Nouveautés Québec français
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Document generated on 07/18/2023 7 a.m. Québec français Nouveautés Number 71, October 1988 URI: https://id.erudit.org/iderudit/45252ac See table of contents Publisher(s) Les Publications Québec français ISSN 0316-2052 (print) 1923-5119 (digital) Explore this journal Cite this review (1988). Review of [Nouveautés]. Québec français, (71), 8–18. Tous droits réservés © Les Publications Québec français, 1988 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
NOUVEAUTÉS Laberge. Jacques Julien. Renée-Berthe Drapeau, René Charest. Manon Poulin et Sylvie Faure sont BIBLIOGRAPHIE E S S A I S autant de réflexions sérieuses sur un genre vu trop souvent comme léger. En ce sens. Jacques Julien, à la même maison d'édition, offre une é c r i t s s u r la s c i e n c e - f i c t i o n l ' e m p i r e de l'éphémère, la mode analyse serrée, pertinente de la rencontre réussie Norbert SPEHNER ( 1968 — 1976) entre Robert Charleboix et la « vision et son d e s t i n dans les sociétés modernes Le Préambule. Longueuil. 1988, 534 p. (35 $) utopique » proposée par une époque et un espace Gilles LIPOVETSKY « Bibliographie sélective, partiellement annotée NRF/Gallimard, Paris, 1988, 345 p. social. Deux livres très intéressants. et critique. Des études sur la science-fiction en André GAULIN français, en anglais (et occasionnellement en d'au- Dans la foulée de son premier essai. l'Ère du vide. tres langues) publiées depuis le début du XXr Essai sur l'individualisme contemporain. Gilles siècle jusqu'à nos jours. » (p. 9), Écrits sur la Lipovetsky propose dans l'Empire de l'éphémère l e s Insolences d u b i l i n g u i s m e science-fiction est. en quelque sorte, la suite une série d'essais dans lesquels il démontre André RICHARD logique d'Écrits sur le fantastique du même auteur que la mode actuelle, loin d'uniformiser les indi- Asticou. Hull. 1987, 150 p. publié en 1985. qui a rendu de précieux services vidus et de les subordonner à un code vestimentaire Si vous n'avez pas encore lu les Insolences tant aux chercheurs qu'aux amateurs. Précédée unique, ouvre au contraire à une multitude de codes du bilinguisme, vous êtes déjà en retard. C'est d'une introduction el d'un mode d'emploi, cette tout autant légitimes les uns que les autres. C'est un livre à la fois décourageant et revigorant. bibliographie est divisée en deux grandes par- qu'en effet la mode, depuis le début des années Décourageant parce qu'on y voit les méfaits du ties : d'abord les éludes générales sur le genre soixante-dix. s'est largement démocratisée en rom- bilinguisme. L'auteur, Ontarois de naissance, a bien (en débordant la littérature, en incluant le cinéma pant avec l'hégémonie des grands couturiers pour voulu croire à ce beau grand pays bilingue: force et l'illustration), puis les éludes spécifiques sur permettre à l'industrie du prêt-à-porter de produire à lui fut de déchanter. À tel point qu'il finit par venir les auteurs (peu importe leurs origines). Cette grande échelle des designs exclusifs. Chacun-e est vivre au Québec. Mais là encore, surprise : le bilin- deuxième partie est loin d'être complète. Une dorénavant « autorisé-e » à se vêtir comme bon lui guisme s'y impose de plus en plus. Aussi l'auteur seule référence, par exemple, au roman la Trouble semble, peu importe les circonstances ; comme le se veut-il persuasif pour dénoncer un bilinguisme fête de Bernard Andrès parce que le compilateur souligne l'auteur. « la logique de la distinction dont la pratique est assassine, bouffone. perni- a négligé tout simplement les articles et études sociale (Bourdieu) paraissant loin d'être la clé cieuse. En ce sens revigorant, le livre identifie parus ailleurs que dans Lettres québécoises ! Seu- passe-partout de l'inconstance frivole ». le malaise, le dénonce, s'en moque, fourmille lement six références à Jean-Pierre April. Pourquoi Lipovetsky démontre, en remontant jusqu'au d'exemples. Un plaidoyer pro domo patriae, un essai ignorer l'étude du DOLQ (t. Il) consacrée à la Moyen Âge. moment où la mode est apparue, que fervent qui dit un NON sonore à la dépossession Fin de la terre d'Emmanuel Desrosiers qui fournit la mode déborde le paraître vestimentaire car elle linguistique. d'ailleurs une substantielle bibliographie. Et on est devenue « un procès général à l'œuvre dans tout pourrait s'arrêter à chaque auteur sélectionné ! André GAULIN le social qui commande la production et la consom- On a de la difficulté à comprendre les choix mation des objets, la publicité, la culture, les du compilateur, à moins qu'il ait décidé, sans plus, médias, les changements idéologiques et sociaux », de nous livrer sa documentation. Quant à la comme le justifie la deuxième partie du livre. André Richard première partie, divisée en sept parties, elle est Dorénavant, la vie quotidienne est régie par la difficile de consultation en raison du morcellement séduction, l'éphémère, la différenciation margi- des références : l'utilisateur devra sans cesse se nale loin d'être vouée à l'obsolescence des aîlOl reporter à l'index pour s'y retrouver. Une somme. choses et des lumières. Ce recueil d'essais plonge bien sûr. mais incomplète, qui nous laisse sur au coeur d'une sociologie des faits et gestes les notre appétit malgré ses quelque 534 pages. plus familiers et s'emploie à développer une Aurélien BOIVIN réflexion qui, par la richesse documentaire tant statistique qu'historique, la finesse el la perti- nence de l'analyse, rend ce volume incontrôlable. Roger CHAMBERLAND l a chanson dans tous ses é t a i s Robert GIROUX et alii Triptyque. Montréal. 1987. 238 p. r o b e r t c h a r l e b o i s l'enjeu
NOUVEAUTÉS l e prochain rendez-vous à reconstruire mentalement une mise en scène Voici deux excellents volumes indispensables tant Louis O'NEILL efficace au choix inventif des meilleurs interprètes, aux spécialistes du dix-neuvième siècle qu'à ceux Éditions La Liberté, Québec, 1988, 187 p. toutes choses qui permettent à une pièce de théâ- qui désirent s'y initier. tre de vivre sa propre vie. Commence alors l'étude Hélène MARCOTTE systématique des œuvres. De Roméo et Juliette à q u é b e c 1945/2000, tome 1, la Tempête en n'oubliant pas Hamlet et le cycle à la r e c h e r c h e du québec Chansons folkloriques à su/ets religieux de la dynastie des rois d'Angleterre, l'auteur examine les particularités de chaque ouvrage. Les principaux Conrad LAFORTE et Carmen ROBERGE Léon DION problèmes soulevés se tissent autour d'une même Presses de l'université Laval, Québec. 1988,388 p. Presses de l'université Laval. Québec, grille. La situation historique et les différentes (34.95 $) 1987, 182 p. Deux universitaires de Laval produisent leur ré- sources des pièces précèdent la dissection de la flexion sur le collectif québécois. Léon Dion d'une structure et de l'action dramatique alors que l a cathédrale notre-dame d'ottawa part, dans un premier volume, à même son expé- d'heureuses comparaisons avec d'autres ouvrages Norman PAGE rience et son savoir, s'interroge sur le sens de de Shakespeare éclairent à la fois les intentions Presses de l'université d'Ottawa. Ottawa, l'identité et la quête historique qu'en ont faite du dramaturge et favorisent une explication plus 1988, 162 p. les Québécois. Son ouvrage s'appuie sur un certain circonstanciée de la terminologie de l'époque. Une approche des mobiles des personnages et de Voilà deux livres prestigieux — et beaux — de nombre de créateurs (étrange de ne pas trouver presses universitaires, deux livres savants, bien Jacques Ferron, par exemple) et de penseurs. Dion leurs principales caractéristiques, à laquelle se greffe le symbolisme caché derrière certains mythes, documentés et susceptibles de mieux faire connaître reste nuancé, souple intellectuellement, légère- un passé marqué par la religion. Dans le premier ment idéaliste et profondément humaniste, attaché complète l'ensemble. cas. il s'agit d'une étude de chansons folkloriques à sa terre natale. O'NeiU, pour sa part, avec l'oeil Les synthèses saisissantes où se croisent avec à sujets religieux. Les auteurs ont centré leur du militant et théologien, accuse les étapistes d'avoir bonheur faits d'histoire et notions théâtrales n'em- analyse sur les chansons concernant la nativité du torpillé l'indépendance. Selon lui. les Québécois pêchent pas le critique de formuler des réflexions Christ, les saints, puis une morale dualiste. Faisant ont choisi en fonction de la conjoncture créée par pertinentes à partir de l'existence actuelle afin de partie du quotidien multiple, ces chansons reflètent un tel étapisme et leur choix n'est pas du tout jeter un éclairage plus juste sur les moeurs d'une et illustrent la mentalité populaire. Une anthologie définitif. En attendant un autre rendez-vous, O'NeiU époque. En effet, la grande magie verbale de Shakes- précieuse de plus de 80 chansons complète le propose toute une série de mesures susceptibles de peare transpire pour ainsi dire dans la verve puis- livre. Quant au livre de Page, bien au contraire, renforcer les positions québécoises. Deux livres sante et structurée de la démonstration où le criti- il fait son objet d'étude d'un sujet religieux peu stimulants car tous les deux s'ouvrent largement sur que, à travers un langage plein d'images, use de populaire : il s'agit d'une église « aristocratique » un Québec toujours possible. procédés pédagogiques efficaces. de style néo-gothique construite sur une durée de André GAULIN Yvon BELLEMARE plus de quarante ans. Un monument d'une grande beauté, bien étudié et illustré, qui témoigne de la qualité artistique d'une époque toute conscrite S h a k e s p e a r e et son t h é â t r e Northrop FRYE É T U D E S à une entreprise étrange et mégalomane. André GAULIN Boréal. Montréal. 1988, 269 p. Octave crémazie p o è t e et témoin Prix du Gouverneur général en 1987, Shakespeare de son siècle. et son théâtre du critique littéraire Northrop Frye Odette CONDEMINE reprend, dans une transcription adaptée pour un Éditions Fides, Montréal. 1988, 309 p. livre, la teneur de cours offerts au premier cycle à Victoria College. Joseph lenolr, œuvres Édition critique par John HARE et Jeanne d'Arc LORTIE Les Presses de l'Université de Montréal. Montréal, LE PROCHAIN RENDEZ-VOUS 1988, 331 p. l»ï«iirduQuét*c Enfin rassemblée et annotée par John Hare et Jeanne d'Arc Lortie. l'œuvre de Joseph Lenoir com- prend une soixantaine de poèmes, des essais, des conférences de même qu'un conte publiés dans des périodiques entre 1840 et 1860. L'introduction du livre, en plus de nous faire découvrir l'homme, — avocat, membre de l'Institut canadien et poète novateur, — résume les thèmes dominants de cette œuvre : l'engagement politique, la femme et l'amour, le monde onirique, le macabre et le fantastique. Une chronologie et une bibliographie viennent enrichir le texte. Alors que l'œuvre de Joseph Lenoir est présentée dans une édition de luxe assez coûteuse. Odette Condemine publie dans une édition scolaire plus accessible une anthologie d'Octave Crémazie qui réunit un choix de poèmes, des fragments de la correspondance de même que deux contes écrits L'introduction, détaillée, établit le cadre historique en France. L'introduction met en relief les diffé- des ouvrages du dramaturge anglais en insistant sur rentes facettes de la vie et du talent de l'écrivain : certains aspects qui ont marqué quelques pièces Crémazie libraire, poète, prosateur, conteur, cata- comme, entre autres, les problèmes de la censure lyseur de la poésie canadienne-française du XIX'' et le pillage des éditions. Le tout est complété par siècle et prosateur sous-estimé. Ces textes sont des conseils pédagogiques appropriés à l'étudiant complétés par une chronologie, une brève bibliogra- qui doit lire une pièce de théâtre : de l'obligation phie et quelques jugements critiques. OCTOBRE 1988 NUMÉRO 71
NOUVEAUTÉS e n t r e l'ondine et la vestale reçoit un accent d'insistance, c'est la variante p o l i t i q u e et aménagement analyse des Hauts Cris de Suzanne PARADIS apicale qui prédomine. En finale de syllabe, on linguistique Jeanne TURCOTTE trouvera R diphtongue, si la syllabe est accentuée, textes publiés sous la direction de Centre de recherche en littérature québécoise et on constatera la disparition de cette consonne Jacques Maurais (CRELIQ), Université Laval, Québec, 1988, dans des mots grammaticaux (exemple : Ipaskej, Québec, Gouvernement du Québec, Conseil 148 p. parce que). de la langue française, 1987 Les romans de Suzanne Paradis, y compris ceux Cette étude fait preuve dans l'ensemble d'une Paris, Le Robert, coll. L'ordre des mots, 570 p. qu'elle a réécrits, peuvent tous être qualifiés de démarche scientifique rigoureuse. On doit toutefois Cette oeuvre collective de douze sociolinguistes romans poétiques. Cependant, avec le temps, l'au- noter quelques erreurs. D'une part, dans la rédaction, de renom nous présente de façon concise les pro- teure a davantage partagé les genres, ce qui a entre l'auteur considère comme longues par nature des blèmes linguistiques de la Belgique, de la Cata- autres choses permis à ses romans plus récents voyelles qui ne le sont pas (p. 213). D'autre part, logne, du Pays basque, de la Finlande. d'Israël, du d'échapper au débordement, à l'exubérance des dans la présentation, les illustrations des figures Mexique, de Yougoslavie et du Québec, en faisant images, qu'on retrouve par exemple dans la pre- 5 .et 6 ont été interverties; de plus, dans les tableaux, également référence à des collectivités d'Afrique mière édition des Hauts Cris. les différentes prononciations ne sont pas toujours et d'Asie. Comme le dit J.A. Fishman en préface, indiquées avec les symboles appropriés. Néanmoins on y traite de la langue comme d'une véritable L'étude thématique de Jeanne Turcotte porte sur l'ouvrage qui fait le point sur l'évolution d'un fait les trois éditions des Hauts Cris, mais principale- « ressource sociétale ». de langue contemporain constitue une précieuse ment sur la dernière, parue en 1981. En s'appuyant source d'informations pour tout chercheur inté- Si on peut parler de l'aménagement d'une sur différentes descriptions, provenant d'oeuvres ressé à la sociolinguistique. langue dans ses composantes phonologiques, diverses, de la nymphe des eaux (ondine. nixe...), morphosyntaxiques, lexicologiques et sémantiques, de la vestale romaine et de leur univers particulier, Benoît JACQUES on évoque également dans ce livre l'aménagement Jeanne Turcotte met en relief ces deux figures l a n g u e s et disparités de statut du statut des langues, qui est relié à l'identité présentes dans les Hauts Cris, et qui correspon- socio-économique au Québec 1970-1980 culturelle, et donc à la forme des régimes poli- dent respectivement aux deux personnages princi- François VAILLANCOURT tiques. paux, soit Marie-Andrée, femme de l'eau, d'une part, Québec. Conseil de la langue française, Le choix des langues scrutées à la loupe n'est et Doris, femme du feu. d'autre part. Entre ces deux dossier n° 28, 1988, 230 p. pas innocent ni étranger aux préoccupations forces, un bien impuissant et improbable héros des sociolinguistes québécois. Ainsi, en Belgique, constitue tout de même le point de convergence l a situation démolinguistique du Québec la dualité entre le français et le néerlandais et d'affrontement. accentue les clivages ; d'autre part, le bilinguisme Marc TERMOTE et Danielle GAUVREAU Cette analyse apporte un éclairage intéressant de la capitale et les tentatives d'amélioration de la Québec, Conseil de la langue française, sur un aspect important de l'imaginaire du roman langue néerlandaise nous rappellent une situation dossier n° 30, 1988, 292 p. (ou prose, ou conte...), de sa poétique, mais néglige connue. Autre langue à statut fragile, le catalan sans doute quelque peu une vision globalisante, Selon François Vaillancourt. entre 1970 et 1980, face au castillan : elle n'est reconnue comme offi- qui n'est par ailleurs pas du tout son objectif. en se basant sur les revenus de travail des Qué- cielle que dans la communauté autochtone, et on bécois, on assiste à une augmentation de la ren- tente d'en normaliser l'usage, surtout dans les Norbert LATULIPPE tabilité relative du français et à une diminution écoles et les entreprises, après une époque, celle de celle de l'anglais. Cette diminution s'est fait de Franco, où on l'a prohibée. Le cas yougoslave, sentir chez tous les groupes d'âge, pour tous les pour sa part, intéresse par l'image de creuset LINGUISTIQUE niveaux de scolarité et pour la majorité des emplois (quelques exceptions : la finance et les assurances). linguistique qu'il suggère : une vingtaine de langues, slaves ou non. En conséquence, toutes les l a variation sociolinguistique : Contrairement aux anglophones unilingues ou langues sont égales, officiellement, chacune des modèle québécois et méthode d'analyse bilingues, les francophones bilingues, révèle l'étude, six républiques choisissant, dans sa constitution. Claude TOUSIGNANT tirent avantage de leurs connaissances linguistiques. celle(s) qu'elle désire employer officiellement. Presses de l'université du Québec, Québec, On peut croire que ce gain des francophones est Quant au Québec, on peut parler de « correc- 1987. 248 pages. dû à l'accroissement de leur scolarité et au déve- tion de la langue française » à partir de 1961. sous Dans le français parlé à Montréal, la consonne loppement des secteurs public et para-public, de l'égide de l'Office de la langue française. Ce dernier R est prononcée de différentes façons. Cet ouvrage même qu'à la croissance de l'emploi du secteur n'intervient sur la norme qu'en 1980. donc après les fait l'étude des six variantes les plus importantes, privé dirigé par des francophones. lois de 1974 et 1977 faisant du français la langue à partir d'un corpus de 100 conversations spon- Si le constat de ce premier ouvrage est positif officielle du Québec : il s'agit d'une normalisation tanées de sujets québécois francophones nés à quant à la langue française, il en va autrement du terminologique, et même linguistique au sens large. Montréal où y résidant depuis l'âge de cinq ans. second. Pour Termote et Gauvreau. même si, dans Concluons avec les auteurs que cette réflexion Le livre commence par une description articu- l'avenir, on parlera de plus en plus français au sur l'aménagement linguistique permet de mieux latoire et acoustique des six principales variantes. Québec, ceux qui le parleront seront plus vieux et cerner les problèmes relatifs au multilinguisme et Puis, au moyen de mesures statistiques, l'emploi moins nombreux. Les auteurs appuient leurs dires à la standardisation linguistique. de chacune des variantes est mis en regard avec sur les recensements, les statistiques de l'état Monique LEBRUN les caractéristiques sociolinguistiques des locuteurs, civil et l'étude des mouvements migratoires. Au telles que l'âge, le sexe, la scolarité, l'occupation, chapitre de la mobilité linguistique, l'anglais sort le lieu de résidence des parents, etc. L'analyse confirme en le précisant un phénomène déjà connu gagnant : en 1981, tant dans l'ensemble du Québec qu'à Montréal, les deux tiers des transferts lin- M A N U E L à savoir la régression de la prononciation apicale guistiques s'effectuent vers l'anglais. Pour ce qui est des migrations internes, le Québec se démarque Code 0 0 1 roulée qui était autrefois la norme à Montréal et qui du reste du pays avec un taux annuel très faible Yvon BELLEMARE est maintenant limitée aux personnes de plus de de contacts migratoires. Hurtubise, HMH, 1987, Manuel de l'élève. 328 p. 45 ans. Par ailleurs, il est intéressant de noter l'usage de plus en plus répandu de la prononciation L'ouvrage comporte également un bilan démo- Code 001 : un manuel d'apprentissage destiné fricative vélaire. progression qui est à mettre en linguistique du Québec de 1976 à 1981. par langue aux élèves de la première année du secondaire. rapport avec la scolarité des locuteurs. Chez maternelle et par langue d'usage, de même qu'une Également, un code syntaxique et grammatical. Le 20 locuteurs de l'échantillon où plus d'une va- analyse fouillée de la composition des groupes lien entre le manuel et le code s'inscrit en sous- riante est présente, la fréquence d'apparition linguistiques dans les diverses régions du Québec, titre : pour communiquer par écrit. de ces différentes prononciations est analysée de 1951 à 1981, et de l'accroissement naturel de ces Ce livre a belle allure et bonne tenue. Une pré- selon les contextes. Il s'en dégage notamment que groupes. Il s'agit d'un bilan impressionnant qui sentation graphique tout européenne, un )eu de les variantes roulées apicale ou ovulaire sont plus fera date ! couleurs sobre qui s'intègre efficacement à une fréquentes en début de syllabe. Si cette syllabe Monique LEBRUN organisation cohérente de signes visuels. Par contre. OCTOBRE 1988 10 NUMÉRO 71
NOUVEAUTÉS une iconographie terne et plate. L'aspect coquet et Hélène se débat avec un repris de justice, Jeanne l'homme encore est un jouet. Une écriture forte, propret du livre séduira plus le professeur que Groulx est éberluée par l'homosexualité de drue, reliée à l'urbanité, où la nature n'est que l'élève. celui qu'elle aime, une autre est laissée pour référence littéraire symbolique, une vision du Le lien entre le contenu notionnel et le fonc- compte par un prêtre défroqué, et Charlotte enfin monde qui engage un combat avec le vide, où tionnement de la langue en situation, bien assuré dérive telle une épave. En somme, tous ces l'amour sert d'appât. Un beau livre profond, d'entrée de jeu (la précision, la variété), devient portraits ne sont pas des inventions car Jasmin une (en)quête d'existence. plus lâche dans la partie traitant de la syntaxe, se affirme avoir côtoyé des êtres semblables et. André GAULIN limitant presque aux traditionnels exercices d'écri- pour ne pas les oublier, il les a immortalisés. ture. Par contre, dans les parties traitant de l'or- Troublante à souhait, la peinture de ces l a lune d a n s une manche de capot thographe, on prend en compte les erreurs fré- personnages déboussolés saisit le lecteur : quemment relevées à l'écrit (l'accord avec le Sylvain RIVIÈRE Jasmin, de quelques traits rapides, fige la pronom personnel placé entre le sujet et le verbe Guérin littérature, Montréal, 1988, 172 p. destinée de celles qui rêvent d'un roman- ou avec le complément du nom. etc.). (12,95$) tisme hélas illusoire. Dès les premières lignes, La première partie, dans sa forme actuelle, est il campe l'amoureuse et la pousse sans merci Au début on n'y croit pas. C'est que Sylvain simplement inutile. À quoi peuvent servir de longues dans la gueule du destin sans s'empêtrer dans Rivière, dans la nouvelle éponyme qui ouvre son listes de mots classés en fonction des difficultés les dédales d'une description psychologique. recueil, la Lune dans une manche de capot. orthographiques ? Pourquoi une liste de quelque Jasmin est conteur certes, mais la célérité avec ressuscite et réactualise le légendaire Jos Violon deux cents homophones alors que le sujet a déjà laquelle il agite sa plume comme ses pinceaux et. de ce fait, force les comparaisons avec ses été traité ? Pourquoi y intégrer les « pie/pis » soustrait ses créations d'une profonde den- prédécesseurs du siècle dernier. Mais fort heu- alors que les usuels « davantage/d'avantage » sité. Cependant, la relecture des Coeurs empaillés reusement l'auteur crée par la suite des per- brillent par leur absence ? Pourquoi quelque ne manque pas de charme. sonnages tous plus délurés les uns que les autres soixante-dix mots répartis en deux listes : « h » qui prennent place dans une réalité gaspésienne Yvon BELLEMARE bien contemporaine. Les histoires, abracada- aspiré, « h » muet, alors qu'on aurait pu tout sim- plement préciser comment trouver cette information brantes, gravitent autour du rire et du sexe, ces dans un dictionnaire — même le Larousse de poche thèmes étant pris d'assaut tantôt par devant, Esther Croft tantôt par derrière par un auteur qui n'en est pas la donne. à ses premières armes. Il a déjà publié poèmes Les tableaux de conjugaison ont au moins l'avan- et chansons chez Marées Basses et nouvelles tage de présenter les possibilités d'accord dans les chez Leméac. formes composées (je suis allé/e. nous étions allés/es), mais ils auraient été. à l'instar des listes Sylvain Rivière possède sans conteste des de mots, avantageusement remplacés par un index dons de conteur : vocabulaire riche et surtout permettant à l'élève de se référer facilement au équivoque d'où fleurissent jeux de mots et contenu du livre quand il éprouve des difficultés d'esprit, avec tous les excès, toute la confusion d'écriture. et toutes les entorses à la langue que cela im- plique, situations risibles qui font sourire le Au total, cependant, un livre très bien fait. Une intégration intelligente et efficace des acquis de lecteur parce qu'elles se situent en marge du la grammaire structurale, des recherches sur les pouvoir et de la morale, les dix-sept nouvelles difficultés d'écriture et des théories sur la com- sont autant de volcans en éruption. Le sens du munication. Un beau livre dont les qualités devraient punch, du drame et de la couture au fil blanc s'imposer. viennent sauver quelques nouvelles qui risquaient d'être étouffées par la propension de l'auteur Michel PAQUIN à en mettre trop. Qu'on le lise en valdrague ou qu'on en dé- NOUVELLES guste les récits à l'unité, le recueil de Rivière n'a pas d'égal pour faire découvrir une Gaspésie « miouneuse de fornication bien méritée ». Habile- l a mémoire à deux faces ment, d'ailleurs, la fin laissera croire au lecteur l e s c œ u r s empaillés Esther CROFT, qu'il a vraiment vu « la lune dans une manche de Claude JASMIN Boréal. Montréal, 1988, 132 p. capot. » Guérin éditeur. Montréal. 1988. 173 p. (coll. Le Hibou blanc) Les quinze nouvelles de la Mémoire à deux Charles MONGEON faces pourraient à la rigueur constituer un récit Pour lancer la collection « Le Hibou blanc ». unique avec ses deux parties et son épilogue. l'éditeur Guérin réédite les Cœurs empaillés de Jas- min en l'habillant d'une présentation de luxe. Un même sujet le tisse, la mémoire, une mémoire double, soi et l'autre, une enfant et le monde PÉDAGOGIE L'auteur rehausse son texte de 1966 par des social — famille, alliance sexuelle sans fidélité aquarelles de son cru. fondamentale —. un monde à deux faces, trom- l e s vocations el l'école La rapidité avec laquelle les portraits sont peur, une écriture à deux versants où le comique Jean VIAL brossés n'est pas sans rappeler le « Une passion rejoint le tragique, où le jeu de mots rejoint l'or- Les Éditions ESF. Paris. 1987. 166 p. n'attendait pas l'autre » de Gérald Godin, citation ganisation verbale totale, une écriture faite Comment l'école peut-elle répondre au problème mise en épigraphe au début des dix nouvelles. d'économie, de mots tendus, de phrases qui de l'instabilité de l'emploi et à celui de l'évolution En effet, les grandes amoureuses peintes sur le lapident et la destinateure rit peut-être la der- rapide de la technologie ? Pour Jean Vial. auteur vif auxquelles s'ajoute un tailleur au sexe incer- nière si tant est que sa vision tragique d'une bien connu de plusieurs livres sur la pédagogie. tain forment une fresque où la passion marque mère absente à sa naissance, et à jamais, peut il ne convient plus de favoriser la Vocation, mais ces êtres au destin tragique. À la merci de leur se réconcilier avec la badinerie des jours. Dans « l'éducation doit offrir à l'enfant des séries de milieu, ces petites gens qui triment fort pour l'amusement des titres de nouvelles cousues modèles qu'il aura à explorer, à vivre sur le plan survivre à leur amour impossible finissent dans « ...De fil blanc », « l'oeil au miroir ». le social qui affectif, à formaliser par le langage » pour que un désespoir incalculable. La mort volontaire ou poursuit Caïn/Caïne, finit toujours par faire s'ébauchent des vocations. À l'opposé d'une spé- l'accident absurde viennent définitivement retomber les mots dans la gorge. Pour faire bref, cialisation unidimensionnelle. c'est le développement arrêter cette course presque insensée. Follement disons que la vie paraît comme (un) « Le Mariage de la personne dans sa globalité, aussi cohérente éprises, elles se heurtent à des impondérables : blanc » (mariage en blanc) où la femme plus que et ouverte, aussi ferme et souple que possible. OCTOBRE 1988 12 NUMÉRO 71
NOUVEAUTÉS qu'il faut atteindre. Une personne efficace possé- autre. « Cette inconnue qui passe et ne sait plus de la seconde édition et celles du manuscrit. dant la faculté d'adaptation, capable d'intérêt et appartenir » se désillusionne, se distancie dans la Un tel travail de croisement de données serait d'enthousiasme pour les tâches à accomplir, ayant le durée morte, la vitre entre elle et l'hiver, se fait insuffisant s'il était livré sans une mise en goût du risque et de l'engagement ainsi que des Pénélope (« si tu reviens [...] rien n'aura bougé perspective historique et poétique. À ce titre, qualités de courage et de volonté. que mon corps à la fenêtre »). Une femme absence, l'introduction, peut-être d'ailleurs un peu courte, Grâce à une pédagogie rénovée et globale, l'école ombre, dans « l'exil commun » utilise les mots fait ressortir le contexte socio-culturel et littéraire peut et doit éveiller et nourrir chez l'enfant le comme anti-poésie, evanescence de ce qui fut. de l'époque. Le tableau que brosse l'auteur permet désir de s'accomplir. À la distribution du savoir, « absolue défense ». Une « poésie de janvier l'héri- de mieux situer l'oeuvre dans le champ de production il faut préférer le questionnement-qui mène à la tage de l'obscur ». qui dit avec sobriété, éloquence tant québécois que français et fait état des lec- découverte et préserver la curiosité intellectuelle. contenue, repoussée, l'ancienne chaleur de tures et des influences possibles qu'auraient Par une production utile et des projets menés à l'amour perdu. Une voix déjà singulière née de subies Évanturel. bien, il faut s'assurer la connivence de l'enfant l'amer, reflux de la caresse. Voilà donc une édition critique exemplaire pour que le travail autonome devienne valeur sociale André GAULIN qui peut permettre à plusieurs de redécouvrir et moyen de création personnelle. L'exercice bien une poésie du XIX' siècle moins portée sur la compris des différentes disciplines, les relations p o é s i e s complètes, 1955-1987 religion, l'histoire et le terroir, mais soucieuse suscitées par le travail d'équipe doivent favoriser Michel GARNEAU des petits détails de l'existence, de l'idéal amou- l'équipement sensoriel, mental, social et affectif de reux, bref qui implante au Québec la théorie l'Âge d'homme/Guérin littérature, Montréal. l'écolier et s'appuyer sur les compétences langa- romantique qui a cours en France. Elle rend 1988. 770 p. (35.00$) gières en vue de réaliser l'épanouissement de la justice à un poète et à une œuvre trop longtemps personne dans ses multiples composantes. En publiant les Poésies complètes de Michel tenus à l'écart de l'histoire littéraire. Garneau. Guérin littérature qui. pour l'occasion, Cette vision de l'éducation, qui s'adresse à l'école s'est associé à l'Âge d'homme (Suisse) réactive Roger CHAMBERLAND française mais concerne tout autant l'école des pays une oeuvre très peu lue et commentée. Pourtant industrialisés, ne peut que susciter la réflexion chez la poésie de Michel Garneau fait appel à un quiconque est préoccupé par la problématique scolaire. « langage clair et direct ». peu soucieux des figures de style. Elle emprunte au quotidien, PSYCHOLOGIE Evelyne TRAN à l'amour, elle traite de la vie. de la mort, du langage aussi. Bref, le poète rend compte de ce l e s fugues de l'enfant el de l'adolescent qu'il vit et ressent en restant à la portée d'une écriture à la fois juste et précise. Des premiers Paul MESSERSCHMITT P O E S I E poèmes datés de 1955 jusqu'aux plus récents, PUF. Paris. 1987. 96 p. (Série « Nodules »). écrits à la fin 1987. on trouve une certaine cons- tance thématique et une régularité stylistique, L'auteur, pédopsychiâtre. aborde la fugue de l'en- Clandestine rompue çà et là par des textes plus concis qui fant et de l'adolescent sous ses aspects descriptif, Hélène MARCOTTE ramassent en quelques lignes l'essentiel de l'idée historique, juridique. La fugue y est décrite comme Leméac. Montréal. 1988. 58 p. à transmettre. Poète sensuel, amoureux. Garneau un phénomène spatial et transgresseur. En s'ap- Prix Octave-Crémazie 1988, membre du col- fait preuve d'une joie de vivre peu commune, puyant sur plusieurs exemples concrets et précis, lectif littéraire de Québec français. Hélène même s'il est parfois agité par tout ce qui va l'auteur présente le temps de la fugue comme Marcotte voit paraître Clandestine, un recueil mal autour de lui. même s'il sait parfois se faire celui d'une impulsion déterminée. Il explique ensuite de poèmes de cinquante laisses généralement violent et dénoncer l'absurdité de la condition comment les changements dans le style de vie brèves, hormis quelques-unes, où les mots humaine, en particulier celle des opprimés. (divorces, familles réduites...) isolent la relation s'emballent. Mais le ton est plus généralement Cet important volume de 770 pages constitue une génitrice. Paul Messerschmitt insiste sur le fait au débit court, au débit, sorte d'exorcisme de somme poétique d'un auteur important du Qué- que l'éducation est un phénomène actif, voire l'absence, du silence, ritualité d'une ancienne bec sur lequel il faut désormais compter. interactifs. C'est « aux parents, dit-il, de vieillir officiante de l'amour qui se fait clandestine par Roger CHAMBERLAND l'enfant, alors seulement le jeune les renaîtra ». l'évasion, le mutisme, le rêve, l'illusion d'un corps La fugue est également un acte physique, l ' œ u v r e poétique d'eudore évanturel. faisant échec à une autorité excessive. Certains intervenants, dans leurs relations avec ces jeunes, hélène marcotte édition critique ne savent point équilibrer le poids de leurs exi- Texte établi et annoté par Guy CHAMPAGNE gences, ce qui provoque souvent la démission Les Presses de l'Université Laval, Québec. Clandestine 1988. 349 p. (29.00$) du fugueur. Par son geste, ce dernier pose un acte auto-initiatique, c'est-à-dire une création Il y a à peine quelques années que le nom de sa propre émancipation. La répétition de la fugue d'Eudore Évanturel est connu des spécialistes de devient alors une arme toute puissante pour le jeune. la poésie québécoise. Condamnées par la critique L'auteur traite aussi de l'évolution de l'acte de ultramontaine dès sa parution en 1878. les Pre- la fugue depuis le très jeune âge jusqu'à la crise mières Poésies ont été remoulées par l'auteur existentielle de l'adolescence, ainsi que des fugues puis rééditées en 1888. dans une version passable- pathologiques comme l'épilepsie. la délinquance et ment « nettoyée » et expurgée. Pour l'heure, ce la toxicomanie. nettoyage a eu pour effet de remettre Évanturel Il conclut en décrivant les attitudes éducatives dans le rang, lui enlevant la majeure partie des et thérapeutiques à adopter. La pratique de celles- caractéristiques qui rendaient son œuvre singulière. ci apporterait un espoir et une compréhension Le mérite de Guy Champagne tient entre autres plus grande de l'attitude du fugueur. au fait qu'il a reproduit la première édition, ren- voyant en fin de volume les variantes de la se- Cet essai très intéressant utilise parfois un poésie leméac conde édition ainsi que l'accueil critique. À ces vocabulaire spécialisé qui peut rebuter un lecteur poèmes plus ou moins connus s'ajoutent ceux non averti. Néanmoins je considère essentiel cet qui ont paru dans les divers périodiques ainsi essai pour son souffle polariseur et sa vision que quelques inédits que Champagne a trouvés « incisive ». Je le recommande à tous ceux et à dans les papiers du poète. Ainsi l'édition critique toutes celles qui oeuvrent auprès des jeunes. juxtapose-t-elle l'édition originale, les variantes Suzanne MURRAY OCTOBRE 1988 NUMÉRO 71 13
NOUVEAUTÉS U n chameau en Jordanie R E C I T S Roch CARRIER Stanké, Montréal, 1988. 157 p. Dans un style simple et agréable, efficace la reine soleil levée comme dans l'ensemble de ses romans. Roch Carrier amène son lecteur à découvrir un nou- Gérard ETIENNE veau pays avec Un chameau en Jordanie. La Un mal étranger et violent terrasse soudain Jo formule, heureuse, déjà utilisée avec l'Ours et Cannel pendant son travail de porte-faix. Sa femme, le Kangourou pour la visite de l'Australie, séduira Mathilda, après avoir songé à l'aider à mourir, décide de tout mettre en oeuvre. Dieu et diable, pour le encore tant le lecteur adulte que le jeune élève attiré par l'étranger. Il va sans dire que la pré- j|lT]r^ sauver. Elle l'amène, tour à tour, dans deux sence d'un gamin d'une douzaine d'années. Fathi. To» vabsrHitim • Etes llchos iii catfceetiemHB» * hôpitaux puants et misérables, puis chez le maître n'est pas sans soulever l'intérêt des garçons et vaudou. Dans cet effort salvateur, que seule une des filles du même âge. C'est guidé par lui et sur femme peut accomplir, selon l'auteur, Mathilda le dos de son « vaisseau du désert » que « le Voya- fam entraîne involontairement avec elle gens du peuple geur d'Amérique » visite Petra. un haut lieu de la La 8Î> a!« PefU gl«tt««u • Ut ao.wm.att • et jeunes intellectuels. La misère matérielle et Jordanie. Au fil de son séjour, il analyse les pro- y ^ ^ ^ IjMBjjà WMaB sociale (une absence d'hygiène totale), une saleté blèmes politiques et les guerres qui déchirent repoussante se mêlent en un ballet de mort autour le pays, parsème son récit de réflexions sur le Sass aa^eates awatsaanta* p » m tar ' " de Jo Cannel, symbole de tout un peuple atteint sort des Jordaniens et l'avenir de leur patrie. En d'une maladie qui a toutes les origines et que nul même temps se noue entre le voyageur et son ne peut guérir. guide un échange amical qui lui permet de remon- Soutenue par les paroles de ses ancêtres, la ter dans l'histoire et de connaître un peu mieux femme tente de garder fierté, dignité, rationalité celle de Fathi et des Bédouins, ses ancêtres. et esprit religieux malgré l'omniprésence des Un accident stupide et le chameau de Fathi, superstitions et de la terreur. Le sang et le carnage blessé, doit être abattu. Que fera-t-il sans son écraseront ce début involontaire de révolution. gagne-pain? Le narrateur, invité chez le roi cognitifs. sociaux et linguistiques. Madeleine La Reine Soleil Levée est le douzième ouvrage Hussein, confie le sort de l'enfant au souverain, Saint-Pierre et Helga Feider analysent la diversifica- publié au Québec de Gérard Etienne, écrivain qui y trouve la solution la meilleure : assurer tion des formes linguistiques, pour un même acte haïtien en exil. Les phrases nominales, comme les son éducation. de parole, chez des enfants allant de cinq à dix ans. notes d'un metteur en scène ou les indications Un récit, une histoire, un document, en somme En expliquant les principes de base de leur didac- scéniques d'un auteur de théâtre, le rythme hachuré un beau guide de voyage. ticiel sur les relatives complexes. Louisette Emir- et haletant, l'absence de dialogues nous pressent kanian et Lorne H. Bouchard soulignent la nécessité d'entendre ce cri d'urgence. Ce récit étouffant, Gilles DORION d'amener l'enfant à manipuler la langue et à réfléchir souffrant, d'une insurmontable méchanceté)?), au sur son fonctionnement. style travaillé, original nous fait sentir(?) la « dé- Bref, malgré un métalangage un peu sophistiqué gringolade inévitable de la race » et le combat iné- luctable, inégal pour tenter de conquérir « la qua- R E V U E S et la lourdeur de certaines analyses quantitatives, ce numéro offre une lecture stimulante à tout en- lité indispensable au progrès des Noirs du pays : seignant de français soucieux de se ressourcer. l'indépendance absolue » de vivre et de penser. revue québécoise de linguistique. Rien de folklorique dans ce récit de vitalité et de Monique LEBRUN vol. 16. n"2, 1987. mort. Par son style, son intribue. son souffle, la Problèmes linguistiques et enseignement Reine Soleil Levée est une oeuvre majeure. du français au Québec, Université du Québec Francine LABELLE à Montréal, 334 p. blaireau Il est rare que des revues de linguistique s'in- Journal à lire, journal à découvrir. téressent à l'enseignement au point de lui consacrer journal à partager un numéro spécial, et c'est dommage, car elles Éditions Gallimard/Agiiem/rélérama. Paris. apportent à l'analyse des problèmes d'apprentis- 1987-1988. sage linguistique rigueur scientifique et préoccu- Blaireau, c'est trois journaux pour la maternelle pations de haut niveau, comme en font la preuve et la première année du primaire : un journal les auteurs que voici. comme un livre d'histoire, un journal à découvrir, ROCH CARRIER Kathleen Connors décrit trois types de mesures un journal à partager avec les parents. du niveau d'acquisition d'une langue seconde, à Le journal à lire renferme, en plus d'une histoire, UN CHAMEAU savoir la loquacité, la variété et la grammaticalité. un quiz, des comptines et des poèmes qui sont EN Dans un article abondamment illustré, Joachim susceptibles d'éveiller ou de fasciner l'imaginaire JORDANIE Reinwein recourt au test de closure pour examiner les effets de l'illustration sur la compréhension des enfants. Le journal à découvrir permet à l'enfant de se du lecteur de 3'' année. Céline Robitaille nous fait familiariser avec le monde des petits animaux et de part de l'usage de la structure « faire + infinitif » collectionner des fiches signalétiques, des recettes chez les cégépiens et les universitaires francophones amusantes ainsi que des bandes dessinées. et anglophones bilingues. Luc Ostiguy et Gilles Le journal à partager renseigne les parents ou Gagné viennent combler une lacune du programme les enseignants sur quantité de sujets qui rejoignent de français oral de l'école primaire en proposant leurs préoccupations. des activités visant à développer chez les élèves l'utilisation de variantes linguistiques de niveau C'est une revue mensuelle qui fournit à l'ensei- soutenu en situation formelle. A l'heure où l'on se gnant des propositions de travail intéressantes pour penche de plus en plus sur l'éducation pluri-ethnique. l'organisation d'ateliers d'éveil. Toutefois, il lui faudra l'étude d'Alison d'Anglejan et de Diana Masny se adapter l'information donnée, car celle qu'on utilise propose d'approfondir l'interaction entre culture s'adresse spécifiquement au milieu européen. et cognition en recourant à la théorie des schémas Aline DESROCHERS-BRAZEAU OCTOBRE 1988 N U M É R O 71
NOUVEAUTÉS R O M A N S b a i e des anges Serge VIAU Boréal. Montréal. 1988, 221 p. Le roman de Serge Viau. dont l'action se situe O ma s o u r c e ! dans les années 1980. narre les aventures de Daniel GAGNON -w alï,\N-FRANÇOISS Léo-Paul Hicks, journaliste à la pige qui laisse Guérin littérature, Montréal. 1988, 190 p. la ville pour s'installer quelque temps chez son Le révérend pasteur protestant Calvin Douglas vieil ami Paul. Léo caresse le vieux projet « d'une est âgé de soixante-dix ans. Alcoolique, épris traduction de tous les textes des disques de d'absolu, il quitte sa femme et son ministère. Tom Waits ». mais une série de disparitions de Il se réfugie à l'hôtel en face de son église fillettes l'amène à agir comme détective privé. où. parmi les filles, il boit et commence à ré- Le récit se meut alors en une sorte de roman diger ses confessions dans lesquelles il retourne policier au terme duquel Léo résout l'énigme et en lui-même et remet en cause sa vie et sa rela- découvre l'identité du » Bonhomme Sept Heures tion avec Dieu. de Baie des Anges ». qui mangeait ses jeunes victimes après les avoir enlevées, assassinées Le récit s'élabore autour du manuscrit du et dépecées à la hache. pasteur et de la correspondance qu'il établit avec sa femme, son évêque et sa fille. Dans ce roman Malgré les apparences, il ne s'agit pas d'un épistolaire. intelligemment construit. Daniel roman noir. L'écriture elliptique, alerte, ironique, Gagnon révèle à petites doses la nature de ses sarcastique et volontiers populiste du narrateur personnages troublés et troublants. En l'absence soutient un récit où le rêve et le réel se mélan- de Calvin, l'évêque s'efforce de le ramener dans gent. Mais si la fusion onirisme-réalité est motivée le « droit chemin ». s'empresse auprès de sa par l'usage constant et abondant que font les prota- femme, mondaine et légère, mais toujours gonistes de l'alcool et de la mari, et si les extraits amoureuse de son mari le pasteur, son « saint de chansons de Tom Waits, qui parsèment le récit homme d'amour » (p. 86). Enfin, il y a Sally, la de Léo. agissent comme un écho du passé ou un fille du pasteur, dont la vie est une catastrophe, jugement du présent, ou encore deviennent à qui ne lui écrit que pour lui demander de l'argent. l'occasion une mise en abyme du récit principal, Le récit démarre plutôt lentement mais plus la le lecteur ne trouve pas toujours dans l'apparie- situation des personnages se détériore, plus leurs ment de ces éléments prometteurs une suffisante passions s'étalent et s'entremêlent dans un même l e s noces de s a r a h force de conviction. élan à la fois sensuel et mystique. Un roman de Simone PIUZE De même, la structure du roman est intéres- l'intériorité où se confrontent spiritualité et maté- Éditions de l'Hexagone, Montréal, 1988. 459 p. sante. Le livre est divisé en 7 parties qui portent rialité. Auteure de textes pour la télévision et collabo- chacune le nom d'un jour de la semaine, depuis Jean GUAY ratrice à plusieurs journaux et périodiques, le « lundi » jusqu'au « dimanche ». alors que le Simone Piuze a mérité le Prix du Cercle du livre narrateur « se repose » (p. 221). De plus, le sculp- de France en 1977 pour son premier roman, les teur Victor Turmel est. pour sa part, présenté S o r t i r du piège Cercles concentriques, et le Prix Molson de comme un homme des cavernes et s'écrie au début Jean-François SOMCYNSKY journalisme en loisir en 1985. Malgré ces succès, du roman : « Si Baie des Anges doit renaître, Éditions Pierre Tisseyre. Montréal, 1988. 283 p. son deuxième roman, les Noces de Sarah, a été ce sera par la folie ! Par la folie créatrice ! » Auteur de nombreux livres dont la Frontière accueilli de façon partagée par la critique. Serge Viau n'a pas fait, pour son coup d'essai, du milieu (Prix du Cercle du livre de France) Journaliste à la pige, Sarah Beshner essaie un coup de maître, mais peu s'en faut. et les Visiteurs du pôle Nord (Prix Louis-Hémon). de donner un sens à sa vie à travers de multiples Jean-François Somcynsky explore, dans son qua- Jean-Guy HUDON relations amoureuses. Le départ de son père, alors torzième volume intitulé Sortir du piège, les qu'elle était enfant, l'a marquée profondément sentiments d'un être qui a été brutalisé et qui et depuis elle le recherche inconsciemment. CI voilà que la vie fait naufrage doit assumer les conséquences de cette violence. L'arrivée de Philippe dans son existence modifie Léon-Gérald FERLAND En rentrant chez elle après un souper au res- sa façon de vivre. Elle décide de s'installer dans Guérin Littérature. Montréal. 1988, 193 p. taurant, Louise échappe de justesse à une ten- une commune avec lui mais ne parvient pas à s'in- tégrer réellement au groupe. Au cours d'un voyage « D'où ceci : écrire est tuer ». lit-on en épigraphe tative de viol. Cet incident bouleverse son exis- organisé en Floride, elle rencontre Ronny. un au deuxième roman de Léon-Gérald Ferland. tence et la jeune femme tente alors de reprendre étudiant au doctorat en sciences politiques. Elle Et voilà que la vie fait naufrage. On va lire, en sa vie en main tant dans ses relations profes- tombe aussitôt amoureuse de lui mais doit re- effet, un habile exercice littéraire dont le sujet sionnelles que dans ses liaisons amoureuses. tourner avec Philippe puisque Ronny préfère principal est le meurtre. « Et j'ai maintenant résolu Héroïne fragile malgré sa détermination, elle attendre la fin de sa rédaction de thèse avant de consigner un meurtre parfait, le meurtre recherche une manière de vivre sans être la vic- de s'engager avec elle. Ils correspondent donc par excellence ». affirme le narrateur Georges, time de son entourage. L'auteur décrit toute son en secret. Incapable de rester plus longtemps qui vient de soutenir, après avoir écarté l'extra- évolution intérieure à partir du jour où elle à la commune. Sarah décide de partir en Europe. vagante tentation de tuer sa femme Aline, qui avait est assaillie. « the day the earth was split open Ronny vient l'y retrouver peu après et, grâce à détraqué son esprit : « La composition : c'est bien and slowly stopped turning ». en passant par l'obligeance ( ? ) de ce dernier, elle trouve enfin ce qui tue ». D'où donc le double jeu auquel se celui où elle applique la loi du talion et brutalise la paix. livre l'assassin en puissance, meurtrier ou écri- deux hommes, jusqu'au moment où elle se récon- vain, autour duquel meurent inexplicablement des cilie avec la vie. Les Noces de Sarah est un livre qui plaît dans femmes de plaisir et de désir. Au cours d'une Jean-François Somcynsky évite les longs préam- l'ensemble mais déçoit dans le détail. L'invraisem- période s'étendant du 22 décembre au 6 janvier, bules et capte dès les premières lignes l'intérêt blance de certains épisodes — dont ceux où les divers événements se produisent qui laissent du lecteur. L'intrigue est habilement menée et personnages tombent en amour en un clin une jonchée de cadavres dans le sillage du narra- l'écriture pleinement maîtrisée. Sortir du piège d'œil — et l'absurdité du dénouement déconcertent teur alors que lui-même cherche la technique est un livre troublant qui ne peut laisser indiffé- le lecteur. Un roman qui se lit bien mais qui ne la plus parfaite pour réaliser son « entreprise ». rent. comporte rien d'exceptionnel. Sa chronique — ou sa « sotie chronique », selon ses Hélène MARCOTTE Marie-Josée MARCOTTE propres termes — est jalonnée d'indices, qu'il OCTOBRE 1988 16 NUMÉRO 71
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