Montréal en effervescence - HIVER 2017 - Ordre des urbanistes du Québec
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REVUE DE L’ORDRE DES URBANISTES DU QUÉBEC Montréal en effervescence MARC BRUXELLE Envoi de Poste-publication 11,25 $ N° de convention : 400 33 006 HIVER 2017
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sommaire MONTRÉAL REVUE DE L’ORDRE DES URBANISTES DU QUÉBEC Un centre consolidé, L’emprise fédérale 62 réinvesti et habité 18 ALEXANDRE LAMBERT L’effervescence du centre-ville montréalais 18 L’avenir de la mobilité urbaine 64 JEAN-CLAUDE MARSAN, urbaniste émérite MARIE-JOSÉE LESSARD, urbaniste La ville intérieure, un modèle mondial 20 L’émergence d’une agriculture périurbaine 66 JACQUES BESNER, urbaniste émérite PASCALE TREMBLAY RÉHABILITATION DES QUARTIERS ANCIENS Le système alimentaire montréalais 68 Le succès d’une approche systémique MARIE-JOSÉE LESSARD, urbaniste et collaborative 22 NOYAUX URBAINS DE LA RÉGION CLÉMENT DEMERS, urbaniste émérite Des projets inspirants 69 QUARTIERS DU CENTRE MARIE-JOSÉE LESSARD, urbaniste Montréal en effervescence Réinventer Montréal par le design JEAN-PHILIPPE LOISELLE-PAQUETTE, urbaniste de ses espaces publics 25 SERGE VAUGEOIS, urbaniste CHANTAL DESCHAMPS Envoi de Poste-publication 11,25 $ HIVER 2017 RENÉE DAOUST, urbaniste émérite N° de convention : 400 33 006 et RÉAL LESTAGE, urbaniste émérite L’image de la couverture illustrant La Joute, œuvre du peintre Le rayonnement de Montréal 74 et sculpteur Jean-Paul Riopelle, souligne le caractère emblématique Des quartiers diversifiés, de son intégration à un espace public et à un ensemble urbain inclusifs et conviviaux 28 LE MONTRÉAL DE DEMAIN parmi les plus remarquables de Montréal : la place Jean-Paul Riopelle Mieux planifier pour une ville meilleure 74 et le Quartier international. Installée dans un bassin où se déploie Reconstruire la ville sur elle-même 28 TABLE RONDE ANIMÉE PAR MARIE-JOSÉE LESSARD, urbaniste un cercle de feu à la surface de l’eau, conformément à la vision SYLVAIN DUCAS, urbaniste émérite – AVEC DINU BUMBARU, FÉLIX GRAVEL, de l’artiste, cette sculpture-fontaine, ellemême effervescente, urbaniste-stagiaire, FLORENCE PAULHIAC SCHERRER, peut être vue comme une métaphore de l’effervescence montréalaise La patrimonialisation des quartiers en matière de design urbain, d’architecture et d’urbanisme. MARTINE PHILIBERT, urbaniste ET centraux et des centres historiques 31 LORAINE TELLIER-COHEN, urbaniste L’aménagement du Quartier international s’est inscrit dans GÉRARD BEAUDET, urbaniste émérite le développement d’un centre habité, caractérisé par la multiplication PARTICIPATION PUBLIQUE de ses quartiers. Il a permis de créer un pôle d’activités majeur Maintenir le cap sur un habitat Un urbanisme collaboratif pour Montréal 78 qui abrite plusieurs édifices prestigieux, dont le Palais des congrès distinctif et de qualité 34 MICHEL GARIÉPY, urbaniste émérite et l’Édifice JacquesParizeau encadrant la place Jean-Paul Riopelle, ENTREVUE AVEC AURÈLE CARDINAL, tous connectés par le réseau piétonnier souterrain. Ce grand projet, URBANISTE ÉMÉRITE MONTRÉAL, MÉTROPOLE CULTURELLE initié, conçu et réalisé par les urbanistes émérites Renée Daoust Propos recueillis par JACQUES TRUDEL, urbaniste La rencontre entre la culture et l’urbanisme 81 et Réal Lestage, a pu être mis en œuvre avec succès grâce RAPHAËL FISCHLER, urbaniste émérite à une formule originale de partenariat réunissant de nombreux LOGEMENT SOCIAL partenaires publics et privés, s’apparentant à l’esprit de l’urbanisme Un modèle intégré de gestion partenariale 38 Redécouvrir l’hiver montréalais 83 collaboratif dont la pratique s’étend aujourd’hui à l’ensemble JACQUES TRUDEL, urbaniste ALAIN A. GRENIER du Grand Montréal. ÉVOLUTION DES ESPACES COMMERCIAUX À MONTRÉAL Un cadre de vie comme facteur d’attractivité Jean Paul Riopelle, La Joute, 1969-1970, bronze 1974 3,8 m (hauteur) × 12,40 m (diamètre) Nouveaux défis pour l’urbanisme 41 et de compétitivité 85 © Succession Jean Paul Riopelle / SODRAC (2017) ALEXANDRE MALTAIS ENTREVUE AVEC HUBERT BOLDUC, PDG DE MONTRÉAL INTERNATIONAL Don collectif des docteurs M. Bovo, C. Charest, S. Charlebois, Espaces verts et bleus : Propos recueillis par SERGE VAUGEOIS, urbaniste et FRÉDÉRIC H. Grégoire, M. Lafortune, A. G. Légaré, H. Martin, H. Mheir, P. C. Millette, A. Pagacz et C. Vallée la nature accessible 44 DUFAULT, urbaniste Collection Musée d’art contemporain de Montréal La trame verte et bleue de Montréal 44 MONTRÉAL EN LECTURE Crédit photo : Marc Bruxelle RÔLE DES URBANISTES Parutions récentes sur Montréal, son histoire JEAN DÉCARIE et son aménagement 86 JACQUES TRUDEL, urbaniste Le parc Jean-Drapeau, un grand espace alliant loisir et fleuve 47 Nouvelles de l’ordre 88 Message du président 5 MARIE LESSARD, urbaniste émérite L’Ordre participera activement au processus Célébrons Montréal et ses bâtisseurs Le Vieux-Port de Montréal, un patrimoine de renouvellement des orientations Donald Bonsant, urbaniste toujours en changement 48 gouvernementales en matière d’aménagement CLAUDE BENOIT du territoire 88 Montréal en effervescence et en devenir 6 COMPLEXE ENVIRONNEMENTAL DE SAINT-MICHEL PAUL ARSENAULT, urbaniste La métamorphose d’un grand espace urbain 50 Regroupement des aménagistes et MONTRÉAL MARIE CLAUDE MASSICOTTE des urbanistes du Saguenay – Entre passé et avenir 7 MARIE LESSARD, urbaniste émérite Lac-Saint-Jean-Charlevoix-Côte-Nord 88 ENTREVUE AVEC LE MAIRE DENIS CODERRE La table de concertation du Mont-Royal 53 JULIE SIMARD, urbaniste Propos recueillis par SERGE VAUGEOIS, urbaniste UN OUTIL POUR GÉRER UN SITE PATRIMONIAL LAURENTIDES BLANCHE ET SANDY VAN GINKEL DE PORTÉE NATIONALE Planifier le territoire municipal par les aires Des pionniers de l’urbanisme montréalais 10 CLAUDE CORBO de paysage 89 ANDRÉ BOISVERT, urbaniste émérite ANDRÉ M. BOISVERT, urbaniste Grand Montréal : une LES 375 ANS DE MONTRÉAL coopération régionale renforcée 56 Nomination de Nathalie Blanchet De projet missionnaire à métropole à titre d’adjointe administrative nord-américaine 14 PLANIFICATION RÉGIONALE à l’Ordre des urbanistes du Québec 89 ANDRÉ BOISVERT, urbaniste émérite La longue marche vers le PMAD de la CMM 56 et SERGE VAUGEOIS, urbaniste MARIE-ODILE TRÉPANIER, urbaniste émérite À l’agenda 90 PRÉSENCE AUTOCHTONE LE PMAD DE LA CMM Une histoire à revisiter, une reconnaissance Un modèle de coopération métropolitaine 59 à concrétiser 16 SUZY PEATE, urbaniste et MICHEL ROCHEFORT, urbaniste JACQUES TRUDEL, urbaniste URBANITÉ | HIVER 2017 3
message du président MONTRÉAL Célébrons Montréal et ses bâtisseurs Pour cette édition hivernale qui marque le début de l’année et des festivités du 375e anniversaire de Montréal, le comité éditorial vous propose un numéro consacré entièrement à Montréal et aux gestes urbanistiques qui ont façonné cette ville. En raison de son évolution constante, on ne peut passer sous Ce 375e est aussi l’occasion silence le nombre important de chantiers ayant eu lieu ou de célébrer notre nordi toujours en cours depuis les dernières années sur le territoire cité et l’ensemble de de Montréal, ainsi que leur impact sur la vie urbaine. Ces la planification urbaine chantiers sont pourtant le fruit de projets d’aménagement adaptée à nos conditions pensés et repensés pour l’avenir. Ils sont ainsi synonymes de climatiques, comme le progrès. Cette année, le 375e anniversaire de Montréal nous démontre le réputé réseau de donne l’occasion de mettre en lumière plusieurs de ces nom corridors souterrains que nous breux gestes posés pour assurer un environnement durable. devons en partie à la vision d’un de nos premiers membres, Étant donné qu’ils sont les spécialistes de l’aménagement Vincent Ponte (voir le plan à la page 21). du territoire, il importe de rappeler que les urbanistes jouent En plus de nous permettre de faire le point sur les grands accom un rôle majeur dans les activités d’une ville. Bien qu’ils soient plissements, ce 375e nous amène également à nous questionner parfois discrets, les urbanistes sont partout; ils interagissent sur les défis qui se présentent. En ce sens, l’urbaniste se doit aux niveaux économique, social, politique, culturel et environ notamment de poursuivre ses efforts dans la lutte aux chan nemental. En considérant l’ensemble des enjeux et des parties gements climatiques en planifiant le territoire de manière à prenantes, ils s’assurent de la cohésion des actions posées. atteindre un modèle énergétique durable. Depuis déjà plusieurs années, notamment par l’organisation et le développement des milieux de vie, il est clair que l’urbanisme Dans une optique de progression et de surpassement, l’Ordre a marqué la ville de Montréal, et ce, par des réalisations des urbanistes du Québec est convaincu que l’implication d’un concrètes qui perdurent dans le temps, comme en témoigne nombre encore plus important d’urbanistes dans la réalisation ce numéro d’Urbanité. des projets d’aménagement est nécessaire au développement et à la prospérité de Montréal comme métropole. C’est par l’expertise et le savoirfaire de nos membres dans la planifi cation et l’aménagement du territoire que nous pourrons avoir « Étant donné qu’ils sont une vision d’ensemble cohérente dont nous pourrons être fiers encore très longtemps. les spécialistes de l’aménagement En terminant, je tiens à souligner les efforts soutenus des membres du territoire, il importe de rappeler du comité éditorial qui ont permis de livrer ce numéro sur le 375e anniversaire de Montréal. Ce numéro est le dernier du que les urbanistes jouent un rôle majeur président du comité Serge Vaugeois. En effet, celuici a annoncé dans les activités d’une ville. Bien qu’ils son intention de se retirer afin de consacrer plus de temps à ses activités personnelles. Je tiens à le remercier pour les années soient parfois discrets, les urbanistes passées à la barre d’Urbanité à initier et à coordonner plusieurs dossiers en plus de rédiger de nombreux articles. sont partout; ils interagissent aux Je remercie Paul Arsenault, membre du comité éditorial depuis niveaux économique, social, politique, bientôt 15 ans, d’avoir accepté la présidence intérimaire du culturel et environnemental. » comité et je salue tous les membres de ce comité pour leur engagement à la promotion de notre profession dans les dossiers et diverses chroniques d’Urbanité. Le comité éditorial aura comme mandat au cours des prochains mois de sonder le En cette année du 375e anniversaire de Montréal, je tiens à lectorat de la revue afin de continuer à répondre aux attentes saluer l’apport de ceux et celles qui ont contribué de près ou dans un souci d’amélioration continue et de gestion des coûts de loin à l’effervescence de la ville que l’on connaît aujourd’hui de production. et à sa renommée internationale. Montréal rayonne non seule Bon 375e! ment par sa culture et ses innovations technologiques, mais également par ses particularités, qui font d’elle un endroit Le président, unique et inspirant. Donald Bonsant, urbaniste URBANITÉ | HIVER 2017 5
MONTRÉAL Feux sur glace TELUS WILL LEW / ZETAPRODUCTION.COM Montréal en effervescence et en devenir À l’occasion du 375e anniversaire de la fondation de Montréal, Après quelques articles de portée plus générale, les réalisa la revue Urbanité publie un numéro entièrement consacré aux tions présentées sont réparties selon une logique spatiale, interventions d’urbanisme sur le territoire du Grand Montréal partant du centre pour aller aux quartiers, aux grands espaces correspondant à l’ensemble de sa Communauté métropoli verts et finalement à la région, le tout se concluant par des taine. Tout en s’adressant au lectorat habituel de la revue, ce réflexions sur l’apport de l’urbanisme au rayonnement du numéro veut saisir l’occasion de rejoindre un public plus large, Montréal de demain. dont l’intérêt pour Montréal sera stimulé par les festivités De nombreux auteurs, plusieurs connus de nos lecteurs et ainsi que par les nombreux congrès et les multiples conférences ayant fait euxmêmes leur marque en aménagement urbain, et événements culturels, souvent internationaux, qui s’y tiendront ont bien voulu collaborer à ce numéro. Nous les en remercions au cours de l’année 2017. et nous espérons que ce travail collectif fera mieux connaître Le numéro vise à montrer comment l’urbanisme a façonné l’urbanisme montréalais dans ses réalisations concrètes Montréal et a contribué à son effervescence actuelle. Il met en comme dans son influence plus discrète et de longue portée. évidence les gestes et les processus qui ont été et demeurent Nous souhaitons qu’il soit une source d’inspiration pour le les plus déterminants pour le développement régional et la Montréal en devenir. qualité de l’aménagement tout en faisant valoir le savoirfaire Bonne lecture ! des urbanistes qui y ont contribué. Il rappelle également les défis qui restent à relever afin de promouvoir une planification LES MEMBRES DU COMITÉ RESPONSABLE du territoire plus durable pour l’avenir. Anniversaire oblige, » ANDRÉ BOISVERT, urbaniste émérite le choix a toutefois été fait de mettre l’accent sur les forces » FRÉDÉRIC DUFAULT, urbaniste plutôt que sur les faiblesses. Ce sont ainsi les meilleures » MARIE LESSARD, urbaniste émérite pratiques et ce, à toutes les échelles de l’intervention urbanis » MARIE-JOSÉE LESSARD, urbaniste tique, qui ont été privilégiées. » JACQUES TRUDEL, urbaniste » SERGE VAUGEOIS, urbaniste 6 URBANITÉ | HIVER 2017
MONTRÉAL Entre passé et avenir ENTREVUE AVEC LE MAIRE DENIS CODERRE Dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal, Urbanité a rencontré le maire Denis Coderre pour échanger avec lui sur l’évolution du développement urbain de Montréal, sur sa vision de l’avenir de la ville et de la grande région et sur la contribution de l’urbanisme dans la mise en œuvre de cette vision. » Propos recueillis par SERGE VAUGEOIS, urbaniste Montréal fête cette année 375 ans d’existence, qu’est-ce que cet évènement signifie pour vous comme maire de la ville et président de la Communauté métropolitaine de Montréal ? Célébrer les 375 ans de Montréal est une occasion de prendre le temps de regarder l’évolution de notre ville et l’histoire de ses habitants, et d’apprécier la richesse et la diversité des quartiers montréalais. Mais c’est aussi un moment pour penser à ce que l’on va trans mettre aux générations futures, à travers les legs du 375e, soit des projets structurants pour l’avenir de la ville. Pensons notam ment aux projets d’aménagement du domaine public comme les Promenades urbaines, ce parcours reliant le fleuve et la montagne, la réhabilitation de la place Vauquelin et celle de la rue SaintPaul. Pensons aussi à deux projets majeurs au centreville visant à supprimer d’importantes barrières phy siques : le remplacement de la structure de l’autoroute Bonaven ture par le boulevard urbain RobertBourassa et la poursuite du recouvrement d’une partie de l’autoroute VilleMarie, qui laissera place dans les prochaines années à un vaste espace public reliant le VieuxMontréal et le reste du centreville. Je mentionnerais également la transformation du site du Complexe environnemental de SaintMichel en vaste parc, qui est l’un des plus ambitieux projets de réhabilitation environne mentale jamais entrepris en milieu urbain en Amérique du Nord. Cette célébration représente l’occasion d’une grande opéra milieu de vie attrayant tout en demeurant le principal pôle tion de rénovation de la ville, d’une mise à niveau nécessaire d’emplois de la région métropolitaine et du Québec. à plusieurs endroits stratégiques. Au lendemain de la fête, Ces dernières décennies ont vu la construction de plusieurs les legs subsisteront au bénéfice — quotidien — de la population. dizaines de milliers de logements sociaux et la mise en place d’une Stratégie d’inclusion de logements abordables dans les Quel regard portez-vous sur l’évolution du développement nouveaux projets résidentiels. De même, le réseau cyclable urbain de Montréal au cours des dernières décennies, montréalais ne cesse de s’étendre pour atteindre aujourd’hui notamment par rapport aux principes de développement près de 750 km, ce qui est largement supérieur aux réseaux de durable ? Qu’est-ce qui s’est fait de mieux selon vous ? Toronto ou Vancouver. Ainsi, nous soutenons toutes les initiatives Tout d’abord, en 2017, nous célébrerons aussi 25 ans de offrant aux Montréalais une alternative à la possession d’une planification urbaine à Montréal ! En 1992, le premier Plan automobile : réseau de métro et d’autobus, Bixi, autopartage. d’urbanisme a permis de poser des jalons pour un développe ment urbain viable. Les fondements du Plan guident encore Vous représentez Montréal et sa région au sein d’orga- nos actions aujourd’hui : la consolidation des quartiers nismes internationaux, et à ce titre, vous avez à rencontrer centraux, le choix du transport collectif, la protection des des élus de plusieurs villes dans le monde. Comment ces éléments naturels comme le mont Royal et le fleuve, et enfin gens perçoivent-ils le développement urbain de Montréal le principe d’équité, à travers une offre diversifiée de loge et qu’est-ce qui nous distingue selon eux des autres villes ments, une répartition des équipements publics et des es de la planète ? paces verts et des mécanismes de participation citoyenne. Pour les touristes qui déferlent par millions dans le Vieux Par le biais de certains grands projets urbains (Quartier inter Montréal, Montréal c’est d’abord un riche patrimoine archi national, Quartier des spectacles), mais aussi par la consolida tectural et historique qui marie les influences européennes et tion des quartiers, un terrain et un tronçon à la fois, la ville se nordaméricaines. Puis, Montréal, c’est le fleuve et la montagne, reconstruit sur ellemême. À cet égard, nous pouvons être fiers deux symboles emblématiques du paysage qui seront bientôt du retour de l’habitation au centreville, qui apparaît comme un reliés par une superbe promenade. Les visiteurs et les travail URBANITÉ | HIVER 2017 7
entrevue MONTRÉAL leurs apprécient également le métro et le réseau de corridors souterrains qui relie le métro aux bureaux, aux commerces et aux institutions du centreville. Au cœur de la ville, la concentration des sièges sociaux, l’innovation architecturale et l’effervescence créée par les « Montréal s’assure que nombreux festivals donnent à Montréal une couleur interna tionale et festive, des traits distinctifs ayant été mis en scène son développement urbain et par d’importants projets d’aménagement. son développement économique Audelà du spectaculaire, Montréal c’est également sa culture et ses quartiers, sa véritable richesse. C’est en déambulant aient toujours en leur cœur le long d’une ruelle verte ou au hasard d’une rencontre dans le développement durable, car un café que l’on goûte vraiment à la saveur montréalaise et que l’on comprend pourquoi notre ville figure parmi les après tout, c’est la qualité de vie métropoles du monde qui offrent la meilleure qualité de vie... à un prix abordable ! de nos citoyens d’aujourd’hui Et par qualité de vie, nous entendons aussi une santé de et des générations de demain qualité. Montréal, c’est un milieu urbain sain, c’est la verdure qui en dépend. » autour de chez soi avec ses arbres sur rue et ses parcs de quartiers tout comme ses grands parcsnature en pleine ville. Sans oublier le mont Royal, un poumon de fraîcheur et de sérénité, un joyau de verdure au cœur de notre métropole. Que ce soit pour se détendre, pour une promenade ou des le réseau vert et bleu, un patrimoine bâti mis en valeur, activités de loisirs, Montréal offre ainsi plusieurs milieux où un réseau de transport collectif performant, une place la personne qui y réside tout comme le visiteur y trouveront centrale pour le piéton, des équipements publics de qualité. réponse à leurs besoins. Il y a de nombreux avantages à une vie urbaine, y compris Notre métropole est portée sur l’avenir, sur la planète que pour les familles, et Montréal dispose de nombreux atouts nous souhaitons léguer à nos enfants. En tant que gouverne que nous voulons conserver et enrichir. L’un des enjeux ment de proximité, nous accordons une grande importance majeurs est aussi d’améliorer la vie en ville tout en permettant à nos citoyens et à leur environnement. Nous l’avons démon aux citoyens de tout le spectre social de continuer à y vivre. tré dans le cadre de la dernière Conférence des parties à Avec le statut de métropole, la Ville pourrait élargir son coffre Paris, la COP21, où les villes se sont mobilisées pour démon d’outils adaptés à son territoire, en termes de paramètres et trer toute l’importance à accorder à la lutte aux changements de financement. Son intervention en matière de construction climatiques, et Montréal assume de plus en plus un rôle de de logements sociaux, de requalification de terrains contami leadership à cet égard à travers les différentes mesures qu’elle nés, notamment, serait plus efficace. déploie afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et contrer les îlots de chaleur. Et, l’environnement n’a pas de Comment la pratique de l’urbanisme à Montréal et dans frontières. Nous y avons tous notre rôle et nos responsabilités. la grande région métropolitaine va-t-elle vous aider à Montréal s’assure que son développement urbain et son mettre en œuvre votre vision de la ville pour l’avenir ? développement économique aient toujours en leur cœur Quel rôle vont jouer les urbanistes dans tout cela ? le développement durable, car après tout, c’est la qualité Pour accompagner et baliser cette vision, les urbanistes sont de vie de nos citoyens d’aujourd’hui et des générations de essentiels. Ce sont les garants d’une vision d’ensemble, de la demain qui en dépend. cohérence des diverses actions qui ont un impact sur l’aménage ment du territoire à l’échelle de l’agglomération comme des ar Quand vous regardez l’aménagement du territoire de rondissements. Au carrefour des orientations municipales et des villes qui constituent des phares en matière de qualité de besoins de la communauté (citoyens, promoteurs, entreprises, vie pour leurs citoyens — pensons seulement à Copen- institutions, etc.), ils ont un rôle intégrateur et rassembleur, hague, Barcelone et Vancouver — qu’est-ce que cela vous comme en témoigne l’évolution des outils de planification. L’en inspire pour l’avenir de Montréal ? Quelle est donc votre semble des outils et des interventions en urbanisme misent sur vision pour le développement urbain régional ? Comment une approche inclusive et concertée, avec les citoyens et les par le statut de métropole va-t-il soutenir cette vision ? ties prenantes institutionnelles et privées, où les volets de Chaque ville a ses particularités, ses bons coups et ses défis. développement économique et social s’ajoutent aux interventions Si certaines expériences peuvent être inspirantes — la place d’aménagement. Ces processus placent aussi les citoyens au du vélo à Copenhague, la reconquête des berges à Barcelone cœur de la prise de décision, ce qui m’apparaît fondamental pour ou la densification verte à Vancouver par exemple — il faut l’aménagement et le développement du territoire montréalais. savoir les ajuster à notre territoire et à nos manières de faire Mais l’urbanisme permet aussi d’influencer la forme de la et ne pas simplement « copiercoller ». ville. En guidant la densification, en mettant de l’avant des Dans la région de Montréal, notre priorité reste de limiter projets urbains intégrateurs, les urbanistes contribuent à l’étalement et de mettre en œuvre une densification agréable : l’enrichissement du paysage urbain. 8 URBANITÉ | HIVER 2017
Montréal dans nos revues en ligne Il y a maintenant trente ans, un dossier intitulé « Montréal sous le signe de l’urbanisme » occupait la presque totalité d’un numéro de la revue L’urbaniste (vol. 4, no 2, automne 1986) que publiait alors la Corporation professionnelle des urbanistes du Québec. Fait à signaler, la rédactrice en chef de la revue au moment de cette parution était notre collègue Marie Lessard, qui a également collaboré au présent numéro. C’est l’occasion de rappeler que tous les numéros d’Urbanité, ainsi que des revues de l’Ordre ou de la Corporation qui l’ont précédé, sont accessibles en ligne sur le site de l’OUQ. On peut retrouver dans la plupart d’entre eux des articles qui traitent de sujets montréalais. FIÈRE DE CÉLÉBRER LE 375 ième DE MONTRÉAL Pour des solutions innovantes, nos experts peuvent vous aider. BÉTON DRAINANT HYDROMEDIA Notre engagement : construire des villes meilleures. 514 344.1788 www.construiredesvillesmeilleures.ca BÉTON DÉCORATIF ARTÉVIA URBANITÉ | HIVER 2017 9
hommage MONTRÉAL BLANCHE ET SANDY VAN GINKEL Des pionniers de l’urbanisme montréalais Au milieu du siècle dernier, Blanche Lemco van Ginkel et Daniel (Sandy) van Ginkel ont communiqué une impulsion nouvelle à l’urbanisme montréalais, une impulsion qui a marqué les paysages et les esprits. En plus de détenir une formation et une expérience professionnelle remarquables, ils participaient activement aux grandes discussions de l’époque en matière d’aménagement, d’archi- tecture et de design. Il convient donc de souligner leur contribution à l’occasion du 375e anniversaire de la fondation de Montréal. » ANDRÉ BOISVERT, urbaniste émérite un marché plutôt tranquille. Elle arrive à Montréal pour y fonder une agence malgré cela à pratiquer l’architecture d’architecture et d’urbanisme. J’ai eu le grand privilège de rencontrer ainsi que l’enseignement universitaire. Blanche Lemco van Ginkel, une éminente Dans un Montréal en mutation Lors d’un séjour en Europe, elle travaille pionnière de l’Ordre des urbanistes du Le Montréal des années 1950 est à un chez Le Corbusier. Puis, elle entreprend Québec, lors d’une entrevue qu’elle tournant de son histoire. L’inauguration des études en urbanisme à l’Université accordait à Urbanité en octobre 2015. Harvard et accepte un poste de profes de la voie maritime du SaintLaurent allait À cette occasion, elle a tenu à souligner seure à l’Université de Pennsylvanie. infléchir son évolution. En même temps que si ses habiletés de communicatrice que la ville commençait à déborder de Sandy van Ginkel est né en 1920 à son cadre insulaire, un large consensus se l’ont souvent placée à l’avantplan, c’est Amsterdam. Il acquiert une formation crée afin d’accommoder l’usage de l’auto en tant que couple qu’elle et son mari multidisciplinaire en arts appliqués à mobile. L’urbanisme, en tant que champ ont joué leur rôle, en particulier durant l’institut Elckerlyc1. Le programme de pratique autonome, n’existait pas cette période des années 1960 au cours incluait sculpture, design, architecture encore au Québec; la mise sur pied d’une de laquelle l’agence Van Ginkel et et urbanisme. En 1942, il termine le cours, agence arrivait donc à point nommé. associés a œuvré en lien avec le Service mais son diplôme lui est refusé parce d’urbanisme de la Ville de Montréal. Un des premiers gestes professionnels qu’il n’accepte pas de signer les docu Elle garde un vif souvenir, entre autres, du couple fut de participer au congrès ments de l’occupant nazi. Toutefois, avant du VieuxMontréal qu’elle a toujours d’entreprendre sa carrière profession de l’Institut canadien des urbanistes vu d’abord et avant tout comme un nelle, il fait des études en sociologie à (ICU) qui, en 1957, se déroulait à Lac milieu de vie urbain intégral et non l’Université d’Utrecht. Il sera par la suite Beauport. Les principaux protagonistes pas seulement comme un lieu touris successivement fonctionnaire ou consul canadiens et québécois de l’urbanisme tique. Blanche Lemco se dit toujours tant. La Ville d’Amsterdam lui confie la s’y trouvaient réunis. Blanche van Ginkel Montréalaise et conserve un sentiment responsabilité de la ville historique. Puis, se joint à l’Association des urbanistes d’attachement pour cette ville. Blanche à l’époque du grand plan de Stockholm, professionnels du Québec (AUPQ) et Lemco van Ginkel et Sandy van Ginkel il participe, comme fonctionnaire de l’État participe aux réunions3. Entretemps, demeurent encore aujourd’hui une suédois, à un projet de ville nouvelle. l’agence Van Ginkel et associés, tout grande source d’inspiration pour À titre de consultant installé à Amsterdam, en réalisant ses mandats dans plusieurs l’avenir de Montréal. il réalise des mandats pour des clients régions du Canada, mène des réflexions en Irlande. Aux PaysBas, il participe, en sur les moyens de bien gérer l’exurbani Des professionnels d’exception association avec l’urbaniste Aldo van sation, dans le contexte nordaméricain. Blanche Lemco est née à Londres en 1923 de parents originaires de Pologne. Eyck, à la préparation du plan du village À la fondation de l’Institut d’urbanisme Dans les années 1930, la famille s’installe rural de Nagele, dans le Noordoostpol- de l’Université de Montréal, en 1961, au Canada. Elle habite à Westmount, d’où der, dont on voulait faire un modèle Blanche van Ginkel devient respon elle conserve le souvenir de ses pre d’architecture et d’urbanisme moderne2. sable de l’atelier de première année. mières véritables tempêtes de neige. Sandy van Ginkel et Blanche Lemco se Plus tard, au début des années 1970 Elle y termine ses études secondaires rencontrent en 1953 à AixenProvence, et jusqu’à son départ pour Toronto en et, à seize ans, est admise en architec aux assises des Congrès internationaux 1977, elle est professeure responsable ture à l’Université McGill. Elle devient, d’architecture moderne (CIAM). Tous de la première année en urbanisme à en 1945, l’une des premières femmes deux y présentent des réalisations : lui l’Université McGill. Pour sa part, peu diplômées en architecture de l’Université avec la délégation néerlandaise et après son arrivée à Montréal, Sandy McGill. La profession étant à cette époque elle avec l’équipe de l’Université de van Ginkel devient chargé de cours à entièrement masculine, il n’est pas facile Pennsylvanie. Ils se marient à la fin l’École d’architecture de l’Université de décrocher ses premiers emplois dans de 1956 et choisissent de s’installer McGill où il est amené à reconnaître 1 L’institut Elckerlyck a été fondé dans les années 1930 par Hendrik Wijdeveld (1885-1987) dont les intérêts sont multiples : du design à l’urbanisme et à l’architecture. Par sa production architecturale, Wijdeveld se rattache à l’école d’Amsterdam. Grand admirateur de Frank Lloyd Wright, il a longtemps maintenu contact avec le maître. 2 VAN DER WAL. In Praise of Common Sense. Planning the ordinary: A physical planning history of the new towns in the IJsselmeerpolders. 010 Publishers, Rotterdam, 1997, pp. 113-125. 3 Les Van Ginkel participeront par la suite à la fondation de la Corporation professionnelle des urbanistes du Québec en 1963; voir : BOISVERT, André. « L’émergence de l’Ordre des urbanistes du Québec » dans Urbanité, automne 2013, pp. 26 à 31. 10 URBANITÉ | HIVER 2017
le talent de Moshe Safdie, lequel colla portuaires ainsi que sur les réseaux à moderniser le Service d’urbanisme. borera durant un certain temps aux ferroviaires et routiers. La première L’agence Van Ginkel et associés jouera travaux de l’agence et fera sa marque recommandation du rapport est d’annuler un rôle prépondérant dans ce processus. avec Habitat 67. le projet en raison de ses effets négatifs, Se voyant offrir le poste d’adjoint au prévisibles à coup sûr, sur le port et directeur et ne tenant pas à redevenir En mars 1958, le couple Van Ginkel fonctionnaire, Sandy van Ginkel négocie sur l’intégrité de la ville historique. est consterné par l’annonce du projet une entente de collaboration qui prévoit Avec la réélection de Jean Drapeau en d’autoroute estouest qui aurait eu l’effet un lien organique entre l’agence et novembre 1960, ce rapport contribue d’ériger une cloison malencontreuse entre le Service d’urbanisme. Il devient à l’annulation du projet. le port et le VieuxMontréal. Blanche en ainsi adjoint au directeur qu’il assiste tête, un mouvement d’opposition s’orga Au service de l’urbanisme montréalais dans la réorganisation du Service. nise avec l’appui de membres de Dans sa démarche pour moderniser Blanche anime plusieurs comités et l’AUPQ. Mettant à profit l’expérience l’administration municipale, Jean Drapeau mène plusieurs dossiers à terme. Leurs de Sandy, originaire d’un pays de nomme Claude Robillard à la direction compétences se complètent en un vieille tradition maritime, ils convain du Service d’urbanisme. Ingénieur et professionnalisme de haut niveau. quent le Montréal Citizen Committee4 homme de culture, celuici avait fait sa « Avec eux, dira Guy R. Legault, urba de parrainer une évaluation des effets marque au Service des parcs. En poste niste à la Ville, l’urbanisme est entré potentiels du projet sur les activités durant quatre ans seulement, il réussira au Service d’urbanisme. Ces gens-là 4 Ibid., p. 30. AARON HARRIS/MONTREAL GAZETTE. Blanche Lemco van Ginkel dans sa maison de Toronto, en septembre 2012. (traduction à partir du texte original, Urbanité, 18 janvier 2017). URBANITÉ | HIVER 2017 11
hommage MONTRÉAL VAN GINKEL ASSOCIATES FONDS • COLLECTION CENTRE CANADIEN D’ARCHITECTURE/CANADIAN CENTRE FOR ARCHITECTURE, MONTRÉAL • DON DE H.P. DANIEL ET BLANCHE LEMCO VAN GINKEL Maquette préparée en 1962 par l’agence Van Ginkel sous le thème de « L’Homme et la ville », pour illustrer le premier site choisi par le Service d’urbanisme en vue d’Expo 67, comprenant la jetée Mackay et les espaces riverains adjacents sur l’île de Montréal. avaient une solide culture, une large circulation de la zone centrale, une Montréal. Pour la population montréalaise, vision et maîtrisaient à fond les tech- première stratégie de mobilité qui québécoise et canadienne, l’évènement a niques de l’urbanisme 5. » embrasse l’ensemble des caractéris ouvert une fenêtre sur le monde. La féérie tiques du territoire conjuguant le métro des îles et les paysages iconiques qui En 1961, le Service d’urbanisme leur confie et le réseau autoroutier. Complété en s’offraient aux cinquante millions de le mandat d’étudier le VieuxMontréal, qui 1961, ce plan n’a été réalisé qu’en visiteurs figurent parmi les facteurs périclitait. Le rapport qui s’ensuit met en partie. Notons cependant que c’est de ce succès immense et multiforme. lumière l’iniquité des valeurs foncières et aux Van Ginkel que l’on doit l’idée de Il importe toutefois de rappeler l’existence recommande d’y attirer des résidents et construire une autoroute en tunnel et d’un scénario antérieur auquel l’agence des emplois. Cette étude, avec celle déjà en tranchée dans l’axe de l’ancienne Van Ginkel était associée. produite sous l’égide du Montréal Citizen rivière SaintMartin. Par contre, leur Committee, servira de guide aux inter En avril 1962, lorsque Jean Drapeau est proposition d’une jonction plus directe ventions de la Ville pour faire du Vieux informé que l’URSS ne tiendra pas l’expo entre l’autoroute Décarie et l’autoroute Montréal ce qu’il est maintenant. sition universelle de 1967, il se met à la des Laurentides n’a pas été retenue. tâche : l’évènement aura lieu à Montréal. L’annulation de l’autoroute estouest Expo 67 : de « l’Homme et la ville » Afin de satisfaire aux exigences du imposait une solution de rechange, car à « Terre des Hommes » Bureau international des expositions (BIE), la circulation automobile était alors en Nombre d’empreintes dans les paysages le Comité exécutif confie au Service forte croissance. Le Service d’urbanisme rappellent que l’exposition universelle d’urbanisme le mandat de proposer n’avait pas encore de plan de transport. de 1967, « Expo 67 », a créé un point des sites potentiels. Claude Robillard Sandy van Ginkel réalise le Plan de de repère dans l’histoire moderne de s’entoure de Hans Blumenfeld et de 5 BOISVERT, André. Aménagement et urbanisme au Québec. Les Éditions GID, 2014, pp. 332-333. 12 URBANITÉ | HIVER 2017
l’agence Van Ginkel. Une trentaine d’em terrains impliquant un grand nombre En 1977, le couple s’installe à Toronto. placements potentiels font l’objet d’une d’interlocuteurs qui ne pouvaient se plier Blanche devient la doyenne de la analyse. Arrivent en tête la jetée Mackay à un calendrier serré. L’idée des îles de Faculté d’architecture et d’architecture et les espaces riverains adjacents sur l’île l’Expo s’est imposée dans ce contexte. de paysage de l’Université de Toronto de Montréal, entre l’île des Sœurs et le site Édouard Fiset, nommé architecte en chef, de 1980 à 1982. Dès lors, en plus de de RadioCanada, incluant un Vieux mandate une nouvelle équipe pour pré ses activités professionnelles, Sandy Montréal rénové. L’agence Van Ginkel parer un plan général du site avant la fin s’intéresse à la sculpture et produit des prépare une maquette et avance le de l’année. En désaccord avec le cadre œuvres remarquées. Les Van Ginkel ont thème de « L’Homme et la ville ». Fort de budgétaire imposé, Sandy van Ginkel reçu les plus grands honneurs pour leur cette idée, Jean Drapeau se rend à Paris démissionne vers la fin de 1963. Par contribution à l’architecture et à l’urba en novembre 1962 et revient avec l’ac la suite, il saura néanmoins convaincre nisme. Chacun de leur côté, ils ont aussi cord du BIE. les autorités responsables de construire été des professeurs et des conférenciers Habitat 67 sur la jetée Mackay selon admirés; ils ont aussi écrit nombre Au congrès de l’Ordre des architectes d’articles dans des revues spécialisées. les plans de Moshe Safdie, l’un de ses du Québec, en janvier 1963, Blanche étudiants en maîtrise à l’Université McGill. La contribution des Van Ginkel à l’urba Lemco van Ginkel présente le concept de « l’Homme et la ville ». Se référant à Par ailleurs, en 1993, le Centre canadien nisme montréalais, dans l’effervescence sa recherche sur les expositions univer d’architecture (CCA) organisait une expo des années 1960, est remarquable. selles tenues à compter du XIXe siècle, sition sur le thème des expositions Montréal a connu une profonde muta elle fait valoir que celle de Montréal universelles, dont le titre était Image tion, positive à plusieurs égards, mais doit s’inspirer de l’esprit des premières des villes idéales : les expositions univer- la puissante vague de fond en faveur expositions et promouvoir l’avancement selles. On pouvait notamment y voir de l’automobile laissait entrevoir des humain. Montréal deviendra ainsi une la maquette des Van Ginkel et le pro conséquences négatives qu’il fallait vitrine de l’environnement urbain pour gramme de l’exposition y faisait réfé contrer par une autre vision de l’avenir. le XXIe siècle, en concrétisant l’alterna rence en ces termes : « […] depuis la Gens d’idées et d’action, inventifs et tive à l’étalement urbain. À cet effet, saison triomphale d’Expo 67, les îles combattifs, ils se sont faits rassembleurs la conception des bâtiments et des amé Sainte-Hélène et Notre-Dame posent lorsqu’il a fallu défendre l’intérêt public, nagements, pour les six mois que devait à Montréal un dilemme d’intégration la qualité de l’espace urbain et la valeur durer l’évènement, prévoit leur réinser chronique, et l’on ne peut s’empêcher du patrimoine bâti. Dans un climat d’incertitude, ponctué de revers et de tion sous la forme d’un nouveau modèle de jeter un regard nostalgique sur le réussites, ils n’ont pas hésité à se urbain multifonctionnel qui offrirait de projet abandonné des Van Ginkel »6. démarquer des idées reçues, quand saisissants points de vue sur le fleuve. Un parcours professionnel ils jugeaient que c’était à propos. Les dépenses en matière d’infrastruc exemplaire et diversifié tures et de superstructures bénéficieront André Boisvert, Ph. D., urbaniste émérite, a fait carrière princi- Dans les années subséquentes, l’agence aux générations à venir. palement à Hydro-Québec. Il a aussi œuvré à Sainte-Foy et poursuit ses activités dans le domaine à Saint-Jérôme de même qu’au ministère des Affaires muni- Ce programme comportait toutefois du design, de l’architecture et de cipales. Collaborateur régulier d’Urbanité, il s’est notamment distingué par la publication d’un ouvrage regroupant les nom- une embûche de taille : des opérations l’urbanisme : son rayonnement s’étend breuses entrevues de pionniers de l’urbanisme qu’il a réalisées d’acquisition et de remembrement de à l’Amérique du Nord et à l’Asie. pour la revue pendant plusieurs années. 6 CENTRE CANADIEN D’ARCHITECTURE. Programme de l’exposition : Image des villes idéales — les expositions universelles. Montréal, 1993, p. 28. URBANITÉ | HIVER 2017 13
origine MONTRÉAL LES 375 ANS DE MONTRÉAL De projet missionnaire à métropole nord-américaine Pour le géographe Raoul Blanchard, Montréal est une ville Protée, du fait qu’elle a sans cesse changé de rôle et de physionomie suivant les vagues successives de son histoire1. De son côté, l’historien Jean-Louis Roy souligne que « l’expérience montréalaise se déploie sur près de quatre siècles dans un rapport permanent au lointain et dans un rapport immédiat à la pluralité 2 ». Ces traits de caractère révèlent des aspects essentiels du génome urbain de Montréal3. » ANDRÉ BOISVERT, urbaniste émérite et l’alignement des neuf premières rues du canal de Lachine (18251848) et la » SERGE VAUGEOIS, urbaniste selon une grille en damier. construction du pont Victoria, vers le milieu du siècle, ont fait de Montréal Dans le contexte des guerres coloniales, La présence humaine sur l’île de Montréal et de son port un nœud de transport la ville devient également une base mili remonte à environ 6000 ans. Jacques maritime et ferroviaire et un centre taire et sert de point de ravitaillement aux Cartier est le premier à avoir rapporté, industriel d’importance continentale nombreux postes français de l’intérieur en 1535, l’existence d’un bourg appelé tout en modelant la forme urbaine. du continent. On construit une palissade Hochelaga. Celuici abritait alors environ entre 16871689, qui fut remplacée Devenue métropole du Canada, Montréal mille habitants, des Iroquoiens du Saint entre 1717 et 1744 par des fortifications voit son industrie bénéficier du dévelop Laurent, logés dans une cinquantaine en dur. Des incendies dans la ville pement de l’Ouest canadien et devient de maisons longues entourées d’une fortifiée ont amené l’adoption de règle un pôle d’attraction pour des populations palissade. Au début du siècle suivant, ments améliorant la sécurité : construc des îles britanniques, de l’Europe de Samuel de Champlain ne trouve toute tion en pierre, murs coupefeu, etc. l’Ouest, mais aussi des régions rurales du fois pas de traces de cette population, L’accroissement des coûts de construc Québec. Le boulevard SaintLaurent est phénomène encore inexpliqué. tion en résultant a favorisé la croissance l’axe de pénétration qui constitue la porte De ville missionnaire spontanée des faubourgs le long des d’entrée pour les nouvelles populations à carrefour commercial premières voies de circulation. et un lieu de mixité culturelle. Les condi VilleMarie est née en 1642 d’un projet tions d’une urbanisation vigoureuse sont Ayant perdu toute utilité, les fortifications missionnaire consistant à évangéliser réunies, la demande de logements est seront démolies en 1801, ce qui permet les « Sauvages » et à les sédentariser soutenue, et Montréal s’agrandit vers notamment le prolongement des rues en fusionnant les populations indienne l’intérieur de l’île par l’annexion de nom NotreDame et SaintJacques. La sépara et française. Dès sa fondation, Ville breuses municipalités. L’état sanitaire tion entre la vieille ville et les faubourgs Marie baigne dans la ferveur religieuse. dans ces nouveaux quartiers laissait bien disparaît de ce fait. La menace permanente d’attaques, la dif souvent à désirer et l’hygiénisme a été la ficulté de recruter des colons, la faiblesse De la révolution industrielle première forme d’intervention publique. des moyens et l’attrait du commerce à l’innovation technologique des fourrures limitent la concrétisation et institutionnelle Cette effervescence remarquable s’est du rêve. L’arrivée des Sulpiciens en 1663 Au XIXe siècle, Montréal entre dans une aussi traduite sur le plan de la culture est l’occasion d’une seconde fondation. mutation profonde due à plusieurs fac et des arts laissant un riche patrimoine teurs : l’élargissement de son économie, architectural. De plus, dès le début La traite des fourrures devient très impor du siècle dernier, Montréal était déjà au la révolution des transports et l’afflux tante à partir de 1665. Cette activité premier rang sur le plan de l’innovation massif de populations en provenance de transforme le bourg en accordant une technologique avec l’électrification des GrandeBretagne. À l’époque des guerres importance accrue au commerce — entre transports urbains et l’éclairage au gaz, napoléoniennes, le commerce du blé, pôts et boutiques — par rapport au fait puis à l’électricité. L’innovation amène de la potasse et du bois se substitue religieux. Parallèlement s’amorce la mise une transformation de l’offre de service progressivement à celui de la fourrure en valeur de l’île par sa division en côtes. public avec la création en 1910 de la pour l’exportation transatlantique. Ce parcellaire influence l’établissement Commission des services électriques du réseau routier et la formation des Durant cette période, le transport connaît de Montréal (CSEVM), qui réalise l’en paroisses. L’agriculture nourrit la popula d’importantes innovations : navires mari fouissement des réseaux dans les zones tion urbaine et aide à approvisionner times à vapeur et à coques d’acier, denses de la ville. les expéditions vers l’intérieur. En 1672, creusage du SaintLaurent et construc Dollier de Casson réalise un premier plan tion du canal de Lachine, apparition Jusqu’à la crise de 1929, l’abondance d’aménagement comprenant le bornage des chemins de fer. L’aménagement de la maind’œuvre continue à stimuler 1 BLANCHARD, Raoul. Montréal : esquisse de géographie urbaine. VLB Éditeur, Montréal, 1992, 279 p. Voir la présentation de Gilles Sénécal, p. 17. 2 ROY, Jean-Louis. Montréal : ville nouvelle, ville plurielle. Hurtubise HMH, Montréal, 2005, p. 33. 3 Ce texte s’appuie notamment sur : ROBERT, Jean-Claude. Atlas historique de Montréal. Art Global, Éditions Libre Expression, Montréal, 1994, 167 p.; voir aussi la bibliographie sommaire en encadré. 14 URBANITÉ | HIVER 2017
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