bien en marge de déplacements professionnels. Pour toute information l Artime Enchères du Symev se verront remettre une carte leur permettant de complémentaire sur (Moulineaux – 76) bénéficier de services tels qu’un accès gratuit ou à tarif réduit Quels sont les musées acceptant cette carte ? l’obtention de la carte de la Maison des artistes, l SVV Saint Germain-en-Laye Enchères dans de nombreux musées, un coupe-file pour les musées Une liste non exhaustive des musées partenaires de la Mai- contactez Chloé Thibault (Saint-Germain-en-Laye - 78) nationaux, et même un accès à tarif réduit dans certains son des Artistes a été envoyée à tous les adhérents du Symev ou Marine Barrier théâtres comme, par exemple celui de Gennevilliers… afin qu’ils puissent découvrir l’étendue des possibilités of- au Symev : l Le Calvez et Associés Les avantages procurés par cette carte varient selon les fertes. Pour résumer, cette liste comprend autant les grands Tél. : 01 45 72 67 39 (Auvers-sur-Oise – 95) institutions mais sont très attractifs pour leurs détenteurs. musées nationaux que des institutions plus modestes, mais Courriel : contact@symev.org 4 5
la revue du ACTIONS DU SYMEV SYMEV n°10 FICHIER CENTRAL DES IMPAYÉS Remise du Prix Jeune Création-Symev 2014 jurisprudence Les Français : DES COMMISSAIRES-PRISEURS À l’occasion du vernissage de la 65e édition de l’exposition Jeune Création, le Prix Jeune-Création-Symev d’une dotation de 3000 euros a été remis à l’un des 53 artistes sélectionnés parmi quelque résidents monégasques soumis à la taxe Le dispositif fonctionne et porte déjà ses fruits ! 3000 dossiers. Après Damien Leclere en 2013, c’est Etienne de Baecque qui, cette an- sur les objets précieux née, représentait le Symev au sein d’un jury de professionnels composé Les Français résidents monégasques impo- C inq mois après sa mise en service, le dispositif de signalement des incidents de paiement élaboré par le Symev en liaision avec la CNIL a été adopté par un grand nombre de professionnels. Il porte déjà ses fruits en s’imposant comme un véritable dispositif d’aide au recouvrement. également de la collectionneuse Isabelle Lemaître, de l’artiste Valérie Mréjen ou encore de Claire Le Restif, directrice du Crédac, le centre d’art sables en France sont soumis à la taxe sur les objets précieux. Les vendeurs français résidant à Monaco ne sont donc pas considérés, pour contemporain d’Ivry, et présidé par Di- les besoins de la taxe sur les objets précieux, dier Semin, Professeur aux Beaux-Arts comme étant résidents fiscaux hors de France. “ de Paris. C’est ce qu’a confirmé la Cour administrative Plus de 50 déclarations d’incidents Dès à présent, des adjudicataires d’appel de Marseille dans un arrêt rendu le 25 La lauréate 2014 du Prix est Oriane de paiements reçues en cinq mois février 2014 (n° 11MA02403, 4e ch). défaillants ont décidé de régler leurs Amghar (ci-contre). Née en 1986, cette Plus de 50 déclarations d’incidents de paiement ont déjà été transmises au Symev par les maisons de ventes volontaires adhérentes. En moyenne, le Symev reçoit une déclaration d’incident tous les trois jours, ce qui est considérable pour “ impayés après avoir reçu le courrier du Symev relatif au non règlement artiste vivant à Bruxelles se signale par un travail essentiellement per- formatif, par lequel elle sonde le potentiel fictionnel de l’oralité. Comme le note Sonia Recasens, « à l’occasion de ses performances-conférences soigneusement pensées et écrites, elle prend les traits du personnage Le raisonnement de la Cour s’articule en deux temps. Elle commence par rappeler que les Français résidant à Monaco sont assujettis à l’impôt sur le revenu en France ainsi qu’aux Gwendolina March. Outre cet alter ego conçu comme un accessoire de fic- taxes assimilées. Puis, elle considère que la une période comprenant les mois d’été durant lesquels un de leurs enchères. tion, ses performances mettent en scène des éléments (objets, projections taxe forfaitaire sur les métaux précieux, les grand nombre de maisons de ventes sont fermées ou voient leur activité ralentir. d’images, mobilier) qui prennent vie à travers le discours et la manipulation bijoux, les objets d’art et de collection et d’an- Ce rythme de déclaration augure bien de la volonté des de l’artiste. » tiquité ne constitue pas une taxe distincte de membres de la profession de se montrer unis et solidaires l’impôt sur le revenu, si bien que les Français Cette nouvelle édition a confirmé que l’exposition Jeune Création consti- résidents monégasques assujettis à l’impôt sur face au problème croissant des impayés. Il démontre aussi que le « fichier central des impayés des commissaires-pri- Comment bénéficier du dispositif tue bel et bien « un rendez-vous incontournable de repérage et d’explora- le revenu en France y sont également soumis. tion ». Elle a en effet l’immense mérite de permettre aux visiteurs d’éta- seurs » créé à l’initiative du Symev est un outil utile et pra- d’aide au recouvement blir « une cartographie de la jeune création contemporaine » reflétant « la Enfin, ultime précision, la Cour estime que tique qui était attendu par la profession. mis en œuvre par le Symev ? diversité des pratiques à travers la pluralité des médiums utilisés ». C’est cette taxe forfaitaire s’applique à la cession de pourquoi, le Symev, soucieux de découvrir, soutenir et encourager les véhicules automobiles de collection n Pour accéder au fichier central des impayés et au dispositif jeunes créateurs ne pouvait que s’y associer n Pour en savoir plus : Des incidents de paiement résolus d’aide au recouvrement, les commissaires-priseurs doivent Pour en savoir plus : www.jeunecreation.org/jeune-creation-2014 http://artdroit.org/de-la-taxation- grâce à l’intervention du Symev préalablement signer un contrat liant l’opérateur de ventes et le Symev. Il ne s’agit pas d’un contrat commercial, mais des-voitures-de-collection Conformément aux règles de fonctionnement imposées par seulement d’un document définissant les règles de fonction- la CNIL, le fichier central des impayés des commissaires- nement et de gestion du fichier conformément aux préco- nisations de la CNIL. Enfin, pour mémoire, l’opérateur doit in memoriam priseurs se révèle un véritable dispositif d’aide au recouvre- ment mis en œuvre par le Symev. En effet, lorsqu’un commis- aussi faire mention du fichier central des impayés dans ses Me Claude Robert (1924-2014) saire-priseur est confronté à un incident de paiement, il est conditions générales et dans ses formulaires d’achat. Les tenu de prévenir l’adjudicataire défaillant de son éventuelle formules exactes à mentionner, comme le contrat, figurent Pour trois générations et en 65 ans de carrière, il restera dans l’imaginaire col- inscription au fichier des impayés faute de paiement sous 15 également dans le dossier transmis aux membres du syn- lectif des professionnels du marché de l’art comme « le marteau des ateliers » jours. Et à l’issue de ce délai, c’est le Symev lui-même qui lui dicat.. Ce dossier peut également être demandé au Symev et l’ancien président de la Compagnie de Paris. envoie une lettre recommandée l’informant de son inscrip- auprès de Chloé Thibault ou Marine Barrier (voir coordon- Un sourire, une élégance, un ténor des enchères. Il a dispersé les ateliers les tion au fichier des impayés. nées ci-dessous) qui se feront un plaisir de répondre à vos plus importants en prenant tous les risques pour convaincre familles, artistes Or, conformément à ce que nous escomptions, ce courrier questions n et collectionneurs qu’une cote pouvait naître et subsister. Pas un catalogue provenant de l’instance de représentation de la profession d’Art moderne aujourd’hui qui ne comporte au moins un nom d’artiste qu’il est bien de nature à convaincre certains des acheteurs de aura “lancé” dans l’arène depuis 1951. régler leurs bordereaux. Dès à présent, près d’une dizaine C’était un visionnaire, chasseur inlassable d’images et de talents nouveaux, d’adjudicataires défaillants ont apuré leurs dettes après avoir Pour toute information complémentaire, travaillant en dehors des sentiers battus d’une profession trop souvent stéréo- reçu le courrier du Symev relatif au non règlement de leurs typée. Son adresse du Trocadéro est devenue mythique. Il y a pris sous son aile contactez Chloé Thibault ou Marine Barrier au Symev : enchères. Pour la première fois, les commissaires-priseurs et formé des dizaines de commissaires-priseurs dont le dernier, Alexandre Tél. : 01 45 72 67 39 victimes d’incidents de paiement peuvent demander l’aide de Millon. Il est décédé le 9 août 2014 à 5h30, alors doyen en exercice de la pro- Courriel : contact@symev.org leur syndicat professionnel et celle-ci porte ses fruits. fession n 6 7
la revue du DOSSIER SYMEV n°10 COMMISSAIRES-PRISEURS ET CONSERVATEURS Michel Hilaire : DOSSIER Partenaires et complémentaires “L’évolution des pratiques culturelles D “ ans une récente étude, les écono- mistes Yann Algan, Pierre Cahuc et Le regard que les conservateurs André Zylberberg, déplorent la crise de confiance qui frappe notre pays, nos compatriotes portent sur leur métier, sur ses concerne aussi bien se caractérisant, à en croire de nombreuses études mutations, sur ses perspectives internationales, par un manque de confiance en eux- mêmes, mais aussi dans les autres (1). ne peut que nourrir la réflexion “ les conservateurs que Si cela est exact, alors, force est de constater que les acteurs du marché de l’art font de plus en plus figure d’heureuse exception. En effet, dans leur pratique des commissaires-priseurs sur leurs propres pratiques. les commissaires-priseurs.” professionnelle, les commissaires-priseurs, les gale- ristes, les conservateurs, les antiquaires, les experts, Conservateur général du patrimoine et directeur du Musée Fabre les artistes et les collectionneurs ont appris non seu- s’imaginent encore que les commissaires-priseurs et de Montpellier, Michel Hilaire a réussi le tour de force d’en faire, lement à travailler ensemble mais aussi à se res- les conservateurs devraient nécessairement entrete- en quelques années, une insitution de renommée internationale. pecter et même à s’apprécier. Mieux : même si elles nir des relations conflictuelles teintées de méfiance prennent souvent la forme de relations interperson- Les moyens mis en œuvre pour y parvenir peuvent parfaitement voire de mépris. nelles, ces relations ne sont pas exclusivement fon- inspirer les maisons de ventes volontaires qu’il considère, du dées sur des affinités électives entre individus. Elles Or, comme on le constatera en découvrant les entre- tiens que nous avons eus avec Michel Hilaire, Nicolas reste, comme des partenaires indispensables au rayonnement traduisent plutôt une prise de conscience collective Sainte Fare Garnot et Olivier Bosc, respectivement culturel des territoires et à la valorisation du patrimoine. quant aux défis que doit relever la place française dans un marché mondialisé. directeur du musée Fabre de Montpellier, conserva- teur du musée Jacquemart-André et conservateur de Dans un univers caractérisé par l’accentuation conti- la bibliothèque et des archives du Château de Chantil- nue de la concurrence, chacun a bien compris que ly, il n’en est rien. Le dynamisme entrepreneurial de Vous êtes connu pour avoir, comme l’aménagement du territoire ont-elles y compris d’ailleurs aux acteurs privés le quant-à-soi n’est plus de mise. Nos professions Michel Hilaire, la passion exigeante de Nicolas Sainte le soulignait le Journal des Arts, réussi été déterminantes ? du monde de la culture, comme, par sont conscientes qu’au-delà de leurs différences – et Fare Garnot et le sens de l’analyse d’Olivier Bosc quant à “transformer un petit musée de pro- exemple, les maisons de ventes volon- même de leurs éventuels différends - elles étaient aux mutations des pratiques culturelles, démontrent vince en une institution reconnue in- Je ne peux pas répondre à leur place, taires ou les galeries d’art. Enfin, il faut unies par un destin commun. Voici quelques mois, que nos professions peuvent apprendre les unes des ternationalement”. Comment y êtes- mais une chose est sûre : les politiques aussi souligner le rôle joué par l’État, notre revue avait ainsi largement ouvert ses colonnes autres. Si bien que le regard que les conservateurs vous parvenu ? ont parfaitement intégré que les pro- convaincu, depuis plusieurs décennies à des galeristes éminents tels que Franck Prazan et portent sur leur métier, ses évolutions et ses pers- jets culturels d’envergure contribuent maintenant que le dynamisme national Georges Philippe Vallois. Nous étions alors engagés La montée en puissance du Musée Fabre pectives, ne peut que nourrir la réflexion des commis- à la notoriété et à l’attractivité des ter- dépendait aussi de l’essor de métro- à leur côté dans un combat vital contre le funeste résulte d’un constat initial : dans un ritoires, et qu’ils ont un effet levier très saires-priseurs sur leurs propres pratiques. poles régionales connectées entre elles projet d’augmentation de la TVA à l’importation sur grand sud accusant un certain retard en important sur le développement éco- et avec la capitale. les œuvres d’art. Or, comme on le sait, cette capacité Ces contacts ont une autre vertu : en tissant des liens matière d’institutions muséales, Mont- nomique. Toutefois, il ne faudrait pas à offrir, conjointement avec les représentants des avec les différents acteurs du marché de l’art, nous ne pellier disposait, avec le musée Fabre, Dans leur propre sphère, les com- en déduire que, du coup, les cordons antiquaires et des artistes, un front commun face à contribuons pas seulement à renforcer notre confiance d’un lieu doté d’un immense potentiel missaires-priseurs de ventes volon- de la bourse se délient automatique- ce péril a permis de le conjurer. mutuelle. Nous renforçons aussi notre confiance en pour peu qu’on le rénove profondément. taires exerçant en province ont le ment, et surtout pas dans une période nous-mêmes. Nous nous mettons en situation de La première étape a donc consisté à sentiment que le succès repose sur la Mais il serait erroné de croire que cette propension à de contraintes budgétaires importantes mieux relever les défis qui attendent notre profession, convaincre les politiques de la perti- capacité à articuler ancrage territorial coopérer se limite aux seuls acteurs privés. En réa- comme celle que nous vivons actuelle- nous envisageons l’avenir de façon plus dynamique nence de ce projet de développement et insertion dans des réseaux inter- lité, ce respect mutuel va bien au-delà. Ainsi, dans ment. avec la ferme intention de prendre toute notre part nécessitant quand même des investisse- nationaux. Est-ce également votre cette nouvelle édition de notre revue, le Symev est Nous avons quand même dû défendre dans le rayonnement de la place française n ments très conséquents, les travaux né- démarche ? heureux de donner la parole et d’échanger avec ces notre projet car, précédemment, l’ac- cessaires ayant commencé en 2003 pour cent avait plutôt été mis sur d’autres Oui, dans le monde interconnecté qui est autres acteurs essentiels du secteur artistique et Damien Leclere se terminer en 2007, année où le musée formes d’expression artistiques, comme le nôtre, il faut être capable d’être pré- culturel que sont les conservateurs de musée. Dans a ouvert ses portes avec l’ambition de (1) « Un drame. Une société de défiance », par Yann Algan, Pierre les spectacles vivants, l’opéra, la danse, sents simultanément dans plusieurs di- notre pays, si profondément marqué par l’antago- rayonner non seulement au plan local et Cahuc et André Zylberberg in Et la confiance, bordel ?, par l’Insti- le théâtre, etc. Nous avons donc dû mensions. Il faut jouer local et global. Il nisme entre secteur privé et secteur public, certains national mais même international. tut Montaigne, Éditions Eyrolles, août 2014, 244 p. démontrer que notre offre spécifique faut concilier enracinement et insertion Dans les discussions avec les poli- allait renforcer cette dynamique, et gé- dans des réseaux, articuler compétition, tiques, les considérations liées à nérer des synergies bénéfiques à tous, coopération et émulation avec une mul- 8 9
la revue du DOSSIER SYMEV n°10 “ titude d’acteurs qui peuvent être suc- agglomération telle que celle de Mont- prévalait avant, mais il est aussi passion- l’aide aux grands projets de restauration cessivement, voire simultanément, des concurrents et des partenaires. pellier. nant et stimulant parce qu’il débouche sur une exigence de qualité tant concer- d’objets et de peintures des collections Le monde de l’art et de la culture permanentes. Elle réunit aujourd’hui une Justement, au fil de votre carrière Un exemple : notre ambition en termes avez-vous pu constater une évolution nant les collections que les expositions vingtaine de sociétés convaincues de l’in- forme, à mes yeux, un tout dans lequel de programmation s’est concrétisée par qui doivent “créer l’événement” Concrè- térêt d’un soutien dans la durée à cette des partenariats noués au fil du temps dans la fréquentation des musées. Y a-t-il, comme on le dit parfois, de nou- tement, cela se traduit par le parti pris de institution culturelle. chacun a un rôle à jouer pour assurer avec de nombreuses institutions natio- concentrer nos moyens sur un nombre nales et étrangères. De la sorte nous veaux publics ? Et si oui, quelles sont plus réduits de grandes expositions ayant Qu’est-ce qui motive ces entre- la bonne santé de l’ensemble. Pour défendre leurs exigences ? prises mécènes à vous apporter leur avons pu présenter une série d’expo- sitions qui ont fait date, comme celles Je crois surtout que la période durant le relief et l’ampleur nécessaires pour susciter l’envie dans le public. Je suis soutien ? le dynamisme culturel d’un territoire, consacrées à Courbet en 2008, à Émile laquelle, les musées drainaient presque persuadé que ces évolutions concernent Au-delà des légitimes considérations les institutions publiques jouent bien sûr Nolde en 2010, à Odilon Redon en 2011 automatiquement un nombre important aussi les maisons de ventes volontaires et au Caravage et ses suiveurs euro- de visiteurs est derrière nous. Ils ont une et qu’elles les prennent en compte dans de prestige et de notoriété, je crois que un rôle crucial, mais les initiatives des acteurs péens en 2012, cette dernière exposition ayant été réalisée en partenariat avec Los Angeles et Hartford. Ce nouveau positionnement a porté ses fruits car le plus grande exigence, probablement en raison de la multiplication des sollici- tations qui leur sont adressées, notam- ment en matière culturelle. Les musées l’organisation de leurs ventes. En réalité, nous sommes tous concernés par l’évo- lution des pratiques culturelles qui a un fort impact sur nos métiers, si différents le principal ressort de leur engagement est leur volonté de participer au dévelop- pement de leur territoire. Elles ont com- pris que leur dynamisme et celui de leur privés - comme les maisons de ventes, les galeries ou les collectionneurs - ne sont “ public a suivi. L’exposition Caravage a sont, davantage qu’auparavant, en si- soient-ils. région allaient nécessairement de pair et prennent leur responsabilité. Sans pas moins importantes. ainsi attiré plus de 200.000 visiteurs, ce tuation de compétition. Ce contexte est qui est bien sûr considérable pour une certes moins confortable que celui qui En termes de moyens, au-delà des intervenir directement dans notre pro- financements publics, le musée Fabre grammation, ces mécènes sont attentifs bénéficie-t-il du soutien de mécènes ? au rayonnement culturel du musée et ils sont fiers d’y contribuer. Je crois aussi Justement, quelles sont vos rela- que nous soyons prévenus des ventes “ Le mécénat fait partie de l’ADN du musée qu’ils ont été sensibles au fait que le mu- tions avec les commissaires-priseurs le plus en amont possible car, parfois, de ventes volontaires ? le délai entre la publication des catalo- La période durant laquelle, les musées Fabre qui, je le rappelle, a été créé, en sée Fabre soit devenu un véritable lieu gues et la vente est trop court pour que 1825 lorsque le peintre et collectionneur de vie, dans lequel, grâce notamment à Nous avons d’excellentes relations avec drainaient presque automatiquement un nombre François-Xavier Fabre a légué ses col- la construction d’un auditorium, on peut les maisons de ventes, d’autant que nous nous puissions nous porter acquéreur. S’agissant de certaines pièces, il pour- lections à la ville de Montpellier. Et au- non seulement découvrir des œuvres, y achetons régulièrement des œuvres. important de visiteurs est derrière nous. Ils ont jourd’hui encore, il joue un rôle détermi- mais étudier et échanger des idées, faire Voici quelques semaines nous nous rait aussi être intéressant de s’interro- nant. En 2008, un an après la réouverture ger sur l’opportunité de développer les des rencontres, tisser des liens inédits une plus grande exigence. Les expositions sommes ainsi portés acquéreur, à l’hôtel ventes de gré à gré puisque désormais “ doivent “créer l’événement”. Je suis persuadé que ces évolutions concernent aussi les maisons du musée, nous avons ainsi pris l’initia- tive de créer un club de mécènes sous la forme d’une Fondation d’entreprise. Elle a pour objet l’acquisition d’œuvres d’art pour le musée, la participation à la réa- qui ouvrent de nouveaux horizons. Ce dernier point n’illustre-t-il pas la façon dont le métier de conservateur a évolué ? Drouot, d’un tableau de François-André Vincent représentant Renaud et Armide. C’est une acquisition à laquelle nous tenions beaucoup car cette œuvre singu- lière et de qualité remarquable était iné- les maisons de ventes ont la possibilité d’en réaliser. Vous considérez donc les commis- de ventes volontaires. lisation des expositions temporaires et Si, certainement. Les musées sont dite et toujours conservée chez les des- saires-priseurs de ventes volontaires comme des partenaires ? aujourd’hui devenus de véritables en- cendants du collectionneur du XIXe. Elle treprises culturelles. La crédibilité du viendra rejoindre les six toiles de Vincent Oui, dès lors qu’ils partagent le souci de conservateur ne se joue donc plus uni- que compte notre collection. Dans nos re- communication, de transparence et de quement sur la connaissance des col- lations avec les commissaires-priseurs, confiance mutuelle qui fonde nos rela- lections. Il doit aussi faire ses preuves l’essentiel est d’avoir une communication tions, ils sont de précieux partenaires. en matière de management, de gestion régulière sur les œuvres qui peuvent nous Je souhaite d’ailleurs préciser que le et de communication car les musées intéresser. Je dois dire que, la plupart du monde de l’art et de la culture forme, sont aussi devenus des « marques » temps, cette communication existe et se à mes yeux, un tout dans lequel chacun dont il faut faire croître la notoriété. Le fait pour ainsi dire naturellement, car de a un rôle à jouer pour assurer la bonne conservateur ne peut plus être reclus nombreux commissaires-priseurs ont santé de l’ensemble. Pour défendre le dans son musée, il doit sortir de ses aussi le goût et le souci du patrimoine, dynamisme culturel d’un territoire, les murs, aller à la rencontre des autres. sans oublier qu’il est toujours presti- institutions publiques jouent bien sûr De son côté, le musée doit lui-même gieux, pour eux-mêmes comme pour leur un rôle crucial, mais les initiatives des devenir un lieu plus ouvert à la vie de vendeur, de voir une œuvre acquise par acteurs privés - comme les maisons de la cité et inséré dans celle-ci. Dans le un musée. ventes, les galeries ou les collection- métier de conservateur, l’humain et le Cependant, il arrive encore que cer- neurs - ne sont pas moins importantes relationnel ont maintenant une place taines œuvres nous échappent parce car, in fine, le public ignore ces distinc- prépondérante parce qu’il faut, comme que nous sommes prévenus trop tard de tions professionnelles : il voit l’offre je le disais, être capable de tisser des la vente de tel ou tel objet. À la différence culturelle globale n liens avec des partenaires, créer des d’autres acheteurs, les musées sont en synergies avec – comme on le dit dans effet tenus pas des règles de compta- bilité publique qui peuvent nuire à leur Propos recueillis le monde de l’entreprise – une multitude réactivité. C’est pourquoi il est essentiel par Christophe Blanc de “parties prenantes”. 10 11
la revue du DOSSIER SYMEV n°10 Nicolas Sainte Fare Garnot : “J’ai toujours considéré les commissaires-priseurs comme des partenaires.” Conservateur du Musée Jacquemart-André, propriété de l’Institut de France, Nicolas Sainte Fare Garnot n’oublie pas que ce dernier est né de la volonté d’un couple de collection- neurs privés. Fin observateur des mutations des pratiques culturelles, il estime qu’acteurs publics et privés doivent œuvrer en bonne intelligence au rayonnement de la place française. “ Tout comme celui de commissaire- mission… Et c’est toute une société qui tan, où ils ont été sertis, puis l’Empire complet avec la création des grands ottoman où ils ont été mis en vente afin priseur, le métier de conservateur tra- se dévoile, avec ses valeurs, ses peurs établissements publics. Face à ces évo- Dans les salles de ventes, comme duit souvent une vocation et une pas- sion. Quand l’avez-vous ressentie ? Ma vocation a été très précoce. Mon grand-père était artiste peintre, mon et ses espoirs aussi ! Puis, en 1993, votre carrière prend un tournant, lorsqu’on vous propose de devenir conservateur du Musée de renflouer les finances publiques et acheté par le Consul de France, un proche d’Édouard André qui lui a ensuite racheté ses collections. Les fameux ob- jets en jade se trouvaient dans les col- lutions, l’enjeu est de maintenir chaque sphère à sa juste place, en veillant no- tamment à ce que les légitimes consi- dérations administratives ne prennent dans les musées, il est essentiel de promouvoir l’observation directe des œuvres et des objets. Une “ père était historien de l’art, professeur Jacquemart-André… lections du musée sans que l’on en ait pas le dessus sur les incontournables œuvre qui n’est plus regardée est condamnée. e. à la Sorbonne et plus exactement égyp- exigences scientifiques. Le Musée Jacquemart-André est, à mon conscience ! Je raconte cette histoire tologue. En baignant dans ce milieu sens, l’un des plus intéressants de Pa- parce qu’elle permet d’illustrer combien N’y a-t-il pas aussi, une profonde familial tout imprégné du goût pour ris, tant par son histoire singulière que les conservateurs peuvent, à l’instar des évolution du public et de la façon dont Ne faut-il pas compter aussi avec publics moins familiers de ces lieux ? Il l’histoire et l’art, j’ai compris très tôt, par l’incroyable richesse de ses collec- commissaires-priseurs, ressentir la joie il visite les musées ? la concurrence des nouveaux outils n’y a probablement pas de réponse tran- vers l’âge de 14 ans, quelle serait ma tions. Autant dire que ma décision a été et l’excitation de retrouver des trésors culturels issus des technologies nu- chée à cette question. Mais une chose voie. Après une scolarité au Lycée Henri Oui, bien sûr. En simplifiant, on peut dire prise en moins de 24 heures ! Le travail artistiques oubliés pour les remettre en mériques ? est sûre : dans les salles de ventes, IV, j’ai intégré la Sorbonne et l’Institut qu’auparavant, le tissu très dense et que j’y ai effectué à notamment consisté pleine lumière. comme dans les musées, il est essen- d’art et d’archéologie où j’ai eu l’im- diversifié des musées de France béné- à réaliser l’inventaire des nombreuses ficiait d’un public fidèle qui leur assu- Il est certain que la multiplication des tiel de promouvoir l’observation directe mense chance de recevoir l’enseigne- Quelles grandes évolutions a connu pièces de mobiliers français qui, à côté rait une forme de sécurité en termes de outils numériques et notamment la pos- des œuvres et des objets. Une œuvre qui ment du professeur Jacques Thuillier . Il le métier de conservateur depuis le des célèbres collections de peinture, visites. Puis, tandis que les musées sont sibilité offerte d’effectuer des « visites n’est plus regardée est condamnée. m’avait donné comme sujet de maîtrise début de votre carrière ? constituent un trésor encore trop peu devenus des enjeux en termes de rayon- virtuelles » tout en restant assis devant « l’inventaire des œuvres d’art des hôpi- Justement, comment apprendre connu du musée. Cela a été une entre- Mon entrée dans la carrière a effecti- nement territorial, de son côté, le public son écran d’ordinateur change la donne. taux de Paris ». Cette tâche immense, aujourd’hui aux nouveaux publics à prise passionnante, poursuivie avec le vement correspondu à une période de a progressivement privilégié les exposi- Elle crée une concurrence mais peut que j’ai poursuivie ensuite en tant que vraiment regarder les œuvres ? secours de nombreux experts de façon à profondes mutations. Au moment où j’ai tions temporaires conçues comme des également susciter une envie et repré- conservateur du musée de l’Assistance bien identifier chaque œuvre, sa singu- commencé, on nous exhortait à devenir événements au détriment des collec- senter un premier pas vers la contem- Les nouveaux publics sont comme les Publique, m’a passionné car, du Moyen- larité et son histoire… Nous avons ainsi des administrateurs. Aux compétences tions permanentes. Ainsi, dans de nom- plation des œuvres au sein même du anciens. Ils ont besoin d’apprendre à Âge à nos jours, les hôpitaux sont des pu élucider la présence dans notre fonds initiales centrées sur la maîtrise de l’his- breux musées, y compris à Paris, il n’est musée. J’imagine que les commis- regarder une œuvre d’art et lors de nos institutions extrêmement représenta- d’un groupe d’objets en jade, réalisés en toire de l’art, on a ajouté des exigences pas rare de voir de longues queues de saires-priseurs se posent la même expositions, nous nous attachons à les tives de la société et de son évolution. Chine aux XIVe et XVIe siècle et qui sont en matière de management et de res- visiteurs devant l’accès aux expositions question à propos de ces outils : contri- accompagner dans cette démarche exi- En étudiant leur patrimoine, leur archi- arrivés en France après avoir effectué sources humaines. Puis, à compter de alors que les autres salles du musée buent-ils à vider les salles de ventes geante. La différence, c’est que, désor- tecture, on découvre aussi leur organi- un long périple à travers l’Afghanis- 2000, le métier a connu un basculement restent désertes ou presque ! ou, au contraire, à y attirer de nouveaux mais, il n’est plus suffisant de décrypter sation, la façon dont est envisagée leur 12 13
la revue du DOSSIER SYMEV n°10 le langage artistique, la composition montrant même particulièrement avides France pourra s’enrichir de nouvelles commissaires-priseurs et pour les ven- de l’œuvre ou l’intention de l’artiste. de reconquérir une culture dont ils esti- acquisitions, ce qui est une façon habile deurs. C’est pourquoi, si un jour une Avant cela, il faut aussi donner des in- ment, à juste titre sûrement, avoir été de perpétuer la démarche qui a été la réflexion est lancée à ce sujet, je suis formations qui relevaient autrefois de privés. Le rôle du conservateur est alors sienne et celle de son mari. Toutefois, prêt à y participer même si c’est une la culture commune. Ainsi, lorsqu’un de répondre cette demande. Peut-être ces dernières années, l’essentiel de nos question délicate qui doit être abordée tableau ancien est inspiré d’une scène les commissaires-priseurs devraient-ils investissements a été consacré à l’iné- avec une extrême prudence. biblique, de la mythologie grecque ou de aussi intégrer cette nécessité dans la vitable restauration des bâtiments - qui l’histoire romaine, il faut aussi donner façon dont ils présentent des œuvres à en avaient bien besoin - et au travail sur Plus globalement, quelle opinion des informations sur le sujet lui-même la vente, ou encore dans la rédaction des les collections existantes. En effet, la avez-vous des commissaires-pri- seurs ? Il semble que la vision assez en raison d’un certain effacement de la notices de leurs catalogues ? Bien sûr, logique commande d’avoir d’abord une française opposant univers publics culture classique. Pour ne prendre qu’un cela demande du temps, mais ce ne sera vision précise de son patrimoine avant et privés, conservateurs et commis- exemple, comment voulez-vous com- sûrement pas du temps perdu ! de songer à l’étendre. De surcroît, dans saires-priseurs ait la vie dure… prendre une œuvre telle que le Serment les domaines de prédilection du musée des Horaces sans en saisir la référence Fréquentez-vous, vous-même, les Jacquemart-André que sont l’École Cette vision est à la fois simpliste et antique ? Pour susciter l’intérêt pour une salles de ventes, notamment pour française du XVIIIe siècle ou la peinture complètement dépassée. En réalité, nos réaliser des acquisitions au profit du œuvre, il faut donc faire preuve de davan- italienne du XVe siècle, les œuvres at- métiers sont bien sûr différents mais musée ? tage de pédagogie et être plus narratif teignent de telles cotes qu’il vaut mieux aussi complémentaires. Nous agissons qu’autrefois. Toutefois, ce constat ne doit Dans le testament de Nélie Jacquemart, y réfléchir à deux fois avant de partici- dans des perspectives distinctes avec, pas amener à désespérer, car l’appé- il est bien précisé que le musée créé per à des enchères… Si nous voulions chacun, des contraintes propres, mais tence est bien là, certains visiteurs se par le legs de sa collection à l’Institut de acquérir un Watteau ou un Giorgione qui nous appartenons à l’évidence au même nous manque, nous serions amenés à monde des passionnés d’art. Je n’ai, “ dépenser des sommes faramineuses ! pour ma part, jamais considéré les com- missaires-priseurs comme de « vilains Pour susciter l’intérêt pour une œuvre, il faut De leur côté, les commissaires-pri- marchands » mais plutôt comme des seurs déplorent souvent de ne pouvoir faire preuve de davantage de pédagogie et être recueillir l’avis des conservateurs dans partenaires. Ainsi, comment ne pas voir qu’en ratissant le territoire d’inventaire plus narratif qu’autrefois. Le rôle du conservateur l’authentification des œuvres alors même qu’ils en sont fréquemment les en inventaire, ils contribuent à remettre en circulation des œuvres qui, sans eux, est de répondre cette demande. Peut-être spécialistes… Pensez-vous que ce pa- seraient tombées dans l’oubli, voire au- radoxe puisse être surmonté ? les commissaires-priseurs devraient-ils aussi raient disparues corps et biens ? Je dis intégrer cette nécessité dans la façon dont ils présentent des œuvres à la vente, ou encore dans “ Cette authentification nous est tout simplement interdite par les règles de déontologie de notre profession pour nous éviter d’être à la fois juge et par- cela d’autant plus facilement qu’en fré- quentant des commissaires-priseurs j’ai eu la confirmation que nombre d’entre eux nourrissaient pour les œuvres et les tie. Cela dit, je comprends que ce refus la rédaction des notices de leurs catalogues ? puisse être souvent frustrant pour les objets d’art une authentique passion, voire un souci de préservation du patri- moine, qui, bien sûr, nous rapproche. De même, je ne suis pas de ceux qui op- posent de façon catégorique collections privées et collections publiques. Com- ment le pourrai-je, alors que le musée dont je suis le conservateur est préci- sément né du legs d’un couple de per- sonnes privées ? Ces façons de voir sont trop idéologiques et ne correspondent pas à la réalité. Je souhaite donc vive- ment que le rôle des commissaires-pri- seurs, comme celui des experts et des galeristes, soit pleinement reconnu et que, tous ensemble, nous puissions relever, en bonne intelligence, le défi du rayonnement de la place française en ayant pour objectif qu’elle retrouve son rang n Propos recueillis par Christophe Blanc 14 15 14
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