MONDE - Scénario macro-économique 2018-2019 - " Et pourtant, elle tourne ! " - Etudes économiques du ...
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Trimestriel – N°18/200 – 3 octobre 2018 MONDE – Scénario macro-économique 2018-2019 « Et pourtant, elle tourne ! » Les sources d’authentique inquiétude ne manquent pas. Certaines menaces planent et il est ardu (voire illusoire) de leur assigner une probabilité, de leur donner une consistance tangible. D’autres ont déjà pris corps. Et l’économie résiste encore plutôt bien. Avant même qu’elles n’aient d’influence concrète sur l’économie réelle, les menaces font cependant sentir leurs effets sur les variables financières et les anticipations. Zoom vidéo Sommaire « Et pourtant, elle tourne ! » Pays développés – Croissance assagie sans dérapage En dépit de la multiplication inflationniste .............................................................................3 indéniable des foyers de risque. Pays émergents – Croissance résiliente mais marchés Ceux-ci n’affectent pas encore volatils ......................................................................................9 dramatiquement l’économie réel- Pétrole – Le cap des 100 dollars en vue ................................. 12 le, mais encouragent un resser- Politique monétaire – Resserrements variés et encore rement des conditions financières digestes .................................................................................. 14 et altèrent la confiance. Taux d’intérêt – Le cœur et la périphérie................................. 17 Taux de change – Le dollar tire son épingle du jeu ................. 20 Prévisions économiques et financières ................................... 23 Les sources d’authentique inquiétude ne consistance tangible. D’autres ont déjà pris manquent pas. corps. Multiformes, circonscrites ou diffuses, nombre Le resserrement monétaire américain (conforme d’entre elles ébranlent nos certitudes. Remise en aux attentes) et la dégradation des conditions de cause du multilatéralisme, essoufflement du projet marché liée à la montée (justifiée) de l’aversion au européen, montée du protectionnisme américain, risque ont déjà fait des victimes à l’intérieur du accroissement des tensions géopolitiques notam- monde émergent. Les exemples les plus éloquents ment au Moyen-Orient, Brexit dont on ignore en sont l’Argentine (un climat financier moins toujours quelles en seront les modalités et, plus clément a précipité une crise de change et mis en « prosaïquement », resserrement des conditions lumière les contradictions d’un policy-mix ambitieux monétaires américaines. Certaines menaces mais incomplet voué à l’échec) et la Turquie planent et il est ardu (voire illusoire) de leur (confrontée à un type de crise financière dont elle assigner une probabilité, de leur donner une est coutumière, alors même qu’il est difficilement Études Économiques Groupe http://etudes-economiques.credit-agricole.com
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 « Et pourtant, elle tourne » envisageable qu’elle se précipite vers le FMI, elle ralentit certes (autour de 2,1% en 2018 et de 1,8% souffre d’une réappréciation à la hausse des en 2019), mais c’est un essoufflement naturel. La risques politique et géopolitique qui mine la consommation des ménages se tient bien et, confiance des investisseurs). surtout, la reprise de l’investissement éloigne les craintes d’une interruption précoce d’un cycle Les sanctions américaines à l’égard de l’Iran se encore vertueux. La consolidation de la demande traduisent, par ailleurs, par une pénurie d’offre de interne se poursuit donc. Les craintes relatives à pétrole sur un marché déjà confronté au déclin de une pénurie de main-d’œuvre source d’augmenta- la production vénézuélienne et aux difficultés d’a- tions de salaire localisées, puis diffuses générant cheminement aux États-Unis. Un marché qui aura une accélération sensible de l’inflation et mettant un donc besoin de l’OPEP pour s’équilibrer en 2019 et terme prématuré à la croissance, sont infondées. un prix du pétrole qui pourrait, au moins tempo- Seule l’Allemagne est confrontée à une telle rareté. rairement, franchir le cap des 100 dollars par baril. Les pressions salariales restent tout à fait mesurées et expliquent que l’inflation sous-jacente reste elle- Enfin, le protectionnisme américain et les droits même modérée. de douane imposés à la Chine dont il est probable qu’en 2019 ils s’appliquent à l’intégralité des Ainsi, tant aux États-Unis qu’en zone euro, il n’y a exportations chinoises. Cette guerre commerciale pas d’emballement inflationniste incontrôlé, pas de devrait marginalement amputer le pouvoir d’achat resserrement monétaire précipité, pas de remontée des ménages américains et se traduire par une pathogène des taux d’intérêt à long terme. remontée des taux des « Fed Funds » (seulement) légèrement plus marquée que ne le suggère Mais avant même que les menaces déjà actuellement le « dot plot ». Elle devrait soustraire évoquées n’aient d’influence concrète sur l’éco- 2 points de pourcentage à la croissance chinoise, nomie réelle, elles font sentir leurs effets sur les intégralement compensés par le plan de relance variables financières et les anticipations. « tous azimuts » déployé par Pékin et permettant de rester sur un rythme d’expansion inchangé autour L’aversion au risque se traduit par des périodes de de 6,5%. fortes turbulences et une volatilité accrue. Elle justifie que les taux longs « core » (États-Unis et « Et pourtant, elle tourne ! », en dépit de la Allemagne) ne se redressent pas significativement multiplication indéniable des foyers de risque. en dépit d’une croissance nominale, respective- ment, réjouissante et satisfaisante et que le dollar L’économie, dans son ensemble, résiste encore tire encore bien son épingle du jeu. Le risque peut bien. Aux États-Unis, poursuivant sur la lancée évidemment également se traduire par une révision d’une année 2018 elle-même placée sous le signe à la baisse des anticipations de croissance et de la poursuite d’une croissance forte (2,9%), affecter négativement les comportements d’inves- encore peu inflationniste au regard de sa vigueur et tissement. de sa longévité, l’année 2019 se présente sous de bons auspices. Toujours dopée par le programme L’année 2020 risque ainsi de se révéler délicate fiscal apportant près d’un demi-point de croissance avec un repli de la croissance généralisé. Aux supplémentaire (après 0,8 point de pourcentage en États-Unis, alors que le stimulus budgétaire sera 2018), la croissance resterait soutenue (2,5%), largement épuisé, que les taux de la Fed se malgré la poursuite du resserrement monétaire qui, situeront en territoire restrictif, la croissance est toujours graduel et assorti d’une communication vouée à fortement ralentir. Quant à la zone euro, habile, ne propulse pas les taux d’intérêt longs vers elle devra faire face à des temps bien plus difficiles, des sommets anxiogènes. alors même qu’elle n’aura pas reconstitué les marges de manœuvre propres à doper une crois- En zone euro, le fléchissement de la croissance ne sance dangereusement faiblissante. doit pas être interprété comme le signe annon- ciateur d’un retournement imminent. La croissance N°18/200 – 3 octobre 2018 2
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 « Et pourtant, elle tourne » Pays développés – Croissance assagie sans dérapage inflationniste Le pic des rythmes de croissance très soutenus est passé : la croissance s’assagit sans emballement inflationniste manifeste. Une fin de cycle que l’on peut encore espérer ordonnée tant que la guerre commerciale reste circonscrite au conflit ouvert sino-américain. États-Unis : ralentissement en vue… Le rythme d’expansion a probablement atteint son point haut au deuxième trimestre (à 4,2% en rythme trimestriel annualisé) et devrait permettre à la croissance de s’établir à 2,8% sur l’ensemble de l’année 2018. Un ralentissement de la croissance vers 2,5% se dessine pour 2019, un niveau qui reste toutefois supérieur à la USA : la solidité du marché du travail sou- croissance potentielle de long terme (environ 2%) et continuera donc à tient la confiance des ménages & la conso. exercer des pressions, d’une part, à la baisse sur le taux de chômage 350 cvs, % 5,5 et, d’autre part, à la hausse sur l’inflation. cvs, 000' 300 5,0 250 Tout concourt encore actuellement à soutenir la confiance des 200 4,5 ménages et la consommation. Et tout d’abord, la solidité du marché du travail. Depuis le début de l’année, les créations nettes 150 4,0 d’emplois se sont établies à 200 000 unités par mois en moyenne. Le 100 nombre d'offres d'emplois excède actuellement celui des chômeurs. Le 3,5 50 taux de chômage (3,9%) est inférieur au taux de plein emploi estimé 0 3,0 par la Fed (4,5%) et devrait continuer à baisser. La croissance du salaire horaire moyen semble accélérer (+2,9% sur un an) et le resserrement du marché du travail va continuer d’exercer des pressions Sources : BLS, Évolution de l’emploi total non agri. haussières sur les coûts unitaires du travail, puis sur l’inflation. La Haver, CA CIB Taux de chômage (dr.) situation financière des ménages est confortable, avec un service de la dette faible, quoiqu'en hausse. Le patrimoine net agrégé des ménages a continué de progresser rapidement et entretient un effet de richesse positif qui soutient les dépenses. Simultanément, le taux d'épargne se maintient à un niveau relativement élevé, à 6,7% des revenus disponibles. USA : augmentation des tensions inflationnistes Après l’effondrement de l’activité dans le secteur pétrolier et gazier en 3,0% a/a, % 2016, l’investissement des entreprises se renforce. Tout contribue 2,5% à son expansion : les entreprises réagissent au niveau élevé de la croissance domestique, à la hausse des bénéfices après impôts, à 2,0% l’allègement des règlementations et aux incitations de court terme à 1,5% l’investissement inscrites dans le nouveau code des impôts. Il semble cependant que les profits rapatriés après la loi fiscale de décembre 1,0% 2017 aient plutôt servi à financer des rachats d’actions que de nouveaux investissements matériels. Par ailleurs, à court terme, les 0,5% entreprises sont confrontées à une montée des incertitudes liées à la 0,0% question délicate du commerce international. Certaines entreprises ont 13 - T1 15 - T1 17 - T1 19 - T1 ainsi déjà indiqué qu’elles reportaient certains investissements Inflation PCE planifiés, en attendant d’y voir plus clair sur la question du commerce Source : Crédit Agricole CIB Inflation PCE s/s jacente international. Financé par le déficit (baisse des impôts et augmentation des dépenses), le stimulus budgétaire devrait ajouter 0,6 point de pourcentage à la croissance cette année et l’année prochaine. Ses effets positifs sur l’activité diminueraient néanmoins fortement après les deux premières années et les « dommages collatéraux » ne peuvent être ignorés. Les mesures budgétaires devraient conduire à un déficit de plus de 1 000 milliards de dollars en 2019 et en 2020. Son financement peut susciter des pressions haussières sur les taux obligataires (prime de risque pour attirer les investisseurs), générant un effet d’éviction pénalisant l’investissement des entreprises privées et N°18/200 – 3 octobre 2018 3
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 « Et pourtant, elle tourne » pesant sur la croissance de la productivité. De plus, la forte hausse des déficits est susceptible de rendre plus ardue la mise en œuvre de politiques contra-cycliques lors du prochain ralentissement. Les pressions à la hausse de l’inflation s’accumulent. L’inflation PCE sous-jacente1 va probablement rester supérieure à 2%. Le maintien d’une croissance excédant son potentiel a permis d’absorber les ressources inemployées et fait baisser le taux de chômage sous son niveau naturel. Les tensions croissantes sur le marché du travail conduisent à des hausses de salaire. Le relèvement des droits de douane, en renchérissant les importations américaines, pourrait ajouter USA : croissance liée 0,3 à 0,4 point de pourcentage à l’inflation. Enfin, les cours du pétrole aux lois budgétaires devraient augmenter au cours des deux prochaines années. 3,5% 3,0% 0,2% 0,0% Les mesures protectionnistes augmentent le risque d’un choc 0,3% 0,8% 0,3% 0,6% 2,5% 0,3% 0,3% négatif lié au commerce international. La possible perturbation des 2,0% chaînes d’approvisionnement peut conduire à une hausse des prix des biens de consommation et à une croissance plus faible. Les droits de 1,5% douane ont également pour effet de décourager l’innovation dans les 1,0% 2,2% 2,2% secteurs protégés, ce qui réduit la croissance de la productivité. Or, il 0,5% semble probable que la guerre commerciale entre les États-Unis et la 0,0% Chine se traduira l’année prochaine par une taxe de 25% sur la quasi- 2018 2019 totalité des exportations chinoises à destination des États-Unis et par Autres textes Dépenses une hausse des droits de douane sur les exportations américaines à Loi fiscale Croissance avant lois budg. destination de la Chine. La perturbation des chaînes d’approvisionne- Sources : CFRB, CBO ment et la baisse du pouvoir d’achat des ménages pourraient retirer entre 0,2% et 0,3% à la croissance au cours des six prochains trimestres. La hausse de l’inflation de 0,3 à 0,4 point qui résulterait de la hausse des prix des importations aura une répercussion sur la politique de la Fed. Les démocrates ont des chances raisonnables de remporter plus de vingt-trois sièges supplémentaires lors des élections de mi- USA : confiance des entreprises mandat, ce qui leur donnerait la majorité à la Chambre des & dépenses d'investissement % Représentants. Au Sénat, le nombre de sièges républicains 2,0 susceptibles de basculer chez les démocrates est plus faible et un 108 1,5 changement de majorité en faveur des démocrates semble peu 104 probable. L’administration, divisée, devrait limiter fortement les lois 1,0 100 partisanes. La Chambre des Représentants, hostile à l’administration 0,5 Trump, fera obstacle aux projets politiques de Donald Trump avec des 96 0,0 enquêtes et des actions en justice sur le fonctionnement de 92 -0,5 l’administration et son agenda politique. Si le Sénat reste effectivement sous contrôle républicain, le président Trump continuera à procéder à 88 -1,0 d’importantes nominations à des postes vacants dans le système 2013 2014 2015 2016 2017 2018 judiciaire et à la Réserve fédérale. Contrib. investissement privé non résidentiel à la croissance (dr.) Sources : NFIB, Indice NFIB de confiance des Zone euro : une dernière ligne droite très modérée BEA, Haver PME Dans la zone euro, la croissance s’est infléchie au deuxième trimestre : en décélération par rapport au pic du troisième trimestre 2018 de 2,8% (sur un an), elle se maintient néanmoins à 2,1%. Elle profite d’une reprise de l’investissement éloignant, du moins temporairement, les craintes d’une interruption du cycle vertueux de l’accumulation de capital. Face à une contribution négative des échanges, qui risque d’être une constante au cours des prochaines années, la consolidation de la demande intérieure s’est poursuivie, la consommation étant alimentée par la poursuite de la baisse du chômage et l’investissement nourrissant la demande de biens d’équipement. Les dernières enquêtes d’août suggèrent une croissance légèrement supérieure à 2% au second semestre 2018 et 1 Indice de prix des dépenses de consommation personnelle (Personal Consumption Expenditure), indicateur privilégié par la Fed. N°18/200 – 3 octobre 2018 4
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 « Et pourtant, elle tourne » confortent notre hypothèse d’une croissance supérieure au potentiel. Notre scénario table sur un renforcement de l’activité dans la deuxième partie de 2018, puis sur un progressif ralentissement vers son rythme potentiel à l’horizon de la prévision (2,1% en 2018, 1,8% en 2019 et 1,7% en 2020), assorti de risques clairement baissiers en provenance de l’environnement international. Plusieurs facteurs temporaires (climat, grèves, cycle des stocks) contribuent à expliquer l’affaiblissement de la croissance en début d’année et le rebond anticipé dès le troisième trimestre 2018, que nous signale, par exemple, le climat des affaires allemand de l’Ifo UEM : capacité de fixation stabilisé à un niveau plus élevé depuis deux mois. Certes, le taux des prix encore entravée 65 d’utilisation des capacités ne remonte plus depuis avril, rassurant ceux solde qui s’inquiétaient d’une surchauffe précoce de l’économie de la zone. d'opinions Les tensions sur les équipements, particulièrement fortes en 60 Allemagne, ont également montré des signes de détente avec le ralentissement de la croissance en début d’année. En revanche, les 55 tensions sur la main-d’œuvre croissent et s’intensifient dans la construction et les services. C’est surtout le fait de l’Allemagne, 50 puisqu’en France une stabilisation s’est dessinée au cours de l’été. En moyenne, dans la zone euro, on se situe cependant encore sur des niveaux très élevés et supérieurs au pic précédent (2007). Il est dès 45 2014 2015 2016 2017 2018 lors légitime de se demander si les contraintes sur la disponibilité de la main-d’œuvre sont susceptibles de rapidement se traduire Prix des entrants Prix des sortants Sources : Markit PMI, Crédit Agricole S.A. par une accélération soutenue des salaires, elle-même capable de faire « dérailler » rapidement la croissance. La relation entre croissance, chômage et emploi est plus complexe à court et moyen termes que la simple baisse du chômage ne le suggère : la croissance peut accélérer, l'emploi progresser, mais la baisse du taux de chômage rester limitée, tant que la progression de la population active reste soutenue. L'amélioration du UEM : perspectives des prix marché du travail incite en effet les personnes (telles que les chômeurs secteur manufacturier découragés, les femmes au foyer, les étudiants) à rejoindre la 12 solde population active, car leurs chances de trouver un emploi sont jugées d'opinions plus élevées (c’est ce qu’on appelle les « effets de flexion »). La croissance de la population active a été assez rapide en 2017 en 7 Allemagne et en Italie (1% et 0,7% respectivement), moindre en France (0,5%) et conserve des rythmes similaires au deuxième trimestre 2018 2 (malgré un léger affaiblissement en Italie). Les créations d’emploi sont dynamiques, affichant une croissance plus soutenue que celle de la -3 population active, mais elles ont ralenti dans les grandes économies de la zone (1,4% en Allemagne, 0,9% sur un an en France et en Italie au deuxième trimestre). La combinaison de ces différentes dynamiques a -8 ainsi infléchi le rythme de baisse du taux de chômage. Les effets de 2014 2015 2016 2017 2018 flexion positifs continueront à jouer à l’horizon de la prévision, y compris Sources : ESI, Commission européenne, CA S.A. en Allemagne, limitant ainsi la baisse du taux de chômage en dépit de créations d’emplois encore vigoureuses. L’Espagne se distingue : la stagnation de la population active va permettre une baisse supplé- mentaire importante du taux de chômage, malgré le ralentissement déjà visible des créations d’emplois. Ainsi, bien que dans la zone euro le contenu en emplois de la croissance reste encore élevé, les effets de flexion vont retarder l’atteinte du taux de chômage « neutre », celui à partir duquel les entreprises rencontreront des difficultés de recrutement qui suscitent des tensions inflationnistes. Si, au cours du deuxième trimestre 2018, une accélération rapide des salaires a été constatée2, elle est surtout le fait des salaires allemands dont le rythme de croissance a accéléré de 2,5% à 3,2% sur la période. En France, elle est bien plus modeste, le taux de 2 Le taux de croissance sur un an du salaire par tête étant passé de 1,8% au quatrième trimestre 2017 à 2,4% au deuxième trimestre 2018. N°18/200 – 3 octobre 2018 5
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 « Et pourtant, elle tourne » croissance du salaire par tête passant de 1,8% à 2,2% sur la même période. En Italie, la forte hausse du taux de croissance du salaire par salarié entre fin 2017 (0,7%) et juin 2018 (2,5%) est principalement due à la fin du gel des salaires dans la fonction publique. La dynamique du secteur marchand est plus modérée et rend cette accélération non reproductible au cours des prochains trimestres. En revanche, en Espagne, l’accélération (de 0,4% au quatrième trimestre 2017 à 1,1% au deuxième trimestre 2018) est plus généralisée au sein des différents UEM : indice des prix à la secteurs et plus susceptible de se poursuivre. La progression production dans l'industrie allemande prend sa source dans la forte hausse des salaires négociés 4 a/a, % au premier semestre3. Les revendications salariales se sont conclues 3 par des négociations ayant couvert 8,5 millions de salariés (soit 42% 2 des salariés couverts par les accords de branche) et valables à l’horizon de notre prévision (vingt-six mois en moyenne). La 1 progression des salaires a été tirée par les secteurs du bâtiment et des 0 biens intermédiaires mais, également, par l’administration fédérale et -1 les municipalités. Pour l’ensemble de l’année 2018 et bien qu’un nouveau tour de négociations s’ouvre dans la chimie et dans les -2 chemins de fer, la progression du salaire négocié devrait s’arrêter sur -3 un rythme de 2,7%, rythme qui serait inchangé en 2019. Le seul -4 potentiel d’accélération des salaires allemands l’année prochaine vient 2014 2015 2016 2017 2018 donc de la dérive salariale, avec une progression du salaire effectif plus Sources : Eurostat, Crédit Agricole S.A. rapide (2,9% en 2018 et 3,1% en 2019), qu’on observe dans cette phase du cycle. La pression de la demande sur l’offre de travail commence donc à « mordre ». Mais à l’exception du cas particulier de l’Allemagne, cette pression reste modérée et justifie notre scénario d’accé- lération limitée de l’inflation sous-jacente. L’enclenchement de la UEM : obstacles à la production boucle prix-salaires (comportement des entreprises qui répercutent sur dans l'industrie - main-d'oeuvre 30 leurs prix de vente les augmentations des salaires, etc.) n’est pas avéré % à ce stade. L’affaiblissement de la productivité en début d’année, 25 entreprises consécutive au ralentissement de l’activité, n’a pas pu compenser 20 l’accélération des salaires (ni celle du déflateur de la valeur ajoutée 15 d’ailleurs) ; ce qui s’est soldé par une interruption de la hausse du taux de marge. Les gains de productivité attendus avec l’accélération de 10 l’activité en fin d’année seront utilisés pour reconstituer les marges. Les 5 enquêtes auprès des entreprises montrent une dégradation des 0 opinions sur les prix anticipés de vente ; le pouvoir de fixation des prix (tel qu’il ressort des enquêtes PMI) se détériorait encore en août. Les -5 prix à la production industrielle progressent quant à eux plus vite 00 02 04 06 08 10 12 14 16 18 que les prix à la consommation (4% sur un an). Mais cette dynamique Zone euro Allemagne France est principalement imputable à la production d’énergie (10,7% sur un Sources : Commission européenne, CA S.A. an), avec une diffusion modérée sur les prix des biens intermédiaires (3,2% sur un an) et inexistante sur les autres (1,1% pour les biens d’investissement, 1,3% pour les biens de consommation durables). Si le risque inflationniste refait surface du fait des tensions sur le prix du pétrole, il reste affaibli par les canaux de transmission internes dans un contexte de ralentissement progressif de la demande. L’appréciation de l’euro en termes effectifs, du fait de la dépréciation des devises émergentes, réduit aussi le potentiel de transmission d’une inflation mondiale plus soutenue. Cette appréciation, dommage collatéral des guerres commerciales, vient limiter les gains potentiels que la zone euro pouvait tirer des baisses des tarifs chinois sur les automobiles et composantes, ainsi que de la substitution des importations sur les marchés chinois et américain. Les tarifs américains minent néanmoins la profitabilité des entreprises européennes, notamment dans le secteur de l’automobile, qui produisent 26% des véhicules sur le territoire américain dont 60% sont exportés. 3 De 2,4% fin 2017 à 3,1% au premier semestre 2018 en rythme annuel, soit un nouveau sommet après les pics de 2008 et 2014. N°18/200 – 3 octobre 2018 6
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 « Et pourtant, elle tourne » Royaume-Uni : croissance plus forte qu’attendu à court terme Nous révisons notre prévision de croissance pour le troisième trimestre à la hausse, mais attendons un ralentissement à moyen terme sur fond d’incertitudes liées au Brexit qui devraient persister en 2019, même si la période de transition post-Brexit a lieu. La croissance a bien démarré au troisième trimestre, à la faveur de facteurs temporaires pendant l’été, tels que la Coupe du monde de R-U : croissance des salaires 7 football et des températures inhabituellement élevées. Nous avons révisé notre prévision du troisième trimestre 2018 de 0,4% à 0,5% en 6 variation trimestrielle, soit une légère accélération par rapport au 5 deuxième trimestre (0,4%). Le PIB a progressé de 0,3% au cours du 4 seul mois de juillet par rapport au mois de juin, grâce à une solide progression de 0,3% des services et à un rebond de 0,5% de la 3 construction. Au-delà du troisième trimestre, nous tablons sur une 2 croissance de 0,3% en moyenne au quatrième trimestre 2018 et au 1 a/a, %, premier trimestre 2019, une période de risque politique élevé avec mm 3m le début de la ratification du Brexit et notamment le vote du 0 Parlement britannique sur l’accord final. Selon notre scénario, les 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18 négociateurs devraient parvenir à conclure un accord de retrait vers la Economie totale Secteur privé fin de l’année au plus tard et nous n’attribuons qu’une probabilité faible Secteur public Sources : ONS, CA S.A. (d’environ 10%) au scénario d’absence d’accord (no-deal). La croissance des salaires se renforce sur fond de baisse de la main-d’œuvre disponible. Le taux de chômage était de 4% sur la période mai-juillet, au plus bas depuis février 1975. Alors même que la croissance de l’emploi s’est quasiment arrêtée pendant cette période (3 000 créations d’emplois seulement), les salaires ont connu une R-U : immigration de légère accélération, avec une croissance de 3% sur un an dans le travail UE & non-UE secteur privé et de 2,9% pour l’ensemble de l’économie. L’analyse par 200 secteur montre de fortes progressions dans le commerce de détail, 000', fin d'année l’hôtellerie et la restauration où la croissance des salaires a rebondi de 150 2,7% à 3,5%. Cela pourrait être dû aux facteurs temporaires qui ont soutenu les dépenses de consommation pendant l’été, mais, plus fondamentalement, la contraction de 0,2% de la population active entre 100 avril et juillet explique probablement en partie cette hausse des salaires. La croissance de la population active devrait s’affaiblir à moyen terme, l’immigration en provenance de l’UE étant amenée à 50 baisser davantage en raison du Brexit, ce qui devrait à son tour soutenir la croissance des salaires. L’immigration pour des motifs d’emploi a 0 baissé de manière significative depuis le vote en faveur du Brexit (à déc.-09 déc.-11 déc.-13 déc.-15 déc.-17 77 000 sur un an à fin mars 2018, contre 130 000 au deuxième Sources : ONS, CA S.A. UE Non-UE trimestre 2016), principalement en raison d’une baisse de l’immigration en provenance de l’UE. Japon : poursuite de la reprise lente, mais le risque d’instabilité politique lié à la réforme constitutionnelle sera à surveiller de près Selon les chiffres les plus récents, la croissance réelle a été de 3% en rythme annualisé au deuxième trimestre : il s’agit du chiffre de croissance le plus élevé depuis le premier trimestre 2016. La principale explication tient à l’accélération de l’investissement privé, qui a progressé de 12,8% en rythme annualisé sur le trimestre. Ce phéno- mène peut-il se poursuivre au troisième trimestre ? Notre réponse est clairement négative : la progression de l’investissement observée au deuxième trimestre semble, en effet, beaucoup trop élevée par rapport à celle, quasi-nulle, des exportations. Un ralentissement de l’investissement semble donc inévitable au troisième trimestre. Cette période a par ailleurs été marquée par des facteurs très défavorables pour la consommation privée, avec une série N°18/200 – 3 octobre 2018 7
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 « Et pourtant, elle tourne » de typhons, des vagues de chaleur et le tremblement de terre sur l’île d’Hokkaido. Cela devrait conduire à un léger recul du PIB réel au troisième trimestre et nous tablons sur -0,3% en rythme trimestriel annualisé. Le recul du PIB au troisième trimestre restera temporaire : la phase de reprise va se poursuivre et atteindra un record de longévité pour la période d’après-guerre, à soixante-treize mois en décembre. Le secret de cette longévité ? Le Japon n’a, à ce jour, accumulé aucun des trois types d’excès (excès de capacités de production, de stocks et de main-d’œuvre) susceptibles de déclencher Japon : PIB réel & composantes une contraction économique. Pourquoi ces excès n’ont-ils pas été T4 12=100 de la demande accumulés, malgré la durée de la reprise ? En un mot, parce que la 140 Abenomics reprise a été trop lente. La durée de la reprise n’est donc pas le résultat 130 des Abenomics. 120 À plus long terme, l’attention se portera sur la politique après la victoire 110 de Shinzo Abe aux élections à la présidence du Parti libéral démocrate (LDP), le 20 septembre dernier. En remportant cette élection, le 100 Premier ministre a entamé son troisième (et dernier) mandat de trois 90 ans à la tête de ce parti, ce qui implique qu’il pourra rester Premier 12 13 14 15 16 17 18 ministre jusqu’en septembre 2021, mais pas au-delà. PIB réel Exports Invest.privé Invest.public Conso. privée Immo. résid. privé À court terme, la victoire de Shinzo Abe peut être perçue comme Source : Crédit Agricole CIB un signe de stabilité politique au Japon, alors que d’autres pays traversent des périodes d’instabilité. Il nous semble toutefois que les risques d’instabilité politique devront être surveillés de près à plus long terme. En effet, entamant son ultime mandat à la tête du LDP, Shinzo Abe ne peut désormais plus reporter la réforme consti- tutionnelle (sur le rôle des Forces d’autodéfense). Japon : Résultat du LDP aux élections législatives Les réformes constitutionnelles suivent un processus en deux étapes. 70 Avt la circonscription Après la circons- Tout d’abord, la Diète doit émettre une proposition approuvée par au unique cription unique moins deux tiers des membres de la Chambre haute et par au moins 60 deux tiers des membres de la Chambre basse. Cette proposition est ensuite soumise à référendum et doit être approuvée à la majorité des 50 votes exprimés pour être adoptée. La première étape ne devrait pas 40 poser de problème, mais la seconde semble plus difficile à franchir. 30 Il est important de noter qu’un écart significatif s’est creusé entre la part des sièges gagnés par le LDP à la Chambre basse et la part des 20 électeurs qui ont voté pour le LDP lors des élections législatives. Cet écart s’explique principalement par le système de circonscription unique introduit en 1996, dans lequel un seul député est élu par Pourcentage de sièges Pourcentage d’électeurs Sources : Cabinet Office, Crédit Agricole CIB circonscription, ce qui confère à ce système un aspect « tout ou rien » qui favorise le parti majoritaire. La part importante de sièges détenus par le parti au pouvoir permettra à la réforme de franchir aisément la première étape (la proposition de la Diète). Le fait que les électeurs soutenant le LDP ne détiennent pas la majorité rendra la deuxième étape (le référendum) plus difficile à franchir. Cela crée un risque d’in- stabilité politique, bien que Shinzo Abe ait été réélu à la tête de son parti le 20 septembre. N°18/200 – 3 octobre 2018 8
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 « Et pourtant, elle tourne » Pays émergents – Croissance résiliente mais marchés volatils Escalade des tensions commerciales, poursuite des hausses de taux… Mais seulement un léger ralentissement de la croissance des pays émergents, grâce au soutien apporté par la Chine à son économie. Certaines devises émergentes devraient toutefois rester volatiles. Les difficultés se sont aggravées au cours des derniers mois sur les marchés émergents. Tout d’abord, les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine se sont intensifiées. Les États-Unis vont augmenter les droits de douane sur 250 milliards de dollars d’importations en provenance de Chine. La Chine a répliqué en relevant les taxes sur 60 milliards de dollars d’importations en provenance des États-Unis. Les deux pays ont opté pour un niveau de taxation inférieur à ce qui était attendu lors de la dernière vague de taxation, ce qui pourrait être une BRIC : croissance du PIB manière de laisser la porte ouverte à de nouvelles négociations. Le 8 % manque de progrès dans les négociations au cours des quelques 7 trimestres écoulés et la détermination de l'administration Trump à 6 maintenir la Chine sous pression rendent cependant tout à fait possible un scénario d’escalade vers une situation, où l'ensemble du commerce 5 bilatéral entre les deux pays sera à terme taxé. 4 Cependant, dans un tel scénario, la Chine continuerait de compenser les 3 effets négatifs des droits de douane par des mesures de relance. L'impact 2 négatif sur la croissance chinoise serait donc limité et si la croissance chinoise reste forte, les pays exportant vers la Chine ne seront que 1 modérément affectés. 0 Chine Inde Brésil Russie Autre facteur : la crise financière dans certains pays, notamment Source : Crédit Agricole CIB 2017 2018 2019 l’Argentine et la Turquie, a également alimenté l’aversion au risque. La réponse inadaptée des autorités n'a fait qu'aggraver la situation, particulièrement en Turquie où l'indépendance de la Banque centrale a été menacée par la réticence de Recep Tayyip Erdogan à laisser les taux augmenter. Au Brésil, l'incertitude politique liée aux élections a également BRIC : balance courante alimenté la volatilité. Finalement, les secteurs à risque sur les marchés 2,5 émergents ont fourni des points de pression aux marchés. % PIB 2,0 1,5 Toutefois, la contagion vers les autres pays émergents a été inégale. Les 1,0 pays les plus affectés présentaient les vulnérabilités extérieures les plus importantes (les pays présentant d'importants besoins de financement 0,5 extérieur, par exemple). Une telle différenciation suggère que les pays les 0,0 moins vulnérables sur le plan macro-économique devraient subir des -0,5 pressions de marchés moins importantes. -1,0 -1,5 Sur le plan de la politique monétaire, certaines Banques centrales -2,0 émergentes ont dû procéder à des hausses de taux défensives -2,5 (notamment en Turquie et en Argentine). Un scénario de guerre Chine Inde Brésil Russie commerciale totale pourrait alimenter l’aversion au risque et déclencher de Source : Crédit Agricole CIB 2017 2018 2019 nouvelles hausses de taux directeurs dans la sphère émergente. Toutefois, la plupart des Banques centrales des pays émergents continuent de bénéficier de marges de manœuvre importantes et devraient pouvoir se permettre de ne pas relever leurs taux au même rythme que la Fed. Nous avons ainsi révisé nos prévisions de croissance pour les pays émergents, mais de manière assez limitée. Nous tablons sur un ralentissement de la croissance émergente de 4,4% en 2018 à 4,2% en 2019. N°18/200 – 3 octobre 2018 9
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 « Et pourtant, elle tourne » Le risque de volatilité sur les marchés financiers (notamment le marché des changes) reste plus important que le risque de ralentissement économique. Dans ce contexte de tensions commerciales, d’incertitudes politiques et géopolitiques et de poursuite de la hausse de taux aux États-Unis, les pays qui dépendent le plus de financements extérieurs (notamment la Turquie, l’Argentine et l’Afrique du Sud) et ceux qui vont connaître d’importants changements politiques (en particulier le Brésil) demandent une attention particulière. Brésil : à la croisée des chemins Brésil : le chômage reste élevé 14 L’élection présidentielle du 7 octobre est probablement la plus % incertaine de l’histoire de la démocratie brésilienne. Le pays est fortement divisé et le sentiment contestataire est très prononcé. Les 12 frustrations liées à l’économie et notamment au niveau toujours élevé du taux de chômage expliquent la demande croissante de changement. Les treize années de politique populiste sous le gouvernement du Parti des 10 travailleurs sont encore très présentes dans la mémoire des Brésiliens aux revenus modestes : le Parti des travailleurs bénéficie d’un important soutien électoral, malgré tous les scandales de corruption et 8 l’emprisonnement de l’ancien président Lula da Silva. Au second tour, programmé le 28 octobre, la victoire se jouera entre le candidat d’extrême- droite Jair Bolsonaro du Parti social-libéral (PSL), qui mène la course en 6 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 tête avec un programme axé sur la lutte contre la corruption et la sécurité Sources : IBGE, PNAD publique et, vraisemblablement, Fernando Haddad, le candidat du Parti des travailleurs. Les commentaires nationalistes de Jair Bolsonaro ne sont pas en accord avec le credo libéral de son conseiller économique, Paulo Guedes, très apprécié des marchés. Ce dernier est en faveur d’importantes privatisations et d’une réduction drastique de la taille de l’État. Il préconise également une réforme des retraites, mais les marchés se demandent si Jair Bolsonaro sera en mesure d’obtenir le soutien Russie : dollar/rouble nécessaire au sein du Congrès pour pouvoir réformer en profondeur le et taux directeur 71 7,80 système de sécurité sociale, en particulier, si ses convictions anti- % 70 corruption amenaient à une paralysie du Congrès comparable à celle que 7,70 le pays avait connue au plus fort de l’opération « Lava Jato » (lavage 70 69 7,60 express). Une victoire de Fernando Haddad serait inquiétante, principalement parce que son orientation politique l’amènerait à accroître 69 7,50 de nouveau l’interventionnisme du gouvernement dans l’économie et à ne 68 pas se préoccuper de la trajectoire explosive des finances publiques. S’il 68 7,40 était élu, Fernando Haddad enverrait probablement des messages positifs 67 7,30 aux marchés, pour essayer d’assurer une transition en douceur, mais les 67 USD/RUB marchés ne mordraient pas facilement à l’hameçon. Notre scénario 66 7,20 central table sur une victoire de Jair Bolsonaro et sur le fait que le sept.-18 déc.-18 mars-19 juin-19 sept.-19 pays connaîtra probablement des ajustements macro-économiques USD/RUB positifs, dans un contexte qui restera cependant difficile. Source : Crédit Agricole CIB Taux 1 semaine (dr.) Russie : un contexte favorable, terni par les risques de sanctions américaines La croissance économique devrait rester décevante dans les trimestres à venir en Russie. Le niveau relativement élevé des cours du pétrole devrait aider, mais la consommation privée (bien qu’elle contribue de manière importante à la croissance) progresse moins vite que les salaires, les consommateurs russes restant prudents quant aux perspectives du pays. Le principal risque en termes de marchés financiers est lié à la possibilité d’une nouvelle série de sanctions américaines touchant la dette souveraine, les banques et le secteur pétrolier. Il n’est pas certain que la loi américaine en ce sens sera adoptée, mais cette simple éventualité peut peser sur le rouble. La Banque de Russie a déjà relevé le taux repo une semaine, afin de limiter les risques inflationnistes consécutifs à la récente dépréciation du rouble (et à la hausse du taux de TVA). La N°18/200 – 3 octobre 2018 10
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 « Et pourtant, elle tourne » Banque centrale pourrait resserrer davantage sa politique monétaire, si le rouble devait se déprécier en réaction aux craintes de sanction. Sur le plan de la dette souveraine, le budget du gouvernement bénéficie de la montée du prix du pétrole. La Russie devrait dégager un excédent budgétaire cette année et l’année prochaine, ce qui devrait limiter la vulnérabilité du pays à de possibles nouvelles sanctions de la part des États-Unis. Inde : le poids du déficit courant Inde : solde courant et IDE 8,2%, quelle performance ! Il s’agit de la croissance indienne (cumul 12 mois, % du PIB) -2,0 2,0 enregistrée au deuxième trimestre 2018. L’une des plus fortes au monde. Mais ce chiffre est sans doute à relativiser à la lumière de l’effet de base très favorable qui le sous-tend en partie et qui devrait s’atténuer à -1,5 1,5 compter du troisième trimestre ; même s’il faut reconnaître une demande interne dans l’ensemble un peu plus ferme. -1,0 1,0 Et ce n’est en tout cas pas ce chiffre qui retient actuellement l’attention. On pense plutôt au creusement du déficit courant. À 1,9% du PIB en -0,5 0,5 données cumulées sur un an au deuxième trimestre, lorsqu’il s’était réduit à 0,5% du PIB à l’été 2016. Derrière, il y a la détérioration de la 0,0 0,0 balance commerciale, et encore derrière, le renchérissement de T3 15 T3 16 T3 17 T3 18 l’approvisionnement extérieur en pétrole (entre autres choses). On Solde courant Investissements directs étrangers (dr.) comprend aussi, par là même, que ce creusement pourrait se poursuivre Sources : RBI, MCI à court terme, compte tenu de l’évolution attendue du prix du pétrole, plutôt à la hausse en moyenne. Le fait est que cette détérioration pèse sur la roupie. La devise indienne s’est dépréciée d’un peu plus de 12% face au dollar depuis le début de l’année. L’une des plus chahutées parmi les monnaies émergentes. La Chine - Etats-Unis : commerce conduite de la politique monétaire, et plus largement du policy-mix, en est 500 Mds USD, 466 compliquée. La Banque centrale a relevé son taux d’intérêt directeur à 12M deux reprises depuis mai dernier, pour un total de 50 points de base, et ce 400 glissants n’est probablement pas terminé. Un risque baissier plane au-dessus des 300 perspectives de croissance… 301 200 Chine : prête pour la guerre commerciale 165 Le défi le plus important pour l’économie et les marchés chinois est 100 évidemment le conflit commercial avec les États-Unis. D’ici quelques mois, la quasi-totalité des exportations chinoises vers les États-Unis seront 0 soumises à des droits de douane de 25%, ce qui se traduira par un choc 00 02 04 06 08 10 12 14 16 18 négatif sur la croissance de l’ordre de 2 points de pourcentage en 2019 (en Solde Chine/États-Unis raison d’effets directs pour une moitié et d’effets liés au climat économique Exports Chine vers États-Unis Sources : CEIC Imports Chine des États-Unis pour l’autre moitié). Cependant, cet effet négatif sera probablement intégralement compensé par le plan de relance déployé par Pékin au cours des derniers mois, un plan qui comprend des assouplissements dans de nombreux domaines : monétaire, budgétaire, règlementaire et crédit. En conséquence, nous maintenons notre prévision de croissance à 6,6% pour 2018 et à 6,4% pour 2019 et tablons sur 6,0% pour 2020. La Chine va également faire face à une hausse du prix des importations : nous tablons sur une hausse de l’inflation à 2,5% en 2019, un niveau qui reste toutefois inférieur aux 3,0% visés par le gouvernement. Dernier point, le solde commercial de la Chine devrait reculer d’environ 90 milliards de dollars, conduisant à l’émergence d’un déficit courant de 0,9% du PIB en 2019. Un tel déficit restera cependant gérable, grâce à la hausse des investissements de portefeuille et à la taille colossale des réserves de change. Face au dollar, le renminbi ne devrait baisser que marginalement, à 6,95 en 2018 et 6,85 en 2019. N°18/200 – 3 octobre 2018 11
Monde – Scénario macro-économique 2018-2019 « Et pourtant, elle tourne » Pétrole – Le cap des 100 dollars en vue En deux ans, le marché pétrolier s’est retourné, passant d’un excédent de pétrole à une très vraisemblable pénurie d’offre en Prix pétrole : offre/demande 2019 et 2020. Depuis le troisième trimestre 2018, il fait notamment face 2,0 140 à la détermination de l’administration américaine de réduire à néant les Mb/j USD/b 1,5 120 exportations de pétrole iranien ; alors que, d’une part, la croissance de 1,0 la production américaine devrait connaître un ralentissement et que, 100 d’autre part, la production vénézuélienne ne semble toujours pas 0,5 80 capable de se redresser. Il existe toujours de nombreuses incertitudes 0,0 sur l’efficacité des sanctions américaines sur le pétrole iranien, sur la 60 -0,5 capacité des producteurs américains à remédier aux difficultés de 40 transport et sur l’ampleur du déclin de la production au Venezuela. En -1,0 effet, il est encore trop tôt pour déterminer dans quelle mesure les gros 20 -1,5 acheteurs de pétrole iranien que sont la Chine, la Turquie et l’Inde -2,0 0 parviendront à contourner l’extraterritorialité du droit américain et le 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 dollar américain dans ses transactions avec l’Iran, ou à bénéficier de Surplus Dated Brent (dr.) WTI (dr.) dérogations en échange de diminutions « substantielles » des Sources : OCDE/IEA OMR, Thomson Reuters, CAS.A. importations de pétrole iranien. Même en considérant un scénario modéré notamment sur l’ampleur des sanctions américaines, la baisse de la production au Venezuela et la croissance de la demande mondiale sur les deux prochaines années, le marché pétrolier aura besoin de l’OPEP pour Pétrole : scénario Brent s’équilibrer en 2019, mais aussi très vraisemblablement en 2020. 100 USD/b Dès 2019, les productions des Émirats arabes unis et du Koweït 80 devraient très vite parvenir à leur maximum. En supposant un environnement stable en Irak, notamment à Bassorah dans le sud où 60 se situent les terminaux pétroliers d’où s’exporte la très grande majorité du pétrole irakien, la production irakienne devrait augmenter. Mais 40 l’essentiel de l’équilibrage du marché pétrolier dépendra de l’Arabie saoudite. Sa production devra augmenter de près d’un million 20 de barils par jour sur 2019 pour éviter un assèchement des stocks. Il T1 16 T1 17 T1 18 T1 19 T1 20 ne restera alors à l’OPEP et à l’Arabie saoudite que très peu de Historique capacités excédentaires, juste un peu plus de 1,2 million de barils par Futures - 01/09/2018 jour d’après les chiffres de l’Agence internationale de l’énergie. Un Sources : Thomson Reuters, Prév. - sept 2018 niveau de capacité excédentaire de l’OPEP aussi faible (seulement ICE, CAS.A. Prév. - juin 2018 atteint en 2008 et 2011) exposera le marché pétrolier aux risques de forte envolée des prix en cas de nouvelles pertes de production (même momentanées) dans certains pays à l’environnement politique instable comme la Libye. La récente attaque du siège de la compagnie nationale montre la vulnérabilité l’industrie pétrolière libyenne aux luttes Transport ferroviaire de pétrole aux intestines. L’Arabie saoudite a visiblement pris conscience que sa kb/j Etats-Unis* (PADD3) production sera fortement sollicitée. Elle a récemment attribué un 35 contrat à une société américaine pour augmenter la capacité d’un de 30 * Texas, Nv. Mexique, Arkansas, ses importants champs. Mississippi, Alabama 25 Si, en 2019, le marché pétrolier restera essentiellement perturbé par la 20 mise en place des sanctions américaines sur l’Iran, en 2020, les 15 nouvelles règlementations de l’Organisation maritime interna- 10 tionale (OMI) sur la qualité des fiouls à partir du 1 er janvier 2020 devraient déséquilibrer le marché du gasoil. Le marché du gasoil 5 est l’un des marchés de produits pétroliers les plus dynamiques et 0 rentables pour les raffineries. C’est aussi le marché dont la croissance soutient celle de la demande en pétrole. L’exigence par l’OMI d’utiliser des fiouls à faible teneur en soufre en 2020 devrait provoquer une Source : EIA De PADD3 Du reste des Etats-Unis hausse de la demande pour les gasoils désulfurés au détriment des fiouls plus lourds et moins désulfurés majoritairement utilisés aujourd’hui par l’ensemble des flottes commerciales. Ces nouvelles règlementations pourraient alors indirectement impacter le prix du N°18/200 – 3 octobre 2018 12
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