LIVRE BLANC 7 PROPOSITIONS POUR L'AVENIR DE LA REP - LA VOIX DES PROFESSIONNELS DU RECYCLAGE
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Sommaire avant propos 3 introduction 5 une vision strategique et analytique engagee 7 nos propositions 11 conclusion 21
Avant-propos 2012 : la REP a une periode charniere 20 ans après la mise en place de la première filière de Responsabilité Elargie du Producteur (REP) - celle des emballages ménagers en 1992 - la REP connaît un véritable engouement en France : 24 filières existent ou sont en cours de création (dont 12 ces 5 dernières années), nombre record en Europe. N ouveaux obj ecti fs d e recyclage, n ouvelles fi li eres, extensi on d e fi li eres existantes, d'i nspi rati on eu ro peen n e et/ou nati onale, les am biti ons pu bli qu es en faveu r du recyclage m ettent les d ispositi fs d e REP au coeu r d es po liti qu es econ om i co-envi ron n em entales d e d emai n. Parmi les évolutions européennes majeures à venir figurent notamment : > la perspective d’une législation cadre fixant un objetif général de recyclage pour tous les emballages (industriels et ménagers), incluant un objectif spécifique pour les emballages ménagers > le projet d’une directive européenne obligeant les collectivités à mettre en place une collecte sélective des déchets gérés par le service public en 2015 > un objectif de collecte sélective pour 50% des déchets gérés par le service public en 2020 Plus spécifiquement, deux des principales évolutions de la REP concernent : > l’augmentation de la couverture des coûts des filières pour tendre vers 100%, via les contributions financières avec parfois un rôle opérationnel accru. A la clé, deux questions majeures : à quel niveau d’enveloppe globale correspond 100% des coûts ? Ensuite, quelle part du coût doit être assurée par la fiscalité, par le consommateur et/ou par la revente industrielle des matériaux ? > l’évolution des éco-organismes vers un rôle davantage opérationnel, qui pose de nombreuses questions quant à la place occupée par les opérateurs de déchets et de recyclage, présents depuis toujours sur ces métiers, et sur le respect du principe de libre concurrence, d’inspiration à la fois européenne et française.
Ainsi, la REP en France est aujourd’hui à un tournant : > les principales filières REP sont déjà mises en œuvre : le rapport au Parlement du 21 mars 20121 recommandait l’arrêt provisoire de la création de nouvelles filières et l’amélioration des dispositifs existants > malgré la crise économique majeure et persistante, les perspectives à court, moyen et long terme restent néanmoins engageantes pour le recyclage des déchets : de nouvelles relations et synergies entre les acteurs sont probablement à inventer. L’heure est donc aux retours d’expériences et à l’amélioration des dispositifs existants. D’autant que les divergences d’interprétation, voire les désaccords au niveau européen, se multiplient concernant la mise en œuvre des REP. Le manque de transparence dans le suivi des filières est une critique souvent opposée aux systèmes britannique et allemand. En France, les contestations portent surtout sur la gestion des filières par les éco-organismes (prise en charge des coûts, modification des marchés de collecte, traitement et revente, propriété des matières...). Les préoccupations sont telles que l’Autorité de la Concurrence a même été saisie de ce sujet2 à plusieurs reprises. Pou rquo i u n Livre Blan c par FED EREC ? Face aux nombreuses évolutions que vont connaître les filières REP dans les prochaines années et compte tenu des répercussions futures sur les acteurs et notamment les opérateurs de collecte, de traitement et de recyclage, toutes les entreprises adhérentes de FEDEREC ont choisi de prendre la parole à travers ce Livre Blanc et de présenter, à leur tour, leur vision de la REP et leurs idées pour demain. Depuis 1945, FEDEREC rassemble les professionnels de la valorisation et du recyclage dont l’objectif principal est l’amélioration et le développement du recyclage des déchets en matières premières recyclées. Si la gestion des déchets a, depuis, profondément évolué en raison de la règlementation foisonnante et du développement des politiques publiques sur le sujet, les 1300 entreprises adhérentes de FEDEREC ont largement contribué à l’économie du recyclage tout en s’adaptant et en sachant rester compétitives. Elles participent, via leurs moyens de production, leurs investissements, leur expertise, leur savoir-faire, leurs emplois et leur présence territoriale, à l’atteinte des objectifs règlementaires de recyclage des filières REP. Sa longue expérience pratique du recyclage permet à FEDEREC de poser un regard avisé sur le principe de la REP et de proposer des pistes d’amélioration dans l’intérêt de tous les acteurs des filières. 1 Rapport du Gouvernement au Parlement du 21 mars 2012 sur les modalités d’évolutions et d’extension du principe de responsabilité élargie des producteurs dans la gestion des déchets : « La majorité des gisements de déchets ménagers et assimilés présentant des enjeux de recyclage (...) sont désormais visés par les filières REP (...) devra systématiquement faire l’objet d’une étude d’impacts préalable». 2 Avis n°12-A-17 du 13 juillet 2012 concernant le secteur de la gestion des déchets couvert par le principe de responsabilité élargie du producteur Saisine de l’Autorité de la concurrence par FEDEREC sur le principe de proximité dans le projet d’Ecofolio et sur le décret du 2 mai 2012 4
Introduction L a REP, est définie par l’OCDE comme « un instrument de politique de l’environnement qui étend les obligations matérielles et/ou financières du producteur à l’égard d’un produit jusqu’au stade final de son cycle de vie situé en aval de la consommation ». En droit français, le Code de l’Environnement précise, dans son article L.541-10 alinéa 2, qu’ « en application du principe de responsabilité élargie du producteur, il peut être fait obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs de ces produits ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication de pourvoir ou de contribuer à la gestion des déchets qui en proviennent ». Autrement dit, si la REP est une notion juridique définie tant au niveau européen que national, les moyens d’application de ce principe sont laissés à l’appréciation de chaque Etat. En France, l’éco-organisme a été pensé comme un instrument opérationnel de mise en œuvre de la REP. Ainsi, si un éco-organisme ne peut exister qu’au travers d’une filière REP, certaines filières fonctionnent (et parfois même efficacement!) sans éco-organisme. C’est le cas par exemple de la filière des véhicules hors d’usage ou de celle des batteries automobiles. © Laurent Fau
La distinction entre REP et éco- matière environnementale, économique organisme est importante voire essentielle : et industrielle. Il s’agit plutôt de confirmer si le principe de REP trouve son origine que la construction de la société dans le droit et constitue une avancée européenne du recyclage passe aussi significative dans la gestion des déchets par une meilleure prise en compte des et dans l’incitation au recyclage, mécanismes existants notamment dans l’absence de définition législative claire le secteur des déchets industriels qui de l’éco-organisme, tant dans sa forme représentent près de 85% des volumes juridique que dans ses compétences, recyclés actuellement sans autre entraîne de nombreux flous dans financement que le prix de revente des l’interprétation des textes et des dérives matières premières recyclées. dans l’activité opérationnelle des Le recul, dont nous bénéficions tous éco-organismes. désormais sur les filières REP les plus anciennes, doit nous permettre d’analyser La mise en œuvre de la REP par les et corriger les dérives existantes en éco-organismes n’est donc ni une faisant des propositions adaptées. obligation ni une fatalité. Il ne s’agit Cette démarche a pour seul but d’assurer pas ici de remettre en cause l’existence à la REP une meilleure efficacité globale, de tous les éco-organismes. En effet, au bénéfice du recyclage et de toutes les le bilan de ces 20 dernières années parties prenantes. présente beaucoup d’avancées en En pu bliant ce Livre Blan c, FED EREC presente d es pro positi ons dans d eux secteu rs essenti els d e la REP : > l’organisation des différentes activités (collecte, traitement, vente des matières, expertise et conseil) > le statut juridique de l’éco-organisme et la gouvernance des REP en France. 6
Une vision stratégique et analytique engagée Au fil des evolutions de la REP, les eco-organismes ont vu leurs attributions s'etoffer, leurs missions se diversifier et, ainsi, leur positionnement SE MODIFIER. A leur création en France il aujourd’hui déchets diffus spécifiques, y a 20 ans, les éco-orga- ameublement…), modèle qui semble nismes étaient presque aujourd’hui s’étendre. L’éco-organisme exclusivement financiers : se retrouve donneur d’ordre pour le leur objet était de financer compte des collectivités locales et traite l’atteinte d’un taux de recyclage et, tech- en direct avec les opérateurs. A ce titre, niquement, de remplir une obligation de il lance les appels d’offres et sélectionne traçabilité des déchets afin de s’assurer les prestataires selon des critères qui lui de leur recyclage effectif. sont propres. Par la suite, les missions dévolues aux Enfin depuis peu, les éco-organismes éco-organismes ont été élargies au peuvent cumuler la gestion de plusieurs fil des réagréments et de la création filières (filières DEEE ménagers et de nouvelles filières. Les cahiers professionnels pour Eco-Systèmes et des charges d’agrément contiennent Ecologic par exemple). désormais des obligations à vocation sociale ou encore des choix de modèles économiques alternatifs (recours aux entreprises d’insertion...). Parallèlement, à ce jour, aucune La dimension d’instrument politique de sanction véritable n’existe réellement à l’éco-organisme, déjà présente dans ses l’encontre des éco-organismes en cas gènes, a alors pris davantage d’ampleur. de dysfonctionnement. S’ils risquent Une évolution majeure est intervenue « théoriquement » de ne pas être depuis 2006 avec la création des réagréés en cas de non respect des éco-organismes dits opérationnels cahiers des charges, cette sanction n’a (filière DEEE dans un premier temps, jamais été appliquée bien que plusieurs
manquements importants aient été niveaux. Cette maîtrise des coûts ne doit relevés à l’encontre d’éco-organismes, porter atteinte ni à la qualité du service aussi bien par les pouvoirs publics que rendu ni aux impératifs de sécurité par l’Autorité de la Concurrence3. et de préservation de l’environnement S’agissant des contrôles par les pou- inhérents au bon fonctionnement voirs publics, le rôle du Censeur d’Etat, des filières. qui est de veiller à ce que les capacités Le cloisonnement des filières REP se financières des éco-organismes soient traduit par une augmentation des coûts suffisantes pour assurer leurs missions de traitement alors qu’une réduction de sur la durée de leur agrément n’a été ces coûts serait clairement envisageable renforcé que très récemment et reste si ces filières s’organisaient par matériau partiel. et non par usage. C’est ainsi que Compte tenu du rôle central des éco- fonctionnent les entreprises du secteur organismes dans la mise en œuvre depuis des décennies et certains pays de la REP en France et des missions européens adoptent également ce sans cesse accrues de ces derniers, le modèle pour leurs filières REP. Ainsi, les contrôle limité et l’absence de sanction coûts de traitement seraient optimisés véritable ne peuvent que nuire à leur par le regroupement des flux séparés légitimité. et les économies d’échelle réalisées par Consciente de ce décalage entre les les centres de tri. attributions dévolues aux éco-orga- Par ailleurs, on peut supposer que nismes et l’insuffisance des contrôles certains metteurs en marché, comme auxquels ils sont réellement soumis, les acteurs de la grande distribution par l’Autorité de la Concurrence, dans son exemple, contributeurs sur plusieurs avis du 13 juillet 20124, a recommandé filières, souhaiteront, afin de réduire la généralisation de l’agrément à tous le montant de leurs contributions, les éco-organismes. Ce n’est qu’une réorienter voire mutualiser les missions première étape qu’il faudrait consolider des éco-organismes. par un cadre juridique et de gouvernance plus solide et efficace. 3 Décision n°10-D-29 du 27 septembre 2010 relative à L’intérêt et l’implication des opérateurs des pratiques mises en œuvre par les sociétés Eco-Em- de déchets et de recyclage dans les ballages et Valorplast dans le secteur de la reprise et REP les ont amenés à développer de la valorisation des déchets d’emballages ménagers plastiques. une vraie réflexion sur l’évolution des 4 Op. cit p.4 filières et identifier des pistes concrètes d’amélioration. A l’avenir, les exigences des filières REP vont devoir conjuguer une augmentation des taux de recyclage avec une meilleure maîtrise des coûts à tous 8
Afin de contribuer a la necessaire optimisation de la REP, la strategie de FEDEREC se veut volontairement constructive : Mieux travailler avec les Proposer des scenarii éco-organismes dans alternatifs en faveur du un partenariat de résultats recyclage : à atteindre : les entreprises adhérentes de FEDEREC l’objectif, pour les entreprises adhérentes souhaitent revenir à l’interprétation de FEDEREC, est de renforcer la originelle du sens de la REP, c’est-à- visibilité et la sécurité juridique, tant sur dire la responsabilité du producteur l’organisation des activités de gestion sur le déchet, et préparer la mutation des déchets et de recyclage, que sur la des éco-organismes en conséquence. gouvernance des filières. Une fois les filières devenues matures, les éco-organismes devront continuer de veiller à la traçabilité des déchets, s’assurer que le taux de recyclage fixé Anticiper les évolutions par le cahier des charges est atteint et des filières REP et des se désengager des rôles prescripteurs/ éco-organismes : gendarmes qui sont parfois les leurs aujourd’hui. dans un objectif d’intérêt général et en lien avec les pouvoirs publics, « pilotes » de la REP aujourd’hui en France, les entreprises adhérentes de FEDEREC souhaitent contribuer de manière constructive et efficace à l’amélioration des filières REP en valorisant leur savoir-faire et leur réflexion sur ce sujet.
A partir de ces axes strategiques, les operateurs, afin de jouer un role majeur dans l'optimisation des filieres REP, engageront une cooperation permanente avec les : Pouvoirs publics : Producteurs/metteurs la multiplication de leurs échanges en marché : devrait aboutir demain à une le rapport direct entre les producteurs/ règlementation prenant davantage metteurs en marché et les opérateurs en considération les contraintes et facilitera une optimisation et une spécificités liées au savoir-faire et aux meilleure maîtrise des coûts globaux, outils industriels des opérateurs. en particulier pour les distributeurs liés à plusieurs filières. De surcroît, Collectivités : les recycleurs, dont l’activité est pouvoir choisir librement les opérateurs historiquement tournée vers l’industrie, de collecte et de traitement exerçant seront plus à même de comprendre la leurs activités sur leur territoire est problématique des actuels contributeurs indispensable pour les collectivités. des éco-organismes. Confrontées à une plus grande variété Des solutions alternatives à celles pro- d’acteurs en concurrence, elles peuvent posées par les éco-organismes existent opter pour l’offre la plus adaptée comme, notamment, la mise en place de économiquement et techniquement à contrats de reprise globaux de gestion chacune d’entre elles. des déchets (gestion interfilières ou Qui plus est, l’instauration d’un dialogue gestion des déchets issus des REP et direct avec les opérateurs et le maillage ceux résultant de l’activité économique). territorial de ces entreprises, permettent une grande réactivité et l’établissement de relations de confiance. 10
Nos propositions A. PeRENNITe DES ACTIVITeS DE DeCHETS ET DE RECYCLAGE
Proposition n°1 Garantir la perennite de l'acces aux gisements des dechets issus des REP L’accès aux gisements de tous les deux défendus par les pouvoirs les déchets traités en vue de leur publics. recyclage doit être librement garanti En orientant la totalité des flux de à tous les professionnels qui DEEE vers les éco-organismes de répondent aux obligations imposées la filière, l’Etat se prive de tous les par la règlementation française autres canaux vertueux de recyclage préexistants/existants parallèlement et européenne dans ce domaine. à la REP. En effet, en obligeant les Limiter cet accès à une certaine opérateurs de traitement à contracter, catégorie d’acteurs serait clairement sous peine de sanction, avec les éco- discriminatoire. organismes, le décret confère à ces En application concrète de ce principe : derniers une exclusivité pour l’exécution réviser le décret du 2 mai 2012 relatif de prestations de traitement et de à la gestion des déchets de piles et valorisation de DEEE. accumulateurs et d’équipements En définitive, aucun opérateur ne peut électriques et électroniques afin de travailler sans accord préalable des permettre un accès aux gisements éco-organismes. pour les opérateurs qui respectent De plus, ce décret lèse également les dans leur activité, les obligations collectivités puisqu’il ne leur permet règlementaires qui leur incombent. pas de bénéficier de prix de reprise concurrentiels librement négociés avec > Exposé l’opérateur de leur choix. Pour quelles raisons privilégier certains FEDEREC a saisi l’Autorité de la Concurrence sur l’aspect concurrentiel au détriment d’autres alors que la de ce décret. réglementation serait respectée en En parallèle, FEDEREC a également tous points et que les déchets seraient formé un recours pour excès de pouvoir effectivement recyclés ? devant le Conseil d’Etat afin de demander Une entreprise dont l’activité se l’annulation pure et simple de ce décret trouverait en parfaite adéquation avec qui entrave la liberté commerciale des la règlementation et qui pourrait garantir opérateurs et restreint la concurrence la traçabilité de ses déchets et participer, pour les collectivités. via la remontée d’informations, à l’objectif Enjoindre les éco-organismes DEEE de recyclage de la filière, ne devrait en à recourir à des opérateurs dûment aucun cas se voir priver d’exercer une répertoriés, ayant les capacités partie de son activité. techniques et économiques requises et présents sur le territoire concerné, Pourtant, le décret du 2 mai 2012 interdit permettrait de surcroît de préserver aux opérateurs n’étant pas en contrat et développer les activités de déchets avec un éco-organisme DEEE de et de recyclage déjà existantes et de reprendre les déchets de la filière. maintenir voire créer ainsi de nombreux Ce texte est en contradiction avec les emplois de proximité. principes de liberté contrôlée de marché et plus spécialement avec l’objectif de promotion globale du recyclage, 12
Proposition n°2 Clarifier la notion de propriete des matieres a recycler issues des dechets des filieres REP Organiser une réflexion juridique reactions dangereuses. Aujourd’hui, il est tripartite entre les pouvoirs publics, prévu que de nouvelles matières soient les éco-organismes et les opérateurs également gérées directement par les afin de clarifier juridiquement la éco-organismes (les plastiques bromés question de la propriété des matières contenus dans les DEEE notamment). à recycler issues des déchets des La propriété est une question centrale filières REP. de la REP en raison de la valeur marchande des matières premières > Exposé recyclées et des objectifs de couverture Aujourd’hui, la question de la propriété des coûts des filières. Les metteurs en des matières issues des filières REP marché ont également intérêt, afin de n’est pas tranchée juridiquement. Encore mieux maîtriser leurs coûts globaux, à récemment, l’Autorité de la Concurrence récupérer, dans la mesure du possible, a rappelé, dans son avis du 13 juillet les matières contenues dans leurs 2012 la persistance de cette difficulté (cf. déchets pour pouvoir les réintroduire considérant 145). dans leur fabrication (fonctionnement en Il est vrai que les mécanismes juridiques circuit fermé). de gestion et de revente des matières Outre le manque de solidité juridique du sont complexes et diffèrent selon les droit de propriété attaché aux matières types de filières REP (financières ou issues des déchets de filières REP, le opérationnelles). périmètre des matières sur lesquelles Aussi, la situation diffère selon qu’on les éco-organismes revendiquent un envisage : droit de propriété est évolutif car il > la propriété d’un déchet « complexe », dépend de l’évolution même des filières c’est-à-dire composé de multiples REP. Au risque de remettre en cause des matériaux, activités établies depuis longtemps et > ou celle des fractions qui composent ainsi déstabiliser nombre d’entreprises ce déchet, notamment lorsqu’elles ont et d’emplois locaux évoluant sur ces fait l’objet d’un démantèlement et d’un marchés sur tout le territoire français. traitement dédié pour être valorisées. Dans le cas des DEEE par exemple, il a été convenu dès l’origine que les éco-organismes se chargeraient des
Proposition n°3 Prendre en compte la faisabilite techniqu e et economique des prestations en amont des appels d'offres destines aux operateurs Inscrire dans le cahier des charges Développement de ces entreprises. La de chaque éco-organisme français quête d’innovation pourrait ainsi être une étude de faisabilité technico- découragée par le modèle unique de économique préalable aux appels traitement imposé par l’éco-organisme. d’offres avec les opérateurs En effet, les opérateurs ne peuvent permettant de garantir la bonne risquer d’engager des investissements exécution de la prestation de services. lourds face aux modifications constantes Afin d’assurer l’homogénéité et des demandes des éco-organismes l’efficacité de ces études, leur parfois décalées par rapport aux réalités pilotage s’organiserait collectivement de l’activité de gestion des déchets. au sein des Comités d’Orientation Outre la valorisation de l’expertise de Opérationnelle des filières REP. l’entreprise, cette proposition permettrait de laisser aux professionnels des > Exposé déchets et du recyclage une souplesse Souvent détaillés à l’extrême et décalés opérationnelle nécessaire et adaptée par rapport à la réalité industrielle, les à leur outil industriel ainsi qu’à leurs cahiers des charges techniques émis contraintes économiques tout en par les éco-organismes dans le cadre permettant d’atteindre les objectifs fixés des appels d’offres de collecte et/ par les éco-organismes. Elle aurait, ou traitement privent trop souvent les de surcroit, l’avantage de préserver le filières REP de l’expertise et du savoir- savoir-faire des opérateurs notamment faire des opérateurs. au travers des politiques de R&D. De surcroît, en imposant, comme c’est le cas dans la filière DEEE, des équipements spécifiques, ils risquent de brider à terme la Recherche et 14
Proposition n°4 Integrer l'expertise technique et economique des operateurs dans le fonctionnement meme des filieres REP Intégrer les travaux pertinents trouvaient, en raison d’un envolement réalisés par les opérateurs et les des cours, largement surévalués par autres parties prenantes (collectivités l’éco-organisme par rapport à leur prix notamment) visant à améliorer le de vente réel. fonctionnement et l’organisation des Par ailleurs, lorsque les éco-organismes filières REP (études sur les coûts, incitent activement, par l’attribution d’un techniques…) lors de la mise en place avantage, à des choix susceptibles et du suivi des filières REP. d’influer sur les stratégies internes des professionnels du déchet, ces > Exposé orientations, ne doivent, en aucun cas, faire supporter des risques financiers La structure des coûts des éco- aux opérateurs. organismes, qu’elle résulte de leur A titre d’exemple, l’application du rôle opérationnel à travers les appels principe de proximité dans le projet de d’offres (pour les filières opérationnelles) réagrément d’Ecofolio, c’est-à-dire ou des travaux de réflexion sur les une réorientation des flux de matières coûts optimisés (pour les filières qui ne serait fondée ni sur la réalité financières), devrait systématiquement économique, ni sur des obligations être confrontée à la réalité du terrain, règlementaires, mais sur une préférence représentée par les opérateurs et les géographique, met les opérateurs dans collectivités dans leurs activités de une situation où ils peuvent se trouver gestion des déchets. confrontés à des risques d’impayés sans Or, dans l’exercice même des filières, que la responsabilité financière de l’éco- les éco-organismes cherchent, via leurs organisme, pourtant à l’origine de cette audits, à optimiser leur connaissance en réorientation des flux, ne puisse être vue d’une meilleure maîtrise des coûts engagée. globaux des filières. Ils construisent de ce fait des structures de coûts standardisés Cette proposition permettrait donc de qui ne tiennent pas assez compte des mieux connecter « l’économie » des aléas et impondérables qui font croître éco-organismes à l’économie réelle et les coûts supportés quotidiennement, ainsi assurer la pérennité des activités tant par les collectivités que par les de recyclage, la création de valeur et opérateurs. Par conséquent, ils sont d’emplois locaux. Elle pourrait en partie de moins en moins flexibles dans la s’intégrer au cadre des discussions des rédaction des contrats de prestations et Comités d’Orientation Opérationnelle. de revente des matières. Par exemple, certaines filières de recyclage ont rencontré de réelles difficultés de revente lorsque les prix des matières, indexés sur de mauvais indices dans les contrats de reprise, se
© Laurent Fau 16
B. STATUT JURIDIQUE ET GOUVERNANCE DES ECO-ORGANISMES
Proposition n°5 Demander une clarification du statut juridique des eco-organismes et de leurs competences En l’absence de cadre obligatoire, plus adaptée), cet état de fait juridique réfléchir à d’autres formes juridiques devient d’autant plus complexe quand qui correspondraient mieux à la ladite société se voit confier l’exercice philosophie de la REP (fédérer tous les d’une mission d’intérêt général. C‘est acteurs autour de l’objectif commun aujourd’hui le cas de tous les éco- du recyclage) tout en offrant une plus organismes agréés en France. grande transparence dans la gestion Cette association paradoxale de des filières. La Société d’Intérêt structure privée et d’attributions de Collectif (SCIC) ou le Groupement personne publique confère aux éco- d’Intérêt Economique (GIE), voire la organismes une flexibilité et des pouvoirs création d’un statut sui generis de dont aucune autre entité équivalente l’éco-organisme compte tenu des ne bénéficie. Cette particularité est particularités liées à son origine et à également source, notamment dans le ses missions, pourraient conjuguer cas des éco-organismes opérationnels, ces deux exigences. de par leur position de donneur d’ordre au sein des filières, d’une grande > Exposé insécurité juridique pour les opérateurs, Bon nombre de dérives évoquées et plus largement pour tous les acteurs précédemment sont directement ou de la filière, quant au périmètre d’action des éco-organismes. indirectement liées à la particularité du statut de l’éco-organisme. En effet, bien qu’aucune forme juridique ne soit imposée dans les textes, la société anonyme à « but non lucratif » est, en pratique, largement privilégiée. S’il peut paraître paradoxal de conjuguer une structure de société commerciale avec l’absence obligatoire de bénéfices (l’association, dans ce cas, semblerait 18
Proposition n°6 démontrent leur capacité à trouver des débouchés satisfaisants, les éco- organismes devraient se conformer Concentrer les missions des eco- à leurs cahiers des charges et aux organismes sur la performance de règles juridiques régissant les activités la filiere REP économiques et techniques du recyclage (droit commercial notamment). Prioriser les missions des éco- Au-delà des audits, les cahiers des organismes en se fondant sur leurs charges d’agrément contiennent de plus attributions d’origine et en s’assurant en plus de dispositions permettant aux régulièrement de la pertinence éco-organismes d’influer sur la politique des missions additionnelles qu’ils interne ou les orientations stratégiques assument. Envisager la suppression des opérateurs. de ces attributions si l’intérêt de la C’est le cas par exemple du projet de filière ne le justifie plus. réagrément d’EcoFolio dans lequel ce dernier souhaiterait favoriser > Exposé indirectement les opérateurs répondant à L’emprise croissante des éco- une liste de critères portant tant sur leurs organismes sur les filières de recyclage choix économiques (approvisionnement se traduit, pour les opérateurs, par des usines de proximité) que sur leurs une ingérence parfois difficilement ressources humaines (emploi d’actifs compréhensible dans leur activité. « en difficulté »). Alors qu’à l’origine, les éco-organismes réalisaient des audits pour s’assurer de S’il ne s’agit pas de remettre la traçabilité des matériaux, ils ont, au systématiquement en question le fil du temps, élargi le champ de leurs bien-fondé de ces mesures, on peut, contrôles, allant dans certaines filières en revanche, s’étonner du fait que les jusqu’à l’analyse des installations et éco-organismes en soient les vecteurs. process industriels. Certaines données Ne serait-il pas plutôt du devoir de constituent des informations sensibles l’Etat ou de ses représentants de porter pour les opérateurs, et leur contrôle, dès des orientations politiques de cette lors qu’il n’est pas en lien direct avec les envergure ? Par ailleurs, quelle est obligations imposées à l’éco-organisme, l’exacte contrepartie, là encore dans un ne peut être considéré que comme souci d’équilibre des rôles de chacun, disproportionné. entre le pouvoir des éco-organismes Conscients de la nécessité des audits et les sanctions qu’ils encourent de traçabilité, les opérateurs réclament théoriquement ? que ces interventions ne soient pas excessives tant dans leur fréquence Il ne serait ainsi pas abusif, pour les que dans leur niveau d’investigation. En prochains réagréments de prévoir et effet, une gestion pérenne de la REP veiller à la mise en place de sanctions réside dans le nécessaire équilibre entre effectives et adaptées en cas de transparence des filières et respect du manquements des éco-organismes aux savoir-faire et de la confidentialité des obligations de leur cahier des charges. opérateurs (secret des affaires). Dès lors que les exigences environnementales de la filière REP sont respectées et que les opérateurs
Proposition n°7 Accroitre la participation des operateurs-recycleurs dans la gouvernance des filieres Modifier la gouvernance actuelle ces deux catégories d’acteurs au sein des éco-organismes afin d’assurer des filières. une représentativité des opérateurs Les éco-organismes ont toujours proportionnelle dans la gouvernance opposé aux opérateurs le risque de des filières REP à leur implication au prise illégale d’intérêt. Selon eux, les sein de ces dernières. opérateurs ne peuvent être à la fois décideurs dans l’attribution des marchés > Exposé de collecte et de traitement et candidats à ces marchés. Néanmoins, plusieurs Les opérateurs estiment ne pas être éco-organismes ont, au sein de leur suffisamment associés à la gouvernance Conseil d’Administration des membres des filières REP. Ils participent, certes, (personnes physiques) d’entreprises aux Commissions Consultatives contributrices ou de groupements de d’Agrément (CCA), à la Commission contributeurs qui représentent aussi des d’Harmonisation et de Médiation des prestataires de collecte et de traitement Filières (CHMF) ainsi qu’aux Comités (filières meubles et DEEE par exemple). d’Orientations Opérationnelles (pour les Par conséquent, si la prise illégale filières opérationnelles). Néanmoins, d’intérêt n’était in fine pas caractérisée toutes ces instances ne sont que dans ces filières, rien ne s’opposerait à consultatives et les éco-organismes ne ce que les opérateurs soient représentés sont donc pas strictement liés par les dans ces instances. décisions prises en leur sein. Afin de pouvoir prendre part de manière effective à la gouvernance des filières, les opérateurs souhaiteraient être représentés au Conseil d’Administration des éco-organismes. Une participation des collectivités serait également légitime compte tenu de l’implication de 20
Conclusion L a REP est désormais reconnue comme une des modalités possibles de gestion de certains déchets en France. Si la pratique consacre un modèle particulier de mise en œuvre de cette responsabilité - la mise en place d’éco-organismes -, les pouvoirs publics pourraient vouloir initier une politique différente de celle menée depuis 20 ans. La REP demain, c’est davantage de produits concernés mis sur le marché (élargissement des gisements), davantage d’argent versé par les entreprises contributrices (augmentation des taux de couverture), davantage de contrôles par les services de l’Etat (harmonisation et homogénéisation des filières). Ce ne peut être qu’une responsabilité sur le déchet et non une mainmise sur la matière qui n’est plus un déchet. Reste en suspens un certain nombre de questions dont le type et le périmètre des missions des éco-organismes (vers davantage d’opérationnalité ?) et les contours du cadre juridique et de gouvernance qui les guidera demain. Tous les professionnels du recyclage, et parmi eux l’ensemble des entreprises adhérentes de FEDEREC, se trouvent confrontés à une situation nouvelle exigeant un positionnement actif et une stratégie claire et déterminée afin d’assurer l’avenir de leur engagement dans la REP. Au regard des perspectives qui se dessinent, FEDEREC prône un retour vers la philosophie première de la REP avec une prise en considération renforcée des acteurs mobilisés et des filières davantage ancrées dans l’économie réelle. Les pistes d’amélioration sont multiples : > une gouvernance plus participative et plus soucieuse des réalités et des acteurs du terrain > davantage d’interactions entre les différents acteurs pour œuvrer ensemble à l’optimisation des filières > une vigilance accrue face aux risques de mainmise disproportionnée des acteurs des filières REP sur les matières > la nécessaire mutation du rôle actuel des éco-organismes, une fois les filières régulées et autonomes
Toute initiative visant à modifier, pour l’améliorer, la REP doit tenir compte à la fois de l’existant mais également des spécificités de fonctionnement de ce dispositif très original. Il ne faut pas oublier que les déchets issus de la REP ne représentent qu’une part très minoritaire des flux totaux de déchets recyclés en France et en Europe par les professionnels de la valorisation et du recyclage. Ces professionnels ont mis en place des systèmes pérennes dont les filières devraient en partie s’inspirer pour optimiser leur fonctionnement. Par ailleurs, la REP est et reste, avant tout, un « système politique » avec sa gouvernance collective si particulière. Ses réussites comme ses échecs sont d’abord liés au nombre de produits triés par les Français en vue de leur recyclage. C’est donc par une « action politique », en lien avec les pouvoirs publics, que les entreprises du recyclage proposent leurs pistes d’optimisation de la REP. C’est par des alliances indispensables au moment des décisions, puis de la mise en œuvre des plans d’actions, que les entreprises du recyclage pourront convaincre toutes les parties prenantes du bien fondé de leurs initiatives. Prendre l’initiative de « faire bouger les lignes », d’anticiper de futurs changements initiés par les pouvoirs publics, de contribuer à améliorer l’efficacité de la REP et ainsi faire valoir leur vision stratégique et leurs enjeux économico-environnementaux, telle est l’ambition de toutes les entreprises du recyclage en France à travers ce Livre Blanc. Puisse leur voix être écoutée, puis entendue. 22
PUBLIÉ EN novembre 2012
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