Lutte contre les strongles digestifs : Une nouvelle donne, de nouvelles pratiques, des perspectives prometteuses - Geode sheep
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Lutte contre les strongles digestifs : Une nouvelle donne, de nouvelles pratiques, des perspectives prometteuses
« Avec l’identification du caractère de résistance génétique du mouton aux strongles digestifs, c’est une mine de recherche et de perspectives qui s’ouvre. Je déplore néanmoins l’application très tardive en élevage des recherches initiales. Dans l'idée de ne pas avoir à gérer dans un avenir proche une impasse sanitaire majeure pour l’élevage pâturant du fait de l'utilisation des molécules antiparasitaires à outrance, il nous a semblé indispensable de connaitre la diversité génétique de nos races par rapport à ce nouveau caractère génétique. La recherche de méthodes alternatives au « tout chimique » générateur d’adaptations très rapides des parasites est un enjeu de premier ordre pour la filière de l’élevage ovin, et correspond à une vraie attente sociétale. L’introduction d’ovins résistants aux strongles dans les élevages est une des voies, très prometteuse, de la lutte intégrée contre le parasitisme à l’avenir ». GUY GÉRARD MERLANDE président de GEODE 2
DES ANTIPARASITAIRES DE MOINS EN MOINS EFFICACES Depuis des décennies, le contrôle de strongles digestifs repose quasi exclusivement sur l’utilisation de molécules chimiques. Avec l’apparition des résistances, la donne est en train de changer, imposant de nouvelles pratiques. Les strongles digestifs constituent des Préserver l’efficacité des molécules existantes parasites majeurs chez les ovins, jeunes Toutes les molécules appartenant à sélectionnées avec le temps car elles ou adultes. Une espèce, Haemonchus une même famille partagent le même offrent un avantage sélectif aux vers qui contortus, est particulièrement redou- mode d’action, c’est-à-dire qu’elles ont les portent. Le basculement vers des table car elle se nourrit du sang de son les mêmes cibles sur les parasites. À populations de parasites entièrement hôte et peut entraîner des pertes de l’instar de ce qu’on connaît pour les résistantes ne se fait pas « d’un seul production et de la mortalité. D’autres antibiotiques, l’utilisation massive et coup ». Il est au contraire progressif, espèces, comme Teladorsagia circum- systématique des molécules anthel- parfois très lent, passant par une phase cincta et Trichostrongylus colubriformis minthiques a entraîné l’apparition de insidieuse pendant laquelle l’éleveur ne sont pas aussi pathogènes que la résistance dans les populations de ne se doute de rien. Plus grave encore, première mais engendrent des pertes parasites digestifs. Leurs grandes nous rencontrons aujourd’hui des popu- économiques non négligeables : retards capacités d’adaptation ont joué à plein lations parasitaires multirésistantes, de croissance chez les agneaux et les pour leur permettre de développer des c’est-à-dire résistantes à plusieurs agnelles, moindre production de lait résistances aux antiparasitaires. Des familles différentes d’antiparasitaires. chez la brebis. En dépit d’un choix mutations spontanées surviennent Pour y faire face, Il faut absolument très large de spécialités disponibles, continuellement dans les populations préserver l’efficacité des molécules notre arsenal thérapeutique se limite de parasites. Celles qui confèrent la existantes en leur adjoignant des en réalité à quatre grandes familles résistance à un antiparasitaire seront méthodes de lutte complémentaires. de produits : • les benzimidazoles, produits blancs administrés en buvable, • les imidazothiazoles avec des formes « Le basculement vers des popu- à administrer en buvable ou en lations de parasites entièrement injectable, résistantes est progressif. Il passe • les avermectines avec des formes par une phase où l’éleveur ne se à administrer en buvable ou en doute de rien ». injectable, • L a moxidectine avec des formes à administrer en buvable ou en PHILIPPE JACQUIET injectable. École Nationale Vétérinaire de Toulouse Notre arsenal thérapeutique se limite en fait à 4 familles seulement. Certaines populations parasitaires sont aujourd’hui multirésistantes, c’est-à- dire résistantes à plusieurs familles différentes d’antiparasitaires. 3
LES RÉSISTANCES GAGNENT DU TERRAIN La grande majorité des études réalisées en élevages révèle des résistances. Les résultats présentés dans cet article ne se veulent pas représentatifs des exploitations ovines. Ils dressent seulement un aperçu. À l’heure actuelle, les trois espèces D’autre part, les résistances ne Lorsqu’une résistance des majeures de strongles digestifs ont concernent pas nécessairement toutes développé des résistances à la famille les espèces de strongles. C’est le cas strongles à une molécule est des benzimidazoles dans des propor- de l’élevage C (tableau 2). Le plus avérée dans un élevage, la tions qui paraissent inquiétantes. redoutable des strongles, Haemonchus L’exemple ci-dessous concerne 7 contortus ne présente pas de résistance molécule est inefficace pour élevages ovins de l’est de la Nouvelle au lévamisole contrairement aux deux éliminer les vers résistants, Aquitaine (tableau 1). Une résistance autres espèces de strongles. Cela signi- quelles que soient la dose et la au fenbendazole a été identifiée dans fie que le traitement doit être adapté à toutes les exploitations testées. Cela la saison (proéminence plus ou moins voie d’administration. signifie que cette matière active n’est importante des espèces de strongles) plus efficace. Elle doit être remplacée et également à l’élevage. par des produits appartenant à une autre famille. D’autre part, cinq élevages sur sept présentent également une TABLEAU 1 - DES ÉLEVAGES AVEC DES STATUTS DIFFÉRENTS résistance au lévamisole. Une résis- tance à la moxidectine est également ÉLEVAGE A B C D E F G mesurée dans un élevage. Enfin, une suspicion de résistance au monépantel Fenbendazole et à l’ivermectine a été observée dans Levamisole un troupeau pour chaque molécule. MATIÈRE Source : ENVT/CIIRPO 2018/19 - Étude réalisée dans le cadre de la thèse vétérinaire d’Aline Richelme et Sébastien Greil (2018-19) Ivermectine ACTIVE Moxidectine Monopantel TABLEAU 2 - D ES RÉSISTANCES VARIABLES SELON LES ESPÈCES DE STRONGLES Exemple d’un élevage situé au sud de la Haute-Vienne Haemonchus Teladorsagia Trichostrongylus TYPE DE STRONGLES contortus circumcincta colubriformis Fenbendazole Levamisole Ivermectine MATIÈRE ACTIVE Moxidectine Lorsqu’une résistance est établie, elle est irréversible. Monopantel Closantel - - POUR EN SAVOIR PLUS : « Résistance aux antiparasitaires : état des lieux dans 7 élevages Produit efficace : Douteux : Produit partiellement ou les strongles gastro-intestinaux les résultats obtenus n’ont totalement inefficace : du nord-est de la Nouvelle Aquitaine » n’ont pas développé de pas permis de conclure à une les strongles gastro-intestinaux résistance efficacité du produit ont développé des résistances En ligne sur idele.fr/ciirpo 4
Du côté des anticoccidiens… Au cours de l’année 2021, l’organisme Dans la station des béliers Berrichons de sélection ovin GEODE, en partenariat du Cher, le toltrazuril conserve une avec l’équipe Parasitologie de l’ENVT efficacité globale satisfaisante (> 95%), Tester l’efficacité d’une matière active a investigué dans deux stations de alors que le diclazuril montre un début est réalisé à partir de coproscopies. contrôle individuel de béliers Berrichon de défaut d’efficacité (92 % d’effica- du Cher et Rouge de l’Ouest les efficaci- cité). Le même constat est fait dans la tés de deux traitements anticoccidiens : station des béliers Rouge de l’Ouest, Ces résultats sont inédits en élevage le diclazuril et le toltrazuril . où le diclazuril affiche un petit défaut ovin français. Ils montrent que même Trois lots d’animaux par station ont été d’efficacité (93 %). Quand on évalue si l’efficacité des traitements n’est pas constitués : un lot témoin non traité, les efficacités des traitements sur les effondrée, des espèces de coccidies un lot traité avec le diclazuril et un lot différentes espèces de coccidies, on pathogènes résistantes peuvent être traité avec le toltrazuril. Des analyses constate des défauts d’efficacité sur sélectionnées. Bien que cette situation coprologiques individuelles ont été des espèces pathogènes, notamment ne soit pas encore généralisée, il est réalisées au moment du traitement et Eimeria crandallis (75 % et 80 % d’effi- possible que dans un avenir proche, 8 jours après et ont permis d’évaluer cacité du diclazuril respectivement dans les résistances aux anticoccidiens l’excrétion d’oocystes de coccidies dans les deux stations) et Eimeria ovinoidalis se rajoutent à la problématique des les matières fécales. Les espèces avant (92 % d’efficacité du diclazuril dans les résistances aux anthelminthiques en et après traitement ont également été deux stations). élevage ovin. identifiées. LE MÉCANISME DE LA RÉSISTANCE Dans une population de strongles, il y a toujours liée à une mutation génétique. Si la matière active résistants vont alors se reproduire davantage et quelques individus qui présentent une résistance est régulièrement utilisée, les individus sensibles ainsi devenir de plus en plus nombreux au fil des à telle ou telle matière active. Cette dernière est vont être régulièrement éliminés. Les individus générations. PRESSION DE SÉLECTION • Traitements fréquents • Traitement de tous les animaux d’un lot SGI sensibles et résistants Survie des Multiplication des en parts variables SGI résistants SGI résistants Pour évaluer si un traitement DÉLAI INDICATIF ENTRE TRAITEMENT ET COPROLOGIE DE CONTRÔLE est efficace SELON LE TRAITEMENT ANTHELMINTHIQUE UTILISÉ Si vous avez des doutes sur l’efficacité d’un Famille de molécule Molécule active Contrôle après traitement antiparasitaire, vous pouvez demander Imidazothiazoles Lévamisole 7 – 10 jours conseil à votre vétérinaire pour réaliser un test d’efficacité. L’évaluation d’un traitement Albendazole est réalisée à partir de coprologies sur au Fenbendazole moins 10 brebis. Pour pouvoir interpréter Benzimidazoles 10 - 14 jours Nétobimin son résultat, il faut bien sûr que les animaux excrètent des œufs de strongles avant le Oxfendazole Source : École Nationale Vétérinaire de Toulouse traitement. Les crottes des mêmes brebis Ivermectine sont prélevées dans les délais indiqués dans Avermectines Eprinomectine 14 - 17 jours le tableau ci-contre. On peut ainsi calculer un pourcentage de réduction de l’intensité Doramectine d’excrétion d’œufs après le traitement. Moxidectine Moxidectine 17 - 21 jours S’il est inférieur à 95 %, une résistance est Plus de 2 molécules testées en même temps dans l’élevage 14 jours suspectée. 5
LES BONNES PRATIQUES POUR LIMITER LES RÉSISTANCES Aucune nouvelle molécule antiparasitaire ne va être mise sur le marché dans les prochaines années ou bien elle sera chère compte tenu des coûts de développement. Il faut donc préserver l’efficacité des molécules actuelles. Cela est possible en adaptant ses pratiques. Ne traiter que lorsque Alterner les familles cela est nécessaire de molécules Limiter le nombre de traitements par En matière de produits antiparasitaires, an revient à diminuer la pression de le choix des marques commerciales est sélection exercée sur les populations large. En réalité, l’arsenal thérapeu- S’assurer de l’efficacité des de parasites. Bien évidemment, il ne tique se limite à 4 familles de produits. s’agit pas de laisser les animaux sans Toutes les molécules appartenant à une produits qu’on utilise est la protection, il s’agit plutôt de traiter à même famille partagent le même mode première chose à faire pour bon escient, c’est-à-dire de répondre à d’action, c’est-à-dire qu’elles ont les limiter les résistances. ces deux questions : quel lot d’animaux mêmes cibles sur les parasites. Ce sont dois-je traiter en priorité ? Et quand ? donc les familles qu’il faut alterner et (voir page précédente) Cette nouvelle approche nécessite de non les marques, et ce, y compris sur s’appuyer sur un minimum d’analyses un même lot et dans la même année. qui vont être réalisées à des moments clés de la vie du troupeau : avant la lutte, avant l’agnelage, à la rentrée en berge- rie par exemple. L’analyse coprologique de mélange permet d’évaluer efficace- LE CYCLE DES STRONGLES DIGESTIFS EN 6 ÉTAPES ment l’intensité d’excrétion moyenne d’un lot d’animaux (lot d’agneaux, lot d’agnelles, brebis réparties selon des Les larves L3 sont Les strongles adultes pondent lots d’agnelage par exemple). Couplé ingérées et se développent des œufs qui se retrouvent dans en adultes les matières fécales avec des indicateurs zootechniques comme la note d’état corporel ou bien clinique comme la coloration Ingestion L3, développement au stade des muqueuses oculaires, le résultat adulte et ponte des œufs : d’une analyse coprologique permet de 2 à 3 semaines prendre une décision : je traite ou au contraire je sursois temporairement Les larves L3 migrent Phase libre de Les matières fécales au traitement sachant que je ferai à vers les herbes qui vont 1 à 3 semaines (avec les œufs) se retrouvent nouveau une analyse dans quelques être ingérées pour que les œufs dans les prairies deviennent des larves L3 mois ou même quelques semaines si infestantes nécessaire. L’interprétation des données coprologiques n’est pas toujours aisée mais par expérience on sait que des Les œufs éclosent intensités moyennes d’excrétion supé- et les larves rieures à 1 000 œufs par gramme de se développent matières fécales doivent être prises (stades L1-L2-L3) en considération pour la santé des animaux mais aussi et surtout pour la contamination future des pâtures. Certains abaisseront ce seuil à 500. 6
Les parcelles dites « saines » sont à réserver aux agnelles et aux agneaux. Traiter au juste poids En matière de traitement antipara- sitaire, un surdosage est une perte d’argent et un risque de toxicité. Un sous-dosage est un risque pour le UN TEMPS CHAUD ET HUMIDE EST IDÉAL POUR LES PARASITES développement de résistances et l’ef- ficacité. Il est donc primordial d’avoir PAR TEMPS CHAUD ET HUMIDE Charge parasitaire une évaluation du poids de l’animal le (idéal pour les parasites) plus lourd du lot à traiter. Le bon état PIC D'INFESTATION EN JUIN du matériel de traitement (pistolet PAR TEMPS FROID ET/OU SEC drogueur) est également important. PIC D'INFESTATION EN JUILLET/AOÛT Des traitements antiparasi- taires à longue rémanence peuvent retarder l’installation Mai Juin Juillet Août Sept. de l’immunité chez les jeunes. Réserver les parcelles saines aux jeunes Le niveau de contamination des taux, céréales, vergers, vignes… Mais La première catégorie de prairies, parcelles par les larves infestantes de attention, pour décontaminer une prai- c’est-à-dire les « saines », est à réser- strongles digestifs reste dépendant de rie, il faut 18 mois voire trois ans sans ver aux animaux présentant le moins la conduite du pâturage. Les prairies animaux. En dessous de cette durée, d’immunité, c’est-à-dire les jeunes : dites « saines » sont des parcelles qui on observe seulement une diminution agneaux et agnelles. Cela suppose n’ont pas été pâturées depuis plus de 2 de la pression parasitaire. A contrario, toutefois que la biomasse offerte et mois. Elles peuvent être nouvellement les parcelles dites « à risques » ont été sa qualité correspondent aux besoins implantées ou bien avoir été fauchées pâturées par des agneaux, des agnelles alimentaires des animaux. au cycle précédent par exemple. Ce peut ou des brebis autour de l’agnelage au également être des surfaces externes cycle précédent. au système fourrager : couverts végé- 7
LA RÉSISTANCE GÉNÉTIQUE : UNE STRATÉGIE D’AVENIR La génétique s’oriente vers un nouveau critère de sélection permettant de valoriser les animaux les plus résistants au parasitisme. Les attentes sociétales s’orientent Station de Contrôle Individuel Aptitudes de plus en plus vers une agriculture Bouchères avant d’intégrer les centres respectueuse de son environnement. d’insémination ou d’être commercialisés En parallèle, le réchauffement clima- en ferme pour la monte naturelle. Les tique, avec toutes ses conséquences meilleurs jeunes béliers de la race, pour (émergences de nouvelles maladies, chaque génération, sont élevés quelques alternance de périodes très chaudes mois ensemble afin de comparer leur et très froides, vers une diminution des aptitude à résister à une infestation ressources en eau ou des disponibili- parasitaire en maîtrisant les effets du tés fourragères) oblige la production milieu : les jeunes mâles sont d’âges agricole à s’adapter à de nouvelles similaires, ils sont conduits ensemble, conditions. Grâce aux recherches de en bergerie exclusivement. nouveaux critères de sélection, la géné- Après deux infestations expérimentales AGATHE CHEYPE tique dispose de leviers pour adapter de larves d’haemonchus contortus, des Institut de l’Élevage les animaux de demain à ces nouvelles coproscopies individuelles mesurent le contraintes. nombre d’œufs de strongles intestinaux « La sélection génétique de Des animaux de races locales, plus excrétés et des prises de sang évaluent la résistance au parasitisme résilients et plus résistants, aptes à le taux d’hématocrite (tableau). constitue un levier d’avenir valoriser l’ensemble des ressources du Le nombre de larves ingérées par les prometteur pour contribuer à territoire en permettant aux éleveurs de animaux permet de provoquer une la durabilité des exploitations vivre de leurs produits : c’est l’enjeu de réponse immunitaire du bélier sans ovines ». la génétique. pour autant causer d’impact négatif La résistance aux strongles digestifs est sur la croissance et la santé des jeunes mesurée sur les jeunes béliers Rouge reproducteurs. de l’Ouest lors de leur passage en « La résistance aux strongles digestifs MESURES RÉALISÉES SUR LES BÉLIERS a été mesurée sur les jeunes béliers DE LA STATION DE CONTRÔLE INDIVIDUEL Rouge de l’Ouest lors de leur passage en Station de Contrôle Individuel Nombre Aptitudes Bouchères ». d’œufs de Taux Jour Infestation strongles Hématocrite digestifs GENIÈVE BOUIX J0 3 500 L3 oui oui GEODE infestation 1 d'H. contortus J + 30 - oui oui J + 45 5 000 L3 oui oui infestation 2 d'H. contortus « Sélectionner des reproducteurs J + 75 - oui oui génétiquement résistants aux parasites gastro-intestinaux permettra à l’élevage ovin de faire face aux enjeux actuels et futurs ». Les béliers les plus résistants au parasitisme sont aussi les FLAVIE TORTEREAU plus résilients, c’est-à-dire qu’ils INRAE vivent bien avec leurs parasites 8
Face aux parasites, toutes les brebis ne sont pas à égalité. Des perspectives de sélection très encourageantes La première infestation permet de En effet, il est démontré que les béliers stimuler l’immunité des jeunes béliers. transmettent une part non négligeable LA RÉSISTANCE DES ANIMAUX C’est au terme de la seconde infesta- de leur résistance ou de leur sensibilité AU PARASITISME EST tion expérimentale que les béliers se génétique à leur descendance. Avant HÉRITABLE AVEC DES TAUX différencient très nettement selon leur de disposer d’index traduisant la plus intensité d’excrétion d’œufs. Certains ou moins grande résistance génétique D’HÉRITABILITÉ DE 0,20 À 0,35 individus présentent un phénotype des béliers au parasitisme, il reste SELON LES RACES OVINES « Résistant » et vont excréter peu pour les ovins allaitants, à évaluer les d’œufs de strongles, et d’autres de corrélations génétiques qui existent Pour une meilleure efficacité, phénotype « Sensible » excrètent entre la résistance au parasitisme la sélection est à considérer en beaucoup d’œufs (graphe). des béliers et les autres critères en La grande variabilité observée entre sélection. synergie avec les autres leviers de les béliers offre des perspectives de gestion du parasitisme : sélection très prometteuses. • Le contrôle régulier des niveaux d’infestation des animaux les plus fragiles (jeunes, agnelage…) RÉPARTITION DES BÉLIERS SELON LEUR INTENSITÉ D’EXCRÉTION D’ŒUFS • L’alternance du pâturage entre les bovins et les ovins OPG 20 000 RÉSISTANT SENSIBLE • La rotation du pâturage… 15 000 10 000 5 000 Source : GEODE 0 Bélier N°1 ← Résultats individuels des 424 béliers testés → Bélier n°424 9
CONCENTRÉS DE TANINS : DES PREMIERS RÉSULTATS DÉCEVANTS DES GRANULÉS EN CURE DE 3 SEMAINES Une cure de trois semaines d’un granulé riche en tanins condensés n’apparait pas comme une solution pour limiter le recours aux antiparasitaires chimiques dans les doses testées. En 2020 et 2021, trois essais ont testé vement en bergerie. Un des deux lots a un mélange commercial qui se présente reçu le granulé riche en tanins à hauteur AVERTISSEMENTS : sous la forme de granulés déshydratés. de 70 g par brebis et par jour (recom- Il est composé de sainfoin associé à mandations du fabricant) pendant 21 • Cette fiche décrit les résultats d’autres extraits de plantes à propriété jours en complément de sa ration. Des des essais avec leurs conditions anthelminthique. La teneur en tanins analyses coprologiques individuelles de de réalisation : dose, durée de condensés dans ce granulé est de 20 %. chaque brebis au début de l’essai et à consommation… Cette étude a été réalisée au CIIRPO son terme ont été réalisées. Au final, il Ils ne préjugent en aucun cas (Centre Interrégional d’Information et n’y a pas de différence significative d’in- de Recherche en Production Ovine) sur tensité d’excrétion d’œufs de strongles de résultats d’études réalisées le site expérimental du Mourier et chez digestifs entre les brebis ayant reçu dans des conditions différentes, deux éleveurs sélectionneurs en race la cure avec le complément riche en • L’analyse coprologique mesure Rouge de l’Ouest. L’essai a comparé tanins condensés et celles qui ne l’ont le nombre d’œufs présents dans deux lots de brebis alimentées exclusi- pas consommé (tableau). les fèces pour chaque parasite. C’est une analyse dont le résultat n’est valable qu’à l’instant du prélèvement, l’excrétion d’œufs varie dans le temps. • L es quantités de concentré ont été distribuées selon les recommandations du fabriquant ou d’experts sur le sujet. Au final, le taux de tanins dans la ration est inférieur à 1 %. LÉA BORDES En thèse à l’École Nationale Vétérinaire de Toulouse « Nous n’avons pas observé de différence significative d’ex- crétion d’œufs de strongles Trois essais ont été réalisés digestifs entre les brebis avec des lots de brebis qui consomment ou non des disposant ou non du granulé contenant 20 % de tanins bouchons contenant des tanins condensés sur la matière brute. condensés. Par contre, les brebis maigres excrètent si- gnificativement plus d’œufs de strongles digestifs que celles qui sont en bon état. » 10
La combinaison de la résistance génétique et de l’apport d’un concentré avec des tanins condensés a été testée sur des filles de béliers Rouge de l’Ouest. DES TAUX D’EXCRÉTION D’ŒUFS DE STRONGLES DIGESTIFS INCHANGÉS POUR LES BREBIS¹ CIIRPO, site Sélectionneur Sélectionneur SITE expérimental du Mourier Rouge de l’Ouest 1 Rouge de l’Ouest 2 Type de lot : avec ou sans concentré Sans Avec Sans Avec Sans Avec contenant des tanins condensés Taux de tanins dans la ration 0% 0,8 % 0% 0,8 % 0% 0,8 % Durée de distribution - 21 jours - 21 jours - 21 jours Nombre de brebis 29 29 23 27 26 29 En début 166 opg 166 opg 372 opg 495 opg 1 680 opg 1 679 opg Source : ENVT/CIIRPO/GEODE 2020/21 Taux d’excrétion d’essai [0-850]2 [0-1 050]2 [0-1 350]2 [0-2 750]2 [200-3 950]2 [600-4 900]2 en strongles gastro intestinaux En fin 1 142 opg 754 opg 979 opg 845 opg 4 051 opg 3 818 opg 1 S tatistiques : pas de différence significative d’essai [0-7 950]2 [0-4 450]2 [0-3 200]2 [0-3 300]2 [50-15 400]2 [150-14 300]2 observée entre les lots avec et sans concentré Âge moyen 3,5 ans 3,5 ans 2 ans 2 ans 1 an 1 an contenant des tanins 2 [minimum – maximum] Note d’état corporel3 en début d’essai 2,5 2,5 3 3 2,5 2,5 3 Notation de 0 à 5, de très maigre à très grasse Combiner la résistance génétique avec un concentré contenant des tanins ? Afin de mesurer une éventuelle syner- partie d’entre elles a consommé un gie entre des brebis qui supportent concentré contenant des tanins conden- plus ou moins bien les parasites et la sés, l’autre pas. Au final, la réponse consommation de concentrés contenant des brebis reste très variable mais en des tanins condensés, une étude a été moyenne, aucune différence notable réalisée avec trois lots d’animaux en d’excrétion n’est mesurée en fin de élevages en partenariat avec GEODE. cure (graphe ci-dessous). Ainsi, des béliers de race Rouge de l’Ouest ont été infestés expérimenta- lement avec des doses identiques de larves de strongles digestifs. Certains GRAPHE. L A SYNERGIE ENTRE UNE RÉSISTANCE GÉNÉTIQUE ET LA CONSOMMATION mâles dits « résistants » ont excrété peu D’UN CONCENTRÉ CONTENANT DES TANINS N’EST PAS DÉMONTRÉE d’œufs de strongles dans leur matière Moyenne d'excrétion en œufs de strongles digestifs en fin de cure fécale après infestation alors qu'au Brebis résistantes contraire, d’autres dits « sensibles » 3500 + concentré SANS Tanins 3000 ont excrété beaucoup d’œufs. 2500 Brebis résistantes Ces deux catégories de béliers ont eu + concentré AVEC Tanins 2000 comme descendance des filles qui ont 1500 Brebis sensibles été qualifiées comme leur père : « résis- 1000 + concentré SANS Tanins tantes » ou « sensibles » aux strongles 500 Brebis sensibles digestifs. Dans chaque catégorie, une 0 Lot A Lot B Lot C + concentré AVEC Tanins Source : ENVT/ GEODE 2020/21 - Thèse de Léa Bordes, Ecole Nationale vétérinaire de Toulouse 11
CONCENTRÉS DE TANINS : DES PREMIERS RÉSULTATS DÉCEVANTS DU SAINFOIN SOUS FORME DE GRANULÉS OU DE FOIN Avec les produits testés et dans les doses indiquées, aucune vertu antiparasitaire n’a été mise en évidence avec du granulé ou du foin de sainfoin. Des granulés de sainfoin en continu pour les agneaux d’herbe Au cours de deux années consécutives, sont pas différents entre les deux lots AVERTISSEMENTS : deux lots d’agneaux conduits sur une tout au long de la phase de pâturage • Cette fiche décrit les résultats même parcelle séparée en deux ont (tableau 1). des essais avec leurs conditions été comparés au CIIRPO, sur le site À la rentrée en bergerie, la complémen- expérimental du Mourier. L’un d’entre tation en sainfoin a continué jusqu’à de réalisation : dose, durée de eux recevait 400 g de granulés de sain- la commercialisation des agneaux et consommation… foin pur tous les jours. Et le second lot aucune différence d’excrétion n’a été Ils ne préjugent en aucun cas était un lot témoin, avec un apport de enregistrée non plus. de résultats d’études réalisées concentré sans tanin. Par ailleurs, l’apport de sainfoin n’a pas dans des conditions différentes, Au final, les niveaux d’excrétion d’œufs amélioré les croissances des agneaux • L’analyse coprologique mesure en strongles gastro-intestinaux ne à l’herbe. le nombre d’œufs présents dans les fèces pour chaque parasite. C’est une analyse dont le résultat n’est valable qu’à l’instant du prélèvement, l’excrétion d’œufs varie dans le temps. Les agneaux d’herbe ont reçu • L es quantités de concentré chaque jour des granulés de sainfoin ou des écorces de ont été distribuées selon les châtaignes. recommandations du fabriquant ou d’experts sur le sujet. Au final, le taux de tanins dans la ration est inférieur à 1 %. TABLEAU 1. ANNÉE 2018 2019 LES RÉSULTATS DES Type de lot : avec ou sans granulés COPROSCOPIES Sans Avec Sans Avec de sainfoin NE MONTRENT PAS Taux de tanins dans la ration 0% 0,9 % 0% 0,9 % DE DIFFÉRENCE Durée de distribution - 42 jours - 71 jours POUR LES AGNEAUX Nombre d’agneaux 24 24 21 21 À L’HERBE En début COMPLÉMENTÉS Taux d’excrétion 190 opg* 111 opg 1069 opg 518 opg d’essai EN GRANULÉS en strongles Source : CIIRPO 2019 gastro intestinaux En fin DE SAINFOIN 1040 opg 820 opg 1222 opg 2138 opg d’essai Croissance à l’herbe 247 g par jour 231 g par jour 219 g par jour 122 g par jour * opg = œufs par gramme de fèces 12
Et les écorces de châtaignes ? Les résidus d’endocarpes de châtaignes (fine pellicule entourant le fruit), contenant des tanins condensés, ont également été testés. Ils ont été distribués à des agneaux d’herbe à raison de 150 g par agneau et par jour en complément de 270 g d’un aliment concen- tré. Aucun effet n’a été enregistré ni sur les niveaux excrétions en strongles digestifs des agneaux, ni sur leurs croissances (tableau 2). Le taux d’excrétion en strongles digestifs a augmenté de la même façon avec les foins de sainfoin et de graminées. Du foin de sainfoin en cure En octobre 2021, un essai a mesuré l’intérêt d’un foin de sainfoin distribué sous forme de cure sur l’excrétion en strongles digestifs TABLEAU 2. U N TAUX D’EXCRÉTION EN STRONGLES DIGESTIFS INCHANGÉ POUR de jeunes animaux. Deux lots d’agnelles, LES AGNEAUX À L’HERBE COMPLÉMENTÉS EN ÉCORCES DE CHÂTAIGNE jusqu’alors à l’herbe, ont été rentrés en bergerie pendant 3 semaines. L’un d’entre ANNÉE 2018 2019 eux disposait d’un foin de sainfoin dosant Type de lot : avec ou sans écorce 0,6 % de tanins ; l’autre de foin de grami- Sans Avec Sans Avec de châtaigne nées pures. Les fourrages étaient à volonté Taux de tanins dans la ration 0% 0,3 % 0% 0,3 % et accompagnés d’un apport quotidien de 300 g de céréale. Durée de distribution - 42 jours - 71 jours Après les 3 semaines de cure, le taux d’ex- Nombre d’agneaux 24 24 21 21 crétion a considérablement augmenté dans En début Taux d’excrétion 190 opg* 189 opg 1069 opg 912 opg les deux lots. En moyenne, il est équivalent d’essai en strongles Source : CIIRPO 2019 que les agnelles consomment du foin de gastro intestinaux En fin 1040 opg 944 opg 1222 opg 2087 opg sainfoin ou de graminées (tableau 3). De d’essai même, l’évolution du poids et de la note Croissance à l’herbe 247 g par jour 245 g par jour 219 g par jour 176 g par jour d’état corporel au cours des trois semaines * opg = œufs par gramme de fèces de cure n’a pas été influencée par le type de foin consommé. TABLEAU 3. TYPE DE FOIN GRAMINÉES SAINFOIN LES NIVEAUX D’EXCRÉTION EN Nombre d’agnelles 30 30 Les plantes à propriétés antiparasi- Taux de tanins dans la ration 0% 0,6 % STRONGLES DIGESTIFS taires : qu’est-ce que c’est ? EN FIN DE CURE SONT Excrétion Moyenne 280 opg* 283 opg Les plantes à propriétés anthelminthiques en début Minimum 0 opg 0 opg ÉQUIVALENTS AVEC produisent naturellement des métabolites d'essai LES FOINS DE SAINFOIN Maximum 1150 opg 1200 opg secondaires dont les « tanins condensés ». ET DE GRAMINÉES Excrétion Moyenne 1391 opg 1205 opg Les plantes fourragères riches en tanins sont, pour les plus courantes, le sainfoin, en fin Minimum 450 opg 200 opg d'essai Maximum 3100 opg 2250 opg le lotier pédonculé et corniculé. On retrouve aussi quelques plantes ligneuses qui en * opg = œufs par gramme de fèces sont riches, notamment le noisetier. De précédentes études tendent à montrer que l’utilisation des plantes riches en tanins condensés aurait un impact sur l’infestation des strongles digestifs dans le tractus digestif de l’animal. Les animaux consommateurs seraient donc moins parasités et leur inten- sité d’excrétion d’œufs de strongles serait diminuée. L’utilisation d’aliments concen- trés contenant des tanins condensés a été récemment testée en site expérimental et À gauche : les granulés de sainfoin, en élevages avec des brebis et des agneaux. à droite : les écorces de châtaigne. 13
NOTES 14
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Parasitisme : agir vite pour éviter l’impasse Recueil des Assises Ovines du 12 octobre 2021 UNE BROCHURE SUR LE MÊME SUJET EST DISPONIBLE EN OVINS LAIT : « Parasitisme : agir vite pour éviter l’impasse » (Recueil des assises ovines du 12 octobre 2021) À voir sur www.idele.fr et www.inn-ovin.fr Rédaction : Philippe Jacquiet (Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse), Léa Bordes (Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse), Agathe Cheype (Idele), Flavie Tortereau (INRAE), Geniève Bouix (GEODE), et Laurence Sagot (Idele/CIIRPO) Coordination : N° PUB : 0022301022 - ISBN 978-2-7148-0209-5 - © Photos : GEODE, CIIRPO - Mai 2022 Laurence Sagot, Idele/CIIRPO Les partenaires techniques du projet : Avec la participation financière de :
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