N'ayez aucune inquiétude, on se préoccupe de votre cadre de vie - LPBS
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É ditorial N’ayez aucune inquiétude, on se préoccupe de votre cadre de vie… Jacques Mortier L a Région dans son schéma d’amé- littoral Côte d’Opale-Côte picarde n’a nagement et de développement pas eu l’occasion de s’exprimer, il est, durable du territoire (SR ADDT) aujourd’hui, remplacé par un Réseau a identifié parmi ses « cinq grands pro- d’obser vation du littoral normand- jets régionaux » l’espace « côte picarde et picard (ROLNP) qui doit mener vers vallée de Somme ». Dans ses directives une mobilisation interrégionale et une régionales d’aménagement, le conseil stratégie collective à long terme pour régional propose de co-élaborer avec les protéger et valoriser le littoral. partenaires régionaux des documents À cela vous ajoutez : le pôle d’excel- cadres pour impulser des politiques lence rural « Baie de Somme » (PER), cohérentes d’aménagement. les sites protégés, l’opération Grand Site Si la volonté de la Région est d’ac- (OGS), la réserve « Baie de Somme », compagner ce territoire, en « confortant le projet baie de Somme initié dans le son dynamisme économique, en ouvrant dispositif de gestion intégrée des zones le territoire et en valorisant ses atouts », côtières (GIZC), les plan locaux d’urba- il ne faut pas qu’elle oublie que de nom- nisme (PLU ex POS), les syndicats des breux organismes se préoccupent déjà du Bas-champs et autres, les programmes bien être du citoyen de la Picardie mari- d’action et de prévention des inonda- time. tions (PAPI), les plans de prévention Nous connaissons le syndicat mixte des risques d’inondation (PPRI), le plan « Ba ie de S om me - Gr a nd L it tor a l départemental des déchets, le comité de Picard » bras du conseil général de la suivi de l’environnement des carrières du Somme (ex-Smacopi qui s’est préoccupé littoral… essentiellement de l’aménagement de la S’il vous paraît que cela n’est guère bande littorale au nord de la baie), nous suffisant pour veiller à l’amélioration de avons entendu parler très vaguement votre quotidien, au cours de l’année à du Pays de la Picardie Maritime et de venir d’autres organismes vont être mis son Conseil de développement qui a des en œuvre et s’ajouter à cette « pâte feuille- difficultés à s’extérioriser. Nous savons tée ». que le Parc Naturel Régional « Picardie La directive cadre européenne sur maritime » attendu depuis plus de trente l’eau (dont le service public d’assainisse- années tente enf in de s’épanouir mais ment non collectif – SPANC – est une très doucement. Si l’Observatoire du manifestation) mène à l’application du
2 Pour le littoral picard et la baie de Somme – no 22 – schéma directeur d’aménagement et de Cayeux-sur-mer par la mise en place gestion de l’eau (SDAGE), adopté par d’un Schéma de mise en valeur de la mer le Comité de bassin Artois-Picardie. comme le suggère la « loi littoral ». Un Il impose la mise en place du schéma PAPI pour le littoral picard n’est pas, non d’aménagement et de gestion de l’eau plus, à exclure… « SAGE Somme aval et cours d’eau Il est certain que ce vaste ensemble de côtiers » récemment mis en œuvre par structures dont la liste est certainement le préfet de Région. Cela nécessitera la incomplète, peut effrayer les décideurs création d’une commission locale de locaux et le citoyen. S’il est nécessaire l’eau (CLE) en 2010. et indispensable qu’une « réf lexion À Etaples, les préfets des régions d’experts » se fasse dans chacun de ces Nord-Pas-de-Calais et Picardie ainsi domaines spécifiques, il importe, pour que le préfet maritime de la Manche et bien cadrer les décisions et donner une de la mer du Nord ont installé l’instance cohérence certaine au développement de suivi de la concertation pour l’étude du territoire de la Picardie maritime, de d’un Parc naturel marin à « l’ouverture s’attacher à une gouvernance globale. Il des estuaires de la Somme, Authie et est grand temps, semble-t-il, pour aller Canche ». Mais pourquoi ne pas y joindre dans ce sens, de mettre aux oubliettes également celui de la Bresle, suggérait le schéma directeur d’aménagement le président du conseil général de la et d’urbanismes (SDAU) obsolète des Somme ? Le périmètre reste à établir. années 1970, en officialisant, au plus vite, Ceci répond à une décision du Grenelle pour la Picardie maritime, le schéma de de l’Environnement. cohérence territorial (SCOT). Ce serait une Il sera possible aussi, si les décideurs première étape vers un aménagement le souhaitent, d’accompagner le projet global, cohérent du territoire, souhaité de protection de la zone urbanisée de par beaucoup.
3 Vive l’utopie : de l’économie « relocalisée » à la recherche d’une société plus rationnelle et plus heureuse Yves Le Diascorn Les trois dernières décennies virent se multiplier dans les pays développés les fermetures d’usines. P lus d’une fois ces usines ne dispa- rupture avec ce que nous avons vécu, et raissaient pas purement et sim- plutôt subi, depuis les années 1970, dans plement, mais étaient transférées le cadre de la fameuse « mondialisation dans les pays à bas salaires, surtout en libérale ». Asie. De tels transferts, de tels change- Les délocalisations renvoient à l’hé- ments de lieux (lieu vient du latin locus) térogénéité économique de la planète. constituent des délocalisations. Mais L’espace économique n’a jamais été ces derniers temps les médias ont fait homogène, même dans les temps les état de rapatriements de productions, plus anciens de l’Humanité, à grande essentiellement du fait d’une baisse de la comme à petite échelle. Il présente tra- qualité imputée à la fabrication à l’étran- ditionnellement des inégalités (dotations ger. Est-ce l’amorce, la promesse d’une en ressources, équipements en moyens restauration de l’emploi industriel dans de communication, dynamismes) mais les pays où l’on a observé des « reloca- aussi des polarisations, avec des pôles, lisations », encore très peu nombreuses, des micro-espaces, denses et particuliè- les États-Unis, la RFA, la France, etc. ? rement attractifs. Ces disparités et leur La notion d’économie « relocalisée » se exploitation se traduisent par une géo- situe, comme le terme l’indique, à l’in- graphie différenciée où, à l’exception de verse des « délocalisations ». Les délo- tout petits territoires (à cause du manque calisations ont été caractéristiques d’un de place), une faible partie de l’espace monde où règnent la marchandisation concentre l’essentiel des activités et de (tout peut se vendre), la monétarisation la population. Mais cette géographie qui (la monnaie permet de tout acheter), s’inscrit dans des sociétés bien précises, où est visé le profit maximum dans un différenciées, évolue au f il du temps temps minimum, et où l’être humain avec les changements survenant dans n’est qu’un moyen de faire du profit que les facteurs de localisation des activités l’on jette si le taux de profit baisse. De ce économiques et donc de localisation des fait mon propos initial, centré sur l’éco- grandes masses de population, du fait nomie, fut vite dépassé au profit d’une des interactions entre emploi, revenus analyse plus sociale qu’économique d’un et peuplement. monde plus rationnel et plus heureux, d’une utopie décrivant un monde en
4 Pour le littoral picard et la baie de Somme – no 22 – Trois révolutions industrielles Sao Paolo, Tokyo ou Bombay, Londres Entre la période précédant la révolu- ou Shanghaï, Paris ou Lagos, etc.). tion industrielle et les différentes étapes de cette dernière (on distingue souvent Une seconde étape trois révolutions industrielles), les fac- des délocalisations teurs de localisation furent approxima- Les délocalisations, amorcées (ou tivement les suivants : seulement découvertes ?) dans les années – avant le xviii e siècle : les régions 1970, portèrent d’abord sur des activités agricoles riches (céréales, viticulture, industrielles relevant du secteur manu- élevage du mouton pour la laine, plantes facturier, ce qui fit apparaître les « pays- tinctoriales, etc.) ; les villes (artisanat ateliers » (Tunisie, Maroc, Turquie, urbain) ; les ports, f luviaux ou maritimes Mexique, Asie de l’est et du sud-est). (et plus d’une fois les deux, cf. Londres) ; Au départ on se contenta d’exploiter (au – durant la première révolution sens marxiste du mot) la main-d’œuvre industrielle : les bassins charbonniers, féminine locale (textile-habillement, puissants créateurs de concentrations chaussures, jouets) ou on transféra des urbaines ; les grandes villes ; les axes et industries parmi les plus polluantes (alu- les nœuds ferroviaires ; les ports, boule- minium, ciment, etc.). Or depuis près versés par la navigation à vapeur ; les voies d’un quart de siècle, toute industrie, y navigables (rivières, f leuves, canaux ; compris celle des activités de pointe, peut au Royaume-Uni, dès le xviii e siècle, être transférée au loin. la « canal mania » précéda la « railway On est bien passé à une seconde étape mania ») ; des délocalisations. L’actualité est faite – pendant la deuxième révolution de l’explosion des « délocalisations » industrielle : les grands axes routiers tertiaires (réservations, centres d’appel, puis autoroutiers, et surtout les nœuds services informatiques, consultations du réseau routier et autoroutier ; les villes juridiques ou médicales, etc.). Ce qui a disposant de tertiaire supérieur et de conduit les entreprises de pays développés banques importantes, bien ravitaillées à délocaliser ne se limite pas à l’opportu- en charbon, pétrole, électricité et/ou se nité d’exploiter, un certain temps (avant spécialisant dans les nouvelles industries ; que les salaires n’augmentent dans des – avec la troisième révolution indus- proportions significatives), des gisements trielle : les ressources en main-d’œuvre de main-d’œuvre des « pays-ateliers » (de hautement qualifiée (universités, grandes bas salaires, une longue durée du travail, écoles, instituts de recherche) ; marchés la faiblesse ou même l’inexistence du des capitaux (grandes banques, bourses droit social). Ont joué aussi les opportu- de valeurs) ; les aéroports ; nités fiscales (bas niveau de l’impôt sur – aujourd’hui : dans un cadre résolu- les sociétés), mais aussi l’occasion à saisir ment mondial, les disponibilités en res- de s’implanter sur les marchés appelés sources humaines, plus qu’en ressources à s’élargir des pays émergents. Un fac- naturelles ; les données étatiques (fisca- teur non négligeable des délocalisations lité, droit du travail, etc.) ; l’accès aux aura été le bas prix du fret : il est lié à la grandes voies maritimes ; la présence de « révolution du conteneur » (idée simple « villes-monde » (New York, mais aussi et géniale née aux États-Unis dans les années 1950). Elle a surtout transformé
Vive l’utopie 5 les transports maritimes qui assurent les de qualité et, pour compenser les baisses quatre cinquièmes des échanges inter- de prix d’achat imposées, des gains de nationaux de marchandises. Mais le bas productivité. Ce constat a conduit plus prix du fret résulta davantage du bon d’une entreprise occidentale à procéder marché des produits pétroliers et donc du à des « relocalisations ». Récemment gaspillage des énergies fossiles, par défi- l’entreprise Geneviève Lethu, basée à nition non renouvelables et polluantes La Rochelle, a rapatrié de Chine à Thiers (restitution du carbone). Ce bas prix a la fabrication des couteaux, dans la vallée permis une absurdité comme « le grand du Rhône celle de la vaisselle, dans les voyage du yaourt », qui traverse l’Europe Vosges celle des nappes et des serviettes en camions, alors que c’est le type de de table : les produits arrivés par conte- produit que l’on devrait obtenir de pro- neurs étaient de qualité irrégulière et ne ducteurs locaux. Et que dire du voyage, correspondaient pas toujours aux carac- plus souvent aérien que maritime, de la téristiques annoncées par les catalogues ; pomme chilienne, de l’asperge péru- l’emballage lui-même, le packaging, pou- vienne, du haricot vert malien, de la rose vait manquer de solidité : les clients se kényane, du champignon de Paris made plaignaient. Mais il ne faut pas être naïf : in China, du vin chardonnay sud-africain les hausses de salaires en Chine jouent ou australien ? aussi leur rôle. Il en va de même pour l’entreprise de jouets jurassienne, Smoby. Effets ambigus de la délocalisation Les déséconomies d’échelle Les délocalisations planétaires ont Un aut re loupé des économ ies eu des effets puissants mais ambigus : contemporaines est par exemple la fré- ainsi, la baisse des prix, y compris pour quence (croissante ?) des « désécono- les consommateurs des pays occiden- mies d’échelle ». Une sorte de loi fait taux, mais aussi la baisse de la qualité, que, passé un certain seuil en matière avec quelques problèmes de santé et de de taille, les économies d’échelle, qui sécurité pour les consommateurs, et pas permettent, en allongeant les séries de seulement à cause de produits made in produits, de réduire les coûts de pro- China. Dans une organisation indus- duction, et, logiquement, d’abaisser les trielle qui associe le plus souvent un prix de vente, soient suivies de « déséco- donneur d’ordres à une pluralité parfois nomies d’échelle ». C’est l’effet inverse très fournie de fournisseurs et de sous- qui se passe ; mais ce dernier demeure traitants, la crise de la qualité est moins largement sous-estimé, du fait de la imputable à la main-d’œuvre locale qu’à non-intégration aux coûts de production un contrôle de la qualité insuff isant, d’une bonne partie des coûts réels, qui voire défaillant. L’éloignement, ainsi que ne sont pas micro-économiques (mesure les disparités culturelles, empêchent la des coûts de production au seul niveau maîtrise de l’intégralité du processus de de l’entreprise), ni même uniquement production que le « donneur d’ordres » macro-économiques (mesure des coûts obtenait chez lui avec ses fournisseurs et au niveau des économies nationales, ses sous-traitants locaux, des partenaires voire à celui du « système-monde »). souvent anciens, auxquels il imposait un Dans la première phase un cercle effort d’innovation, le respect de normes vertueux de la croissance est alimenté,
6 Pour le littoral picard et la baie de Somme – no 22 – entre autres, par les économies d’échelle. tout soumettre au marché, de détruire Avec l’allongement des séries, l’impact tout le secteur non marchand (mutua- des coûts fixes (ils sont à supporter quelle lité, coopération, associations, secteur que soit la production) se fait moins lourd étatique), non seulement pour sacrifier par unité produite et le coût de produc- à l’idéologie libérale, mais surtout pour tion unitaire, celui de chaque objet, est accroître les occasions de profit : un peu réduit. D’autre part, un axe de transport partout, on a déjà bien engagé la privati- est plus rentable s’il est suff isamment sation des services publics, dont la santé fréquenté. Il en va de même pour les et l’éducation ; et même le corps humain équipements publics (santé, éducation, est de plus en plus transformé en mar- communications, etc.). La concentration chandise, en-dehors de la sphère tradi- des entreprises est supposée favoriser les tionnelle de la sexualité (prostitution) économies d’échelle en permettant aux qui ne s’est jamais aussi bien portée, avec entreprises survivantes d’accroître leurs les trafics f lorissants de sang et d’organes, parts de marché et donc leurs ventes. qui relèvent souvent du pillage du Sud C’est aussi le cas quand le marché est au par le Nord. stade de l’équipement (diffusion de nou- L e monde act uel, c’est aussi le veaux produits). contraste entre la remarquable mobilité Dans une seconde phase surviennent du capital et, malgré l’apparence créée des « déséconomies d’échelle ». Ainsi les par les migrations internationales, la embouteillages occasionnent à la fois faible mobilité du travail. D’où la mise perte de temps et gaspillage d’énergie. en concurrence des forces de travail à Un autre cas peut être signalé : dans les l’échelle mondiale : la Chine et d’autres agglomérations denses une liaison rapide pays asiatiques, l’Amérique latine, l’Eu- coûte les « yeux de la tête » par rapport à rope de l’Est face à l’Amérique anglo- une autoroute de rase campagne (cf. l’A85 saxonne et à l’Europe de l’Ouest, dont le par rapport à l’A29), etc. Mais ces « désé- capitalisme cherche à ruiner le statut, issu conomies d’échelle » sont en partie mas- des luttes ouvrières des xix e et xx e siècle quées tant que l’on n’intègre pas tous les et, surtout, à faire baisser fortement la coûts, économiques, mais aussi sociaux part des salaires dans le partage de la et écologiques. valeur ajoutée. On a vu naître l’entreprise Le monde contemporain présente des sans usine avec le modèle Alcatel. D’une travers plus préoccupants que les « désé- façon plus générale, les grandes firmes conomies d’échelle ». Ces travers sont de ont pratiqué systématiquement l’exter- moins en moins supportés par le corps nalisation : on fait faire au lieu de faire social. L’action pédagogique des mouve- pour réduire les charges salariales et les ments alternatifs écologistes, altermon- coûts de production (cf. la SNCF, l’État dialistes, etc. a commencé à porter ses lui-même). Le secteur manufacturier fruits et pas seulement chez les « bobos » mondial a adopté le système japonais : (bourgeois bohèmes). les f lux tendus (les stocks nécessaires à la La crise actuelle a révélé l’ampleur production sont réduits au strict mini- et les dangers de la monétarisation, puis mum), le « juste-à-temps » (les livrai- la financiarisation des économies. Mais sons souvent quotidiennes empêchent on peut aussi s’inquiéter de la marchan- de devoir s’arrêter de travailler faute de disation systématique, de la volonté de pièces, de composants, de matériaux) et
Vive l’utopie 7 le camionnage (le « tout-route ») assure tion (impact sur l’environnement, sur cette alimentation quasi continue de la santé publique et d’abord sur celle des l’appareil de production. actifs agricoles). L’état de santé des populations a été Des villes marquées aggravé par la politique des multinatio- par la ségrégation sociale nales de l’agro-alimentaire (commer- La moitié de la population mondiale cialisation d’aliments trop sucrés, trop vit désormais en ville. Mais il y a ville et salés, trop gras). Ajoutons les risques de ville. Les villes, surtout les plus grandes, pandémie avec la mondialisation, du fait sont souvent marquées par la ségrégation de l’intensité et la rapidité des transports sociale. Celle-ci discrimine : la masse des de marchandises et de personnes (les personnes âgées, des jeunes, la plupart bactéries et les virus prennent eux aussi des familles monoparentales, construites l’avion). en général autour de femmes seules avec un ou plusieurs enfants à charge, les wor- Des valeurs à cultiver king poors (travailleurs à temps partiel ou Même s’il est plutôt noir, le tableau smicards, avec un pourcentage important du monde contemporain ne doit cepen- de femmes), les Rmistes, les clandestins, dant pas nous laisser désespérés. On ainsi qu’une bonne partie des popula- commence à voir comment reconstruire tions issues de l’immigration. un monde un peu plus humain. Le stress au travail (accélération Nous percevons les valeurs à cultiver : des tâches, harcèlement moral pouvant l’autonomie, la solidarité, l’intérêt géné- conduire au suicide ou au meurtre, etc.) ral prenant le pas sur les intérêts particu- semble avoir progressé avec la réduction liers, le souci du long terme ; mais aussi la du temps de travail, mais aussi avec la communication (pas seulement virtuelle compétition, la concurrence généralisée par le biais d’un écran), et l’échange au par la mondialisation libérale. Pour ceux sens non marchand du terme. qui ont des revenus suffisants ce stress est Le projet que d’aucuns qualifieront compensé par le divertissement (week- d’utopique vise à rompre avec l’écono- ends, vacances à l’étranger), voire par les mie de pillage, de gaspillage et d’exploi- « paradis artif iciels » (ainsi la cocaïne, tation ; à passer du consommateur passif toujours moins chère, « sniffée » par les au citoyen actif ; à faire et à échanger, créatifs, les financiers, etc.). plutôt qu’à faire faire et à acheter (et pour Il reste bien évidemment la pollu- ce à vendre son temps et sa vie). tion. L’utilisation massive des énergies Tout n’est pas à jeter dans le progrès fossiles, en grande partie gaspillées, aura technique et les avancées scientifiques : il contribué à la pollution, principalement s’en faut de beaucoup. Nous devons uti- à celle de l’atmosphère et au global war- liser davantage encore les apports positifs ming, au changement climatique. Mais du progrès technique : ainsi, la fée élec- elle cause aussi, par le biais des polluants, tricité (il suffit d’en disposer partout, tout des problèmes sanitaires (allergies, mala- le temps et pour un prix raisonnable) ; le dies respiratoires, cancers, etc.). télétravail, qui permet par exemple à un L’agriculture a recouru à une chimie éditeur spécialisé de fonctionner à partir toxique (pesticides). Le productivisme d’Arnac-Pompadour, grosse bourgade s’est manifesté par l’absence de précau- de Corrèze (il convient toutefois d’éviter
8 Pour le littoral picard et la baie de Somme – no 22 – la mise en place d’un nouveau sweating de saison, au lieu de vouloir, à bas prix, system, l’exploitation du travailleur isolé consommer en permanence oranges, telle qu’elle se pratiquait au début de la tomates, raisins, fraises, haricots verts révolution industrielle, et d’éviter aussi la sans oublier les fruits tropicaux (man- perte de la dimension sociale du travail, gues, goyaves, etc.). Il faut poursuivre la logique si le salarié n’a d’autre compa- remise en honneur de légumes oubliés gnie que celle de son ordinateur) ; l’éco- ou de variétés de fruits délaissées que l’on nomie de la connaissance, qui s’inscrit doit largement au mouvement « bio » (cf. dans une véritable explosion des sciences, le nombre impressionnant des variétés notamment de la biologie ; la révolution de pommes et le nombre restreint des de l’information (avec le risque de la variétés faisant l’objet d’une commercia- surinformation et de la manipulation de lisation de masse). l’information), etc. c. Le « bio » pour mettre fin à la chimi- sation systématique de notre vie quotidienne Des solutions existent Il peut avoir une large place dans Les solutions, déjà préconisées depuis l’alimentation bien évidemment ; mais longtemps pour nombre d’entre elles, aussi dans l’habitat (chaume, torchis, sont plus ou moins aisées à mettre en laine, chanvre, lin), dans l’habillement œuvre ; mais il devient urgent de les ini- (fibres naturelles, d’origine végétale ou tier. animale), pour la santé (les médicaments a. D’une façon globale le développement tirés des plantes, voire la phytothérapie, durable (et la décroissance ?) : il répond assurant l’absence d’effets secondaires à deux grands principes : ne pas utiliser caractéristiques des médicaments à base les ressources plus vite qu’elles se renou- chimique). Relève du même état d’esprit vellent, y compris l’eau (et réduire for- le renouveau de l’utilisation d’animaux tement le prélèvement sur les ressources au lieu d’engins mécaniques bruyants et non renouvelables), pour ne pas consom- polluants : chevaux de trait ménageant mer l’héritage de nos enfants et petits- sous-bois et sentiers à la différence des enfants ; ne pas rejeter les déchets plus tracteurs agricoles, bœufs rustiques ou vite qu’ils ne peuvent être éliminés et moutons employés comme tondeuses. ce d’une façon non polluante (et il est d. L’urgence d’une lutte intense contre le impératif de diminuer très fortement la gaspillage production de déchets non biodégra- La lutte contre le gaspillage permet dables, et de développer le compostage, de vivre mieux, tout en préservant les dans les décheteries mais aussi chez les ressources non renouvelables (énergie) particuliers). ou limitées (eau). b. La généralisation de l’agriculture non Elle passe notamment par : productiviste, et d’abord de l’agriculture – la mise sur le marché de produits à biologique (même pas 3 % de la superfi- durée de vie plus élevée ; cie agricole en France et une forte dépen- – l’essor de la réparation (réparer plu- dance à l’égard des importations). tôt que jeter ; encore faut-il disposer de Ménageant l’environnement, elle ne toute infrastructure, pièces de rechange lèse pas la santé publique, tout en resti- et surtout techniciens) ; tuant leur goût naturel aux aliments. Il – un renouveau de l’effort financier faut redécouvrir les légumes et les fruits pour l’entretien des biens, souvent sacri-
Vive l’utopie 9 fié au nom d’économies répondant à des Jean-Louis Borloo en novembre 2008 ; préoccupations de court terme, d’ordre on retrouve le big is beautiful, le culte du financier (cf. le réseau ferré) ; gigantisme cher à EDF). – la réduction des consommations g. En matière de transports abusives ou inutiles d’eau (lavage des voi- L’essor des transports collectifs (train, tures, golfs, etc.) ou d’électricité (illumi- tram, tram-train, voire « coches d’eau » nations à l’américaine avec une débauche dans les villes situées le long d’un cours en fin d’année : un gaspillage, il est vrai, d’eau ou d’un plan d’eau, mer, lac) ; réduit par la diffusion des ampoules à – pour réduire le nombre de camions basse consommation : cf. aussi les progrès sur les axes routiers le ferroutage (pour de l’électroménager, des téléviseurs) ; lequel la France, en l’occurrence l’État – une sévère réforme de l’embal- et la SNCF, ne manifeste aucun véri- lage, qui grève les prix de vente, gonf le table intérêt), le merroutage (transports les poubelles et utilise bien souvent des maritimes, grâce à des initiatives privées, matériaux non recyclables ; reprises par l’Union européenne, cf. les – le développement de la filière de lignes Santander-Anvers ou Barcelone- la récupération et du recyclage qui pour Gênes), la voie d’eau continentale pour l’instant n’existe vraiment que pour une les marchandises ; partie des métaux ; – un encouragement (multiplication – la disparition de l’incinération et des voies séparées, en zone urbaine, mais réduction de l’enfouissement pour les aussi de ville à ville) aux transports indi- déchets, ordures et autres décombres ; viduels qui n’utilisent pas d’autre éner- une diffusion de la méthanisation et du gie que la force musculaire (vélo, voire compostage. roller) ; Mais le pire des gaspillages est celui – une interrogation sur la voiture des ressources humaines (parcours du électrique, qui pour l’instant est indi- combattant des jeunes en direction de rectement polluante du fait des modes l’emploi, adultes âgés retrouvant au largement prédominants de production mieux un emploi peu rémunéré, diplô- de l’électricité. més confrontés à un chômage durable, h. Un habitat repensé et massif dans certains domaines, etc.). – Une nouvelle architecture (formes, e. La politique de prévention, y compris matériaux, équipements permettant une pour la santé (elle réduirait sensiblement réduction de la consommation d’énergie, le déf icit de l’assurance-maladie, tout utilisation de matériaux biodégradables en augmentant l’espérance de vie et en ou recyclables, etc.) ; améliorant la qualité de la vie) ; le prin- – une nouvelle urbanisation : cipe de précaution (et pas seulement pour • on doit inciter à la décroissance les innovations de la chimie ou des bio- des plus grandes agglomérations, tout en industries). cherchant à limiter l’étalement urbain, f. Une production moins centralisée et que l’on constate même dans les zones naturelle d’énergie et en particulier d’élec- rurales proches des villes avec l’essor tricité (même l’éolien manifeste la ten- des lotissements d’habitat pavillonnaire dance à la concentration d’équipements (Picardie, Grand Ouest, etc.) ; sur un même site ; pour le solaire, on • à l’échelle des agglomérations reparle de centrales, une par région selon urbaines, il faut multiplier les éco-
10 Pour le littoral picard et la baie de Somme – no 22 – quartiers comme à Fribourg en RFA, excès d’une partie des cyclistes et autres à Malmö en Suède, dans la banlieue vttistes). londonienne : un écoquartier est pensé, • Enfin, on se doit de rechercher un voire planifiés : « les espaces publics, les habitat qui puisse mêler les différentes accès, l’intégration au paysage ont été générations, et où les logements s’asso- déf inis avant la délivrance des permis cient avec le commerce, dit de proximité, de construire » ; l’habitat est assez dense, et l’artisanat : foin de la zonalité, et de la pour éviter l’étalement urbain, mais varié ségrégation. (petits immeubles, maisons individuelles i. Pour terminer, l’objectif le plus utopique, alignées ou imbriquées afin de réduire qui est le recul de la monétarisation et de la l’emprise au sol) ; les constructions sont marchandisation autour de quelques pistes : adaptées au climat avec une exposi- – une utile réf lexion à mener sur tion favorable aux économies d’éner- l ’expér ience des SEL, les systèmes gie ; l’empreinte écologique est réduite d’échanges locaux de biens et de services (emploi de matériaux naturels, recours sans intermédiaire monétaire : les autori- aux énergies renouvelables, récupération tés qui les ont longtemps ignorés leur ont des eaux pluviales) ; les circulations sont rendu la vie difficile depuis ; douces, non agressives (cheminements – l’introduction, chez nous, du piétonniers et cyclables séparés de la cir- « micro-crédit », du « commerce équi- culation automobile, voire isolés les uns table » et plus globalement la mise en des autres pour garantir la tranquillité, place de circuits courts de distribution ; voire la sécurité des piétons) ; le dévelop- – la remise en cause de l’appropria- pement des espaces communs et non pas tion croissante des services publics par des jardins privatifs autour des maisons les grands groupes de ser vices ; et la individuelles comme aujourd’hui ( jar- redéfinition des biens publics : l’eau, les dins publics, jeux pour enfants, bancs) autres f lux que sont l’électricité, le gaz, favorisent les relations entre habitants, la téléphonie-télématique ; mais aussi la entre générations ; enfin, le quartier est formation, la culture et la santé ; inséré dans le tissu urbain (plan de dépla- – le développement de la location ou cement urbain centré sur les transports du prêt au détriment de l’achat et de l’ap- publics ou la mise à disposition de vélos, propriation privée des biens pour faire de voitures électriques en durée limitée, encore se contracter la sphère de l’éco- accès aux commerces, aux établissements nomie marchande. scolaires, aux équipements publics). Tous ces libres propos n’engagent • Il faut aussi que se répandent, y bien évidemment que leur auteur. Il est compris dans les villages, des zones pié- toujours permis de rêver, surtout quand tonnes, et réellement piétonnes (ce qui la réalité se montre plus d’une fois cau- est peu souvent le cas avec les camions et chemardesque. camionnettes livrant à toute heure et les voitures admises pour différents motifs, plus ou moins sérieux, ou du fait des Novembre-décembre 2008.
11 L’avenir de nos ressources en eau Jean-Marc Hoeblich En France, les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGES) des six agences de l’eau qui mettent en application la directive cadre européenne sur l’eau ont été adoptés récemment. L ’innovation la plus structurante de Il semble bien que le programme de ces nouveaux SDAGES est la modi- mesures du Sdage concernant la pollu- fication de la démarche qui impose tion diffuse liée à l’assainissement non maintenant une logique d’objectifs (et collectif (dit aussi autonome) soit à ren- non plus de projets) avec une obliga- forcer. tion de résultats de bon état des masses Un schéma d’aménagement et de ges- d’eaux continentales souterraines et tion de l’eau (SAGE) à été mis en place superficielles, marines et de transition en Haute-Somme et nous devons nous (estuaires…) d’ici 2015. Si technique- préoccuper dès maintenant de la mise ment et financièrement cela est impos- en œuvre d’un SAGE Somme Aval qui sible dans ce laps de temps, la France permettrait de veiller localement, en peut, après justifications, demander un commun, à la protection de la qualité report de résultats en 2021 ou 2027. des eaux du littoral. Sur le littoral picard Le schéma directeur d’aménagement et nous sommes concernés par toutes les de gestion de l’eau (SDAGE) du Bassin masses d’eau qu’elles soient, souterraines, Artois-Picardie doit être adopté en fin superf icielles, estuariennes ou mari- de cette année et différentes institutions times. Il semble impossible d’obtenir des ou organismes associatifs sont sollici- eaux de bonne qualité ni pour les eaux tés pour exprimer leurs observations côtières ni pour les eaux de l’estuaire de concernant le contenu de ce schéma. Des la Somme (bien que les eaux du f leuve actions sont retenues dans le cadre d’un Somme se soient améliorées après la mise programme de mesures pour six ans et en place des stations de dépollution des seront maintenues dans les programmes à eaux usées d’Abbeville et d’Amiens). Un venir (2021, 2027). Il s’agit en particulier report est donc souhaité mais il ne sera de la protection des différentes masses accepté que si des efforts sont faits dans la d’eau, du prix des services liés à l’eau, mise en conformité des assainissements des aides apportées aux projets menant non collectifs (des aides sont accordées à la protection de la qualité de l’eau, à par l’Agence de bassin), du contrôle des l’assainissement individuel ou collectif rejets des stations d’épuration et la maî- dans le cadre des Services publics à l’as- trise des rejets des eaux pluviales, effort sainissement non collectif (SPANC). qui doit mener à une bonne qualité des masses d’eaux d’ici 2027.
12 Pour le littoral picard et la baie de Somme – no 22 – La qualité des eaux de baignade sur le de la conchyliculture. La construction littoral picard s’est améliorée au cours d’une station de dépollution pour ces des dernières années. L’objectif est d’at- productions est en cours de réalisation teindre pour l’ensemble des sites un clas- au Crotoy. De plus, il semble important sement « à minima » en bon (B), ce qui que la maîtrise des eaux pluviales soit est possible. Toutefois au niveau de la réellement prise en compte dans les com- commune du Crotoy une dégradation munes du littoral afin de réduire la pol- de la qualité des eaux a été constatée. lution des eaux côtières. Une étude sur Une étude doit au plus vite déterminer l’origine éventuelle de cette pollution qui les causes de la pollution. pourrait être liée à l’élevage de moutons L’application dès 2012 de la nouvelle de « prés salés » doit être faite. directive européenne de 2006 concer- nant la qualité des eaux de baignade, plus Chacun est concerné par ces pro- exigeante, n’entraînerait pas de « ferme- blèmes qui pourraient faire l’objet d’un ture » de plage sur notre littoral, sauf débat local lors d’une réunion organi- pour la plage du Crotoy si les raisons de sée par l’association « Littoral Picard la dégradation ne sont pas maîtrisées. Baie de Somme » ; elle se déroulerait La qualité sanitaire des eaux côtières dans une commune du littoral (Saint- ne permet pas actuellement la com- Valery par exemple) le vendredi 3 avril mercialisation directe des coquillages 2009. récoltés par ramassage (coques) ou issues
13 Le Grenelle de la mer Gérard Montassine « La délicate rencontre entre la terre et la mer » J ’ai été amené à participer, au cours les comptes rendus ont été communi- du deuxième trimestre 2009, aux qués. Certaines personnes ou services débats du Grenelle de la mer dans ayant déjà vécu le premier Grenelle le premier groupe de travail intitulé : avaient l’avantage d’avoir préparé leurs « La délicate rencontre entre la terre et requêtes par écrit. Nos interventions la mer ». Cinquante personnes environ orales pouvaient être retenues si elles composées chacun des quatre groupes. faisaient consensus. Les propositions Chaque membre avait un lien avec la étonnamment nombreuses et diverses mer. Les ports de commerces, de plai- furent l’objet d’une sélection. La filière sance, les industries du nautisme, toutes des énergies nouvelles ou l’exploita- les administrations ou ministères agissant tion des substrats marins aiguisent bien pour ce milieu soit dans le cadre d’ac- des appétits. La mer va-t-elle subir les tions ou de la réglementation étaient mêmes dégâts que les continents sachant représentés. Les organisations non gou- que déjà aujourd’hui elle ne « digère » vernementales, syndicales, les exploitants pas les eff luents qu’elle reçoit. D’après du littoral : cultures marines et agricul- le rapport de monsieur Chevassus-au- ture littorale n’étaient pas oublié ainsi Louis, en une journée nous consommons que les élus du littoral, quelques députés 1 000 ans de la production naturelle de et sénateurs. Une représentativité de nos la planète (agrégats, minerais, énergies territoires d’outre-mer était nécessaire fossiles). Il a été admis par tous, que seul aux débats car 80 % de nos eaux natio- 5 à 10 % du milieu marin était connu : nales entourent ces îles lointaines. La un peu le littoral à marée basse et la sur- France fait partie des nations ayant les face de l’eau ou ce qui est collecté sur surfaces maritimes les plus importantes le fond mais la colonne d’eau surtout de la planète. celle des océans est véritablement « l’in- Les réunions se sont déroulées sur connu » Tous admettent également que cinq séances de travail et deux jour- du plus haut de la rivière au plus profond nées d’audition de personnes qualifiées de l’océan tout est lié. Mais les constats depuis le chercheur biologiste en pas- de nos erreurs sont récents. Notre appé- sant par l’urbaniste et les gestionnaires tit de confort, l’usage de produits issus d’espaces, tous ayant des relations avec de l’industrie chimique et de techno- ce thème. L’ensemble du groupe n’a logies de plus en plus performantes sont pas pu suivre toutes les auditions mais les causes des dégâts environnementaux
14 Pour le littoral picard et la baie de Somme – no 22 – actuels et futurs à découvrir bientôt. Le les évolutions climatiques ? Si je prends constat est unanime : il faut améliorer la l’exemple de la crevette grise, actuelle- qualité de nos rivières, restaurer si pos- ment les tonnages débarqués au cours sible les estuaires pour que la mer aille des bonnes années de production n’at- mieux. Notre profession de pêcheur pro- teignent pas le 1/5 des années 1960-1970 fessionnel maritime est mise en cause très et qu’il faut prendre en compte que sur violemment par des ONG comme Green les 60 crevettiers qui exploitaient cette Peace. Un consensus est apparu aussi de espèce, entre Le Tréport et Boulogne, il ce côté : nous devons apporter nos obser- n’en reste qu’une dizaine. vations à la connaissance du scientifique Je conclurai par ceci : à écouter cer- et celui-ci doit écouter le professionnel. tains discours sur des cas spécif iques Au fil des ans, j’ai observé la réduction comme ceux des baleines et des thons, de certaines espèces animales et végétales le rouleau compresseur des mots finirait devant et dans l’estuaire de la Somme. par tuer les derniers professionnels de la C’était certainement les prémices des mer et des littoraux. Il ne faut pas perdre dégradations ou les évolutions du milieu. de vue que le comportement quotidien Il paraît que les arbres poussent de plus de chacun est aussi en cause. L’eau source en plus haut dans la montagne, pourquoi de vie, la mer source de la vie. la mer ne serait-elle pas concernée par Le Grenelle de l’environnement sein de sept comités thématiques : transports ; en région climat, air, énergie ; bâtiments durables ; bio- diversité, milieux naturels, déchets, risques Le 6 juillet dernier, Monsieur le préfet de santé-environnement, urbanisme, aména- région a mis en place le comité de pilotage gement. Ces Comités s’appuieront sur des de la territorialisation du Grenelle de l’environ- structures partenariales existantes et permet- nement en Picardie. Ce comité constitué de tront à de nouveaux acteurs de s’associer à la représentants de cinq familles d’acteurs : État concertation dans le cadre de la « gouvernance (8 représentants), Collectivités territoriales (13), à cinq ». entreprises (6) salariés (5) et associations de La nécessaire transversalité garante de la protection de l’environnement et de consom- cohérence des actions sera assurée par le mateurs (11), doit traduire sur le terrain picard Comité de pilotage. Les travaux au sein des les 268 engagements adoptés à l’issue des comités thématiques ont déjà commencé ; tables rondes nationales. Notre association ils vont se poursuivre tout au long de l’année participe aux travaux de ce Comité de pilotage. 2010. Les actions décidées seront construites au
15 Vers un Parc naturel marin (PNM) des trois estuaires picards Vincent Bawedin À l’initiative de l’Agence des Aires marines protégées, les estuaires de la Somme, de l’Authie et de la Canche devraient être classés en Parc naturel marin (PNM) dans le courant de l’année 2011. C es trois estuaires ont une caracté- dra plusieurs phases, dont celles d’études ristique géographique propre. La de diagnostic et de rencontres avec les dynamique qui les anime présente, principaux acteurs et usagers de la vaste sur leur rive gauche, un poulier qui se zone concernée. Cela a commencé dans développe, et sur leur rive droite, un la Somme en décembre 2009, le projet musoir qui recule. C’est ce qui leur vaut ayant été présenté au Conseil scienti- l’appellation d’estuaires de type picard f ique régional du patrimoine naturel (Briquet, 1930 ; 1938) qui entaillent la (CSRPN) de Picardie ainsi qu’au conseil vaste plaine maritime du même nom. général de la Somme et à Boulogne-sur- Mer. Une réunion plénière a suivi, fin Le PNM : un outil de cohésion janvier à Étaples, sous la présidence des Le PNM aura pour rôle essentiel préfets du Pas-de-Calais, de la Somme d’assurer la cohérence de l’ensemble et du préfet maritime Manche-Mer du des « outils de protection » préexistants Nord qui sont en charge de conduire le (réserve naturelle marine, site Natura projet. Elle avait pour objectif de mettre 2000 marin, arrêté de protection de bio- en place des groupes de travail sur cinq tope en mer, domaine public maritime questions jugées majeures (protection, affecté au Conservatoire du littoral, etc.) gestion, usages marins et terrestres, par le biais d’un plan de gestion unique. données scientifiques). Deux autres réu- Ce n’est donc pas une strate de protection nions plénières sont envisagées d’ici la supplémentaire, puisqu’il n’engendre pas fin de l’année et avant le bilan d’enquête d’autres contraintes réglementaires que publique, dont l’ouverture du dossier celles induites par les classements mis en se fera mi-2010. La signature du décret place précédemment. portant création du Parc naturel marin se fera vraisemblablement en 2011. Calendrier de création du PNM Le lancement de la procédure de La question du périmètre mise en place d’un Parc naturel marin Le périmètre pressenti s’étendrait du à l’ouvert des trois estuaires picards sud de la baie de Somme jusqu’au nord a été off icialisé par arrêté en date du de la baie de Canche. Les précisions de 19 février 2008. Un cheminement de celui-ci figureront à l’ordre du jour des quelques années est nécessaire avant prochaines réunions de l’année 2010 l’aboutissement du projet. Il compren- dont les objectifs sont de trois ordres :
16 Pour le littoral picard et la baie de Somme – no 22 – – le choix d’un périmètre cohérent ; usagers ainsi que des différents échelons – les grandes orientations de gestion ; de décisions (État, région, département, – la mise en place du conseil de communes) répond aux prérogatives de gestion, composé de plusieurs collèges politique de gestion intégrée des zones (experts, services de l’État et des col- côtières (GIZC), off iciellement mise lectivités, élus locaux, usagers, associa- en place sur la Côte-d’Opale et au sud tions…). de baie de Somme en 2005 (Bawedin, Le tout se fera avec l’aide d’une 2009). Cette dernière fait suite à l’appel équipe d’appui technique proposée par à projets de la Datar (actuelle DIACT) l’Agence des aires marines protégées. et du SGMer, les projets portés par les Chaque citoyen qui le souhaite syndicats mixtes de la Côte-d’Opale pourra s’exprimer, lors des réunions et de la baie de Somme-Grand Littoral plénières et/ou par le biais de l’enquête Picard (alors SMACOPI) ayant été rete- publique. nus parmi les 25 lauréats. Concernant le périmètre, il y a déjà La création d’un PNM sur un vaste une certitude. Il n’y aura pas, sur le plan territoire concernée par la GIZC favo- spatial, de chevauchement entre le PNM risera encore le partenariat entre l’État et le Parc naturel régional (PNR) de et les collectivités, en élargissant le Picardie maritime prévu pour 2010. panel des acteurs qui seront amenés à s’y impliquer. Cela marque le début d’une Une nouvelle forme de gouvernance horizontale sur le litto- gouvernance ral picard, garante de démocratie et de Le Conseil de gestion d’un Parc proximité. naturel marin est généralement présidé par un élu territorial, à l’image du PNM Bibliographie d’Iroise (premier PNM français) qui a • Agence des aires marines pro- à sa tête le président du conseil général tégées (2009). Étude d’un parc naturel du Finistère. Ainsi, avec les PNM, les marin à l’ouvert des trois estuaires Somme, collectivités (départements, régions) vont Authie, Canche, état d’avancement du projet, peu à peu s’investir sur l’espace marin, décembre 2009 1. resté longtemps sous la responsabilité de • Bawedin V. (2009). La gestion inté- l’État. grée des zones côtières (GIZC) confrontée aux dynamiques territoriales dans le bassin d’Arca- Les objectifs chon et sur la côte picarde, thèse de doctorat, Outre la cohésion dans la gouver- université de Nantes, 532 p. nance évoquée précédemment, les objec- • Briquet A. (1930). Le littoral du nord tifs sont la préservation du milieu marin de la France, évolution et morphologie, Paris, (qualité des eaux, espèces sensibles, habi- A. Colin, tome i, 239 p. et tome ii, 438 tats et fonctionnalités écologiques…) et p. + 1 appendice : L’évolution du rivage du l’exploitation durable des ressources et nord de la France et l’activité de l’homme, 41 p. activités liées à la mer (patrimoine mari- • Briquet A. (1938). Les modif i- time, valeur ajoutée des produits de la cations du littoral picard au sud de la mer). Cette prise en compte conjuguée de la 1. Projet présenté à la réunion du CSRPN-Picardie terre et de la mer, des différents acteurs et le 7 décembre 2009, dans les locaux de la DREAL.
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