MISE EN OEUVRE DU NOUVEL ALENA : ON S'ENTEND SUR TOUT, SAUF LE NOM! - MCMILLAN

La page est créée Nicolas Guillot
 
CONTINUER À LIRE
Bulletin sur le commerce
                                                                         international

                                Juin 2020

                                Mise en œuvre du nouvel
                                ALENA : on s’entend sur tout,
                                sauf le nom!
                                Le 1er juillet 2020, l’Accord de libre-échange nord-américain sera
                                remplacé par le nouvel Accord Canada–États-Unis–Mexique
                                (l’ACEUM), également connu aux États-Unis sous le nom de United
                                States-Mexico-Canada Agreement (USMCA), et au Mexique, sous le
                                nom de Tratado entre México, Estados Unidos y Canadá (T-MEC). Il
                                aurait été plus simple de l’appeler « ALENA 2.0 ».

                                L’acquis le plus important de l’ACEUM est la préservation de la quasi-
                                totalité des principaux engagements en matière de libre-échange qui
                                étaient contenus dans l’ALENA. Cette continuité confirme le pouvoir
                                d’attraction du Canada, des États-Unis et du Mexique comme
                                tremplins pour les entreprises désireuses de faire du commerce et
                                des investissements dans une zone régionale de libre-échange
                                dynamique dont la population avoisine les 500 millions de personnes
                                et dont le PIB se chiffre à environ 32 billions de dollars
                                canadiens pour 2019. L’accord apporte également d’importants
                                changements graduels dans des secteurs clés tels que le commerce
                                automobile, l’agriculture, la propriété intellectuelle et les services
                                financiers, ainsi que des modifications générales au cadre législatif
                                régissant le travail, l’environnement, le commerce numérique et les
                                investissements. De plus, l’ACEUM revoit d’importants aspects des
                                dispositions de temporisation / reconduction à long terme, accordant
                                ainsi aux simples particuliers plus de certitude lorsqu’il s’agit de
                                prendre des décisions en matière de commerce et d’investissements.

McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. Brookfield Place, 181 Bay Street, Suite 4400, Toronto (Ontario) M5J 2T3 Canada
Vancouver  Calgary  Toronto  Ottawa  Montréal  Hong Kong  mcmillan.ca
Page 2

                                Ratification et mise en œuvre

                                Le Canada, les États-Unis et le Mexique ont signé l’ACEUM le
                                30 novembre 2018. Des négociations ultérieures ont mené le
                                10 décembre 2019 à la signature d’un Protocole d’amendement
                                (le Protocole) qui révisait des dispositions dans des secteurs clés tels
                                que le travail, les règles d’origine, la propriété intellectuelle,
                                l’environnement et les mécanismes de règlement des différends.

                                Malgré les difficultés imprévues auxquelles les États et les
                                entreprises ont dû faire face en raison de la pandémie de COVID-19,
                                les trois parties ont achevé leur processus de ratification respectif en
                                avril 2020. La vice-première ministre du Canada, Chrystia Freeland,
                                a fait une déclaration dans laquelle elle précisait que la mise en
                                œuvre de l’accord était l’un des éléments essentiels de la stratégie de
                                reprise économique du gouvernement :

                                       Le gouvernement du Canada continuera de
                                       travailler avec le gouvernement des États-Unis et
                                       le gouvernement du Mexique afin de déterminer
                                       une « date d’entrée » en vigueur qui conviendra
                                       à toutes les parties. Nous voulons nous assurer
                                       que le nouvel ALENA favorisera une reprise
                                       économique vigoureuse quand nous aurons
                                       combattu la pandémie de la COVID-19 – ce que
                                       nous réussirons à faire.

                                       Le nouvel ALENA est bon pour les Canadiens,
                                       dans toutes les régions et dans tous les secteurs
                                       de notre économie. Il est profitable pour les
                                       travailleurs, les familles, les entrepreneurs et les
                                       entreprises. Il favorisera la prospérité des
                                       communautés d’un bout à l’autre de notre pays 1.

                                Changements sectoriels

                                Parmi les secteurs importants touchés par les changements apportés
                                par l’ACEUM, on peut citer :

                                   L’automobile – Le contenu nord-américain exigé pour le
                                    traitement en franchise de droits passe de 62,5 % à 75 % pour

1 Gouvernement du Canada (3 avril 2020), Déclaration de la vice-première ministre à l’occasion de la ratification du

nouvel ALENA par le Canada, consultable en ligne.

                                                                 McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. mcmillan.ca
Page 3

    les véhicules de promenade et les véhicules utilitaires légers, et
    de 60 % à 70 % pour les camions lourds. De plus, de nouvelles
    règles d’origine exigent : (i) qu’au moins 40 % des activités de
    fabrication automobile (teneur en valeur travail) soient exécutées
    par des travailleurs dont le salaire horaire moyen est d’au moins
    16 $ US l’heure; (ii) qu’au moins 70 % de la valeur en acier et en
    aluminium provienne des États-Unis, du Mexique ou du Canada
    pour pouvoir bénéficier du traitement en franchise de droits. Le
    Protocole précise qu’à compter de sept ans après l’entrée en
    vigueur de l’Accord, l’acier doit avoir fait l’objet d’opérations de
    fusion, de brassage et de revêtement aux États-Unis, au Mexique
    ou au Canada pour avoir droit à l’exemption des droits de
    douane. Dix ans après l’entrée en vigueur de l’Accord, les parties
    examineront les exigences qu’il y aura lieu d’ajouter pour que
    l’aluminium puisse être considéré comme originaire. (Voir ici
    l’article que nous avons déjà publié au sujet des modifications
    apportées aux règles relatives au contenu nord-américain.)

   L’agriculture (produits assujettis à la gestion de l’offre) – Le
    Canada offre un accès accru aux marchés grâce à la mise en
    œuvre de contingents tarifaires pour certains produits laitiers,
    volailles et œufs d’origine américaine. Les exportateurs agricoles
    canadiens bénéficieront d’un mécanisme de consultation
    supplémentaire pour corriger les distorsions commerciales, ainsi
    que d’obligations visant à faciliter le commerce des produits
    agricoles biotechnologiques. (Voir notre commentaire précédent
    sur les changements apportés aux secteurs soumis à la gestion
    de l’offre ici.)

   La propriété intellectuelle – Le Canada harmonise ses mesures de
    protection en matière de propriété intellectuelle avec celles des
    États-Unis et du Mexique en prenant les mesures suivantes :

    (i)    il porte la durée de la protection du droit d’auteur à la vie
           de l’auteur, plus 70 ans, dans le cas des œuvres, et à la
           durée de la vie de l’auteur, plus 75 ans, pour les
           prestations et les enregistrements sonores;

    (ii)   il renforce la protection des secrets commerciaux;

                            McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. mcmillan.ca
Page 4

    (iii)   il permet l’enregistrement de marques collectives et de
            marques de certification;

    (iv)    il prévoit le rajustement de la durée des brevets pour
            dédommager les demandeurs de brevets des délais
            déraisonnables dans le traitement des demandes de
            brevets.

Le Protocole supprime l’obligation d’assurer une protection des
données de dix ans pour les produits pharmaceutiques biologiques,
ce qui permet au Canada de conserver sa période de protection des
données de huit ans pour ces produits. (Voir ici nos commentaires
plus détaillés sur les questions de propriété intellectuelle.)

    Les services financiers – Le Canada a obtenu que l’on insère des
     dispositions permettant à ses autorités réglementaires d’imposer
     des exigences plus strictes en matière de tenue des dossiers des
     sociétés et des registres centraux des valeurs mobilières pour les
     entités étrangères réglementées autorisées à exercer leurs
     activités au Canada. Le surintendant des institutions financières
     doit avoir un accès complet aux dossiers des entreprises et au
     registre central des valeurs mobilières des filiales d’entités
     étrangères réglementées, et il peut ordonner à ces entités de
     conserver une copie de ces dossiers ou de ces registres au
     Canada. (Voir ici nos commentaires plus détaillés.)

Changements aux lois-cadres

Voici les principaux domaines dans lesquels l’ACEUM apporte des
changements importants aux lois-cadres et aux mécanismes de
règlement des différends des parties :

    Travail – Les parties se sont engagées à renforcer les protections
     minimales contre la discrimination et la violence au travail, le
     travail forcé et le travail des enfants. Le chapitre sur le travail
     prévoit par ailleurs un nouveau mécanisme d’« intervention
     rapide » qui assure la mise en œuvre efficace de certaines de ces
     obligations dans le domaine du travail. Les parties peuvent
     également recourir au mécanisme de règlement des différends
     prévu par l’ACEUM en cas de non-respect des obligations dans le
     domaine du travail. (Voir nos commentaires précédents ici.)

                              McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. mcmillan.ca
Page 5

    Environnement – L’ACEUM renforce les engagements qui étaient
     contenus dans l’ALELA en matière de protection de
     l’environnement en ajoutant l’obligation de faire respecter les lois
     sur la protection de l’environnement et de ne pas exercer
     d’activités commerciales ou de faire des investissements qui
     auraient pour effet d’affaiblir ces lois. Parmi les nouveaux
     engagements en matière de protection de l’environnement,
     mentionnons la prise de mesures visant à protéger la couche
     d’ozone, à promouvoir des méthodes de développement durable
     en matière de sylviculture et de pêche, et à coopérer pour
     améliorer la qualité de l’air. Les parties peuvent également
     recourir au mécanisme de règlement des différends prévu par
     l’ACEUM en cas de non-respect des obligations en matière
     environnementale.

    Commerce numérique – Les parties ont pris plusieurs
     engagements pour faciliter le commerce électronique. Elles se
     sont notamment engagées :

    (i)     à ne pas percevoir de droits de douane sur les produits
            numériques transmis par voie électronique (par ex.,
            logiciels, vidéos et livres électroniques);

    (ii)    à ne pas limiter la validité juridique des signatures
            électroniques;

    (iii)   à maintenir ou à adopter des lois de protection des
            consommateurs applicables au commerce en ligne.

    Protection des investissements – Bien que les mesures de
     protection substantielles essentielles en matière
     d’investissements soient maintenues (par ex., traitement non
     discriminatoire, norme minimale de traitement et indemnisation
     en cas d’expropriation), le mécanisme d’arbitrage des différends
     entre les investisseurs et les États ne pourra plus être utilisé pour
     les conflits entre les États-Unis et le Canada et pour ceux
     découlant des nouveaux investissements faits après le
     1er juillet 2020. Il sera encore possible de recourir au mécanisme
     de règlement des différends entre États lorsque l’investisseur
     convainc son gouvernement d’exercer ce recours. La réparation

                              McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. mcmillan.ca
Page 6

                                    accordée sera l’élimination de la non-conformité ou toute autre
                                    solution convenue d’un commun accord. Pour les demandes
                                    portant sur des investissements faits alors que l’ALENA était en
                                    vigueur (entre le 1er janvier 1994 et le 1er juillet 2020), les
                                    investisseurs peuvent utiliser le mécanisme d’arbitrage des
                                    différends entre investisseurs et États pendant une période
                                    maximale de trois ans après l’entrée en vigueur de l’ACEUM. Ce
                                    recul tranche avec l’approche adoptée par le Canada dans
                                    l’Accord économique et commercial global (l’AECG) conclu avec
                                    l’Union européenne, qui instaure un mécanisme novateur
                                    permanent de règlement des différends pour trancher les
                                    différends portés par un investisseur contre l’État d’accueil pour
                                    le préjudice qu’il aurait subi 2. (Voir notre commentaire précédent
                                    sur le régime de l’AECG ici.) À l’avenir, les différends entre le
                                    Canada et le Mexique pourront également faire l’objet d’un
                                    arbitrage entre investisseurs et États dans le cadre du Partenariat
                                    transpacifique global et progressif (le PTPGP). (Voir ici les
                                    commentaires que nous avons déjà publiés au sujet du PTPGP.)

                                Règlement des différends

                                Le chapitre 19 de la l’ALENA instaurait un mécanisme spécial
                                permettant de résoudre les questions soulevées dans le cadre des
                                recours commerciaux. Il n’a toutefois été utilisé que rarement, en
                                partie en raison des contraintes procédurales liées à la constitution
                                d’un groupe spécial chargé de statuer sur un différend particulier. Le
                                Protocole prévoit certaines modifications qui permettent à la partie
                                plaignante de choisir les membres du groupe spécial à partir d’une
                                liste si la partie défenderesse refuse ou omet de participer à la
                                procédure de choix des membres du groupe spécial par tirage au
                                sort.

                                Comme il est actuellement, à toutes fins utiles, impossible de
                                recourir au mécanisme de règlement des différends de l’Organisation

2 Accord économique et commercial global conclu entre le Canada et l’Union européenne [l’AECG] le 30 octobre 2016,

(entré en vigueur de façon provisoire le 21 septembre 2017). Les dispositions de l’AECG relatives à la protection des
investissements n’entreront en vigueur qu’après avoir été ratifiées par tous les États membres de l’UE. En réponse à
une contestation portant sur la compatibilité des dispositions de l’AECG relatives à la protection des investissements
avec le droit de l’UE, la Cour de justice de l’Union européenne a publié le 30 avril 2019 une opinion contraignante
déclarant que le mécanisme permanent de règlement des différends instauré par l’AECG était compatible avec le droit
de l’Union européenne (Accord ECG EU-Canada, C1/17, 2019).

                                                                 McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. mcmillan.ca
Page 7

                         mondiale du commerce pour les différends impliquant les États-Unis,
                         on pourrait assister au cours des prochaines années à un recours
                         accru, par les parties à l’ACEUM, aux dispositions révisées du
                         Protocole qui facilitent la constitution de groupes spéciaux chargés de
                         trancher des différends.

                         Résiliation et prolongation

                         L’ALENA renfermait des dispositions qui permettaient à une des
                         parties de demander la résiliation de l’accord moyennant un préavis
                         de six mois aux autres parties. Aux termes de l’ACEUM, une partie
                         peut se retirer de l’accord moyennant un préavis de six mois, mais
                         l’accord reste en vigueur pour les autres parties.

                         Au cours des négociations, les États-Unis ont proposé une disposition
                         qui devait mettre fin à l’accord au bout de cinq ans, sauf si les
                         parties s’entendaient pour le prolonger. Le Canada estimait toutefois
                         qu’il était important d’assurer une plus grande certitude au sujet de
                         la durée de l’accord pour mieux inciter les simples particuliers, qui
                         doivent planifier à long terme, à prendre des décisions en matière de
                         commerce et d’investissement. Les parties se sont entendues sur une
                         « clause de caducité » qui prévoit que l’accord prend fin après
                         16 ans, sauf si chacune des parties accepte qu’il soit reconduit pour
                         une autre période de 16 ans. L’accord fait également l’objet d’un
                         réexamen tous les six ans, à la suite duquel les parties peuvent
                         convenir de prolonger la durée de l’accord.

                                par Neil Campbell, Lisa Page, Chris Scheitterlein et Tayler Farrell
                                                                                  (stagiaire d’été)
Pour en savoir plus sur le sujet, veuillez communiquer avec les personnes suivantes :

 Toronto        Neil Campbell              416.865.7025          neil.campbell@mcmillan.ca
 Ottawa         Lisa Page                  613.691.6103          lisa.page@mcmillan.ca
 Ottawa         Chris Scheitterlein        613.691.6146          chris.scheitterlein@mcmillan.ca

mise en garde

Le contenu du présent document ne fournit qu'un aperçu du sujet et ne saurait en aucun cas
être interprété comme des conseils juridiques. Le lecteur ne doit pas se fonder uniquement sur
ce document pour prendre une décision, mais devrait plutôt consulter ses propres conseillers
juridiques.

© McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. 2020

                                                      McMillan S.E.N.C.R.L., s.r.l. mcmillan.ca
Vous pouvez aussi lire