Nodules thyroïdiens et goitres: le traitement chirurgical - Swiss ...
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CABINET Schweiz Med Forum 2004;4:1090–1096 1090 Nodules thyroïdiens et goitres: le traitement chirurgical Schilddrüsenknoten und Struma: die chirurgische Behandlung Christophe Petite, Christoph A. Meier Quintessence Quintessenz En cas de nodule thyroïdien, isolé ou dans un contexte Ein chirurgischer Eingriff ist beim Vorliegen eines de goitre multinodulaire, la chirurgie est indiquée si celui- Schilddrüsenknotens – einer isolierten oder multinodulä- ci est suspect de malignité à l’examen cytologique, si sa ren Struma – dann indiziert ist, wenn einerseits zytolo- taille est supérieure à 4 cm ou s’il provoque des symp- gisch der Verdacht auf Malignität besteht, andererseits tômes. wenn der Knoten über 4 cm misst oder symptomatisch ist. L’analyse cytologique d’un nodule, après avoir écarté Die zytologische Diagnostik eines Knotens stellt die une dysthyroïdie par le dosage de la TSH, est le meilleur beste Untersuchung zwecks Indikation für einen chirurgi- examen qui permet de sélectionner les nodules à opérer. schen Eingriff dar. Vorher muss eine Schilddrüsendysfunk- tion mit einer TSH-Bestimmung ausgeschlossen werden. La thyroïdectomie totale (avec curage ganglionnaire du compartiment central) est l’opération de choix pour Die totale Thyreoidektomie (mit regionaler Lymph- tout cancer thyroïdien supra-centimétrique. Cependant, adenektomie) ist der Eingriff der Wahl bei einem Schild- un évidement ganglionnaire cervical latéral n’est indiqué drüsenmalignom ab einer kritischen Grösse. Eine Neck- qu’en cas d’adénopathie patente de cette région. Dissection ist dann indiziert, wenn Lymphknotenmeta- stasen gefunden werden. En cas d’hyperthyroïdie, la chirurgie est une option dans certaines situations (préférence du patient, volume Beim Vorliegen einer Hyperthyreose kann die Chirur- du goitre, nodules). gie die Therapie der Wahl darstellen (Wunsch des Patien- ten, Grösse der Schilddrüse oder der Knoten). Pour une hyperthyroïdie sévère nécessitant une thyroï- dectomie urgente, ce qui est exceptionnel, l’iode et l’acide Bei einer schweren Hyperthyreose, die eine notfall- iopanoïque, en association avec les antithyroïdiens clas- mässige Thyreoidektomie notwendig macht, was zwar sel- siques, permettent d’abaisser rapidement la T3 et donc ten der Fall ist, kann mit Jod, jodhaltigem Kontrastmittel d’effectuer l’opération dans de meilleures conditions. wie Iopansäure sowie mit klassischen Thyreostatika eine rasche Senkung des T3 erreicht und danach die Operation unter guten Voraussetzungen durchgeführt werden. Vous trouverez les questions à choix multiple CME zu diesem Artikel finden Sie concernant cet article à la page 1104 auf S. 1103 oder im Internet unter ou sur internet sous www.smf-cme.ch www.smf-cme.ch
CABINET Schweiz Med Forum 2004;4:1090–1096 1091 Introduction sélectionnées ont au moins un nodule de plus de 2 mm à l’échographie thyroïdienne et 30 à 60% Au XIXe siècle, la chirurgie de la thyroïde était des thyroïdes contiennent un ou plusieurs nodu- reconnue pour sa difficulté avec un taux de mor- les dans des séries d’autopsie [2]. Ces nodules talité approchant 40%, ce qui a fait dire à Samuel sont bénins dans plus de 90% des cas. Quand il Gross en 1848 [1]: «no honest and sensible sur- s’agit d’une lésion maligne, ce sera dans plus de geon would ever engage in it». Dès 1870, notam- 80% des cas un cancer papillaire (tableau 1 p). ment grâce aux travaux de Theodore Kocher de l’Université de Berne, le pronostic s’est nette- Tableau 1. Histologie des nodules thyroïdiens ment amélioré, profitant des innovations tou- et leur prévalence. chant l’anesthésie, la prophylaxie anti-infec- Lésions bénignes (90–95%) tieuse et l’hémostase [1]. De nos jours, la chirur- Nodule colloïde (majorité) gie reste une option importante dans le traite- Adénome ment de certaines affections thyroïdiennes, en Kyste particulier en cas de cancer thyroïdien, mais Hashimoto, De Quervain, infection aussi de volumineux nodule, de goitre multino- Lésions malignes (5–10%) dulaire et d’hyperthyroïdie. S’il existe des indi- Cancer (papillaire, folliculaire, médullaire, cations strictes à la chirurgie, comme pour un anaplasique) nodule thyroïdien suspect de néoplasie, dans Lymphome (rare) d’autres situations, comme par exemple pour Métastase (rare) la maladie de Basedow, la chirurgie restera une alternative qui dépendra des symptômes du pa- tient et de ses préférences. Quels nodules investiguer? Il est raisonnable d’investiguer tout nodule thy- roïdien d’une taille de plus de 1 cm (ou 1,5 cm Nodule thyroïdien en cas de goitre multinodulaire). Cette valeur est arbitraire car les nodules plus petits peuvent tout Les nodules thyroïdiens ont une forte prévalence aussi fréquemment abriter un cancer. Toutefois, [2 et références citées dans cet article]. Selon dif- les cancers papillaires de moins de 1 cm (micro- férentes séries, on estime qu’environ 5 à 20% carcinomes), très fréquents puisqu’on en re- de la population ont un nodule palpable, en gé- trouve dans au moins 10 à 20% des autopsies, néral de plus de 1 cm. Les nodules découverts n’entraînent que rarement des néoplasies d’im- fortuitement lors d’un examen radiologique ou portance clinique durant la vie (
CABINET Schweiz Med Forum 2004;4:1090–1096 1092 malin et sera traité préférentiellement par sus de la norme, il faudra suspecter une thy- le radio-iode, la chirurgie restant cependant roïdite auto-immune ou subaiguë à l’origine une option possible notamment pour les de la formation du nodule et recontrôler ce nodules volumineux entraînant une gêne dernier après normalisation de la TSH par cervicale. Si la TSH est dans la norme témoi- substitution en lévothyroxine ou par correc- gnant d’une euthyroïdie, il s’agira très pro- tion spontanée. bablement d’un nodule non fonctionnel 2. En cas d’abaissement de la TSH et seulement («froid»), ce qui rend la scintigraphie inutile dans cette situation, la deuxième étape (figure 2 x). En présence d’une TSH au-des- consiste à effectuer une scintigraphie thyroï- dienne pour écarter un nodule «chaud», bénin dans la très grande majorité. Dans cette situation, nous préférons l’utilisation de I123 car le technétium (Tc99m) peut être anormale- ment capté par 3 à 8% des nodules cancéreux et donc faire croire à tort qu’il s’agit de nodu- les autonomes bénins. 3. La troisième étape ne concerne que les nodu- les euthyroïdiens. Elle repose sur l’analyse Nodule froid cytologique de la ponction à l’aiguille fine du nodule. C’est le seul examen qui permet avec une bonne fiabilité de classer les nodules selon leur caractère bénin, suspect ou malin [5]. Toutefois, la fiabilité de cet examen dé- pend de l’expérience du pathologue. L’ana- lyse des cellules du nodule peut donner des lésions d’aspect macrofolliculaire (bénin), Nodule chaud microfolliculaire (suspect de néoplasie) ou permet d’emblée de poser le diagnostic de cancer papillaire (figure 3 x). Dans 10% des cytologies cependant, le prélèvement n’est pas suffisant car il ne contient pas assez de cellules folliculaires; ceci est dépendant de Figure 2. la nature du nodule (fibrose, quantité de col- Images scintigraphiques d’un nodule froid (en haut) et chaud (en bas). loïde) mais aussi de l’expérience de la per- sonne qui pratique la cytoponction. L’examen Nodule froid: défaut de captation du radiotraceur cytologique du nodule a une bonne sensibilité Nodule chaud: en cas de TSH supprimée (95%) ce qui signifie que peu de cancer se- l’adénome toxique et absence de captation par le reste du parenchyme thyroïdien ront manqués (95%) avec moins de 5% de diagnostic erroné de cancer (faux-positifs). Dans 10 à 20% des analyses cytologiques, le pathologue décrit des lésions dites microfolliculaires qui ne permettent pas de distinguer un adénome folliculaire bénin (90–95%) d’un carcinome folliculaire malin (5–10%). En effet, seule une analyse histopathologique du nodule permet de mettre en évidence des signes d’invasion vasculaire ou capsulaire qui sont les deux cri- tères du carcinome folliculaire [6]. A B C Quels nodules opérer? Figure 3. Classification cytopathologique des nodules thyroïdiens En cas de cytologie évocatrice de carcinome (biopsies par aspiration à l’aiguille fine). papillaire (3 à 5% des cas) ou en cas de cytologie A Macrofolliculaire. Lésion bénigne. suspecte de carcinome folliculaire (lésion micro- B Microfolliculaire. Lésion suspecte de néoplasie folliculaire, à opérer si le nodule est froid. folliculaire), l’ablation du nodule est indiquée, en C Cancer papillaire. Lésion maligne à opérer. général dans le cadre d’une lobectomie thyroï- dienne qui permettra un examen histologique A Grands follicules étalés par la cytoponction, cellules régulières extemporané du nodule. Il faut être conscient B Petits amas de cellules, formant de petits follicules qu’en cas de lésion microfolliculaire suspecte, C Cellules irrégulières, à grands noyaux superposés, sillons intranucléaires l’opération révélera, dans 90 à 95% des cas, la
CABINET Schweiz Med Forum 2004;4:1090–1096 1093 présence d’un nodule bénin, mais malheureuse- 1 cm ou de localisation multifocale, la thyroïdec- ment il n’existe aucun autre moyen pour identi- tomie totale (ou quasi totale avec moins de 1 g fier les 5 à 10% de carcinomes folliculaires se de tissu thyroïdien résiduel) est recommandée, cachant derrière une telle cytologie. vu le risque augmenté de récidive sur le lobe Nous proposons généralement aussi l’ablation contro-latéral. Dans ce cas, un curage ganglion- de tout nodule euthyroïdien ou kyste récidivant naire cervical du compartiment central (groupe de plus de 4 cm, l’analyse cytologique n’étant VI) est indiqué car 2⁄3 de ces carcinomes ont des plus aussi sensible dans une telle situation vu la adénopathies à cet endroit lors du diagnostic. Un taille du nodule ou du kyste (problème d’échan- évidement cervical radical modifié ne se fera tillonnage). On optera également pour la chirur- qu’en cas d’adénopathie patente dans le compar- gie en cas de symptômes compressifs, de gêne timent latéral [7]. De nombreux travaux n’ont esthétique et parfois chez les personnes désireu- pas montré de bénéfice supplémentaire de sur- ses de se libérer de l’anxiété provoquée par de vie en cas d’approche agressive avec évidement gros nodules bénins. ganglionnaire radical systématique. Si une tota- En cas de lésion macrofolliculaire ou rassurante, lisation de la thyroïdectomie était nécessaire on ne retient en général pas d’indication opéra- après découverte d’un cancer, celle-ci se fera soit toire et on propose, par prudence, un contrôle immédiatement lorsque le diagnostic est posé en clinique (ou échographique si le nodule n’est pas extemporané, soit idéalement dans les 7 jours si palpable) à 6–12 mois puis une fois tous les 1 à le diagnostic est posé après la fin de l’opération, 2 ans, en raison des 5% de faux-négatifs à la car par la suite la fibrose et la néovascularisation cytoponction et aussi parce qu’un nodule bénin en augmentent les complications. Pour les micro- peut néanmoins grandir et causer des symptô- carcinomes papillaires de moins de 1 cm, unifo- mes. En cas d’augmentation importante de taille caux, excisés en tissu sain, sans évidence d’adé- du nodule, on fera une nouvelle cytoponction ou nopathie métastatique, une totalisation de la thy- on optera d’emblée pour la chirurgie. roïdectomie n’est en principe pas conseillée. Concernant le carcinome folliculaire, la thyroï- Utilité de l’échographie? dectomie totale est indiquée dans tous les cas. L’ultrason thyroïdien ne permet pas de distin- Après thyroïdectomie totale pour un carcinome guer une lésion bénigne d’une lésion maligne. Il papillaire ou folliculaire, l’utilité d’une curiethé- est par contre utile pour définir l’origine d’une rapie par I131 sera chaque fois discutée selon masse cervicale et pour mesurer avec précision l’estimation du risque individuel dépendant de l’évolution d’un nodule thyroïdien. Il ne devrait l’âge du patient, du stade de la tumeur (TNM), cependant pas remplacer la palpation soigneuse de son type histologique et selon des facteurs in- de la glande thyroïde, même si celle-ci est sou- dividuels. vent imprécise. Il est rare cependant que l’aug- mentation cliniquement significative du volume d’un nodule thyroïdien échappe à la palpation Goitre multinodulaire d’un clinicien expérimenté. L’ultrason ne devrait également pas être utilisé de routine pour toute Le goitre multinodulaire était particulièrement suspicion de maladie thyroïdienne, au risque de fréquent dans les contrées carencées en iode et découvrir de nombreux nodules infracentimé- il reste la cause principale d’hyperthyroïdie dans triques insignifiants qui engendreront souvent notre pays. Avec l’enrichissement en iode du sel une surveillance clinique et échographique à de cuisine, la prévalence de cette affection que long terme. l’on rencontre surtout chez les personnes âgées a diminué. Cependant, il existe de nombreuses Utilité du dosage de la thyroglobuline? autres causes de goitre que la carence en iode tel- Nous ne recommandons pas le dosage systéma- les que la maladie de Hashimoto et de Basedow, tique de la thyroglobuline en présence d’un no- un traitement au lithium ou encore une prédispo- dule thyroïdien. Le taux de thyroglobuline n’est sition génétique. pas discriminatif et ne permet pas de faire la Bien que la plupart de ces goitres soit asympto- distinction entre un cancer thyroïdien différen- matique, le goitre multinodulaire volumineux cié non métastatique et un goitre multinodulaire peut parfois entraîner, outre l’hyperthyroïdie qui bénin. sera évoquée au chapitre suivant, des symptô- mes compressifs et l’un de ses nodules peut Quel type d’opération proposer? être le siège d’un foyer cancéreux. En cas de En cas de nodule isolé, le chirurgien procédera symptômes compressifs (dyspnée avec stridor, à une lobectomie et isthmectomie car une nou- toux, dysphagie, raucité de la voix), une image- velle intervention sur un même lobe est rendue rie sans produit de contraste iodé permettra plus difficile par la fibrose. d’évaluer l’extension du goitre notamment La question de la résection idéale, en cas de can- dans sa partie rétrosternale et une spirométrie cer thyroïdien, est maintenant largement réso- avec courbe débit–volume déterminera la sévé- lue. En cas de carcinome papillaire de plus de rité de l’obstruction trachéale. Rarement, en cas
CABINET Schweiz Med Forum 2004;4:1090–1096 1094 Tableau 2. Indications opératoires d’un nodule Hyperthyroïdie thyroïdien ou d’un goitre. Symptômes (compression trachée, œsophage, Le choix d’un traitement en cas d’hyperthyroïdie inconfort cervical) dépend de l’étiologie de cette dernière, de la pré- Taille en augmentation férence du patient mais aussi de facteurs cultu- Kyste récurrent malgré aspirations rels [10]. Classiquement, le goitre multinodulaire Gêne esthétique et le nodule toxique sont traités de préférence par Hyperthyroïdie (choix du patient) le radio-iode tandis qu’en cas de maladie de Nodule malin ou suspect de néoplasie à la Basedow, les antithyroïdiens de synthèse consti- cytoponction Nodule froid non accessible à la cytoponction tuent une alternative à l’iode radioactif. Toute- (goitre plongeant) fois, la chirurgie reste une option pour traiter ces trois types d’hyperthyroïdie, même en première intention si la thyroïde est volumineuse et gê- d’hémorragie dans un goitre volumineux, une nante ou si le patient le désire. Les facteurs obstruction aiguë des voies aériennes peut se culturels qui influencent le type de traitement produire. Si l’on est persuadé que les symptômes d’une hyperthyroïdie sont illustrés par le fait proviennent du goitre, la thyroïdectomie est jus- qu’en cas par exemple de maladie de Basedow, tifiée. Cette approche peut également être choi- le radio-iode sera utilisé en première intention sie quand une correction rapide et définitive aux Etats-Unis mais ne sera proposé que dans d’une hyperthyroïdie sur autonomie est souhai- un tiers des cas en Europe et ne sera que très peu table. Chez les personnes jeunes avec un goitre utilisé au Japon. volumineux contenant de multiples nodules, la chirurgie représente souvent l’option de choix Adénome toxique pour surseoir à une surveillance clinique pen- Pour l’adénome toxique, le radio-iode reste clai- dant des dizaines d’années et s’assurer avec cer- rement le traitement de choix. Si sa taille est titude de l’absence de nodules malins. De même, volumineuse, la chirurgie est envisageable dans en cas de goitre nodulaire plongeant dans la ca- certaines situations car la disparition de l’hyper- vité thoracique, la chirurgie peut être proposée thyroïdie nécessiterait une haute dose de radio- pour écarter un foyer tumoral non analysable iode à administrer lors d’un séjour prolongé en par cytoponction vu sa localisation rétrosternale. isolement hospitalier. De plus, l’effet du radio- Le risque de cancer dans un nodule de goitre iode sur la taille du nodule est parfois décevant. multinodulaire est identique à celui du nodule En général, les adénomes toxiques sont faciles à isolé de la thyroïde soit 5 à 10% et sa prise en exciser et le risque de complication opératoire, charge est similaire. Une approche raisonnable d’hypothyroïdie consécutive et de récidive d’hy- consiste à effectuer une ponction à l’aiguille fine perthyroïdie est faible. En cas de grossesse avec avec analyse cytologique du ou des deux nodules hyperthyroïdie sévère ne répondant pas à des dominants. Il est illusoire de vouloir analyser doses acceptables de propylthiouracil (
CABINET Schweiz Med Forum 2004;4:1090–1096 1095 pour l’administration de radio-iode à des doses ministration d’une substance iodée (produit de supérieures à 5 mCi d’I131 (par exemple psycho- contraste, amiodarone). Sa prise en charge est la pathologie). De même, en cas de goitre volumi- même que celle de l’hyperthyroïdie et repose sur neux entraînant une gêne esthétique ou des de hautes doses d’antithyroïdiens de synthèse symptômes compressifs, la chirurgie est le trai- (préférentiellement du propylthiouracil), des tement de choix. Une thyroïdectomie subtotale bêtabloquants et parfois des glucocorticoïdes et/ou avec un résidu thyroïdien inférieur à 4 g entraîne du perchlorate de potassium, lequel diminue le une hypothyroïdie, ce qui est l’objectif et permet captage d’iode par les cellules folliculaires en cas de diminuer le risque de récidive de l’hyperthy- de contamination iodée. Dans des situations roïdie. Toutefois, vu la nature bénigne de cette exceptionnelles, on peut opter pour une thyroï- pathologie, aucun risque opératoire inconsidéré dectomie en urgence. Dans ce cas, l’acide iopa- ne devra être pris pouvant favoriser une atteinte noïque (Cistobil™), un produit de contraste iodé des nerfs récurrents ou des parathyroïdes et il utilisé dans le passé par voie orale pour les sera alors plus prudent dans certaines situations cholécystographies, permet une inhibition rapide difficiles de laisser un résidu thyroïdien plus im- et puissante de la conversion de T4 en T3, cette portant. dernière étant l’hormone biologiquement active [13]. Ce produit, prescrit à la dose de 500 mg Goitre multinodulaire toxique deux fois par jour, permet d’obtenir rapidement En cas de goitre multinodulaire toxique, le radio- une normalisation de la T3 et donc d’effectuer iode est le traitement de choix de l’hyperthyroï- l’opération dans de meilleures conditions. L’iode die et la chirurgie sera normalement réservée inorganique, administré par exemple sous forme aux situations discutées ci-dessus (symptômes de solution de Lugol à 5%, bloque rapidement compressifs, nodules suspects de néoplasie …) mais transitoirement la sécrétion de T4 et de T3 en tenant compte des préférences du patient. par la thyroïde et peut aussi être utile en cas de crise thyréotoxique, surtout en cas de maladie de Basedow où la thyroïde est particulièrement sen- Complications de la chirurgie sible à l’effet inhibiteur de l’iode. La solution de thyroïdienne Lugol contient un mélange d’iode, d’iodure de potassium et d’eau, et l’on administre cette solu- Le taux de complication dépend de l’extension de tion à la dose de 10 gouttes 1 à 3 fois par jour, en la résection ainsi que de l’expérience du chirur- général 1 à 2 h après la prise d’antithyroïdien de gien. Outre le risque très rare d’hématome post- synthèse pour éviter que l’iode ne soit utilisé opératoire habituellement dans les premières pour la synthèse de nouvelles hormones thyroï- 24 h ou d’infection, il faut évoquer le risque diennes. Cet effet inhibiteur de l’iode est cepen- d’atteinte du nerf laryngé récurrent et d’hypopa- dant transitoire, comme avec l’acide iopanoïque, rathyroïdisme permanent [12]. Ces complica- et on observe généralement un échappement tions surviennent dans moins de 5% des thyroï- après un délai de 10 à 15 jours. Il est donc es- dectomies dans un centre expérimenté. L’at- sentiel qu’une thyroïdectomie soit effectuée teinte unilatérale du nerf laryngé récurrent en- avant ce délai afin d’éviter une flambée de l’hy- traînera une voix bitonale par paralysie de la perthyroïdie par la suite, alimentée par l’apport corde vocale. Une atteinte du nerf laryngé supé- en iode. On utilise donc l’iode inorganique pen- rieur entraînera une perte de puissance ainsi dant 7 à 10 jours en préparation de la chirurgie qu’une altération du timbre de la voix. L’hypopa- thyroïdienne, d’autant plus que certains travaux rathyroïdisme permanent survient dans environ démontrent que le Lugol diminue la vascularisa- 1 à 3 % des thyroïdectomies totales et nécessite tion de la thyroïde, ce qui rend l’opération plus la prise quotidienne de calcium et de vitamine D. facile. Préparation à la chirurgie Remerciements en cas d’hyperthyroïdie Nous remercions le Dr Michel Goumaz, endocri- nologue à Genève, pour la relecture du manus- La crise thyréotoxique reflète une hyperthyroïdie crit et pour ses suggestions constructives. Nous sévère pouvant associer une tachycardie, une in- remercions également le Dr Alain Keller du Ser- suffisance cardiaque, un état fébrile, des symp- vice de Radiologie et les Drs Jean-Claude Pache tômes gastro-intestinaux (vomissements et et Massimo Bongiovanni du Service de Patholo- diarrhées) ou neuropsychiatriques (agitation, gie clinique de l’Hôpital Cantonal de Genève pour psychose, coma). Elle fait souvent suite à un évé- les illustrations. nement aigu tel qu’un stress médical ou à l’ad-
CABINET Schweiz Med Forum 2004;4:1090–1096 1096 Références 8 Derwahl M, Studer H. Multinodular goitre: “much more to 1 DuBose J, Barnett R, Ragsdale T. Honest and sensible sur- it than simply iodine deficiency”. Baillière’s Clinical En- geons: the history of thyroid surgery. Current Surgery docrinology and Metabolism 2000;14 (4):577–600. 2004;61(2):213–9. 9 Parle JV, Maisonneuve P, Sheppard MC, Boyle P, Franklyn 2 Meier CA. Thyroid nodules: pathogenesis, diagnosis and JA. Prediction of all-cause and cardiovascular mortality treatment. Baillière’s Clinical Endocrinology and Metabo- in elderly people from one low serum thyrotropin result: a lism 2000;14 (4):559–75. 10-year cohort study. Lancet 2001;358:861–5. 3 Mazzaferri EL, Jhiang SM. Long-term impact of initial 10 Meier CA. Hyperthyreose: Vor- und Nachteile der medika- surgical and medical therapy on papillary and follicular mentösen, chirurgischen und Radiojodbehandlung. Thera- thyroid cancer. Am J Med 1994;97:418–28. peutische Umschau1999; 56(7):364–8. Correspondance: 4 Schneider AB. Radiation-induced thyroid tumors. Endo- 11 Ron E, Doody MM, Becker DV, Brill B, Curtis RE, Goldman Dr Christophe Petite crinol Metab Clin North Am 1990;19:495–508. MB, et al. Cancer mortality following treatment for adult Unité d’Endocrinologie 5 Levy EG, Greenlee C, Mandel S, Kaplan M. Should you al- hyperthyroidism. JAMA 1998;280:347–55. ways trust FNA interpretations? Thyroid 2000;10:279–80. 12 Adamina M, Oertli D. Prise en charge chirurgicale du Service d’Endocrinologie, 6 Gharib H. Changing concepts in the diagnosis and manage- nodule thyroïdien. Med Hyg 2003;61:1082–7. Diabétologie et Nutrition ment of thyroid nodules. Endocrinol Metab Clin North Am 13 Chopra IJ, Baber K. Use of oral cholecystographic agents Hôpital Cantonal Universitaire 1997;267:777–800. in the treatment of amiodarone-induced hyperthyroidism. CH-1211 Genève 14 7 Schlumberger MJ. Papillary and follicular thyroid carci- J Clin Endoc Metab 2001;86:4707–10. christoph.meier@hcuge.ch noma. N Eng J Med 1998;338:297–306.
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