Nous et les autres - Nous et les autres : le nationalisme
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Nous et les autres Nous et les autres : le nationalisme Almanach social 2018 L’annuaire de Caritas sur la situation sociale en Suisse Éditions Caritas, Lucerne, décembre 2017 / 240 pages / 36 francs Commande : info@caritas.ch ou en ligne sur www.caritas.ch/shop Également disponible en version numérique.
Fiche d’information sur l’Almanach social 2018 Développement social et économique en Suisse 2016/2017 Qu’est-ce que l’almanach social ? L’almanach social est l’annuaire de politique sociale de Caritas. La première partie de l’almanach social est consacrée aux développements sociopoli- tiques de l’année précédente. Elle évalue les évolutions économiques sous l’angle de la politique de lutte contre la pauvreté. La seconde partie développe un thème spécifique. Des auteurs internes et externes se confrontent à un sujet d’actualité de la politique sociale et en débattent sous différents angles. En 2018, l’almanach social se concentre sur le nationalisme. L’almanach social paraît depuis 1999. Cette publication a été la première à procéder à une analyse et à une interprétation systématique de l’évolution de la politique sociale. Aujourd’hui encore, elle pointe régulièrement du doigt les lacunes de la politique de lutte contre la pauvreté. L’almanach social sert de base à l’action politique. Il veut susciter une discussion entre les spécialistes, les politicien-ne-s et le public. Toujours plus de personnes aussi au marché de l’emploi qui s’est considérablement exclues du marché de l’emploi transformé ces dernières années. L’économie suisse s’est remise du choc du franc fort. Elle prospère à nouveau. Mais cet essor ne profite pas à tout le monde. Entre 2011 et 2016, le taux de chômage est passé Un marché de l’emploi de plus de 4,4 à 4,9 %. L’emploi a reculé l’an dernier, en particulier en plus polarisé dans le secteur artisanal/industriel. Plus d’une personne sur six reste sans travail pendant plus d’une année après la perte La proportion de postes moyennement qualifiés a baissé de d’un emploi. Le taux de chômeurs ayant épuisé leur droit aux 10 % ces 20 dernières années. Les experts sont d’avis qu’elle indemnités a lui aussi atteint un nouveau point culminant. Au va continuer à diminuer. Cette évolution entraîne une polari- cours de 15 dernières années, leur nombre a continuellement sation du marché de l’emploi : les postes proposés sont peu augmenté, passant de 13 000 en 2001 à plus de 40 000 en ou très exigeants. Cette dichotomie apparaît clairement dans 2016. Une fois en fin de droit, ces personnes ont de la peine la statistique : de nos jours, il n’y a plus que 15 % de travail- à se réinsérer. Un cinquième seulement y parvient durable- leurs sans formation post-obligatoire, contre 40 % dans les ment. Par la suite, un tiers n’exerce plus qu’une activité mi- années 1970. Suivant le secteur économique, les évolutions nimale ou restent sans activité. Elles dépendent en majorité sont particulièrement nettes. Ainsi, le secteur artisanal/indus- des prestations sociales. Le risque de se trouver durablement triel offre de moins en moins de places de travail bien rétri- exclu du marché de l’emploi s’est accentué ces dernières buées pour les personnes peu qualifiées. En revanche, il y a années. Il n’est pas le même pour tous. Les femmes, les plus encore du travail pour ce groupe de population dans le sec- de 45 ans et les personnes qui n’ont terminé aucune forma- teur des prestations. Mais un travail souvent précaire et mal tion professionnelle sont particulièrement touchés. Cela tient rétribué. C’est l’une des raisons pour lesquelles beaucoup
de gens sont pauvres aujourd’hui malgré un travail à plein Thème majeur : « Nous et les temps : d’après les derniers chiffres de 2015, 145 000 hommes autres : le nationalisme » et femmes comptent parmi les working poor. Pas moins de 49 000 enfants, soit deux tiers des enfants en situation de L’écart se creuse en Suisse entre les riches et les pauvres. pauvreté, vivent dans ce genre de ménages. La situation de catégories sociales défavorisées s’en trouve de plus en plus détériorée, financièrement et socialement. Quelles sont les conséquences de la polarisation sociale ? Favorise-t-elle les positions populistes de droite et nationa- 265 000 personnes à l’aide sociale listes, et comment change-t-elle la société ? Malgré une augmentation du nombre absolu, le taux de bé- Les réflexions sur ces questions constituent le thème néficiaires de l’aide sociale est resté constant en 2015. Il se majeur de l’Almanach 2018. Autour du thème « Nous et les montait à 3,2 %. Les enfants et les adolescents restent la autres : le nationalisme », les auteurs analysent sous divers tranche d’âges la plus tributaire de l’aide sociale avec 5,2 %. angles le succès croissant des positions populistes de droite. Le risque de dépendre de l’aide sociale a aussi augmenté Ils portent une attention particulière au lien entre le natio dans des proportions supérieures à la moyenne chez les plus nalisme et les développements économiques et sociaux. de 46 ans. Les ménages monoparentaux représentent de loin L’Almanach social 2018 s’intéresse donc aux facteurs sociaux, la plus grosse part avec 22,1 %. En 2015, près d’une per- économiques et politiques qui favorisent ou promeuvent, ou sonne élevant seule ses enfants sur quatre dépendait ainsi inversement empêchent, la montée des positions et partis de l’aide sociale. Depuis quelques années, la durée moyenne nationalistes et populistes de droite. de perception de l’aide sociale tend aussi à augmenter. Près d’un tiers des personnes concernées restent ainsi plus de quatre ans à l’aide sociale, contre un quart en 2009. De nos jours, les gens restent en moyenne tributaires de l’aide so- L’attitude à avoir face au nationa- ciale pendant 24 mois – soit trois mois de plus qu’en 2009. lisme – notre point de vue Le nationalisme n’est pas une idéologie fermée aux contours clairs, mais un conglomérat de représentations et d’idées. La pauvreté se transmet Comparé aux idéologies du siècle que sont le libéralisme et le socialisme, il frappe par sa pauvreté intellectuelle, due d’une génération à l’autre à la fixation sur la Nation et sur l’intérêt national. Par voie de Deux tiers des jeunes adultes sans diplôme professionnel ont conséquence, il est anti-pluraliste, antidémocrate et anti des parents eux-mêmes sans formation de base. À l’avenir, politique. Le nationalisme polarise et divise. ces gens auront de plus en plus de peine à trouver une place Quelle attitude s’impose face au nationalisme d’un point de travail. Ils sont d’ores et déjà surreprésentés à l’aide so- de vue pratique-politique ? On peut apporter à cette question ciale. C’est pourquoi une amélioration du niveau de formation une réponse économique et une réponse politico-juridique. contribue toujours à réduire la pauvreté. La condition requise Une critique idéologique s’impose, de même qu’une critique pour que les enfants de familles socialement défavorisées at- fondée sur des valeurs éthiques. teignent un niveau d’études plus élevé est la mixité sociale dans les écoles. Des études montrent qu’une séparation pré- 1. L’action politique prétend organiser les rapports sociaux coce des élèves en fonction de leurs performances renforce et sociétaux. Elle cherche des solutions à des problèmes les inégalités sociales. Or, c’est exactement ce qu’on observe et défis identifiés en tant que tels. C’est pourquoi le dis- actuellement : en Suisse, déjà un enfant sur vingt fréquente cours politique porte sur les questions suivantes : quels une école privée – et la tendance est à la hausse. La ségré- sont les problèmes et défis ? En dégage-t-on les bons gation sociale augmente. thèmes ? L’analyse est-elle pertinente ? Les débats se fo- La Suisse ne réussit que partiellement à compenser l’iné- calisent en second lieu sur les solutions : sont-elles adé- galité des conditions de départ. Des approches telles que la quates ? Ou fausses, inadéquates, voire illusoires ? Voici promotion précoce ne progressent que lentement. Cela tient comment on peut énoncer le problème en appliquant cette aussi au faible engagement financier de la Suisse. Alors que grille à la réalité sociétale : participation générale au bien- les pays de l’OCDE consacrent en moyenne 2,3 % de leur être économique versus inégalités croissantes de fortune produit intérieur brut aux familles, la Suisse investit à peine et de revenus ; paupérisation et exclusion malgré l’essor 1,5 %. C’est pourquoi les enfants constituent en Suisse un économique ; craintes pour l’emploi et la sécurité de l’exis- risque de pauvreté. Les mesures efficaces de politique fami- tence au vu de la numérisation et de la robotisation ; mi- liale appliquées dans certains cantons montrent que ce n’est gration liée à des contraintes économiques et migration pas une fatalité. Mais jusqu’à présent, la Confédération a re- des demandeurs d’asile ; changement climatique et ré- chigné à endosser plus de responsabilité dans ce domaine. chauffement de la planète, ainsi que justice mondiale. Le nationalisme et le populisme de droite ne traitent aucune des problématiques susmentionnées, hormis la politique migratoire et la politique d’asile. Ils nient même en partie
leur existence. Ils se refusent à l’analyse et à la recherche de refuser la naturalisation ou la transformation d’un per- de solution en niant les problèmes, afin de se concentrer mis C en une autorisation d’établissement. De telles iné- sur l’unique thématique qu’ils exploitent : les étrangers, les galités et discriminations incarnent aussi une forme de migrants et les requérants d’asile. Ils échauffent les esprits nationalisme et donc d’exclusion à l’intérieur du territoire contre les étrangers qu’ils présentent comme des ennemis national. Elles ne se limitent pas aux domaines relevant de et des boucs émissaires pour tout et n’importe quoi. Ils la politique migratoire et de la politique d’intégration. En invoquent en même temps, à l’aide de mythes et de Suisse, on a trop souvent tendance à lutter contre les constructions historiques, l’image d’une Suisse indépen- pauvres plutôt que contre la pauvreté, par exemple quand dante, intacte et autosuffisante. Le nationalisme prétend certains cantons et communes assainissent leurs finances fonder une identité nationale, tout en excluant de la Nation sur le dos des pauvres après des phases de politique de une grande partie de la société pour des raisons culturelles, baisse d’impôts forcée ou quand des communes tentent religieuses ou ethniques. Il applique en fin de compte cette de tenir les personnes en situation de pauvreté à l’écart impitoyable logique à tous ceux qui pensent et agissent de leur territoire. Dans son action pratique aussi bien que autrement. politique, Caritas voue une attention particulière à ces mé- canismes d’exclusion. 2. Le nationalisme est une réaction à la politique économique du néolibéralisme. Mais en tant qu’idéologie, il n’y apporte 4. Dans une perspective de critique idéologique, il faut ren- aucune réponse. Le nationalisme préfère exploiter la thé- verser le nationalisme en tant qu’idéologie aride dotée matique de la migration et des réfugiés, se contentant par d’un caractère d’absolu religieux fondé sur de mauvais là d’une politique des symboles, sans la moindre ébauche mythes et des chimères. Le peuple n’existe pas – et n’a de solution. Ceux qui conçoivent le nationalisme unique- jamais existé. La démarcation nationaliste par rapport à ment comme une réaction à la migration économique (libre tout ce qui vient de l’étranger est irréaliste. Dans la plupart circulation des personnes) et à ce qu’on qualifie de crise des États d’Europe, il y a longtemps que la Nation n’est européenne des réfugiés tombent dans le piège qu’il a plus conçue comme une unité linguistique-culturelle ho- tendu. Il est faux de réagir par de la compréhension à la mogène. Le nationalisme suisse des 19 et 20e siècle n’a xénophobie attisée par une agitation politique. Une atti- justement jamais pu se définir à travers une seule langue, tude aussi compréhensive à l’égard du nationalisme induit une seule culture et une seule ethnie. Il était en premier en erreur. Les acteurs politiques qui l’adoptent prennent lieu de nature politique. C’est là-dessus que repose la des- au sérieux le nationalisme et le populisme de droite et leur cription métaphorique de la Suisse en tant que « Nation ainsi procurent de l’audience. Ou, comme le relève Jürgen fondée sur la volonté politique ». Dans un discours tenu en Habermas, « ce n’est qu’en se détournant de ce sujet octobre 2015 à l’ancien opéra de Francfort pour le 25 e qu’on peut couper l’herbe sous le pied du populisme de anniversaire de la réunification allemande, Joachim Gauck, droite [. . .] Mais cela demande une détermination à ouvrir alors président de la République fédérale, a qualifié l’Alle- une tout autre ligne de front en politique intérieure et ce, magne de pays d’immigration. À propos de ce qui consti- en traitant le véritable problème évoqué ci-dessus, à sa- tue le ciment de l’Allemagne, il a déclaré : Dans une société voir : comment reconquérir le pouvoir d’action politique ouverte, l’unité d’un pays ne dépend pas de son homo- face aux forces destructrices d’une mondialisation capita- généité sur le plan ethnique, mais d’une base de valeurs liste sauvage ? »1 Le nationalisme et le populisme de droite communes. Les gens ne s’identifient pas à l’ordre politique sont à juste titre combattus d’abord sur le plan de la po- de leur lieu d’origine, mais à celui de la destination visée litique économique. Par analogie à ce qu’affirme Christoph [. . .] Ce sont nos valeurs qui nous relient et qui doivent Butterwegge, il faut enlever l’eau au moulin du nationa- nous relier, ici dans notre pays. Ici, la dignité humaine est lisme en modifiant les politiques du marché du travail, de intangible. Ici, les attaches et empreintes religieuses n’em- l’emploi et les politiques sociales. C’est le seul moyen de pêchent pas les gens d’obéir aux lois de l’État séculier. Ici, développer une alternative convaincante au néolibéra- on ne remet pas en question les acquis tels que l’égalité lisme. des droits des femmes ou des homosexuels et les droits inaliénables de l’individu ne sont pas restreints par des 3. Dans une société qui accueille en principe tout le monde normes collectives – que ce soit au sein de la famille, du en tant que membres et qui n’exclut personne, la politique groupe ethnique ou de la communauté religieuse. Il n’y se doit d’imposer à nouveau plus de conditions sociale- aura pas chez nous de tolérance pour l’intolérance. » ment responsables à l’économie, pour reprendre la formu- lation de Georg Kreis. Il faut en même temps supprimer les mécanismes d’exclusion sur le plan juridico-politique, en renonçant par exemple à rendre les prestations d’aide sociale dépendantes de la nationalité. La perception de l’aide sociale ne doit pas davantage constituer une raison 1 Les passages en italique sont des citations traduites de l’allemand
5. Joachim Gauck se réfère à un cadre de valeurs en tant • Seule une politique de lutte contre la pauvreté axée sur la qu’instance critique dans la confrontation avec l’idéologie prévention et sur des investissements à plusieurs niveaux nationaliste. Mais de prime abord, la prudence est de peut avoir un effet durable et réduire le nombre de per- mise. La trop fréquente invocation des valeurs chrétiennes sonnes qui sombrent dans la pauvreté ; la prévention et ou même occidentales dans le débat politique ne sert pas la lutte contre la pauvreté sont donc des investissements à rechercher une base commune. Elle a plutôt une fonc- dans une société solidaire et porteuse d’avenir qui n’exclut tion de rejet et d’exclusion. On insinue par là que le monde personne. Ce cadre de valeurs est diamétralement opposé occidental est une communauté de valeurs, mais que ses à l’idéologie du nationalisme. valeurs sont en danger. D’où la nécessité de les défendre et d’obliger surtout les personnes immigrées depuis peu Tiré de : Hugo Fasel, Odilo Noti : Der Nationalismus à les adopter. Or, il y a lieu d’établir une différenciation : les und seine unbarmherzige Exklusionspraxis. valeurs n’existent que sous la forme plurielle. Il y a par Almanach social 2018, Lucerne 2018. conséquent une juxtaposition de valeurs différentes et souvent aussi un antagonisme. Les valeurs ne sont pas uniquement d’origine chrétienne. Beaucoup de droits humains inaliénables sont un héritage des Lumières et de Apprenez-en plus : la Révolution française. Ils ont assez souvent dû être im- posés contre le christianisme institutionnalisé. Dans ce contexte, on voit bien que, dans une société moderne, li- bertaire, les valeurs fondamentales et les valeurs de réfé- rence communes qui doivent servir de cadre à notre co- habitation sociale et politique ne sont pas simplement prédéfinies. Ce consensus est le fruit d’un dialogue, d’une pensée autocritique et de solides argumentations. Dans une société ouverte et libérale, une telle discussion doit être menée au niveau de la société civile. Or, cette dernière ne rassemble pas seulement les communautés religieuses et idéologiques, mais aussi des organisations d’utilité pu- blique telles que Caritas. À l’inverse, invoquer des valeurs sans droits n’est que creuse rhétorique. C’est pourquoi l’ordre juridique étatique doit ga- rantir les mêmes droits fondamentaux pour tous – par exemple l’intégrité et la liberté de la personne, la liberté d’opi- nion et de religion et les droits de participation au processus de l’organisation politique et sociétale. Le mouvement que Caritas actionne en tant qu’organisation de la société civile pour une confrontation critique à l’idéologie du nationalisme est l’orientation fondamentale vers une société qui n’exclut Almanach social 2018 (en allemand) personne, mais qui vise au contraire l’intégration sociale de Nous et les autres : le nationalisme tous. Cette orientation dérive de sa conception de la pauvreté L’annuaire de Caritas sur la situation sociale en Suisse et de la politique de lutte contre la pauvreté qui en découle : Tendances, analyses, chiffres • La défense de la dignité de chaque être humain est au Éditions Caritas, Lucerne, décembre 2017 / 240 pages / centre de la prévention et de la lutte contre la pauvreté. 36 francs • La pauvreté découle dans la plupart des cas de défauts de ISBN Print : 978-3-85592-153-9 la structure économique et sociale ; il est rare que les gens ISBN E-Book : 978-3-85592-154-6 en soient eux-mêmes responsables. • Les personnes en situation de pauvreté ont comme n’importe Commande : info@caritas.ch ou en ligne sur qui d’autre leurs propres objectifs, ainsi que des dons et www.caritas.ch/shop potentiels importants pour la société. • Les personnes en situation de pauvreté ont droit à l’auto détermination et à la responsabilité individuelle.
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