Plateformes de mise en relation avec les créateurs : le statut d'hébergeur reconnu - IP World
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Plateformes de mise en relation avec les créateurs : le statut d’hébergeur reconnu La plateforme Teezily qui est une plate-forme permettant à des créateurs de proposer leurs créations qui, si elles rencontrent l’intérêt des utilisateurs, feront l’objet de produits fabriqués et commercialisés, bénéficie bien du statut d’hébergeur au sens de l’article 6-1-2 de la LCEN. Le concept Teezily La plateforme propose à ces créateurs de créer un compte afin de proposer une création graphique telle que dessins, photographies, réalisés directement ou téléchargés par le créateur sur la plate-forme et ayant vocation à être imprimés sur un produit proposé à la vente dans le cadre d’une campagne de souscription d’achat d’une durée de 48 heures à 20 jours déterminée par le créateur, produit qui ne sera toutefois fabriqué et réellement vendu sur le service Teezily que si les souscriptions atteignent l’objectif choisi par le créateur. Le produit est fabriqué et vendu au prix fixé par le créateur lors du lancement de la campagne si l’objectif est atteint, dans le cas contraire, la campagne prend fin et les produits correspondants ne sont pas vendus. Le créateur qui créée et renseigne lui-même la campagne de souscription, choisit également un ou plusieurs modèles de produits, de réaliser une campagne publicitaire sur tous supports de son choix et à ses frais, de créer un ou plusieurs ‘stores’ permettant de regrouper toutes ses campagnes et de générer un code de réduction qu’il fixe.
Responsabilité du créateur Il ressort de ce qui précède que la société Teezily propose une plate-forme de mise en relation entre des créateurs et des acheteurs, le créateur mettant seul en ligne sa création sur le site en vue d’une impression sur un produit textile ou un autre support qu’il choisit, ce pendant un temps et à un prix qu’il fixe lui-même, moyennant un objectif de souscription également fixé par le créateur, ce dernier pouvant organiser lui-même la promotion de son produit. La plateforme est hébergeur dès lors qu’elle n’offre pas d’assistance aux créateurs pour optimiser les ventes. De même, à supposer avéré que la société Teezily offre au créateur un service le guidant quant à la fixation du prix de son produit, cette assistance technique apparaît laisser toute liberté au créateur quant à la fixation du tarif auquel il désire commercialiser son produit. Critères indifférents au statut d’hébergeur La circonstance que le site offre également au créateur un support technique pour ‘créer votre design en un clic’, publie des articles concernant des astuces à caractère général par pays pour aider le créateur dans la préparation d’une campagne, mette à la disposition des créateurs un service logistique de fabrication et de livraison des produits avec pour corollaire l’autorisation donnée par le créateur à la société Teezily de reproduire son oeuvre, et pour l’acheteur les garanties y afférent, ne suffit pas à caractériser le rôle actif de la société Teezily de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données relatives aux créations à imprimer mises en ligne sur le site et au contenu de la ‘description de la campagne’ qui les accompagne et dont le créateur est à l’origine.
Enfin, le service de modération, service fourni a posteriori sur des contenus signalés par des tiers est cohérente avec la fonction de prestataire technique qui se doit en cas de mise en connaissance d’un contenu illicite, de procéder à son prompt retrait. Le rôle exercé par la société Teezily est neutre, en ce que son comportement est purement technique, automatique et passif, impliquant l’absence de connaissance ou de contrôle des données qu’elle stocke. Pour rappel, selon l’article 6-1-2 de la LCEN ‘Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de services ne peuvent voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de service si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits ou circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible. L’alinéa précédent ne s’applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l’autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa’. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne interprétant les dispositions de l’article 14 de la directive N° 2000/31 dont l’article 6-I-2 de la LCEN est la transposition en droit interne, pour bénéficier de la qualité d’hébergeur, l’exploitant du site ne doit pas jouer un rôle actif qui lui permette d’avoir une connaissance ou un contrôle des données stockées. C’est le cas lorsqu’il se contente de stocker les offres sur son serveur, de fixer les modalités de son service rémunéré et de donner des renseignements d’ordre
général à ses clients. En revanche, celui-ci joue un rôle actif quand il prête une assistance laquelle consiste notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir celles-ci. ___________________________________________________________ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 5 – Chambre 2 ARRÊT DU 21 MAI 2021 Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 19/18143 – n° Portalis 35L7-V-B7D-CAWQS Décision déférée à la Cour : jugement du 05 juillet 2019 - Tribunal de grande instance de PARIS – 3e chambre 2e section – RG n°17/16385 APPELANTE Société SPRD.NET AG, société de droit allemand, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé Giesserstrasse 27 04229 LEIPZIG ALLEMAGNE Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque L 0018 Assistée de Me Julia DARCEL plaidant pour la SELAS
OSBORNE – CLARKE, avocate au barreau de PARIS, toque P 117, Me Gaspard DEBIESSE plaidant pour la SELAS OSBORNE – CLARKE, avocate au barreau de PARIS, toque P 117 INTIMEE S.A.S. TEEZILY, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé […] […] Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 797 742 681 R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N – G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS- VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477 Assistée de Me Jean-Charles MERCIER plaidant pour l’AARPI AXIAL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque D 2042 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 mars 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport Mme Agnès MARCADE a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Brigitte CHOKRON, Présidente Mme Laurence LEHMANN, Conseillère Mme Agnès MARCADE, Conseillère Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET : Contradictoire Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition. Vu le jugement contradictoire rendu le 05 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Paris ; Vu l’appel interjeté le 25 septembre 2019 par la société Sprd.net ; Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 24 février 2021 par la société Sprd.net, appelante ; Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 17 février 2021 par la société Teezily, intimée ; Vu l’ordonnance de clôture du 4 mars 2021 ; SUR CE, LA COUR, Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties. La société Sprd.net AG est une société de droit allemand dont le siège social est situé à Leipzig spécialisée dans le commerce de détail de vêtements et d’accessoires divers via sa plate-forme accessible notamment par le nom de domaine « www.spreadshirt.fr ». Elle propose des services d’impression à la demande permettant
aux consommateurs de personnaliser des vêtements et accessoires à l’aide de ‘designs’ variés. La société Sprd.net est titulaire de trois marques : — la marque de l’Union européenne semi-figurative n°11543857 enregistrée notamment pour des produits vestimentaires relevant de la classe 25, — la marque verbale de l’Union européenne « Spreadshirt » n°10419596 enregistrée notamment pour désigner des produits vestimentaires relevant de la classe 25, — la marque verbale internationale « Spreadshirt » n°815351enregistrée pour désigner des produits et services relevant des classes 25, 35 et 38. La société Teezily créée en 2013 a pour objet le commerce de détail de produits, de textiles (tee-shirts, sweat-shirts, etc.) et d’autres matières (mugs, magnets, coques plastiques…). La société Sprd.net expose avoir découvert au mois de février 2017 que la société Teezily offrait à la vente, via une plate- forme dite ‘Teezily’, une large gamme de vêtements et accessoires identiques à ceux commercialisés sur sa plate- forme ‘Spreadshirt’. Elle dit également avoir constaté la reproduction des différentes marques ‘Spreadshirt’. Plusieurs constats dressés par huissier de justice ont été réalisés les 22 février, 6 mars, 28 juillet, 4 août 2017 et les 30 octobre et 8 novembre 2018 à la demande de la société Sprd.net. En suite d’une mise en demeure infructueuse adressée le 28 février 2017, réitérée le 14 mars suivant, la société Sprd.net a fait assigner la société Teezily devant le tribunal de grande instance de Paris par acte en date du 20 octobre 2017 en contrefaçon de droit d’auteur, de marques, atteinte au
droit sui generis de producteur de base de données, et en concurrence déloyale. Le jugement déféré du tribunal de grande instance de Paris a : — dit que la société Teezily, en sa qualité d’hébergeur de données, bénéficie du régime d’exonération de responsabilité civile visé a l’article 6 I de la loi du 21 juin 2004 (LCEN), — débouté par conséquent la société Sprd.net AG de l’ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon de marques et du droit d’auteur, ainsi qu’au titre de la concurrence déloyale, parasitaire et du dénigrement, — débouté la société Sprd.net AG de l’ensemble de ses demandes au titre du droit sui generis sur les bases de données, — débouté la société Teezily de sa demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive, — condamné la société Sprd.net AG à verser à la société Teezily une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, — condamné la société Sprd.net AG aux dépens. Par ses dernières conclusions, la société Sprd.net demande à la cour de : ‘ la déclarer recevable en son appel’, ainsi qu’en ses demandes de réformation et de condamnation et publication dont la cour est bien saisie ; ‘ déclarer sans objet la demande de rejet formée par la société Teezily à l’encontre de ses écritures du 20 janvier 2021, et l’en débouter en tant que de besoin ; ‘ infirmer le jugement déféré en ce qu’il a : — dit que la société Teezily, en sa qualité d’hébergeur de données, bénéficie du régime d’exonération
de responsabilité civile visé à l’article 6-I de la loi du 21 juin 2004 (LCEN), — l’a deboutée de l’ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon de marques et du droit d’auteur, ainsi qu’au titre de concurrence déloyale, parasitaire et dénigrement, — l’a deboutée de l’ensemble de ses demandes au titre du droit sui generis sur les bases de données, — l’a condamnée à verser à la société Teezily une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, ‘ et statuant à nouveau : — juger que la société Teezily ne peut être qualifiée d’hébergeur et donc bénéficier du régime dérogatoire de responsabilité prévu à l’article 6.I.2 de la LCEN ; — juger qu’en exploitant le signe « Spreadshirt », la société Teezily a commis des actes de contrefaçon des marques de l’Union européenne et internationale ‘Spreadshirt’ enregistrées sous les n°11543857, n°10419596 et n°815351 ; — juger que les produits litigieux commercialisés par la société Teezily sur la plate-forme Teezily reprennent la combinaison des caractéristiques originales des produits commercialisés sur la plate-forme Spreadshirt et qu’ainsi leur reproduction, leur commercialisation et leur promotion via la plate-forme Teezily constituent des actes de contrefaçon de droit d’auteur ; — juger que la société Teezily a commis des actes de contrefaçon en portant atteinte à ses droits en sa qualité de producteur de base de données ; A’ titre subsidiaire, sur les deux précédents points, au visa de l’article 1240 du code civil,
— dire et juger que la société Teezily a commis des actes de concurrence parasitaire en reprenant ses créations, descriptifs, tags et signes distinctifs, afin de détourner ses investissements et sa clientèle ; — juger en tout état de cause que la société Teezily a commis des actes de concurrence déloyale (i) en commercialisant des motifs qui auraient dû faire l’objet de l’octroi de licences payantes, (ii) en créant un risque de confusion sur l’origine des produits par la reprise systématique et répétée de ses produits, (iii) en la dénigrant et (iv) en ayant recours à des pratiques commerciales trompeuses. En conséquence: — débouter la société Teezily de l’ensemble de ses prétentions ; — interdire à’ la société Teezily l’utilisation à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit, du terme ‘Spreadshirt’ pour désigner des produits et/ou services identiques ou similaires à ceux identifiés par elle sous les marques ‘Spreadshirt’, et cela sous astreinte de 1000 euros par jour de retard et par infraction constatée passé un délai de huit (8) joursà compter de la signification de la décisionà intervenir ; — interdire à la société Teezily toute exploitation des éléments du site accessible par les noms de domaine, le tout sous astreinte de 1000 euros par jour de retard et par infraction constatée passé un délai de huit joursà compter de la signification de la décisionà intervenir . — interdire à la société Teezily de capturer, piller, reproduire, extraire ou exploiter tout ou partie de la base de donnée Spreadshirt, le tout sous astreinte de 1000 euros par jour de retard et par infraction constatée passé un délai de huit joursà compter de la signification de la décision à intervenir ;
— condamner la société Teezily à lui verser la somme de 50.000 eurosà titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire, au titre des actes de contrefaçon de ses marques ; — condamner la société Teezily à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire, au titre des actes de contrefaçon de droits d’auteur ; — condamner la société Teezily à lui verser la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire, au titre des actes de contrefaçon des droits sui generis du producteur de base de données ; A’ titre subsidiaire sur les deux précédents points, au visa de l’article 1240 du code civil : — condamner la société Teezily à lui verser la somme de 50.000 eurosà titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire, au titre des actes de concurrence parasitaire ; — condamner en tout état de cause la société Teezily à lui verser la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire, au titre des actes de dénigrement ; — condamner en tout état de cause la société Teezily à lui verser la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts, à parfaire, au titre des autres actes de concurrence déloyale à l’origine d’un avantage économique injustifié ; — ordonner la publication des extraits significatifs de la décisionà intervenir (avec le nom et la dénomination de la partie condamnée, avec les infractions et condamnations retenues à son encontre) dans trois journaux et magazines, de son choix, aux frais de la société teezily, le tout dans une limite de 30.000 euros hors taxe, ainsi que sur la page d’accueil du site internet de la société teezily accessible à l’adresse www.teezily.com ; — condamner la société Teezily à lui’ verser la somme de
50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens. Par ses dernières conclusions de la société Teezily demande à la cour de : A titre principal, — rejeter les conclusions de la société Sprd.net signifiées le 20 janvier 2021 outre les nouvelles pièces communiquées postérieurement à savoir : pièces adverses n°6-19, 6-20, 14-9, 31 31 bis, 46, 47, 48 et 49, — débouter la société Sprd.net de l’ensemble de ses demandes en raison de leur irrecevabilité en application de l’article 954, alinéas 1 et 2 du code de procédure civile, — réformer le jugement rendu le 5 juillet 2019 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire, Statuant à nouveau, — condamner la société Sprd.net à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire, A titre subsidiaire, — débouter la société Sprd.net en raison de l’irrecevabilité de ses demandes au titre de la contrefaçon de droit d’auteur et de contrefaçon des marques en application de l’article 31 du code de procédure civile, — débouter la société Sprd.net de l’ensemble de ses prétentions. A titre infiniment subsidiaire, — limiter le préjudice de la société Sprd.net à de plus justes
proportions. En toute hypothèse, — condamner la société Sprd.net à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, — condamner la société Sprd.net aux entiers dépens d’appel. SUR CE, — Sur la demande de la société Teezily de rejet des écritures du 20 janvier 2021 de la société Sprd.net et de déclarer irrecevables ses demandes La demande de la société Teezily de rejet des conclusions signifiées le 20 janvier 2021 par l’appelante aux motifs de leur caractère tardif est inopérante, l’ordonnance de clôture prévue le 21 janvier 2021 ayant été reportée par le conseiller de la mise en état et les parties ayant pu échanger de nouvelles conclusions dans le respect du principe de la contradiction, les dernières conclusions de l’appelante, dont le rejet n’est pas sollicité, ayant alors été signifiées le 24 février 2021. Il ne sera pas fait droit à la demande de rejet des conclusions de la société Sprd.net en date du 20 janvier 2021 ainsi que des nouvelles pièces qui y étaient visées. Si en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour est saisie uniquement par les prétentions visées au dispositif des écritures des parties, la société Teezily ne peut être suivie lorsqu’elle sollicite l’irrecevabilité des demandes de la société Sprd.net aux motifs que dans ses premières conclusions d’appel, celle-ci ne saisissait la cour d’aucune prétention. En effet, ainsi que le relève l’appelante, dans ses premières conclusions signifiées le 25 février 2020, elle sollicitait, outre l’infirmation du
jugement déféré en ce qu’il a dit que la société Teezily en sa qualité d’hébergeur de données bénéficie du régime d’exonération de l’article 6-I de la loi du 21 juin 2004, l’a déboutée de ses demandes au titre de la contrefaçon de marques, du droit d’auteur et de l’atteinte à son droit sui generis sur les bases de données, des mesures d’interdiction, de publication judiciaire et l’allocation de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu’elle estime avoir subi, prétentions qu’elle a reprises dans ses dernières écritures du 24 février 2021. En conséquence, les prétentions de la société Sprd.net doivent être considérées comme recevables et les demandes à ce titre de la société Teezily seront rejetées. — Sur la responsabilité de la société Teezily La société Teezily invoque sa qualité de fournisseur d’hébergement de contenu, qualité qui a été retenue par le tribunal dans la décision critiquée par la société Sprd.net pour considérer que la société Teezily pouvait bénéficier du régime dérogatoire de responsabilité prévu à l’article 6-1-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Selon les dispositions de l’article 6-1-2 de la LCEN ‘Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de services ne peuvent voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de service si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits ou circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.
L’alinéa précédent ne s’applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l’autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa’. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne interprétant les dispositions de l’article 14 de la directive N° 2000/31 dont l’article 6-I-2 de la LCEN est la transposition en droit interne, pour bénéficier de la qualité d’hébergeur, l’exploitant du site ne doit pas jouer un rôle actif qui lui permette d’avoir une connaissance ou un contrôle des données stockées. C’est le cas lorsqu’il se contente de stocker les offres sur son serveur, de fixer les modalités de son service rémunéré et de donner des renseignements d’ordre général à ses clients. En revanche, celui-ci joue un rôle actif quand il prête une assistance laquelle consiste notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir celles-ci. Ainsi que le soutient à juste titre la société Sprd.net, le fait que la société Teezily se présente comme un hébergeur dans les mentions légales du site teezily.com qu’elle édite, ne suffit pas à la qualifier comme tel et il convient de rechercher si la société Teezily joue ou non un rôle actif qui lui permette d’avoir une connaissance ou un contrôle des données stockées sur la plate-forme qu’elle édite. L’appelante estime alors que la société Teezily trie les produits commercialisés sur sa plate-forme et participe activement à leur promotion, offre à l’ensemble des designers qui proposent des motifs à télécharger sur sa plate-forme une assistance afin de leur permettre d’optimiser leur vente ou d’estimer leur bénéfice, en les aidant dans la fixation de la valeur des produits finaux qu’elle commercialise sous son nom, que l’intimée conseille ses utilisateurs à l’aide de blogs, pages et encarts dédiés et qu’elle surveille quotidiennement les contenus diffusés sur sa plate-forme. Elle ajoute que la société Teezily intervient dans les étapes de la fabrication et de la commercialisation des produits personnalisés avec les
motifs diffusés et apporte aux clients toutes les garanties légales de conformité des produits, le client contractant directement avec elle. Selon les éléments fournis au débat et les explications des parties, le site teezily.com édité par la société Teezily, est une plate-forme permettant à des créateurs de proposer leurs créations qui, si elles rencontrent l’intérêt des utilisateurs, feront l’objet de produits fabriqués et commercialisés. Cette plate-forme propose à ces créateurs de créer un compte afin de proposer une création graphique telle que dessins, photographies, réalisés directement ou téléchargés par le créateur sur la plate-forme et ayant vocation à être imprimés sur un produit proposé à la vente dans le cadre d’une campagne de souscription d’achat d’une durée de 48 heures à 20 jours déterminée par le créateur, produit qui ne sera toutefois fabriqué et réellement vendu sur le service Teezily que si les souscriptions atteignent l’objectif choisi par le créateur. Le produit est fabriqué et vendu au prix fixé par le créateur lors du lancement de la campagne si l’objectif est atteint, dans le cas contraire, la campagne prend fin et les produits correspondants ne sont pas vendus (conditions générales de vente – procès-verbal de constat du 19 juin 2017 dressé par huissier de justice sur le site teezily.com à la demande de la société Sprd.net). Le créateur qui créée et renseigne lui-même la campagne de souscription, choisit également un ou plusieurs modèles de produits, de réaliser une campagne publicitaire sur tous supports de son choix et à ses frais, de créer un ou plusieurs ‘stores’ permettant de regrouper toutes ses campagnes et de générer un code de réduction qu’il fixe (conditions générales d’utilisation du site Internet applicables à la création de produits pièce 10 intimée). Il ressort de ce qui précède que la société Teezily propose une plate-forme de mise en relation entre des créateurs et des acheteurs, le créateur mettant seul en ligne sa création sur
le site en vue d’une impression sur un produit textile ou un autre support qu’il choisit, ce pendant un temps et à un prix qu’il fixe lui-même, moyennant un objectif de souscription également fixé par le créateur, ce dernier pouvant organiser lui-même la promotion de son produit. Aucun élément ne vient conforter l’allégation de l’appelante selon laquelle la plate-forme teezily.com offre une assistance aux créateurs pour optimiser les ventes, les rubriques ‘nos créations originales’ ou ‘nos coups de coeur’ qui seraient présentes sur le site teezily.com ne sont pas corroborées par la reproduction dans les écritures de l’appelante d’une copie d’écran de mauvaise qualité sans mention du nom de la société intimée et non datée, ces éléments ne permettant pas à la cour d’en connaître l’origine. De même, à supposer avéré que la société Teezily offre au créateur un service le guidant quant à la fixation du prix de son produit, ce qui ne ressort pas clairement des copies d’écran reproduites dans les écritures de l’appelante, cette assistance technique apparaît laisser toute liberté au créateur quant à la fixation du tarif auquel il désire commercialiser son produit. La circonstance que le site offre également au créateur un support technique pour ‘créer votre design en un clic’, publie des articles concernant des astuces à caractère général par pays pour aider le créateur dans la préparation d’une campagne, mette à la disposition des créateurs un service logistique de fabrication et de livraison des produits avec pour corollaire l’autorisation donnée par le créateur à la société Teezily de reproduire son oeuvre, et pour l’acheteur les garanties y afférent, ne suffit pas à caractériser le rôle actif de la société Teezily de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données relatives aux créations à imprimer mises en ligne sur le site et au contenu de la ‘description de la campagne’ qui les accompagne et dont le créateur est à l’origine. Enfin, le service de modération, service fourni a posteriori
sur des contenus signalés par des tiers (article 9 des conditions générales de vente – pièce n° 10 intimée) est comme l’a pertinemment relevé le tribunal cohérente avec la fonction de prestataire technique qui se doit en cas de mise en connaissance d’un contenu illicite, de procéder à son prompt retrait. Le rôle exercé par la société Teezily est neutre, en ce que son comportement est purement technique, automatique et passif, impliquant l’absence de connaissance ou de contrôle des données qu’elle stocke. L’intimée est donc fondée à se prévaloir de sa qualité d’hébergeur, au sens de l’article 6-1-2 de la LCEN. Le jugement entrepris mérite en conséquence confirmation en ce qu’il a reconnu la qualité d’hébergeur à la société Teezily et considéré que la responsabilité de cette dernière n’est pas établie s’agissant des contenus apparaissant sur son site qualifiés par l’appelante d’actes de contrefaçon de marques et de droit d’auteur ou d’agissements déloyaux. — Sur la violation des droits sui generis de producteur de base de données L’article L. 112-3, second alinéa, du code de la propriété intellectuelle prévoit que : ‘on entend par bases de données un recueil d’oeuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen’. L’article L. 341-1 du même code dispose que ‘le producteur d’une base de données, entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui’ci atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel’.
Selon les éléments fournis au débat et les explications des parties, la société Sprd.net exploite une plate-forme de commerce en ligne ‘Spreadshirt’ offrant à l’internaute des services d’impression à la demande lui permettant de personnaliser des vêtements et accessoires à l’aide de ‘designs’ variés. Cette plate-forme se compose de plus de 150 modules autonomes (micro-services) qui sont le fondement de sa fonctionnalité. Notamment, la génération des produits vendus sur les différentes places de marché internationales que propose cette plate-forme est assurée par le module ‘gestionflexiproduct’ et pour identifier les produits de base (produits vierges) sur lesquels le design du partenaire qui s’est inscrit sur la plate-forme peut être imprimé, le module ‘gestion flexi produit’ consulte celui de ‘gestion de vêtements’ qui fournit toutes les informations sur le catalogue de produits de base, les types et les zones d’impression de ces produits. Une fois que le partenaire a défini le portefeuille de produits qu’il souhaite vendre, le module de gestion des relations avec les partenaires stocke ces informations dans la ‘force de vente’ (Salesforce). Chaque fois qu’un ‘design’/ produit est ajouté au module ‘gestion flexi produit’, le module indexation des produits récupère ces données et les met à la disposition des clients dans la ‘recherche de la place de marché’. La position d’un ‘design’ dans une page de résultats de recherche sur l’interface de la place de marché est déterminée par un composant de classement spécifique qui prend en compte diverses informations de suivi. L’internaute qui est entré sur la place de marché ‘Spreadshirt’ selon différents points de départ (moteur de recherche, accès direct à la page d’accueil ou publicité payante), peut choisir parmi une variante de milliers de produits grâce à un moteur de recommandations, l’expérience client étant personnalisée (explication de l’architecture de la place de marché ‘Spreadshirt’ par son ‘chief technology officer en date du 11 janvier 2021 – pièce 46 appelante). Selon les explications de l’appelante et les copies de pages
internet non discutées qu’elle fournit, pour faciliter la navigation de l’internaute sur ce site, celui-ci est organisé en ‘fiches produits’ toutes structurées de la même façon (photographie, nom du produit, note des utilisateurs, couleurs, tailles, prix, date de livraison estimative, encart décrivant les caractéristiques du produit, encart permettant de consulter d’autres produits du même designer ou consultés par d’autres clients). L’utilisation de mots-clés permet de rattacher le produit à une catégorie, elle-même divisée en sous-catégories au sein desquelles l’acheteur peut encore trier les produits en utilisant des filtres (propriété, style, design, gamme de prix, couleur, tailles …), un algorithme de mots clés ayant en outre été mis en place. Il résulte de ce qui précède que le recueil des informations indépendantes relatives aux ‘designs’, produits de base, tarifs, disponibilités sont réunies par la société Sprd.net en un ensemble de données organisées et structurées de manière à pouvoir être facilement consultées et utilisées par les internautes et constitue bien une base de données au sens des dispositions précitées. La notion d’investissements du producteur de la base de données liés à la vérification du contenu de la base de données s’entend des moyens consacrés en vue d’assurer la fiabilité de l’information contenue dans ladite base, au contrôle de l’exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci et celle d’investissements liés à la présentation du contenu de la base de données s’entend des moyens visant à conférer à ladite base sa fonction de traitement de l’information, à savoir ceux consacrés à la disposition systématique ou méthodique des éléments contenus dans cette base ainsi qu’à l’organisation de leur accessibilité individuelle. Pour justifier d’investissements substantiels en tant que producteur de base de données, la société Sprd.net fournit aux
débats une attestation de son expert-comptable en date du 16 octobre 2017 établie pour les besoins du litige, qui distingue : — les frais de personnels pour les éléments de la place de marché qui concernent les réalisations de ‘balises, nouvelle navigation, services de balises, suivi’ pour un montant de 326.188 euros en 2013, de ‘refonte totale de l’interface, version mobile de la place de marché, amélioration de l’expérience de page d’accueil, nouveaux pays, flux SEM, étuis de téléphone 3D’ pour un montant de 493.099 euros en 2014, de ‘nouvel espace partenaire pour les designers, nouvelle recherche, partage communautaire, produits virtuels’ pour la somme de 533.593 euros en 2015, de ‘nouveau CMS, place de marché unifiée, https, améliorations SEO (optimisation référencement), voix des utilisateurs, amélioration du classement, outil de promotion’ pour un montant total de 607.666 euros en 2016, et de ‘améliorations SEO (optimisation de référencement), produits connexes sur les détaillées, réorientation du GEO, images modèles, salle d’exposition des designers, designer étendu, intégration’ pour la somme globale de 322.427 euros de janvier à juillet 2017, — les frais de personnel pour la gestion des actifs numériques soit 224.117 euros en 2016 pour la conformité et 40.694 euros de janvier à juin 2017 pour la conformité, — le investissement de marketing en ligne pour 1.815.040 euros en 2016 et 1.165.656 de janvier à juin 2017. Néanmoins, selon les considérants de la directive 96/9/CE du 11 mars 1996, la finalité du droit sui généris des producteurs de base de données est d’encourager et de protéger les investissements dans des systèmes de ‘stockage’ et de ‘traitement’ de données qui contribuent au développement du marché de l’information dans un contexte marqué par une augmentation exponentielle du volume de données générées et
traitées chaque année dans tous les secteurs d’activités. Les catégories d’investissements visés par l’expert-comptable, dont certains sont identifiés en termes particulièrement techniques (flux SEM, nouveau CMS, réorientation du GEO) ou vagues (gestion des actifs numériques – conformité – nouveaux pays ….), ne permettent pas à la cour de savoir s’il sont liés à la collecte, la vérification ou la présentation du contenu de la base de données, ce qui n’apparaît pas être le cas des investissements marketing, comme ceux liés à l’interface ou à la version mobile de la plate-forme qui sont relatifs au support informatique ou à la gestion commerciale de la plate- forme de vente en ligne et non à la production de la base de données au sens des articles L. 112-3 et L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle susvisés. La présentation globale des frais engagés ne permettent pas non plus de savoir quels sont ceux liés à l’optimisation du référencement ou à l’amélioration du classement qui pourraient être considérés comme entrant dans la notion d’investissements d’un producteur de bases de données. Aussi, la société Sprd.net échoue à démontrer les investissements substantiels auxquels elle affirme avoir procédé pour la constitution, la présentation, la vérification et la mise à jour des fiches produits stockées sur sa plate- forme ‘Spreadshirt’. Le jugement déféré mérite en conséquence confirmation en ce qu’il a débouté la société Sprd.net de ses demandes au titre de l’atteinte portée au droit sui generis du producteur d’une base de données. — Sur la procédure abusive La société Teezily forme une demande incidente pour procédure abusive mais n’apporte pas la preuve d’une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part de la société Sprd.net qui a pu légitimement se méprendre sur
l’étendue de ses droits, ni l’existence d’un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour sa défense. Le jugement mérite également confirmation de ce chef. — Sur les autres demandes Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles. Partie perdante, la société Sprd.net est condamnée aux dépens d’appel et à payer à la société Teezily, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité complémentaire qui sera, en équité, fixée à la somme de 6.000 euros. PAR CES MOTIFS : La cour, Rejette la demande de la société Teezily tendant à voir rejeter les écritures du 20 janvier 2021 de la société Sprd.net ainsi que les pièces y annexées et déclarer irrecevables les prétentions y formulées, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Vu l’article 700 du code de procédure civile, Condamne la société Sprd.net à payer à la société Teezily la somme complémentaire de 6.000 euros, Condamne la société Sprd.net aux dépens d’appel. La Greffière La Présidente
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