Pascale Bruderer: première citoyenne du pays La politique européenne dans l'impasse Les agriculteurs suisses face à l'incertitude - SwissCommunity ...
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LA REVUE DES SUISSES DE L´ÉTRANGER A V R I L 2 0 1 0 / NO 2 Pascale Bruderer: première citoyenne du pays La politique européenne dans l’impasse Les agriculteurs suisses face à l’incertitude
ÉDITORIAL SOMMAIRE 3 La Suisse et la crise 5 L orsque l’on consulte la base de données des médias suisses, certains chif- Courrier des lecteurs fres frappent l’esprit. Le «Tagesanzeiger» de Zurich a ainsi découvert qu’au cours Lu pour vous: Jacques Chessex des 12 derniers mois, les médias suisses ont publié pas moins de 42 000 articles conte- nant le mot «crise», contre 30 000 l’année précédente et 15 000 en 2007. Un quotidien 7 suisse a même osé écrire, dans une rétrospective de l’année 2009, que la Suisse avait der- Images: photos de la Suisse rière elle un «annus horribilis», «une année marquée par des catastrophes intérieures et 8 extérieures». La politique européenne suisse dans Point culminant de ce haro médiatique, également alimenté par certains hommes l’impasse politiques: le résultat de la votation sur l’interdiction des minarets, fin novembre. La presse et la radio ont alors parlé de scission de la Suisse entre les villes et la campagne, de 12 racisme, de limitation de la liberté de culte, d’intolérance et de honte. Elles ont aussi évo- Pascale Bruderer: la première citoyenne qué une remise en question de la démocratie directe, le peuple suisse n’étant manifeste- du pays qui voulait devenir astronaute ment plus à même de prendre la mesure de ses actes lorsqu’il se rendait aux urnes. Lors de la votation sur l’interdiction des minarets, rappelons qu’une faible majorité seulement 14 des électeurs avait exprimé sa gêne à l’égard d’un islam militant. Pas plus, pas moins non Nouvelles du Palais fédéral plus. Entre-temps, cette spéculation médiatique s’est calmée et désormais plus personne Nouvelles régionales ne peut l’ignorer: la construction de minarets n’est pas inscrite dans le Coran, pas plus que celle de clochers d’églises dans la Bible. Certains, au vu des résultats de la votation, 17 qualifient la Suisse de pays raciste, mais ont-ils seulement étudié la question sérieuse- Votation: un non clair à la baisse des rentes ment? Une chose est sûre: les controverses suscitées par la votation ont permis un débat salutaire qui aurait pu rester encore longtemps étouffé. 18 Autre thème ayant fait couler beaucoup d’encre: le secret ban- Le président de l’Union Suisse des Paysans, caire et, partant, la place financière suisse, sous les feux de la criti- Hansjörg Walter, à propos de la situation de que internationale. Que le secret bancaire prenne fin un jour ou l’agriculture suisse l’autre, c’est un fait acquis depuis longtemps. Pour les banques éga- 20 lement, nullement surprises de voir grandir la pression de Bruxel- Politique: assouplissement du secret les, Washington et Berlin. Il n’y a rien de catastrophique à ce qu’un bancaire jour, la Suisse cesse d’être une oasis fiscale en matière de soustrac- tions d’impôts et de fuite de capitaux. Bien au contraire. Seulement 21 Heinz Eckert le gouvernement aurait pu se comporter de manière plus souve- Organisation des Suisses de l’étranger raine. Sur cette question mais aussi dans le conflit avec le chef im- prévisible de la révolution libyenne. Dans les deux cas, le peuple suisse aurait apprécié 24 que le Conseil fédéral fasse montre de plus de savoir-faire et de courage. Selon un son- Qui sont les personnalités suisses les plus dage, le gouvernement fédéral voit même sa cote de confiance diminuer. Mais, là encore, éminentes de l’histoire? on ne peut parler de crise de confiance du peuple envers le gouvernement fédéral. 26 La Suisse se porte bien, très bien même. La place financière suisse, dont la stabilité Coupe du monde de football en Afrique politique, la sécurité juridique, la force monétaire et le savoir-faire des banques exercent du Sud: quelles sont les chances de la Suisse? un fort attrait sur les investisseurs internationaux, continue d’être classée devant le Luxembourg, le Liechtenstein, Singapour et Hong Kong. L’économie suisse jouit d’une 28 excellente réputation dans le monde. La Suisse est synonyme de solidité, de fiabilité et L’italien en déclin en Suisse d’innovation ; c’est en tout cas ainsi qu’elle est perçue par l’industrie d’exportation, active notamment à destination de l’Extrême-Orient. Depuis la fin 2009, l’ensemble de 30 l’économie s’est à nouveau nettement accélérée. La Suisse continue de compter parmi On en parle: PRD International les pays les plus novateurs au monde et le marché du travail évolue favorablement. Au 31 grand étonnement des spécialistes, l’économie suisse a surmonté la crise nettement Écho mieux que prévu. Voilà donc des nouvelles réjouissantes, qui peuvent nous permettre d’envisager l’ave- Photo de couverture: Pascale Bruderer, présidente nir avec optimisme. HEINZ ECKERT, RÉDACTEUR EN CHEF du Conseil national.(Photo: Keystone) R EVUE SUI SSE Avril 2010 / No 2 IM P R E S S U M : La «Revue Suisse», qui est destinée aux Suisses de l’étranger, paraît pour la 37e année en allemand, français, italien, anglais et espagnol, en 14 éditions régionales, avec un tirage total de plus de 416000 exemplaires. Les nouvelles régionales paraissent quatre fois par an. ■ D I R E C T I O N É D I T O R IALE : Heinz Eckert (EC), rédacteur en chef; Rolf Ribi (RR); René Lenzin (RL); Alain Wey (AW); Jean-François Lichtenstern (JFL), responsable des «Nouvelles du Palais fédéral», Service des Suisses de l’étranger du DFAE, CH-3003 Berne. Traduction: CLS Communication AG ■ D ESIGN : Herzog Design, Zurich ■ A D R E S S E P O S T A L E : Éditeur/rédaction/publi- cité: Organisation des Suisses de l’étranger, Alpenstrasse 26, CH-3006 Berne, Tél. +4131356 6110, fax +4131356 61 01, PC 30-6768-9. Internet: www.revue.ch ■ E - M A I L : revue@aso.ch ■ IM- P R E S S I O N : Zollikofer AG, CH-9001 St-Gall. ■ C H A N G E M E N T D ’A D R E S S E : prière de communiquer votre nouvelle adresse à votre ambassade ou à votre consulat; n’écrivez pas à Berne. ■ Tous les Suisses de l’étranger enregistrés auprès d’une représentation suisse reçoivent la revue gratuitement. Les personnes n’ayant pas la nationalité suisse peuvent s’abonner (prix pour un abonnement annuel: Suisse, CHF 25.–/étranger, CHF 40.–). La revue sera expédiée aux abonnés directement de Berne. Clôture de rédaction de cette édition: 1.3.2010
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COURRIER DES LECTEURS LU POUR VOUS 5 Un dernier pic avant de monter aux cieux. Votation sur les minarets de la calomnie. Comment se fait- C’est bien ce que l’écrivain Jacques Chessex nous A propos du courrier «Honte» (1/10) il que les croyants de 156 mos- laisse avec son livre posthume «Le dernier crâne de Je suggère à ce citoyen du monde quées sans minaret, en Suisse, M. de Sade». Vendu en Suisse romande emballé sous bavarois qui a honte de sa natio- n’avaient jusqu’ici jamais de- cellophane avec la mention «Réservé aux adultes», ce nalité suisse, pour l’aider, de ren- mandé de permis de construire dernier roman entre dans l’intimité des derniers mois voyer son passeport à croix blan- pour ériger un minaret? Cela de la vie du Marquis de Sade, écrivain pourfendeur de che à Berne. Dans le cadre d’une prouve qu’ils pouvaient pratiquer la morale et de l’Église. Bien sûr, impossible de ne pas votation démocratique libre, le leur religion dans ces conditions, entrer dans la littérature pornographique que ce dissi- peuple a pris une décision valable. puisque toutes ces mosquées dent a rendu populaire et qui lui valu de passer plus de L’auteur de ce courrier devrait fonctionnaient ainsi, certaines de- trente ans de sa vie en prison, où il mourut d’ailleurs. donc se réjouir qu’il existe encore puis des décennies. Comment se On n’échappera donc pas aux scènes de débauche du un État qui tient compte de l’opi- fait-il qu’on rencontre, à l’étran- vieux marquis. Sa lente agonie nous mène jusqu’à sa nion publique. Nombreux sont ger comme en Suisse, de nom- tombe où il est enseveli en décembre 1814. C’est là ceux qui apprécieraient de pou- breuses églises chrétiennes sans que, quatre ans plus tard, l’aventure de son crâne dé- voir donner leur avis. Et que ceux clocher, mais qu’il soit interdit, bute lorsque le docteur Ramon le retire de sa tombe qui voient ici une menace pour la dans certains pays musulmans, pendant le remaniement du cimetière. Commence alors liberté de religion se rassurent: il d’emmener une bible de poche en l’épopée surnaturelle de cette relique. «Jamais il n’a tenu de s’agit plutôt d’un signe adressé voyage? ses mains ni contemplé de ses yeux une si belle et claire aux instances supérieures pour Où en sommes-nous donc arri- pièce que le crâne de M. de Sade, dont l’os luit, les orbites re- qu’elles ouvrent davantage leurs vés pour que nos conseillers fédé- gardent et voient, la mâchoire ironiquement conservée rit yeux sur la réalité. raux s’excusent à l’étranger d’une d’un rire vainqueur et parle, oui parle tous les mots de A. KOBELT, ALLEMAGNE initiative doublement acceptée l’œuvre et de la philosophie du marquis.» Un des confrères (peuple et cantons)? Par cette dé- du médecin s’empare du fameux crâne et, avant que celui-ci Réponse au courrier de M. de Cou- marche, ils n’ont fait qu’illustrer la ne disparaisse, a le temps de le mouler et d’en lâcher quel- lon «Honte» (1/10) Il est évident distance qui les sépare du peuple. ques copies sur le marché du mysticisme. Car l’objet aiguise que l’interdiction des minarets n’a N’oublions pas que la politique les convoitises. «Il court, il court, le vrai crâne. Le premier et strictement rien à voir avec la res- suisse fonctionne du bas vers le le dernier. Nous allons voir qu’il n’a pas fini de provoquer un triction de la liberté de religion. haut, contrairement à la plupart certain nombre de rebondissements.» On suit donc sa trace Ou alors qu’on nous montre où, des pays européens «démocrati- jusqu’en 2009. On apprend ses méfaits, la malédiction et la dans le Coran, il est stipulé que le ques», où il est certes permis fascination qu’il suscite. Et, génie de Chessex, soudain le minaret doit faire partie inté- d’élire, mais pas de voter. narrateur devient acteur et se met en quête du crâne. On le grante d’une mosquée. En Suisse, U. PETER, NAMIBIE retrouve à Berto, village de la plaine du Rhône. Son art de la les musulmans peuvent toujours description fait merveille. «J’étais arrivé à quatre heures, au se rendre à la mosquée, qui plus Super moment où l’après-midi vire au roux, et déjà ascensionnent est sans avoir à craindre pour leur En janvier, j’ai lu ma première des fumées dans les cassures noires des vals. L’air sentait le vie ou leur santé. Par contre, il «Revue Suisse» au format électro- thym chauffé aux pentes, la châtaigne mûre, le suint d’un n’en va pas de même pour les nique et l’ai vraiment trouvée su- troupeau proche autour duquel tournait un chien aboyant chrétiens et les croyants d’autres per. On peut même y agrandir la par intervalles.» Comme ayant un sixième sens, Chessex obédiences religieuses dans les police de caractères pour les yeux cherche son propre reflet dans la relique. «J’étais à la recher- pays musulmans, où liberté de re- fatigués. Peut-être pourrait-on che d’un crâne. Et je ne le savais que trop: un crâne, c’est ligion et droits de l’homme sont toutefois organiser la suite des pa- une Vanité plus ironique, plus tenace, plus nouée sur son os bafoués au quotidien, de la ma- ges l’une sous l’autre, et non l’une arrondi, ses orbites creuses et le rire de nière la plus abjecte. Pourquoi ne à côté de l’autre comme dans la sa mâchoire en ruine, qu’aucun autre objet de désir ou de vous engagez-vous pas en faveur version papier. Cela en simplifie- répulsion, masque ou jouet mensonger, tout juste capable de ces minorités oppressées? rait la lecture et éviterait l’inces- de me distraire provisoirement de mon vrai sort.» Il ose les Pour votre information, suite sant va-et-vient. questions fatales. «Ce crâne était-il le mien, qui m’attendait au vote suisse, un sondage a révélé Personnellement, je trouve pour me rappeler ma propre fin?» Et pour finir, comme à un que 77% des Allemands et 87% l’idée du magazine électronique ami surnaturel, l’auteur se confie. «Souvent objet bénéfique, des Néerlandais se prononce- géniale. R. PFISTER, CANADA j’ose affirmer qu’il me parlait avec une vraie sympathie, raient exactement de la même comme s’il m’approuvait et m’encourageait à me tenir à dis- manière. P. KÜNDIG, ESPAGNE Valeurs suisses tance des bruits du monde, et plus gravement m’avertissait En affirmant qu’«en votant pour d’avoir bientôt à mourir.» R EVUE SUI SSE Avril 2010 / No 2 AW Réponse au courrier de M. de Cou- l’UDC, vous votez pour les va- lon «Honte» (1/10) Vous vous per- leurs suisses», le secrétaire général Le dernier crâne de M. de Sade, de Jacques Chessex, Édition Grasset, 2010. mettez d’accuser les Suisses de de l’UDC Martin Baltisser déna- «restriction indigne de la liberté ture les points de vue. Je ne peux de religion», ce qui n’est autre que qu’espérer que les Suisses ouvrent
6 COURRIER DES LECTEURS les yeux et mettent l’UDC hors- En janvier, la première version Sensationnel raison de l’absence de la croix jeu lors des prochaines élections. électronique de la «Revue Suisse» Je viens de recevoir ma première suisse. Présent en 2008 à une Car à mon avis, la diffamation des est arrivée dans la boîte de récep- «Revue Suisse» en ligne. Plus que table ronde lors du congrès des autres modes de pensée et des tion de ma messagerie. Deux tout autre chose, j’y apprécie les Suisses de l’étranger à Fribourg, étrangers ne fait pas partie des jours durant, elle est restée fer- liens que vous fournissez vers intitulé «Suisse sans frontières – «valeurs suisses». Les personnes mée, puis j’ai enfin pris la peine toutes sortes de sites Web tels opportunités et dangers», qui ne connaissent plus les valeurs de cliquer dessus. Et savez-vous que ceux du Musée national ou Peter Gilliéron, alors secrétaire chrétiennes – tel le conseiller na- quoi? Après exactement cinq mi- du château de Wildegg. Sensa- général de l’ASF, répondait tional Oskar Freysinger qui a as- nutes, j’avais terminé. Je n’en ai lu tionnel et bien mieux que la ver- à des questions posées par les similé les islamistes à des nazis – que quelques articles. sion papier! Merci beaucoup! Suisses de l’étranger présents. devraient être exclus de tout Magazines, journaux et livres R. MUELLER, CANADA J’en ai profité pour faire conseil. Et il en va de même pour part à Peter Gilliéron de mon les conseillers nationaux Ulrich «REVUE SUISSE»: VERSION IMPRIMÉE OU ÉLECTRONIQUE? mécontentement quant au Schlüer ou Toni Brunner, agent Les Suisses de l’étranger ne disposant pas d’adresse e-mail ou fait que la croix suisse était secret lors des élections du dont l’adresse e-mail est inconnue des représentations suisses absente du maillot de l’équipe Conseil fédéral, qui a sondé des continuent de recevoir automatiquement la «Revue Suisse» nationale suisse de football. gens à l’aide d’un microphone, en version imprimée. À cet effet, ils n’ont aucune démarche à Pour moi, c’était comme pour ensuite transmettre ces in- entreprendre. un déni. J’ai demandé: avons- formations à la presse. Une presse Les Suisses de l’étranger dont l’adresse e-mail est connue nous honte d’être suisses? qui s’est naturellement rendue des représentations suisses reçoivent la «Revue Suisse» par À l’exception des Suisses, toutes complice! voie électronique. S’ils souhaitent continuer de recevoir la ver- les équipes présentes lors de A. BRANDENBERG, CANADA sion imprimée, ils peuvent en faire la demande à l’adresse la coupe d’Europe arboraient www.swissabroad.ch. Il est à tout moment possible de modifier un maillot avec un emblème «Revue Suisse» électronique le mode d’acheminement, autrement dit de passer de la version national. J’entamerai prochainement ma électronique à la version papier et inversement. Et bien voilà, les miracles huitième année de vie en Allema- existent. Ma critique a porté ses gne comme double nationale. électroniques permettent sans Une agréable surprise fruits. La nouvelle tenue, qui Durant toutes ces années, j’ai doute de faire des économies. La Début mars, la presse suisse affiche la croix suisse, m’emplit beaucoup apprécié de pouvoir préservation de l’environnement présentait la nouvelle tenue de de joie. Différentes interviews lire votre magazine de la première est certainement aussi un argu- l’équipe nationale suisse de foot- ont laissé transparaître la fierté à la dernière page, confortable- ment de poids, mais il me manque ball dans un article intitulé et la joie des joueurs, notam- ment installée devant le poêle ou le rituel qui accompagne ce maga- «Le nouveau maillot arbore à ment des jeunes, de porter sur dans le jardin. De même, ma zine et que de nombreux Suisses nouveau la croix suisse». Croix la poitrine la croix suisse. mère, aujourd’hui décédée, avait de l’étranger connaissent bien: le absente des anciennes tenues. Une dernière chose quant toujours un grand plaisir à par- déballage, l’étude des titres, la Peter Gilliéron, président de au jeu: le recours à de jeunes courir la «Revue Suisse», un petit prise en main du cahier et le bon- l’Association suisse de football, joueurs lors du match contre morceau de Suisse pour ceux qui heur de se plonger l’espace d’un a expliqué lors de la présentation l’Uruguay a clairement montré en vivent loin. Oui, même mon instant dans un autre pays – sa de la nouvelle tenue, qu’à l’occa- qu’Ottmar Hitzfeld est sur la mari ne se lassait pas de feuilleter patrie – et peut-être dans une sion d’une manifestation des bonne voie. Bravo! le petit journal au drapeau rouge nouvelle période de la vie. Suisses de l’étranger, il avait été E. STUDER, FINCHAMPSTEAD, à croix blanche. M. LEIMBACH, ALLEMAGNE violemment pris à partie en ANGLETERRE Publicités R EVUE SUI SSE Avril 2010 / No 2
IMAGES 7 «Heimatland» (Patrie) Pendant trois ans, les photographes bâlois Ursula Sprecher et Julian Salinas ont parcouru la Suisse et, à cette occasion, redécouvert leur patrie. Il en résulte un portrait surprenant de la Suisse, brossé à la manière de natures mortes grand format. L’exposition est ponc- tuée de citations d’éminentes personnalités suisses, qui nous disent ce qu’est pour eux la patrie. Commande: www.sprechersalinas.ch, ISBN 978-3-033-02150-1, 168 pages, CHF 68.– Schwellbrunn Regensdorf Brunnen Gretzenbach R EVUE SUI SSE Avril 2010 / No 2 Photos: Sprecher/Salinas, «Patrie» Loèche-Ville Bellinzone
8 R E L AT I O N S S U I S S E - U N I O N E U R O P É E N N E La politique européenne dans l’impasse peuple en 2000 et 2005). Grâce à eux, notre économie a obtenu un accès privilégié au La voie bilatérale de la Suisse vers l’Europe a connu le succès grand marché intérieur européen comptant jusqu’ici. Toutefois, cette option de politique européenne presque 500 millions de personnes. «Il est devient de plus en plus difficile. Notre souveraineté s’amenuise également dans l’intérêt de la Suisse de pour- suivre le développement de ses relations avec à mesure que la dépendance de l’Union européenne va croissant. l’UE en concluant des accords additionnels Les détracteurs de la politique européenne du Conseil fédéral dans de nouveaux domaines d’intérêt com- exigent à présent une discussion ouverte au sein du peuple mun», indique le rapport fédéral. Le succès économique de la voie bilatérale à propos de l’adhésion à l’Union européenne. Par Rolf Ribi est évident: la Suisse perçoit un franc sur trois dans les échanges avec les pays de l’UE, 62% La scène se déroule en novembre dernier au l’Europe (cf. «Revue Suisse» n° 1/2007). de nos exportations et carrément 81% de nos Palais fédéral, à Berne: le nouveau ministre Dans le Rapport Europe 2006, le Conseil fé- importations concernent l’Espace économi- allemand des Affaires étrangères, Guido déral arrivait à la conclusion «que la voie bi- que européen. La libre circulation des per- Westerwelle, a été interrogé par les médias latérale représente le meilleur instrument sonnes, surtout, s’est révélée être un facteur sur ce qu’il pensait de la discussion récem- pour la sauvegarde des intérêts suisses». Dans de croissance – des dizaines de milliers de ma- ment déclenchée au sujet d’une adhésion de le Rapport de politique étrangère 2009, le nagers, d’ingénieurs, de médecins et la Suisse à l’Union européenne. Avant même gouvernement a confirmé cette appréciation, d’ouvriers qualifiés contribuent grâce à leurs que l’hôte en visite d’État puisse répondre, «largement partagée par la population». C’est connaissances professionnelles à une produc- son homologue suisse Micheline Calmy-Rey ainsi que les mérites de la voie bilatérale sont tivité annuelle croissante. «Sur le plan écono- expliqua qu’un tel débat n’existerait absolu- sans cesse vantés et confirmés par des porte- mique, la Suisse bénéficie aujourd’hui d’une ment pas chez nous… À cet égard, le conseiller parole du gouvernement, du Parlement, des telle intégration à l’espace européen qu’aucun fédéral Moritz Leuenberger avait expliqué partis bourgeois et de l’économie, comme autre pays européen ne l’égale», écrivait la peu avant: «Je dis ce que je pense. Nous de- aucun autre moulin à prières jusqu’ici. «Neue Zürcher Zeitung». L’on pourrait par- vons adhérer à l’Union européenne, l’adhé- Qu’ont véritablement apporté les accords ler de «relations semblables à celles du mar- sion viendra, pas demain, mais après-de- bilatéraux avec l’Union européenne? Cette ché intérieur», «qui sont garanties par un pa- main.» Au printemps dernier déjà, le voie bilatérale vers l’Europe peut-elle être quet d’accords bilatéraux de droit conseiller fédéral de l’époque, Pascal Cou- poursuivie et à quel prix? Selon le Rapport international». chepin, avait dit: «Peut-être le moment adé- de politique étrangère, la Suisse ambitionne Naturellement, l’Union européenne pré- quat est-il maintenant venu pour mener en d’entretenir «d’excellentes relations» avec sente aussi de solides intérêts: la Suisse est son Suisse un débat public au sein du peuple à l’Union. Grâce à une diplomatie fédérale avi- partenaire économique principal – même de- propos des avantages et des inconvénients de sée, un important réseau d’accords bilaté- vant la Chine, le Japon et l’Inde – et réalise l’appartenance à l’UE.» raux a été construit au fil des années, parmi des excédents à cet égard. Avec son impor- À l’automne dernier, un postulat de la lesquels une vingtaine «d’accords majeurs». tante place financière, notre pays est un grand conseillère nationale libérale-radicale ber- Le point essentiel est constitué par les Ac- investisseur et, de plus, un employeur pour noise Christa Markwalder fit de nouveau cords bilatéraux I et II (approuvés par le des dizaines de milliers de citoyens européens bouger les choses dans la discussion euro- péenne. La présidente du Nouveau mouve- ment européen Suisse y invitait le Conseil fédéral à déposer sur la table du Parlement «sans tarder les avantages et inconvénients respectifs des instruments de politique euro- péenne et des mesures pour l’avenir de la po- litique européenne». Pas moins de 101 mem- bres du Conseil national – c’est-à-dire plus de la moitié de la Chambre du peuple – ont cosigné l’intervention parlementaire. Le Conseil fédéral a entériné le postulat et a une fois de plus fait l’éloge de la voie bilatérale dans les relations avec l’Union européenne. R EVUE SUI SSE Avril 2010 / No 2 La voie bilatérale vers l’Europe Depuis le faible non du peuple suisse (et le Illustration: Peter Gut non clair des cantons) à l’Espace économi- que européen (EEE) le 6 décembre 1992, no- tre pays s’avance sur la voie bilatérale vers Le secret bancaire suisse est menacé
9 de part et d’autre de la frontière. En tant que péen qui continue à évoluer. «Ceci montre, propos du Rapport Europe du gouverne- pays de transit doté d’axes routiers moder- d’un accord à l’autre, l’augmentation du prix ment vaut toujours: «La voie bilatérale reste nes, la Suisse est indispensable au transport du bilatéralisme», écrivait la «Neue Zürcher la bonne solution tant que le cadre économi- européen de marchandises. Mais malgré tout, Zeitung». que n’évolue pas en notre défaveur, tant que les poids sont répartis de manière inégale, l’in- Mais la Suisse adapte en permanence son l’UE est disposée à nous accompagner sur la térêt de la Suisse (avec plus de sept millions propre droit même sans la pression directe voie bilatérale et tant que la Suisse dispose d’habitants) à accéder à l’Europe est inverse- de Bruxelles. Maintenant, environ la moitié de suffisamment de possibilités d’organisa- ment proportionné à celui de l’Union (avec du droit fédéral est concerné par le droit de tion au niveau des décisions.» Dans le plus presque un demi-milliard de personnes). l’UE, comme le constate le professeur ber- récent Rapport de politique étrangère, une nois de droit européen Thomas Cottier. ligne est toutefois tirée: «La voie bilatérale Voie royale ou impasse? Tantôt le droit européen est repris directe- ne doit pas mener à une adhésion de facto Ainsi donc, les relations avec l’Union euro- ment, tantôt il exerce une influence indirecte sans droit de vote.» Arrive ensuite cette péenne, appuyées sur le bilatéralisme, sont sur notre législation. Le Conseil fédéral re- phrase: «Si des raisons d’ordre politique et/ considérées par beaucoup comme une véri- fuse de désigner comme telles les disposi- ou économique devaient exiger une nouvelle table voie royale. Ces derniers temps, cette tions légales transposées. «Si la population avancée d’envergure dans le sens de l’inté- appréciation est néanmoins remise en ques- savait quelle quantité de droit européen nous gration, un choix s’imposerait au niveau des tion par d’importants politiciens et profes- avons déjà repris, cela aurait certainement instruments appropriés – dont l’option de seurs de droit international. L’ancien des répercussions sur la discussion relative à l’adhésion.» conseiller fédéral et ministre des finances l’adhésion à l’UE.» Si la Suisse adapte son Kaspar Villiger (un opposant à l’adhésion à propre droit au droit européen, on parle de Critique au cours de droit européen l’UE) met en garde contre «de grands risques «transposition autonome». Cette création Franz von Däniken, ancien secrétaire d’État liés à cette voie». L’accès au marché intérieur linguistique officielle est, pour l’ancien pro- au ministère des Affaires étrangères, est l’un européen serait d’une importance vitale pour fesseur de littérature zurichois Peter von des critiques les plus véhéments de la politi- la Suisse et exercerait donc un chantage sur Matt, une «formulation grotesque». que européenne. «Parmi les grandes illusions elle. Dans les faits, chaque nouvel accord bi- Le bel édifice des relations bilatérales est du peuple suisse, il y a la croyance que la voie latéral augmente la dépendance à l’Union «fortement menacé de s’écrouler» (Kaspar bilatérale dans les relations avec l’Union européenne – et réduit la distance politique Villiger). La raison: si la Suisse ne met pas en européenne renforcerait la souveraineté de qui nous sépare de Bruxelles. application un des accords requis par l’Union la Suisse. En réalité, c’est le contraire.» La Qui veut faire affaire avec l’Union euro- européenne, l’avenir de l’ensemble des rela- souveraineté (matérielle) serait soumise à péenne doit reprendre le droit communau- tions bilatérales est en jeu. C’était le cas lors une «érosion continue». Le droit de l’UE taire du moment (acquis communautaire). de la poursuite de l’accord sur la libre circu- marquerait «de façon très large» le contenu Les traités intergouvernementaux bilatéraux lation des personnes l’année passée. La pour- de nos accords bilatéraux avec Bruxelles. La ont toujours un caractère national. Toute- suite de cet accord était liée aux autres ac- Suisse devrait «en règle générale» reprendre fois, le contenu des accords continue à se dé- cords des Accords bilatéraux I et l’avenir de le droit communautaire. Même lors du choix velopper et impose une adaptation perma- toute la voie bilatérale était donc en jeu. des domaines, notre pays ne serait plus libre: nente. Depuis peu, l’Union européenne exige Ce que la ministre des Affaires étrangères «Il y a des sujets qui nous sont imposés, pour même la reprise automatique du droit euro- Micheline Calmy-Rey a dit en 2006 déjà à ne pas dire ordonnés.» «La Berne fédérale» serait soumise à «l’illusion d’une liberté de négociation et d’une liberté contractuelle». La critique n’est pas moins claire au cours de droit européen du Conseil fédéral de Franz Blankart, ancien secrétaire d’État pour les Affaires économiques extérieures et né- gociateur en chef lors de l’accord sur l’Es- pace économique européen (EEE). «La Suisse ne fait pas que reprendre massivement le droit pertinent de l’UE dans la soi-disant «transposition autonome». Depuis peu, l’Union européenne exige aussi que le futur droit européen soit transposé tel quel dans notre droit.» Les nombreux cas de transpo- sition autonome seraient «extrêmement douteux d’un point de vue de la souveraineté politique». Franz Blankart devient même sarcastique: «Quand atteindra-t-on le degré de transposition autonome auquel la Suisse deviendra une colonie européenne de droit
10 R E L AT I O N S S U I S S E - U N I O N E U R O P É E N N E économique sous gestion autonome?» bre circulation des services et des capitaux). vège, donnerait à la Suisse une chance uni- Pour le professeur bernois de droit euro- Le 6 décembre 1992, le peuple suisse a re- que d’adhérer à l’EEE et de profiter des su- péen Thomas Cottier, la Suisse est déjà un jeté de très peu, avec 50,3% de voix négati- perstructures institutionnelles et de la «membre passif de l’UE», car environ la moi- ves, l’adhésion à l’EEE. Peu avant ce diman- participation organisatrice.» Cela apporte- tié du droit fédéral subit l’influence du droit che de votation, le Conseil fédéral avait rait «à nouveau du calme et de la dignité à européen. Ses recherches montrent que no- avoué que le but était l’adhésion à l’UE et in- nos principaux partenaires économiques». Il tre pays «reprend en règle générale les dis- troduit une demande d’adhésion à Bruxelles faudrait surmonter certaines «sensations de positions européennes». La souveraineté ne – une erreur historique. Le résultat de la vo- déplaisir» suite aux votations négatives de serait donc maintenue qu’en pure forme, sur tation populaire a été faussé, une odyssée de 1992. «Sinon, la politique doit clairement le fond, il existerait un domaine de plus en politique européenne a débuté, l’économie plaider en faveur de l’adhésion à l’Union plus vaste dans lequel le droit européen se- est tombée dans une décennie de stagnation européenne.» rait repris sans discours démocratique. «Il et l’Union démocratique du centre (UDC) s’agit d’une perte de souveraineté, mais aussi a commencé sa marche victorieuse. L’adhésion à l’UE en point de mire de démocratie et ce, dans un pays qui est tel- L’Espace économique européen est En 1993 encore, le Conseil fédéral avait lement fier de la participation démocrati- aujourd’hui encore une possibilité, selon des confirmé, dans son Rapport de politique que.» L’ancien professeur lausannois Dieter contemporains sérieux. D’après l’éminent étrangère, qu’une appartenance à l’UE était Freiburghaus, auteur d’un livre détaillé por- avocat en droit économique Peter Nobel, la un «objectif stratégique». En 2000, le gou- tant sur soixante ans de politique européenne Suisse s’est «marginalisée sur le plan de la po- vernement parlait encore de l’adhésion de la Suisse, identifie une «insidieuse perte litique européenne». Pour cet expert du comme d’un objectif, mais qui n’était plus de souveraineté». L’ensemble d’accords avec droit européen, la voie bilatérale est une im- «stratégique». Et en 2005, l’intégration à l’Union européenne serait devenu «si dense passe et elle ne peut plus être renforcée. l’Union européenne était reléguée au rang et profondément ancré» que sa résiliation et «Dans la situation actuelle, un nouvel accord de simple «option à long terme». «Cette dis- sa dissolution auraient «des conséquences EEE serait la solution réaliste. Il institution- tanciation graduelle de la Suisse par rapport économiques imprévisibles» et n’entrerait naliserait nos relations avec l’UE et nous à l’appartenance à l’UE montre la contrac- plus guère en ligne de compte pour notre conférerait un certain droit de regard.» L’an- tion de ses relations avec l’UE» (selon la pays. «Cela signifie une véritable restriction cien conseiller national et surveillant des prix «Neue Zürcher Zeitung»). de la souveraineté.» Dieter Freiburghaus se Rudolf Strahm voit également des avantages L’appel de voix éminentes en faveur de demande combien de temps la Suisse est à une adhésion à l’EEE: intégration totale au l’adhésion à l’Union européenne se fait en- prête à vivre dans une relation à demi colo- marché intérieur européen, consultation lors tendre. Comme celui de l’ancien diplomate niale avec l’UE pour des raisons financières. du développement du droit européen, de de premier rang Franz von Däniken: «La voie Supposons que la «limite supportable» des possibles règlements d’exception et davan- bilatérale nous rend plus dépendants de l’UE relations bilatérales avec l’Union européenne tage d’influence dans les négociations avec et non plus indépendants. En tant que mem- soit atteinte – et ensuite? Il n’existe que trois Bruxelles. «Qui, en Suisse, a la force politi- bre de l’UE, nous gagnerions en souveraineté options: l’«Alleingang», l’Espace économi- que et le courage de relancer les débats grâce à une marge de manœuvre accrue et au que européen et l’adhésion à l’UE. «La seule autour d’un accord sur le prospère EEE?» droit de participation.» Ou celui du profes- chose que nous ne pouvons pas nous permet- L’ancien diplomate de premier rang et né- seur bernois Thomas Cottier: «Nous devons tre est l’isolement» (Micheline Calmy-Rey). gociateur en chef de l’EEE, Franz Blankart, trouver le courage de prendre en mains l’ave- En réalité: une telle démarche impliquerait s’est exprimé en ces termes: «L’adhésion de nir du pays en Europe. Le tabou de la ques- une importante perte d’aisance au niveau de l’Islande à l’UE, et peut-être celle de la Nor- tion de l’adhésion doit être brisé dans le tra- l’orientation internationale de l’économie suisse, ce que le peuple ne supporterait guère. L’EEE comme alternative? Une adhésion à l’Espace économique euro- péen (EEE), dont font aujourd’hui partie la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein, serait possible à tout moment. L’accord EEE vise une participation étendue d’États tiers au marché intérieur européen. La libre circula- tion des marchandises (sans l’agriculture), des personnes, des capitaux et des services, R EVUE SUI SSE Avril 2010 / No 2 complétée par des règles communes dans di- vers domaines, constitue la base commune. Illustrations: Peter Gut L’EEE englobe des secteurs importants qui ne sont pas couverts par les accords bilaté- raux (comme le droit de la concurrence, la li- L'ouverture de la Suisse vers l'UE
11 vail politique.» Ou la voix de la «Neue mine en toute autonomie l’organisation de ne se lasse pas de faire l’éloge de la voie bila- Zürcher Zeitung»: «Il incomberait à une dé- son système étatique. Plusieurs États mem- térale et d’exiger de nouveaux accords avec mocratie animée telle que la Suisse d’exami- bres ont une structure fédéraliste. l’UE. «Une reprise des politiques européen- ner périodiquement la question de l’adhésion nes financière, fiscale et monétaire ainsi que sans idée préconçue – et de façon plus inten- ■ Neutralité: notre neutralité resterait de la politique du droit du travail et de la po- sive à mesure que la Suisse se rapproche de intacte, dans la mesure où l’UE ne constitue litique sociale aurait des répercussions néga- Bruxelles.» pas une alliance militaire et n’oblige pas à tives sur la compétitivité des entreprises suis- Les conséquences pour la Suisse d’une ap- participer à des engagements armés. ses. Une adhésion à l’UE n’est pas une option partenance totale à l’UE sont mentionnées D’autres États neutres tels que l’Autriche et pour l’économie suisse.» La position de re- dans le Rapport Europe 2006 du gouverne- la Suède sont déjà membres à part entière. fus du monde bancaire est tout aussi nette: à ment. Les voici en bref: chaque fois qu’il est question de secret ban- ■ Économie, finances: la politique économi- caire, de fraude fiscale par des étrangers, de ■ Démocratie directe: nos droits populaires que nationale ainsi que la politique moné- l’accord sur la fiscalité de l’épargne avec l’UE seraient toujours en vigueur, le champ taire connaîtraient des restrictions. En cas ou de l’imposition des holdings (critiquée par d’application matériel serait restreint dans d’adoption de l’euro, les taux d’intérêt grim- Bruxelles) des cantons, le lobby bancaire est la mesure des compétences cédées à l’UE. peraient. La TVA devrait être élevée à 15% toujours présent dans les couloirs bernois. L’adhésion serait soumise au référendum au moins. La contribution nette annuelle de obligatoire. En cas de modifications de lois la Suisse au budget de l’UE serait de l’ordre Une classe politique découragée nationales par les directives de l’UE, des de 3,4 milliards de francs (environ 0,7% du Le succès économique des accords bilatéraux référendums seraient possibles (pas en cas produit national brut). Aujourd’hui, quel- a jusqu’ici préservé la politique et le peuple de droit européen applicable directement). que 700 millions de francs sont versés chaque d’envisager une adhésion à l’Union euro- Des initiatives populaires dans des matières année à Bruxelles. péenne. Néanmoins, maintenant que la voie relevant du droit européen seraient tou- bilatérale devient plus difficile et que la perte jours possibles. Si une initiative populaire Si le peuple suisse était interrogé en souveraineté nationale est manifeste, il de- était contraire au droit de l’UE, il faudrait aujourd’hui au sujet de l’adhésion à l’UE, sa vient urgent de mener un débat ouvert sur négocier avec Bruxelles. – En contrepartie, décision serait probablement négative. Un l’Europe. Il manque seulement à la «classe po- la Suisse obtiendrait des droits de codéci- «spectre de l’Europe», auquel a toujours plus litique», jusqu’à présent, le courage de battre sion au niveau européen au Conseil des recours l’Union démocratique du centre le fer tant qu’il est chaud. Oui, plus encore: ministres, au Parlement européen et à la («les petits pays n’ont rien à dire, bureaucra- «La sauvegarde diplomatique des intérêts en Cour de justice des Communautés euro- tie bruxelloise, juges étrangers»), est diffus Europe ne revêt plus aucune priorité aux yeux péennes. Les Suissesses et les Suisses pour- dans l’opinion publique depuis cette malheu- du Conseil fédéral.» (Franz von Däniken) raient participer à des votations, élire et reuse discussion autour de l’EEE. L’attitude Et le peuple? Il peut continuer à rêver du être élus partout en Europe au niveau com- de l’économie et surtout des banques est tou- mythe du petit État indépendant, conformé- munal, participer à des votations populaires tefois déterminante. Les responsables de ces ment aux paroles de son héros populaire européennes et lancer des initiatives popu- deux secteurs refusent clairement l’apparte- Guillaume Tell: «C’est seul que celui qui est laires européennes. nance à l’Union européenne. Ils craignent fort est le plus puissant. Chacun ne compte des atteintes, surtout à la politique sociale, vraiment que sur lui-même.» Ou écouter ■ Fédéralisme: il n’y aurait aucune modifi- au droit du travail et au secret bancaire. Jakob Kellenberger, l’ancien secrétaire d’État cation fondamentale. Chaque pays déter- La fédération économique economiesuisse au Conseil fédéral et actuel président du Co- mité international de la Croix-Rouge: «Je n’arrive toujours pas à comprendre qu’un pays tel que la Suisse ne recherche pas réso- lument une adhésion à l’UE. S’il s’agit de représenter nos propres intérêts à l’endroit adéquat, il n’existe que cette voie en Europe.» DOCUMENTATION Thomas Cottier, Rachel Liechti-McKee (Hrsg.): Die Schweiz und Europa. Wirtschaftliche Integration und institutionelle Abstinenz. Vdf Hochschul- verlag AG, Bern 2009. 358 S., CHF 58.–, EUR 39.90. www.vdf.ethz.ch Dieter Freiburghaus: Königsweg oder Sackgasse? Sechzig Jahre schweizerische Europapolitik. Verlag Neue Zürcher Zeitung, Zürich 2009. 445 S., CHF 48.–, EUR 31.–, www.nzz-libro.ch Rapport de politique étrangère 2009, Rapport Europe 2006 (ces deux document sont consultables à l’adresse www.bbl.admin.ch/dienstleistungen/ index.html?lang=fr) Les relations de la Suisse avec l'UE Centre de documentation www.doku-zug.ch
12 POLITIQUE Pascale Bruderer Wyss: un pont entre les générations Enfant, Pascale Bruderer rêvait d’être astronaute et d’être la première femme à se poser sur Mars. Elle aurait aussi volontiers été sportive professionnelle. En tant que plus jeune présidente du Conseil national et première citoyenne du pays, cette femme de 32 ans n’éprouve aucun regret d’avoir dû abandonner ses anciens projets professionnels. Elle se sent très bien dans cette honorable fonction. Et elle peut encore être la première femme sur Mars. Par Heinz Eckert Il n’est pas facile de fixer un rendez-vous on sait qu’il existe aussi une vie après la poli- la façon la plus cohérente. Sa famille serait pour un entretien avec Pascale Bruderer tique. Ainsi, à l’avenir, une famille ou une quant à elle coresponsable du fait qu’elle dans un délai utile. Non pas qu’elle ait quel- profession peuvent tout à fait être au centre s’engage de façon aussi véhémente en faveur que chose contre les médias et les interviews. des préoccupations. Elle sait en outre le re- de la solidarité et de la cohésion sociale. Ses Au contraire: elle sait l’importance du rôle noncement auquel est lié un poste de parents ont toujours rappelé à leurs trois que jouent les relations publiques dans la po- conseiller fédéral. «J’accorde beaucoup d’im- filles que les personnes méritent les mêmes litique. Et la charmante présidente du portance au monde en dehors de la vie poli- droits et les mêmes chances. Conseil national maîtrise parfaitement la tique, notamment à ma vie privée. Je ne suis manière de s’y prendre avec la presse. Elle est pas du tout prête à y renoncer tout à fait», Une carrière non planifée une communicatrice remarquable. «Je ne donne-t-elle à penser. Lorsque l’on demande aujourd’hui à ses pa- communique pourtant pas dans tous les do- La carrière politique de Pascale Bruderer rents s’ils ne sont pas fiers que leur plus jeune maines», souligne Pascale Bruderer. «Je ne a débuté très tôt: élève du gymnase, elle était fille ait été élue première citoyenne de Suisse, suis pas disposée à parler de ma vie privée car déjà conseillère municipale de la ville de Ba- ils répondent toujours qu’ils sont fiers de elle ne regarde pas le public. C’est aussi l’avis den. À 24 ans, elle a été élue au Grand Conseil leurs trois filles. Le fait que sa mère ait deux de mon époux.» Mais elle est consciente argovien et quelques mois plus tard au frères sourds l’a aussi marquée. La surdité est d’avoir beaucoup profité des médias. Jeune, Conseil national. Elle était à chaque fois la un handicap de la communication – com- séduisante et bonne oratrice, elle en a tou- plus jeune. Elle a cependant toujours tenu à prendre et être compris au quotidien est pri- jours été la chouchoute. «Les journalistes se avoir une deuxième béquille professionnelle. mordial, dans le travail politique également. sont précipités sur le superlatif . Ainsi, elle est également, à 60%, directrice de Elle entretient de très bons contacts avec les J’ai essayé d’exploiter ces plateformes pour la Ligue argovienne contre le cancer, une autres camps politiques, au-delà des frontiè- placer au centre des débats des sujets qui, si- fonction qu’elle ne peut toutefois assumer res des partis. C’est la raison pour laquelle non, retiennent assez peu l’attention – pleinement en ce moment. Car en tant que elle a aussi été élue première citoyenne avec comme l’intégration des personnes handica- première citoyenne, elle est, pendant une an- un des meilleurs scores. Avec ses deux oncles, pées», dit-elle. Les politiciens doivent en née, quasiment politicienne professionnelle. elle communique en langue des signes. Et elle effet avoir la chance de faire connaître leurs Elle ne siège pas à Berne chaque jour, mais est fière qu’à son initiative, le journal de idées et de les diffuser parmi les gens. Le se déplace souvent. «Dans toute la Suisse. Et SFinfo soit traduit en langue des signes pour principal reste cependant toujours le contact cela me réjouit particulièrement», dit Pas- les sourds. personnel avec la population. Il faut toute- cale Bruderer. En effet, elle considère comme Elle n’a jamais planifié de carrière politi- fois veiller à ne pas exagérer sa présence dans une tâche essentielle pour une présidente de que. Celui qui entre en politique aussi jeune les médias et donc à ne pas tout accepter. Parlement d’amener ce dernier vers le peu- qu’elle ne vise aucune fonction, mais pour- ple, d’entretenir des contacts avec la popu- suit des objectifs de fond. Tout s’est en- Une vie après la politique lation. Elle souligne encore qu’il est très im- chaîné simplement, pense Pascale Bruderer. Avant que nous puissions nous entretenir portant pour les politiciens et politiciennes Elle considère que le climat politique en avec elle dans son bureau lambrissé et garni de ne pas perdre les pédales, ni le contact Suisse est sain. Il pourrait être encore plus de tapis de soie au Palais fédéral, elle a par- avec la vie réelle et la population. correct et pertinent qu’il ne l’est actuelle- ticipé à une réunion à laquelle était présen- Pascale Bruderer est entrée en politique ment, mais l’un dans l’autre, il est néanmoins tée, à son initiative, une nouvelle plateforme au gymnase en tant que membre d’un conseil nettement plus constructif que dans d’autres Internet pour la cohabitation des généra- d’élèves. Cette fonction lui a permis de se pays. Elle est en outre une fan absolue de la tions. Elle s’est adressée, en allemand et en rendre compte que l’on peut faire bouger les concordance et de la démocratie directe et français, directement au cœur des partici- choses. C’est pourquoi elle a voulu en faire apprécie donc beaucoup le système politique pants. À l’apéritif qui a suivi et que la prési- de même en dehors de l’école. À l’origine, suisse. dente du Conseil national a offert au Palais elle n’était d’aucune couleur politique. Elle Elle est également ravie qu’il y ait R EVUE SUI SSE Avril 2010 / No 2 fédéral, on a souvent exprimé la supposition a dès lors passé au crible les partis et bientôt aujourd’hui davantage de jeunes politiciens que Pascale Bruderer serait bientôt remarqué que ses demandes étaient prises en au Parlement que lors de son arrivée au conseillère fédérale. À cette question, elle a compte au mieux par le PS: justice et égalité Conseil national il y a huit ans: «À l’époque, toutefois répondu qu’elle n’y pense pas. Lors- des chances pour tous. Selon elle, le PS met seuls Ursula Wyss, Toni Brunner et moi- que l’on entre en politique aussi jeune qu’elle, ces objectifs au centre du travail politique de même faisions partie des .
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