MARIAGE POUR TOUS : LE POINT JURIDIQUE
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MARIAGE POUR TOUS : LE POINT JURIDIQUE L’association Perspectives et Actions, dont je suis le vice-président, organisait le 13 décembre 2012 une conférence sur le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels. Je suis intervenu pour poser les bases juridiques du débat, puis le Professeur TARQUINIO, psychologue, a exposé les études psychologiques réalisées sur l’homoparentalité. Les interventions de M. GATIPON BACHETTE, Président de l’association COULEURS GAIES et de Mme Anne GROMMERCH, députée, ont permis à chaque position de s’exprimer. Un débat s’en est suivi avec le public. Pierre CUNY assurait le rôle de modérateur du débat. Cette conférence a été filmée par CANAL U. Je vous propose une synthèse des arguments que je développais dans mon intervention. Trois axes étaient développés : – le droit positif français : la situation juridique actuelle en France. – le projet de Loi. – la situation à l’étranger. LE DROIT POSITIF FRANCAIS Le mariage La Loi française ne prévoit pas expressément que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme. Cela ne résulte qu’implicitement de l’article 75 du Code civil qui, prévoyant la célébration du mariage, cite « le mari et la femme ». En effet, les rédacteurs du Code civil, en 1804, n’imaginait pas que l’on prétende que le mariage puisse concerner l’union de deux personnes de même sexe. Avec l’évolution des mœurs, certains couples homosexuels ont contesté cette vision classique et traditionnelle du mariage en arguant devant les Juges que la Loi permettait le mariage de deux personnes de même sexe dans la mesure où elle ne l’excluait pas expressément. La Cour de cassation rendait un arrêt de principe le 13 mars 2007 en précisant la Loi et en indiquant que le mariage ne pouvait concerner que des personnes de sexes différents. Un couple de gays autrichiens ne s’est pas contenté de la décision de justice de leur Etat qui leur fermait le mariage et ont intenté un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme. Ce couple sollicitait la condamnation de l’Etat autrichien pour non respect des articles 8 (droit au mariage) et 14 (interdiction de toute forme de discrimination) de la convention européenne des droits de l’homme ratifiée notamment par l’Autriche et la France. La Cour européenne des droits de l’homme rendait un arrêt le 24 juin 2010 et ne faisait pas droit à la demande formulée par le couple gays autrichiens. (arrêt Schalk et Kopf c/ Autriche) Le raisonnement de la Cour était le suivant : la discrimination est une différence de traitement entre des personnes se trouvant dans une situation analogues, or la Cour a estimé que les couples homosexuels n’étaient pas dans une situation analogue aux couples hétérosexuels puisqu’ils ne pouvaient procréer.
Cette absence de condamnation de l’Etat autrichien a une importance significative. En effet, si l’Autriche avait été condamnée pour discrimination, la France aurait du modifier sa législation interne et permettre aux homosexuels de se marier ensemble pour se mettre en conformité avec la décision de la Cour. Or, cela n’a pas été le cas et c’est donc parfaitement librement, et non contraint par les instances européennes, que le gouvernement français a présenté ce projet de Loi. L’adoption 2 types : L’adoption pleinière : le lien de filiation adoptif se substitue complètement au lien de filiation biologique. L’adoption simple : le lien de filiation adoptif s’ajoute au lien de filiation biologique. Qui peut adopter ? - Un couple marié non séparé de corps, depuis plus de 2 ans ou dont chacun des membres a plus de 28 ans (article 343 du Code civil) Dans ces conditions, l’ouverture du mariage aux couples homosexuels ouvre automatiquement la possibilité pour ceux-ci d’adopter. D’ailleurs, le projet de Loi s’intitule « projet de Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe » et aucune référence à l’adoption ne figure dans l’intitulé. - Une personne seule de plus de 28 ans (article 343-1 du Code civil) (10 % des cas) La Cour européenne a jugé que le fait de refuser l’agrément d’adoption à une personne seule pour l’unique motif qu’elle est homosexuelle constitue une discrimination (arrêt Emmanuelle B c/ France du 22 janvier 2008) - Cas de l’adoption de l’enfant du conjoint On peut adopter l’enfant de son conjoint mais pas de sa compagne ou de son compagnon. Un couple de lesbiennes a introduit un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme en demandant la condamnation de l’état français pour discrimination, arguant qu’elle ne pouvait adopter l’enfant de sa compagne alors qu’une femme hétérosexuelle pouvait se marier et par conséquent adopter l’enfant de son compagnon, devenu son époux. La Cour a rejeté la demande en motivant sa décision par le fait que la lesbienne se trouvait exactement dans la même situation que la femme hétérosexuelle non mariée qui ne pouvait pas adopter l’enfant de son compagnon (arrêt Gas et Dubois c/ France du 15 mars 2012) Existe-t-il un cadre légal applicable aux enfants élevés par les couples homosexuels ? Le partage de l’autorité parentale permet à un couple homosexuel élevant un enfant de solliciter devant un Juge le partage de l’autorité parentale sur cet enfant, c’est-à-dire que chaque membre du couple puisse prendre les décisions importantes en ce qui concerne cet enfant. (article 377 du Code civil) Il est toujours possible au Juge aux affaires familiales d’accorder au compagnon du père ou à la compagne de la mère un droit de visite et d’hébergement sur l’enfant élevé en commun. (article 371-4 du Code civil). La question peut se poser de savoir s'il faut permettre une meilleure efficacité de ces deux possibilités juridiques afin de garantir l’effectivité du lien entre l’enfant et le compagnon du père ou la compagne de la mère.
LE PROJET DE LOI Il s’agit là d’un exposé synthétique et non exhaustif. Ce projet contient un « exposé des motifs » qui explique les motivations du législateur et il est suivi par 4 chapitres qui mentionnent les modifications apportées aux textes existants. L’exposé des motifs du projet est en rupture avec la vision traditionnelle du droit de l’enfant qui articule les dispositions le concernant en appréciant uniquement son intérêt supérieur qui prévalait alors sur les intérêts des parents. L’exposé des motifs axe son raisonnement sur l’insuffisance de la Loi qui ne satisfait pas aux revendications des couples homosexuels quant au mariage et à l’adoption et ne fait pas référence aux droits de l’enfant et à son intérêt supérieur. Le projet . Chapitre 1 : Un nouvel article précise que le mariage pourra être l’union de deux personnes de même sexe ou de sexes différents. Il est permis aux étrangers dont la Loi interdit le mariage entre homosexuels de se marier en France, ce qui détonne avec la législation d’autres états européens et qui est pour le moins bancal puisque le mariage du couple étranger ne pourra pas avoir d’effet dans leur propre pays. Chapitre 2 : le nom Les dispositions légales sur le nom s'avèrent en partie incompatibles avec la possibilité ouverte aux couples homosexuels d’adopter. Ex : actuellement, en cas d’absence de choix du nom, il est prévu que l’enfant portera le nom du père. Par conséquent, ce chapitre adapte les dispositions concernant le nom à cette ouverture. Chapitre 3 : suppression des vocables « père et mère » et « mari et femme » Dans la mesure où l’adoption est ouverte aux homosexuels et que, dans ces cas, l’enfant pourra avoir deux pères ou deux mères, il convient d’adapter les différents codes à cette évolution (code civil, code de l'action sociale et des familles, code de la défense, code de l'environnement, code général des impôts, code de la sécurité sociale, code des transports, code du travail, code de procédure pénale …) Chapitre 4 : dispositions transitoires. On permet aux mariages célébrés illégalement avant l’entrée en vigueur de la Loi d’être rétroactivement validés. Cette disposition est contraire au principe posé par l’article 2 du code civil de non rétroactivité des Lois civiles et est susceptible de poser une difficulté en cas d’annulation judiciaire antérieure à la validation législative rétroactive. Dans ce dernier cas, il y aurait atteinte au principe de séparation des pouvoirs, base de tout système démocratique.
LA SITUATION A L’ETRANGER Etat des lieux dans l'Union Européenne: Etats de Droits accordés aux couples homosexuels par les Etats de l'Union l'U.E. Européenne Mariage Union Adoption Adoption de P.M.A Gestation Civile l'enfant du pour autrui conjoint France ● ● Irlande ● ● Royaume-Uni ● ● ● ● Belgique ● ● ● ● ● ● Luxembourg ● ● Pays-Bas ● ● ● ● ● ● Danemark ● ● ● Suède ● ● ● ● ● Finlande ● ● ● Lettonie ● Grèce ● Hongrie ● ● ● Autriche ● ● ● Allemagne ● ● ● ● Espagne ● ● ● ● Portugal ● ● Les Etats non mentionnés ne reconnaissent aucun de ces droits aux couples homosexuels. Par exemple, l'Italie, la Pologne, Malte, Chypre, la Bulgarie, la Slovaquie, la Lituanie, la Lettonie, l'Estonie n'ont pas voté de loi en faveur du mariage homosexuel ou de l'adoption par les couples homosexuels. Hors Union Européenne: En Suisse, seule l'Union civile est reconnue. En Norvège, le mariage, la PMA, l'adoption, l'adoption de l'enfant du conjoint et l'union civile sont reconnues. En Islande, le mariage, la PMA, l'adoption de l'enfant du conjoint sont reconnues.
Etat des lieux aux Etats-Unis: Aux Etats-Unis, 10 Etats sur 50 ont reconnu le mariage homosexuel: •le Connecticut (2008) •l'Iowa (2009) •le Maine (2012) •le Massachussets (2004) •le Maryland (2012) •le New-Hampshire (2010) •l'Etat de New-York (2011) •le Vermont (2009) •Washington D.C. (2012) •l'Etat de Washington (2012). ▄ ▄ ▄ On peut regretter qu’une réflexion globale n’ait pas lieu sur les différentes questions, à savoir effectivement le mariage et l'adoption mais aussi la procréation médicalement assistée (insémination pour les lesbiennes) et la gestation pour autrui (recours aux mères porteuses pour les gays). Le Président du groupe PS à l’assemblée nationale a déjà manifesté son intention de déposer un amendement sur la PMA lors de la discussion au parlement. La ministre déléguée à la famille s’est exprimée en parlant du projet de Loi comme d’une « première marche ». Les différentes Lois bioéthiques rappellent l’interdiction de la gestation pour autrui, qui reste aujourd’hui un tabou. Mais comment refuser aux couples gays la possibilité de recourir aux mères porteuses pour pouvoir élever un enfant alors que les lesbiennes pourront le faire avec la PMA, sans être alors accusé de discrimination ? On voit bien que la question du mariage pour les couples homosexuels, qui leur ouvre l’adoption, pose par voie de conséquence des problèmes éthiques plus larges qu’il faut avoir à l’esprit.
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