Nouvelle peinture espagnole Écoles de Barcelone et de Madrid - Érudit
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Document generated on 09/03/2023 5:34 a.m. Vie des arts Nouvelle peinture espagnole Écoles de Barcelone et de Madrid Guy Robert Number 27, Summer 1962 URI: https://id.erudit.org/iderudit/55152ac See table of contents Publisher(s) La Société La Vie des Arts ISSN 0042-5435 (print) 1923-3183 (digital) Explore this journal Cite this article Robert, G. (1962). Nouvelle peinture espagnole : écoles de Barcelone et de Madrid. Vie des arts, (27), 16–25. Tous droits réservés © La Société La Vie des Arts, 1962 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
parce que plusieurs collectionneurs canadiens possèdent des œuvres de jeunes peintres espagnols parce que ces jeunes peintres espagnols attirent de plus en plus l'attention dans les expositions internationales parce que Tharrats, un des animateurs de cette jeune peinture espagnole, exposait récemment à Montréal Vie des Arts vous offre cette étude sur les Ecoles de Barcelone et de Madrid. NOUVELLE PEINTURE ESPAGNOLE É C O L E S DE B A R C E L O N E ET D E M A D R I D par guy robert Ci-dessus: José Maria SUBIRACHS. Frontal 381. Pierre et bois. 7 7 / 8 " x 18%" x 3!/ 2 " (20 x 48 x 9 cm). Sala Gaspar, Barcelone. Page ci-contre: Antonio TAPIES. Composition. 1956. Huile. 45" x 35" (114,65 x 89 cm). Collection de Paul Larivière, Montréal. 17
LA PEINTURE ESPAGNOLE L'année 1948 marque le tournant Juan Eduardo Cirlot, moins fiévreux. connaît une rythmique plutôt capri- définitif. Est-ce seulement par hasard Un autre écrivain, Arnald Puig, quit- cieuse et fiévreuse, depuis le lyrisme que, la même année, nous connaissions tait bientôt la jeune équipe pour un sublime et les longues métamorphoses ici, à Montréal, les manifestations séjour à Paris. Les quatre peintres du Greco : les portraits subtils et un fébriles des Automatistes, et le «Refus principaux se nommaient Tapies, Cui- peu maniérés de Velasquez n'ont global» ? Canadiens-français et espa- xart, Tharrats, Ponce. qu'une bien mince parenté avec les gnols ont beaucoup en commun, Leurs recherches premières débor- cataclysmes sanglants et les tour- quand ils ont l'occasion d'échanger daient déjà généreusement les appro- nantes explosives de Goya, après des points de vue sur l'ensemble des ximations et constituaient l'affirma- quoi il faudra attendre près d'un phénomènes de leur civilisation réci- tion solide et diversifiée de la pré- siècle une nouvelle vague originale. proque : notre rencontre avec Thar- sence espagnole dans le contexte de la Mais de début du vingtième siècle rats nous l'a amplement prouvé... peinture non-figurative. Il n'y avait compte parmi les dix noms les plus pas eu de manifeste, mais les ceuvres importants de toute la peinture euro- 1948. À Saragosse, on formait le premier groupe d'artistes non-figura- s'accumulaient. Cette «École» de Bar- péenne, quatre espagnols : Picasso, celone n'avait toutefois pas été pensée Juan Gris, Miro, Dali. tifs. Westerdahl fondait le Grupo de Canarias. À Santander, les amis du en fonction du développement d'un Picasso d'abord passe brusquement critique Gullon constituaient l'École nouveau système académique : cha- de ses périodes bleue et rose au cu- d'Altamira. Et, autour de la revue que membre tenait trop à la liberté de bisme, avant d'entreprendre cette Dau al Set s'établissait le groupe du son expression, de son agir. Après vaste synthèse de toute l'histoire de la même nom, le plus important de tous quelques années d'un travail amical peinture, de la préhistoire au futu- ces mouvements, qui allait devenir et comparatif, on s'attendait tout na- risme, où il s'amuse, avec une faconde l'École de Barcelone. Miro, installé turellement à ce que le groupe se dis- et une acrobatie géniales, à trans- à Majorque, venait tout juste d'être solve, sa fonction étant remplie. Thar- poser les grandes expériences plasti- révélé à quelques jeunes peintres ibé- rats me faisait cette remarque que ques dans son propre monde, dont riques par Joan Prats. Dau al Set se définirait mieux comme l'intégration ne faiblit jamais. Gris courant plutôt que comme école, puis- élaboré patiemment, avec une minutie Quand se tient à Ténériffe en 1935 que c'était justement pour s'opposer à exemplaire, ses démarches cubistes. une exposition surréaliste, nous som- tout académisme, à toute recette, à Miro prospecte les frontières des rêves mes encore loin sans doute de la ré- toute sclérose, qu'on avait tenté l'aven- et en ramène des poèmes limpides. ceptivité fiévreuse qui accueillera la ture. Dali jouxte le surréalisme et poursuit grande Exposition du Surréalisme de 1948, organisée par Eduardo Wester- La revue Dau al Set, dont le but ses voyages fantastiques avec une dé- était de créer une certaine documen- sinvolture aussi calculée que provo- dahl, fondateur et é d i t e u r de la Gaceta de Arte. Le critique Cirlot, tation de pensée, de réflexion, était cante. publiée, parfois en clandestinité, par membre de Dau al Set, résumait Mais ces quatre artistes avaient dé- ainsi l'influence s u r r é a l i s t e sur la les soins de Tharrats de 1948 à 1955; serté leur pays et avaient choisi Paris jeune peinture espagnole : «Quelques mais, dès 1950. Antonio Tapies part comme port d'attache à peu près per- jeunes artistes, entre 1947 et 1951, pour Paris, puis pour New York où manent. En Espagne même, l'art de ont suivi une esthétique que l'on peut l'attendait un grand succès : Tapies notre siècle ne pénétrait que par le situer entre Ernst et Klee, avec une a été le premier du groupe catalan à cubisme hésitant de Vasquez Diaz et prédominance de ce dernier . . . Du profiter de l'élan initial et à s'affir- de Francisco Cossio : les implications point de vue de l'idéologie générale, mer sur le marché international. géométriques de leurs œuvres refu- on prend ici en considération ce que Tapies demeure un contemplatif, saient sans doute le naturalisme tri- le surréalisme a affirmé ou découvert porté à exploiter les effets de textures vial de la peinture académique des (l'automatisme, la métaphore nou- et de surfaces dans les cadres d'un années 1900-1940, mais aucune ori- velle, la valorisation des rêves, les coloris émanant de la matière p;ctu- ginalité plastique ne s'affirmait avec techniques a r t i s t i q u e s ) , sans tenir rale elle-même; de mystérieux graffiti grande chaleur. L'impétuosité avait compte de ses négations». viennent illuminer ses compositions déserté l'Espagne, du moins dans le de signaux magiques qui leur donnent monde de la peinture . . . En 1953, une grande exposition une polyvalence étrange : derrière la internationale d'art abstrait se tient f"-o;deur souvent brutale de cet art Le tournant 1948 à Santander, et à Ténériffe s'ouvre le dépouillé, on devine, on ressent un À partir de 1945 toutefois, le sur- musée d'art abstrait. En 1955, un immense apaisement de la matière, réalisme de Klee, Ernst, Picabia nouveau groupe se forme dans l'héri- du cosmos, de la nature. Les «murs» éveille dans la jeune génération de tage de Dau al Set, le Taull, rassem- s'animent d'une imagerie interne, im- nouvelles préoccupations : le surréa- blant les noms de Tapies, Tharrats, plicite, s'accrochant aux discrets si- lisme se présentait aux peintres espa- Cuixart, Guinovart... gnaux, avec une densité telle qu'on gnols impatients de révélations et de en oublie toute la palpitation, tout le découvertes comme une voie royale Ecole de Barcelone: «Dau al Set» frémissement, toute la sensibilité, der- dc la libération tant espérée des aca- L'École de Barcelone se développait, rière la réduction des techniques et démismes lourds, des exercices folk- à partir de 1948. autour de la revue des gestes. Tapies réussit une concré- loriques, des plagiats à peine déguisés. Dau al Set, éditée par Juan José tisation de la peinture, dans un refus On ne voulait pas nécessairement re- Tharrats. Le poète Juan Brossa y dé- intransigeant de tout intellectualisme, nier toutes les traditions d'enracine- fendait la possibilité de lier à des tra- de toute convention, de toute littéra- ment, tous les héritages accumulés, ditions folkloriques bien assimilées des ture. Il établit une psychanalvse de mais on voulait se projeter dans des ouvertures radicales sur les valeurs la matière qui révèle une ambiguïté expressions rajeunies, neuves, où le caractéristiques d'un siècle en ebulli- troublante, celle du signe qui ne veut lyrisme naturel et explosif de l'âme tion : sa pensée, anti-bourgeoise et plus jouer le jeu; chez Tapies, le espagnole pourrait dérouler en toute quelque peu révoltée, était tempérée signe tend à exister en soi, et non plus liberté ses incantations impulsives. par la présence de l'historien de l'art en relation avec un système de sym- 18
Ci-contre: Manolo MILLARES. bole, d'évocation : l'extrapolation es- du devenir». On y indiquait les voies Cuadro 153. 1961. Huile. 28%" thétique s'absente de cet art du con- artistiques s'ouvrant devant les pein- x 23Vi" (73,25 x 60 cm). Pierre cret, de l'univoque. tres qui avaient vécu ces heures hé- Matisse Gallery, New York. Les somptueuses conjugaisons des roïques de l'Epagne prenant con- noirs et des ors a pendant quelques science du surréalisme d'abord, puis Ci-dessous: Julio GONZALES. années fait l'intérêt des toiles de Cui- dc l'art abstrait. Et l'Espagne se sou- (1876-1942). Homme cactus no xart. On y remarquait aussi des re- venait ainsi de cette présence orien- liefs d'une belle qualité. Cuixart ne tale de la contemplation des mystères I. 1939-40. Bronze. Hauteur : dédaignait pas à l'occasion la provo- en territoire ibérique, depuis des siè- 251/2" (65 m). Musée des Beaux- cation, son audace et son lyrisme rap- cles. Arts de Montréal. pelant l'ancêtre Goya, et ses tech- Joan Ponce était déjà depuis un niques précieuses évoquant un héri- bon moment parti pour le Brésil, tage de Velasquez. La dramatisation après avoir partagé les anxiétés et les picturale parfois baroque et souvent découvertes, les fièvres et les joies romantique de Cuixart se déroule, im- de la première équipe de Dau al Set, prévisible, et s'exprime dans des cata- qui se métamorphoserait en 1955 en lyses apparentées à l'alchimie. le groupe Taull, et, en 1961, en un Le dernier numéro de la revue Dau nouveau groupe autour de la galerie al Set (la septième face du dé : ex- Gaspar : telles sont les trois étapes pression éminemment surréaliste), en de ce qu'on appelle l'École de Bar- 1955, marquait la fin de l'aventure, celone, et qui possède comme anima- du groupe, et s'intitulait «Esthétique teur central Tharrats. M) ' ' vW— \ ï i 19
Ce groupe, autour de la Sala Gaspar, lise la pierre, le bois, le fer, séparé- de Barcelone, mais a dû renoncer à nous intéresse particulièrement parce ment ou tout ensemble, et les pro- devenir architecte, à cause de la révo- qu'il représente les espoirs les plus jette dans un contexte inédit : les lution civile d'abord, puis à cause de fascinants de la jeune peinture espa- trouvailles de formes, l'élégance du la guerre mondiale. Attiré par l'art gnole. On y a publié une série de geste, le sens naturel d'un dramatique contemporain qui se faisait hors de petits livres. «O figura», dont le pre- contenu et retenu, l'exploitation verti- l'Espagne, mais qu'on n'y connaissait mier rendait hommage à l'œuvre de gineuse d'un langage rigoureusement à peu près pas, Tharrats entreprend Velasquez, de la part des artistes plastique dans des cadres d'une fan- d'accumuler une documentation de contemporains. Un deuxième titre, taisie inépuisable, l'étonnante force plus en plus considérable, qui devient consacré à Vilacasas, nous révèle d'expression des matériaux, telles sont une révélation fantastique pour le cette étrange peinture dont le thème quelques qualités du jeune sculpteur groupe en formation Dau al Set : la principal se déploie en variantes de Subirachs, vedette de la nouvelle fa- revue, qu'éditera Tharrats sous le villes vues d'avion : l'eau, la terre, mille de Barcelone, celle de la Sala même nom, contribuera principale- les réseaux de circulation, les acci- Gaspar. ment à la mise en marché du nouvel dents de terrains, tout entre dans ces art espagnol. En 1948, Tharrats a compositions à la fois lyriques et sé- Tharrats trente ans et il se donne pour mission vères. L'urbanisme enfin y devient un d'ouvrir l'Espagne à l'art de Kandisky, grand art ! Les mêmes préoccupa- En mai 1962, Juan José Tharrats de Mondrian, de Klee, des surréa- tions terriennes se retrouvent dans les exposait en même temps des tapis- listes- Le régime franquiste soup- aigiles et terres cuites de Vilacasas. series à New York, des sculptures et çonne d'abord des activités subver- Un autre livre de la même collec- des bijoux à Londres, des tableaux sives dans ce mouvement Dau al Set, tion nous fait connaître un des sculp- et des maculaturas à Montréal. Thar- mais bientôt on décide de tolérer teurs les plus généreux et inventifs rats est né à Gerona en 1918; il a sous surveillance les ébats artistiques que je connaisse : Subirachs II uti- étudié à l'École des Arts appliqués de jeunes anarchistes . . . 20
Picasso même était à peu près in- connu en Espagne jusqu'à la publi- cation du « Picasso » de Pellicer, en 1946. Miro vivait en solitaire à Ma- jorque, depuis 1940, et ce n'est qu'en 1947 qu'il sera révélé aux artistes espagnols par Joan Prats. Tharrats avait donc fort à faire pour accomplir sa mission ! Ce temps et ces énergies qu'il consacrait à poursuivre sa do- cumentation, à organiser un groupe, à déployer une énorme patience et une attentive lucidité dans son esprit cri- tique, Tharrats les dérobait à son oeuvre personnelle de peintre. Une première phase se développe, celle de la vague surréaliste. Tous les jeunes peintres espagnols, entre 1947 et 1950, sont plus ou moins surréalistes. Mais Tharrats n'est pas satisfait de cette première ouverture : son lyris- me naturel de pur catalan l'incitait à chercher dans la peinture abstraite une zone d'expression plus libérée qui conviendrait mieux à son fougueux tempérament. Tharrats a longtemps sacrifié sa propre oeuvre pour mieux servir d'animateur à la nouvelle peinture es- pagnole : maintenant qu'elle se trouve en plein élan, il s'occupera un peu plus de lui-même. Depuis 1950, il a tenu dc grandes expositions à Barcelone, Stockholm, New York, Zurich, Lau- sanne, Sao Paulo, Venise, etc. Plu- sieurs de ses toiles, de ses bijoux évoquent de prestigieux fonds marins où les lumières tissent des textures miroitantes, des transparences délica- tes, des velours humides; où des per- les, des pierres précieuses acquièrent Page ci-contre, à gauche de haut en bas : MILLARES : Cuadro 138A. Huile 1961. 5lV4" x 64" (130 x 163 cm); Pierre Matisse Gallery, New York. Juan Joseph THARRATS. Icare. Huile. 1961. 32" x 39" (81,50 x 99,35 cm). Collec- tion particulière, Montréal. TAPIES. Composition. 1959. Huile. 27" x 29Vi" (68,80 x 75,15 cm). Galerie Dresdnere, Montréal: à droite: Modest CUIXART. Peinture objet. 1958. Collection de M. René P. Métras, Barcelone Ci-dessus : TAPIES. Ocre sur gris vert. 1959- Huile. 51" x 32" (130 x 81,50 cm). Collection de Marcelle et Gérard Beaulieu, Montréal. Ci-contre: GON- ZALES. Le couple. 1927-9. Bronze (pièce unique). Hauteur: 3Vi (8cm), longueur: 7Vi" ('9 cm); Collection de Walter Carsen. Toronto. 21
une présence magique, d'une étonnan- juguent avec générosité dans des bra- te qualité. La plupart des récentes celets, des broches, des bagues qui dé- compositions de Tharrats nous offrent gagent on ne peut mieux la beauté des danses d'astres, des tempêtes si- des matériaux et l'ingéniosité de l'ar- dérales, des tourbillons de nébuleu- tiste. ses. Viennent s'ajouter des sculptures, « Jusqu'à présent, je n'ai pas fait des lithographies, des maculaturas : beaucoup de sculpture : ce mode « Il s'agit en somme de collages, mais d'expression m'intéresse pourtant et dans un sens un peu particulier. De- m'attire de plus en plus. Dans les puis ma jeunesse, les arts graphiques prochains mois, je compte bien com- me fascinent et je m'attardais sou- mencer à travaiiler sérieusement les vent à construire, en partant d'épreu- pierres, et surtout les ardoises. J'ai ves de bouts de papiers, des mon- déjà fait quelques compositions en tages improvisés. Dans la revue métal, mais c'est l'ardoise que j'aime- Dau al Set, qui connaissait parfois rais maintenant aborder. La sculp- des tirages aussi limités que 50 exem- ture me permettra de réussir une meil- mm ' • ' ' / • • ' J *kmt*pi./!r - •• ; M • i 1 fi .r 11 • ' . • ri u • _~J»r*i plaires, je prenais plaisir à insérer leure intégration de mon monde plas- de ces maculaturas » tique. D'ailleurs, je me suis toujours Une qualité de l'oeuvre de Tharrats intéressé à tout ce qui se rattachait se trouve dans sa versatilité, dans à l'art plastique : mises en page et l'exigence qu'il manifeste à poursuivre arts graphiques, décors et costumes, de multiples expériences. Ses bijoux tapisseries et tissus imprimés, faïences allient la finesse attentive de l'artisan et émaux, gravures et maculaturas, Haut de la page: THARRATS. Petit peinture et sculpture ». soigneux à l'audace inventive du dres- magasin d'astres. 1961. Composition seur de mondes et répondent ainsi Le sens cosmique particulier à un d'objets. Sala Gaspar, Barcelone; ci-des- aux grandes chorégraphies astrales de Tharrats se comprend sans doute dans sus : Joan VILACASAS. Planimetria. ses tableaux dans un registre opposé, la perspective apocalyptique de saint 1960. 76i/2" x 51" (195 x 130 cm). celui du microcosme. Pierres pré- Jean : « Je vis un nouveau ciel et Sala Gaspar, Barcelone. cieuses, perles, métaux nobles se con- une nouvelle terre, car le premier ciel 22
et la première terre avaient disparu, et L'École de Madrid la mer n'était p l u s . . . » Tharrats veut en somme métamorphoser les Près de dix ans après le Dau al Set réalités naturelles en poèmes, et sa de Barcelone, se développait le groupe discipline fondamentale en est une de El Paso à Madrid. On n'y possédait création du monde, où les espaces des pas l'héritage historique de Barcelone, astres et des mers se confondent dans dans le courant de l'art contemporain: l'oeuvre lumineuse de liberté, lieu à Barcelone en effet, le jeune Picasso d'une exploration poétique émerveil- faisait ses premières armes, aux lée. Cet art revendique pour l'aven- « Quatre Gats ». El Paso s'établis- ture esthétique, une dimension spiri- sait en marge du courant parisien de tuelle qui fait heureusement oublier « l'art informel », et en marge du cou- les conditionnements d'une civilisa- rant américain. de l'action painting. tion mécanique, matérialiste. L'artiste Les quatre peintres les plus importants a peut-être toujours eu pour fonction de cette école de Madrid sont Mil- de sauver l'homme de la barbarie... lares, Feito, Canogar, Saura. $LJL\0 Ci-contre, haut : Luis FEITO : Peinture 158. 1959. 39%" x 39V4" (100 x 100 cm). Collection de Gérard Beaulieu, bas : FEITO. Peinture. 20" x 28" (50,95 x 71,30 cm). Collection du Dr Paul La- rivière; ci-dessus de haut en bas : Ma- nuel RIVERA. Metamorfosis 1961. Fil de fer et cadre d'aluminium. 39Vi" x 28%" (100 x 73.25 cm). Antonio SAU- RA. Diotima. 1960. Huile. 63%" x 51V4" (162,40 x130,50 cm). Pierre Ma- tisse Gallery. New York. VILACASAS. Planimetria 60. Eau-forte. 9%" x 19Vz" (25 x 30 cm) Galerie Dresdnere. 23 **&:W*:
Manolo M illares avait d'abord fait un cyclone de passion, en une énergie dc Madrid ont obligé les critiques des paysages réalistes, puis de nom- cosmique éternelle . . . Ce besoin irré- espagnols à faire des distinctions dans breuses recherches dans les chemins pressible de s'exprimer, de participer l'abstraction : dramatique, romantique surréalistes. Peu à peu se dévelop- aux grandes énergies de l'univers, vers ou géométrique, tellement ce mouve- pait chez lui une magie des lignes et l'expansion totale ou vers la concen- ment devenait dynamique. Les gran- des couleurs, une poésie des formes tration dynamique ». des expositions internationales rap- qui l'incitaient à glisser d'un surréalis- Malgré un retard considérable, mal pellent, chaque année, la présence me de plus en plus dépouillé à un art gré le régime franquiste. l'Espagne diversifiée et passionnée des peintres non-figuratif où les éléments de la retrouve cette dramatisation picturale espagnols. composition tendent à s'équilibrer. de Greco, de Goya, et l'expression La sculpture, dont le sort se main- Puis, de nouvelles matières se joignent fiévreuse de grandes sources créatri- tient plus ou moins en parallèle avec aux pâtes : pièces de bois, jutes, mor- ces libère les secrets remous où celui de la peinture, s'impose à l'at- ceaux de tissus cousus en surface. Les s'agitaient les exorcismes d'un lourd tention mondiale surtout, et parado- couleurs se dépouillent vers les zones silence. Le « magicisme plastique » xalement, par le nom de Julio Gon- du noir, du blanc, du gris, des ocres. dont parlait Cirlot, dans le courant de zalez, un des pionniers les plus signi- Les récentes œuvres de Millares cons- Luis Bunuel ou de Salvador Dali, est ficatifs de la sculpture nouvelle, mort tituent des expressions extrêmes, sans devenu, grâce aux groupements de à peu près inconnu en 1942. Gonza- doute brutales, mais fascinantes et Barcelone et de Madrid, un mouve- lez s'attachait à « construire avec l'es- d'une lucidité presque insoutenable, ment d'une générosité et d'une diver- pace comme s'il s'agissait d'un maté- dans ce monde inépuisable de l'art sité qui l'apparentent à notre nouvelle riau », et il a signé dans le métal des abstrait. peinture canadienne : nous avons con- oeuvres irréductibles. Avec les héri- Luis Feito avance sur la voie de nu les mêmes naissances, les mêmes tiers de Gonzalez nous sommes loin l'austérité et de l'ascétisme : sa tech- évolutions. S'ils conservent une nette de la renaissance catalane de 1910. nique se dépouille de plus en plus, avance, c'est qu'il possèdent un héri- dans le sillage de Maillol : les ré- vers les noirs, les rouges, les blancs, et tage qui nous fait défaut. centes expériences d'Eduardo Chi lida. des reliefs apparaissent, cratères de de José Subirachs, de Martino Chi- lumières ou de drames : « Je creuse L ' a v e n i r d e la rino nous font oublier parfois les vers les racines, jusqu'à ce que je peinture espagnole oeuvres d'un Gaudi ou d'un Cargallo, trouve mon chemin de lumière ou et nous permettent de rêver à un mer- dc ténèbre. Et l'espace se crée, où Depuis quinze ans, un public tou- veilleux avenir pour l'art plastique je pénètre, en violant son silence, en jours grandissant s'intéresse en Espa- espagnol, en si bonne santé. lui arrachant son mystère ». Feito gne aux expositions d'art abstrait, Catalane ou castillane, la nouvelle possède une imagination tournée vers mais les collectionneurs sont encore peinture espagnole tend vers des re- l'intérieur, qui tient de la contempla- en bonne part de tendance moins ac- cherches de matières fortement tac- tion, mais de la contemplation par- tuelle. Un peu comme dans tous les tiles. Deux noms peuvent assez net- fois violente. autres pavs. la civilisation y subit des tement représenter les deux Espagnes: Rafael Canogar a étudié avec Vas- crises d'uniformisation, et les nou- l'ascétisme ardent et fixe de Tapies, quez Diaz la composition géométri- veaux équilibres sont difficiles à bâtir. dont les « murs » lézardés nous li- que dont se souvient encore ses œu- Les jeunes peintres se livrent tout vrent les secrets signaux de leurs vres récentes malgré sa technique naturellement aux expériences non- graffiti inépuisables et Millares, avec informelle. Très souvent, ses tableaux figuratives, mais Tharrats nous expli- l'absurdité concrète de ses trouées, de contiennent un axe fort d'où s'échap- quait qu'ils copient et transposent les ses vides, de ses torsions de la ma- pent des espaces légers en des tons oeuvres de la génération précédente tière, du jute, de la pâte. Le sens soutenant la dominante. Pour le mo- plus souvent qu'ils créent vraiment s'impose d'une beauté en creux, d'une ment, cette
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