N'ayez aucune inquiétude, on se préoccupe de votre cadre de vie - LPBS

 
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É ditorial
                                 N’ayez aucune inquiétude,
                    on se préoccupe de votre cadre de vie…
                                                                        Jacques Mortier

L
      a Région dans son schéma d’amé-          littoral Côte d’Opale-Côte picarde n’a
      nagement et de développement             pas eu l’occasion de s’exprimer, il est,
      durable du territoire (SR ADDT)          aujourd’hui, remplacé par un Réseau
a identifié parmi ses « cinq grands pro-       d’obser vation du littoral normand-
jets régionaux » l’espace « côte picarde et    picard (ROLNP) qui doit mener vers
vallée de Somme ». Dans ses directives         une mobilisation interrégionale et une
régionales d’aménagement, le conseil           stratégie collective à long terme pour
régional propose de co-élaborer avec les       protéger et valoriser le littoral.
partenaires régionaux des documents                 À cela vous ajoutez : le pôle d’excel-
cadres pour impulser des politiques            lence rural « Baie de Somme » (PER),
cohérentes d’aménagement.                      les sites protégés, l’opération Grand Site
     Si la volonté de la Région est d’ac-      (OGS), la réserve « Baie de Somme »,
compagner ce territoire, en « confortant       le projet baie de Somme initié dans le
son dynamisme économique, en ouvrant           dispositif de gestion intégrée des zones
le territoire et en valorisant ses atouts »,   côtières (GIZC), les plan locaux d’urba-
il ne faut pas qu’elle oublie que de nom-      nisme (PLU ex POS), les syndicats des
breux organismes se préoccupent déjà du        Bas-champs et autres, les programmes
bien être du citoyen de la Picardie mari-      d’action et de prévention des inonda-
time.                                          tions (PAPI), les plans de prévention
     Nous connaissons le syndicat mixte        des risques d’inondation (PPRI), le plan
« Ba ie de S om me - Gr a nd L it tor a l      départemental des déchets, le comité de
Picard » bras du conseil général de la         suivi de l’environnement des carrières du
Somme (ex-Smacopi qui s’est préoccupé          littoral…
essentiellement de l’aménagement de la              S’il vous paraît que cela n’est guère
bande littorale au nord de la baie), nous      suffisant pour veiller à l’amélioration de
avons entendu parler très vaguement            votre quotidien, au cours de l’année à
du Pays de la Picardie Maritime et de          venir d’autres organismes vont être mis
son Conseil de développement qui a des         en œuvre et s’ajouter à cette « pâte feuille-
difficultés à s’extérioriser. Nous savons      tée ».
que le Parc Naturel Régional « Picardie             La directive cadre européenne sur
maritime » attendu depuis plus de trente       l’eau (dont le service public d’assainisse-
années tente enf in de s’épanouir mais         ment non collectif – SPANC – est une
très doucement. Si l’Observatoire du           manifestation) mène à l’application du
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schéma directeur d’aménagement et de                 Cayeux-sur-mer par la mise en place
gestion de l’eau (SDAGE), adopté par                 d’un Schéma de mise en valeur de la mer
le Comité de bassin Artois-Picardie.                 comme le suggère la « loi littoral ». Un
Il impose la mise en place du schéma                 PAPI pour le littoral picard n’est pas, non
d’aménagement et de gestion de l’eau                 plus, à exclure…
« SAGE Somme aval et cours d’eau                          Il est certain que ce vaste ensemble de
côtiers » récemment mis en œuvre par                 structures dont la liste est certainement
le préfet de Région. Cela nécessitera la             incomplète, peut effrayer les décideurs
création d’une commission locale de                  locaux et le citoyen. S’il est nécessaire
l’eau (CLE) en 2010.                                 et indispensable qu’une « réf lexion
    À Etaples, les préfets des régions               d’experts » se fasse dans chacun de ces
Nord-Pas-de-Calais et Picardie ainsi                 domaines spécifiques, il importe, pour
que le préfet maritime de la Manche et               bien cadrer les décisions et donner une
de la mer du Nord ont installé l’instance            cohérence certaine au développement
de suivi de la concertation pour l’étude             du territoire de la Picardie maritime, de
d’un Parc naturel marin à « l’ouverture              s’attacher à une gouvernance globale. Il
des estuaires de la Somme, Authie et                 est grand temps, semble-t-il, pour aller
Canche ». Mais pourquoi ne pas y joindre             dans ce sens, de mettre aux oubliettes
également celui de la Bresle, suggérait              le schéma directeur d’aménagement
le président du conseil général de la                et d’urbanismes (SDAU) obsolète des
Somme ? Le périmètre reste à établir.                années 1970, en officialisant, au plus vite,
Ceci répond à une décision du Grenelle               pour la Picardie maritime, le schéma de
de l’Environnement.                                  cohérence territorial (SCOT). Ce serait une
    Il sera possible aussi, si les décideurs         première étape vers un aménagement
le souhaitent, d’accompagner le projet               global, cohérent du territoire, souhaité
de protection de la zone urbanisée de                par beaucoup.

                                        
3

                Vive l’utopie : de l’économie « relocalisée »
                                à la recherche d’une société
                           plus rationnelle et plus heureuse
                                                                      Yves Le Diascorn

Les trois dernières décennies virent se multiplier dans les pays développés les fermetures
        d’usines.

P
      lus d’une fois ces usines ne dispa-       rupture avec ce que nous avons vécu, et
      raissaient pas purement et sim-           plutôt subi, depuis les années 1970, dans
      plement, mais étaient transférées         le cadre de la fameuse « mondialisation
dans les pays à bas salaires, surtout en        libérale ».
Asie. De tels transferts, de tels change-           Les délocalisations renvoient à l’hé-
ments de lieux (lieu vient du latin locus)      térogénéité économique de la planète.
constituent des délocalisations. Mais           L’espace économique n’a jamais été
ces derniers temps les médias ont fait          homogène, même dans les temps les
état de rapatriements de productions,           plus anciens de l’Humanité, à grande
essentiellement du fait d’une baisse de la      comme à petite échelle. Il présente tra-
qualité imputée à la fabrication à l’étran-     ditionnellement des inégalités (dotations
ger. Est-ce l’amorce, la promesse d’une         en ressources, équipements en moyens
restauration de l’emploi industriel dans        de communication, dynamismes) mais
les pays où l’on a observé des « reloca-        aussi des polarisations, avec des pôles,
lisations », encore très peu nombreuses,        des micro-espaces, denses et particuliè-
les États-Unis, la RFA, la France, etc. ?       rement attractifs. Ces disparités et leur
La notion d’économie « relocalisée » se         exploitation se traduisent par une géo-
situe, comme le terme l’indique, à l’in-        graphie différenciée où, à l’exception de
verse des « délocalisations ». Les délo-        tout petits territoires (à cause du manque
calisations ont été caractéristiques d’un       de place), une faible partie de l’espace
monde où règnent la marchandisation             concentre l’essentiel des activités et de
(tout peut se vendre), la monétarisation        la population. Mais cette géographie qui
(la monnaie permet de tout acheter),            s’inscrit dans des sociétés bien précises,
où est visé le profit maximum dans un           différenciées, évolue au f il du temps
temps minimum, et où l’être humain              avec les changements survenant dans
n’est qu’un moyen de faire du profit que        les facteurs de localisation des activités
l’on jette si le taux de profit baisse. De ce   économiques et donc de localisation des
fait mon propos initial, centré sur l’éco-      grandes masses de population, du fait
nomie, fut vite dépassé au profit d’une         des interactions entre emploi, revenus
analyse plus sociale qu’économique d’un         et peuplement.
monde plus rationnel et plus heureux,
d’une utopie décrivant un monde en
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Trois révolutions industrielles                       Sao Paolo, Tokyo ou Bombay, Londres
    Entre la période précédant la révolu-             ou Shanghaï, Paris ou Lagos, etc.).
tion industrielle et les différentes étapes
de cette dernière (on distingue souvent               Une seconde étape
trois révolutions industrielles), les fac-            des délocalisations
teurs de localisation furent approxima-                    Les délocalisations, amorcées (ou
tivement les suivants :                               seulement découvertes ?) dans les années
    – avant le xviii e siècle : les régions           1970, portèrent d’abord sur des activités
agricoles riches (céréales, viticulture,              industrielles relevant du secteur manu-
élevage du mouton pour la laine, plantes              facturier, ce qui fit apparaître les « pays-
tinctoriales, etc.) ; les villes (artisanat           ateliers » (Tunisie, Maroc, Turquie,
urbain) ; les ports, f luviaux ou maritimes           Mexique, Asie de l’est et du sud-est).
(et plus d’une fois les deux, cf. Londres) ;          Au départ on se contenta d’exploiter (au
    – durant la première révolution                   sens marxiste du mot) la main-d’œuvre
industrielle : les bassins charbonniers,              féminine locale (textile-habillement,
puissants créateurs de concentrations                 chaussures, jouets) ou on transféra des
urbaines ; les grandes villes ; les axes et           industries parmi les plus polluantes (alu-
les nœuds ferroviaires ; les ports, boule-            minium, ciment, etc.). Or depuis près
versés par la navigation à vapeur ; les voies         d’un quart de siècle, toute industrie, y
navigables (rivières, f leuves, canaux ;              compris celle des activités de pointe, peut
au Royaume-Uni, dès le xviii e siècle,                être transférée au loin.
la « canal mania » précéda la « railway                    On est bien passé à une seconde étape
mania ») ;                                            des délocalisations. L’actualité est faite
    – pendant la deuxième révolution                  de l’explosion des « délocalisations »
industrielle : les grands axes routiers               tertiaires (réservations, centres d’appel,
puis autoroutiers, et surtout les nœuds               services informatiques, consultations
du réseau routier et autoroutier ; les villes         juridiques ou médicales, etc.). Ce qui a
disposant de tertiaire supérieur et de                conduit les entreprises de pays développés
banques importantes, bien ravitaillées                à délocaliser ne se limite pas à l’opportu-
en charbon, pétrole, électricité et/ou se             nité d’exploiter, un certain temps (avant
spécialisant dans les nouvelles industries ;          que les salaires n’augmentent dans des
    – avec la troisième révolution indus-             proportions significatives), des gisements
trielle : les ressources en main-d’œuvre              de main-d’œuvre des « pays-ateliers » (de
hautement qualifiée (universités, grandes             bas salaires, une longue durée du travail,
écoles, instituts de recherche) ; marchés             la faiblesse ou même l’inexistence du
des capitaux (grandes banques, bourses                droit social). Ont joué aussi les opportu-
de valeurs) ; les aéroports ;                         nités fiscales (bas niveau de l’impôt sur
    – aujourd’hui : dans un cadre résolu-             les sociétés), mais aussi l’occasion à saisir
ment mondial, les disponibilités en res-              de s’implanter sur les marchés appelés
sources humaines, plus qu’en ressources               à s’élargir des pays émergents. Un fac-
naturelles ; les données étatiques (fisca-            teur non négligeable des délocalisations
lité, droit du travail, etc.) ; l’accès aux           aura été le bas prix du fret : il est lié à la
grandes voies maritimes ; la présence de              « révolution du conteneur » (idée simple
« villes-monde » (New York, mais aussi                et géniale née aux États-Unis dans les
                                                      années 1950). Elle a surtout transformé
Vive l’utopie                                                                           5

les transports maritimes qui assurent les     de qualité et, pour compenser les baisses
quatre cinquièmes des échanges inter-         de prix d’achat imposées, des gains de
nationaux de marchandises. Mais le bas        productivité. Ce constat a conduit plus
prix du fret résulta davantage du bon         d’une entreprise occidentale à procéder
marché des produits pétroliers et donc du     à des « relocalisations ». Récemment
gaspillage des énergies fossiles, par défi-   l’entreprise Geneviève Lethu, basée à
nition non renouvelables et polluantes        La Rochelle, a rapatrié de Chine à Thiers
(restitution du carbone). Ce bas prix a       la fabrication des couteaux, dans la vallée
permis une absurdité comme « le grand         du Rhône celle de la vaisselle, dans les
voyage du yaourt », qui traverse l’Europe     Vosges celle des nappes et des serviettes
en camions, alors que c’est le type de        de table : les produits arrivés par conte-
produit que l’on devrait obtenir de pro-      neurs étaient de qualité irrégulière et ne
ducteurs locaux. Et que dire du voyage,       correspondaient pas toujours aux carac-
plus souvent aérien que maritime, de la       téristiques annoncées par les catalogues ;
pomme chilienne, de l’asperge péru-           l’emballage lui-même, le packaging, pou-
vienne, du haricot vert malien, de la rose    vait manquer de solidité : les clients se
kényane, du champignon de Paris made          plaignaient. Mais il ne faut pas être naïf :
in China, du vin chardonnay sud-africain      les hausses de salaires en Chine jouent
ou australien ?                               aussi leur rôle. Il en va de même pour
                                              l’entreprise de jouets jurassienne, Smoby.
Effets ambigus
de la délocalisation                          Les déséconomies d’échelle
     Les délocalisations planétaires ont          Un aut re loupé des économ ies
eu des effets puissants mais ambigus :        contemporaines est par exemple la fré-
ainsi, la baisse des prix, y compris pour     quence (croissante ?) des « désécono-
les consommateurs des pays occiden-           mies d’échelle ». Une sorte de loi fait
taux, mais aussi la baisse de la qualité,     que, passé un certain seuil en matière
avec quelques problèmes de santé et de        de taille, les économies d’échelle, qui
sécurité pour les consommateurs, et pas       permettent, en allongeant les séries de
seulement à cause de produits made in         produits, de réduire les coûts de pro-
China. Dans une organisation indus-           duction, et, logiquement, d’abaisser les
trielle qui associe le plus souvent un        prix de vente, soient suivies de « déséco-
donneur d’ordres à une pluralité parfois      nomies d’échelle ». C’est l’effet inverse
très fournie de fournisseurs et de sous-      qui se passe ; mais ce dernier demeure
traitants, la crise de la qualité est moins   largement sous-estimé, du fait de la
imputable à la main-d’œuvre locale qu’à       non-intégration aux coûts de production
un contrôle de la qualité insuff isant,       d’une bonne partie des coûts réels, qui
voire défaillant. L’éloignement, ainsi que    ne sont pas micro-économiques (mesure
les disparités culturelles, empêchent la      des coûts de production au seul niveau
maîtrise de l’intégralité du processus de     de l’entreprise), ni même uniquement
production que le « donneur d’ordres »        macro-économiques (mesure des coûts
obtenait chez lui avec ses fournisseurs et    au niveau des économies nationales,
ses sous-traitants locaux, des partenaires    voire à celui du « système-monde »).
souvent anciens, auxquels il imposait un          Dans la première phase un cercle
effort d’innovation, le respect de normes     vertueux de la croissance est alimenté,
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entre autres, par les économies d’échelle.           tout soumettre au marché, de détruire
Avec l’allongement des séries, l’impact              tout le secteur non marchand (mutua-
des coûts fixes (ils sont à supporter quelle         lité, coopération, associations, secteur
que soit la production) se fait moins lourd          étatique), non seulement pour sacrifier
par unité produite et le coût de produc-             à l’idéologie libérale, mais surtout pour
tion unitaire, celui de chaque objet, est            accroître les occasions de profit : un peu
réduit. D’autre part, un axe de transport            partout, on a déjà bien engagé la privati-
est plus rentable s’il est suff isamment             sation des services publics, dont la santé
fréquenté. Il en va de même pour les                 et l’éducation ; et même le corps humain
équipements publics (santé, éducation,               est de plus en plus transformé en mar-
communications, etc.). La concentration              chandise, en-dehors de la sphère tradi-
des entreprises est supposée favoriser les           tionnelle de la sexualité (prostitution)
économies d’échelle en permettant aux                qui ne s’est jamais aussi bien portée, avec
entreprises survivantes d’accroître leurs            les trafics f lorissants de sang et d’organes,
parts de marché et donc leurs ventes.                qui relèvent souvent du pillage du Sud
C’est aussi le cas quand le marché est au            par le Nord.
stade de l’équipement (diffusion de nou-                  L e monde act uel, c’est aussi le
veaux produits).                                     contraste entre la remarquable mobilité
     Dans une seconde phase surviennent              du capital et, malgré l’apparence créée
des « déséconomies d’échelle ». Ainsi les            par les migrations internationales, la
embouteillages occasionnent à la fois                faible mobilité du travail. D’où la mise
perte de temps et gaspillage d’énergie.              en concurrence des forces de travail à
Un autre cas peut être signalé : dans les            l’échelle mondiale : la Chine et d’autres
agglomérations denses une liaison rapide             pays asiatiques, l’Amérique latine, l’Eu-
coûte les « yeux de la tête » par rapport à          rope de l’Est face à l’Amérique anglo-
une autoroute de rase campagne (cf. l’A85            saxonne et à l’Europe de l’Ouest, dont le
par rapport à l’A29), etc. Mais ces « désé-          capitalisme cherche à ruiner le statut, issu
conomies d’échelle » sont en partie mas-             des luttes ouvrières des xix e et xx e siècle
quées tant que l’on n’intègre pas tous les           et, surtout, à faire baisser fortement la
coûts, économiques, mais aussi sociaux               part des salaires dans le partage de la
et écologiques.                                      valeur ajoutée. On a vu naître l’entreprise
     Le monde contemporain présente des              sans usine avec le modèle Alcatel. D’une
travers plus préoccupants que les « désé-            façon plus générale, les grandes firmes
conomies d’échelle ». Ces travers sont de            ont pratiqué systématiquement l’exter-
moins en moins supportés par le corps                nalisation : on fait faire au lieu de faire
social. L’action pédagogique des mouve-              pour réduire les charges salariales et les
ments alternatifs écologistes, altermon-             coûts de production (cf. la SNCF, l’État
dialistes, etc. a commencé à porter ses              lui-même). Le secteur manufacturier
fruits et pas seulement chez les « bobos »           mondial a adopté le système japonais :
(bourgeois bohèmes).                                 les f lux tendus (les stocks nécessaires à la
     La crise actuelle a révélé l’ampleur            production sont réduits au strict mini-
et les dangers de la monétarisation, puis            mum), le « juste-à-temps » (les livrai-
la financiarisation des économies. Mais              sons souvent quotidiennes empêchent
on peut aussi s’inquiéter de la marchan-             de devoir s’arrêter de travailler faute de
disation systématique, de la volonté de              pièces, de composants, de matériaux) et
Vive l’utopie                                                                               7

le camionnage (le « tout-route ») assure        tion (impact sur l’environnement, sur
cette alimentation quasi continue de            la santé publique et d’abord sur celle des
l’appareil de production.                       actifs agricoles).
                                                     L’état de santé des populations a été
Des villes marquées                             aggravé par la politique des multinatio-
par la ségrégation sociale                      nales de l’agro-alimentaire (commer-
     La moitié de la population mondiale        cialisation d’aliments trop sucrés, trop
vit désormais en ville. Mais il y a ville et    salés, trop gras). Ajoutons les risques de
ville. Les villes, surtout les plus grandes,    pandémie avec la mondialisation, du fait
sont souvent marquées par la ségrégation        de l’intensité et la rapidité des transports
sociale. Celle-ci discrimine : la masse des     de marchandises et de personnes (les
personnes âgées, des jeunes, la plupart         bactéries et les virus prennent eux aussi
des familles monoparentales, construites        l’avion).
en général autour de femmes seules avec
un ou plusieurs enfants à charge, les wor-      Des valeurs à cultiver
king poors (travailleurs à temps partiel ou          Même s’il est plutôt noir, le tableau
smicards, avec un pourcentage important         du monde contemporain ne doit cepen-
de femmes), les Rmistes, les clandestins,       dant pas nous laisser désespérés. On
ainsi qu’une bonne partie des popula-           commence à voir comment reconstruire
tions issues de l’immigration.                  un monde un peu plus humain.
     Le stress au travail (accélération              Nous percevons les valeurs à cultiver :
des tâches, harcèlement moral pouvant           l’autonomie, la solidarité, l’intérêt géné-
conduire au suicide ou au meurtre, etc.)        ral prenant le pas sur les intérêts particu-
semble avoir progressé avec la réduction        liers, le souci du long terme ; mais aussi la
du temps de travail, mais aussi avec la         communication (pas seulement virtuelle
compétition, la concurrence généralisée         par le biais d’un écran), et l’échange au
par la mondialisation libérale. Pour ceux       sens non marchand du terme.
qui ont des revenus suffisants ce stress est         Le projet que d’aucuns qualifieront
compensé par le divertissement (week-           d’utopique vise à rompre avec l’écono-
ends, vacances à l’étranger), voire par les     mie de pillage, de gaspillage et d’exploi-
« paradis artif iciels » (ainsi la cocaïne,     tation ; à passer du consommateur passif
toujours moins chère, « sniffée » par les       au citoyen actif ; à faire et à échanger,
créatifs, les financiers, etc.).                plutôt qu’à faire faire et à acheter (et pour
     Il reste bien évidemment la pollu-         ce à vendre son temps et sa vie).
tion. L’utilisation massive des énergies             Tout n’est pas à jeter dans le progrès
fossiles, en grande partie gaspillées, aura     technique et les avancées scientifiques : il
contribué à la pollution, principalement        s’en faut de beaucoup. Nous devons uti-
à celle de l’atmosphère et au global war-       liser davantage encore les apports positifs
ming, au changement climatique. Mais            du progrès technique : ainsi, la fée élec-
elle cause aussi, par le biais des polluants,   tricité (il suffit d’en disposer partout, tout
des problèmes sanitaires (allergies, mala-      le temps et pour un prix raisonnable) ; le
dies respiratoires, cancers, etc.).             télétravail, qui permet par exemple à un
     L’agriculture a recouru à une chimie       éditeur spécialisé de fonctionner à partir
toxique (pesticides). Le productivisme          d’Arnac-Pompadour, grosse bourgade
s’est manifesté par l’absence de précau-        de Corrèze (il convient toutefois d’éviter
8                                                Pour le littoral picard et la baie de Somme – no 22 –

la mise en place d’un nouveau sweating                 de saison, au lieu de vouloir, à bas prix,
system, l’exploitation du travailleur isolé            consommer en permanence oranges,
telle qu’elle se pratiquait au début de la             tomates, raisins, fraises, haricots verts
révolution industrielle, et d’éviter aussi la          sans oublier les fruits tropicaux (man-
perte de la dimension sociale du travail,              gues, goyaves, etc.). Il faut poursuivre la
logique si le salarié n’a d’autre compa-               remise en honneur de légumes oubliés
gnie que celle de son ordinateur) ; l’éco-             ou de variétés de fruits délaissées que l’on
nomie de la connaissance, qui s’inscrit                doit largement au mouvement « bio » (cf.
dans une véritable explosion des sciences,             le nombre impressionnant des variétés
notamment de la biologie ; la révolution               de pommes et le nombre restreint des
de l’information (avec le risque de la                 variétés faisant l’objet d’une commercia-
surinformation et de la manipulation de                lisation de masse).
l’information), etc.                                        c. Le « bio » pour mettre fin à la chimi-
                                                       sation systématique de notre vie quotidienne
Des solutions existent                                      Il peut avoir une large place dans
     Les solutions, déjà préconisées depuis            l’alimentation bien évidemment ; mais
longtemps pour nombre d’entre elles,                   aussi dans l’habitat (chaume, torchis,
sont plus ou moins aisées à mettre en                  laine, chanvre, lin), dans l’habillement
œuvre ; mais il devient urgent de les ini-             (fibres naturelles, d’origine végétale ou
tier.                                                  animale), pour la santé (les médicaments
     a. D’une façon globale le développement           tirés des plantes, voire la phytothérapie,
durable (et la décroissance ?) : il répond             assurant l’absence d’effets secondaires
à deux grands principes : ne pas utiliser              caractéristiques des médicaments à base
les ressources plus vite qu’elles se renou-            chimique). Relève du même état d’esprit
vellent, y compris l’eau (et réduire for-              le renouveau de l’utilisation d’animaux
tement le prélèvement sur les ressources               au lieu d’engins mécaniques bruyants et
non renouvelables), pour ne pas consom-                polluants : chevaux de trait ménageant
mer l’héritage de nos enfants et petits-               sous-bois et sentiers à la différence des
enfants ; ne pas rejeter les déchets plus              tracteurs agricoles, bœufs rustiques ou
vite qu’ils ne peuvent être éliminés et                moutons employés comme tondeuses.
ce d’une façon non polluante (et il est                     d. L’urgence d’une lutte intense contre le
impératif de diminuer très fortement la                gaspillage
production de déchets non biodégra-                         La lutte contre le gaspillage permet
dables, et de développer le compostage,                de vivre mieux, tout en préservant les
dans les décheteries mais aussi chez les               ressources non renouvelables (énergie)
particuliers).                                         ou limitées (eau).
     b. La généralisation de l’agriculture non              Elle passe notamment par :
productiviste, et d’abord de l’agriculture                  – la mise sur le marché de produits à
biologique (même pas 3 % de la superfi-                durée de vie plus élevée ;
cie agricole en France et une forte dépen-                  – l’essor de la réparation (réparer plu-
dance à l’égard des importations).                     tôt que jeter ; encore faut-il disposer de
     Ménageant l’environnement, elle ne                toute infrastructure, pièces de rechange
lèse pas la santé publique, tout en resti-             et surtout techniciens) ;
tuant leur goût naturel aux aliments. Il                    – un renouveau de l’effort financier
faut redécouvrir les légumes et les fruits             pour l’entretien des biens, souvent sacri-
Vive l’utopie                                                                              9

fié au nom d’économies répondant à des          Jean-Louis Borloo en novembre 2008 ;
préoccupations de court terme, d’ordre          on retrouve le big is beautiful, le culte du
financier (cf. le réseau ferré) ;               gigantisme cher à EDF).
     – la réduction des consommations               g. En matière de transports
abusives ou inutiles d’eau (lavage des voi-         L’essor des transports collectifs (train,
tures, golfs, etc.) ou d’électricité (illumi-   tram, tram-train, voire « coches d’eau »
nations à l’américaine avec une débauche        dans les villes situées le long d’un cours
en fin d’année : un gaspillage, il est vrai,    d’eau ou d’un plan d’eau, mer, lac) ;
réduit par la diffusion des ampoules à              – pour réduire le nombre de camions
basse consommation : cf. aussi les progrès      sur les axes routiers le ferroutage (pour
de l’électroménager, des téléviseurs) ;         lequel la France, en l’occurrence l’État
     – une sévère réforme de l’embal-           et la SNCF, ne manifeste aucun véri-
lage, qui grève les prix de vente, gonf le      table intérêt), le merroutage (transports
les poubelles et utilise bien souvent des       maritimes, grâce à des initiatives privées,
matériaux non recyclables ;                     reprises par l’Union européenne, cf. les
     – le développement de la filière de        lignes Santander-Anvers ou Barcelone-
la récupération et du recyclage qui pour        Gênes), la voie d’eau continentale pour
l’instant n’existe vraiment que pour une        les marchandises ;
partie des métaux ;                                 – un encouragement (multiplication
     – la disparition de l’incinération et      des voies séparées, en zone urbaine, mais
réduction de l’enfouissement pour les           aussi de ville à ville) aux transports indi-
déchets, ordures et autres décombres ;          viduels qui n’utilisent pas d’autre éner-
une diffusion de la méthanisation et du         gie que la force musculaire (vélo, voire
compostage.                                     roller) ;
     Mais le pire des gaspillages est celui         – une interrogation sur la voiture
des ressources humaines (parcours du            électrique, qui pour l’instant est indi-
combattant des jeunes en direction de           rectement polluante du fait des modes
l’emploi, adultes âgés retrouvant au            largement prédominants de production
mieux un emploi peu rémunéré, diplô-            de l’électricité.
més confrontés à un chômage durable,                h. Un habitat repensé
et massif dans certains domaines, etc.).            – Une nouvelle architecture (formes,
     e. La politique de prévention, y compris   matériaux, équipements permettant une
pour la santé (elle réduirait sensiblement      réduction de la consommation d’énergie,
le déf icit de l’assurance-maladie, tout        utilisation de matériaux biodégradables
en augmentant l’espérance de vie et en          ou recyclables, etc.) ;
améliorant la qualité de la vie) ; le prin-         – une nouvelle urbanisation :
cipe de précaution (et pas seulement pour           • on doit inciter à la décroissance
les innovations de la chimie ou des bio-        des plus grandes agglomérations, tout en
industries).                                    cherchant à limiter l’étalement urbain,
     f. Une production moins centralisée et     que l’on constate même dans les zones
naturelle d’énergie et en particulier d’élec-   rurales proches des villes avec l’essor
tricité (même l’éolien manifeste la ten-        des lotissements d’habitat pavillonnaire
dance à la concentration d’équipements          (Picardie, Grand Ouest, etc.) ;
sur un même site ; pour le solaire, on              • à l’échelle des agglomérations
reparle de centrales, une par région selon      urbaines, il faut multiplier les éco-
10                                             Pour le littoral picard et la baie de Somme – no 22 –

quartiers comme à Fribourg en RFA,                   excès d’une partie des cyclistes et autres
à Malmö en Suède, dans la banlieue                   vttistes).
londonienne : un écoquartier est pensé,                   • Enfin, on se doit de rechercher un
voire planifiés : « les espaces publics, les         habitat qui puisse mêler les différentes
accès, l’intégration au paysage ont été              générations, et où les logements s’asso-
déf inis avant la délivrance des permis              cient avec le commerce, dit de proximité,
de construire » ; l’habitat est assez dense,         et l’artisanat : foin de la zonalité, et de la
pour éviter l’étalement urbain, mais varié           ségrégation.
(petits immeubles, maisons individuelles                  i. Pour terminer, l’objectif le plus utopique,
alignées ou imbriquées afin de réduire               qui est le recul de la monétarisation et de la
l’emprise au sol) ; les constructions sont           marchandisation autour de quelques pistes :
adaptées au climat avec une exposi-                       – une utile réf lexion à mener sur
tion favorable aux économies d’éner-                 l ’expér ience des SEL, les systèmes
gie ; l’empreinte écologique est réduite             d’échanges locaux de biens et de services
(emploi de matériaux naturels, recours               sans intermédiaire monétaire : les autori-
aux énergies renouvelables, récupération             tés qui les ont longtemps ignorés leur ont
des eaux pluviales) ; les circulations sont          rendu la vie difficile depuis ;
douces, non agressives (cheminements                      – l’introduction, chez nous, du
piétonniers et cyclables séparés de la cir-          « micro-crédit », du « commerce équi-
culation automobile, voire isolés les uns            table » et plus globalement la mise en
des autres pour garantir la tranquillité,            place de circuits courts de distribution ;
voire la sécurité des piétons) ; le dévelop-              – la remise en cause de l’appropria-
pement des espaces communs et non pas                tion croissante des services publics par
des jardins privatifs autour des maisons             les grands groupes de ser vices ; et la
individuelles comme aujourd’hui ( jar-               redéfinition des biens publics : l’eau, les
dins publics, jeux pour enfants, bancs)              autres f lux que sont l’électricité, le gaz,
favorisent les relations entre habitants,            la téléphonie-télématique ; mais aussi la
entre générations ; enfin, le quartier est           formation, la culture et la santé ;
inséré dans le tissu urbain (plan de dépla-               – le développement de la location ou
cement urbain centré sur les transports              du prêt au détriment de l’achat et de l’ap-
publics ou la mise à disposition de vélos,           propriation privée des biens pour faire
de voitures électriques en durée limitée,            encore se contracter la sphère de l’éco-
accès aux commerces, aux établissements              nomie marchande.
scolaires, aux équipements publics).                      Tous ces libres propos n’engagent
     • Il faut aussi que se répandent, y             bien évidemment que leur auteur. Il est
compris dans les villages, des zones pié-            toujours permis de rêver, surtout quand
tonnes, et réellement piétonnes (ce qui              la réalité se montre plus d’une fois cau-
est peu souvent le cas avec les camions et           chemardesque.
camionnettes livrant à toute heure et les
voitures admises pour différents motifs,
plus ou moins sérieux, ou du fait des                    Novembre-décembre 2008.

                                        
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                               L’avenir de nos ressources en eau
                                                                    Jean-Marc Hoeblich

En France, les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGES)
      des six agences de l’eau qui mettent en application la directive cadre européenne sur
      l’eau ont été adoptés récemment.

L
      ’innovation la plus structurante de           Il semble bien que le programme de
      ces nouveaux SDAGES est la modi-          mesures du Sdage concernant la pollu-
      fication de la démarche qui impose        tion diffuse liée à l’assainissement non
maintenant une logique d’objectifs (et          collectif (dit aussi autonome) soit à ren-
non plus de projets) avec une obliga-           forcer.
tion de résultats de bon état des masses            Un schéma d’aménagement et de ges-
d’eaux continentales souterraines et            tion de l’eau (SAGE) à été mis en place
superficielles, marines et de transition        en Haute-Somme et nous devons nous
(estuaires…) d’ici 2015. Si technique-          préoccuper dès maintenant de la mise
ment et financièrement cela est impos-          en œuvre d’un SAGE Somme Aval qui
sible dans ce laps de temps, la France          permettrait de veiller localement, en
peut, après justifications, demander un         commun, à la protection de la qualité
report de résultats en 2021 ou 2027.            des eaux du littoral. Sur le littoral picard
     Le schéma directeur d’aménagement et       nous sommes concernés par toutes les
de gestion de l’eau (SDAGE) du Bassin           masses d’eau qu’elles soient, souterraines,
Artois-Picardie doit être adopté en fin         superf icielles, estuariennes ou mari-
de cette année et différentes institutions      times. Il semble impossible d’obtenir des
ou organismes associatifs sont sollici-         eaux de bonne qualité ni pour les eaux
tés pour exprimer leurs observations            côtières ni pour les eaux de l’estuaire de
concernant le contenu de ce schéma. Des         la Somme (bien que les eaux du f leuve
actions sont retenues dans le cadre d’un        Somme se soient améliorées après la mise
programme de mesures pour six ans et            en place des stations de dépollution des
seront maintenues dans les programmes à         eaux usées d’Abbeville et d’Amiens). Un
venir (2021, 2027). Il s’agit en particulier    report est donc souhaité mais il ne sera
de la protection des différentes masses         accepté que si des efforts sont faits dans la
d’eau, du prix des services liés à l’eau,       mise en conformité des assainissements
des aides apportées aux projets menant          non collectifs (des aides sont accordées
à la protection de la qualité de l’eau, à       par l’Agence de bassin), du contrôle des
l’assainissement individuel ou collectif        rejets des stations d’épuration et la maî-
dans le cadre des Services publics à l’as-      trise des rejets des eaux pluviales, effort
sainissement non collectif (SPANC).             qui doit mener à une bonne qualité des
                                                masses d’eaux d’ici 2027.
12                                            Pour le littoral picard et la baie de Somme – no 22 –

     La qualité des eaux de baignade sur le         de la conchyliculture. La construction
littoral picard s’est améliorée au cours            d’une station de dépollution pour ces
des dernières années. L’objectif est d’at-          productions est en cours de réalisation
teindre pour l’ensemble des sites un clas-          au Crotoy. De plus, il semble important
sement « à minima » en bon (B), ce qui              que la maîtrise des eaux pluviales soit
est possible. Toutefois au niveau de la             réellement prise en compte dans les com-
commune du Crotoy une dégradation                   munes du littoral afin de réduire la pol-
de la qualité des eaux a été constatée.             lution des eaux côtières. Une étude sur
Une étude doit au plus vite déterminer              l’origine éventuelle de cette pollution qui
les causes de la pollution.                         pourrait être liée à l’élevage de moutons
     L’application dès 2012 de la nouvelle          de « prés salés » doit être faite.
directive européenne de 2006 concer-
nant la qualité des eaux de baignade, plus             Chacun est concerné par ces pro-
exigeante, n’entraînerait pas de « ferme-           blèmes qui pourraient faire l’objet d’un
ture » de plage sur notre littoral, sauf            débat local lors d’une réunion organi-
pour la plage du Crotoy si les raisons de           sée par l’association « Littoral Picard
la dégradation ne sont pas maîtrisées.              Baie de Somme » ; elle se déroulerait
     La qualité sanitaire des eaux côtières         dans une commune du littoral (Saint-
ne permet pas actuellement la com-                  Valery par exemple) le vendredi 3 avril
mercialisation directe des coquillages              2009.
récoltés par ramassage (coques) ou issues

                                       
13

                                                       Le Grenelle de la mer
                                                                        Gérard Montassine

                                             « La délicate rencontre entre la terre et la mer »

J
      ’ai été amené à participer, au cours        les comptes rendus ont été communi-
      du deuxième trimestre 2009, aux             qués. Certaines personnes ou services
      débats du Grenelle de la mer dans           ayant déjà vécu le premier Grenelle
le premier groupe de travail intitulé :           avaient l’avantage d’avoir préparé leurs
« La délicate rencontre entre la terre et         requêtes par écrit. Nos interventions
la mer ». Cinquante personnes environ             orales pouvaient être retenues si elles
composées chacun des quatre groupes.              faisaient consensus. Les propositions
Chaque membre avait un lien avec la               étonnamment nombreuses et diverses
mer. Les ports de commerces, de plai-             furent l’objet d’une sélection. La filière
sance, les industries du nautisme, toutes         des énergies nouvelles ou l’exploita-
les administrations ou ministères agissant        tion des substrats marins aiguisent bien
pour ce milieu soit dans le cadre d’ac-           des appétits. La mer va-t-elle subir les
tions ou de la réglementation étaient             mêmes dégâts que les continents sachant
représentés. Les organisations non gou-           que déjà aujourd’hui elle ne « digère »
vernementales, syndicales, les exploitants        pas les eff luents qu’elle reçoit. D’après
du littoral : cultures marines et agricul-        le rapport de monsieur Chevassus-au-
ture littorale n’étaient pas oublié ainsi         Louis, en une journée nous consommons
que les élus du littoral, quelques députés        1 000 ans de la production naturelle de
et sénateurs. Une représentativité de nos         la planète (agrégats, minerais, énergies
territoires d’outre-mer était nécessaire          fossiles). Il a été admis par tous, que seul
aux débats car 80 % de nos eaux natio-            5 à 10 % du milieu marin était connu :
nales entourent ces îles lointaines. La           un peu le littoral à marée basse et la sur-
France fait partie des nations ayant les          face de l’eau ou ce qui est collecté sur
surfaces maritimes les plus importantes           le fond mais la colonne d’eau surtout
de la planète.                                    celle des océans est véritablement « l’in-
     Les réunions se sont déroulées sur           connu » Tous admettent également que
cinq séances de travail et deux jour-             du plus haut de la rivière au plus profond
nées d’audition de personnes qualifiées           de l’océan tout est lié. Mais les constats
depuis le chercheur biologiste en pas-            de nos erreurs sont récents. Notre appé-
sant par l’urbaniste et les gestionnaires         tit de confort, l’usage de produits issus
d’espaces, tous ayant des relations avec          de l’industrie chimique et de techno-
ce thème. L’ensemble du groupe n’a                logies de plus en plus performantes sont
pas pu suivre toutes les auditions mais           les causes des dégâts environnementaux
14                                                     Pour le littoral picard et la baie de Somme – no 22 –

actuels et futurs à découvrir bientôt. Le                    les évolutions climatiques ? Si je prends
constat est unanime : il faut améliorer la                   l’exemple de la crevette grise, actuelle-
qualité de nos rivières, restaurer si pos-                   ment les tonnages débarqués au cours
sible les estuaires pour que la mer aille                    des bonnes années de production n’at-
mieux. Notre profession de pêcheur pro-                      teignent pas le 1/5 des années 1960-1970
fessionnel maritime est mise en cause très                   et qu’il faut prendre en compte que sur
violemment par des ONG comme Green                           les 60 crevettiers qui exploitaient cette
Peace. Un consensus est apparu aussi de                      espèce, entre Le Tréport et Boulogne, il
ce côté : nous devons apporter nos obser-                    n’en reste qu’une dizaine.
vations à la connaissance du scientifique                        Je conclurai par ceci : à écouter cer-
et celui-ci doit écouter le professionnel.                   tains discours sur des cas spécif iques
Au fil des ans, j’ai observé la réduction                    comme ceux des baleines et des thons,
de certaines espèces animales et végétales                   le rouleau compresseur des mots finirait
devant et dans l’estuaire de la Somme.                       par tuer les derniers professionnels de la
C’était certainement les prémices des                        mer et des littoraux. Il ne faut pas perdre
dégradations ou les évolutions du milieu.                    de vue que le comportement quotidien
Il paraît que les arbres poussent de plus                    de chacun est aussi en cause. L’eau source
en plus haut dans la montagne, pourquoi                      de vie, la mer source de la vie.
la mer ne serait-elle pas concernée par

                                                   

     Le Grenelle de l’environnement                         sein de sept comités thématiques : transports ;
     en région                                              climat, air, énergie ; bâtiments durables ; bio-
                                                            diversité, milieux naturels, déchets, risques
     Le 6 juillet dernier, Monsieur le préfet de            santé-environnement, urbanisme, aména-
     région a mis en place le comité de pilotage            gement. Ces Comités s’appuieront sur des
     de la territorialisation du Grenelle de l’environ-     structures partenariales existantes et permet-
     nement en Picardie. Ce comité constitué de             tront à de nouveaux acteurs de s’associer à la
     représentants de cinq familles d’acteurs : État        concertation dans le cadre de la « gouvernance
     (8 représentants), Collectivités territoriales (13),   à cinq ».
     entreprises (6) salariés (5) et associations de        La nécessaire transversalité garante de la
     protection de l’environnement et de consom-            cohérence des actions sera assurée par le
     mateurs (11), doit traduire sur le terrain picard      Comité de pilotage. Les travaux au sein des
     les 268 engagements adoptés à l’issue des              comités thématiques ont déjà commencé ;
     tables rondes nationales. Notre association            ils vont se poursuivre tout au long de l’année
     participe aux travaux de ce Comité de pilotage.        2010.
     Les actions décidées seront construites au
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                                Vers un Parc naturel marin (PNM)
                                       des trois estuaires picards
                                                                          Vincent Bawedin

À l’initiative de l’Agence des Aires marines protégées, les estuaires de la Somme, de l’Authie
         et de la Canche devraient être classés en Parc naturel marin (PNM) dans le courant
         de l’année 2011.

C
      es trois estuaires ont une caracté-         dra plusieurs phases, dont celles d’études
      ristique géographique propre. La            de diagnostic et de rencontres avec les
      dynamique qui les anime présente,           principaux acteurs et usagers de la vaste
sur leur rive gauche, un poulier qui se           zone concernée. Cela a commencé dans
développe, et sur leur rive droite, un            la Somme en décembre 2009, le projet
musoir qui recule. C’est ce qui leur vaut         ayant été présenté au Conseil scienti-
l’appellation d’estuaires de type picard          f ique régional du patrimoine naturel
(Briquet, 1930 ; 1938) qui entaillent la          (CSRPN) de Picardie ainsi qu’au conseil
vaste plaine maritime du même nom.                général de la Somme et à Boulogne-sur-
                                                  Mer. Une réunion plénière a suivi, fin
Le PNM : un outil de cohésion                     janvier à Étaples, sous la présidence des
    Le PNM aura pour rôle essentiel               préfets du Pas-de-Calais, de la Somme
d’assurer la cohérence de l’ensemble              et du préfet maritime Manche-Mer du
des « outils de protection » préexistants         Nord qui sont en charge de conduire le
(réserve naturelle marine, site Natura            projet. Elle avait pour objectif de mettre
2000 marin, arrêté de protection de bio-          en place des groupes de travail sur cinq
tope en mer, domaine public maritime              questions jugées majeures (protection,
affecté au Conservatoire du littoral, etc.)       gestion, usages marins et terrestres,
par le biais d’un plan de gestion unique.         données scientifiques). Deux autres réu-
Ce n’est donc pas une strate de protection        nions plénières sont envisagées d’ici la
supplémentaire, puisqu’il n’engendre pas          fin de l’année et avant le bilan d’enquête
d’autres contraintes réglementaires que           publique, dont l’ouverture du dossier
celles induites par les classements mis en        se fera mi-2010. La signature du décret
place précédemment.                               portant création du Parc naturel marin se
                                                  fera vraisemblablement en 2011.
Calendrier de création du PNM
    Le lancement de la procédure de               La question du périmètre
mise en place d’un Parc naturel marin                 Le périmètre pressenti s’étendrait du
à l’ouvert des trois estuaires picards            sud de la baie de Somme jusqu’au nord
a été off icialisé par arrêté en date du          de la baie de Canche. Les précisions de
19 février 2008. Un cheminement de                celui-ci figureront à l’ordre du jour des
quelques années est nécessaire avant              prochaines réunions de l’année 2010
l’aboutissement du projet. Il compren-            dont les objectifs sont de trois ordres :
16                                              Pour le littoral picard et la baie de Somme – no 22 –

    – le choix d’un périmètre cohérent ;              usagers ainsi que des différents échelons
    – les grandes orientations de gestion ;           de décisions (État, région, département,
    – la mise en place du conseil de                  communes) répond aux prérogatives de
gestion, composé de plusieurs collèges                politique de gestion intégrée des zones
(experts, services de l’État et des col-              côtières (GIZC), off iciellement mise
lectivités, élus locaux, usagers, associa-            en place sur la Côte-d’Opale et au sud
tions…).                                              de baie de Somme en 2005 (Bawedin,
    Le tout se fera avec l’aide d’une                 2009). Cette dernière fait suite à l’appel
équipe d’appui technique proposée par                 à projets de la Datar (actuelle DIACT)
l’Agence des aires marines protégées.                 et du SGMer, les projets portés par les
    Chaque citoyen qui le souhaite                    syndicats mixtes de la Côte-d’Opale
pourra s’exprimer, lors des réunions                  et de la baie de Somme-Grand Littoral
plénières et/ou par le biais de l’enquête             Picard (alors SMACOPI) ayant été rete-
publique.                                             nus parmi les 25 lauréats.
    Concernant le périmètre, il y a déjà                  La création d’un PNM sur un vaste
une certitude. Il n’y aura pas, sur le plan           territoire concernée par la GIZC favo-
spatial, de chevauchement entre le PNM                risera encore le partenariat entre l’État
et le Parc naturel régional (PNR) de                  et les collectivités, en élargissant le
Picardie maritime prévu pour 2010.                    panel des acteurs qui seront amenés à s’y
                                                      impliquer. Cela marque le début d’une
Une nouvelle forme de                                 gouvernance horizontale sur le litto-
gouvernance                                           ral picard, garante de démocratie et de
    Le Conseil de gestion d’un Parc                   proximité.
naturel marin est généralement présidé
par un élu territorial, à l’image du PNM              Bibliographie
d’Iroise (premier PNM français) qui a                      • Agence des aires marines pro-
à sa tête le président du conseil général             tégées (2009). Étude d’un parc naturel
du Finistère. Ainsi, avec les PNM, les                marin à l’ouvert des trois estuaires Somme,
collectivités (départements, régions) vont            Authie, Canche, état d’avancement du projet,
peu à peu s’investir sur l’espace marin,              décembre 2009 1.
resté longtemps sous la responsabilité de                  • Bawedin V. (2009). La gestion inté-
l’État.                                               grée des zones côtières (GIZC) confrontée aux
                                                      dynamiques territoriales dans le bassin d’Arca-
Les objectifs                                         chon et sur la côte picarde, thèse de doctorat,
     Outre la cohésion dans la gouver-                université de Nantes, 532 p.
nance évoquée précédemment, les objec-                     • Briquet A. (1930). Le littoral du nord
tifs sont la préservation du milieu marin             de la France, évolution et morphologie, Paris,
(qualité des eaux, espèces sensibles, habi-           A. Colin, tome i, 239 p. et tome ii, 438
tats et fonctionnalités écologiques…) et              p. + 1 appendice : L’évolution du rivage du
l’exploitation durable des ressources et              nord de la France et l’activité de l’homme, 41 p.
activités liées à la mer (patrimoine mari-                 • Briquet A. (1938). Les modif i-
time, valeur ajoutée des produits de la               cations du littoral picard au sud de la
mer).
     Cette prise en compte conjuguée de la            1. Projet présenté à la réunion du CSRPN-Picardie
terre et de la mer, des différents acteurs et         le 7 décembre 2009, dans les locaux de la DREAL.
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