NUMÉRISATION DE L'ÉCONOMIE EN PROVENCE-ALPES-CÔTE D'AZUR - E1
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ACTION
E1
JUIN 2017
NUMÉRISATION DE L’ÉCONOMIE
EN PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR
NUMÉRISATION DE L’ÉCONOMIE EN PACA I JUIN 2017 / ACTION E1 1
2 NUMÉRISATION DE L’ÉCONOMIE EN PACA I JUIN 2017 / ACTION E1
SOMMAIRE
SYNTHÈSE ..................................................................................................................... 5
Introduction .................................................................................................................................... 5
Impact et enjeux de la conversion au numérique de l’économie régionale ................................ 6
Freins et réticences ........................................................................................................................ 9
Atouts et leviers pour la numérisation de l’économie en région
Provence-Alpes-Côte d’Azur ........................................................................................................ 10
ÉTAT DES LIEUX………………………………………………………… ............. …………14
Revue de littérature - Synthèse .................................................................................................... 14
Cadrage statistique de l’emploi numérique en Provence-Alpes-Côte d’Azur .......................... 25
AUDITIONS D’EXPERTS .............................................................................................. 32
Impact de la numérisation sur les métiers et la formation ........................................................ 33
Importance et impact des données dans la transformation numérique .................................... 36
Le Big data dans tous ses états ................................................................................................... 38
L’écosystème d’accompagnement à la transformation numérique ........................................... 42
Un secteur dans la transformation numérique : le BTP .............................................................. 45
ÉTUDES DE CAS ........................................................................................................ 53
Synthèse des études de cas ......................................................................................................... 54
Comptes-rendus des études de cas ........................................................................................... 56
NUMÉRISATION DE L’ÉCONOMIE EN PACA I JUIN 2017 / ACTION E1 3
4 NUMÉRISATION DE L’ÉCONOMIE EN PACA I JUIN 2017 / ACTION E1
SYNTHÈSE les outils de traitement et transmission de l’infor-
mation (à partir des années 50). L’introduction
INTRODUCTION des technologies du numérique ouvre une ère de
transformation des organisations, et plus globa-
Qu’entend-on par numérisation de l’économie ? lement de la société, dans laquelle la création de
Et à quelle réalité cela renvoie-il quand on est un valeur serait liée à la valorisation d’actifs immaté-
acteur économique en région Provence-Alpes- riels (les données) et des services associés aux
Côte d’Azur, professionnel, chef d’entreprise ou produits (économie de la fonctionnalité). Au re-
d’association du secteur numérique, organisme gard des dynamiques d’investissement dans le
paritaire ou observatoire des métiers ? Cette secteur du numérique au niveau mondial (capita-
étude exploratoire croise des éclairages complé- lisation boursière des GAFA, rachats et concen-
mentaires (revue de littérature, cadrage statis- tration financière, levées de fond des start-
tique, audition d’experts, études de cas) pour ups…), il est clair que le déplacement des leviers
apporter des éléments de réponses quant à l’im- de croissance est engagé. En ce qui concerne les
pact et aux enjeux de la conversion au numérique modes de production, de distribution et de con-
des entreprises en région Provence-Alpes-Côte sommation des biens et services, l’innovation ap-
d’Azur, et identifier certains atouts et leviers pré- paraît souvent comme radiale, ou disruptive,
sents en région. c’est-à-dire à même de bouleverser les modèles
Un terme est revenu à plusieurs reprises : dans et les acteurs en place, par exemple avec l’appa-
les milieux qui agissent sur ce sujet, on parle plus rition de plateformes d’intermédiation qui vien-
volontiers de « digitalisation » de l’activité des nent capter une partie de la chaîne de valeur
entreprises (étant entendu que « digital » signifie d’une filière.
« numérique » en anglais). Ce néologisme traduit Du point de vue des entreprises, la révolution nu-
une appréhension globale et quelque peu abs- mérique pose d’abord la question de l’appro-
traite de mutations qui impactent le tissu écono- priation et de la mobilisation des nouvelles
mique régional à l’instar de l’ensemble de technologies. Selon les modalités d’adaptation,
l’économie française, et qui concernent toutes la « numérisation » aura donc des impacts diffé-
les fonctions des entreprises. renciés sur les modes de production et sur les
La numérisation est d’abord une révolution tech- modèles économiques. Un des experts audition-
nologique inscrite dans l’élan de l’automatisation nés l’affirme clairement : « il n’y a pas de modèle
de la production, initiée pour les activités ma- pouvant décrire la transformation numérique des
nuelles de type industriel dans les chaînes de PME, c’est du cas par cas ».
production, puis dans les activités administra- Partant de ce constat, il serait vain de chercher à
tives par les technologies de l’information et de décliner un nouveau modèle économique en
la communication (TIC). Ce mouvement d’auto- émergence, d’une part en raison de la diversité
matisation des gestes et raisonnements routi- des configurations, d’autre part parce que la re-
niers de l’activité productive se poursuit et cherche d’un « one best way » est antagoniste à
s’amplifie par les technologies numériques et la flexibilité des technologies de l’information et
leurs potentialités de traitement des données in- de leurs agencements qui conduit à un perpétuel
formatisées produites de façon croissante (le fa- renouvellement des modèles économiques.
meux « Big data »). Et c’est bien là un des enseignements majeurs
Pour le système productif, le numérique apparaît des auditions à propos de la transformation nu-
ainsi comme un nouveau vecteur porteur d’une mérique des entreprises : au-delà de la question
quatrième révolution industrielle comme technologique, cette dernière passe par un chan-
l’avaient été pour les révolutions industrielles gement global de paradigme en matière de stra-
précédentes le charbon (fin du XVIIIe siècle), tégie de développement.
l’électricité et le pétrole (fin XIXe), le nucléaire et
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L’enjeu est important pour les chefs d’entreprise demeure attractive pour des profils très quali-
dont la fonction est justement de projeter l’évo- fiés ;
lution de leur organisation pour assurer la soute- • Enfin des écosystèmes prennent progressive-
nabilité d’un modèle d’affaire. Il relève du défi ment forme et permettent la mise en relation
pour des entreprises traditionnelles qui sont dé- entre structures publiques et privées, mais
stabilisées par la vitesse des transformations et aussi la « coopétition » entre entreprises d’une
sont confrontées à une différence de rythme même filière sur un mode collaboratif ainsi que
entre le temps des affaires et celui du numérique. l’ouverture des organisations sur leur environ-
Alors que l’objectif est celui de la création de va- nement.
leur (réalisation de chiffre d’affaire), la « numéri-
sation » des activités met les entreprises en IMPACTS ET ENJEUX DE LA CONVER-
situation de tension face à l’introduction d’inno- SION AU NUMÉRIQUE DE L’ÉCONOMIE
vations plus ou moins maîtrisées. Il y a un déca- RÉGIONALE
lage temporel périlleux entre des évolutions de
marchés chamboulés par des « new comers » de La transformation numérique ou digi-
type plateforme et le temps de réaction et tale : l’importance de la technologie
d’adaptation des entreprises plus traditionnelles
L’entretien conduit auprès d’un des leaders de la
pour transformer leurs organisations. Il existe
machine-outil agricole implanté en région a per-
également des facteurs de fragilisation des pro-
mis de comprendre la filiation entre robotisation
cessus productifs stabilisés par des innovations
et numérisation d’un modèle économique. De-
introduites par tâtonnement pour des nouvelles
puis le plan pour la robotique agricole jusqu’à la
technologies qui reconfigurent autant les activi-
production de logiciels dédiés, le numérique
tés de base (approvisionnement, fabrication,
s’est imposé tant dans la production que l’orga-
vente) que les activités supports (RH, R&D, infras-
nisation de l’entreprise. Les produits de la
tructures…).
gamme sont tous connectés, ce qui modifie la re-
Face à ces enjeux, de quelles ressources dispose lation client avec une gestion à distance des
la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur pour as- biens vendus, une gestion prédictive des pannes.
surer la transition numérique de son économie ? Les incidences portent aussi sur l’organisation de
• D’abord, comme l’a montré le cadrage statis- l’entreprise avec une relation facilitée entre ses
tique, il y a en région un secteur du numérique différents sites d’implantation et sur la politique
ancré localement en pleine vitalité (activités interne de formation des revendeurs et utilisa-
support de type infrastructures et production teurs devenue centrale dans l’offre de services
de logiciels, activités développeuses telles que déployée.
la communication et le e-commerce) ; Une audition auprès d’acteurs du BTP en région
• Ensuite selon les résultats de l’étude de l’Ob- a mis en exergue l’impact de l’introduction des
servatoire Régional des Métiers1, on constate technologies numériques dans un secteur tradi-
que la région dispose de formations adaptées tionnel encore peu engagé dans la transforma-
aux nouvelles technologies dont il s’agit d’élar- tion numérique. La technologie « BIM » pour
gir la gamme et l’accès ainsi que d’assurer Building Information Modeling, est en effet au
l’adaptation permanente en lien avec les pro- cœur du Plan de Transition Numérique du Bâti-
fessionnels du secteur du numérique. La ré- ment impulsé en 2014 avec l’objectif d’accélérer
gion dispose également de salariés qualifiés et le déploiement des outils numériques à l’échelle
1
http://www.orm-paca.org/Les-metiers-du-numerique- http://telecharger.region-
en-region-PACA-Quels-besoins-en-competences-et-en paca.fr/files/d64a50fe9e63b7be244b29b78a7cb7ae/Ca-
drageStat_E1_EcoNum_VF.docx
6 NUMÉRISATION DE L’ÉCONOMIE EN PACA I JUIN 2017 / ACTION E1
de l’ensemble du secteur du bâtiment. Le BIM l’activité interne de l’entreprise ou des compor-
s’incarne dans une maquette numérique qui per- tements des utilisateurs des produits et services,
met le travail et la collaboration entre les diffé- pour en extraire de la valeur en orientant au
rents intervenants d’un projet de construction. mieux ses activités.
Encore peu usité, ce processus de production
tend à se répandre notamment dans la com- Un changement de paradigme pour
mande publique. Les enjeux de l’introduction du les stratégies de développement
BIM dans la filière du bâtiment sont multiples. En La révolution numérique en cours impacte globa-
termes d’automatisation des échanges d’infor- lement les stratégies des entreprises qui vont à
mation, cette nouvelle technologie induit une présent s’écrire en intégrant ces nouveaux fac-
perte de maitrise sur les processus de travail, que teurs de production que sont infrastructures, lo-
ce soit dans le choix des supports ou des maté- giciels et données numériques. Toutefois, le
riaux. Le catalogage nécessaire de ces supports degré d’incrémentation du numérique va diffé-
et matériaux donne l’avantage aux leaders du rencier l’ampleur des transformations : les trajec-
marché par rapport aux artisans par exemple qui toires des entreprises peuvent s’inscrire dans la
recourent plus habituellement à des matériaux continuité des compétences accumulées ou bien
locaux mais n’ont pas la même capacité à les ré- bifurquer totalement pour s’adapter à de nou-
férencer, les intégrer dans une base de données. velles contraintes ou opportunités de marché.
L’enquête auprès d’un hôtelier de la Côte d’Azur Dans un cas comme dans l’autre, la stratégie de
révèle aussi cette transformation du métier par développement se doit de conserver la cohé-
l’introduction des nouvelles technologies. La rence du portefeuille d’activité.
gestion des réservations par des plateformes nu- Ce point de vue est clairement exprimé par les
mériques est devenue incontournable mais se représentants de la chambre des métiers et de
fait au prix d’une perte de connaissance directe l’artisanat régionale. En effet, dans ces entre-
de la clientèle. Il y a bien un « détour numé- prises fréquemment uni-personnelles ou de très
rique » dans la chaine de valeur pour réaliser les petite taille, l’introduction de technologies nu-
activités traditionnelles de l’hôtellerie qui sont mériques s’inscrit de fait dans une démarche
également concurrencées par les offres alterna- stratégique globale. Le chef d’entreprise doit
tives développées grâce à l’outil numérique (Air pouvoir définir dans quelle mesure l’outil numé-
BnB, plateformes saisonnières…). La réaction de rique est adapté ou pas à son projet d’évolution.
cette entreprise traditionnelle a été de s’appro- En fonction du type d’activité plus ou moins spé-
prier l’outil numérique pour reprendre la main et cialisée et concurrentielle, il n’y aurait donc pas
proposer des nouveaux services s’appuyant sur de passage « obligé » par la numérisation. Si pas-
les fonctions de l’hôtellerie (réception lingerie, sage il y a, alors il s’agit d’abord d’identifier quel
restauration…) développées à la location saison- bout de la chaine de valeur est impacté, soit en
nière. amont dans l’approvisionnement, soit au cœur
Les auditions réalisées auprès d’acteurs majeurs du processus de production, soit en aval dans la
du numérique en région ont mis en évidence le relation avec les clients. La numérisation dépend
décalage entre les perspectives ouvertes par la donc de choix stratégiques et ciblés qui auront
transformation numérique et les perceptions des ensuite des conséquences techniques et organi-
secteurs traditionnels. Pour les acteurs du numé- sationnelles.
rique, la question de la technologie est déjà « dé- L’exemple d’un commerce de proximité de fro-
passée » car maîtrisée et les coûts d’équipe- mages ouvert par un ancien cadre de l’industrie
ments se sont réduits. Leurs interlocuteurs chez du numérique illustre a contrario comment les
leurs clients ne sont d’ailleurs plus tant les direc- technologies digitales permettent de déployer
tions des systèmes informatiques que les direc- des activités traditionnelles. Ainsi c’est à partir
tions marketing. Au-delà de l’organisation de des outils marketing associées aux réseaux so-
l’information, il s’agit d’être en mesure de fouiller ciaux que l’entrepreneur a construit un modèle
et d’analyser les masses de données, issues de
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économique avec des coûts de promotion/diffu- Deux enjeux stratégiques semblent partagés par
sion très réduits au lancement de l’affaire. La les entreprises qui s’orientent vers une stratégie
communication en ligne permet également d’en- de numérisation de leur activité. D’une part, les
visager le développement de nouveaux services questions d’inclusion et de formation des salariés
de type « click and collect » adaptés aux besoins sont incontournables, les niveaux d’appréhen-
des citadins. Pour autant, les autres fonctions de sion de ces changements et de maîtrise des ou-
la fromagerie s’inscrivent dans les méthodes clas- tils étant souvent hétérogène au sein d’une
siques de la filière d’approvisionnement. même organisation. D’autre part, les enjeux en
Face à l’introduction de nouveaux concurrents matière de sécurité émergent progressivement
qui tendent à faire « exploser » le marché et à des mais de façon cruciale. La multiplication d’infras-
changements réglementaires qui incitent les en- tructures logicielles, de plus en plus décentrali-
treprises à s’équiper, deux mots résument les en- sées, fait émerger des problématiques de
jeux pour les petites et moyennes entreprises sécurité lourdes. Et les besoins en termes de for-
selon le représentant d’un OPCA : mation pour y répondre sont importants.
• la stratégie : se développer par le numérique
Partenariats et accompagnement :
ou pas, et dans l’affirmative développer une
les clés du succès
démarche de gestion de projet sur le numé-
rique en identifiant un porteur de projet pour Tous les acteurs auditionnés ont évoqué la né-
cibler l’accompagnement ; cessaire ouverture de l’entreprise sur son envi-
• la culture : entrer complétement dans l’ère du ronnement (fournisseurs, clients, écosystèmes
numérique et dans un processus de transfor- locaux) et l’appui sur des partenariats pour enga-
mation/amélioration permanente. ger une transition numérique. Les partenariats
d’innovation (« coopétition ») se développent et
Placé au cœur d’une stratégie de développe-
posent notamment des questions en termes de
ment, le numérique est un facteur de différencia-
réglementation des marchés publics.
tion car il peut potentiellement agir sur
l’optimisation des processus internes, la relation Pour les acteurs du numérique, les notions d’or-
client et l’innovation. L’acculturation de l’entre- ganisation ouverte et de partenariat sont ins-
prise à ce changement technologique passe éga- crites dans l’ADN de leurs activités. Ayant une
lement par une transformation de l’organisation. étape d’avance dans la maîtrise des outils et
Pour les acteurs du numérique, l’introduction des technologies, qu’ils s’efforcent malgré tout de
technologies numériques implique de repenser continuer à développer par la R&D, ils favorisent
totalement l’organisation pour mettre en place en effet les lieux d’interaction mettant en œuvre
un management plus horizontal et des modes de des outils et méthodes afin de maximiser la va-
travail collaboratif. leur extraite des échanges.
L’exemple d’une entreprise d’assainissement en- Dans le secteur de l’artisanat, cette ouverture
quêtée dans le cadre de cette étude vient toute- peut être véhiculée par des partenaires comme
fois nuancer le propos. En effet, l’introduction l’expert-comptable ou les centres de formation
d’un outil de suivi des tâches a permis une amé- des apprentis vecteurs d’introduction des nou-
lioration de la productivité et des conditions de velles technologies. La mise en relation ou l’im-
travail ; le logiciel a été développé par une pres- mersion temporaire dans des espaces
tataire et est amélioré par les retours des salariés. collaboratifs internes, ou externes (tiers-lieux –
L’outil permet d’optimiser l’utilisation des maté- fab lab, coworking, …), lieux par excellence de la
riaux et des temps de travail et facilite la réalisa- culture numérique, permet également à des arti-
tion de certaines tâches. Cette transformation sans d’entrer en contact avec ce nouveau secteur
numérique du processus de production n’a pas afin de s’imprégner des méthodes et outils colla-
été accompagnée par une transformation de l’or- boratifs, d’intelligence collective et de créativité.
ganisation et du management. Dans l’entreprise de machine-outil, à l’image de
Pellenc, les liens avec l’extérieur ont également
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été essentiels au développement d’un modèle Ainsi, le manque de volonté managériale consti-
économique en perpétuel adaptation avec son tue souvent un frein à la transformation digitale
environnement. Les collaborations récurrentes des entreprises. Le profil du dirigeant, qui sera
avec des laboratoires et organismes de re- moteur dans cette évolution, est l’un des facteurs
cherche (CEA Grenoble, Ecole Polytechnique Fé- déterminant de cette évolution. Cela implique
dérale de Lausanne) ont permis de développer parfois un changement de casquette pour un ar-
de nouvelles machines-outils. Dans cette confi- tisan qui doit devenir chef d’entreprise en déve-
guration, le fournisseur, outre l’outil ou la ma- loppant une stratégie globale et bâtir une vision
chine qu’il fournit à son client, contribue de moyen terme.
également à l’acculturation de celui-ci à la transi- Les réticences éventuelles se trouvent aussi au
tion, par l’utilisation d’outils numériques ou for- sein des organisations. L’absence de culture par-
tement numérisés, aux fonctionnalités enrichies tagée des impacts du numérique sur la société
et parfois démultipliées. et les entreprises, ou le fait que cette transforma-
L’exemple de la plateforme numérique Agrilo- tion, transversale par nature, ne soit portée que
cal84 pour l’approvisionnement des établisse- par une minorité dans une organisation (les
ments publics par des producteurs locaux, est « geeks »), ou cantonnée à ses fonctions les tech-
plus particulier mais il illustre l’innovation dans la niques peut engendrer des résistances.
passation des marchés publics à partir une dé- De façon plus générale, ces mutations viennent
marche de partenariat qui repose sur la mobili- parfois heurter une culture française de l’entre-
sation de l’outil numérique et ses qualités prise calquée sur le modèle des plus grandes
évolutives. Agrilocal84 peut se définir comme un d’entre elles, très structurées et hiérarchiques, à
site de publication d’annonces légal qui permet l’inverse de modèles plus souples, participatifs
aux agriculteurs de répondre aux besoins des ou innovants.
établissements publics au fur et à mesure des
Le coût de l’introduction du numérique est éga-
mises en ligne et en fonction de leur propre pro-
lement fréquemment évoqué en tant que frein. Il
duction. Se créée ainsi une quasi place de mar-
s’agit des coûts d’équipement mais aussi des
ché virtuelle sur laquelle interagissent offreurs et
coûts de formation et de nouvelles dépenses en
demandeurs. Cette innovation repose sur l’initia-
temps ou en argent pour suivre les évolutions,
tive du département du Vaucluse auprès des col-
alimenter un site internet, ou encore s’adapter à
lègues pour les accompagner à changer leurs
une aire de chalandise augmentée par les mises
pratiques à la fois de passation de marché et de
en relation à travers les plateformes numériques.
restauration collective, et implique la chambre
d’agriculture auprès des producteurs locaux Par exemple, les architectes sont sensibilisés à
pour fournir une réponse adaptée aux con- l’introduction de la technologie BIM dans la fi-
traintes de ce type de clients. lière de la construction, mais le temps manque
parfois pour s’approprier l’outil. Dans l’hôtellerie,
FREINS ET RÉTICENCES l’introduction de services numériques a nécessité
(ORGANISATIONNELS, CULTURELS…) outre des investissements conséquents pour
équiper l’établissement, le recrutement d’un sa-
Face à la rapidité des transformations liées à l’in- larié dédié pour s’occuper de la communication
troduction des technologies numériques, les en réseau.
principaux freins identifiés sont de différentes na- La technicité engendrée par la numérisation des
tures. activités et le manque de compétences pour y
La nouveauté introduit un décalage génération- faire face sont des freins potentiels. Certains sys-
nel ou culturel dans l’appropriation des change- tèmes d’information, dont l’amortissement a été
ments, que ce soit par les salariés face à de prévu à long terme, font face à des attentes et
nouveaux outils, par les clients face à de nou- pratiques nouvelles (outils collaboratifs, réseaux
velles façons de répondre aux besoins, ou encore
par les dirigeants.
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sociaux, mélanges des usages personnels et pro- à celui observé à l’échelle de tous les établisse-
fessionnels), à l’évolution souvent rapide et la ments de la région (7.8).
conciliation des deux peut s’avérer délicate. En termes d’évolution, les tendances ne sont pas
Aussi, le risque de l’investissement, par l’immobi- les mêmes pour les salariés ou les établisse-
lisation de capital ou de ressources (outils, pro- ments. Ces derniers connaissent une croissance
cess, temps, moyens, …), sans certitude d’un de près de 5% à l’échelle régionale entre 2010 et
retour directement mesurable et maîtrisable sur 2015, notamment dans les Bouches-du-Rhône
cet investissement peut engendrer des réti- (6.2%) et les Alpes Maritimes (4.5%), où elle est
cences lorsqu’il s’agit d’engager une entreprise tirée par l’édition de logiciels et la publicité et la
sur le chemin de la numérisation. communication. Pour ce qui est des effectifs, le
En termes de risques, il faut ajouter les incerti- contraste entre les départements est plus mar-
tudes juridiques et réglementaires induites par la qué entre les Alpes Maritimes et les Bouches-du-
numérisation des activités économiques qui re- Rhône, qui croissent respectivement de 2% et de
met en cause les cadres conventionnels clas- 8.7%, et les autres qui perdent des effectifs, de -
siques dans lesquels elles s’exerçaient 5% (Var) à plus de -15%.
historiquement. La sécurité des infrastructures Si l’on replace cette dynamique dans un contexte
physiques et logicielles constitue également une national, le poids des établissements du numé-
préoccupation importante des entreprises. rique (4%) est plus élevé que dans la plupart des
autres régions. En termes d’effectifs, la région se
ATOUTS ET LEVIERS POUR LA NUMÉRI- place dans un groupe de région où le poids de
SATION DE L’ÉCONOMIE EN RÉGION ces effectifs est relativement élevé.
PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR En termes d’évolution, si la croissance des éta-
blissements est légèrement moins forte qu’au ni-
Un secteur du numérique en extension veau national entre 2010 et 2015, celle des
Poids et dynamique du secteur en région Pro- effectifs progresse plus vite (2.3% pour 0.9% en
vence-Alpes-Côte d’Azur moyenne). Certaines régions apparaissent ce-
La présence d’un tissu dynamique d’acteurs du pendant globalement plus dynamiques sur ce
numérique sur un territoire peut constituer un in- champ de l’économie : La Nouvelle Aquitaine,
dice du potentiel de transformation de son tissu les Pays de la Loire, l’Occitanie, Auvergne-
économique global. En effet, de par leurs com- Rhône-Alpes et Ile de France.
pétences, leur maîtrise des outils et technolo-
Le poids du secteur du numérique dans la région
gies, et leur culture des mutations qui sont à
est donc assez élevé, mais sa dynamique est re-
l’œuvre, ceux-ci constituent en quelque sorte des
lative au regard de celles observées dans
agents de la transformation numérique. Aussi
d’autres régions.
est-il utile de se pencher rapidement sur ce sec-
teur en Provence Alpes Côte d’Azur. Les perspectives de développement et
de diversification du portefeuille d’activité
Avec plus de 6 500 établissements employeurs et des acteurs du numérique, enzymes de la
près de 74 000 salariés privés en 20152, le « sec- transformation
teur numérique » compte pour 4% de l’ensemble Les perspectives de développement de l’activité
des établissements et pour près de 6% des effec- par le développement de nouveaux services et la
tifs salariés de la région. En moyenne, chaque diversification de leur portefeuille d’activité sem-
établissement du secteur numérique de la région blent fortes pour les acteurs du numériques.
accueille 11,2 salariés, ratio nettement supérieur
2
Pour la méthodologie, se référer à la note de cadrage
statistique figurant en annexe du présent rapport.
10 NUMÉRISATION DE L’ÉCONOMIE EN PACA I JUIN 2017 / ACTION E1Comme évoqué ci-dessus, les acteurs du numé- • Ainsi par exemple des entreprises comme :
rique maîtrisent les outils, les données, et les • France Labs (membre de Telecom Valley), qui
coûts d’équipement sont par ailleurs réduits avec édite des logiciels libres et des moteurs de re-
le temps. Ils sont dès lors en capacité de propo- cherche clé en main pour fouiller les données
ser aux entreprises dont ils hébergent les don- des entreprises;
nées de nouveaux services, que ce soit en
• Ennovia (hébergée par TVT), qui met à dispo-
direction des attentes des clients (B to C) ou des
sition de ses clients industriels des méthodes
besoins métiers (B to B), pour autant que la
et outils (ingénierie de maintenance ; analy-
pleine possession des outils et infrastructures lo-
tique et prédictif ; infrastructure et conseil IT)
gicielles ne soient pas stratégiques.
qui leur permettent d’améliorer les disponibili-
Ainsi par exemple des entreprises qui fournissent tés de leurs installations et d’en réduire ainsi
des services de « cloud ». Elles mettent à dispo- les coûts d’exploitation.
sition de leurs clients des capacités de stockage
Le rôle de ces écosystèmes et réseaux est donc
de données, de traitement et d’analyse. Mais au-
de générer les ressources (matérielles et imma-
delà, leur savoir et leurs compétences dans la
térielles) qui permettront à leurs acteurs de dé-
manipulation de ces masses de données, alliée à
velopper leur projets et activités : que ce soit par
la connaissance secteur ou métier de leurs clients
la mise à disposition ou le partage d’infrastruc-
permet également de développer de nouveaux
tures et d’outils, de méthodes et de services,
services, de nouvelles sources de valeur et ainsi
mais également par le transfert, induit par les in-
de nouvelles alliances (cf. le 1.3).
teractions qu’ils génèrent, de compétence, de
Les opérateurs Telecom sont quant à eux en me- connaissance, de culture.
sure, à partir de l’analyse des données qu’ils dé-
tiennent, de fournir des solutions répondant à Des enjeux de qualification
certaines des problématiques métier de leurs et d’attractivité
clients. Ainsi par exemple de Flux Vision, co-in-
La vitesse de déploiement des technologies nu-
novation d’Orange avec les professionnels du
mériques est spectaculaire et entraîne une
tourisme, qui permet de « convertir en temps
course d’adaptation à la fois pour les entreprises
réel des millions d’informations techniques pro-
et l’appareil de formation initiale et continue. En
venant du réseau mobile en indicateurs statis-
effet, une main-d’œuvre qualifiée est un enjeu
tiques ». Cela permet d’analyser les habitudes de
essentiel pour l’attractivité du territoire car il y a
déplacement, de consommation, la fréquenta-
une forte concurrence sur ces métiers, de la part
tion à des événements culturels et sportifs…
des régions capitales et adjacentes mais aussi de
Le rôle des réseaux et écosystèmes du numé- l’international. Si le territoire ne forme pas, il y a
rique dans l’accompagnement à la transfor-
mation risque « d’asséchement », il doit également être
Les réseaux et écosystèmes locaux, tels que ceux « attractif » en qualité de vie pour capter et fidé-
rencontrés lors des auditions d’experts (Telecom liser cette main-d’œuvre qualifiée.
Valley, « animateur de l’écosystème numérique Les résultats de l’étude Observatoire Régional
azuréen », et Toulon Var Technologies « Accom- des Métiers font ressortir des besoins en compé-
pagnement à l’innovation »), contribuent à la mu- tence difficiles à calibrer et évolutifs du fait des
tation vers une économie plus numérisée en ce transformations technologiques rapides, une
qu’ils accompagnent et font grandir des acteurs forte concurrence dans l’attractivité des formés,
qui seront eux-mêmes facteurs de transforma- des difficultés pour accéder à ces compétences
tion. Les entreprises natives du numérique ou pour les petites entreprises. L’offre de formation
fortement numérisées dans leurs outils ou ser- est donc non seulement à renforcer notamment
vices s’y trouvent en effet nombreuses, qui par par la participation des professionnels du numé-
leur activité et les services qu’elles proposent rique ; mais également à adapter afin d’éviter la
contribuent à accompagner leurs clients vers une fracture numérique entre petites et grandes en-
transition numérique.
NUMÉRISATION DE L’ÉCONOMIE EN PACA I JUIN 2017 / ACTION E1 11treprises. Les formations doivent être récur-
rentes, courtes, polyvalentes afin de suivre les
Les initiatives régionales soutenues par le
transformations numériques à l’œuvre…
PACTE
Dans le cas du secteur du BTP, la prise en main
d’un nouvel outil informatique nécessite plu- - Le projet ACDC de la région Midi-Pyrénées
sieurs heures de formation et de tests et implique et de la Communauté de communes Bas Cou-
donc de former les professionnels. Des initiatives serans met en place un dispositif de formation-
existent au niveau national pour appuyer la mon- action autour d’un chantier de construction/ré-
tée en compétence des professionnels, et déve- novation d’une maison de santé pluridiscipli-
lopper l’offre et les outils de la formation initiale naire à énergie positive, via l’utilisation de la
et continue au niveau local. Ainsi, le PTNB et le maquette numérique et du BIM.
PACTE (Programme d’action pour la qualité de la - Le projet BIMʼAura porté par la région Au-
construction et la transition énergétique) ont vergne-Rhône-Alpes et le Gipal Formation
lancé un appel à projet visant à soutenir des ini- (Groupement d’intérêt public de l’académie
tiatives d’acteurs régionaux. Dix dossiers, portés de Lyon) s’est fixé comme objectif de former
essentiellement par les structures régionales, ont 100 formateurs spécialisés : 50 pour les lycées,
été retenus et visent à accompagner les forma- 20 pour les filières bac STI2D et enfin 30 pour
teurs et enseignants et à mettre à leur disposition les filières BTS).
des supports pédagogiques adaptés au déve-
loppement d’une offre de formation des acteurs
- Le projet BIMʼOC porté par le groupement
Constructys et la FFB Occitanie qui consiste en
(voir encadré).
un accompagnement personnalisé d’entre-
Les enquêtes en entreprises ont montré que
prises PME et TPE vers la transition numérique
d’autres acteurs de branche agissent pour aider
afin de favoriser leur montée en compétence
les entreprises à s’équiper des qualifications né-
sur les volets organisationnel, managérial, mé-
cessaires : l’OPCA de l’hôtellerie (FAFIH), La fé-
thodes de travail et politique RH.
dération des Fromages de France.
Les enjeux en matière de formation sont éga-
lement fortement soulignés par l’association
TVT Innovation à Toulon. En effet le centre-ville
de Toulon se dynamise et tire parti de l’univer-
sité relocalisée en partie sur Toulon, d’écoles
comme l’ISEN ou encore Kedge avec des spé-
cialisations sur les filières numériques. Les for-
mations proposées sur le territoire permettent
de le rendre plus attractif et d’attirer de plus en
plus d’étudiantes et d’étudiants non « varois ».
Aujourd’hui beaucoup d’entrepreneurs ont été
formés sur le territoire et y restent pour la qua-
lité des réseaux proposés dans les étapes d’ac-
compagnement de leur entreprise mais aussi
pour le cadre de vie.
12 NUMÉRISATION DE L’ÉCONOMIE EN PACA I JUIN 2017 / ACTION E1ÉTAT DES LIEUX • « Rapport au Président du Conseil Supé-
rieur de la construction et l’efficacité éner-
REVUE DE LITTÉRATURE – SYNTHÈSE gétique et au Président du Plan Transition
Numérique dans le bâtiment », Mission
« Technology is the answer but… what was droit numérique et bâtiment, 2016.
the question ? » David Price
Propos d’experts
Le numérique est encore trop souvent perçu
• « Ce que signifie la transformation digi-
comme une révolution technologique alors
tale », série de 6 billets sur le blog #hyper-
qu’il s’agit d’une révolution systémique.
textual
Cette synthèse vient clore la première phase https://thehypertex-
de l’étude sur la transformation numérique. tual.com/2015/07/17/ce-que-signifie-la-
Elle a pour vocation première d’aider à la pré- transformation-digitale-le-passage-a-le-
paration des auditions d’expert et à la con- conomie-de-lapprentissage/
duite de celles-ci dans la phase 2 de l’action. • « La révolution Big Data », François Bour-
doncle, in « L’industrie est notre avenir »,
Sources bibliographiques Pierre Veltz et Thierry Weil, La Fabrique de
Le travail s’est appuyé sur une lecture partagée l’industrie, 2014.
de différentes sources bibliographiques au
sein desquelles on peut distinguer trois types.
Les notes de lecture des principaux rapports
sont fournies en annexe.
Documents/Rapports institutionnels
• « Le développement de l’économie numé-
rique en France », Corinne Ehrel et Laure de
la Raudière, Commission des affaires éco-
nomiques, Assemblée Nationale, mai 2014.
• « Economie numérique », Nicolas Colin, Au-
gustin Landier, Pierre Mohnen et Anne Per-
rot, Les notes du Conseil économique,
octobre 2015.
• « La nouvelle grammaire du succès – La
Transformation numérique de l’économie
française », Philippe Lemoine, Rapport au
gouvernement, 2014.
• « Le numérique déroutant », Bpifrance,
2015-2016.
Publications d’acteurs économiques
• « Les spécificités du numérique pour les pe-
tites et moyennes industries – Perspectives
et enjeux », Etude pour la CCI Provence
Alpes Côte d’Azur, 2014.
• « Du rattrapage à la transformation –
L’aventure numérique, une chance pour la
France », Roland Berger Consultants, en
collaboration avec Cap Digital et avec le
soutien de Google France, 2014.
NUMÉRISATION DE L’ÉCONOMIE EN PACA I JUIN 2017 / ACTION E1 13De la transformation numérique effets disrupteurs et perturbateurs des autres au-
des activités économiques tant qu’ils les renforcent. L’impermanence des
repères semble être une constante désormais.
La transformation numérique combine des effets
de différentes natures. Des effets techniques tout Nous serions ainsi désormais passés dans un
d’abord : nouveau mode de « croissance – transforma-
tion », avec la dématérialisation et l’ouverture
• Avec l’automatisation : qui permet un accrois-
du périmètre de l’entreprise, et l’émergence de
sement de performance dans l’emploi des fac-
deux nouvelles sources de richesse : l’intelli-
teurs de production (travail, capital, énergie et
gence collective et les données. Ces deux nou-
matières premières) ;
velles ressources perturbent les modèle d’affaire
• Avec la dématérialisation qui entraîne l’appari-
ou Business Model qui désignent un ensemble
tion de nouveaux canaux de communication et
large « qui inclut les relations avec les fournis-
de distribution qui remplacent ou transforment
seurs, les partenaires, les interactions entre plu-
les réseaux et relais physiques, combinée à
sieurs marchés et peut se traduire par des choix
une baisse des coûts marginaux de production
qui définissent les conditions et la réalité de l’af-
et à une baisse des coûts de transaction ; dé-
faire » (Benavent et Verstraete, 2000, p.89).
matérialisation donc association
En outre, l’ancien régime de modernité, caracté-
Des effets sur les modèles économiques et les
risé par la verticalité (technologie en bas, écono-
chaînes de valeurs :
mie au-dessus, rapport sociaux plus haut) semble
• Avec les phénomènes de désintermé-diation progressivement remplacé par un régime d’hori-
(suppression d’intermédiaires dans un circuit zontalité où tous les plans interagissent directe-
de distribution) et de ré-intermédiation par le ment les uns avec les autres (impact sur le social
biais des plateformes. aussi bien que sur l’économique, la culture ou la
La combinaison de ces différents effets, qui ont politique, chacun interagissant directement avec
connu une émergence différée dans le temps les autres). Les organisations verticales tendent à
mais sont désormais à l’œuvre conco-mitam- être mises à mal, les structures hiérarchiques ren-
ment, ainsi que leur accélération continue, modi- versées et les silos cassés.
fie les relations et échanges entre les différents La transformation des relations, des modes de
acteurs de la chaîne de valeur, entre producteurs vivre, de faire et de produire au sein des organi-
et consommateurs. Elle génère également de sations impacte également la nature des compé-
nouveaux modes de réalisation et d’organisation tences et savoirs nécessaires à une évolution
des activités économiques, que ce soit au sein sereine et productive des organisations et des in-
des organisations ou dans les chaînes de valeur, dividus qui les composent.
entre hommes, machines et objets connectés.
Le client / usager au cœur de l’activité et ob-
Le numérique peut ainsi apparaître tout à la fois jet de toutes les attentions
comme un facteur de disruption des modèles La création de valeur se déplace vers l’aval et la
économiques, un catalyseur d’innovations et un relation avec l’utilisateur final d’un produit ou ser-
agent de transformation des organisations. vice se retrouve désormais au cœur de la chaîne
S’ils sont de nature différente, les grands traits de valeur. En effet, ses besoins, attentes et
qui caractérisent la numérisation de l’économie usages sont remis au centre des préoccupations
ne se présentent pas de façon hiérarchique. Le des entreprises. La numérisation facilitant gran-
monde numérique n’est plus un monde linéaire dement les interactions entre producteurs et uti-
et clairement segmenté, pas plus qu’un monde lisateurs finaux, elle offre des moyens de
dont les cycles de développement de l’activité caractérisation, de plus en plus fine et sans cesse
seraient réguliers et bornés dans le temps, ou la renouvelée, de ces usages et de leur évolution
notion de filière imperméable intangible. Ces dans le temps et l’espace.
grands traits de la transformation bénéficient des L’innovation est radicale, permanente et inache-
vée (≠cycle de production défini pour un produit
14 NUMÉRISATION DE L’ÉCONOMIE EN PACA I JUIN 2017 / ACTION E1fini). Le produit est sans cesse renouvelé ou Au-delà, les activités s’hybrident autour des
ajusté par l’association des utilisateurs à la cons- usages et les frontières entre filières et secteurs
truction de sa valeur, que ce soit par l’échange (silos d’analyse) se font de plus en plus poreuses.
avec ces derniers ou par l’analyse que l’on peut Et la convergence entre industrie et services
désormais faire de leur comportement et at- pousse à une servicialisation de l’industrie et à la
tentes grâce aux nombreuses données récoltées. conception « d’offres de solutions » qui intègrent
La participation de la « multitude » au processus des biens et des services en fonction de l’usage
de création de valeur remet en cause le modèle concerné. Nous retrouvons ainsi des modèles où
économique traditionnel basé sur les facteurs ca- l’usage prime sur la possession (rappelle l’écono-
pital et travail, auxquels s’ajoute le progrès tech- mie de la fonctionnalité). C’est par exemple le
nique lié au capital humain de l’organisation. cas des IaaS (Infrastructure as a Service) ou PaaS
Capital qui se trouve dorénavant aussi à l’exté- (Platform as a service) : dans le premier cas, le
rieur (réseaux sociaux, écosystème, acheteurs en client dispose sur abonnement d’une infrastruc-
ligne, données récoltées sur le terrain…) ture informatique (serveurs, stockages, sauve-
garde, réseaux) qui se trouve chez le fournisseur,
La captation des données nécessite et permet la
dans le second cas l’entreprise cliente dispose
fidélisation, ce qui explique de façon générale
d’un environnement d’exécution rapidement dis-
l’importance accordée à l’expérience utilisateur
ponible.
et au design des interfaces, web ou des objets
connectés. Dans ces environnements économiques, les em-
plois très qualifiés de concepteur de biens indus-
« La valeur se situe donc aujourd’hui davan-
triels sophistiqués et ceux peu qualifiés
tage en dehors de l’entreprise, dans les don-
d’assistance prendront de l’importance, produi-
nées, actif immatériel que les investisseurs ont
sant potentiellement une polarisation du marché
identifié comme étant au cœur de la création
de l’emploi et la raréfaction des professions in-
de richesse » (Rapport Erhel, de la Raudière à
termédiaires.
l’Assemblée Nationale, 2014, p.23)
Les données, nouveau carburant de l’activité
Personnalisation et servicialisation économique, au cœur d’une économie de
Le mouvement général qui remet l’utilisateur et plateformes ?
ses besoins au cœur de l’activité, la volonté de La conception et l’adaptation des biens et ser-
collecter une part de plus en plus importante de vices reposent donc de façon croissante sur la
données qui lui sont liées, et les capacités d’ana- collecte puis l’analyse de données (web/cap-
lyse, parfois en temps réel, permettent de conce- teurs/objets connectés) qui vont permettre de fa-
voir des produits et services de plus en plus çonner produits et services au plus près des
personnalisés. La tendance à l’horizontalisation attentes de l’utilisateur.
des relations et l’obsolescence d’un monde en Cette nouvelle donne produit des effets de dé-
silo pousse aussi les entreprises à associer de sintermédiation (suppression des intermédiaires
plus en plus le client (particulier ou entreprise) à traditionnels de distribution) puis de ré-intermé-
la définition du produit ou service. Et, par ailleurs, diation. Certaines chaines de valeurs voient ainsi
la multiplication des capteurs, placés au sein l’irruption de nouveaux acteurs viennent se pla-
même de certains produits, permet d’anticiper cer entre les entreprises traditionnelles et leurs
leur usure voire de prévenir leur casse et d’inter- clients. Ces nouveaux acteurs imposent de réin-
venir à temps pour les révisions ou mises à jour venter les modèles d’affaires et d’intermédiation,
(maintenance prédictive). notamment à partir du rôle joué par les per-
C’est ainsi que certains parlent de règle de 4 P : sonnes et des nouveaux actifs issus des données.
prédictif, personnalisé, préventif, parti-cipatif. Ces nouveaux modèles d’affaire reposent sur
Adaptabilité et résilience deviennent ainsi des l’exploitation des données à grande échelle et
caractéristiques fondamentales à intégrer lors de sont portés par des effets de réseaux puissants.
la conception. Une activité est caractérisée par des effets de ré-
seau dès lors que la valeur ou l’utilité du produit
NUMÉRISATION DE L’ÉCONOMIE EN PACA I JUIN 2017 / ACTION E1 15Vous pouvez aussi lire
