Voyage au coeur des collections - Le Devoir

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Voyage au coeur des collections - Le Devoir
| CAHIER SPÉCIAL D | LES SAMEDI 9 ET DIMANCHE 10 MARS 2019

MUSÉES

 Voyage au cœur                    Cultures du monde et arts décoratifs, sculptures, mobilier et objets du
                                   quotidien, design, arts graphiques, dessins, étampes, peintures d’hier
                                   et d’aujourd’hui… les collections permanentes des musées québécois

 des collections
                                   regorgent de trésors, œuvres d’artistes québécois, canadiens et inter-
                                   nationaux à découvrir et redécouvrir. Visite guidée.
Voyage au coeur des collections - Le Devoir
D 2                                                                                                              MUSÉES — LE DEVOIR, LES SAMEDI 9 ET DIMANCHE 10 MARS 2019

MUSÉE M C CORD

Faire dialoguer les collections
                                                                                        Le Musée McCord ouvre chaque                 je me rapproche du processus du
                                                                                        année ses collections perma-                 perlage, dans la manière de placer,
                                                                                        nentes à une artiste en résidence.           de répéter et d’accumuler », souligne
                                                                                                                                     l’artiste d’ascendance Kanien’kehá :
                                                                                        Hannah Claus explique ce que lui             ka (mohawk) devant sa création.
                                                                                        a inspiré la réserve de l’établisse-            De l’autre côté de la pièce, cer-
                                                                                        ment avec l’exposition C’est pas             tains des objets, dont les détails ont
                                                                                                                                     été photographiés pour son installa-
                                                                                        pour rien qu’on s’est rencontrés.            tion, sont exposés dans une vitrine.
                                                                                        Le Devoir est allé la voir alors             Le programme Artiste en résidence
                                                                                        qu’elle mettait la dernière touche           de l’établissement muséal, lancé en
                                                                                        à ses installations, dévoilées               2012, semblait tout indiqué pour elle.
                                                                                                                                     Parmi ses sources d’inspiration figu-
                                                                                        ce week-end.                                 rent les cosmogonies autochtones,
                                                                                                                                     particulièrement celle des Mohawks,
                                                                                        ETIENNE PLAMONDON EMOND                      qui l’amène à remettre en question
                                                                                        Collaboration spéciale                       notre perception linéaire du temps,
                                                                                                                                     de l’espace et de la mémoire. « Les
                                                                                                                                     objets du Musée McCord ne sont

                                                                                        H    annah Claus venait de terminer
                                                                                             le montage d’un mobile qui
                                                                                        évoque les châles por tés dans cer-
                                                                                                                                     pas figés dans le passé et restent
                                                                                                                                     contemporains dans une culture vi-
                                                                                                                                     vante, obser ve-t-elle. C’est bien de
                                                                                        taines danses lors des pow-wow. Sur          les faire sortir pour qu’ils respirent
                                                                                        chaque corde sont enfilés plusieurs          un peu, de prendre des images de
                                                                                        petits disques, sur lesquels sont im-        choses qui sont sous verre et de les
Hannah Claus, Souvenir apprentissage oubli, 2019, cire d’abeille                        primées les photographies de motifs          arranger pour que ce soit animé. »
MARILYN AITKEN                                                                          perlés qui se trouvent sur des objets
                                                                                        de la collection des cultures autoch-        Des archives aux artefacts
 Ce cahier spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir,     tones du Musée McCord. Les brode-            « C’est toujours surprenant, ce qu’ils
  grâce au soutien des annonceurs qui y figurent. Ces derniers n’ont cependant          ries de perles constituent depuis des        font dire aux objets », dit Guislaine
 pas de droit de regard sur les textes. La rédaction du Devoir n’a pas pris part à la   siècles un moyen d’expression im-            Lemay, conser vatrice Cultures
                           production de ces contenus.                                  por tant dans la culture iroquoise.
                                                                                        « Dans mes sculptures suspendues,            VOIR PAG E D 4 : M C CO RD

                                                                                                                 Romain Guilbault

                                                                                                                                                                               Romain Guilbault
                                                           Alain Vandal

                 NOUVEAU SPECTACLE MULTIMÉDIA                                                                                              pacmusee.qc.ca
                                                                                                                                           350, place Royale, Vieux-Montréal
                                                                                                                                           (Québec) H2Y 3Y5

                 DÈS CE PRINTEMPS
Voyage au coeur des collections - Le Devoir
MUSÉES — LE DEVOIR, LES SAMEDI 9 ET DIMANCHE 10 MARS 2019                                                                                                              D 3

MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL

Dialogue sur l’identité culturelle

                                                                                                                                                         Vue de
                                                                                                                                                         l’exposition
                                                                                                                                                         Connexions :
                                                                                                                                                         notre diversité
                                                                                                                                                         artistique
                                                                                                                                                         dialogue avec
                                                                                                                                                         nos collections
                                                                                                                                                         au Musée des
                                                                                                                                                         beaux-arts de
                                                                                                                                                         Montréal
                                                                                                                                                         DENIS FARLEY MBAM

En attendant l’ouverture en novembre de la nouvelle aile des cultures du               mexicaine Nuria Car ton de Gram-           tion traditionnelle avec des paillettes
monde et du vivre-ensemble, le Musée des beaux-arts de Montréal                        mont, spécialiste de l’art contempo-       et de la mousse de polystyrène.
                                                                                       rain latino-américain. Elles ont de-       Mais, plutôt que de peindre des oi-
(MBAM) braque les projecteurs sur sept artistes émergents issus de la di-              mandé à 21 migrants de leur présen-        seaux, l’ar tiste représente des in-
versité culturelle. Avec l’exposition Connexions : notre diversité artistique          ter un objet ayant une valeur particu-     sectes rampants qui imitent l’appa-
dialogue avec nos collections, le musée présente sept œuvres contempo-                 lière dans leur processus de migra-        rence d’autres insectes afin de se
raines remettant en question la notion d’identité culturelle.                          tion et ont établi un dialogue entre       fondre dans leur environnement
                                                                                       les objets contemporains présentés         pour tromper leurs prédateurs ou
                                                                                       par les participants et les objets de la   leurs proies. »
HÉLÈNE ROULOT-GANZMANN                      du corps dans l’expression des iden-       collection du Musée afin de mettre
                                            tités culturelles.                         l’accent sur l’histoire de leur périple.   Remettre en question le
Collaboration spéciale
                                               « Je m’intéresse à tout l’aspect du        « Nous avons également deux ar-         discours muséal dominant
                                            mouvement de la performance inhé-          tistes d’origine chinoise, ajoute          À l’issue de l’exposition, ces sept œu-

I  ls sont sept. Sept ar tistes émer-
   gents, nés ici ou ailleurs, vivant ici
ou installés ailleurs, mais ayant tous
                                            rent à l’art classique africain, précise
                                            Mme Hubert. Lorsqu’on présente des
                                            masques dans un musée, ce mouve-
                                                                                       Laura Vigo, conser vatrice de l’ar t
                                                                                       asiatique du MBAM. Hua Jin insiste
                                                                                       sur le sacrifice environnemental, cul-
                                                                                                                                  vres entreront dans la collection du
                                                                                                                                  Musée et seront présentées dès le
                                                                                                                                  mois de novembre dans la nouvelle
un lien avec le Canada. Ils ont des ori-    ment est perdu. On se retrouve avec        turel et spirituel que la Chine impose     aile des cultures du monde et du vi-
gines en Chine, au Sri Lanka, au            une présentation de masques sans le        au nom du développement écono-             vre-ensemble, dans le pavillon Ste-
Mexique, au Kenya ou encore en Li-          costume, statiques, qui ne sont            mique. L’artiste s’inspire des porce-      phan Crétier et Stephany Maillery.
bye. Et leurs œuvres sont empreintes        qu’un fragment de la création artis-       laines chinoises du Musée et de               « Elles apporteront un nouveau re-
de cette identité multiple qu’ils vivent    tique originelle. »                        leurs décors bleu cobalt pour créer        gard sur la culture d’ailleurs, indique
et sur laquelle ils réfléchissent.             Pour son œuvre intitulée Lost in        douze assiettes qui jettent un pont        Laura Vigo. Les œuvres que nous
   « Nous leur avons proposé un dia-        Display, l’ar tiste a ainsi choisi des     entre le passé et le présent. Chaque       avons dans notre collection nous
logue avec notre collection des cul-        masques de la collection et en a fait      assiette illustre un motif traditionnel,   viennent pour la plupar t des pre-
tures du monde, raconte Erell Hubert,       des modèles 3D. Il a par ailleurs créé     imprimé au laser puis estompé et dé-       miers collectionneurs canadiens, qui
conser vatrice de l’art précolombien        des chorégraphies qu’il a filmées, et      coloré. Tout en évoquant la tradition      n’avaient jamais mis les pieds en
au MBAM. Cela représente 10 000             en réalité vir tuelle a fait por ter les   chinoise, cette décoloration met en        Orient. Ils regardaient cela de ma-
pièces environ. Chacun en a choisi          masques aux danseuses.                     évidence les notions de disparition et     nière fantasmagorique, ils créaient
une ou un groupe, d’autres ont plutôt          « Il redonne du mouvement aux           de transformation. »                       cette idée de l’Orient charmant, mys-
préféré travailler de manière plus          masques pour recréer le concept                                                       térieux. Les œuvres qui sont arrivées
conceptuelle. L’idée, c’est de s’inspirer   d’origine, poursuit Erell Hubert, qui                                                 au Musée n’étaient même pas consi-
de nos œuvres, pour la plupart issues       précise qu’il ne s’agit cependant pas      « L’idée, c’est de s’inspirer              dérées comme des œuvres d’art dans
d’un répertoire classique, afin de les      de danses de l’époque. Il ne travaille     de nos œuvres [...] afin                   leur pays d’origine. »
regarder autrement et de faire ainsi        pas comme le ferait un anthropo-           de les regarder autrement                     Pour Erell Huber t, il s’agit de
dialoguer les cultures.»                    logue. Il s’agit d’une création pure-      et de faire ainsi dialoguer                poursuivre le dialogue à long terme.
                                            ment artistique. »                                                                    De faire entrer des voix plus contem-
Un fragment de la création                                                             les cultures »                             poraines afin de démontrer que le
artistique originelle                       Préoccupations                                                                        discours muséal dominant jusqu’à
Brendan Fernandes est né à Nairobi          contemporaines                             Quant à Karen Tam, elle s’inspire          aujourd’hui n’est pas le seul possible.
en 1979. Il vit aujourd’hui à Chicago.      Parmi les autres artistes, on retrouve     elle aussi des porcelaines chinoises          « Il y a différentes façons d’être en
Dans sa pratique artistique, il utilise     la Montréalaise d’origine libyenne         du Musée, mais pour dénoncer de            relation avec les objets, conclut-elle.
souvent des objets africains issus des      Ar wa Abouan, qui avec son œuvre           manière ironique les lieux com-            Les objets anciens ont une résonance,
musées. La perte des traces de leur         Sans chez-soi explore la transmission      muns et l’idée que l’Occident en gé-       une per tinence dans le monde
provenance soulève en lui des ques-         des connaissances par les femmes, les      néral et le Canada en particulier se       contemporain, dans le questionne-
tions quant à leur authenticité et met      préjugés en général et le supposé obs-     font de la « chinitude ».                  ment identitaire. Ils ne sont pas sim-
en lumière leur passé colonial.             curantisme musulman en particulier.           « Au début du XVIIIe siècle, afin de    plement relégués à l’historique, mais
   L’artiste établit ainsi une analogie        L’œuvre Objets personnels est pour      satisfaire à la demande occidentale,       ils permettent de comprendre les rela-
entre leur histoire et son propre par-      sa par t le fruit d’une collaboration      la Chine fabriquait des pièces dans le     tions dans le présent.»
cours d’ar tiste canadien d’ascen-          entre l’ar tiste d’origine argentine       style japonais Imari, raconte
dance kenyane et indienne. Mais             Maria Ezcurra, qui explore souvent         M m e Vigo. Les sept vases à triple        CONNEXIONS : NOTRE DIVERSITÉ
Fernandes est aussi un ancien dan-          les conséquences mentales, phy-            gourde conçus par Tam s’inspirent          ARTISTIQUE DIALOGUE AVEC NOS
seur de ballet classique, et il s’inté-     siques et émotionnelles du déplace-        des porcelaines de ce genre dans no-       COLLECTIONS
resse depuis toujours à l’importance        ment, et l’historienne d’art d’origine     tre collection. Elle imite la décora-      Jusqu’au 23 juin 2019
Voyage au coeur des collections - Le Devoir
D 4                                                                                                             MUSÉES — LE DEVOIR, LES SAMEDI 9 ET DIMANCHE 10 MARS 2019

Faire parler la culture autochtone                                                                                                  conservatrice, cette dernière va explo-
                                                                                                                                    rer la réserve pour trouver des objets
                                                                                                                                    qui vont soutenir un propos. Les ar-
                                                                                                                                    tistes vont plutôt y repérer une « inspi-
                                                                                                                                    ration fondamentale », remarque-t-elle.

MCCORD                                                                                                                              « C’est une tournure différente et ça
                                                                                                                                    apporte un regard très différent. »
                                                                                                                                       C’est dans la collection des cultures
SU ITE DE L A PAGE D 3                                                                                                              autochtones, qui compte plus de
                                                                                                                                    16 400 artefacts, qu’Hanna Claus a dé-
autochtones au Musée McCord, au                                                                                                     niché des objets perlés dont elle a uti-
sujet des artistes en résidence. Elle                                                                                               lisé les motifs dans son mobile, mais
remarque qu’ils s’attardent parfois à                                                                                               aussi dans des montages photogra-
des artefacts auxquels les employés                                                                                                 phiques aux effets kaléidoscopiques.
de l’établissement n’accordent un in-
térêt que dans une perspective de re-                                                                                               Montréal, territoire mohawk
cherche, sans jamais penser les dé-                                                                                                 La membre de T yendinaga, une
voiler au grand public.                                                                                                             communauté mohawk de l’Ontario, a
   Au moment d’accueillir son artiste                                                                                               ainsi fermé une boucle : lorsqu’elle a
en résidence, le Musée McCord lui fait                                                                                              déménagé à Montréal au début de la
toujours visiter l’ensemble de la ré-                                                                                               décennie 2000, elle s’était arrêtée au
serve, où sont entreposées les six col-                                                                                             Musée McCord, où l’exposition À la
lections permanentes de l’établisse-         Hannah Claus, Châle de danse pour la Femme du Ciel, 2019, tirage numérique sur film    croisée des chemins : le perlage dans la
ment : celle de peintures, estampes et       transparent, fil, colle, miroir en Mylar                                               vie des Iroquois montrait ce type
dessins, celle de costumes, mode et          MARILYN AITKEN                                                                         d’objets. « J’étais tellement contente
textiles, celle des cultures autochtones,                                                                                           de voir ça, se rappelle-t-elle. Pour
celle d’arts décoratifs, les archives pho-   des phrases écrites de cette façon.         logue avec un registre. Si on avait à      moi, Montréal c’est vraiment le terri-
tographiques Notman, ainsi que les ar-       C’était un nouveau système pour eux et      montrer notre propre registre, voilà       toire mohawk. Et c’était comme un
chives textuelles. Ce sont ces der-          ils s’étaient sans doute sentis isolés      peut-être à quoi il ressemblerait. »       beau bonjour pour venir ici. »
nières qui ont d’abord piqué la curio-       dans les communications. »                    Hannah Claus s’est ensuite tournée          Jusqu’au 11 août prochain, ce sont
sité d’Hannah Claus. Elle a consulté les        Cette impression l’a menée à créer       vers d’autres collections, dont celle      ses œuvres que l’on pourra admirer
cartes, manuscrits et registres concer-      une œuvre réalisée à l’aide de cou-         des arts décoratifs et celle des cul-      entre les murs de l’établissement. «Le
nant la traite des fourrures. Mais très      vertures, sur lesquelles des épingles       tures autochtones. « Au début, je m’in-    titre que j’ai donné, C’est pas pour rien
vite, elle a été confrontée à un vieux       en cuivre forment des symboles as-          quiétais, parce que je me disais qu’il     qu’on s’est rencontrés, c’était un peu les
français écrit dans une ancienne calli-      sociés à des wampums. « Je vois l’ex-       n’y avait pas de thématique, que les       choses qui se mettent en place, sans
graphie difficile à déchiffrer. « Tout ça    position comme étant un dialogue            choses étaient trop dif férentes les       qu’on sache pourquoi, et pour les-
m’aliénait, exprime-t-elle. J’étais frus-    avec les objets de la collection, dit-      unes des autres », dit-elle. Mais c’est    quelles on fait les liens après. » Des
trée en voyant les pages et j’ai pensé       elle. Ce ne sont pas des cartes ni des      justement ce qui fait la fraîcheur de la   liens qui, assurément, nous incitent à
aux Autochtones qui devaient faire af-       pages et il n’y a pas de mots, mais en      démarche des artistes en résidence,        voir les objets des collections du Mu-
faire avec les Français, les Anglais et      même temps, pour moi, c’est un dia-         selon Guislaine Lemay. Comme               sée d’une nouvelle manière.
Voyage au coeur des collections - Le Devoir
MUSÉES — LE DEVOIR, LES SAMEDI 9 ET DIMANCHE 10 MARS 2019                                                                                                                 D 5

MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONT-SAINT-HILAIRE

Un mont et des merveilles
« Saint-Hilaire, c’est certainement une des villes au Québec où il y a le plus de créateurs de tous
les horizons, qui y résident et qui y créent », déclare André Michel, lui-même peintre et sculpteur,
fier résident de cette municipalité de la Montérégie. Passionné de grands espaces et de culture
amérindienne, né à Avignon en 1945 avant de s’installer au Québec en 1970, il est surnommé
également « l’homme qui plantait des musées ».

                                                                                                                                        ner. Elles doivent être signées par
                                                                                                                                        des artistes qui ont été touchés par
                                                                                                                                        Saint-Hilaire, qui y ont habité ou qui
                                                                                                                                        ont peint les lieux. J’ai déjà refusé
                                                                                                                                        des œuvres de Guido Molinari et de
                                                                                                                                        Claude Tousignant : j’aime leur tra-
                                                                                                                                        vail, mais ça ne correspondait pas à
                                                                                                                                        notre mission. »
                                                                                                                                           Il y a tout de même un défi à faire
                                                                                                                                        cohabiter dans un même espace trois
                                                                                                                                        grands artistes de générations diffé-
                                                                                                                                        rentes, un contraste esthétique qui
                                                                                                                                        pourtant attire chaque année entre
                                                                                                                                        13 000 et 15 000 visiteurs, certains cu-
                                                                                                                                        rieux d’admirer leurs œuvres, d’au-
                                                                                                                                        tres de découvrir là où Leduc et Bor-
                                                                                                                                        duas ont vécu. Car entre le grand
                                                                                                                                        peintre des lieux de culte et l’instiga-
                                                                                                                                        teur du manifeste Refus global, pre-
                                                                                                                                        mier signal en 1948 d’une Révolution
                                                                                                                                        tranquille à venir, il y avait plus qu’un
                                                                                                                                        lieu de résidence en commun, mais
                                                                                                                                        une réelle amitié, un respect mutuel.

                                                                                                                                        « Contrairement à
                                                                                                                                        d’autres institutions,
                                                                                                                                        nous n’acceptons pas toutes
                                                                                                                                        les œuvres que l’on veut nous
                                                                                                                                        donner. Elles doivent être
                                                                                                                                        signées par des artistes qui
                                                                                                                                        ont été touchés par Saint-
                                                                                                                                        Hilaire, qui y ont habité ou
                                                                                                                                        qui ont peint les lieux. »

                                                                                                                                        Pour André Michel, «ce sont trois ar-
                                                                                                                                        tistes complémentaires », eux qui ont
                                                                                                                                        décoré des églises, et servi d’inspira-
Vue de l’exposition Rétrospective Michel Bourguignon, affichée jusqu’au 13 mars au Musée des beaux-arts de Mont Saint-Hilaire           tion pour les générations d’artistes qui
MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONT-SAINT-HILAIRE                                                                                              les ont suivis. D’ailleurs, bien avant le
                                                                                                                                        fameux 1 %, cette politique culturelle
A N D R É L AVO I E                           catalane, a choisi de s’y installer. « Je      sée à Saint-Hilaire pourrait susciter      qui intègre des œuvres d’art aux édi-
Collaboration spéciale                        trouvais anormal qu’il n’y ait pas de          l’intérêt, et convaincre l’ancien maire    fices publics et gouvernementaux, le
                                              musée pour mettre régulièrement                de la ville, Honorius Charbonneau —        fougueux Jordi Bonet savait déjà s’im-
                                              leurs œuvres en valeur », précise ce-          qui a déjà détenu le titre de maire        poser dans les universités et les hôpi-

A    vant de jeter les bases de ce qui
     allait devenir le Musée des
beaux-ar ts de Mont-Saint-Hilaire
                                              lui dont la démarche artistique est im-
                                              prégnée de ses rapports complices
                                              avec les peuples autochtones. Mais
                                                                                             étant resté le plus longtemps en
                                                                                             poste au Québec. En deux mois, on a
                                                                                             reçu 15 000 visiteurs, et ce fut le le-
                                                                                                                                        taux, mais il demeure à jamais lié à
                                                                                                                                        l’imposante murale qui orne le foyer
                                                                                                                                        du Grand Théâtre de Québec.
(MBAMSH) en 1995, André Michel                se consacrer à son univers personnel           vier nécessaire pour trouver l’argent         On pourra d’ailleurs en explorer
avait déjà développé une expertise,           ne l’a jamais empêché de célébrer ce-          et construire le Musée. »                  le processus d’élaboration dans le
à Sept-Îles avec la création du Musée         lui des autres.                                                                           cadre de la prochaine exposition es-
du Vieux Poste en 1975 suivi du Mu-              Ce musée, aussi sur nommé les               Distincts, mais complémentaires            tivale du MBAMSH consacrée à Bo-
sée régional de la Côte-Nord en 1985,         Muséales et regroupant sous la                 Deux décennies plus tard, le               net, qui se tiendra du 2 juin au
et finalement du Musée du peuple              même direction générale les maisons            MBAMSH compte 620 œuvres dans              29 septembre 2019. « On soulignera
innu en 1998. Par la suite, s’établir à       d’Ozias Leduc et de Paul-Émile Bor-            ses réser ves, en majorité de Jordi        à la fois le 40 e anniversaire de sa
Saint-Hilaire, c’était en quelque sorte       duas, ainsi que la Maison amérin-              Bonet, mais aussi d’Ozias Leduc et         mort et le 50e anniversaire de la mu-
côtoyer trois grands ar tistes au-            dienne (pourvue d’un conseil d’admi-           de Paul-Émile Borduas. Le travail          rale », déclare fièrement André Mi-
jourd’hui dispar us, mais « qui ont           nistration indépendant du MBAMSH,              d’acquisition demeure un défi pour         chel, ayant mis la main sur des
marqué l’histoire du Québec et du             et entièrement composé de membres              chaque musée, dont pour les musées         ébauches de béton que Bonet a pré-
Canada » : Ozias Leduc (1864-1955),           de cinq communautés autochtones),              régionaux, mais selon André Michel,        sentées à l’architecte Victor Pr us
Paul-Émile Borduas (1905-1960) et             a d’abord pris racine… dans un cen-            les lignes directrices étaient claires à   pour le convaincre de se lancer dans
Jordi Bonet (1932-1979).                      tre commercial. « En 1993, j’ai monté          la fondation, et le demeurent.             cette grande aventure artistique qui
  Les deux premiers y sont nés et y           là une grande exposition consacrée à           « Contrairement à d’autres institu-        a aussi fait couler beaucoup d’encre.
ont passé une par tie de leur exis-           Jordi Bonet, se souvient André Mi-             tions, nous n’acceptons pas toutes         Et tout cela a un peu pris sa source
tence, tandis que le dernier, d’origine       chel. Je voulais démontrer qu’un mu-           les œuvres que l’on veut nous don-         à Saint-Hilaire.
Voyage au coeur des collections - Le Devoir
D 6                                                                                                       MUSÉES — LE DEVOIR, LES SAMEDI 9 ET DIMANCHE 10 MARS 2019

L’histoire exposée en permanence
De Gatineau à la Gaspésie, les collections permanentes des musées regorgent de trésors

MARIE-HÉLÈNE ALARIE
Collaboration spéciale

Grande et petite
histoire de Montréal
Compte tenu de la richesse de son
histoire, Montréal regorge de mu-
sées historiques et, dans ce domaine,
Pointe-à-Callière fait office de figure                                                                                                            Exposition
de proue puisqu’il est en lui-même                                                                                                                 350 ans
un site historique et archéologique.                                                                                                               de pratiques
Visiter l’exposition Ici a été fondée                                                                                                              artistiques
Montréal, c’est marcher sur un sol                                                                                                                 au Québec
de verre surplombant les vestiges du                                                                                                               du Musée
fort de Ville-Marie.                                                                                                                               national
  Le Musée des Hospitalières pré-                                                                                                                  des beaux-arts
sente une exposition qui relate la folle                                                                                                           du Québec
entreprise de Jeanne Mance : fonder                                                                                                                IDRA LABRIE
Ville-Marie avec Paul de Chomedey                                                                                                                  MNBAQ
de Maisonneuve, et doter la ville d’un
hôpital, l’Hôtel-Dieu de Montréal. De      jourd’hui la vie quotidienne au           nal qui a fait rayonner Montréal avec    d’archives relatant les temps for ts
plus, cette année, deux nouvelles œu-      XVIIIe siècle tandis que, à la Maison     plus de 50 millions d’entrées et des     de l’histoire, ceux qui aident à com-
vres viennent enrichir la collection du    Saint-Gabriel, on peut admirer le mo-     pavillons de 62 pays.                    prendre le Québec d’aujourd’hui.
musée, des toiles de Pellan et de Met-     bilier artisanal et différentes collec-                                            De son côté, La colonie retrouvée ex-
sys et la crypte où reposent les restes    tions de peintures, de broderies et de    Québec, capitale                         pose les artefacts trouvés sur le site
de Jeanne Mance et de six cents hos-       sculptures des XVIIIe et XIXe siècles.    de la Nouvelle-France                    archéologique Car tier-Rober val,
pitalières sera également ouverte au          Des premiers peuples à la moder-       Québec… Là où tout a commencé !          emplacement de la toute première
public du 24 mars au 5 mai.                nité, le Centre d’histoire de Montréal    Et le Musée de la civilisation est là    colonie française en Amérique,
  Construit sous le régime français,       couvre les temps anciens et ceux un       pour nous le rappeler. L’exposition      soixante ans avant l’ar rivée de
le Château Ramezay est un témoin           peu plus proches de nous, comme           Le temps des Québécois regroupe          Champlain. Une invitation à revisi-
privilégié de la ville. On y expose au-    Expo 1967, un événement internatio-       plus de 375 objets et documents          ter l’histoire apprise à l’école !

     Partez à l’aventure
     et retrouvez
     les jouets égarés !
                                                                                         DE RNIÈ RE
                                                                                             CHANCE!

                                                           EXPOSITION ARS 2019
                                                                      7M
                                                           JUSQU’AU 1
Voyage au coeur des collections - Le Devoir
MUSÉES — LE DEVOIR, LES SAMEDI 9 ET DIMANCHE 10 MARS 2019                                                                                                                                                                      D 7
   L’Îlot des Palais est lui aussi un site                                                                                                                                presque dire que c’est à Kamouraska
historique et archéologique qui pré-                                                                                                                                      qu’a été inventée la villégiature au
sente dans ses caves voûtées du                                                                                                                                           Québec, et son Musée régional en
XVIIIe siècle une exposition immer-                                                                                                                                       rend compte dans l’exposition Pren-
sive: mapping au sol, projections et 3D                                                                                                                                   dre les eaux à Kamouraska.
sont au rendez-vous pour ce voyage
dans la vie de ce lieu qui a vu la Brasse-                                                                                                                                ... Et autres rivières
rie Jean Talon, les Palais de l’Intendant,                                                                                                                                Le Musée des beaux-ar ts de Sher-
les prisons, les Magasins du Roi et la                                                                                                                                    brooke met en avant les ar tistes
brasserie Boswel. Mais bien avant que                                                                                                                                     de la région dans l’exposition Es-
les Français ne débarquent, les Hurons-                                                                                                                                   paces et paysages. Des œuvres tra-
Wendat occupaient le territoire. Le Mu-                                                                                                                                   ditionnelles, contemporaines ou
sée Huron-Wendat de Wendake nous                                                                                                                                          actuelles imaginent les panoramas
parle d’une culture toujours vivante à                                                                                                                                    des Cantons-de-l’Est.
travers une collection d’objets qui pro-                                                                                                                                      À Trois-Rivières, le Musée POP
pose au visiteur d’en explorer les terri-                                                                                                                                 possède plus de 100 000 ar tefacts.
toires, les mémoires et les savoirs.                                                                                                                                      Comme il est impossible de tout ex-
   Tout juste sous la terrasse Dufferin                                                                                                                                   poser, trois grandes vitrines propo-
se cache une crypte archéologique qui                                                                                                                                     sent les trésors cachés de la collec-
témoigne de ce que fut la résidence of-                                                                                                                                   tion. Une rotation régulière du
ficielle et le siège du pouvoir des gou-                                                                                                                                  contenu per met de découvrir un
verneurs de 1620 à 1834: le lieu histo-                                                                                                                                   grand nombre de ces richesses.
rique national des Forts-et-Châteaux-                                                                                                                                         À l’ouest cette fois, du côté de Gati-
Saint-Louis. La visite s’effectue à l’aide                                                                                                                                neau, le Musée canadien de l’histoire
de dispositifs technologiques de pointe.                                                                                                                                  retrace la grande histoire du Canada
   Si l’école des Ursulines existe en-                        Vue de l’exposition permanente Révélations de L’Îlot des Palais, à Québec                                   en dix-huit récits : des événements,
core aujourd’hui, c’est peut-être                             L’ÎLOT DES PALAIS                                                                                           des personnages et des courants his-
grâce à la petite révolution pédago-                                                                                                                                      toriques, tout ce qui a façonné le Ca-
gique qui a eu lieu en ses murs au                            versaire, le musée inaugure cinq                                  Gaspésie nous parle de la mer et de       nada de la préhistoire à aujourd’hui.
XIXe siècle. En effet, l’établissement                        nouvelles salles consacrées aux col-                              ses bateaux. Le grand large, c’est            On traverse la rivière des Ou-
était bilingue et multiconfessionnel,                         lections d’ar t ancien et moder ne.                               l’histoire de la Gaspésie à travers       taouais et on se retrouve à Ottawa
et tous les champs d’études y étaient                         Sont ainsi mises en valeur quelque                                quinze voiliers : drakkars vikings, ca-   aux portes du Musée des beaux-arts
mis en valeur. L’exposition L’Acadé-                          600 œuvres d’ar tistes qui ont mar-                               nots de haute mer micmacs et gaspé-       du Canada. Ici, les collections sont
mie des demoiselles présentée au Pôle                         qué l’histoire de l’art au Québec.                                siennes. De son côté, le Musée régio-     gigantesques, et de nombreuses ex-
culturel du Monastère des Ursulines                                                                                             nal de Rimouski fait se côtoyer ar t      positions permanentes mettent en lu-
raconte ce pensionnat parmi les plus                          Le long de la grande                                              contemporain et histoire régionale.       mière leurs joyaux d’art canadien et
prestigieux d’Amérique du Nord.                               voie d’eau…                                                       C’est le même concept qui prévaut au      autochtone.
   Près de 350 ans d’art s’exposent au                        Porte d’entrée de la Nouvelle-France,                             Musée du Bas-Saint-Laurent, où l’on           À travers les expositions perma-
Musée national des beaux-ar ts du                             le Saint-Laurent a lui aussi toute une                            mêle volontiers art moderne et pho-       nentes des musées, des siècles d’his-
Québec et, pour fêter son 85 e anni-                          histoire à raconter. Le Musée de la                               tographie ethnologique. On peut           toire nous contemplent…

                                                                                                                                                                                                 Kent Monkman, Les papas, 2016.
                                                                                                                                                                                Collection de Christine Armstrong et Irfhan Rawji.

    ([SRVLWLRQMXVTX·DXPDL
    Cette exposition itinérante a été produite par l’Art Museum de l’Université de Toronto en partenariat avec le Musée d’art
    du Centre de la Confédération, Charlottetown, et a été réalisée en partie grâce au gouvernement du Canada, au Conseil
    des arts du Canada et au Conseil des arts de l’Ontario. Commanditaire principal : Fondation Donald R. Sobey
Voyage au coeur des collections - Le Devoir
D 8                                                                                                                                                                                  MUSÉES — LE DEVOIR, LES SAMEDI 9 ET DIMANCHE 10 MARS 2019

                            DE L’ARCHÉOLOGIE À L’ART CONTEMPORAIN,
                       TANT D’OCCASIONS DE VISITER LA COLLECTION DU MUSÉE !

                  ART
                  QUÉBÉCOIS
                  ET
                  CANADIEN

                                                                                                                                                                                                              ART
                                                                                                                                                                                                              INTERNATIONAL

                  ARCHÉOLOGIE
                  ET CULTURES
                  DU MONDE

                                                                                                                                                                                                              ARTS
                                                                                                                                                                                                              DÉCORATIFS
                                                                                                                                                                                                              ET DESIGN

      Présentant plus de 4 000 œuvres réparties dans 5 pavillons, la collection du MBAM est l’une des plus importantes au Canada. Impressionnante par son
      ampleur et sa diversité, elle regorge d’œuvres exceptionnelles des plus grands artistes de tous les courants tels Rodin, Matisse, Renoir, Riopelle, Tiffany,
      Basquiat, Chihuly, Thomson, Rembrandt, Pellan et Borduas. Parcours thématiques, activités famille, visites guidées, films, conférences et concerts,
      venez (re)découvrir la collection !

                                                                                                                                                                                   DEVENEZ

                                                                                                                                                                                   Visitez gratuitement et en priorité d’accès toutes
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      Plan directionnel interactif – Audioguides – Parcours thématiques – Activités culturelles                                                                                    d’une foule d’avantages ! mbam.qc.ca/vip

      Le Musée remercie le ministère de la Culture et des Communications du Québec, le Conseil des arts de Montréal et le Conseil des arts du Canada pour leur soutien constant.
      Art québécois et canadien, art international, arts décoratifs et design : Photos © Marc Cramer I Archéologie et cultures du monde : Photo Denis Farley
      © Successions Jean-Paul Riopelle, Louis Archambault, Yves Gaucher, Jacques Hurtubise, Guido Molinari, Serge Lemoyne et Jean McEwen / SOCAN (2019)
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