Libéralisation des mouvements de capitaux, mésalignement du taux de change et croissance économique - Contribution au colloque EMMA-Madrid ...

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Libéralisation des mouvements de capitaux,
      mésalignement du taux de change
         et croissance économique

    Contribution au colloque EMMA- Madrid

Préparé par Nabil MAALEL et Zouhair EL KADHI

                      1
“As an economy develops, there are
                      great benefits of having access to
                      global   capital    market   –   and
                      disadvantages    only   insofar   as
                      domestic financial institutions are
                      weak, or the macroeconomic situation
                      is unstable. In considering capital
                      account liberalization, i assume
                      that countries will and should at
                      some stage in the course of their
                      development want to liberalize the
                      capital account and integrate into
                      global capital market”

                       Fischer 2003

Résumé

Dans une perspective avantages – inconvénients, nous
examinons dans cet article les effets de la libéralisation
des   marchés    de    capitaux    sur  les   performances
macroéconomiques,     notamment    la  croissance.    Nous
reviendrons d’abord sur les arguments théoriques en faveur
d’une mobilité internationale des capitaux. Une revue de
littérature nous permettra de revoir les divergences des
résultats empiriques, confirmant ainsi les grandes
difficultés d’un tel travail.
Conscients   des    risques   liés   à la   libéralisation
désordonnée des mouvements de capitaux qui sont désormais
redoutables, nous essayons de répondre à la question :
comment mener une libéralisation qui limite les risques de
crise et permet d'atteindre une croissance forte. Nous
nous pencherons sur les effets de la libéralisation des
mouvements de capitaux sur la croissance dans les pays de
la Rive Sud de la Méditerranée (RSM) en identifiant les
conditions nécessaires en terme de change permettant à ces
pays de tirer profit d’une intégration optimale.

                        2
Sommaire

Introduction.............................................................................................................................. 4

I.        Intégration financière et croissance économique : revue de littérature et tendances 7

     A.      Différentes mesures de l’intégration financière ............................................................. 8

II. Comment la libéralisation financière affecte la croissance économique : analyse

théorique. ................................................................................................................................ 14

     A.      Justification classique de la mobilité des capitaux....................................................... 14

     B.      Lien entre libéralisation du compte de capital et croissance : travaux récents ............ 18

III. Effets négatifs de la libéralisation des flux de capitaux « sudden stop »................... 23

     A.      Contrôle de capitaux : efficacité et coûts ..................................................................... 23

     B.      Composition et taille des flux de capitaux ...................... ¡Error! Marcador no definido.

     C.      Flux de capitaux et ajustement du taux de change ....................................................... 26

IV. Flux de capitaux et croissance : Estimations empiriques........................................... 29

     A.      Données et méthodologies ........................................................................................... 29

     B.      Résultats et discussions ................................................................................................ 31

CONCLUSION ....................................................................................................................... 37

BIBLIOGRAPHIE................................................................................................................. 41

V.        Annexes ........................................................................................................................... 43

                                                                        3
Introduction

        Une des évolutions majeures de ces dernières années réside dans l’essor remarquable
de l'intégration financière internationale qui, sous l’effet de la libéralisation des mouvements
de capitaux et de l’ouverture des marchés financiers, touche une partie des pays émergents.
        Les flux de capitaux ont connu une évolution considérable et ont marqué un processus
nouveau : la globalisation financière. Celle ci a fait bénéficier plusieurs pays de gains
d’efficiences substantiels. Mais il serait certainement prématuré de dire que ce processus
constitue la clef d’une croissance soutenable dans les pays en développement. Dans le sens
théorique du terme, dès lors qu’un pays opte pour la libéralisation du compte capital, une
modification de la composition de ces flux impliquera une croissance plus forte. Cette dernière
dépendra désormais des capacités d’ajustement des politiques macroéconomiques nationales au
cours du temps et de la composition des flux de capitaux.
        D’une manière plus précise, dans les années 1990, période durant laquelle les entrées de
capitaux dans les pays en développement ont connu leurs plus hauts niveaux, la plupart des ces
pays en ont profité pour réaliser des taux de croissance records. Mais en même temps sont
survenues des crises monétaire et bancaire dans plusieurs pays, ce qui a remis en cause le bien
fondé de la libéralisation financière. Les institutions internationales, en particulier le FMI, ont
répondu aux nouveaux défis de la globalisation financière en proposant ce qu’il est convenu
d’appeler aujourd’hui la nouvelle architecture du système financier international.

                                          Flux de capitaux privé en % du PIB
                                               pays en développement
                 14

                 12

                 10

                  8

                  6

                  4

                  2
                      1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

                 Source : WDI 2003

         Le débat sur les vertus de la libre circulation des capitaux soulève des questions
extrêmement importantes et controversées. On se demande pourquoi les pays en développement

                                                   4
devraient libéraliser leurs comptes de capital alors que la libre circulation des capitaux est un
phénomène relativement nouveau ? Devraient ils prendre en compte le niveau de développement
des secteurs financiers nationaux ? Est ce que la libéralisation des mouvements de capitaux peut
être réversible ? Quels sont les liens entre les mouvements de capitaux et les régimes de change
en place ?
           A l’heure actuelle, il est encore difficile d’affirmer catégoriquement que les flux de
capitaux constituent le moteur de relance et de croissance des pays en développement. Mais ne
nous trompons pas. Mis à part la Chine et l’Inde, aucun pays n'a pu réaliser une croissance forte
et soutenable en tournant le dos à ces flux. Les chiffres montrent que les flux de capitaux ont
toujours soutenu le processus de croissance. Cependant, le sens de causalité de la relation entre
les flux de capitaux et la croissance reste controversé. Autrement dit, est-ce que ce sont les flux
de capitaux qui favorise la croissance ou est-ce la croissance qui attire les flux de capitaux ? Les
études empiriques ne permettent pas de dégager un impact positif indiscutable de la libéralisation
des mouvements de capitaux sur la croissance. Sans doute, le caractère pluridimensionnel de la
libéralisation, la difficulté à en fournir une variable représentative et la multiplicité des stratégies
possibles expliquent en partie les résultats des travaux empiriques.
          Sur le plan des résultats, les études menées sur les effets de la libéralisation du compte
de capital sur la croissance restent à ce jour mitigées1 (Eichengreen B., 2001). Elles ne
permettent pas d'établir si la libéralisation du compte capital améliore systématiquement la
croissance ou bien si elle conduit inévitablement à des crises. Le principal enseignement qui
en ressort en revanche est que l’assouplissement du contrôle des mouvements de capitaux ne
peut être avantageux qu’en présence d’un cadre macroéconomique stable, notamment un
système financier solide et un taux de change réel proche de l’équilibre. En outre, ce
processus doit être mené de façon prudente et progressive dans le temps, faute de quoi il peut
générer des effets désastreux sur des petits pays 2 .
          L’objectif de ce papier est de déterminer donc les effets de la libéralisation des
mouvements de capitaux sur la croissance dans les pays de la Rive Sud de la Méditerranée
(RSM), avant d’identifier les conditions nécessaires en terme de change permettant à ces pays
de tirer profit d’une telle option. Nous supposons dans ce travail que la libéralisation des
mouvements de capitaux entraîne deux effets opposés sur la croissance économique. Le
premier      serait   positif,   reflétant   l’accroissement   des   moyens   de   financement   des

1
 Voir le tableau récapitulatif des différents travaux en la matière en page 10
2
  EDWARDS SEBASTIEN « Exchange Rate Regimes, Capital flows and Crisis Prevention » University of
California, Los Angeles et NBER (2000).

                                                     5
investissements dans un marché de capitaux globalisé. Le second serait négatif et se manifeste
via un phénomène de mésalignement du taux de change réel3 ou encore la coexistence de
deux marchés de change : le marché officiel et le marché parallèle.
         L’article se propose donc d’étudier l’impact sur la croissance macroéconomique de la
libéralisation du compte de capital dans un cadre de globalisation financière. Il se focalise sur
les pays émergents d’Asie et d’Amérique latine qui ont déjà eu une expérience plus ou moins
réussie en terme d’intégration et de libéralisation financière, afin de tenter d'en tirer des
conséquences applicables aux pays du Maghreb. Dans une première section nous proposons
une justification théorique des effets de la libéralisation des flux de capitaux sur la croissance.
En nous appuyant sur des faits empiriques, nous mettons en avant les déterminants essentiels
à toute modélisation de l’effet de la libéralisation sur la croissance.
         Dans une deuxième section nous nous interrogeons sur la pertinence des schémas
traditionnels d’explication des effets de la libéralisation des flux de capitaux sur la croissance.
Cette section constitue un passage en revue des différents travaux dans la matière.
         La dernière section fera l’objet d’une estimation en panel concernant 48 pays couvrant
la période 1977-2002 en mettant en valeur l’effet de la libéralisation des flux de capitaux sur
les pays du maghreb.

3
 CATALINA .A .D ET SUSAN .C (2001) “Exchange Rate Uncertainty and Economic Performance” Review of Développement Economics
363-374

                                                           6
I. Intégration financière et croissance économique : revue
       de littérature et tendances

          Pour situer les idées relatives à la globalisation et à l’intégration financière ainsi que les
conséquences qui en résultent pour l’économie dans son ensemble, nous rappelons quelques
définitions et quelques points de repère historiques. Dans l’immédiat, nous préférerons rester
simples, au risque d’ignorer certains des aspects que chacun peut avoir à l’esprit lorsqu’il entend
le terme de globalisation ou celui d’intégration financière.

          Au sens économique du terme, l’intégration désigne soit un processus, soit un résultat.
En tant que processus, l’intégration financière est un ensemble de mesures destinées à éliminer
d’une manière progressive les discriminations entre les unités économiques des différents pays.
En tant que résultat, l’intégration financière devrait aboutir à un constat de disparition des
marchés de capitaux nationaux et la formation d’un marché financier mondial ou village global.
Commençons par dire que les termes globalisation et mondialisation sont à nos yeux largement
équivalents. L’un et l’autre sont apparus il y a un peu plus d’une dizaine d’années au milieu des
années 1980 pour nommer un phénomène qui n’avait encore jamais été observé dans l’histoire
économique, à savoir une tendance à l’unification des marchés à l’échelle mondiale.

          On ne peut présenter la globalisation ou l’intégration financière comme un événement
qui aurait pesé subitement sur les économies capitalistes. Il est plus juste de les décrire comme
une tendance, ou un développement de l’organisation économique mondiale. Il est également
naturel que ces deux concepts soient fortement reliés. Dans le cadre de notre travail, le
développement de la globalisation financière n’est autre que le résultat des efforts d’intégration
financière.
        Dans ce qui suit, nous essayons dans un premier temps de synthétiser les avantages
théoriques potentiels de la libre circulation des flux de capitaux. Mais une analyse pointue du
phénomène d’intégration montre que celle-ci n’est pas homogène et fait apparaître des degrés
différents. Il serait donc opportun d’établir des critères de mesure de ce processus.

                                                    7
Pays en développement : Flux nets d’investissement, 1970-2002
                                          (En milliards de dollars US)

            140
                            Investissement de portefeuilles      IDE
            120

            100

             80

             60

             40

             20

              0
                  1970     1974      1978     1982      1986     1990     1994     1998   2002

        Source : FMI base de données des perspectives de l’économie mondiale

        A. Différentes mesures de l’intégration financière

        La question de l’impact de la libéralisation du compte capital sur la croissance fait face
depuis longtemps à un problème majeur qui est la mesure de la libéralisation financière. En effet,
plusieurs économistes s’efforcent de déterminer des indicateurs de mesure de la libéralisation des
mouvements de capitaux. Il existe ainsi deux catégories de mesures : une mesure qualitative, qui
prend la forme d’une variable binaire (Sachs et Warner, FMI) (0 ou 1) et une mesure quantitative
qui se base soit sur un calcul d’indices pondérés (Quinn, Montiel, Chinn et Ito), soit sur le calcul
de corrélation. Dans ce sens les premiers travaux remonte à Feldstein et Horioka4 (1980) qui ont
exploité une idée reposant sur l’estimation du degré de corrélation entre l’épargne domestique et
l’investissement domestique pour déterminer le degré d’intégration des marchés nationaux. Mais
il s’avère que cette mesure est loin d’expliquer le niveau de la libre circulation des capitaux, du
fait que cette corrélation peut être très élevé même dans les pays relativement fermés. Ces dans
cette même ligne d’idée que Sachs a essayé de remplacer l’épargne domestique par l’épargne
mondial.

        Dans un autre travail extrêmement important Sachs et Warner (19..) ont
Les inconvénients de toute mesure binaire sont très connus. En effet cette dernière mesure la
présences d’entraves à la libre circulation des capitaux et non l’intensité des contrôles, mais
encore elle mesure le degré de restriction sur les résident et ne tient pas compte des non résident.

                                                       8
Dans ce même cadre que le FMI publie tous les ans un rapport sur le niveau d’intégration
et de libéralisation des mouvements de capitaux (Exchange Rate and Monetary Arrangements)
en pointant les années ou on estime qu’un pays a ouvert ces portes aux capitaux étrangers. C’est
une variable binaire sous forme d’une « dummy », elle prend la valeur 1 en cas de maintien
d’une politique de contrôle de capitaux et la valeur 0 sinon.

Quinn (1997) de sont côté a essayé de sont côté de produire un indicateur dynamique de
libéralisation des mouvements de capitaux en se basant sur les données des transaction du
compte capital fournit publiés par le FMI (Annual Report on Exchange Arrangements and
Exchange restrictions). L’avantage de cette mesure est de tenir compte des intensités de
restriction ainsi mais malheureusement elle n’est valable que pour 64 pays et pour les années
1958, 1973 et 1988.

Montiel et Reinhart……………………………………….

Chinn et Ito ………………………………….

Nous résumons dans le tableau ci-dessous les différentes méthodes de mesure de la
libéralisation financière.

4
    M. Feldstein et C. Horioka « Domestic Saving and International Capital Flows » Economic journal, Juin.1980

                                                        9
1, FMI             FMI AREAER, ligne E2       Constructed as an on/off indicator of the            0 (never restricted) to             1967 - 1995      117 pays pour la période 1976-95
                                              existence of rules/restrictions that inhibit         1 (always restricted)               after which      et
                                              cross-border flows.                                                                      format changes   137pays pour la période 1986 -95
2. Share           FMI AREAER, ligne E2       Uses IMF measure to create proportion of             0 (never restricted) to             1967 - 1995      117 (76-95) to 137 (86-95)
                                              years that capital account is judged free of         1 (always restricted)               after which
                                              restrictions. Can be constructed for any range,                                          format change
                                              1966-95.
3. Quinn           Quinn (1997)               Constructed from narrative descriptions in           Larger numbers mean less            Full Sample:     20 pays developpés et 43 en
                                              AREAER regarding capital account restrictions.       restricted, more open or            1958, 1973,
                                                                                                                                       1982, and
                                                                                                   meet agreements. Values in
                                                                                                                                       1988.
                                                                                                   1/2 point increments, 0 - 4
4. .Quinn          Quinn (1997)               Variation de l'indicateur de Quinn                   Actual range for capital account                     20 pays developpés et 43 pays en
                                                                                                   1988 . 1982; -1 to 2                                 developpement
                                                                                                   1988 . 1973; -2 to 2
5. OECD- Share       Code de Libéralisation   Proportion of the 11 categories free of              0 si rsetreint et 1 si non            1986, 1988,    21 pays de l'OCDE
                     des mouvements de                                                                                                   1990, 1993,
                          capitaux            restrictions, averaged over the relevant period.                                              1995
6. MR                                               Measure du niveau de restiriction sur les        0 non restreint, 1 légerement     1990 - 1996      15 pays émergents
                   Montiel & Reinhart 1999
                                                          mouvements de capitaux                       restreint et 2 très restreint

7.Levine/Zervos     Levine et Zervos (1998)                                                        Dummies qui prend 0 où 1 selon      de mai-1986 à
                                              Dates de libéralisations du marché boursier                                                               11 pays émergents
et Henry           et Henry (2000a and b)                                                          l'année de libéralisation           déc. 91

                                                                                                                                                      95 pays : 43 ont déjà une
                   Bekaert Harvey &                                                                Dummies qui prend 0 où 1 selon                     expérience de libéralisation financière
8. BHL                                        Dates de libéralisations du marché boursier                                              de 1980 à 1997
                   Lundblad, 2001                                                                  l'année de libéralisation                          (25 pays émergent et 18 pays de
                                                                                                                                                      l'OCDE)
                                              1 moins le ratio des IFC investable sur les IFC                                          de 1988 à
9. EW              Edison et Warnock 2001                                                          dummies qui prend 0 où 1                           29 pays émergents
                                              globaux                                                                                  aujourd'hui
                                                                                                                                                        tous les pays qui publie leurs Balance
11. Capflows       Kraay (1998)               flux de capitaux en % du PIB
                                                                                                                                                        des paiements
                   Lane et Milesi-Ferretti    Measure basée sur le le stock des flux de capitaux                                                        70 pays (mixe entre développés et
12. CapStocks                                                                                                                          1970 - 1998
                   2001                       en % du PIB                                                                                               pays en développement)

13. Chinn et Ito              2002            moyenne pndérée par les indicateurs du FMI et celui de Quin                              1977-2000        105 pays

                                                                                       10
Sur les graphiques suivant nous avons retracé l’indicateur de Chinn et Ito après l’avoir mis a
jours jusqu'à 2002. L’évolution de l'intégration financière a évolué dans le temps avec des
intensités différentes pour chaque groupe de pays. Il est important de signaler les efforts
considérables des PVD en matière d’intégration financière même si le niveau demeure loin
au-dessous de celui des économies industrielles. Au niveau régional, les pays du Maghreb et
malgré l’effort très remarquable en terme d’intégration ces derniers restent très loin des
niveaux atteints par les pays d’Asie ou encore ceux de l’Amérique Latine. La différence en
terme d’intégration financière entre les pays industrialisés et en voie de développement est
tout à fait remarquable.

                                              11
Indice d'intégration financière
                                   dégré d'ouverture du compte capital
                     Indice Chinn & Ito pondéré par les stock de capitaux (1990-2000)

         Pays développés (20 pays)                                                     Maghreb (5 pays)
2.7                                                                           0.4

                                                                              0.0
                                                                                0
2.4

                                                                              -0.4

2.1
                                                                              -0.8

                                                                              -1.2
1.8

                                                                              -1.6

1.5
                                                                                       Asie (7 pays)
                                                                              1.2

                                                                              1.0
1.2
                                                                              0.8

                                                                              0.6
0.9
                                                                              0.4
         Amérique latine (11 pays)
1.0
                                                                              0.2

                                                                              0.0
                                                                                0
0.6
                                                                              -0.2

                                                                              -0.4
0.2
                                                                                        Autres PVD (5 pays)
                                                                                 0.4
  0

-0.2                                                                             0.2

                                                                                 0.0
                                                                                   0

-0.6
                                                                                -0.2

                                                                                -0.4
-1.0

                                                                                -0.6

-1.4                                                                            -0.8
       1977   1980   1983   1986   1989 1992   1995   1998 2001   2004               1977 1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004

                                                                         12
Indice d'intégration financière
                                               dégré d'ouverture du compte capital
                                 Indice Chinn & Ito pondéré par les stock de capitaux (1990-2000)

2.8

2.4           Pays développés (20 pays)
              Asie (7 pays)
              Maghreb (5 pays)
2.0           Amérique latine (11 pays)
              Autres PVD (5 pays)

1.6

1.2

0.8

0.4

0.0
  0

-0.4

-0.8

-1.2

-1.6

-2.0
       1977   1979        1981       1983   1985    1987    1989    1991    1993    1995    1997    1999   2001   2003

                                                              13
II. Comment la libéralisation financière affecte la croissance
économique : analyse théorique.

         Dans cette section, nous étudions la nature de la relation entre l’ouverture financière et la
croissance, investissement domestique et volatilité. Mais avant d’étudier les mécanismes
macroéconomiques qui servent de lien entre ces variables et les canaux de transmission de la
libéralisation des flux de capitaux rappelons nous de quelques règles comptable. Les flux de
capitaux, dette, investissement de portefeuille, investissement direct et placement immobilier,
s’enregistrent au compte de capital de la balance de paiements. La libéralisation correspond à la
libre entrée et sortie des capitaux sans entraves ni restrictions c’est ce qu’on appelle la
déréglementation des mouvement de capitaux.
         En se référant à la théorie néoclassique, il existe plusieurs canaux par lesquels la
libéralisation financière affecte la croissance. D’abord, le libre mouvement des flux de capitaux
permet la diversification du risque tout en poussant à la baisse le coût du capital, d’où un effet
prix positif et relativement permanent (Bekaert et Harvey 2000a). Il permet aussi d’accroître
l’investissement, de lisser la courbe de consommation (moins de volatilité de la consommation),
d’où l’accélération de la croissance et donc l’amélioration du bien être en offrant une meilleure
allocation des ressources, en l’occurrence des risques et de l’épargne.
         En effet, la mobilité des capitaux permet au projet d’investissement rentable un
financement. D’autre part, un titre financier est un échange de liquidité disponible dans le futur.
Autrement dit c’est un échange de risque. La libre circulation des capitaux permet donc une
mutualisation des risques. Il existe aujourd’hui une très large littérature sur l'impact du
développement des marchés financiers et de l’intermédiation sur la croissance5 . Obstfeld et
Krugman (1998) montrent qu’en diversifiant son portefeuille sur les marchés mondiaux,
l’investisseur peut faire plus d’investissement rentable dans son propre pays, ce qui favorise la
croissance nationale. L’idée est que l’accès aux marchés de capitaux internationaux permet un
découplage entre l’épargne et l’investissement national.

           A. Justification classique de la mobilité des capitaux

                   En se référant à la théorie économique classique, la mobilité des capitaux permet
             une allocation optimale de l’épargne mondiale et permet d’attirer des financements
             pour des projets d’investissement productifs. Il en résulte une meilleure diversification

5
    voir Bencivenga et Smith 1991

                                                  14
du risque et incontestablement, un remède aux déséquilibres entre épargne et
            investissement.

            a-       Déséquilibre entre Epargne-Investissement

                       Les flux de capitaux représentent les transactions intertemporelles entre
            plusieurs pays. En effet, ils permettent à un pays qui se trouve dans une situation
            d’épargne excessive sur une période donnée de profiter d’opportunité d’investissement
            dans un autre. Il est évident que le taux de rendement dans le dernier pays soit plus
            élevé. Ce transfert permet aux deux pays d’atteindre des niveaux de bien être plus élevé
            et une croissance plus forte. Autrement dit les agents économiques peuvent emprunter
            lorsque leurs revenus sont faibles et rembourser lorsqu’ils sont élevés, ce qui a pour
            effet de lisser la courbe de consommation et d’investissement. L’accès au marché de
            capitaux internationaux permet donc d’assouplir les fluctuations du cycle économique
            en évitant aux ménages et aux entreprises de limiter radicalement leur consommation et
            leur investissement et donc la demande interne au moment où la production et le revenu
            intérieur chute.
                     Théoriquement, et comme tout facteur de production, les flux de capitaux
            obéissent à la règle d’abondance et de rareté ou à la règle de l’offre et de la demande.
            D’une manière plus simple, les capitaux passent des pays où ils sont abondants à ceux
            où ils sont rares du faits qu’il y a plus d’opportunités dans les pays où le capital est
            limité. Cette réallocation de l’épargne mondiale permet de stimuler l’investissement et
            la consommation dans les pays bénéficiaires6 .

            b-       diversification du risque

                      L’accès au marché de capitaux internationaux permet certes aux agents
            économiques de diversifier les risques de fluctuation de leurs actifs et de conquérir des
            taux de rendement, corrigés d’un risque, plus élevé. Mais l’avantage le plus
            remarquable est que les marchés mondiaux vont contrecarrer les pénuries de crédit en
            disposant des meilleures opportunités en terme de financement.
            c-       les gains des IDE

6
    Summers (2000)

                                                   15
Par ailleurs, traitant de la mobilité du capital, les gains générés par des investissements
directs étrangers (IDE) devraient être mentionnés séparément. Ils ne surviennent en effet pas
systématiquement en tant que gains de transfert de capital car ils peuvent être réalisés même si
une compagnie multinationale s'implantant dans un autre pays réunit tout le capital localement.
Ce n'est donc pas toujours un processus qui comporte de grands flux de capital internationaux.

                                                16
EFFET DE LA LIBERALISATION DES FLUX DE CAPITAUX
                            SUR LA CROISSANCE

                       Effets Positifs                                   Effets Négatifs (Indirects)

    Effets Directs

   Hausse de l’épargne domestique.
   Baisse du coût de capital suite                           Effets Indirects
    à la diversification du risque.
   Transfert de technologies.                                    Volatilité du taux de change réel.
   Développement du secteur financier.                           Volatilité des flux de capitaux en
                                                                  l’absence de cadre macro-économique stable.
                                                                  Forte pression sur le système financier
                                                              domestique
                                                                  Attaques spéculatives sur la monnaie.
            +
    Effets Indirects

   Promouvoir la spécialisation
   Incitation pour une politique économique optimale.
   Encourager l’entrée des flux de capitaux en
    annonçant des politiques économiques cohérentes

                                             EFFET NET POSITIF
                                             CROISSANCE FORTE

                                                         17
B. Lien entre libéralisation du compte de capital et
        croissance : travaux récents

       Le débat sur le lien entre les flux de capitaux et la croissance économique a fait naître une
grande tension entre deux positions : selon la première, la libre circulation des capitaux engendre
des gains considérables. En effet, dès lors qu’un pays s’ouvre aux flux de capitaux, une
réallocation des ressources implique une croissance plus forte et un transfert de technologie suite
à une hausse des investissements et un accroissement de la productivité. Ce résultat reste
cependant assujetti aux efforts d’ajustement des politiques macroéconomiques nationales au
cours du temps et de l’évolution de la composition de ces flux.

         Toutes ces questions ont placé le sujet de la libéralisation des capitaux au cœur du débat
macroéconomique. Ce dernier a fait naître deux points de vus opposés :
                      Ø D’un coté, on attend de la libéralisation une répartition paréto-optimale
                          de l’épargne mondiale, les forces du marchés étant supposées
                          permettrent une meilleure allocation productive et contribuer ainsi à la
                          croissance et au bien être global. La mobilisation de l’épargne entre les
                          pays par exemple permet logiquement d'améliorer nettement l'efficacité
                          économique. Robert Lucas (1990) montre que la productivité par tête
                          aux Etats-Unis est 15 fois supérieure qu’en Inde. Si on suppose que la
                          production dans les deux pays obéit à une fonction de production type
                          Cobb-Douglas avec une élasticité du rapport capital/travail de l’ordre de
                          0.4, le produit marginal du capital aux Etats-unis est dans ce cas 58 fois
                          supérieur à sa valeur en Inde. Une mobilité du capital entre ces deux
                          pays permettra donc une productivité plus élevée dans les deux pays.
                          Autrement dit, la libéralisation des capitaux n’affecte pas le facteur
                          travail mais plutôt le facteur capital et la productivité globale des
                          facteurs.
                      Ø D’un autre coté, Dani Rodrik (1998) et Jagdish Bhagwati montrent qu’il
                          n'y a aucune évidence que l'ouverture aux capitaux étrangers des
                          économies en développement et émergentes améliore d’une manière
                          significative le rendement du capital en particulier ou la croissance
                          économique en général. En se référant à des cas très particuliers comme

                                                 18
la Chine, Bhagwati argumente le fait qu’on peut réaliser des bonnes
                          performances de croissance sans une libre mobilité de capitaux. Dans un
                          travail plus académique sur un échantillon de 100 pays couvrant la
                          période 1975 – 1989, Rodrik montre qu’il n’y a aucun effet positif de la
                          libéralisation des mouvements de capitaux sur la croissance.

        …………………………..

        En se concentrant sur les crises récentes qui ont frappé les pays émergents en Asie du
sud-est et en Amérique latine, Les antis-libéralisations ont fait de l’ouverture des marchés la
principale cause des crises récentes. Certains préconisent d’ailleurs qu’il faut peut être opérer une
modification radicale des régimes pour prévenir de telles crises.
Où faut-il se situer par rapport à ces deux positions relativement opposées ?
      Dans cette optique, nous examinerons les avantages et les inconvénients d’une ouverture au
marché de capitaux privé en passent en revue l’argumentaire classique en faveur de la
libéralisation des flux de capitaux et les contre argumentaires qui ont trait aux problèmes
d’asymétrie d’information et aux aléas moraux.

      L’accroissement des flux internationaux de capitaux a été associé à une accélération de
la croissance dans nombre de pays mais aussi à l'apparition de fortes crises. Pendant la
seconde moitié des années 1990, plusieurs pays ont subi en effet une crise financière. Il en est
ainsi du Mexique en 1994-95, des pays d’Asie du sud-est en 1997, du Brésil en 1998 et de
l’Argentine en 2000. Ces événements ont eu pour conséquence de semer le doute sur la
capacité de la libéralisation du compte de capital de stimuler une croissance à long terme dans
les pays émergents. Selon les spécialistes, l'ouverture de leurs comptes de capital n’a pas été
la seule cause de la volatilité a laquelle ont fait face ces pays. Celle-ci avait également des
causes internes liées aux politiques macro-économiques adoptées, notamment la fragilité
institutionnelle et le timing poursuivi dans l'ouverture du compte de capital (Camdessus,
1998 ; Summers L., 2000). Aujourd'hui, li est largement admis que, même si la volatilité des
flux des capitaux peut freiner la croissance, le processus d’intégration financière offre la
possibilité d’obtenir un dividende de croissance. Celui-ci n’est en revanche pas automatique,
il faut donc le gagner. Par ailleurs, la libéralisation du compte du capital est vivement
recommandée par l’orthodoxie dominante, dont les porte-parole sont le FMI et la Banque

                                                  19
Mondiale, à l’adresse de la plupart des pays et plus particulièrement les pays en
développement7 .
    Rodrik (1998) montre que les restrictions de capitaux n’ont pas un effet significatif sur les
performances macro-économiques entre 1975 et 1989. Toutefois, cette approche souffre de
quelques limites. Nous citons le fait que cet indice soit extrêmement large et qu’il ne tient pas
compte des différentes restrictions et des intensités de contrôle des capitaux.

    Montiel et Reinhart (1999) ont tenté d’améliorer la mesure utilisée par Rodrik en combinant
l’information du FMI et l’information spécifique à chaque pays pour construire un indice tenant
compte de l’intensité de contrôle des capitaux. Il ressort de leurs résultats que le contrôle des
capitaux contribue à accroître le niveau des flux d’investissement direct étranger (IDE) et à
diminuer les flux d’investissement de portefeuille de court terme.

                Principaux travaux concernant l'effet de la libéralisation du compte capital sur la croissance
                            Etudes                    Nombre de pays           Période        Effet sur la croissance

          Alesina Grilli et Milesi-Ferretti 1994              20             1950–89               Pas d'effet
          Grilli et Milesi-Ferretti 1995                      61             1966–89               Pas d'effet
          Quinn 1997                                          64             1975–89               Effet positif
          Kraay 1998                                         117             1985–97               Pas d'effet
          Rodrik 1998                                         95             1975–89               Pas d'effet
          Klein et Olivei 2000                                92             1986–95               Effet positif
          Chanda 2000                                        116             1976–95               Effet positif
          Arteta, Eichengreen et Wyplosz 2001                 59             1973–92               Effet mixte
          Bekaert Harvey et Lundblad 2001                     30             1981–97               Effet positif
          Edwards 2001                                        62              1980s                Effet positif
          O'Donnell (2001)                                    94            1971-1994              Pas d'effet
          Reisen et Soto (2001)                               44             1986-97               Effet mixte
          Edison, Klein, Ricci et Slok (2002)                 89            1973-1995              Effet mixte
          Edison, Levine, Ricci et Slok (2002)                57            1980-2000              pas d'effet
          Chinn et Ito (2002)                                105            1982-1997              Effet positif

7
 ILKER.D & GHIATH .S« Real Exchange Rate Behavior And Economic Growth: Evidence From Egypt,
Jordan, Morocco And Tunisia» IMF working paper WP/99/40. 1999

                                                        20
Croissance du PIB par habitant (mrds $ PPA 1996) Tendance en %                         Indice de Chinn & Ito
                                                                                                            moyenne sur la période 1977-
                                                                                                                      2002
                        1960-2003          1970-2003   1970-1990        1980-2003   1980-1990   1990-2003
HONGRIE                    1.9                1.6         2.9              0.8         1.7         2.5
POLOGNE                                                                    1.7         1.1         4.1
REPUBLIQUE SLOVAQUE                                                                                2.3
REPUBLIQUE TCHEQUE                                                                                 1.4
SLOVENIE                                                                                           3.2
TURQUIE                     2.0               1.9         1.9              2.0         2.8         1.4                 -0.9
COREE DU SUD                6.3               6.1         6.3              6.1         7.7         4.6                 -0.2
HONG-KONG                   5.0               4.7         6.0              3.7         5.7         1.9                 2.0
SINGAPOUR                   5.5               5.1         5.7              4.5         4.4         3.3                 2.4
TAIWAN                      6.5               6.2         6.8              5.8         7.0         4.4                 1.8
MALAISIE                    4.3               4.1         4.0              3.9        2.6          3.3                 1.7
THAILANDE                   5.2               5.0         4.8              5.1        5.9          2.5                 -0.1
INDONESIE                   4.4               4.3         4.7              3.7        4.0          2.0                 2.1
PHILIPPINES                 0.7               0.6         0.8              0.3        -1.4         1.3                 -0.5
ARGENTINE                   0.3               0.2        -0.7              0.5        -2.1         0.9                 0.2
BRESIL                      1.6               1.3        2.3               0.7        0.7          1.2                 -1.6
CHILI                       2.8               2.8        0.8               4.0        1.7          3.9                 -1.2
COLOMBIE                    1.7              1.6         1.9              1.3         1.5         0.6                  -1.5
PEROU                       -0.3             -0.4        -0.6             -0.3        -2.3        2.2                  0.5
VENEZUELA                   -0.7             -0.9        -1.0             -0.9        -1.8        -1.7                 0.7
BOLIVIE                     0.2               0.0        -0.7             0.3         -2.4        1.3                  0.6
EQUATEUR                    1.2               1.0        2.1              0.1         -0.6        0.0                  0.1
PARAGUAY                    1.4               1.2        2.9              -0.3        -0.4        -0.9                 -0.3
URUGUAY                     1.5               1.5        1.3              1.4         0.4         0.7                  1.4
ALGERIE                     0.4               0.3         1.5             -0.5        -0.1         0.4                 -1.4
MAROC                       1.6               1.5         2.0             1.2         1.7          1.0                 -1.1
TUNISIE                     2.6               2.4         2.4             2.3         0.6          3.2                 -0.9
EGYPTE                       3.3              3.3         4.3              2.5        3.2          2.4                 -0.8
ISRAEL                       1.8              1.5         1.4              1.6        1.7          1.2                 -0.3
SYRIE                        1.8              1.6         2.0              0.8        -2.0         1.5                 -1.8
Source : Rexecode et calculs de l'auteur

                                                                   21
22
III. Effets négatifs de la libéralisation des flux de
capitaux « sudden stop »

                                    A. Contrôle de capitaux : efficacité et coûts

      La volatilité récente des mouvements de capitaux dans les marchés émergents et les
coûts associés ont soulevé des questions quant aux vertus des mouvements de capitaux non
restreints à ces économies. La prise en compte des risques inhérents et l'importance du bon
fonctionnement des marchés financiers domestiques et la stabilité macro-économique comme
préalable à une libéralisation réussie du compte de capital ont longtemps été non seulement
légitimes mais nécessaires. Dans la mesure où la volatilité des mouvements de capitaux en
Amérique latine et en Asie au milieu des années 90 a reflété l'absence de ces conditions
fondamentales, la raison principale de la turbulence est donc liée à une insuffisance des
réformes nécessaires.

                                          Volatilité des flux de capitaux par décennie en % (écart type sur 10 ans)

                                        0.05

                                        0.04
      écart type des flux de capitaux

                                        0.03

                                        0.02

                                        0.01

                                        0.00
                                               Asie de l'est   Europe de l'Est   Amérique          Moyen orient    Asie du Sud   Afrique Sub-   Tous les pays
                                                                  et Asie         latine et        et Afrique du                 Saharienne
                                                                  Centrale       caraïbes              nord                  1970s   1980s      1990s   2000

     Source : IFS 2003 et calculs de l'auteur

L'imposition des opérations sur devises est-elle la solution aux fluctuations du
taux de change?

                                                                                              23
Selon certains, l'intégration des marchés financiers à l'échelle internationale provoque
d'importants mouvements de capitaux spéculatifs à court terme, qui peuvent causer dans
certains cas des pressions non justifiées sur le taux de change. Ces opérations spéculatives,
disent-ils, entravent les politiques macroéconomiques d'un pays, entraînent une mauvaise
répartition temporaire des ressources, ralentissent les échanges commerciaux et incitent les
entreprises et les particuliers, qui cherchent à se protéger, à conclure davantage d'opérations
financières improductives.

Ce raisonnement a poussé certaines personnes à relancer l'idée d'une taxe semblable à celle
que proposait le professeur James Tobin dans les années 1970 pour dissuader les investisseurs
d'effectuer des opérations sur devises. Les arguments en faveur de l'imposition des opérations
financières internationales reposent sur l'hypothèse que l'imposition d'une taxe empêcherait
les mouvements à court terme, perçus comme déstabilisateurs, sans nuire aux mouvements à
long terme, qui eux sont considérés comme souhaitables et compatibles avec les facteurs
fondamentaux. Mais les mouvements de capitaux à court terme sont loin d'être tous
indésirables et déstabilisateurs. Et il n'existe aucun moyen de faire la distinction entre les
mouvements utiles et ceux qui ne le sont pas. Par exemple, comme les entrées et les sorties de
capitaux associées aux échanges commerciaux et aux investissements étrangers ne s'annulent
pas   toujours    complètement,     certains   mouvements       de   capitaux à court terme sont
habituellement nécessaires pour aider à équilibrer la balance extérieure d'un pays. De tels
mouvements surviennent souvent en réponse aux fluctuations réelles ou prévues du cours
d'une monnaie, de sorte qu'ils aident à atténuer ces fluctuations. Comme ils sont souvent
motivés par une légère différence entre les taux de rendement attendus dans un pays et les
taux étrangers, une taxe pourrait bien les empêcher de se produire. En revanche, dans le cas
des mouvements spéculatifs, où l'investisseur « parie » sur une forte variation du cours de la
monnaie, les rendements attendus sont élevés. Ces mouvements sont donc peu susceptibles
d'être découragés par l'imposition d'une taxe. En dernière analyse, l'imposition des opérations
sur devises accentuerait probablement la volatilité des taux de change au lieu de l'atténuer et,
en plus, réduirait la liquidité des marchés et ferait augmenter le coût du capital.

De plus, lorsque les fluctuations des marchés financiers sont attribuables à des modifications
des politiques macroéconomiques qui exposent les investisseurs à plus de risques, il est clair
qu'une taxe s'attaquerait davantage aux symptômes qu'à la cause du mal.

                                                    24
Une politique de contrôle de capitaux peut être considérée efficace comme mesure de
secours, elles auraient certes des avantages à court terme mais également des coûts à long
terme. Les avantages à court terme proviendraient de la plus grande indépendance de
politique économique par la maîtrise des taux d'intérêt dans le but de soutenir l'activité
économique (Edwards, 1998). Les coûts résultent également du risque que ces contrôles
provisoires puissent devenir permanents et être employés pour perpétuer des politiques
inadéquates plutôt que d'adopter des réformes.

                           DIFFERENTES MESURES DE CONTRÔLE DES CAPITAUX.
                    PERIODE DE CRISE, COURT TERME PERIODE DE LONG TERME
      MESURES       Rapatriement rapide des devises sur le Taxe Tobin, (régionale, mondiale).
      "FAIBLES"     territoire national.

                    Vente des devises à la banque centrale à un Transparence des agents financiers et règles
                    taux de change administré.                  prudentielles obligatoires.

                                                                    Dépôts obligatoires pour les capitaux entrants
                                                                    pendant un an (ex: Chili, 30%).

                                                                    Timbre fiscal sur les crédits en devises de court
                                                                    terme.

                                                                    Taxe sur les achats et reventes d'action et
                                                                    obligations (Brésil).

                                                                    Durée minimale et montant minimal pour l'achat
                                                                    d'actions et d'obligations par les étrangers
                                                                    (Malaisie).

                                                             Limitation et contrôle des IDE.
      MESURES       Contrôle des changes partiel (Taiwan) ou
      "FORTES"      total (Malaise).                         Non convertibilité de la monnaie (Chine).

                    Taxe à la sortie des capitaux (Malaisie, 30%
                    du principal)

                    Interdiction des crédits bancaires en monnaie
                    locale et en devises à l'étranger pour lutter
                    contre la spéculation sur la monnaie locale.

     Les contrôles des capitaux, qui ont été amplement utilisés dans les pays émergents, ne
sont sans doute pas très efficaces pour stabiliser sur une longue période les flux de capitaux et
peuvent entraîner à long terme des coûts significatifs. Imposer, comme une mesure d’urgence,

                                                   25
le contrôle des capitaux peut produire des bénéfices à court terme, mais améliorer la gestion
de la crise au niveau international serait bien sûr plus approprié. Ce qui confirme une fois
encore qu’un système financier bien portant et une stabilité macroéconomique sont des
conditions préalables à une intégration réussie au marché mondial des capitaux.

        B. Flux de capitaux et ajustement du taux de change

Ainsi, dans un monde où les marchés financiers sont ouverts et intégrés, le taux de change est
l'un des principaux mécanismes par lesquels les mesures de politique monétaire se
transmettent à l'économie. De plus, ce sont les variations du taux de change qui permettent
aux taux d'intérêt intérieurs d'être différents pendant un certain temps des taux en vigueur à
l'étranger. Par exemple, un relèvement du taux d'intérêt officiel par la banque centrale, en
réaction à des pressions de la demande et à des pressions inflationnistes au sein de l'économie,
fait augmenter le taux de change, ce qui contribue aussi à atténuer ces pressions. En même
temps, l'appréciation de la monnaie met en place les conditions qui permettront aux autres
taux intérieurs de suivre le mouvement du taux officiel et de monter à des niveaux pouvant
dépasser ceux des taux pratiqués à l'étranger. Cela est dû au fait que le taux de change est
maintenant perçu comme étant supérieur à son niveau attendu et, partant, à ce qu'il baisse à
l'avenir. Dans ce contexte, les marchés financiers feront grimper les taux d'intérêt intérieurs
afin de contrebalancer la baisse attendue du cours de la monnaie.

Toutefois, même lorsque les marchés financiers sont intégrés, un pays peut conserver une
certaine indépendance dans la conduite de sa politique monétaire par l'entremise des
mouvements du cours de sa monnaie. Mais il doit pour cela être doté d'un régime de taux de
change flottants. Si le taux de change de sa monnaie est fixe, il suit dans les faits la politique
monétaire d'un autre pays, soit celui sur lequel sa monnaie est alignée. Si les taux d'intérêt que
pratiquent ce pays montent, les taux en vigueur dans le pays dont le taux de change est fixe
devront aussi augmenter suffisamment pour que le même alignement soit maintenu. C'est
pourquoi une banque centrale dont la politique monétaire est axée sur des parités fixes ne peut
pas en même temps poursuivre un objectif intérieur.

       Dans cette même ligne d’idée, plusieurs auteurs ont essayé d’étudier la relation entre
la gestion des taux de change et les flux de capitaux internationaux. Cette relation se traduit
par les effets de la variabilité du taux de change sur ces flux. La variabilité qui est définie par
les fluctuations du taux de change autour de son taux d’équilibre peut être appréhendée selon

                                                 26
plusieurs modalités. Lorsqu'elle est fréquente mais non persistante, la variabilité est identifiée
à la volatilité. Cependant, dans le cas où elle est fréquente mais très persistante, nous sommes
en face d'un mésalignement du taux de change8 .
         Dans les pays en développement, le mésalignement prend généralement la forme d'une
surévaluation de la monnaie locale. Le taux de change officiel surévalué, en imposant un
contrôle de change très strict, est susceptible d'engendrer une situation de déséquilibre qui se
traduirait par le développement d’un marché parallèle de change.

- L’origine du Marché de Change Parallèle

         Les causes qui président à l’émergence de ce type de marché monétaire sont similaires
pour tous les pays. Nous pouvons relever : l’imposition de restrictions dans les échanges avec
l’extérieur, le contrôle des mouvements des capitaux avec le reste du monde, le
contingentement des importations et l’interdiction d’importer certains produits, l’inflation que
connaît la majorité des pays en voie de développement et où la devise étrangère est considérée
comme une valeur refuge.
         Au niveau théorique, Le débat s'est récemment focalisé sur les causes et les effets de
l’appréciation des taux de change réels dans les pays en développement et en transition. Les
points de vue s'opposent : le premier concerne la « Misalignement view » ou le "Mé-
salignement" pour qui l’appréciation du taux réel engendre une perte de compétitivité qui se
traduit à son tour par une détérioration de la balance courante. Le second, celui des
« fondamentalistes », considère que cette appréciation traduit des changements au niveau des
secteurs réels fondamentaux qui sont susceptibles d’entraîner une dégradation de l’équilibre
épargne-investissement (Marouani A., 2000 ).

- Mésalignement et flux de capitaux

         Le mésalignement du taux de change réel peut être défini comme une sorte de
déconnexion du taux de change de son niveau d’équilibre. Le taux de change d’équilibre
dépend aussi bien de facteurs structurels que conjoncturels. Dans les pays sous-développés, le
mésalignement prend généralement la forme d’une surévaluation de la monnaie locale
affectant et le commerce extérieur et la croissance économique. Ces pays opèrent une

   8
       Voir Reinhart C.M., & Reinhart V.R. (Mars 2002)

                                                         27
surévaluation du taux de change pour réaliser un contrôle de change et mettre en oeuvre une
politique protectionniste. L’une des méthodes utilisée pour faire apparaître le degré de
mésalignement consiste à utiliser le taux de change parallèle comme indicateur de
mésalignement du taux de change réel [Sekkat & Achy, 2000]. L’idée sous-jacente s'énonce
ainsi : plus le taux de change réel est surévalué, plus strict sera le contrôle de change et donc
plus importante sera la prime de marché parallèle. C’est pour cette raison que beaucoup des
pays en développement mettent en oeuvre des réformes monétaires dans le but de réduire
l’écart entre les deux taux, en procédant à une dévaluation du taux officiel et en fixant comme
objectif une prime de taux de change parallèle à un taux très réduit. Le tableau (5) montre la
prime du marché parallèle (% du marché du taux de change officiel ) dans les trois pays du
Maghreb.
            Tableau (5) Prime du Marché Parallèle (PMP) (% du taux de change officiel)
Période       Algérie                      Maroc                        Tunisie
1970-1974     51                           5                            15
1974-1979     96                           7                            5
1979-1980     242                          5                            8
1985-1989     379                          3                            4
1990-1997     194                          4                            4
Source: K.Sekkat & Achy L., Femise, June 2000

                                               Tableau (6)
                    Taux de mésalignement par rapport aux monnaies européennes
  Période               Algérie                    Maroc                       Tunisie
1970-1974               -9.14                       2.54                        -5.40
1974-1979               -1.10                       0.73                          0.56
1980-1979               -3.76                       0.29                        -2.47
1989-1985                2.12                       -3.47                         1.66
1997-1990                6.77                       -0.16                         3.33
Source : Femise, June 2000

       Dans les pays du Maghreb, les autorités sont donc confrontées à l’arbitrage suivant :
maintenir   un     système   de   change   serré    et     poursuivre   la   politique   de   stabilisation
macroéconomique au prix d’une perte de compétitivité, ou bien lever la contrainte sur le

                                                   28
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