Mémoire pour les consultations prébudgétaires en prévision du budget de 2021 - Par : Institut canadien de recherche énergétique

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Mémoire pour les consultations
       prébudgétaires en prévision
           du budget de 2021

Par : Institut canadien de recherche énergétique

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Liste des recommandations

•      Recommandation 1 : Que le gouvernement accorde un financement
supplémentaire de 5 millions de dollars par année au programme du Centre canadien
d’information sur l’énergie.

•     Recommandation 2 : Que le gouvernement accorde un financement de
20 millions de dollars par année pour appuyer la recherche en économie sur l’énergie
neutre.

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Recommandation 1 : Que le gouvernement accorde un financement supplémentaire de
5 millions de dollars par année au programme du Centre canadien d’information sur
l’énergie.

Le Centre canadien d’information sur l’énergie (CCIE) a été créé en 2019 pour combler
des lacunes en matière d’information au Canada. Dans le budget de 2019, il a reçu un
financement de 3 millions de dollars par année pendant cinq ans. Ce montant est
insuffisant pour que le CCIE puisse remédier au manque d’information sur l’énergie au
Canada. En outre, la période de cinq ans est trop courte pour que la société canadienne
puisse en retirer une valeur à long terme. Par conséquent, il est recommandé que le CCIE
reçoive un montant annuel supplémentaire de 5 millions de dollars (ce qui porte son
budget annuel à 8 millions de dollars) et que ce financement soit alloué de manière
permanente à Statistique Canada.

La création d’un CCIE découle d’une vision commune à de nombreux intervenants
prévoyant la contribution et le soutien de divers organismes, gouvernements, organismes
de réglementation, entreprises, universités et autres entités du Canada. Le centre reflète
les opinions formulées dans de nombreuses publications issues notamment du Sénat, du
Conseil de la fédération et de l’Institut canadien de recherche sur l’énergie pour la
période 2012-2017, ainsi que les commentaires reçus lors des consultations qui ont eu
lieu en 2015-2017, attirant des intervenants de la plupart des régions du pays.

La situation actuelle de l’information sur l’énergie au Canada possède les caractéristiques
suivantes :
   • Chevauchement de la collecte de données
   • Lacunes dans la collecte de données
   • Variations dans les méthodologies, les définitions, les périodes et la qualité
   • Difficulté à accéder aux ensembles de données et à les rapprocher
   • Variation dans la crédibilité des organisations offrant des données (manque de
   confiance)

L’objectif principal du CCIE consiste à résoudre ces problèmes. Il faudra du temps pour
aborder cette démarche de manière globale et les efforts devront être soutenus dans un
avenir prévisible.

Le milieu de l’énergie évolue rapidement, tant du côté de la production que de celui de la
demande. En tant que pays aux prises avec des problèmes liés à la transition énergétique
et au commerce, le Canada doit être en mesure de suivre, d’anticiper et de gérer les
changements apportés au système énergétique pour demeurer prospère à l’interne et
concurrentiel à l’externe. À cette fin, les Canadiens ont besoin d’outils pour comprendre
la complexité de nos systèmes énergétiques. Le CCIE peut intervenir afin que le Canada

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puisse obtenir les données sur l’énergie nécessaires à cette démarche. Notre pays jouit
d’une abondance de ressources énergétiques. Nous avons toutefois atteint un point où le
développement de ces ressources au profit de la croissance économique exigera des
choix difficiles concernant les impacts environnementaux et sociétaux associés. Il est
essentiel que les citoyens, les organisations et les gouvernements disposent de
renseignements crédibles et complets sur l’énergie pour prendre des décisions éclairées
concernant l’avenir énergétique du Canada. Au Canada, l’accès à cette information est
restreint, ce qui limite la capacité des Canadiens d’obtenir et d’interpréter des données
sur les options de production et d’utilisation d’énergie.

Les trois principales fonctions du CCIE devraient être la gestion des données, l’analyse
et les rapports, et la communication. Statistique Canada a démontré sa capacité de gérer
des données tout au long de son histoire. Toutefois, il est rarement arrivé que des
ministères fédéraux aient assuré un degré d’analyse des données assez approfondie pour
aider les décideurs du gouvernement, de l’industrie, des organisations autochtones et des
groupes de citoyens.

La Régie canadienne de l’énergie a le mandat d’effectuer des analyses et des recherches
énergétiques, mais, tout comme Statistique Canada, ses ressources sont limitées. Par
conséquent, l’enveloppe budgétaire actuelle ne concernera probablement pas la capacité
de vérifier l’applicabilité des données recueillies aux choix et aux politiques énergétiques
en cours.

Le CCIE a été conçu pour répondre à des besoins d’information sur l’énergie semblables
à ceux de l’Energy Information Administration des États-Unis. Le budget de cette
organisation s’élève à des centaines de millions de dollars. Il est peu probable qu’avec
3 millions de dollars, le Canada puisse réaliser ne serait-ce qu’une fraction du travail
accompli aux États-Unis.

Si un financement adéquat et de longue durée était accordé à cette organisation, elle
connaîtrait une croissance stable, consoliderait sa place dans le paysage énergétique au
Canada et rassurerait les intervenants quant à sa durabilité. Ces derniers sauraient qu’il
existe au pays un centre de données et d’analyse permettant de prendre des décisions
fondées sur des faits à mesure que les gouvernements gèrent nos systèmes pétroliers,
gaziers et électriques pour lutter contre les changements climatiques.

Recommandation 2 : Que le gouvernement accorde un financement de 20 millions de
dollars par année pour appuyer la recherche en économie sur l’énergie neutre.
Les progrès, le rendement et même la prospérité future de l’ensemble du pays sont
indubitablement liés à l’énergie. En ce qui concerne la durabilité, l’effort national pour la
mise en place d’économies sobres en carbone est centré sur la volonté de limiter les

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émissions de carbone, principalement dans les activités liées à l’énergie, mais aussi dans
les processus industriels, agricoles et forestiers. Ce rôle intégral de l’énergie dans
l’économie canadienne complique son encadrement, car il faut prendre en compte les
multiples sources d’énergie, les nombreux intervenants locaux, régionaux et nationaux, la
diversité des systèmes sociopolitiques et réglementaires, ainsi que du vaste éventail de
groupes de recherche et de défense des intérêts. Dans bien des cas, la synergie entre les
systèmes énergétiques est difficile.
La recherche en économie sur l’énergie au Canada repose sur l’intention stratégique du
pays de respecter ses engagements dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat et de
garantir une augmentation de la température mondiale de moins de 2º en atteignant la
neutralité carbone d’ici 2050. À l’heure actuelle, il existe au Canada de nombreuses
organisations de recherche sur l’énergie et entités d’énergie propre, dont les activités
englobent un large éventail de systèmes énergétiques canadiens et nord-américains.
L’évolution à long terme des bilans énergétiques devrait être influencée par l’innovation
technologique, le paysage concurrentiel et les initiatives stratégiques (comme les incitatifs
et l’imposition de taxes), entre autres facteurs environnementaux et économiques. On ne
saurait donc trop insister sur la nécessité d’une recherche économique fondée sur des
données probantes, car des décisions stratégiques découlant d’évaluations éclairées
devraient améliorer les critères selon lesquels les ressources sont allouées aux divers
aspects des choix énergétiques du Canada. Par exemple, l’étude des flux énergétiques
pour chaque province et territoire pourrait donner un aperçu des moyens viables de mise
en œuvre des stratégies énergétiques pancanadiennes. Des travaux récents de l’Institut
canadien de recherche sur l’énergie indiquent que les solutions à faibles émissions de
carbone varieront considérablement selon la province, le territoire ou même la région.
Cela est également vrai pour les structures industrielles ou municipales qui révèlent des
complexités ou des goulots d’étranglement imprévus dans l’adoption d’approches définies
antérieures de répartition du capital dans le secteur de l’énergie.
À l’heure actuelle, le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires financent le
développement des technologies propres. Toutefois, les fonds disponibles pour
comprendre l’incidence de ces technologies sur l’économie nationale du Canada et sur
sa position commerciale concurrentielle dans différents secteurs sont limités.
Un examen plus approfondi de la structure et de l’organisation de la recherche sur
l’énergie au pays révèle qu’en dépit de la contribution omniprésente du secteur de
l’énergie au produit intérieur brut du Canada, les intervenants qui s’investissent dans ce
domaine sont confrontés à des problèmes sous-jacents en matière de financement.

      1. Longévité et durabilité des organismes de recherche : Selon ses évaluations, le
         CERI estime nécessaire de favoriser le financement et l’élaboration de
         stratégies économiques à long terme dans le domaine de la recherche sur
         l’énergie. Suite à un examen de l’historique des organismes de recherche sur

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l’énergie non gouvernementaux ou publics-privés, nous avons constaté que
          certains instituts ou certaines entreprises qui existaient auparavant sont
          maintenant fermés. La disparition d’établissements de recherche en énergie
          crée des lacunes dans l’information pour les décideurs gouvernementaux et
          industriels. Une analyse économique soutenue peut, avec le temps, aider à
          comprendre en quoi les systèmes énergétiques du Canada influent sur le PIB,
          les emplois et les recettes fiscales.

      2. Accès variable au financement : Certains problèmes associés au financement
         concernent la mise en place de la recherche dans des organismes de recherche
         et développement à entités multiples, dont certains ont des objectifs de
         recherche qui dépassent la portée de l’énergie. Parfois donc, une concurrence
         interne pour obtenir des fonds s’établit dans ces établissements de recherche
         intégrés. À mesure que les priorités organisationnelles évoluent, le financement
         peut être réduit ou, dans des cas extrêmes, cesser d’être affecté à des projets
         de recherche en économie sur l’énergie.
          Dans le cadre de la concurrence pour le financement, il n’est pas improbable
          non plus que certaines petites et moyennes entreprises d’économie
          énergétique (qui dans de nombreux cas sont non gouvernementales ou sans
          but lucratif) soient laissées pour compte, avec un accès limité aux ressources
          financières, par rapport aux grandes institutions plus établies comme les
          universités. Comme certains petits organismes abritent des infrastructures
          spécialisées et du capital humain, le problème de l’accès variable au
          financement limite la capacité globale de l’industrie de la recherche en
          économie sur l’énergie au Canada d’exploiter son plein potentiel dans la
          poursuite de l’excellence en recherche.
Un fonds fédéral de 20 millions de dollars pourrait promouvoir une approche bien
structurée de la recherche en économie sur l’énergie. Il pourrait englober des domaines
où une collaboration est nécessaire entre ceux qui tiennent compte des répercussions
économiques et ceux qui mettent l’accent sur l’innovation technologique. Ce n’est qu’en
comprenant ces deux éléments qu’il sera possible de mettre des renseignements à valeur
ajoutée à la disposition des intervenants. Un tel fonds devrait également stipuler le
caractère impartial de la recherche. Il ne revient pas aux chercheurs, mais aux décideurs,
de déterminer l’orientation que devrait prendre l’évolution énergétique d’un pays. Les
chercheurs montrent les conséquences économiques des diverses avenues possibles,
afin que des décisions éclairées puissent être prises.
La question de l’électrification illustre parfaitement ce principe. Dans le cas du passage
des combustibles fossiles à l’électricité pour les véhicules, quelle pourrait en être
l’incidence sur l’économie canadienne? Nous savons que le gouvernement perçoit
d’importantes redevances sur le pétrole brut (plus de 10 milliards de dollars par année),
des recettes fiscales générales et la taxe sur l’essence (plus de 10 milliards de dollars par
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année). Avec l’électrification des transports, les gouvernements continueraient de
percevoir leurs recettes fiscales, à condition toutefois que le montant des dépenses en
capital dans le secteur de l’électricité soit semblable à celui du secteur pétrolier.
Cependant, il n’y aurait pas de redevances. Il faudrait aussi trouver une nouvelle taxe pour
compenser la perte des taxes sur l’essence.
Pourtant, une grande partie de la recherche sur cette question ne tient compte que des
impacts environnementaux.
Lorsqu’il est envisagé de remplacer le chauffage au gaz naturel des logements par le
chauffage électrique, des recherches sont menées sur les technologies, mais il n’y a pas
de discussion sur la viabilité financière. Des recherches économiques montrent que les
coûts de chauffage doubleraient probablement si les consommateurs passaient à
l’électricité. À l’heure actuelle, combien de personnes souffrent de précarité énergétique
(selon une estimation, 20 %)? Combien d’autres en souffriraient si les factures de
chauffage doublaient? En fait, nous l’ignorons.

Ce ne sont là que deux exemples démontrant qu’il est essentiel de mener des recherches
économiques évaluant les répercussions de nos choix énergétiques sur les personnes et
l’industrie avant toute intervention importante dans nos systèmes énergétiques visant à
réduire les émissions de carbone.

Ce fonds de 20 millions de dollars est nécessaire pour procéder à des évaluations
soutenues des solutions énergétiques possibles au Canada. L’absence de tels
renseignements pourrait entraîner des conséquences imprévues. Le cas des politiques
énergétiques de l’Ontario depuis 2002 en est une excellente illustration, car la question
de l’économie n’a pas été pleinement prise en compte lors de leur élaboration. Les coûts
des services d’électricité ont alors grimpé en flèche, à tel point que les gouvernements
successifs ont fini par les transférer aux contribuables. Ces frais astronomiques de l’ordre
de dizaines de milliards de dollars pèseront lourd dans la balance financière du
gouvernement ontarien pendant des décennies.

Les problèmes en Ontario ne proviennent que de quelques erreurs, et seulement pour le
réseau électrique. Pour l’avenir, le Canada, ses provinces et territoires ont fixé leur objectif
d’émissions nettes nulles d’ici 2050. Cette décision aura une incidence sur les systèmes
liés au pétrole, au gaz, à l’électricité et aux énergies renouvelables. Sans une recherche
neutre et soutenue sur la durée, il est peu probable que le pays puisse éviter certaines de
ces conséquences. Cependant, il est probable que la recherche économique financée par
ce fonds de recherche en économie sur l’énergie réduise les risques de conséquences
graves autant qu’imprévues.

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Présenté par :

Allan Fogwill
Président et chef de la direction
Institut canadien de recherche énergétique
afogwill@ceri.ca

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