Les semences locales dans la restauration écologique en montagne
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Les semences locales dans la restauration écologique en montagne Production et utilisation de mélanges pour la préservation Ouvrage coordonné par : Thomas Spiegelberger, Mauro Bassignana, Francesca Madormo Auteurs : Eva-Maria Koch, Thomas Spiegelberger, Angèle Barrel, Mauro Bassignana, Annalisa Curtaz
Les semences locales dans la restauration écologique en montagne Production et utilisation de mélanges pour la préservation Ouvrage coordonné par : Thomas Spiegelberger, Mauro Bassignana, Francesca Madormo Auteurs : Eva-Maria Koch, Thomas Spiegelberger, Angèle Barrel, Mauro Bassignana, Annalisa Curtaz
Les semences locales dans la restauration écologique en montagne Production et utilisation de mélanges pour la préservation Ouvrage coordonné par Labonne, Grégory Loucougaray, Anne-Lena Wahl, Thomas Spiegelberger, Mauro Bassignana Irstea, Grenoble (F) ; Diego Arlian, Giancarlo Bagnod, et Francesca Madormo Gianmarco Chenal, Enzo Turille, IAR, Aoste (I) ; Stéphanie Huc, Jean- Michel Genis, Thomas Legland, Auteurs Conservatoire botanique national alpin (CBNA), Eva-Maria Koch, Thomas Spiegelberger, Gap-Charance (F) ; Brice Dupin, Sandra Malaval, Angèle Barrel, Mauro Bassignana et Annalisa Curtaz. Conservatoire botanique national des Pyrénées et de Midi-Pyrénées (CBNPMP), Bagnères-de-Bigorre Le projet (F) ; le Parc National de la Vanoise, Chambéry (F) ; Alp’Grain (2013-2015) a été cofinancé par l’Union Gilles Briançon, Groupement pastoral de Macot-La Européenne, par le biais du FEDER, dans le cadre du Plagne (F) ; Valérie Lefèvre, gardienne du refuge de programme ALCOTRA 2007-2013 (projet n. 219), par l’Arpont, Termignon (F) ; La Société d’Aménagement la République Italienne et par la Région Autonome de La Plagne SAP, La Plagne (F) ; Michele Scotton, Vallée d’Aoste. DAFNAE, Université de Padoue (I) ; Bernhard Krautzer, Höhere Bundeslehr- und Forschungsanstalt Les partenaires du projet sont : Raumberg-Gumpenstein, (A) ; Andrea Carbonari, Institut Agricole Régional, Rég. La Rochère 1/A, Luigi Gottardo, Province autonome de Trento (I) ; I-11100 Aoste et Irstea, Grenoble (F). Luigi Bianchetti, Rita Bonfanti, Ornella Cerise, Paolo Cretier, Cristina Galliani, Luigi Pepellin, Santa Tutino, éditeur : Assessorat agriculture et ressources naturelles de Institut Agricole Régional, Rég. La Rochère 1/A, la Région autonome Vallée d’Aoste (I) ; Massimo I-11100 Aoste Bocca, Parc Naturel Mont Avic (I) ; Laura Poggio, Parc National du Grand Paradis (I) ; Erik Verraz, Coldiretti Année 2015 Vallée d’Aoste (I) ; l’Ordre des Ingénieurs Agronomes e des Ingénieurs Forestiers de la Vallée d’Aoste (I) ; Imprimerie Tipografia Testolin Bruno - Sarre (Ao) les Consortiums d’amélioration foncière Chavacourt, Fénis, Jovençan (I) ; la société Funivie Monte Bianco ISBN 978-88-906677-9-4 (I) ; les professionnels en aménagements paysagers Stefano Borre, Eugenio Bovard, Grato Chatrian, Traduction : Christel Lambot Riccardo Desaymonet, Luca Pezzuolo et la société Dimensione Ingenierie (I) ; Diego Bovard, Renato Remerciements Agazzini, Association “Lo Gran”, projet ALCOTRA Les auteurs souhaitent remercier les agriculteurs et Produits d’hauteur (I) . les opérateurs des entreprises, ainsi que toutes les personnes qui ont prêté leur précieuse contribution à Crédits photographiques la réalisation de ce projet : Les photos du manuel sont des auteurs, sauf mention Claude Bernard-Brunet, Nathan Daumergue, Gilles contraire dans la légende. Favier, Stéphanie Gaucherand, Alexis Grellet, Sophie
Sommaire 1 Introduction 5 6.1 Le cadre juridique 56 6.2 Techniques de revégétalisation 56 2 Le cadre juridique 7 6.3 Choix des sites 58 2.1 La réglementation en matière 6.4 Revégétalisation de prairies de production et de commercialisation permanentes 59 d’espèces végétales 8 6.5 Revégétalisation de pâturages 2.2 La réglementation sur la biodiversité et de pistes de ski 64 et sur la préservation des ressources 6.6 Revégétalisation des zones naturelles phytogénétiques 10 en altitude 67 2.3 Le cadre juridique en Suisse 14 6.7 Les essais d’ensemencement hydraulique de Jovençan et de Courmayeur 67 3 Les régions d’origine et les zones sources 17 7 La durabilité économique des mélanges 3.1 Les régions biogéographiques pour la préservation 69 européennes 18 7.1 Aspects économiques de la production 3.2 Les régions d’origine 19 de semences locales 70 3.3 Les zones sources 20 7.2 Les coûts de production des mélanges 3.4 Cartographie des zones sources pour la préservation 72 potentielles 23 7.3 Comparaison entre les prix de marché des mélanges pour la préservation 81 4 La récolte des mélanges pour la 7.4 Le compte de résultat des exploitations préservation 27 agricoles productrices de mélanges 81 4.1 Le cadre juridique 28 4.2 Le choix du site 28 8 Analyse de la demande de mélanges 4.3 Les sites de collecte du projet Alp’Grain 30 pour la préservation 83 4.4 L’époque de collecte 34 8.1 La demande en Vallée d’Aoste 84 4.5 Les techniques de récolte 36 8.2 La demande dans les Alpes du 4.6 Caractéristiques du matériel récolté 40 Nord françaises 86 4.7 Conséquences de la collecte de semences sur la production fourragère 47 9 Structuration possible de la filière des mélanges pour la préservation 87 5 Conditionnement des mélanges 9.1 Les acteurs 88 pour la préservation 49 9.2 Les filières des mélanges pour 5.1 Le cadre juridique 50 la préservation 90 5.2 Les opérations avant la vente en vue de la revégétalisation 51 Bibliographie 92 5.3 Gestion du matériel végétal après la récolte : l’expérience d’Alp’Grain 52 Annexes 95 Liste des sigles 95 6 La revégétalisation avec les mélanges Liste des espèces citées dont la pour la préservation 55 dénomination a été modifiée 96
Chapitre 1 Introduction Les grandes espaces ouverts des Alpes sont Malgré des efforts importants fournis par la un atout reconnu pour les activités agricoles, recherche sur les revégétalisations en mon- mais également pour les loisirs comme la ran- tagne, la provenance des semences reste un donné ou le ski. Les aménagements nécessair- aspect qui mérite d’être mieux étudié. Il est es à la bonne gestion des terrains agricoles ou largement admis que les semences adaptées bien pour l’exploitation touristique nécessitent à leur futur emplacement pourront mieux rés- parfois des lourdes interventions telles que des ister à des conditions parfois extrêmes comme terrassements dans un milieu reconnu fragile. on les rencontre fréquemment en montagne La revégétalisation de terrain en montagne et notamment dans les altitudes élevées. Des suite à ces travaux est maintenant appliquée expériences menées dans les Pyrénées et dans systématiquement. Autrefois appelé « rever- les Alpes orientales ont souligné la supériorité dissement » nous sommes aujourd’hui loin des semences dites « locales » par rapport à des premières expériences menés il y a quel- celles obtenues à partir des plantes peu adap- ques décennies. Les traitements du sol se sont tées aux conditions climatiques particulières en améliorés et répandus sur tous les massifs al- altitude. pins. Les techniques de mise en place de se- Un deuxième aspect pourrait également fa- mences ont vu des innovations techniques qui voriser l’utilisation des semences locales par facilitent l’épandage de semences et leur main- rapport à d’autres : la récolte directe, mais ég- tien sur place. Toutes ces progressions nous alement leur multiplication pourrait représenter ont amené à une situation qui permet d’obtenir un revenu supplémentaire pour les exploita- un couvert végétal assez rapidement après les tions qui souhaitent investir dans ce domaine. interventions. La recréation d’espaces prairiaux semi-natu- Les enjeux environnementaux sont aujourd’hui rels présentant une forte biodiversité patrimo- centraux au sein des questions liées au dével- niale est devenue un enjeu reconnu, qui peut oppement des territoires. Les collectivités loca- potentiellement ouvrir une voie de diversifi- les, tout autant que les structures privées (telles cation pour les agriculteurs via la production que les stations de ski, les entreprises de tra- de graines d’espèces autochtones au sein de vaux publics, etc…), sont ainsi de plus en plus leurs prairies. Ces graines pourraient être uti- attentives à inscrire leurs actions d’aménagem- lisées pour des opérations de semis sur ces ent dans le cadre du développement durable. espaces à revégétaliser. Ce contexte apparaît L’agriculture au sens large, et plus particu- donc comme favorable à la création et au dév- lièrement les activités agricoles liées à l’él- eloppement d’une filière économique nouvelle evage, sont aujourd’hui reconnues dans les et pérenne pour l’agriculture de montagne qui espaces de montagne comme pourvoyeuses s’appuie sur une dynamique d’avenir : celle de de biodiversité, que soit par l’entretien des l’aménagement durable du territoire. espaces ouverts ou par le fait qu’ils abritent de nombreuses espèces patrimoniales caractéris- Les auteurs du présent ouvrage souhaitent tiques des milieux alpins. Valoriser le rôle de contribuer à l’agrandissement des connaissan- l’agriculture dans la fourniture de biens et servi- ces sur la faisabilité de la récolte directe de se- ces favorisant la biodiversité et la patrimonialité mences locales. Ils tracent les grandes lignes sur les zones d’aménagement apparaît, dans du contexte juridique aux aspects techniques ce contexte, comme une piste intéressante et économiques aux enjeux écologiques. pouvant contribuer à la diversification des re- venus agricoles. 6 Chapitre 1 - Introduction
Chapitre 2 Le cadre juridique 2.1 La réglementation en La propriété intellectuelle matière de production et de des espèces végétales commercialisation d’espèces Le marché des espèces végétales et de leurs végétales semences est réglementé par le régime de protection communautaire des obtentions À partir des années soixante, l’Union eu- végétales (règlement (CE) n° 2100/94 du ropéenne a légiféré en matière de production Conseil du 27 juillet 1994) qui octroie le droit et de commercialisation d’espèces végétales, à la protection communautaire à la personne semences comprises. qui a créé ou bien découvert et développé la variété, dite « obtenteur »2. Les règles à respecter Ce régime prévoit des limitations à la protection Considérant que par « commercialisation » on communautaire dans les cas d’actes effectués entend le transfert, même à titre gratuit, de ma- à des fins non commerciales, à des fins tériel végétal à des tiers dans un but d’exploi- expérimentales, ainsi que pour constituer, tation commerciale, l’UE établit que : découvrir ou développer de nouvelles variétés. 1. les semences ne peuvent être commerciali- De plus, le système prévoit des dérogations sées que si elles ont été officiellement exa- pour 21 espèces agricoles, aux fins de la minées et certifiées en tant que semences tutelle de la production agricole (le « privilège de base, semences certifiées, semences de l’agriculteur »). Les espèces en question commerciales et semences standard ; comprennent huit plantes fourragères, qui sont 2. les variétés admises à la commercialisation toutes des légumineuses à grains (féverole, doivent être inscrites sur des catalogues ; lupin jaune, pois chiche et pois fourrager) ou 3. pour être inscrite au catalogue, une variété de fauche (luzerne, trèfle d’Alexandrie, trèfle doit être distincte, stable et homogène ; de Perse et vesce commune). Grâce à ces de plus, elle doit posséder une valeur cul- dérogations3, l’agriculteur peut ressemer le turale et d’utilisation satisfaisante ; produit de la récolte obtenue dans sa propre 4. les variétés végétales qui peuvent être com- exploitation, à condition qu’il ne s’agisse ni d’un mercialisées sont insérées dans un système hybride ni d’une variété de synthèse, sujets de propriété industrielle ; au régime de protection communautaire pour 5. les producteurs doivent être inscrits dans les obtentions végétales. Il est encore précisé des registres officiels expressément prévus. qu’il n’y a pas de restrictions quantitatives au niveau de l’exploitation agricole, dans les La mise sur le marché limites des exigences de celle-ci. des espèces végétales La norme de référence pour la commerciali- Les opérateurs impliqués sation des semences de plantes fourragères D’après la réglementation européenne, les (espèces traitées dans le cadre du projet sujets qui œuvrent dans le commerce des Alp’Grain) est la directive 66/401/CEE du espèces végétales se distinguent en : Conseil du 14 juin 1966, qui établit la liste de - obtenteurs ; toutes les plantes considérées fourragères, di- - producteurs, c’est-à-dire tous ceux qui stinguées par genres et par espèces. produisent des végétaux et des produits Pour pouvoir être mises sur le marché, celles-ci _______________ doivent être commercialisées en lots homo- gènes, dans des emballages bien fermés, mu- 1 Articles 8, 9 et 10 de la Directive 66/401/CEE. nis d’un marquage et d’une étiquette officielle1. 2 Art. 11, alinéa 1. 3 Art. 14, alinéa 1. 8 Chapitre 2 - Le cadre juridique
végétaux et qui doivent être inscrits sur des à 95% du poids total, doit être considéré com- registres officiels4 ; me un mélange8. - petits producteurs ou transformateurs, La France a transposé dans son ordre juri- dont la totalité de la production et de la ven- dique les directives européennes relatives te de végétaux est destinée « pour un usage à la commercialisation et à la certification final, à des personnes sur le marché local des semences par le Décret n°81-605 du qui ne sont pas engagées professionnelle- 18 mai 1981, qui précise que seules les ment dans la production de végétaux » et semences des variétés inscrites sur une li- qui sont dispensés de l’immatriculation5. ste officielle peuvent être commercialisées, pose les grands principes du catalogue offi- La transposition des directives ciel et de la certification et définit les règles concernant les semences de plantes d’étiquetage des emballages contenant des fourragères dans les États membres semences lors de leur commercialisation ; En Italie, plusieurs actes juridiques transpo- l’Arrêté du 15 septembre 1982, concernant sent les directives européennes pour réglem- la commercialisation des semences de plan- enter l’activité semencière : tes fourragères, définit les normes auxquel- - loi n° 1096 du 25 novembre 1971 ; les doivent répondre les semences certifiées - décret du président de la République n° lors de leur commercialisation et les semen- 1065 du 8 octobre 1973 ; ces standard. - loi n° 195 du 20 avril 1976 ; La production, le contrôle et la certifica- - décret législatif n° 212 du 24 avril 2001 ; tion des semences sont organisés par le - décret du président de la République n° Règlement technique général homologué 322 du 9 mai 2001 ; par arrêté du Ministre de l’Agriculture. Par- - décret législatif n° 214 du 19 août 2005 ; mi les Règlements techniques annexes - décret ministériel du 12 novembre 2009. qui le complètent et définissent les règles Ce cadre juridique, qui transpose entièrement et les normes applicables aux différentes la structure et les contenus des normes eu- espèces, groupes d’espèces et mélanges, ropéennes, se base sur deux piliers : la cer- on trouve celui des semences certifiées de tification et l’inscription des variétés mises plantes fourragères, Graminées et Légum- sur le marché. ineuses prairiales, homologué par arrêté du Dans certains cas, les normes italiennes 2 décembre 2013 et le règlement technique précisent quelques concepts qui ne sont annexe du contrôle et de l’étiquetage officiel pas clairement définis par les directives eu- des mélanges de semences pour prairie, ropéennes, précisant que les producteurs homologué par arrêté du 17 mars 2004, qui semenciers sont « les firmes qui possèdent la précise que les espèces dans un mélange licence semencière prévue et qui effectuent, à doivent appartenir à celles à certification leur propre compte ou sur contrats de culture obligatoire de plantes utilisées comme plan- expressément établis, l’activité de production, tes fourragères. Les variétés sont celles du de travail et de commercialisation de semen- Catalogue Français, ou du Catalogue Eu- ces »6, alors que les agriculteurs multiplica- ropéen, et doivent avoir subi avec succès les teurs semenciers sont « les exploitations ou tests officiels de valeur agronomique et tech- les firmes agricoles enregistrées sur les listes nologique pour la production fourragère. Le des chambres de commerce, de l’industrie, de taux minimum d’incorporation d’une variété l’artisanat et de l’agriculture, qui effectuent, dans un mélange est fixé à 5 %. même de façon non exclusive, une activité de culture finalisée à la multiplication de semen- _______________ ces pour le compte de firmes semencières »7. 4 Art. 6, alinéa 6 de la Directive 2000/29/CE. 5 Art. 7 Toujours d’après les lois italiennes, tout lot de semences composé de deux ou plusieu- de la Directive 2000/29/CE 6 Art. 1 du DPR 8 octobre rs espèces, où le pourcentage de la semence 1973, n° 1065. 7 Ibidem 8 Art. 10 de la Loi du 25 présente en plus grande quantité est inférieur novembre 1971, n° 1096. Chapitre 2 - Le cadre juridique 9
Les développements récents ressources phytogénétiques menacées par La production et la distribution de matériel de l’érosion génétique ou associées à des habi- reproduction des végétaux sont au cœur du tats naturels ou semi-naturels bien précis. débat social et politique, en raison de leurs En 1998, la norme de référence sur les plantes implications multiples liées à des thèmes com- fourragères9 s’ouvre à la commercialisation me la protection de la biodiversité, la diffusion de mélanges de semences de plantes, fourra- des OGM, la définition univoque d’opérateurs gères et autres10, destinés à la préservation du professionnels. milieu naturel. Le 6 mai 2013, la Commission européenne a Cependant, les nouveaux développements adopté une proposition de règlement, mais sont limités par des conditions spécifiques et celle-ci a été rejetée par le Parlement eu- restrictives11, qui imposent que la provenance ropéen en mars 2014, avec l’invitation à la re- des semences soit connue et approuvée par tirer et à en présenter une nouvelle. l’autorité compétente de chaque État et, aus- Cette proposition visait à renforcer et à met- si, qu’il y ait des restrictions quantitatives. tre à jour les lois en vigueur, en abrogeant et L’UE commence à légiférer d’une manière en remplaçant les 12 directives actuelles de plus marquée en matière de biodiversité et de référence ; elle contenait, dans son préamb- préservation des ressources phytogénétique ule, le soutien à la conservation de la biodiver- au début des années 2000, avec le règlem- sité agricole et des ressources phytogénétiqu- ent (CE) 870/2004 du Conseil du 24 avril 2004, es, mais elle a été considérée faible en ce qui qui établit un programme communautaire concerne les outils opérationnels et de mise concernant la conservation, la caractérisat- en œuvre. ion, la récolte et l’utilisation des ressources La structure et les contenus du règlement pro- génétiques en agriculture. posé ont été critiqués aussi bien par les Com- La directive 2008/62/CE de la Commission du missions techniques de l’Agriculture et de 20 juin 2008 fixe les règles pour la conserva- l’Environnement, qui ont émis un avis défavor- tion in situ et l’utilisation durable des ressour- able sur le document, que par de nombreuses ces phytogénétiques. organisations agricoles et environnementali- Pour la première fois, l’UE autorise des stes de l’Europe entière. dérogations pour l’introduction dans les ca- Les porteurs d’intérêt de la biodiversité agri- talogues nationaux, ainsi que pour la com- cole, notamment, ont dénoncé la réduction du mercialisation d’écotypes et de variétés na- droit des agriculteurs de réutiliser leurs pro- turellement adaptées aux conditions locales pres semences et les fortes limites à l’échange et menacées d’érosion génétique (variétés de matériel de reproduction de végétaux entre de conservation). les opérateurs non professionnels. La directive établit que les variétés de conser- Le processus de révision est en cours et les vation peuvent être cultivées et mises sur le efforts des porteurs d’intérêt visent mainte- marché même si elles ne sont pas conformes nant à soutenir les modifications au règlement aux conditions générales d’admission au ca- qui encouragent la conservation de la biodi- talogue et de commercialisation. versité et la protection des variétés anciennes et locales. La directive 2010/60/UE Les plantes fourragères, traitées comme 2.2 La réglementation sur la mélanges de semences utilisés pour préserv- biodiversité et sur la préservation _______________ des ressources phytogénétiques 9 Directive 98/95/CE du 14 décembre 1998. 10 Art. Ce n’est qu’à partir des années ‘90 que l’UE a 13, alinéa 1, directive 66/401/CEE et ses modifica- permis que la commercialisation des semen- tions et intégrations successives. 11 Art. 22 bis, di- ces soit également orientée vers la conser- rective 66/401/CEE et ses modifications et intégrat- vation in situ et vers l’utilisation durable des ions successives. 10 Chapitre 2 - Le cadre juridique
er le milieu naturel, deviennent l’objet d’une directive spécifique : la directive 2010/60/UE Site de collecte de la Commission du 30 août 2010, qui établit des dérogations pour la commercialisation Zone source des mélanges de semences de plantes fourra- gères destinés à être utilisés pour la préserv- Région ation du milieu naturel. d’origine Les dérogations autorisées La directive permet de commercialiser des mélanges de semences de plantes fourra- gères, même s’ils ne sont pas constitués de variétés inscrites aux catalogues nationaux ou au registre européen, à condition qu’ils soient destinés à la préservation du milieu naturel. Figure 1 Ainsi, la réglementation européenne autorise Interconnexion la mise sur le marché des mélanges de prés- entre les zones ervation, grâce à leur fonction de protection territoriales. de la biodiversité agricole et de conservation des ressources phytogénétiques. l’intérieur de laquelle il est possible de commer- Le type de matériel végétal traité cialiser le mélange pour la préservation. Le matériel végétal est commercialisé comme « mélange pour la préservation » et il peut être Que récolter ? de deux types : Le mélange récolté directement doit re- − mélange récolté directement, c’est-à- specter des conditions techniques précises dire mélange de semences commercialisé nécessaires pour recréer l’habitat du site de tel qu’il a été récolté, avec ou sans net- collecte, comme un pourcentage de compo- toyage ; sants et un taux de germination appropriés, un − mélange cultivé, c’est-à-dire obtenu en contenu réduit d’espèces et de sous-espèces mélangeant des semences produites dans non caractéristiques de l’habitat, un conte- des sites de multiplication, de plantes nées nu modeste de Rumex spp. et l’absence d’e- de semences prélevées dans le site de col- spèces adventices bien précises (Avena fatua, lecte et cultivées pures. A. sterilis et Cuscuta spp.). Le mélange cultivé, constitué d’espèces pu- Où collecter ? res successivement mélangées, doit répondre La zone où l’on peut collecter des semences, aux qualités requises sur le plan commercial définie site de collecte (Fig. 1), ne doit pas par la directive de référence, en matière de pu- avoir été ensemencé au cours des quarante an- reté spécifique pour les plantes fourragères et nées précédentes et doit être caractérisée par de contenu maximal de graines pour les autres un habitat spécifique. Le site de collecte doit se espèces. trouver à l’intérieur d’une zone source, désig- _______________ née à l’échelon national comme zone spéciale 12 Aux termes de l’article 4, paragraphe 4, de la directi- de conservation (ZPS)12 ou comme zone qui contribue à la conservation des ressources ve 92/43/CEE (Directive « Habitats »). 13 Désignée par phytogénétiques13. La zone source doit être, l’État conformément à une procédure nationale fondée à son tour, insérée dans la région d’origine à sur des critères comparables à ceux prévus à l’article laquelle le mélange est naturellement associé, 4, paragraphe 4, de la directive 92/43/CEE, en liaison qui peut aussi comprendre un territoire situé avec l’article 1er, points k) et l) de ladite directive, et dans plus d’un État membre. gérée, protégée et surveillée d’une manière équivalente La région d’origine correspond aussi à la zone à à celle décrite aux articles 6 et 11 de la même directive. Chapitre 2 - Le cadre juridique 11
Le projet Alp’Grain a testé la production et l’u- région présentant le même type d’habitat tilisation de mélanges récoltés directement. que le site de collecte, compte non tenu des Les références juridiques contenues dans les conditions biotiques ». chapitres suivants ne concerneront donc que ces mélanges. La transposition de la directive 2010/60/UE en France La commercialisation La France a transposé la directive 2010/60/ La commercialisation des mélanges pour la UE dans son système juridique avec l’arrêté préservation est subordonnée à une série d’o- du 24 janvier 2012 et les règlements te- bligations et de restrictions. chniques du 15 et du 16 mars 2012, par 1) Demande d’autorisation lesquels l’État prend les dispositions légis- La commercialisation des mélanges de latives nécessaires afin de se conformer aux préservation doit être autorisée par l’État contenus de la directive en question. membre suite à la demande expresse du Le décret transpose les contenus techni- producteur. Cette demande doit être prés- ques de la directive et introduit quelques entée avant le début de chaque saison de aspects spécifiques, tels que : production et doit contenir toutes les infor- • les références aux lois françaises ; mations utiles pour en vérifier la conformité, • la possibilité pour le ministre de l’agricultu- entre autres la quantité du mélange pour le- re d’autoriser l’utilisation de mélanges de quel l’autorisation est requise, la superficie semences pour la préservation ayant des et la localisation des sites de collecte. De caractéristiques différentes par rapport à plus, à la fin de la saison, les producteurs celles qui sont établies par la directive, dans doivent communiquer la quantité commer- le cas d’essais expérimentaux et dans des cialisée. buts scientifiques. 2) Vérifications Le premier règlement technique annexe (15 Afin de vérifier que le mélange est confor- mars 2012) concerne les variétés de plantes me et de concéder son autorisation, l’État fourragères et à gazon ; il établit les condi- membre effectue des inspections visuelles tions et les modalités d’autorisation pour la sur le site de collecte pendant la période de commercialisation des mélanges de semen- croissance à des intervalles appropriés et il ces destinés à la préservation de l’environ- documente les résultats. nement naturel. 3) Restriction quantitative Notamment, ce règlement : Chaque année, l’État membre contrôle que • transpose les définitions techniques conte- la quantité commercialisée de mélanges nues dans la directive ; pour la préservation ne dépasse pas 5 % de • désigne la section plantes fourragères et celle des mélanges de semences de plan- à gazon du Comité Technique Permanent tes fourragères. Si l’État membre prévoit de la Sélection des plantes cultivées (CTPS) qu’il existe la probabilité de dépasser cette comme autorité responsable des ressour- quantité, il attribue à chaque producteur le ces phytogénétiques ; quota de produit pouvant être vendu pen- • constitue expressément une commission dant la saison de production. de la section CTPS plantes fourragères et 4) Garantie de la traçabilité des mélanges à gazon pour la gestion des autorisations et Pour être commercialisés, les mélang- en définit les compétences ; es pour la préservation doivent être dans • établit que la commission procède à la vérif- des emballages ou des contenants fer- ication de conformité entre le mélange et més et scellés, munis d’une étiquette du l’habitat de référence ; producteur comprenant des informations • identifie le producteur dans le responsable spécifiques, dont la mention « mélange de du conditionnement des mélanges de se- semences de plantes fourragères pour la mences collectés directement ou bien dans préservation, destiné à être utilisé dans une le responsable des opérations d’assembla- 12 Chapitre 2 - Le cadre juridique
ge et de conditionnement des mélanges autorisés par le ministre de l’agriculture. cultivés ; Notamment, ce règlement : • précise toutes les données à fournir dans la • rappelle les contenus techniques de la di- demande d’autorisation, qui doit être adres- rective et du règlement du 15 mars 2012 ; sée au secrétaire du CTPS. • établit les critères d’enregistrement des Le second règlement technique (16 mars producteurs et en définit les obligations 2012) concerne la production et le contrôle de notification et de comptabilisation des des mélanges de semences destinés à la mélanges collectés ; préservation de l’environnement naturel et • désigne le Service officiel de contrôle et certi- fixe les conditions et les modalités de pro- fication (SOC) comme organisme responsable duction des mélanges pour la préservation des contrôles sur le terrain et en laboratoire. Le contexte international À l’échelon international, dès les années 70, plusieurs instruments législatifs ont été adoptés pour la protection des espèces et des habitats naturels, dont certains traités et protocoles importants. Les traités obligent les États adhérents sur le plan juridique ; en effet, après les avoir signés, ceux-ci sont tenus à y conformer leurs lois, leurs règlements et leurs procédures. Les actes internationaux principaux pour la protection de la biodiversité sont les suivants : - Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, signée à Berne le 19 septembre 1979, dont les objectifs sont la conservation de la flore et de la faune sauvages, de leurs habitats naturels et l’encouragement de la coopération européenne dans ce domaine. - Convention sur la Diversité Biologique, paraphée lors du Sommet de la Terre de 1992 à Rio de Janeiro, dont les objectifs sont la conservation et l’utilisation durable de la bio- diversité, ainsi que le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques. - Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agri- culture, signé à Rome le 3 novembre 2001 par la Conférence de la FAO. Ce traité prévoit que les États adoptent des mesures appropriées pour promouvoir l’utilisation durable des ressources, comme l’élaboration de politiques agricoles qui encouragent le maintien de systèmes agricoles diversifiés, l’utilisation des plantes cultivées locales, ainsi que de réexaminer et d’ajuster les réglementations concernant la mise en vente des variétés et la distribution des semences. - Protocole de Cartagena (2003), qui intègre la Convention de Rio avec des normes sur la biosécurité et sur les OGM. - Protocole de Nagoya (2010), qui complète la Convention de Rio avec des règles sur l’accès aux ressources génétiques et sur le partage équitable des bénéfices découlant de leur utilisation. - Plan Stratégique pour la Biodiversité pour la période 2011-2020, adopté à Nagoya en 2010, avec l’intention de pousser les États adhérant à la Convention de Rio à promouvoir des actions concrètes pour soutenir la biodiversité. Parmi les 20 objectifs stratégiques fixés pour 2020, les pays adhérents devront atteindre un objectif de conservation d’au moins 17 % des zones terrestres et d’eaux intérieures et restaurer au moins 15 % des zones dégradées. Chapitre 2 - Le cadre juridique 13
La transposition de la directive En tant que Région autonome, la Vallée d’A- 2010/60/UE en Italie oste a le pouvoir de transposer les directives européennes dans des normes de mise en En Italie, la directive 2010/60/UE a été tran- œuvre régionales. À ce jour, cependant, pui- sposée dans le décret législatif n° 148 du 14 sque le cadre juridique régional ne contient août 2012 et ses modifications et intégrations pas de lois spécifiques de mise en œuvre de successives, qui autorise la commercialisa- la directive 2010/60/UE, la matière est réglem- tion des mélanges pour la préservation en entée par le décret législatif 148/2012. dérogation au 1er alinéa de l’art. 12 de la loi 1096/1971. 2.3 Le cadre juridique en Suisse Le décret transpose entièrement les contenus de la directive, avec des différences qui ne En Suisse, la conservation de la biodiversité est concernent que des aspects purement natio- réglementée par la loi fédérale sur la protection naux : de la nature et du paysage (LPN) du 1er juillet • les références à la législation italienne ; 1966, modifiée par la suite en tenant compte, • la désignation du CRA-SCS (Consiglio per également, des traités internationaux. la Ricerca e la sperimentazione in Agricol- En 1988, pour freiner la perte de biodiversité, tura - Centro di sperimentazione e certifi- la Suisse introduit l’obligation de la compensa- cazione delle sementi) comme sujet chargé tion écologique15 : des zones spécifiques (dites de la concession de l’autorisation et de la surfaces de compensation écologique – SCE) vérification de la mise en œuvre des dispo- sont déterminées et leur gestion devra favori- sitions du décret ; ser la diversité biologique, ainsi que contribuer • la possibilité, pour les Régions et les Pro- à la variété du paysage. C’est pourquoi les SCE vinces autonomes, d’évoquer la faculté sont établies dans le domaine aussi bien pay- d’autoriser elles-mêmes la commercialisa- sager qu’agricole. tion des mélanges de semences à la de- Pour ce qui est du paysage, ce sont les Can- mande du producteur ; tons qui imposent la compensation écologiq- • la compétence du CRA-SCS ou des Rég- ue, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des ions et Provinces autonomes en ce qui agglomérations : en contrepartie, ils octroient concerne les inspections visuelles du site des subventions aux exploitants qui gèrent des de collecte des mélanges récoltés directe- SCE. Dans les zones urbanisées, cette com- ment ; pensation peut avoir lieu au travers d’un amén- • la notification de la part des producteurs agement approprié et d’une réhabilitation des aux Régions et aux Provinces autonomes, surfaces libres, ainsi qu’avec une gestion du- au CRA-SCS et au MiPAAF (Ministère des rable des cours d’eau et des bois. Politiques agricoles, alimentaires et fore- En agriculture, la compensation écologique stières) ; est obligatoire pour accéder aux paiements di- • la clause de dissolution14, sur la base de rects16. Les agriculteurs reçoivent des contribu- laquelle les normes du décret concernant tions financières pour la biodiversité s’ils desti- des matières de la compétence législative nent au moins 7 % de leur surface agricole uti- des Régions et des Provinces autonomes le17 à la compensation écologique, par exemple de Trente et de Bozen, qui n’auraient pas aux prairies et pâturages extensifs, aux jachères encore transposé la directive 2010/60/UE, florales, aux haies et aux berges boisées18. sont appliquées – jusqu’à la date d’en- _______________ trée en vigueur de la législation de mise en œuvre de chaque Région et de chaque 14 Aux termes du 5ème alinéa de l’article 117 de la Province autonome – dans le respect des Constitution. 15 Art. 18 1bis LPN. 16 art. 76 de la loi contraintes découlant de l’UE et des prin- fédérale sur l’agriculture – Lagr. 17 art. 14 Ordonnan- cipes fondamentaux déductibles du même ce fédérale du 7 décembre 1998 sur les paiements di- décret. rects versés dans l’agriculture (OPD). 18 art. 55 OPD. 14 Chapitre 2 - Le cadre juridique
En ce qui concerne l’ensemencement ou le site à enherber ou d’une zone similaire au réensemencement des SCE, c’est le centre de point de vue géographique et écologique ; compétence de la Confédération pour la re- − les exigences écologiques des espèces cherche agricole (Agroscope) qui indique les utilisées, liées à l’altitude et aux conditions mélanges de semences à utiliser pour l’ense- édaphiques, doivent être respectées dans mencement de prés et de pâturages ; la loi le site à revégétaliser ; elle-même conseille de préférer aux mélanges − les espèces et les sous-espèces allochto- de semences standardisés l’utilisation de fleur nes ne doivent pas être présentes dans les de foin provenant de surfaces enherbées qui mélanges de semences ; existent depuis longtemps. − les variétés et les cultivars commerciaux L’opportunité d’enherber les SCE avec des d’espèces locales ne doivent pas être semences spontanées locales a encouragé semés dans les milieux naturels ; quelques producteurs de semences à dével- − l’introduction et la propagation dans l’envi- opper la culture de ces espèces et à les mettre ronnement des espèces allochtones inva- sur le marché. D’abord destinés aux SCE, ces sives et des OGM sont interdites ; mélanges sont aujourd’hui aussi utilisés dans − les surfaces végétalisées doivent être d’autres cadres (enherbement en milieux ur- gérées suivant les pratiques agricoles im- bains, bords des routes et des pistes de ski, posées aux SCE ; requalifications environnementales). − les sites végétalisés doivent être surveillés, La diffusion de semences d’espèces spon- afin de contrôler le développement équilib- tanées a poussé la Commission suisse pour ré des espèces et la prolifération de plan- la conservation des plantes sauvages (CPS) à tes non désirées. proposer des recommandations spécifiques Dans le cadre des interventions de requa- pour la production et pour l’utilisation de ces lification environnementale et paysagère semences19, dont la liste des espèces conseil- prévues par l’art. 18 de la LPN ou introdu- lées et des indications techniques spécifiques ites dans la planification du Réseau écol- sur les modalités de revégétalisation, dans le ogique national (REN), l’office fédéral de respect de la biodiversité et de la conservation l’environnement (OFEV) conseille l’utilisation des habitats. de mélanges d’espèces locales, de fleur de Pour ce qui est des interventions d’enher- foins de prairies et de pâturages, surtout lor- bement, le CPS recommande des modalités squ’elle est destinée à des zones de monta- opérationnelles bien précises, qui deviennent gne, ainsi que le respect des recommanda- obligatoires à l’intérieur des surfaces de com- tions du CPS. pensation écologique : − les semences utilisées doivent provenir de _______________ la même région biogéographique que le 19 CPS, 2009. Chapitre 2 - Le cadre juridique 15
Chapitre 3 Les régions d’origine et les zones sources 17
Chapitre 3 Les régions d’origine et les zones sources Comme précisé dans le chapitre précédent, répartition, qui dépasse les frontières entre les mélanges pour la préservation peuvent être les États et introduit le concept d’unités en- collectés et utilisés uniquement à l’intérieur de vironnementales, a tenu compte, notamment, régions d’origine, des zones géographiquem- des caractéristiques géographiques, histori- ent délimitées sur la base des habitats prés- co-évolutives, climatiques, topographiques ents et des espèces végétales spontanées qui et pédologiques du territoire européen qui y sont répandues. conditionnent la distribution géographique La détermination des régions d’origine est de des êtres vivants. la compétence des États membres et n’a été Les États membres de l’UE sont insérés dans mise en œuvre qu’en Allemagne et Autriche, où les 9 régions biogéographiques suivantes : Al- les semences locales ont été déjà mises sur le pine, Atlantique, Boréale, Continentale, litto- marché. raux de la mer Noire, Macaronésienne, Méd- iterranéenne, Pannonienne et Steppique. 3.1 Les régions biogéographiques européennes L’Italie est partagée entre trois régions (alpine, continentale et méditerranéenne), alors que L’Europe est partagée en 11 régions bio- toute la Vallée d’Aoste se trouve à l’intérieur de géographiques sur la base de caractéristiq- la région alpine. ues écologiques homogènes (Figure 2). Cette Le territoire français fait partie de quatre rég- Figure 2 - Les régions biogéographiques de l’Europe (source : http://www.eea.europa. eu/data-and-maps/figures/biogeographical- regions-in-europe-1). 18 Chapitre 3 - Les régions d’origine et les zones sources
ions (alpine, atlantique, continentale et médit- erranéenne), tandis que la Savoie, la Haute-Sa- voie et l’Isère font principalement partie de la région alpine, exception faite pour une portion réduite, qui appartient à la région continentale. Cependant, cette subdivision géographique apparaît trop vaste pour atteindre les objectifs de la conservation de la biodiversité et de la préservation des ressources phytogénétiqu- es, car elle ne tient pas compte des exigen- ces écologiques spécifiques des espèces végétales, par exemple de l’altitude dont elles proviennent, de l’exposition et des conditions physiques et chimiques du sol. 3.2 Les régions d’origine Quelques critères pour déterminer les régions d’origine La région d’origine est le territoire auquel les mélanges pour la préservation sont associés naturellement et où ils peuvent être utilisés. Ce territoire peut aussi être compris dans plusieurs États membres. La loi laisse la définition des régions d’origine aux États membres, sur la base des renseigne- ments fournis par les autorités responsables des ressources phytogénétiques ou par des organi- Figure 3 - Les régions biogéographiques de la sations reconnues qui œuvrent dans ce domaine Suisse (Source : OFEV, http://www.bafu.admin.ch/ ou encore, en Italie, par les Régions et Provinces gis/02911/07403/index.html?lang=fr) autonomes. De plus, ainsi que le soulignent Wieden et al. (2012), il est important que la délimitation des divisions, la Suisse a déterminé quatre grandes régions d’origine ne soit pas trop localisée, car le régions d’origine spécifiques pour la production risque est de compromettre l’essor économique de semences (Figure 3) : Alpes du Nord (qui re- du marché des semences locales à cause d’une groupe les 3 divisions principales du Nord des offre inappropriée (surfaces de collecte réduites Alpes), Alpes occidentales, Alpes orientales et et nombre limité d’exploitations productrices) et Versant Sud des Alpes. d’une demande insuffisante (peu de projets de réhabilitation environnementale). Dans les interventions de requalification envi- ronnementale, la Commission suisse pour la Quelques exemples de régions d’origine conservation des plantes sauvages recomman- Plusieurs pays européens ont déterminé, à l’in- de le respect de la provenance géographique : térieur de leurs frontières nationales, des rég- pour les espèces communes et peu différenc- ions d’origine spécifiques pour la production et iées géographiquement, il suffit de tenir comp- l’utilisation des espèces végétales sauvages. te des 4 grandes régions, alors que, pour les Cette répartition géographique sert à définir la espèces peu courantes et à la distribution di- provenance de la graine, à réglementer les ter- scontinue, il est fondamental de respecter la rains de propagation et à délimiter la zone de provenance géographique des 11 subdivisions. commercialisation de la semence locale. En ce qui concerne l’Union européenne, les Partagée en 6 divisions principales et 11 sub- exemples de l’Allemagne et de l’Autriche mérit- Chapitre 3 - Les régions d’origine et les zones sources 19
ent d’être cités : la première a partagé son La carte a abouti à la définition de 11 régions territoire en 22 régions de provenances et la d’origine et de 28 unités naturelles associées ; deuxième est subdivisée en 10 régions princi- la région Alpes est divisée en Alpes du Nord et pales20. C’est à l’intérieur de ces zones que le Alpes du Sud. matériel végétal autochtone est collecté ; il est Le système de qualité garantit que le matériel ensuite destiné à la production des semences végétal mis sur le marché provient de la région à réutiliser dans les interventions de requalifi- d’origine de référence et limite son utilisation à cation à l’intérieur de la région de provenance. cette zone uniquement. En France En Italie En France, une cartographie des régions d’origine En Italie, il n’y a pas encore d’expériences a été élaborée dans le cadre du projet Flore locale spécifiques de subdivision territoriale en rég- & Messicoles21 ; deux signes collectifs de qualité ions d’origine. ont été créés (« Végétal local » et « Vraies messi- coles ») pour garantir la provenance géographiq- Dans le territoire du projet Alp’Grain ue du matériel végétal, à partir de sa production L’Isère, la Savoie, la Haute Savoie et la Vallée d’A- et jusqu’à sa commercialisation (Figure 4). Le oste, territoires limitrophes, font partie des Alpes règlement et la cartographie ont été validés juridi- Nord-occidentales et appartiennent à la région quement en 2014 par le Ministère de l’Agriculture biogéographique alpine. et celui de l’Écologie, du Développement du- Ce territoire transnational possède des ca- rable et de l’Énergie. La subdivision géographiq- ractéristiques biogéographiques très similaires. ue obtenue va jusqu’à l’échelle communale et a En partant des études et des données collectées été élaborée sur la base d’une série d’éléments ces années-ci sur la flore des Alpes Nord-oc- cartographiques existants (hydrographie, climat, cidentales22, il serait convenable de définir les végétations, sols et géologie) par un groupe de régions d’origine, afin de réduire de façon signi- techniciens des Conservatoires botaniques na- ficative la perte de biodiversité et d’encourager tionaux et par des experts indépendants. l’utilisation des espèces végétales indigènes. Suivant l’exemple des pays les plus vertueux et grâce à l’expérience d’Alp’Grain, il est possible de définir une région d’origine transnationale (zone intra-alpine des Alpes occidentales) pour les mélanges de préservation des habitats les plus communs et une subdivision plus locali- sée pour les mélanges adaptés aux habitats prioritaires. 3.3 Les zones sources La zone source est l’aire géographique à l’in- térieur de laquelle le site de collecte doit se trou- ver et qui correspond à une zone désignée par l’État comme zone spéciale de conservation (aux termes de l’article 4, paragraphe 4, de la directi- ve 92/43/CEE) ou bien à une zone assimilable, contribuant à la préservation des ressources phytogénétiques et désignée par un État membre Figure 4 - Carte des Régions d’origine et des _______________ unités naturelles des signes de qualité Végétal local 20 Feucht et al., 2012. 21 Par les soins de la Fédérati- et Vraies messicoles (Source : http://www.fcbn.fr/ on des Conservatoires botaniques nationaux (FCBN), ressource/cartes-des-regions-dorigine-pour-les- mis en œuvre au cours de la période 2012-2014. signes-de-qualite). 22 Voir, par exemple, Bornard et Bassignana, 2001. 20 Chapitre 3 - Les régions d’origine et les zones sources
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