ÉNERGIE ET PAUVRETÉ - IAEA

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                             ÉNERGIE ET PAUVRETÉ
                             LE MONDE A BESOIN DE BEAUCOUP PLUS D’ÉLECTRICITÉ POUR ALIMENTER LE
                             DÉVELOPPEMENT, SELON UNE ÉTUDE RÉCENTE SUR L’ÉNERGIE DANS LE MONDE

                                    a dernière édition du World                                                 tif de l’OCDE montre l’incidence

                             L      Energy Outlook, publiée en
                                    septembre 2002 par l’Agence
                             internationale de l’énergie (AIE) de
                                                                                                                que pourraient avoir de nouvelles
                                                                                                                politiques visant à réduire la deman-
                                                                                                                de d’énergie et à encourager l’aban-
                             l’Organisation de coopération et de                                                don des combustibles fossiles sur la
                             développement           économiques                                                dépendance vis-à-vis des importa-
                             (OCDE), décrit un avenir où la                                                     tions. Il est probable, néanmoins,
                             consommation d’énergie continue                                                    que gouvernements et consomma-
                             de croître inexorablement, les com-                                                teurs vont continuer d’accepter un
                             bustibles fossiles continuent de do-                                               certain degré de risque en échange
                             miner les sources d'énergie utilisées,                                             d’approvisionnements énergétiques
                             et les pays en développement se rap-                                               au prix compétitif.
                             prochent rapidement des pays de          tion d’énergie. Les deux scénarios           Le développement nécessaire de
                             l’OCDE comme principaux                  confirment l’ampleur des défis que        la production et de la capacité
                             consommateurs d’énergie commer-          doivent relever les gouvernements         d’approvisionnement exigera des
                             ciale. Les ressources énergétiques       du monde entier.                          investissements massifs à chaque
                             terrestres suffiront sans doute pour        L’une des principales observations     stade de la chaîne. Près de 4,2 bil-
     24                      satisfaire la demande croissante pen-    de l’Outlook est que le commerce de       lions de dollars seront nécessaires
                             dant encore au moins trois décen-        l’énergie va se développer rapide-        uniquement pour créer de nou-
                             nies. Les projections de l’Outlook,      ment. En particulier, les grandes ré-     velles capacités de production d’ici
                             cependant, suscitent de graves in-       gions consommatrices de pétrole et        à 2030. Pour mobiliser rapidement
                             quiétudes quant à la sécurité des ap-    de gaz verront leurs importations         cet investissement, il faudra lever
                             provisionnements, aux investisse-        croître considérablement. Ce com-         les obstacles réglementaires et com-
                             ments d’infrastructure, au risque de     merce va accroître l’interdépendan-       merciaux et créer un climat d’in-
                             nuisances écologiques causées par la     ce des pays, mais aussi renforcer les     vestissement favorable, tâche re-
                             production et la consommation            inquiétudes quant à la vulnérabilité      doutable pour de nombreux pays
                             d’énergie, et à l’accès de la popula-    de la planète aux perturbations de        en développement et en transition.
                             tion mondiale à une énergie              l’approvisionnement, la production        Ce seront surtout les premiers qui
                             moderne.                                 étant de plus en plus concentrée          auront besoin d’investissements,
                                Pour lever ces inquiétudes, les       dans un petit nombre de pays pro-         qui ne pourront avoir lieu sans une
                             gouvernements vont devoir agir           ducteurs. La sécurité des approvi-        forte augmentation des flux de ca-
                             énergiquement sur la consomma-           sionnements est devenue l’une des         pitaux provenant de pays indus-
                             tion et l’offre d’énergie. Les projec-   premières préoccupations. Les gou-        trialisés.
                             tions de base de l’Outlook découlent     vernements des pays importateurs             D’après le scénario de référence,
                             d’un scénario de référence qui ne        de pétrole et de gaz vont devoir trai-    les émissions de dioxyde de carbone
                             tient compte que des politiques et       ter de façon plus dynamique les
                             mesures qui avaient été adoptées par     risques énergétiques inhérents au
                             les gouvernements à l’été 2002. Un       commerce des combustibles fossiles.       Le présent article s’inspire du résu-
                             scénario distinct évalue l’impact de     Ils vont devoir assurer de plus près la   mé du World Energy Outlook, pu-
                             nouvelles politiques énergétiques et     sécurité des voies maritimes et des       blié par l’Agence internationale de
                             environnementales que les pays de        pipelines internationaux, et étudier      l’énergie à Paris (France) en sep-
                             l’OCDE envisagent d’adopter ainsi        les moyens de diversifier leurs com-      tembre 2002. Pour de plus amples
                             que d’une mise en œuvre accélérée        bustibles et l’origine géographique       informations, consulter le site de
  BULLETIN AIEA, 44/2/2002   de nouvelles techniques de produc-       de ces derniers. Le scénario alterna-     l’AIE à l’adresse www.iea.org
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        (CO2) devraient augmenter légère-         décennies, qui a été de 2,1% par         de plus en plus dans la production
        ment plus rapidement que la               an.                                      d’électricité, où il restera le combus-
        consommation d’énergie, malgré les           Les combustibles fossiles reste-      tible dominant. Avec l’augmenta-
        mesures prises à ce jour. Selon le        ront la principale source d’énergie,     tion attendue du prix du gaz, les
        scénario alternatif, cependant, les       satisfaisant plus de 90% de l’aug-       producteurs d’électricité vont ac-
        nouvelles politiques envisagées par       mentation de la demande. La de-          croître leur demande de charbon.
        de nombreux pays de l’OCDE, as-           mande mondiale de pétrole aug-           La mise en œuvre de techniques
        sociées au déploiement accéléré de        mentera d’environ 1,6% par an,           avancées accroîtra également, à long
        techniques plus efficaces et propres,     passant de 75 mb/j en 2000 à             terme, l’attrait du charbon comme
        devraient permettre de réaliser des       120 mb/j en 2030. Près de trois          combustible de production d’élec-
        économies d’énergie et faciliter le       quarts de cette augmentation seront      tricité.
        passage à des combustibles moins          imputables au secteur des trans-            Le rôle du nucléaire. Le rôle du
        polluants. Cette évolution finirait       ports, le pétrole demeurant le com-      nucléaire va décroître notablement,
        par stabiliser les émissions de CO2       bustible de choix des transports rou-    car peu de nouveaux réacteurs se-
        dans les pays de l’OCDE, mais seu-        tiers, maritimes et aériens. De ce       ront construits et certains seront dé-
        lement vers la fin de la période évo-     fait, on observera partout une ré-       classés. La production nucléaire cul-
        quée par l’Outlook.                       orientation vers des distillats légers   minera à la fin de cette décennie,
           Plus d’un quart de la population       et moyens tels que l’essence et le       plus diminuera progressivement. Sa
        mondiale n’a pas accès à l’électricité    diesel, au détriment de produits         part dans la demande primaire
        et deux cinquièmes utilisent encore       plus lourds utilisés principalement      mondiale restera stable à environ
        la biomasse traditionnelle pour leurs     dans l’industrie. Cette évolution        7% jusqu’en 2010, puis passera à
        besoins énergétiques élémentaires.        sera plus marquée dans les pays en       5% entre 2010 et 2030. Sa part de
        Le nombre de ces exclus diminuera         développement, où les combustibles       la production totale d’électricité
        dans les années à venir, mais             de transport sont proportionnelle-       chutera encore plus rapidement, de
        1,4 milliard de personnes devraient       ment moins utilisés.                     17% en 2000 à 9% en 2030. La
        toujours être privées d’électricité en       La demande de gaz naturel aug-        production nucléaire n’augmentera
        2030 (voir encadré, page 29). Par         mentera plus fortement que celle de      que dans quelques pays, principale-                       25
        ailleurs, le nombre de personnes qui      tout autre combustible fossile. La       ment en Asie. Les plus fortes dimi-
        utilisent du bois, des résidus de cul-    consommation de gaz primaire             nutions de la production nucléaire
        tures et des déchets animaux              doublera d’ici à 2030, et la part du     devraient avoir lieu en Amérique du
        comme combustible domestique              gaz dans la demande d’énergie            Nord et en Europe. Les perspectives
        augmentera. Il faudra absolument          mondiale passera de 23% à 28%.           de l’énergie nucléaire sont particu-
        agir, aux niveaux national et inter-      Les nouvelles centrales absorberont      lièrement incertaines. Certains gou-
        national, pour approvisionner ces         plus de 60% de l’augmentation de         vernements désireux de réduire les
        gens en électricité et leur donner        l’offre de gaz dans les trois pro-       émissions et d’améliorer la sécurité
        accès à d’autres formes modernes          chaines décennies. Ces centrales uti-    de leurs approvisionnements s’inté-
        d’énergie.                                liseront, pour la plupart, des tur-      ressent de nouveau au nucléaire.
           Les combustibles fossiles conti-       bines à double cycle, solution privi-       Sources renouvelables. Les
        nueront de dominer la consom-             légiée pour son rendement élevé de       sources d’énergie renouvelables
        mation mondiale d’énergie.                conversion en énergie et pour son        joueront un rôle croissant dans la
        D’après le scénario de référence, la      faible coût d’investissement. Le gaz     consommation mondiale d’énergie
        consommation mondiale d’énergie           est aussi souvent préféré au charbon     primaire. L’énergie hydraulique a
        augmentera constamment jus-               et au pétrole car il est relativement    longtemps été l’une des principales
        qu’en 2030. La demande mondia-            moins polluant, ayant une plus           sources de production d’électricité.
        le d’énergie primaire devrait             faible teneur en carbone.                Sa part restera stable dans l’énergie
        croître de 1,7% par an entre 2000            La consommation de charbon            primaire mondiale, mais diminuera
        et 2030, pour atteindre un niveau         augmentera également, mais plus          dans la production d’électricité. Les
        annuel de 15,3 milliards de tonnes        lentement que celle de pétrole et de     sources renouvelables non hydrau-
        d’équivalent pétrole. Cette aug-          gaz. La Chine et l’Inde représente-      liques, dans leur ensemble, croîtront
        mentation équivaudra à deux tiers         ront les deux tiers de l’augmenta-       plus rapidement que toute autre
        de la demande actuelle. La crois-         tion de la demande mondiale de           source d’énergie primaire, à un
        sance devrait cependant être plus         charbon pendant la période étudiée.      rythme moyen de 3,3% par an pen-
        lente que celle des trois dernières       Partout, le charbon se concentrera       dant la période étudiée. L’énergie        BULLETIN AIEA, 44/2/2002
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                             éolienne et la biomasse croîtront le     un acheteur stratégique sur les mar-     dans les pays non membres de
                             plus rapidement, en particulier dans     chés mondiaux.                           l’OCDE. Elle stagnera dans les sec-
                             les pays de l’OCDE. Les sources             Les usages liés aux transports de-    teurs résidentiel et tertiaire.
                             non hydrauliques, cependant, ac-         vanceront tous les autres. La de-           Les ressources en énergie fossile
                             tuellement embryonnaires, contri-        mande – presque exclusivement de         sont vastes, mais les techniques et
                             bueront peu, en 2030, à la deman-        pétrole – liée aux transports            les modes d’approvisionnement
                             de mondiale d’énergie. Les pays de       connaîtra la croissance la plus rapi-    changeront. Les ressources énergé-
                             l’OCDE, dont nombre promeuvent           de du secteur de l’utilisation finale    tiques mondiales sont suffisantes
                             avec vigueur des projets faisant         (2,1% par an). Dans les années           pour faire face à la croissance proje-
                             appel aux sources renouvelables, re-     2020, les transports dépasseront         tée de la demande d’énergie. Les ré-
                             présenteront l’essentiel de la crois-    l’industrie comme principal utilisa-     serves de pétrole sont vastes, mais il
                             sance de ces sources.                    teur final. La demande liée aux          va falloir en trouver de nouvelles
                                C’est dans les pays en développe-     transports croîtra partout, mais plus    pour faire face à l’augmentation de
                             ment que la demande augmentera           rapidement dans les pays en déve-        la demande d’ici à 2030. Les réserves
                             le plus rapidement. Entre 2000 et        loppement. Dans les pays de              de gaz naturel et de charbon sont
                             2030, l’augmentation de la deman-        l’OCDE, elle croîtra plus lente-         particulièrement abondantes, et l’on
                             de mondiale d’énergie primaire sera      ment, les marchés se saturant. La        ne manque pas d’uranium pour pro-
                             pour plus de 60% le fait de pays en      consommation dans les secteurs ré-       duire de l’énergie nucléaire. Le po-
                             développement, en particulier            sidentiel et tertiaire croîtra à un      tentiel physique de production
                             d’Asie. La part de ces pays passera      rythme annuel moyen de 1,7%, lé-         d’énergie à partir de sources renou-
                             de 30% à 43%. Celle de l’OCDE            gèrement plus rapidement que dans        velables est également très impor-
                             chutera de 58% à 47%, tandis que         l’industrie, où elle augmentera de       tant. Au cours des trois prochaines
                             celle de l’ancienne Union soviétique     1,5% par an.                             décennies, cependant, l’origine des
                             et de l’Europe centrale et orientale        Au cours de la période couverte       approvisionnements énergétiques
                             (économies en transition) chutera        par l’Outlook, l’électricité se déve-    croissants va se déplacer pour des
                             légèrement, passant à 10%.               loppera plus rapidement que toute        raisons économiques, géologiques et
     26                         La hausse de la demande, dans les     autre source d’énergie (2,4% par         techniques. La quasi-totalité de
                             régions en développement, s’ex-          an). La demande mondiale d’élec-         l’augmentation de la production
                             plique par leur croissance écono-        tricité doublera d’ici à 2030, tandis    d’énergie interviendra dans des pays
                             mique et démographique rapide.           que sa part dans la consommation         non membres de l’OCDE, contre à
                             L’industrialisation et l’urbanisation    totale d’énergie finale passera de       peine 60% de 1971 à 2000.
                             stimuleront aussi la demande. Le         18% en 2000 à 22% en 2030. La               L’augmentation de la production
                             remplacement de la biomasse tradi-       plus forte augmentation surviendra       au Moyen-Orient et dans l’ex-
                             tionnelle par des sources d’énergie      dans les pays en développement.          Union soviétique, qui disposent de
                             commerciales accroîtra la demande        C’est dans le secteur résidentiel que    réserves massives d’hydrocarbures,
                             officielle. L’augmentation des prix à    la consommation d’électricité croît      permettra de faire face en grande
                             la consommation au fil de la sup-        le plus rapidement, en particulier       partie à la croissance de la demande
                             pression progressive des subventions     dans les pays en développement.          mondiale de pétrole et de gaz. La
                             et de l’augmentation des prix inter-     L’énorme écart de consommation           croissance de 60% de la demande
                             nationaux ne devrait pas freiner la      d’électricité par habitant existant      mondiale de pétrole prévue au cours
                             croissance de la demande d’énergie.      entre les pays de l’OCDE et ceux en      des trois prochaines décennies sera
                                La Chine, deuxième consomma-          développement ne changera cepen-         couverte pour l’essentiel par des
                             teur mondial d’énergie, continuera       dant presque pas au cours de la pé-      membres de l’OPEP, notamment
                             de prendre de l’importance sur les       riode étudiée. Les parts du pétrole et   du Moyen-Orient. La production
                             marchés de l’énergie, sa solide crois-   du gaz dans la consommation finale       de régions développées telles que
                             sance économique stimulant la de-        mondiale demeureront aussi large-        l’Amérique du Nord et la mer du
                             mande et les importations.               ment inchangées. En 2030, les pro-       Nord diminuera progressivement.
                             L’économie chinoise continuera de        duits pétroliers représenteront envi-    Davantage de pétrole proviendra de
                             dépendre fortement du charbon,           ron la moitié de la consommation         Russie et du bassin de la Caspienne,
                             mais la part du pétrole, du gaz na-      d’énergie finale. La part du charbon     ce qui aura d’importantes inci-
                             turel et du nucléaire augmentera.        chutera de 9% à 7%. La consom-           dences sur la diversité des sources
                             Les besoins croissants en pétrole et     mation de charbon augmentera             d’approvisionnement des pays im-
  BULLETIN AIEA, 44/2/2002   en gaz importés feront de la Chine       dans l’industrie, mais seulement         portateurs.
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           La capacité mondiale de raffinage        premières devenir commerciale-            vers ceux en développement. La
        du brut devrait augmenter en                ment viables utiliseront le reforma-      part des émissions mondiales impu-
        moyenne de 1,3% par an, attei-              ge du gaz naturel à la vapeur. Les        table aux pays en développement
        gnant 121 mb/j en 2030. La crois-           piles équipant des véhicules ne de-       passera de 34% aujourd’hui à 47%
        sance de capacité sera légèrement           vraient devenir économiquement            en 2030, tandis que celle des pays
        inférieure à celle de la demande de         attrayantes que vers la fin de la pé-     de l’OCDE chutera de 55% à 43%.
        produits raffinés en raison de taux         riode étudiée. De ce fait, elles n’ali-   À elle seule, la Chine sera respon-
        accrus d’utilisation et de l’élimina-       menteront, en 2030, qu’un faible          sable d’un quart de l’augmentation
        tion de l’engorgement de certaines          nombre de véhicules.                      des émissions de CO2, soit 3,6 mil-
        raffineries. La nouvelle capacité de           Le commerce international de           liards de tonnes, ce qui portera le
        raffinage sera construite à plus de         l’énergie, portant presque entière-       volume total de ses émissions à
        80% hors de l’OCDE, principale-             ment sur les combustibles fossiles,       6,7 milliards de tonnes par an en
        ment en Asie. Les raffineries vont          se développera considérablement.          2030. Même alors, cependant, les
        devoir accroître leur production de         Les échanges vont plus que doubler        émissions chinoises resteront bien
        carburants par rapport aux produits         d’ici à 2030. Toutes les régions im-      inférieures à celles des États-Unis.
        pétroliers plus lourds, et améliorer la     portatrices de pétrole – y compris           La forte augmentation prévue des
        qualité des produits.                       les trois régions de l’OCDE – im-         émissions dans le scénario de réfé-
           La production de gaz naturel,            porteront davantage de pétrole,           rence illustre la difficulté qu’auront
        dont les réserves sont plus dispersées      principalement du Moyen-Orient.           la plupart des pays de l’OCDE à
        que celles de pétrole, va augmenter         L’augmentation sera particulière-         respecter les engagements pris en
        partout en dehors de l’Europe. Le           ment frappante en Asie. Les mar-          vertu du Protocole de Kyoto. Les
        coût de production et de transport          chés de gaz naturel à plus forte          émissions des pays de l’OCDE si-
        du gaz va probablement augmenter            croissance vont devenir bien plus         gnataires du Protocole atteindront
        en de nombreux endroits car les ré-         dépendants des importations. En           en 2010, à mi-parcours de la pério-
        serves bon marché proches des               termes absolus, l’Europe va               de 2008-2012 visée par le
        consommateurs sont épuisées et les          connaître la plus forte augmenta-         Protocole, 12,5 milliards de
        chaînes d’approvisionnement s’al-           tion des importations de gaz. Les         tonnes, soit 2,8 milliards de tonnes                      27
        longent.                                    projets de gazoducs transfrontaliers      ou 29% de plus que l’objectif. La
           La plupart des régions recèlent          vont se multiplier et le commerce         Russie, comme l’Europe centrale et
        d’abondantes réserves de charbon.           du gaz naturel liquéfié va se déve-       orientale, se trouve dans une situa-
        Les hausses de production, cepen-           lopper fortement.                         tion très différente, avec des émis-
        dant, vont probablement se concen-             L’accroissement de la demande          sions prévues nettement inférieures
        trer là où les coûts d’extraction, de       va entraîner une augmentation des         à ses engagements. Aux termes du
        transformation et de transport sont         émissions de CO2. Les émissions           Protocole, les baisses d’émissions
        les plus faibles : Afrique du Sud,          mondiales de dioxyde de carbone           constatées en Russie, en Ukraine et
        Australie, Chine, Inde, Indonésie,          liées à la consommation d’énergie         en Europe orientale, appelées « air
        Amérique du Nord et Amérique la-            vont augmenter légèrement plus ra-        chaud », peuvent être vendues à des
        tine.                                       pidement que la demande d’énergie         pays dépassant leur objectif. Cet
           De nouvelles sources d’énergie et        primaire. Elles devraient, dans le        « air chaud », cependant, ne suffira
        techniques de pointe vont voir le           scénario de référence, augmenter de       pas à compenser les dépassements
        jour pendant la période couverte            1,8% par an entre 2000 et 2030, at-       constatés dans d’autres pays. L’écart
        par l’Outlook. Des sources non tra-         teignant alors 38 milliards de            global sera d’environ 15% des émis-
        ditionnelles de pétrole telles que les      tonnes, soit 16 milliards de tonnes       sions prévues en 2010. Si l’on exclut
        sables pétrolifères et les gasto-fluides    ou 70% de plus qu’aujourd’hui.            les États-Unis, qui n’entendent pas
        devraient se développer à mesure            Cette augmentation interviendra           ratifier le Protocole, cet écart tombe
        que leur coût de production dimi-           pour deux tiers dans des pays en dé-      à 2%.
        nue. Les piles à combustible de-            veloppement. Environ trois quarts            Les techniques de piégeage et de
        vraient aussi contribuer modeste-           des nouvelles émissions seront im-        stockage du carbone devraient per-
        ment, après 2020, aux approvision-          putables à la production d’électrici-     mettre, à terme, de brûler des com-
        nements énergétiques mondiaux,              té et aux transports.                     bustibles fossiles sans rejeter de car-
        principalement dans de petites cen-            L’origine géographique des nou-        bone dans l’atmosphère. Il est peu
        trales électriques délocalisées. Les        velles émissions va considérable-         probable, cependant, que ces tech-
        piles à combustible qui devraient les       ment évoluer, des pays industrialisés     niques soient utilisées à grande          BULLETIN AIEA, 44/2/2002
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                             échelle avant 2030. Elles n’en sont      jectifs du Protocole de Kyoto, mais       exclusion devrait cependant chan-
                             qu’au stade de l’étude et sont très      l’« air chaud » pourrait le leur per-     ger car au cours des trois prochaines
                             coûteuses. Si l’on pouvait réduire       mettre collectivement.                    décennies, 95% de l’accroissement
                             leur coût plus rapidement qu’assu-          Le scénario alternatif fait appa-      de la population interviendra dans
                             mé ici, cela aurait une grande inci-     raître une forte réduction de la dé-      des zones urbaines.
                             dence sur les perspectives à long        pendance des importations dans les           Les pauvres des pays en dévelop-
                             terme de l’approvisionnement en          principales régions importatrices         pement recourent fortement à la
                             énergie.                                 d’énergie. En 2030, la demande de         biomasse traditionnelle – bois, ré-
                                Les mesures envisagées par            gaz dans les pays de l’OCDE serait        sidus agricoles et fumier – pour sa-
                             l’OCDE réduiraient la demande            de 260 milliards de mètres cubes,         tisfaire leurs besoins fondamen-
                             d’énergie et les émissions. Dans le      soit 13% de moins que dans le scé-        taux en énergie. D’après les infor-
                             scénario alternatif, la mise en œuvre    nario de référence. La diminution         mations recueillies pour la présen-
                             des mesures déjà envisagées par les      des importations en pourcentage se-       te étude, 2,4 milliards d’habitants
                             pays membres de l’OCDE réduirait         rait encore plus importante. La ré-       de pays en développement utili-
                             les émissions de CO2 de quelque          duction des importations de gaz           sent ces combustibles pour la cui-
                             2 150 Mt en 2030, soit 16% de            dans l’Union européenne serait su-        sine et le chauffage. Nombre
                             moins que les projections du scéna-      périeure au volume total des impor-       d’entre eux souffrent de maladies
                             rio de référence décrites plus haut.     tations actuelles de Russie et de         liées à la mauvaise utilisation de
                             Cela équivaudrait en gros au volu-       Norvège. La réduction de la deman-        cette biomasse. Plus de la moitié
                             me total des émissions actuelles de      de de pétrole atteindrait 10%, soit       des personnes qui utilisent abon-
                             l’Allemagne, du Royaume-Uni, de          4,6 mb/j.                                 damment la biomasse vivent en
                             la France et de l’Italie.                   Fournir de l’énergie moderne           Inde et en Chine, mais la propor-
                                Les économies d’énergie décou-        aux pauvres de la planète : une           tion la plus importante vit en
                             lant des nouvelles politiques et me-     tâche titanesque. D’après les don-        Afrique subsaharienne.
                             sures et du déploiement accéléré de      nées compilées pour la présente              La proportion de la population
                             techniques plus efficaces représente-    étude, quelque 1,6 milliard de per-       mondiale utilisant la biomasse
     28                      raient 9% de la demande prévue           sonnes n’ont pas accès à l’électrici-     pour la cuisine et le chauffage de-
                             dans le scénario de référence en         té. Plus de 80% d’entre elles vivent      vrait diminuer dans les régions les
                             2030. Les réductions de CO2 se-          en Asie du Sud et en Afrique sub-         plus développées, mais le nombre
                             raient encore plus importantes en        saharienne. La majorité d’entre           total d’individus augmentera,
                             raison du passage à des combus-          elles vivent avec moins de 2 dollars      principalement en Asie du Sud et
                             tibles à plus faible intensité de car-   par jour, mais le revenu n’est pas le     en Afrique subsaharienne. En
                             bone. En raison du faible rythme de      seul déterminant de l’accès à l’élec-     2030, plus de 2,6 milliards d’habi-
                             remplacement du capital énergé-          tricité. La Chine, qui compte 56%         tants de pays en développement
                             tique, les réductions de CO2 dans        de « pauvres » selon la définition        continueront d’utiliser la biomasse
                             les premières années seraient relati-    internationale, approvisionne en          pour la cuisine et le chauffage, ce
                             vement faibles – de seulement 3%         électricité la vaste majorité de sa       qui représente une augmentation
                             vers 2010 et 9% vers 2020.               population.                               de plus de 240 millions, ou 9%.
                                La réduction la plus importante          En l’absence d’importantes nou-        Dans les pays en développement, à
                             des émissions de CO2 dans le scé-        velles mesures, 1,4 milliard de per-      la fin de la période couverte par
                             nario alternatif viendrait de la pro-    sonnes, soit 18% de la population         l’Outlook, la biomasse représentera
                             duction d’électricité, en raison de la   mondiale, manquera toujours               toujours plus de la moitié de la
                             croissance rapide des sources renou-     d’électricité en 2030 malgré la géné-     consommation d’énergie résiden-
                             velables et de la réduction de la de-    ralisation de la prospérité et de tech-   tielle.
                             mande d’électricité. Les pays de         niques avancées. En 2030, le                 L’absence d’électricité aggrave la
                             l’OCDE placent actuellement, dans        nombre d’exclus de l’électricité sera     pauvreté et favorise sa perpétuation,
                             leurs plans à long terme, l’accent sur   de 200 millions inférieur à ce qu’il      car elle interdit la plupart des activi-
                             les sources renouvelables et sur         est aujourd’hui, même si l’on sup-        tés industrielles et les emplois
                             l’électricité pour réduire les émis-     pose que la population mondiale           qu’elles créent. L’expérience de la
                             sions de CO2 et améliorer la sécuri-     passera de 6,1 milliards en 2000 à        Chine et d’autres pays montre com-
                             té de leurs approvisionnements. Les      8,3 milliards. Quatre personnes sur       ment les gouvernements peuvent
                             trois régions de l’OCDE n’attein-        cinq sans électricité vivent dans des     aider à développer l’accès aux
  BULLETIN AIEA, 44/2/2002   dront pas, individuellement, les ob-     zones rurales. La forme de cette          sources modernes d’énergie.
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                         ÉNERGIE ET PAUVRETÉ : DES LIENS TROUBLANTS
         • Quelque 1,6 milliard de personnes – un quart de la population mondiale – n’ont pas accès à l’électricité. Au
         cours des trois prochaines décennies, il faudra investir dans les pays en développement, pour accroître leur
         capacité de production d’électricité, 2,1 billions de dollars. Même si ces investissements ont lieu, en l’absence de
         mesures vigoureuses, 1,4 milliard de personnes manqueront toujours d’électricité en 2030.
         • Quatre personnes sur cinq manquant d’électricité vivent dans des zones rurales dans des pays en développement,
         principalement en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne. La forme de cette exclusion devrait cependant
         changer car au cours des trois prochaines décennies, 95% de l’accroissement de la population interviendra dans
         des zones urbaines.
         • Quelque 2,4 milliards de personnes utilisent la biomasse traditionnelle – bois, résidus agricoles et fumier – pour
         la cuisine et le chauffage. Ce nombre devrait passer à 2,6 milliards d’ici à 2030. Dans les pays en développement,
         vers 2030, la biomasse représentera toujours plus de la moitié de la consommation d’énergie résidentielle.
         • Le manque d’électricité et l’utilisation importante de la biomasse sont la marque de la pauvreté dans les pays en
         développement. L’absence d’électricité aggrave la pauvreté et favorise sa perpétuation, car elle interdit la plupart
         des activités industrielles et les emplois qu’elles créent.
         • En Afrique subsaharienne rurale, de nombreuses femmes portent 20 kg de bois de chauffe en moyenne sur
         cinq km chaque jour. Cet effort brûle une part importante des calories provenant de leur repas quotidien, qui est
         préparé sur un feu alimenté par le bois récolté.
         • Les pauvres des pays en développement sont constamment exposés, à l’intérieur des locaux, à des particules et
         à des concentrations de monoxyde de carbone plusieurs fois supérieures aux normes de l’OMS. Les poêles
         traditionnels brûlant du fumier et du charbon de bois émettent d’importantes quantités de monoxyde de carbo-
         ne et d’autres gaz nocifs. Les femmes et les enfants souffrent le plus, car ils sont exposés plus longuement. Près de
         6% des habitants de la planète souffrent de troubles respiratoires aigus. Selon l’OMS, 2,5 millions de femmes et
         de jeunes enfants de pays en développement meurent prématurément chaque année parce qu’ils respirent la fumée
         de poêles brûlant de la biomasse.
                                                  Taux d’électrification par région, 2000
                                                                                                                                                               29

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                                                                                                Moyenne pays en développement
                           %

                                            Moyen-     Afrique du   Asie de l’Est/   Amérique        Asie du        Afrique
                                            Orient        Nord         Chine          latine          Sud        subsaharienne

                          Source : analyse AIE.

        L’électrification et l’accès à des ser-       développement. Comme dans ces                    l’énergie solaire, l’énergie éolienne
        vices modernes ne garantissent                pays, cependant, la biomasse conti-              et la biomasse pourront offrir des
        cependant pas, en soi, la réduction           nuera, dans un avenir prévisible, de             solutions rationnelles pour certaines
        de la pauvreté.                               dominer la demande d’énergie, il est             applications hors réseau, mais on
           Diverses sources d’énergie à ap-           essentiel de mettre au point des                 préférera probablement, pour le dé-
        plications thermiques et méca-                techniques plus efficaces utilisant la           veloppement de capacités fonction-
        niques sont nécessaires pour intro-           biomasse si l’on veut réduire la pau-            nant sur réseau, les combustibles
        duire des activités productives créa-         vreté dans les zones rurales. Des                traditionnels et les techniques clas-
        trices de revenus dans les pays en            sources renouvelables telles que                 siques.                         R       BULLETIN AIEA, 44/2/2002
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