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Libéralisation des mouvements de capitaux, mésalignement du taux de change et croissance économique Contribution au colloque EMMA- Madrid Préparé par Nabil MAALEL et Zouhair EL KADHI 1
“As an economy develops, there are great benefits of having access to global capital market – and disadvantages only insofar as domestic financial institutions are weak, or the macroeconomic situation is unstable. In considering capital account liberalization, i assume that countries will and should at some stage in the course of their development want to liberalize the capital account and integrate into global capital market” Fischer 2003 Résumé Dans une perspective avantages – inconvénients, nous examinons dans cet article les effets de la libéralisation des marchés de capitaux sur les performances macroéconomiques, notamment la croissance. Nous reviendrons d’abord sur les arguments théoriques en faveur d’une mobilité internationale des capitaux. Une revue de littérature nous permettra de revoir les divergences des résultats empiriques, confirmant ainsi les grandes difficultés d’un tel travail. Conscients des risques liés à la libéralisation désordonnée des mouvements de capitaux qui sont désormais redoutables, nous essayons de répondre à la question : comment mener une libéralisation qui limite les risques de crise et permet d'atteindre une croissance forte. Nous nous pencherons sur les effets de la libéralisation des mouvements de capitaux sur la croissance dans les pays de la Rive Sud de la Méditerranée (RSM) en identifiant les conditions nécessaires en terme de change permettant à ces pays de tirer profit d’une intégration optimale. 2
Sommaire Introduction.............................................................................................................................. 4 I. Intégration financière et croissance économique : revue de littérature et tendances 7 A. Différentes mesures de l’intégration financière ............................................................. 8 II. Comment la libéralisation financière affecte la croissance économique : analyse théorique. ................................................................................................................................ 14 A. Justification classique de la mobilité des capitaux....................................................... 14 B. Lien entre libéralisation du compte de capital et croissance : travaux récents ............ 18 III. Effets négatifs de la libéralisation des flux de capitaux « sudden stop »................... 23 A. Contrôle de capitaux : efficacité et coûts ..................................................................... 23 B. Composition et taille des flux de capitaux ...................... ¡Error! Marcador no definido. C. Flux de capitaux et ajustement du taux de change ....................................................... 26 IV. Flux de capitaux et croissance : Estimations empiriques........................................... 29 A. Données et méthodologies ........................................................................................... 29 B. Résultats et discussions ................................................................................................ 31 CONCLUSION ....................................................................................................................... 37 BIBLIOGRAPHIE................................................................................................................. 41 V. Annexes ........................................................................................................................... 43 3
Introduction Une des évolutions majeures de ces dernières années réside dans l’essor remarquable de l'intégration financière internationale qui, sous l’effet de la libéralisation des mouvements de capitaux et de l’ouverture des marchés financiers, touche une partie des pays émergents. Les flux de capitaux ont connu une évolution considérable et ont marqué un processus nouveau : la globalisation financière. Celle ci a fait bénéficier plusieurs pays de gains d’efficiences substantiels. Mais il serait certainement prématuré de dire que ce processus constitue la clef d’une croissance soutenable dans les pays en développement. Dans le sens théorique du terme, dès lors qu’un pays opte pour la libéralisation du compte capital, une modification de la composition de ces flux impliquera une croissance plus forte. Cette dernière dépendra désormais des capacités d’ajustement des politiques macroéconomiques nationales au cours du temps et de la composition des flux de capitaux. D’une manière plus précise, dans les années 1990, période durant laquelle les entrées de capitaux dans les pays en développement ont connu leurs plus hauts niveaux, la plupart des ces pays en ont profité pour réaliser des taux de croissance records. Mais en même temps sont survenues des crises monétaire et bancaire dans plusieurs pays, ce qui a remis en cause le bien fondé de la libéralisation financière. Les institutions internationales, en particulier le FMI, ont répondu aux nouveaux défis de la globalisation financière en proposant ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui la nouvelle architecture du système financier international. Flux de capitaux privé en % du PIB pays en développement 14 12 10 8 6 4 2 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 Source : WDI 2003 Le débat sur les vertus de la libre circulation des capitaux soulève des questions extrêmement importantes et controversées. On se demande pourquoi les pays en développement 4
devraient libéraliser leurs comptes de capital alors que la libre circulation des capitaux est un phénomène relativement nouveau ? Devraient ils prendre en compte le niveau de développement des secteurs financiers nationaux ? Est ce que la libéralisation des mouvements de capitaux peut être réversible ? Quels sont les liens entre les mouvements de capitaux et les régimes de change en place ? A l’heure actuelle, il est encore difficile d’affirmer catégoriquement que les flux de capitaux constituent le moteur de relance et de croissance des pays en développement. Mais ne nous trompons pas. Mis à part la Chine et l’Inde, aucun pays n'a pu réaliser une croissance forte et soutenable en tournant le dos à ces flux. Les chiffres montrent que les flux de capitaux ont toujours soutenu le processus de croissance. Cependant, le sens de causalité de la relation entre les flux de capitaux et la croissance reste controversé. Autrement dit, est-ce que ce sont les flux de capitaux qui favorise la croissance ou est-ce la croissance qui attire les flux de capitaux ? Les études empiriques ne permettent pas de dégager un impact positif indiscutable de la libéralisation des mouvements de capitaux sur la croissance. Sans doute, le caractère pluridimensionnel de la libéralisation, la difficulté à en fournir une variable représentative et la multiplicité des stratégies possibles expliquent en partie les résultats des travaux empiriques. Sur le plan des résultats, les études menées sur les effets de la libéralisation du compte de capital sur la croissance restent à ce jour mitigées1 (Eichengreen B., 2001). Elles ne permettent pas d'établir si la libéralisation du compte capital améliore systématiquement la croissance ou bien si elle conduit inévitablement à des crises. Le principal enseignement qui en ressort en revanche est que l’assouplissement du contrôle des mouvements de capitaux ne peut être avantageux qu’en présence d’un cadre macroéconomique stable, notamment un système financier solide et un taux de change réel proche de l’équilibre. En outre, ce processus doit être mené de façon prudente et progressive dans le temps, faute de quoi il peut générer des effets désastreux sur des petits pays 2 . L’objectif de ce papier est de déterminer donc les effets de la libéralisation des mouvements de capitaux sur la croissance dans les pays de la Rive Sud de la Méditerranée (RSM), avant d’identifier les conditions nécessaires en terme de change permettant à ces pays de tirer profit d’une telle option. Nous supposons dans ce travail que la libéralisation des mouvements de capitaux entraîne deux effets opposés sur la croissance économique. Le premier serait positif, reflétant l’accroissement des moyens de financement des 1 Voir le tableau récapitulatif des différents travaux en la matière en page 10 2 EDWARDS SEBASTIEN « Exchange Rate Regimes, Capital flows and Crisis Prevention » University of California, Los Angeles et NBER (2000). 5
investissements dans un marché de capitaux globalisé. Le second serait négatif et se manifeste via un phénomène de mésalignement du taux de change réel3 ou encore la coexistence de deux marchés de change : le marché officiel et le marché parallèle. L’article se propose donc d’étudier l’impact sur la croissance macroéconomique de la libéralisation du compte de capital dans un cadre de globalisation financière. Il se focalise sur les pays émergents d’Asie et d’Amérique latine qui ont déjà eu une expérience plus ou moins réussie en terme d’intégration et de libéralisation financière, afin de tenter d'en tirer des conséquences applicables aux pays du Maghreb. Dans une première section nous proposons une justification théorique des effets de la libéralisation des flux de capitaux sur la croissance. En nous appuyant sur des faits empiriques, nous mettons en avant les déterminants essentiels à toute modélisation de l’effet de la libéralisation sur la croissance. Dans une deuxième section nous nous interrogeons sur la pertinence des schémas traditionnels d’explication des effets de la libéralisation des flux de capitaux sur la croissance. Cette section constitue un passage en revue des différents travaux dans la matière. La dernière section fera l’objet d’une estimation en panel concernant 48 pays couvrant la période 1977-2002 en mettant en valeur l’effet de la libéralisation des flux de capitaux sur les pays du maghreb. 3 CATALINA .A .D ET SUSAN .C (2001) “Exchange Rate Uncertainty and Economic Performance” Review of Développement Economics 363-374 6
I. Intégration financière et croissance économique : revue de littérature et tendances Pour situer les idées relatives à la globalisation et à l’intégration financière ainsi que les conséquences qui en résultent pour l’économie dans son ensemble, nous rappelons quelques définitions et quelques points de repère historiques. Dans l’immédiat, nous préférerons rester simples, au risque d’ignorer certains des aspects que chacun peut avoir à l’esprit lorsqu’il entend le terme de globalisation ou celui d’intégration financière. Au sens économique du terme, l’intégration désigne soit un processus, soit un résultat. En tant que processus, l’intégration financière est un ensemble de mesures destinées à éliminer d’une manière progressive les discriminations entre les unités économiques des différents pays. En tant que résultat, l’intégration financière devrait aboutir à un constat de disparition des marchés de capitaux nationaux et la formation d’un marché financier mondial ou village global. Commençons par dire que les termes globalisation et mondialisation sont à nos yeux largement équivalents. L’un et l’autre sont apparus il y a un peu plus d’une dizaine d’années au milieu des années 1980 pour nommer un phénomène qui n’avait encore jamais été observé dans l’histoire économique, à savoir une tendance à l’unification des marchés à l’échelle mondiale. On ne peut présenter la globalisation ou l’intégration financière comme un événement qui aurait pesé subitement sur les économies capitalistes. Il est plus juste de les décrire comme une tendance, ou un développement de l’organisation économique mondiale. Il est également naturel que ces deux concepts soient fortement reliés. Dans le cadre de notre travail, le développement de la globalisation financière n’est autre que le résultat des efforts d’intégration financière. Dans ce qui suit, nous essayons dans un premier temps de synthétiser les avantages théoriques potentiels de la libre circulation des flux de capitaux. Mais une analyse pointue du phénomène d’intégration montre que celle-ci n’est pas homogène et fait apparaître des degrés différents. Il serait donc opportun d’établir des critères de mesure de ce processus. 7
Pays en développement : Flux nets d’investissement, 1970-2002 (En milliards de dollars US) 140 Investissement de portefeuilles IDE 120 100 80 60 40 20 0 1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 2002 Source : FMI base de données des perspectives de l’économie mondiale A. Différentes mesures de l’intégration financière La question de l’impact de la libéralisation du compte capital sur la croissance fait face depuis longtemps à un problème majeur qui est la mesure de la libéralisation financière. En effet, plusieurs économistes s’efforcent de déterminer des indicateurs de mesure de la libéralisation des mouvements de capitaux. Il existe ainsi deux catégories de mesures : une mesure qualitative, qui prend la forme d’une variable binaire (Sachs et Warner, FMI) (0 ou 1) et une mesure quantitative qui se base soit sur un calcul d’indices pondérés (Quinn, Montiel, Chinn et Ito), soit sur le calcul de corrélation. Dans ce sens les premiers travaux remonte à Feldstein et Horioka4 (1980) qui ont exploité une idée reposant sur l’estimation du degré de corrélation entre l’épargne domestique et l’investissement domestique pour déterminer le degré d’intégration des marchés nationaux. Mais il s’avère que cette mesure est loin d’expliquer le niveau de la libre circulation des capitaux, du fait que cette corrélation peut être très élevé même dans les pays relativement fermés. Ces dans cette même ligne d’idée que Sachs a essayé de remplacer l’épargne domestique par l’épargne mondial. Dans un autre travail extrêmement important Sachs et Warner (19..) ont Les inconvénients de toute mesure binaire sont très connus. En effet cette dernière mesure la présences d’entraves à la libre circulation des capitaux et non l’intensité des contrôles, mais encore elle mesure le degré de restriction sur les résident et ne tient pas compte des non résident. 8
Dans ce même cadre que le FMI publie tous les ans un rapport sur le niveau d’intégration et de libéralisation des mouvements de capitaux (Exchange Rate and Monetary Arrangements) en pointant les années ou on estime qu’un pays a ouvert ces portes aux capitaux étrangers. C’est une variable binaire sous forme d’une « dummy », elle prend la valeur 1 en cas de maintien d’une politique de contrôle de capitaux et la valeur 0 sinon. Quinn (1997) de sont côté a essayé de sont côté de produire un indicateur dynamique de libéralisation des mouvements de capitaux en se basant sur les données des transaction du compte capital fournit publiés par le FMI (Annual Report on Exchange Arrangements and Exchange restrictions). L’avantage de cette mesure est de tenir compte des intensités de restriction ainsi mais malheureusement elle n’est valable que pour 64 pays et pour les années 1958, 1973 et 1988. Montiel et Reinhart………………………………………. Chinn et Ito …………………………………. Nous résumons dans le tableau ci-dessous les différentes méthodes de mesure de la libéralisation financière. 4 M. Feldstein et C. Horioka « Domestic Saving and International Capital Flows » Economic journal, Juin.1980 9
1, FMI FMI AREAER, ligne E2 Constructed as an on/off indicator of the 0 (never restricted) to 1967 - 1995 117 pays pour la période 1976-95 existence of rules/restrictions that inhibit 1 (always restricted) after which et cross-border flows. format changes 137pays pour la période 1986 -95 2. Share FMI AREAER, ligne E2 Uses IMF measure to create proportion of 0 (never restricted) to 1967 - 1995 117 (76-95) to 137 (86-95) years that capital account is judged free of 1 (always restricted) after which restrictions. Can be constructed for any range, format change 1966-95. 3. Quinn Quinn (1997) Constructed from narrative descriptions in Larger numbers mean less Full Sample: 20 pays developpés et 43 en AREAER regarding capital account restrictions. restricted, more open or 1958, 1973, 1982, and meet agreements. Values in 1988. 1/2 point increments, 0 - 4 4. .Quinn Quinn (1997) Variation de l'indicateur de Quinn Actual range for capital account 20 pays developpés et 43 pays en 1988 . 1982; -1 to 2 developpement 1988 . 1973; -2 to 2 5. OECD- Share Code de Libéralisation Proportion of the 11 categories free of 0 si rsetreint et 1 si non 1986, 1988, 21 pays de l'OCDE des mouvements de 1990, 1993, capitaux restrictions, averaged over the relevant period. 1995 6. MR Measure du niveau de restiriction sur les 0 non restreint, 1 légerement 1990 - 1996 15 pays émergents Montiel & Reinhart 1999 mouvements de capitaux restreint et 2 très restreint 7.Levine/Zervos Levine et Zervos (1998) Dummies qui prend 0 où 1 selon de mai-1986 à Dates de libéralisations du marché boursier 11 pays émergents et Henry et Henry (2000a and b) l'année de libéralisation déc. 91 95 pays : 43 ont déjà une Bekaert Harvey & Dummies qui prend 0 où 1 selon expérience de libéralisation financière 8. BHL Dates de libéralisations du marché boursier de 1980 à 1997 Lundblad, 2001 l'année de libéralisation (25 pays émergent et 18 pays de l'OCDE) 1 moins le ratio des IFC investable sur les IFC de 1988 à 9. EW Edison et Warnock 2001 dummies qui prend 0 où 1 29 pays émergents globaux aujourd'hui tous les pays qui publie leurs Balance 11. Capflows Kraay (1998) flux de capitaux en % du PIB des paiements Lane et Milesi-Ferretti Measure basée sur le le stock des flux de capitaux 70 pays (mixe entre développés et 12. CapStocks 1970 - 1998 2001 en % du PIB pays en développement) 13. Chinn et Ito 2002 moyenne pndérée par les indicateurs du FMI et celui de Quin 1977-2000 105 pays 10
Sur les graphiques suivant nous avons retracé l’indicateur de Chinn et Ito après l’avoir mis a jours jusqu'à 2002. L’évolution de l'intégration financière a évolué dans le temps avec des intensités différentes pour chaque groupe de pays. Il est important de signaler les efforts considérables des PVD en matière d’intégration financière même si le niveau demeure loin au-dessous de celui des économies industrielles. Au niveau régional, les pays du Maghreb et malgré l’effort très remarquable en terme d’intégration ces derniers restent très loin des niveaux atteints par les pays d’Asie ou encore ceux de l’Amérique Latine. La différence en terme d’intégration financière entre les pays industrialisés et en voie de développement est tout à fait remarquable. 11
Indice d'intégration financière dégré d'ouverture du compte capital Indice Chinn & Ito pondéré par les stock de capitaux (1990-2000) Pays développés (20 pays) Maghreb (5 pays) 2.7 0.4 0.0 0 2.4 -0.4 2.1 -0.8 -1.2 1.8 -1.6 1.5 Asie (7 pays) 1.2 1.0 1.2 0.8 0.6 0.9 0.4 Amérique latine (11 pays) 1.0 0.2 0.0 0 0.6 -0.2 -0.4 0.2 Autres PVD (5 pays) 0.4 0 -0.2 0.2 0.0 0 -0.6 -0.2 -0.4 -1.0 -0.6 -1.4 -0.8 1977 1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004 1977 1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004 12
Indice d'intégration financière dégré d'ouverture du compte capital Indice Chinn & Ito pondéré par les stock de capitaux (1990-2000) 2.8 2.4 Pays développés (20 pays) Asie (7 pays) Maghreb (5 pays) 2.0 Amérique latine (11 pays) Autres PVD (5 pays) 1.6 1.2 0.8 0.4 0.0 0 -0.4 -0.8 -1.2 -1.6 -2.0 1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 13
II. Comment la libéralisation financière affecte la croissance économique : analyse théorique. Dans cette section, nous étudions la nature de la relation entre l’ouverture financière et la croissance, investissement domestique et volatilité. Mais avant d’étudier les mécanismes macroéconomiques qui servent de lien entre ces variables et les canaux de transmission de la libéralisation des flux de capitaux rappelons nous de quelques règles comptable. Les flux de capitaux, dette, investissement de portefeuille, investissement direct et placement immobilier, s’enregistrent au compte de capital de la balance de paiements. La libéralisation correspond à la libre entrée et sortie des capitaux sans entraves ni restrictions c’est ce qu’on appelle la déréglementation des mouvement de capitaux. En se référant à la théorie néoclassique, il existe plusieurs canaux par lesquels la libéralisation financière affecte la croissance. D’abord, le libre mouvement des flux de capitaux permet la diversification du risque tout en poussant à la baisse le coût du capital, d’où un effet prix positif et relativement permanent (Bekaert et Harvey 2000a). Il permet aussi d’accroître l’investissement, de lisser la courbe de consommation (moins de volatilité de la consommation), d’où l’accélération de la croissance et donc l’amélioration du bien être en offrant une meilleure allocation des ressources, en l’occurrence des risques et de l’épargne. En effet, la mobilité des capitaux permet au projet d’investissement rentable un financement. D’autre part, un titre financier est un échange de liquidité disponible dans le futur. Autrement dit c’est un échange de risque. La libre circulation des capitaux permet donc une mutualisation des risques. Il existe aujourd’hui une très large littérature sur l'impact du développement des marchés financiers et de l’intermédiation sur la croissance5 . Obstfeld et Krugman (1998) montrent qu’en diversifiant son portefeuille sur les marchés mondiaux, l’investisseur peut faire plus d’investissement rentable dans son propre pays, ce qui favorise la croissance nationale. L’idée est que l’accès aux marchés de capitaux internationaux permet un découplage entre l’épargne et l’investissement national. A. Justification classique de la mobilité des capitaux En se référant à la théorie économique classique, la mobilité des capitaux permet une allocation optimale de l’épargne mondiale et permet d’attirer des financements pour des projets d’investissement productifs. Il en résulte une meilleure diversification 5 voir Bencivenga et Smith 1991 14
du risque et incontestablement, un remède aux déséquilibres entre épargne et investissement. a- Déséquilibre entre Epargne-Investissement Les flux de capitaux représentent les transactions intertemporelles entre plusieurs pays. En effet, ils permettent à un pays qui se trouve dans une situation d’épargne excessive sur une période donnée de profiter d’opportunité d’investissement dans un autre. Il est évident que le taux de rendement dans le dernier pays soit plus élevé. Ce transfert permet aux deux pays d’atteindre des niveaux de bien être plus élevé et une croissance plus forte. Autrement dit les agents économiques peuvent emprunter lorsque leurs revenus sont faibles et rembourser lorsqu’ils sont élevés, ce qui a pour effet de lisser la courbe de consommation et d’investissement. L’accès au marché de capitaux internationaux permet donc d’assouplir les fluctuations du cycle économique en évitant aux ménages et aux entreprises de limiter radicalement leur consommation et leur investissement et donc la demande interne au moment où la production et le revenu intérieur chute. Théoriquement, et comme tout facteur de production, les flux de capitaux obéissent à la règle d’abondance et de rareté ou à la règle de l’offre et de la demande. D’une manière plus simple, les capitaux passent des pays où ils sont abondants à ceux où ils sont rares du faits qu’il y a plus d’opportunités dans les pays où le capital est limité. Cette réallocation de l’épargne mondiale permet de stimuler l’investissement et la consommation dans les pays bénéficiaires6 . b- diversification du risque L’accès au marché de capitaux internationaux permet certes aux agents économiques de diversifier les risques de fluctuation de leurs actifs et de conquérir des taux de rendement, corrigés d’un risque, plus élevé. Mais l’avantage le plus remarquable est que les marchés mondiaux vont contrecarrer les pénuries de crédit en disposant des meilleures opportunités en terme de financement. c- les gains des IDE 6 Summers (2000) 15
Par ailleurs, traitant de la mobilité du capital, les gains générés par des investissements directs étrangers (IDE) devraient être mentionnés séparément. Ils ne surviennent en effet pas systématiquement en tant que gains de transfert de capital car ils peuvent être réalisés même si une compagnie multinationale s'implantant dans un autre pays réunit tout le capital localement. Ce n'est donc pas toujours un processus qui comporte de grands flux de capital internationaux. 16
EFFET DE LA LIBERALISATION DES FLUX DE CAPITAUX SUR LA CROISSANCE Effets Positifs Effets Négatifs (Indirects) Effets Directs Hausse de l’épargne domestique. Baisse du coût de capital suite Effets Indirects à la diversification du risque. Transfert de technologies. Volatilité du taux de change réel. Développement du secteur financier. Volatilité des flux de capitaux en l’absence de cadre macro-économique stable. Forte pression sur le système financier domestique Attaques spéculatives sur la monnaie. + Effets Indirects Promouvoir la spécialisation Incitation pour une politique économique optimale. Encourager l’entrée des flux de capitaux en annonçant des politiques économiques cohérentes EFFET NET POSITIF CROISSANCE FORTE 17
B. Lien entre libéralisation du compte de capital et croissance : travaux récents Le débat sur le lien entre les flux de capitaux et la croissance économique a fait naître une grande tension entre deux positions : selon la première, la libre circulation des capitaux engendre des gains considérables. En effet, dès lors qu’un pays s’ouvre aux flux de capitaux, une réallocation des ressources implique une croissance plus forte et un transfert de technologie suite à une hausse des investissements et un accroissement de la productivité. Ce résultat reste cependant assujetti aux efforts d’ajustement des politiques macroéconomiques nationales au cours du temps et de l’évolution de la composition de ces flux. Toutes ces questions ont placé le sujet de la libéralisation des capitaux au cœur du débat macroéconomique. Ce dernier a fait naître deux points de vus opposés : Ø D’un coté, on attend de la libéralisation une répartition paréto-optimale de l’épargne mondiale, les forces du marchés étant supposées permettrent une meilleure allocation productive et contribuer ainsi à la croissance et au bien être global. La mobilisation de l’épargne entre les pays par exemple permet logiquement d'améliorer nettement l'efficacité économique. Robert Lucas (1990) montre que la productivité par tête aux Etats-Unis est 15 fois supérieure qu’en Inde. Si on suppose que la production dans les deux pays obéit à une fonction de production type Cobb-Douglas avec une élasticité du rapport capital/travail de l’ordre de 0.4, le produit marginal du capital aux Etats-unis est dans ce cas 58 fois supérieur à sa valeur en Inde. Une mobilité du capital entre ces deux pays permettra donc une productivité plus élevée dans les deux pays. Autrement dit, la libéralisation des capitaux n’affecte pas le facteur travail mais plutôt le facteur capital et la productivité globale des facteurs. Ø D’un autre coté, Dani Rodrik (1998) et Jagdish Bhagwati montrent qu’il n'y a aucune évidence que l'ouverture aux capitaux étrangers des économies en développement et émergentes améliore d’une manière significative le rendement du capital en particulier ou la croissance économique en général. En se référant à des cas très particuliers comme 18
la Chine, Bhagwati argumente le fait qu’on peut réaliser des bonnes performances de croissance sans une libre mobilité de capitaux. Dans un travail plus académique sur un échantillon de 100 pays couvrant la période 1975 – 1989, Rodrik montre qu’il n’y a aucun effet positif de la libéralisation des mouvements de capitaux sur la croissance. ………………………….. En se concentrant sur les crises récentes qui ont frappé les pays émergents en Asie du sud-est et en Amérique latine, Les antis-libéralisations ont fait de l’ouverture des marchés la principale cause des crises récentes. Certains préconisent d’ailleurs qu’il faut peut être opérer une modification radicale des régimes pour prévenir de telles crises. Où faut-il se situer par rapport à ces deux positions relativement opposées ? Dans cette optique, nous examinerons les avantages et les inconvénients d’une ouverture au marché de capitaux privé en passent en revue l’argumentaire classique en faveur de la libéralisation des flux de capitaux et les contre argumentaires qui ont trait aux problèmes d’asymétrie d’information et aux aléas moraux. L’accroissement des flux internationaux de capitaux a été associé à une accélération de la croissance dans nombre de pays mais aussi à l'apparition de fortes crises. Pendant la seconde moitié des années 1990, plusieurs pays ont subi en effet une crise financière. Il en est ainsi du Mexique en 1994-95, des pays d’Asie du sud-est en 1997, du Brésil en 1998 et de l’Argentine en 2000. Ces événements ont eu pour conséquence de semer le doute sur la capacité de la libéralisation du compte de capital de stimuler une croissance à long terme dans les pays émergents. Selon les spécialistes, l'ouverture de leurs comptes de capital n’a pas été la seule cause de la volatilité a laquelle ont fait face ces pays. Celle-ci avait également des causes internes liées aux politiques macro-économiques adoptées, notamment la fragilité institutionnelle et le timing poursuivi dans l'ouverture du compte de capital (Camdessus, 1998 ; Summers L., 2000). Aujourd'hui, li est largement admis que, même si la volatilité des flux des capitaux peut freiner la croissance, le processus d’intégration financière offre la possibilité d’obtenir un dividende de croissance. Celui-ci n’est en revanche pas automatique, il faut donc le gagner. Par ailleurs, la libéralisation du compte du capital est vivement recommandée par l’orthodoxie dominante, dont les porte-parole sont le FMI et la Banque 19
Mondiale, à l’adresse de la plupart des pays et plus particulièrement les pays en développement7 . Rodrik (1998) montre que les restrictions de capitaux n’ont pas un effet significatif sur les performances macro-économiques entre 1975 et 1989. Toutefois, cette approche souffre de quelques limites. Nous citons le fait que cet indice soit extrêmement large et qu’il ne tient pas compte des différentes restrictions et des intensités de contrôle des capitaux. Montiel et Reinhart (1999) ont tenté d’améliorer la mesure utilisée par Rodrik en combinant l’information du FMI et l’information spécifique à chaque pays pour construire un indice tenant compte de l’intensité de contrôle des capitaux. Il ressort de leurs résultats que le contrôle des capitaux contribue à accroître le niveau des flux d’investissement direct étranger (IDE) et à diminuer les flux d’investissement de portefeuille de court terme. Principaux travaux concernant l'effet de la libéralisation du compte capital sur la croissance Etudes Nombre de pays Période Effet sur la croissance Alesina Grilli et Milesi-Ferretti 1994 20 1950–89 Pas d'effet Grilli et Milesi-Ferretti 1995 61 1966–89 Pas d'effet Quinn 1997 64 1975–89 Effet positif Kraay 1998 117 1985–97 Pas d'effet Rodrik 1998 95 1975–89 Pas d'effet Klein et Olivei 2000 92 1986–95 Effet positif Chanda 2000 116 1976–95 Effet positif Arteta, Eichengreen et Wyplosz 2001 59 1973–92 Effet mixte Bekaert Harvey et Lundblad 2001 30 1981–97 Effet positif Edwards 2001 62 1980s Effet positif O'Donnell (2001) 94 1971-1994 Pas d'effet Reisen et Soto (2001) 44 1986-97 Effet mixte Edison, Klein, Ricci et Slok (2002) 89 1973-1995 Effet mixte Edison, Levine, Ricci et Slok (2002) 57 1980-2000 pas d'effet Chinn et Ito (2002) 105 1982-1997 Effet positif 7 ILKER.D & GHIATH .S« Real Exchange Rate Behavior And Economic Growth: Evidence From Egypt, Jordan, Morocco And Tunisia» IMF working paper WP/99/40. 1999 20
Croissance du PIB par habitant (mrds $ PPA 1996) Tendance en % Indice de Chinn & Ito moyenne sur la période 1977- 2002 1960-2003 1970-2003 1970-1990 1980-2003 1980-1990 1990-2003 HONGRIE 1.9 1.6 2.9 0.8 1.7 2.5 POLOGNE 1.7 1.1 4.1 REPUBLIQUE SLOVAQUE 2.3 REPUBLIQUE TCHEQUE 1.4 SLOVENIE 3.2 TURQUIE 2.0 1.9 1.9 2.0 2.8 1.4 -0.9 COREE DU SUD 6.3 6.1 6.3 6.1 7.7 4.6 -0.2 HONG-KONG 5.0 4.7 6.0 3.7 5.7 1.9 2.0 SINGAPOUR 5.5 5.1 5.7 4.5 4.4 3.3 2.4 TAIWAN 6.5 6.2 6.8 5.8 7.0 4.4 1.8 MALAISIE 4.3 4.1 4.0 3.9 2.6 3.3 1.7 THAILANDE 5.2 5.0 4.8 5.1 5.9 2.5 -0.1 INDONESIE 4.4 4.3 4.7 3.7 4.0 2.0 2.1 PHILIPPINES 0.7 0.6 0.8 0.3 -1.4 1.3 -0.5 ARGENTINE 0.3 0.2 -0.7 0.5 -2.1 0.9 0.2 BRESIL 1.6 1.3 2.3 0.7 0.7 1.2 -1.6 CHILI 2.8 2.8 0.8 4.0 1.7 3.9 -1.2 COLOMBIE 1.7 1.6 1.9 1.3 1.5 0.6 -1.5 PEROU -0.3 -0.4 -0.6 -0.3 -2.3 2.2 0.5 VENEZUELA -0.7 -0.9 -1.0 -0.9 -1.8 -1.7 0.7 BOLIVIE 0.2 0.0 -0.7 0.3 -2.4 1.3 0.6 EQUATEUR 1.2 1.0 2.1 0.1 -0.6 0.0 0.1 PARAGUAY 1.4 1.2 2.9 -0.3 -0.4 -0.9 -0.3 URUGUAY 1.5 1.5 1.3 1.4 0.4 0.7 1.4 ALGERIE 0.4 0.3 1.5 -0.5 -0.1 0.4 -1.4 MAROC 1.6 1.5 2.0 1.2 1.7 1.0 -1.1 TUNISIE 2.6 2.4 2.4 2.3 0.6 3.2 -0.9 EGYPTE 3.3 3.3 4.3 2.5 3.2 2.4 -0.8 ISRAEL 1.8 1.5 1.4 1.6 1.7 1.2 -0.3 SYRIE 1.8 1.6 2.0 0.8 -2.0 1.5 -1.8 Source : Rexecode et calculs de l'auteur 21
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III. Effets négatifs de la libéralisation des flux de capitaux « sudden stop » A. Contrôle de capitaux : efficacité et coûts La volatilité récente des mouvements de capitaux dans les marchés émergents et les coûts associés ont soulevé des questions quant aux vertus des mouvements de capitaux non restreints à ces économies. La prise en compte des risques inhérents et l'importance du bon fonctionnement des marchés financiers domestiques et la stabilité macro-économique comme préalable à une libéralisation réussie du compte de capital ont longtemps été non seulement légitimes mais nécessaires. Dans la mesure où la volatilité des mouvements de capitaux en Amérique latine et en Asie au milieu des années 90 a reflété l'absence de ces conditions fondamentales, la raison principale de la turbulence est donc liée à une insuffisance des réformes nécessaires. Volatilité des flux de capitaux par décennie en % (écart type sur 10 ans) 0.05 0.04 écart type des flux de capitaux 0.03 0.02 0.01 0.00 Asie de l'est Europe de l'Est Amérique Moyen orient Asie du Sud Afrique Sub- Tous les pays et Asie latine et et Afrique du Saharienne Centrale caraïbes nord 1970s 1980s 1990s 2000 Source : IFS 2003 et calculs de l'auteur L'imposition des opérations sur devises est-elle la solution aux fluctuations du taux de change? 23
Selon certains, l'intégration des marchés financiers à l'échelle internationale provoque d'importants mouvements de capitaux spéculatifs à court terme, qui peuvent causer dans certains cas des pressions non justifiées sur le taux de change. Ces opérations spéculatives, disent-ils, entravent les politiques macroéconomiques d'un pays, entraînent une mauvaise répartition temporaire des ressources, ralentissent les échanges commerciaux et incitent les entreprises et les particuliers, qui cherchent à se protéger, à conclure davantage d'opérations financières improductives. Ce raisonnement a poussé certaines personnes à relancer l'idée d'une taxe semblable à celle que proposait le professeur James Tobin dans les années 1970 pour dissuader les investisseurs d'effectuer des opérations sur devises. Les arguments en faveur de l'imposition des opérations financières internationales reposent sur l'hypothèse que l'imposition d'une taxe empêcherait les mouvements à court terme, perçus comme déstabilisateurs, sans nuire aux mouvements à long terme, qui eux sont considérés comme souhaitables et compatibles avec les facteurs fondamentaux. Mais les mouvements de capitaux à court terme sont loin d'être tous indésirables et déstabilisateurs. Et il n'existe aucun moyen de faire la distinction entre les mouvements utiles et ceux qui ne le sont pas. Par exemple, comme les entrées et les sorties de capitaux associées aux échanges commerciaux et aux investissements étrangers ne s'annulent pas toujours complètement, certains mouvements de capitaux à court terme sont habituellement nécessaires pour aider à équilibrer la balance extérieure d'un pays. De tels mouvements surviennent souvent en réponse aux fluctuations réelles ou prévues du cours d'une monnaie, de sorte qu'ils aident à atténuer ces fluctuations. Comme ils sont souvent motivés par une légère différence entre les taux de rendement attendus dans un pays et les taux étrangers, une taxe pourrait bien les empêcher de se produire. En revanche, dans le cas des mouvements spéculatifs, où l'investisseur « parie » sur une forte variation du cours de la monnaie, les rendements attendus sont élevés. Ces mouvements sont donc peu susceptibles d'être découragés par l'imposition d'une taxe. En dernière analyse, l'imposition des opérations sur devises accentuerait probablement la volatilité des taux de change au lieu de l'atténuer et, en plus, réduirait la liquidité des marchés et ferait augmenter le coût du capital. De plus, lorsque les fluctuations des marchés financiers sont attribuables à des modifications des politiques macroéconomiques qui exposent les investisseurs à plus de risques, il est clair qu'une taxe s'attaquerait davantage aux symptômes qu'à la cause du mal. 24
Une politique de contrôle de capitaux peut être considérée efficace comme mesure de secours, elles auraient certes des avantages à court terme mais également des coûts à long terme. Les avantages à court terme proviendraient de la plus grande indépendance de politique économique par la maîtrise des taux d'intérêt dans le but de soutenir l'activité économique (Edwards, 1998). Les coûts résultent également du risque que ces contrôles provisoires puissent devenir permanents et être employés pour perpétuer des politiques inadéquates plutôt que d'adopter des réformes. DIFFERENTES MESURES DE CONTRÔLE DES CAPITAUX. PERIODE DE CRISE, COURT TERME PERIODE DE LONG TERME MESURES Rapatriement rapide des devises sur le Taxe Tobin, (régionale, mondiale). "FAIBLES" territoire national. Vente des devises à la banque centrale à un Transparence des agents financiers et règles taux de change administré. prudentielles obligatoires. Dépôts obligatoires pour les capitaux entrants pendant un an (ex: Chili, 30%). Timbre fiscal sur les crédits en devises de court terme. Taxe sur les achats et reventes d'action et obligations (Brésil). Durée minimale et montant minimal pour l'achat d'actions et d'obligations par les étrangers (Malaisie). Limitation et contrôle des IDE. MESURES Contrôle des changes partiel (Taiwan) ou "FORTES" total (Malaise). Non convertibilité de la monnaie (Chine). Taxe à la sortie des capitaux (Malaisie, 30% du principal) Interdiction des crédits bancaires en monnaie locale et en devises à l'étranger pour lutter contre la spéculation sur la monnaie locale. Les contrôles des capitaux, qui ont été amplement utilisés dans les pays émergents, ne sont sans doute pas très efficaces pour stabiliser sur une longue période les flux de capitaux et peuvent entraîner à long terme des coûts significatifs. Imposer, comme une mesure d’urgence, 25
le contrôle des capitaux peut produire des bénéfices à court terme, mais améliorer la gestion de la crise au niveau international serait bien sûr plus approprié. Ce qui confirme une fois encore qu’un système financier bien portant et une stabilité macroéconomique sont des conditions préalables à une intégration réussie au marché mondial des capitaux. B. Flux de capitaux et ajustement du taux de change Ainsi, dans un monde où les marchés financiers sont ouverts et intégrés, le taux de change est l'un des principaux mécanismes par lesquels les mesures de politique monétaire se transmettent à l'économie. De plus, ce sont les variations du taux de change qui permettent aux taux d'intérêt intérieurs d'être différents pendant un certain temps des taux en vigueur à l'étranger. Par exemple, un relèvement du taux d'intérêt officiel par la banque centrale, en réaction à des pressions de la demande et à des pressions inflationnistes au sein de l'économie, fait augmenter le taux de change, ce qui contribue aussi à atténuer ces pressions. En même temps, l'appréciation de la monnaie met en place les conditions qui permettront aux autres taux intérieurs de suivre le mouvement du taux officiel et de monter à des niveaux pouvant dépasser ceux des taux pratiqués à l'étranger. Cela est dû au fait que le taux de change est maintenant perçu comme étant supérieur à son niveau attendu et, partant, à ce qu'il baisse à l'avenir. Dans ce contexte, les marchés financiers feront grimper les taux d'intérêt intérieurs afin de contrebalancer la baisse attendue du cours de la monnaie. Toutefois, même lorsque les marchés financiers sont intégrés, un pays peut conserver une certaine indépendance dans la conduite de sa politique monétaire par l'entremise des mouvements du cours de sa monnaie. Mais il doit pour cela être doté d'un régime de taux de change flottants. Si le taux de change de sa monnaie est fixe, il suit dans les faits la politique monétaire d'un autre pays, soit celui sur lequel sa monnaie est alignée. Si les taux d'intérêt que pratiquent ce pays montent, les taux en vigueur dans le pays dont le taux de change est fixe devront aussi augmenter suffisamment pour que le même alignement soit maintenu. C'est pourquoi une banque centrale dont la politique monétaire est axée sur des parités fixes ne peut pas en même temps poursuivre un objectif intérieur. Dans cette même ligne d’idée, plusieurs auteurs ont essayé d’étudier la relation entre la gestion des taux de change et les flux de capitaux internationaux. Cette relation se traduit par les effets de la variabilité du taux de change sur ces flux. La variabilité qui est définie par les fluctuations du taux de change autour de son taux d’équilibre peut être appréhendée selon 26
plusieurs modalités. Lorsqu'elle est fréquente mais non persistante, la variabilité est identifiée à la volatilité. Cependant, dans le cas où elle est fréquente mais très persistante, nous sommes en face d'un mésalignement du taux de change8 . Dans les pays en développement, le mésalignement prend généralement la forme d'une surévaluation de la monnaie locale. Le taux de change officiel surévalué, en imposant un contrôle de change très strict, est susceptible d'engendrer une situation de déséquilibre qui se traduirait par le développement d’un marché parallèle de change. - L’origine du Marché de Change Parallèle Les causes qui président à l’émergence de ce type de marché monétaire sont similaires pour tous les pays. Nous pouvons relever : l’imposition de restrictions dans les échanges avec l’extérieur, le contrôle des mouvements des capitaux avec le reste du monde, le contingentement des importations et l’interdiction d’importer certains produits, l’inflation que connaît la majorité des pays en voie de développement et où la devise étrangère est considérée comme une valeur refuge. Au niveau théorique, Le débat s'est récemment focalisé sur les causes et les effets de l’appréciation des taux de change réels dans les pays en développement et en transition. Les points de vue s'opposent : le premier concerne la « Misalignement view » ou le "Mé- salignement" pour qui l’appréciation du taux réel engendre une perte de compétitivité qui se traduit à son tour par une détérioration de la balance courante. Le second, celui des « fondamentalistes », considère que cette appréciation traduit des changements au niveau des secteurs réels fondamentaux qui sont susceptibles d’entraîner une dégradation de l’équilibre épargne-investissement (Marouani A., 2000 ). - Mésalignement et flux de capitaux Le mésalignement du taux de change réel peut être défini comme une sorte de déconnexion du taux de change de son niveau d’équilibre. Le taux de change d’équilibre dépend aussi bien de facteurs structurels que conjoncturels. Dans les pays sous-développés, le mésalignement prend généralement la forme d’une surévaluation de la monnaie locale affectant et le commerce extérieur et la croissance économique. Ces pays opèrent une 8 Voir Reinhart C.M., & Reinhart V.R. (Mars 2002) 27
surévaluation du taux de change pour réaliser un contrôle de change et mettre en oeuvre une politique protectionniste. L’une des méthodes utilisée pour faire apparaître le degré de mésalignement consiste à utiliser le taux de change parallèle comme indicateur de mésalignement du taux de change réel [Sekkat & Achy, 2000]. L’idée sous-jacente s'énonce ainsi : plus le taux de change réel est surévalué, plus strict sera le contrôle de change et donc plus importante sera la prime de marché parallèle. C’est pour cette raison que beaucoup des pays en développement mettent en oeuvre des réformes monétaires dans le but de réduire l’écart entre les deux taux, en procédant à une dévaluation du taux officiel et en fixant comme objectif une prime de taux de change parallèle à un taux très réduit. Le tableau (5) montre la prime du marché parallèle (% du marché du taux de change officiel ) dans les trois pays du Maghreb. Tableau (5) Prime du Marché Parallèle (PMP) (% du taux de change officiel) Période Algérie Maroc Tunisie 1970-1974 51 5 15 1974-1979 96 7 5 1979-1980 242 5 8 1985-1989 379 3 4 1990-1997 194 4 4 Source: K.Sekkat & Achy L., Femise, June 2000 Tableau (6) Taux de mésalignement par rapport aux monnaies européennes Période Algérie Maroc Tunisie 1970-1974 -9.14 2.54 -5.40 1974-1979 -1.10 0.73 0.56 1980-1979 -3.76 0.29 -2.47 1989-1985 2.12 -3.47 1.66 1997-1990 6.77 -0.16 3.33 Source : Femise, June 2000 Dans les pays du Maghreb, les autorités sont donc confrontées à l’arbitrage suivant : maintenir un système de change serré et poursuivre la politique de stabilisation macroéconomique au prix d’une perte de compétitivité, ou bien lever la contrainte sur le 28
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